2023-07-27 14:18+0530 (சென்னை) — Culture — Musique — Danse — Danses indiennes — Culture indienne — Voyage en Inde XXII
Je ressuscite ce blog après une très longue interruption. Bien sûr, il y a eu le COVID, qui a pour un temps réduit significativement les opportunités d'assister à des spectacles. Toutefois, la raison principale de cette interruption est liée à ma prise de conscience de plus en plus affirmée du caractère extrêmement problématique du style de danse bharatanatyam qui est actuellement le résultat d'un processus d'appropriation culturelle qui s'est fait au cours du dernier siècle au détriment de la caste des praticiens et praticiennes originels de cette forme de danse. Une de mes lectures les plus instructives sur ce processus est le livre Celluloid Classicism de Hari Krishnan à propos duquel j'ai écrit ce compte-rendu mis en ligne sur Narthaki, qui est le portait Internet de référence sur le bharatanatyam (et plus généralement les danses “classiques” indiennes) ; cependant, les articles qui y sont publiés sont généralement complètement vides d'un point de vue esthétique et ne font qu'appuyer le discours dominant.
J'ai acquis la conviction que mes aspirations esthétiques en tant que spectateur étaient parfaitement alignées avec la volonté politique que les artistes héréditaires de bharatanatyam soient mieux représentés. En effet, j'ai souvent observé des récitals de grandes interprètes qui, plutôt que de s'associer à des artistes héréditaires compétents pour composer des séquences techniques de danse, ou ne serait-ce que de puiser dans le répertoire traditionnel de jatis qu'elles ont appris auprès de leurs maîtres héréditaires (nattuvanars), préfèrent commander des compositions rythmiques à des percussionnistes. J'ai plusieurs fois été horrifié par le caractère anti-musical de certaines de ces créations. J'ai eu le sentiment que cela participait d'une entreprise de destruction de la musique et de la danse.
Mes seules satisfactions avec ce style viennent de mon apprentissage avec le maître héréditaire Kuttalam M. Selvam, et des très rares occasions d'assister à des récitals, où, sans que les artistes héréditaires soient forcément physiquement présents, leur apport esthétique est un minimum audible ou visible.
Music Academy, Kasturi Srinivasan Hall, Chennai — 2023-07-26 à 18:00
Bhavya Kumaran
Sowmya Kumaran, nattuvangam
Murali Parthasarathy, chant
Vedakrishnaram, mridangam
B. Muthukumar, flûte
?, violon
Alarippu (Mishra Chapu Tala)
Jatiswaram (Raga Saveri, Rupaka Tala)
Varnam “Nadani azhaithtuva...” (Raga Kambhoji, Adi Tala)
Ashtapadi “Yahi Madhava” (Adi Tala, Raga Sindhu Bhairavi)
Javali (Raga Khamas, Rupaka Tala), composition de Patnam Subramaniam Iyer
Tillana (Raga Hindolam, Adi Tala), composition de Dandayudhapani Pillai
J'avais déjà eu l'occasion de voir danser Bhavya Kumaran en août 2022 lors de sa participation au festival Spirit of Youth de la Music Academy auquel j'assiste très régulièrement depuis 2015. Elle avait alors obtenu le deuxième prix (derrière le très méritant Shabin Bright) et a été réinvitée pour un récital de la HCL Series. J'avais beaucoup apprécié ce récital qui m'avait semblé être comme une capsule temporelle donnant une certaine indication de ce que pouvait être la danse bharatanatyam il y a 30 ou 40 ans. En effet, la mère de la danseuse, Sowmya Kumaran, a appris la danse initiallement auprès de l'artiste héréditaire Jayalakshmi Arunachalam, puis a émigré aux États-Unis, y a enseigné à sa fille Bhavya, en maintenant manifestement un grand soin dans la préservation de la forme traditionnelle du récital Margam, du vocabulaire des adavus et des particularités du style de Thanjavur. Cela reste bien sûr problématique, mais il s'agit manifestement de personnes qui comprennent la valeur de la contribution esthétique des artistes héréditaires.
Le récital de ce soir a été de très grande qualité. J'ai été agréablement surpris que le programme commence par deux types de pièces qui tendent à disparaître des programmes : Alarippu et Jatiswaram. Comme dans tout le reste du récital, la complète maîtrise technique de la danseuse est évidente. Les comptes de la danse restent modérément complexes et plutôt en vitesse moyenne, ce qui permet de bien apprécier les moindres mouvements ornementaux de la danseuse. Une des particularités de certains maîtres originaires de Thanjavur (comme Guru Herambanathan Pillai) apparaît dans le Jatiswaram et sera aussi visible dans le Varnam : chaque korvai est précédé d'une ligne complète de mouvements de tête (attami) qui procurent une respiration bienvenue dans les chorégraphies.
Toutefois, ce récital n'est pas exactement ancré dans la même tradition que celui auquel j'avais pu assister en 2022. En effet, la pièce principale du récital, le Varnam “Nadani azhaithtuva...”, ainsi que les deux pièces de pur abhinaya suivantes ont été enseignées par la danseuse Lavanya Ananth, qui fait partie des rares artistes qui respectent très fidèlement la forme du Margam. Tout en gardant certaines spécificités du style originel de la danseuse, la chorégraphie comporte des jatis très jubilatoires de la tradition Vazhuvoor, dont le magnifique jati off-beat “ta ri tatana ta ri tajono...” composé par Vazhuvoor Ramiah Pillai : le décalage volontaire entre les ononatopées récitées et les pas de danse sont très bien mis en valeur par la danseuse. Les motifs de Tattu Muttu sont relativement complexes, notamment par l'utilisation de triolets (tishra-nadai), mais restent très musicaux. Les sections d'abhinaya de la première partie du Varnam développent selon le schéma traditionnel l'évolution du sentiment amoureux de l'héroïne pour le dieu Muruga. Le Pallavi évoque une jeune héroïne qui s'émerveille de la vue de Muruga, et qui souhaite l'épouser. Elle croit sentir sa présence, mais ce n'est qu'une illusion. L'Anupallavi met en scène le sentiment de séparation amoureuse de l'héroïne, qui entretemps a grandi. Il est très appréciable que la chorégraphie se focalise résolument sur les sentiments de l'héroïne, allant ainsi à contre courant de la tendance actuelle qui consiste à narrer de multiples exploits du dieu concerné sans rapport évident avec le texte chanté.
Les deux pièces d'Abhinaya qui ont suivi ont été enseignées par Lavanya Ananth, et s'inscrivent dans le style de Kalanidhi Narayanan. Chacune des deux pièces commence ainsi par un prélude accompagné par le percussionniste et les instruments mélodiques avant que le texte de la composition musicale ne se fasse entendre. J'ai particulièrement apprécié le caractère espiègle du Javali dans lequel l'héroïne, touchée par les flèches de Kama, ne peut retenir son sentiment amoureux pour Venkateshwar.
Le récital s'est conclu par un très beau Tillana dédié à Shiva (composé par le nattuvanar K. N. Dandayudhapani Pillai).
2019-11-02 16:03+0100 (Paris) — Culture — Musique — Danse — Danses indiennes — Culture indienne
Maison de l'Inde, Cité universitaire — 2019-10-08
Anusha Cherer, danse bharatanatyam
Bhavana Pradyumna, chant carnatique, nattuvangam
Venkat Krishnan, mridangam
Charles Parameshwaralingam, violon
Dr M. Balamuralikrishna, compositions
Sivaselvi Sarkar, Rama Vaidyanathan, Vidhya Subramanian, Anusha Cherer, chorégraphies
Pushpanjali (Adi Tala, Raga Arabhi), chorégraphie de Sivaselvi Sarkar
Varnam “Omkara” (Adi Tala, Raga Shanmukhapriya)
Ashtapadi “Yahi Madhava” (Adi Tala, Raga Sindhu Bhairavi)
Thillana (Adi Tala, Raga Kadana Kuthuhalam)
Mangalam
(Full disclosure: Le spectacle dont je rends compte ici a été organisé par la chanteuse Bhavana Pradyumna avec qui j'ai eu plusieurs fois l'occasion de collaborer sur plusieurs spectacles.)
Depuis qu'elle s'est installée à Paris il y a quelques années, la chanteuse carnatique Bhavana Pradyumna organise tous les ans un événement Nritya Naada où des compositions de danses sont présentées. La première édition en 2016 était consacrée au répertoire de M. S. Subbulakshmi, la deuxième en 2017 (à laquelle je n'ai pas assisté) au compositeur-chorégraphe Madurai Muralidharan, la troisième en 2018 au compositeur et violoniste Lalgudi Jayaraman. L'édition 2019 est consacrée aux compositions de Dr. M. Balamuralikrishna que j'eus le privilège d'entendre lors d'un très bref mais néanmoins inoubliable concert en 2013.
Il faut souligner cette initiative, puisque depuis le désengagement du Théâtre de la Ville et du Musée Guimet des danses classiques indiennes, il est devenu très rare d'assister à des récitals complets de danse bharatanatyam qui soient accompagnés de musiciens. Comme lors de l'édition 2018 de Nritya Naada, c'est un Margam relativement fourni qui est interprété par les musiciens et par la chanteuse.
Certaines des compositions de Dr. M. Balamuralikrishna sont devenues des classiques du répertoire dansé. C'est le cas d'un certain nombre de ses Thillanas ainsi que du Pushpanjali en Raga Arabhi qui fait partie de ce programme. J'avais déjà entendu parler de son Varnam Omkara parce qu'une danseuse que je connais très bien avait envisagé de le danser, mais je ne l'avais jamais vu sur scène.
Pour ce programme avec musiciens, la danseuse est Anusha Cherer dont j'avais déjà apprécié le travail lors de précédents récitals en 2015 et 2018. Le programme commence par le Pushpanjali “jhem jhem tanana” chorégraphié par Sivaselvi Sarkar, le guru de la danseuse, qui l'avait déjà interprété lors de son dernier récital au Centre Mandapa. C'est un réel plaisir d'entendre et de voir cette danse interprétée de façon très musicale.
La pièce principale du récital est le Varnam “Omkara” en Raga Shanmukhapriya et Adi Tala. Le programme ayant été préparé en très peu de temps (deux semaines), la danseuse a utilisé des jatis qu'elle avait déjà dansés lors de son précédent récital au Centre Mandapa. J'ai en particulier reconnu le tri-kala sur le thème “Ta di nutadimi ta di nutadimi ta nutadimi ta takundari kitataka” extrait d'un autre Varnam chorégraphié par Rama Vaidyanathan, la composition rythmique étant probablement due au défunt Karaikudi Sivakumar. Ses jatis sont en général très complexes, et j'avoue n'avoir que très rarement réussi à clapper le tala lors que j'ai entendu ses jatis lors de spectacles... Ici, la récitation et les thalams sont assurés par la chanteuse Bhavana Pradyumna dont la récitation m'a semblé très régulière dans ces jatis. Fait rare en France, les arudis sont bien exécutés ! Le texte du poème fait l'éloge de celui qui représente la musique qui est issue du son primordial Om. La ligne d'Anupallavi fait plus spécifiquement référence à celui qui porte la flûte (Krishna), et le Muktayi évoque sans ambiguité Vishnu sous la forme de Padmanabha. Ces lignes de texte ont été très bien interprétées par la danseuse.
Le temps de répétition très court pour ce récital s'est à mon avis un peu fait sentir dans l'exécution de la deuxième moitié du Varnam. La deuxième moitié d'un Varnam est en général exécutée à un tempo supérieur, ce qui rend plus difficile l'exécution des séquences techniques et rend quasiment impossible la parfaite intelligibilité du sens du texte exprimé par la danse. La deuxième moitié de ce Varnam est particulièrement complexe rythmiquement parlant, puisque les Ettugada Swarams (ainsi que les paroles associées) ne commencent pas au début du cycle, mais off-beat, et se reconnectent avec une ligne de Caranam, qui si, elle, démarre bien sur le premier temps, présente quelques petites difficultés rythmiques. En principe, les phrases chorégraphiques de ces Swarams devraient donc commencer off-beat, ce qui n'est pas facile à danser... Je ne saurais dire qu'elle était exactement l'intention, mais j'ai senti une certaine hésitation de la danseuse au démarrage de ces Swarams. Je sais à quel point c'est difficile ! mais il aurait été souhaitable que la chanteuse aux thalams et le percussionniste donnent des indications rythmiques plus claires pour permettre à la chanteuse de démarrer plus facilement au bon moment. J'ai été néanmoins impressionné par le démarrage parfaitement off-beat de la danseuse lors des très-redoutables Tatti Metti de la dernière phrase d'Abhinaya ! Par ailleurs, dans cette deuxième partie de Varnam dans laquelle des parties du corps de Vishnu sont comparées à un lotus, j'ai particulièrement apprécié la poésie de la description de la Nature dans le troisième Ettugada Sahitya. Malgré les imperfections de cette performance, qui sont très excusables en raison des courts délais de répétition, j'ai apprécié de pouvoir voir en France un Varnam dansé avec des musiciens.
La pièce suivante n'est pas une composition de Balamuralikrishna : il s'agit de l'Ashtapadi “Yahi Madhava”, extrait du Gita-Govinda de Jayadeva. J'ai eu de nombreuses occasions de le voir représenter. À chaque fois, c'est une expérience différente. Dans le style odissi, j'avais apprécié l'interprétation de Mahina Khanum en 2015 dans une chorégraphie de Kelucharan Mohapatra transmise par Madhavi Mudgal que j'ai eu l'occasion de voir interpréter cette pièce cet été à Delhi. Anusha Cherer a appris cette pièce lors d'un stage avec la danseuse Vidhya Subramanian. De même que dans la version de Kelucharan Mohapatra, la chorégraphie met en scène non seulement les reproches adressés par Radha à Krishna qui sont contenus dans le texte, mais aussi des réponses quelques peu fantaisistes de Krishna qui tente de donner une explication alternative à la présence de marques sur son corps qui trahissent son infidélité. Par exemple, il prétend que les griffures laissées par les ongles de l'autre résultent d'une chute dans les ronces alors qu'il essayait de cueillir des fleurs pour Radha (qui le met en défaut parce qu'il ne les a pas apportées !). Comme dans son précédent récital, j'ai été impressionné par l'Abhinaya d'Anusha Cherer.
Il se trouve que ce n'est pas la première fois que je vois une danseuse
française danser cette pièce transmise par Vidhya Subramanian. Ainsi, j'ai
aussi eu deux fois l'occasion de voir Iran Farkhondeh très bien danser
cette pièce. Je suis donc très étonné par le contraste radical entre les
interprétations de ces deux danseuses. Le scénario
est le même dans
les deux cas, mais l'incarnation est me semble-t-il complètement
différente. Le point de vue d'Iran Farkhondeh était me semble-t-il
d'incarner le personnage de Radha pendant toute la durée de la pièce, ce
qui extrêmement difficile à interpréter puisque lorsque Krishna fait ses
réponses, la danseuse ne peut se transformer en Krishna : elle doit
continuer à incarner Radha et ne peut nous faire comprendre le discours de
Krishna qu'à travers la réaction de Radha à ces paroles. Le seul sentiment
exprimé est celui de la colère froide de Radha. Au contraire, dans
l'interprétation d'Anusha Cherer, si le point de vue principal est
résolument celui de Radha, la danseuse devient
clairement Krishna
quand il répond aux reproches de Radha. J'ai apprécié cette interprétation
qui permet une réconciliation future entre Radha et Krishna : on sait bien
qu'ils vont se réconcilier ! D'ailleurs, dans l'interprétation d'Anusha
Cherer, à la fin de la pièce, quand Radha se détourne de Krishna, on sent
qu'elle hésite quelque peu.
Le récital s'est conclu par un très joyeux Tillana de Balamuralikrishna. Il faut féliciter la personne qui a présenté les pièces pour avoir réussi à prononcer le nom du Raga Kadana Kuthuhalam sans la moindre hésitation ! J'ai particulièrement apprécié la complicité entre la chanteuse et le violoniste dans l'interprétation de cette composition très connue. J'ai pris beaucoup de plaisir en voyant Anusha Cherer interpréter cette pièce. Le moment le plus irrésistible que je retiens est celui, en début de pièce, où elle a interprété de somptueux Mai Adavus avec le mudra Tripataka.
Anusha Cherer dansera avec ses élèves à Paris le 14 décembre.
Venkat Krishnan, Aniruddha & Bhavana Pradyumna, Charles Parameshwaralingam, Anusha Cherer
2019-10-21 09:15+0200 (Orsay) — Culture — Musique — Danse — Danses indiennes — Culture indienne
Centre Mandapa — 2019-09-27
Anuya Rane, bharatanatyam
Mallari (Raga Gambhira Nattai, Mishra Triputa Tala)
Alarippu (Tishra Ekam Tala)
Jatiswaram (Raga Chakravakam, Tishra Ekam Tala, composition du Thanjavur Quartette)
Varnam “Moham aginen inda velaiyil” (Raga Karaharapriya, Adi Tala, composition de Dandayudhapani Pillai)
Nindastuti (Rupaka Tala)
Thillana (Raga Revati, Adi Tala, composition de Madurai N. Krishnan)
J'avais déjà eu l'occasion de voir Anuya Rane danser lors d'un spectacle avec Vaibhav Arekar au Musée Guimet en 2013. Cette fois-ci, elle a interprété en solo un Margam, un récital de format traditionnel, devant un public malheureusement trop peu fourni dans la salle du Centre Mandapa.
Le récital a commencé par un Mallari en Mishra Triputa (11 temps), dans un enregistrement chanté par Preethy Mahesh, incluant diverses vitesses y compris le tishra nadai. La danseuse évoque la procession d'une divinité. La danse technique est musicale, mais dans cette pièce, la danseuse est parfois quasiment debout pour exécuter des mouvements que l'on imaginerait davantage exécutés en demi-plié.
Le récital se poursuit avec l'Alarippu à trois
temps. La chorégraphie de la danseuse utilise des éléments de la
chorégraphie traditionnelle, comme des mouvements d'épaules et des yeux,
exécutés en grand, prenant le contre-pied de l'opinion généralement admise
actuellement visant à les rendre aussi petits que possibles. L'utilisation
de l'espace par la danseuse comporte quelque originalité, comme
lorsqu'elle utilise des mouvements en diagonale ou n'utilisant qu'une seule
main à la fois. La composition rythmique présente aussi une surprise dans
la construction du jati de l'Alarippu qui ne se finit pas ici par
l'habituel motif croissant
tadinginatom-takatadinginatom-takadikutadinginatom
, mais qui
l'inclut dans une triple formule en accordéon
: la formule
croissante habituelle est dite une fois à l'endroit, puis une fois à
l'envers (en décroissant), et une dernière fois à l'endroit de façon
légèrement différente
(tadin-ginatom)(takatadin-ginatom)(takadikutadin-ginatom)
.
Après cette entrée en matière, la première pièce véritablement substantielle est un Jatiswaram traditionnel composé par le Thanjavur Quartette. Je ne connaissais cette composition en Raga Chakravakam que par un opportun effet Zahir, mon professeur m'en ayant parlé quelques jours auparavant. Dans cette pièce, j'apprécie la simplicité des marches de transition effectuées avec épaulement, la beauté des passages techniques, très bien exécutés, et très clairs rythmiquement.
La pièce principale du récital est le Varnam “Moham aginen inda velaiyil” en Raga Karaharapriya et Adi Tala composé par le Nattuvanar Dandayudhapani Pillai. Avant que la composition proprement dite ne commence, pendant l'Alap, la danseuse incarne l'héroïne qui dans un rêve croit apercevoir Shiva. À son réveil, elle comprend que ce n'était qu'une illusion. Comme dans le Jatiswaram, la partie technique de la danse est très maîtrisée par la danseuse, toujours exacte rythmiquement, y compris dans les motifs rapides des arudis ponctuant la fin des Jatis. Dans cette version du Varnam, il y a une double ration de Jatis. En effet, entre la première et la seconde ligne du Pallavi intervient habituellement le deuxième Jati d'un Varnam, mais ici, au lieu d'un jati, il y en a eu deux à la suite, et de même avant chacune des autres lignes de textes de la première partie du Varnam, comme le font certaines écoles de bharatanatyam. Dans le Pallavi, l'héroïne exprime à quel point elle est intoxiquée, alors qu'elle est touchée par les flèches de Kama. La danseuse a été très musicale pendant tout le récital, et son Abhinaya m'a plu, mais j'ai trouvé dommage que les frappes de pieds aient été aussi violentes quand il s'agissait d'exprimer que l'héroïne était atteinte par les flèches florales de Kama. Dans l'Anupallavi, la chorégraphie met en scène la danse de Shiva-Nataraja dans le temple de Chidambaram et l'héroïne demandant à son amie que le dieu vienne l'enlacer. Plus loin, elle se plaint du mal que lui fait la lumière reflétée par la Lune. Dans la deuxième partie du Varnam, l'héroïne souffre de la séparation. De façon intéressante, une des lignes de texte fait écho au rêve qui avait été mis en scène pendant l'Alap. Il n'y avait pas eu de Tattu Muttu dans la première partie du Varnam. Les lignes de textes de la deuxième moitié ont inclus des Tattu Muttu, qui étaient très en place rythmiquement, mais malheureusement pas suffisamment accentués à mon goût, ce qui est étonnant puisque les frappes étaient très bien appuyées dans les beaux passages techniques de ce Varnam.
La composition suivante est un Nindastuti, dans lequel une dévote semble critiquer de façon ironique le dieu Shiva. Elle prétend ne faire que rapporter les commérages que les gens font à propos de lui. La danseuse avait déjà interprété cette pièce lors du récital avec Vaibhav Arekar. Il ne porte qu'un quart de Lune, et même pas la Lune toute entière. C'est un mendiant, qui mange les restes des repas des autres. Il n'a pas d'endroit où poser son deuxième pied. Sa monture (le buffle) lui donne une démarche ridicule. Comme dans le Varnam, l'Abhinaya de la danseuse est très convaincant !
Le récital s'est conclu par le Tillana en Raga Revati et Adi Tala composé par Madurai N. Krishnan. J'ai apprécié de voir cette composition dansée dans un tempo plus raisonnable que dans la chorégraphie différente que je connais.
Il est devenu rare que l'on voie à Paris un Margam aussi complet et bien exécuté. Merci beaucoup à la danseuse pour ce récital !
2019-08-31 17:28+0300 (Helsinki) — Culture — Musique — Danse — Danses indiennes — Culture indienne — Voyage en Inde XIX
(Full disclosure: le jour de ce récital, j'ai eu le plaisir de déjeuner en tête-à-tête avec le guru de la danseuse, Praveen Kumar, qui souhaitait me rencontrer depuis longtemps. Il ne m'a alors pas donné d'informations à propos de ce récital que je ne connusse déjà, comme le choix du Varnam et du Javali. Après le récital, il m'a demandé de lui envoyer mon feedback. Le billet qui suit est essentiellement une adaptation en français des observations que je lui ai envoyées, et qu'il a beaucoup appréciées !)
Depuis 2015, j'essaye de faire en sorte d'être à Chennai au début du mois d'août afin d'assister au festival Spirit of Youth qui se tient dans la petite salle de la Music Academy. Tous les soirs du 1er au 10 août, de jeunes musiciens et danseurs de moins de 25 ans se produisent. Un jury très discret assiste à toutes les représentations et décerne des prix qui sont formellement remis lors de la soirée d'inauguration du Festival de la Music Academy en janvier. Cette fois-ci, j'ai assisté à sept des dix récitals de danse. Je reviens ici sur le récital qui m'a le plus marqué, celui de Shreema Upadhyaya, disciple de Guru P. Praveen Kumar (Bangalore).
The Music Academy, Kasturi Srinivasan Hall, Chennai — 2019-08-03
Shreema Upadhyaya, bharatanatyam
Sri. P. Praveen Kumar, nattuvangam, chorégraphies
Sri. Karthik Hebbar, chant
Sri. Gurubharadwaj, mridangam
Sri. Aniruddha, violon
Shloka, suivi de “Gajamukha...” (Raga Mayamalavagaula, Adi Tala), composition de Vadiraja Swami
Alarippu (Khanda Chapu)
Navarasa Shloka, poème d'Adi Shankaracharya
Varnam “Rupamu Juchi” (Adi Tala, Raga Todi), composition attribuée à Muthuswami Dikshitar
Javali “Sako Ninna Sneha” (Mishra Chapu Tala, Raga Kapi), composé par Venkatagiri Shastri
Kirtana “Ododi Vandhen Kanna” (Adi Tala, Raga Dharmavati), composé par Ambujan Krishna
Thillana (Adi Tala, Raga Thillang), composé par Lalgudi G. Jayaraman
Après une invocation chantée de Ganesh, le récital a commencé par un Alarippu en Khanda Chapu qui m'a semblé superbement dansé. J'ai aussi particulièrement apprécié la récitation par Praveen Kumar qui dans cet Alarippu comme dans les jatis du Varnam utilise différentes types d'intonation, parfois plus douce, parfois plus forte que la normale.
La danseuse a poursuivi avec un Shloka “Sharada...” dédié à la Déesse, principalement en tant que Saraswati. Le choix d'interprétation consiste à incarner l'émerveillement (adbhuta) suscité par celle qui porte la vina.
Shreema Upadhyaya
(Les photographies ont été prises lors d'un
précédent programme.)
La pièce princiale du récital a été le Varnam “Rupamu Juchi” qui est, peut-être faussement, attribué à Muthuswamy Dikshitar, qui n'a jamais rien composé pour la danse. En effet, cette composition n'est pas prévue pour la danse puisque la deuxième partie de ce Chauka Varnam ne comportait initialement que des Ettugada Swarams en plus de la ligne de Caranam. Les paroles (Ettugada Sahitya) ont été composées par le musicien Tiger Varadacharya dans les années 1930 à la demande de Rukmini Devi Arundale. Depuis, ce Varnam fait partie du répertoire de Kalakshetra, et au cours de ce festival Spirit of Youth, j'ai eu l'occasion de voir une autre danseuse interpréter ce Varnam de façon probablement rigoureusement conforme à la volonté de Rukmini Devi, cf. plus bas...
La chorégraphie interprétée par Shreema Upadhyaya est celle de son guru Praveen Kumar. J'ai particulièrement apprécié la musicalité des passages techniques : Jatis et Swarams, tous magnifiquement chorégraphiés et dansés. Dans les Tirmanams, Praveen Kumar utilise des intervalles de silence (karvais) plus longs que ne le font la plupart des chorégraphes. Il est facile d'aider la danseuse en remplissant le vide musical avec des frappes des thalams (cymbales), mais Praveen Kumar ne l'a pour ainsi dire pas fait, son élève étant parfaitement capable de tenir les silences en reprenant exactement là où il le faut. Visuellement, les chorégraphies m'ont semblées très belles, notamment par l'utilisation d'adavus relativement peu utilisés, comme les Nattadavus doublés ou les adavus n'utilisant qu'une main (comme ceux introduits par Muthuswamy Pillai). Mon plus grand plaisir est venu du contraste entre les différentes vitesses dans les mouvements. Par exemple, le troisième Jati était essentiellement en vitesse moyenne, mais depuis cette vitesse, la danseuse pouvait accélérer ou au contraire ralentir les mouvements. Au contraire, le deuxième Jati a commencé à une vitesse exquisement lente, et les mouvements se sont accélérés vers la fin. J'ai apprécié la musicalité de la danseuse, capable de produire de beaux contrastes d'intensité sonore pour les différents pas : c'était particulièrement délectable dans le quatrième Jati dans laquelle la danseuse accentuait la deuxième syllabe des ta-TAI-tai-ta (Vishru/Marditha) adavus. L'architecture rythmique de ce dernier Jati de la première moitié du Varnam était particulièrement intéressante puisque le premier bloc conclusif comportait des séries de "tadiginatom" (précédés de karvais), le deuxième bloc était fait de "dikutadiginatom" et le dernier bloc de "takadikutadiginatom". Aussi, dans toute la danse pure, j'ai apprécié la beauté de l'inattendu (visuel ou rythmique), qui pouvait arriver à tout moment, quoique plus particulièrement à la toute fin des Jatis.
J'ai apprécié l'Abhinaya de la danseuse dans ce récital : très claire et expressive, sans maniérisme ni sur-ornementation. Au début du Varnam, l'héroïne admire Shiva. Il porte le croissant de Lune, la peau de tigre, etc. Elle cherche à se rapprocher de lui. Plus loin, elle craint son indifférence ou sa colère, lui qui a réduit en cendres Kama. Dans la première ligne de l'Anupallavi, la danseuse interprète de façon remarquable deux Sancharis, l'un évoquant le jeune Markandeya et l'autre le rôle de Shiva en tant que Nilakantha lors du barattage de la mer de lait. J'ai apprécié que ces Sancharis ne soient pas excessivement dramatisés. Par exemple, pour le premier Sanchari, elle ne joue que le rôle de Markandeya : elle ne montre pas Yama, le dieu de la Mort, venu mettre un terme à la vie du garçon. Elle suggère seulement brièvement la douleur de Markandeya. Ce n'est pas un combat terrible et très long comme je l'ai déjà vu (et cela m'a parfois très impressionné). Je souscris complètement à ce choix esthétique, qui demande certes une attention soutenue des spectateurs, mais qui permet aussi de ne jamais perdre de vue le sens du texte. C'était magnifiquement fait, mais il va sans dire qu'il y a quelques années je n'aurais rien compris à ce qui se jouait là ! (L'investissement du chanteur Karthik Hebbar est à noter, puisqu'il a chanté les Sancharis, ce qui est assez rare à Chennai, le violoniste ou flûtiste prenant habituellement le relais pour ces développements.)
La deuxième ligne de l'Anupallavi nomme Shiva sous le nom de Tyagaraja, sa forme résidant à Tiruvarur, où je ne suis malheureusement pas encore allé. En voyant l'abhinaya de la danseuse, je me suis demandé s'il n'y avait pas quelque ironie dans la frustration de l'héroïne, puisqu'une toute petite partie du corps de Tyagesha y est visible...
Dans la deuxième moitié du Varnam, s'il y a une chose que je retiendrai, c'est le sublime Arudi que la danseuse a exécuté la toute première fois. Cette ponctuation intervient à la fin des Swarams. Rythmiquement, cela devrait ressembler à quelque chose comme ça :
La série de “dit ta -“ rapides était exécutée avec des frappes de pieds en Araimandi, alors que les mains de la danseuse étaient liées au-dessus de sa tête. La conclusion de l'Arudi au milieu du cycle avec les trois dernières syllabes “di di ta” (en vert ci-dessus) se faisait sans mouvements de pieds, uniquement avec un délicat mouvement d'épaule. C'était sublimement exécuté. Pour ponctuer tous les Swarams suivants, la danseuse a refait le même Arudi, mais au lieu de terminer avec uniquement trois mouvements d'épaules, elle a en même temps fait aussi trois frappes de pieds. Cela m'a fait croire que l'intention était de faire à la fois des mouvements d'épaules et de pieds pour conclure l'Arudi de la deuxième moitié du Varnam. J'ai alors cru que la première version dansée (sans les pieds, uniquement les mouvements d'épaule) était une erreur, mais une erreur tellement sublime que cela méritait à mon avis d'être la façon correcte d'exécuter cet Arudi, et Bingo ! quand je m'en suis émerveillé auprès du chorégraphe, il a confirmé que c'était en fait son intention de conclure uniquement avec des mouvements d'épaule...
Dans le Javali dans lequel l'héroïne est en colère avec son amant qu'elle soupçonne d'être infidèle, j'ai apprécié l'aptitude de la danseuse à bien caractériser les différents personnages. Dans toutes les parties d'Abhinaya de ce récital, y compris la composition d'Ambujam Krishna dans laquelle l'héroïne cherche Krishna, qu'elle trouve finalement, j'ai aimé l'aisance avec laquelle la danseuse pouvait suggérer beaucoup sans utiliser le moindre mouvement ou position des mains, mais en utilisant uniquement les yeux ou des micro-mouvements du corps.
Le Thillana a été un pur régal pour moi. J'ai été amusé par le caractère créatif de la seconde série de Mai Adavus dans laquelle la danseuse fait faire un tour et demi à ses bras tenus, comme si une roue tournait. Contrairement à ce que suggère la description, c'était très élégant, comme tout ce qu'a dansé Shreema Upadhyaya. Je me suis particulièrement délecté d'un adavu que j'ai rarement eu l'occasion de voir (auquel je donne le nom de crocodile-mouth-opening ta-tai-tai-ta).
De tous les spectacles que j'ai eu l'occasion de voir cet été en Inde, c'est sans doute celui qui m'a le plus satisfait. Bravo à Shreema Upadhyaya et à son guru Praveen Kumar pour ce merveilleux moment !
⁂
Les résultats du concours Spirit of Youth 2019 sont tombés cette semaine. Mes favories étaient Shreema Upadhyaya et Shruthipriya R, mais le jury a préféré Bristy Rani (disciple de Sheejith Krishna) et n'a accordé que le deuxième prix à Shruthipriya R.
Voici très brièvement mes impressions sur les participants que j'ai vus :
2019-06-22 14:11+0200 (Orsay) — Culture — Musique — Danse — Danses indiennes — Culture indienne
Centre Mandapa — 2019-04-11
Kalpana, bharatanatyam
Emmanuelle Martin, chant carnatique
Venkat Krishnan, mridangam
Offrande de fleurs et Shloka “Mūṣikavāhana” (Raga Natai, chorégraphie de Kalanidhi Narayanan)
Muruga Kautwam (Raga Shanmukhapriya, Chatushra Ekam Tala, chorégraphie de Muthuswamy Pillai)
Jatiswaram (Raga Vasanta, Rupaka Tala, composition du Thanjavur Quartette, chorégraphie de Muthuswamy Pillai)
Kalaitooki (Raga Harikamboji, Adi Tala, composition de Marimuttu Pillai, chorégraphie de Muthuswamy Pillai)
Kṛṣṇakarṇāmṛtam (Shloka) “Rāmo nāma babhūva” (Ragamalika, poème de Bilvamangala, chorégraphie de Kalanidhi Narayanan)
Kriti “Sukhi Evaro” (Raga Kanada, Adi Tala, composition de Tyagaraja)
Tillana (Raga Shankarabharanam, Adi Tala, composition de Pooci Srinivasan Iyengar, chorégraphie de Muthuswamy Pillai)
Annapūrṇāstotram (deux shlokas) (poèmes d'Adi Shankaracharya, chorégraphie de Kalanidhi Narayanan)
J'ai déjà eu plusieurs fois l'occasion de voir danser Kalpana (notamment en 2015, 2017). Je respecte son parcours auprès de ses gurus V. S. Muthuswamy Pillai et Kalanidhi Narayanan, et son travail de professeur qui lors de spectacles de ses élèves m'a permis de voir des chorégraphies de Muthuswamy Pillai et de son fils Kuttalam M. Selvam : j'avais déjà eu l'occasion de voir ce style chez Mallika Thalak, Nancy Boissel, Ofra Hoffman, mais ce fut un récital d'élèves de Kalpana qui en 2015 qui me fit franchir le pas et envisager sérieusement de recevoir l'enseignement de Guru Kuttalam M. Selvam à Chennai, auprès de qui je prends des cours plusieurs semaines par an depuis. Je lui suis donc reconnaissant pour cela ainsi que pour quelques unes de ses initiatives, comme par exemple une Master-class avec Malavika Klein, la doyenne des danseuses et danseurs de bharatanatyam en France, à laquelle j'ai eu le privilège de pouvoir participer.
Je voudrais rappeler que si je suis ici souvent critique sur certains aspects de récitals auxquels j'assiste, il ne s'agit aucunement d'attaques personnelles : je tente de rendre compte de mon expérience esthétique, qui relève de mon ressenti lors d'un spectacle tout en étant indissociable de connaissances progressivement acquises au fil des années sur la forme artistique. Ainsi, certaines de mes remarques sont plutôt objectives puisque l'on peut considérer qu'elles reposent sur des faits (est-ce que les pas de danse sont exécutés de façon musicale ?) et d'autres sont plus subjectives (place d'une pièce comme Eppadi manam dans le répertoire). Sur ce qui est de nature plutôt objective, il peut m'arriver de me tromper (et je revendique le fait d'écrire mes billets avec une clarté suffisante pour qu'il soit au moins possible de pointer une erreur factuelle), et sur ce qui est plus subjectif, il peut exister plusieurs opinions, et je serais ravi de discuter de tels différends esthétiques.
Ce double préambule ayant été fait, venons-en au récital du 11 avril. J'aurais sincèrement aimé apprécier ce récital, mais je n'ai pas pu le regarder sans éprouver un certain malaise.
La première double pièce du récital était accompagnée par la chanteuse
Emmanuelle Martin pour qui j'ai la plus grande admiration. Cependant, j'ai
peu goûté la première chorégraphie intitulée Offrande de fleurs
qui
m'a semblé très austère, quasiment funèbre, à l'exact opposé de
l'atmosphère pleine de vie habituellement créée par un
Pushpanjali. Cette offrande était accompagnée d'un Alap,
donc sans pulsation rythmique régulière, et la chorégraphie consistait
principalement en une salutation aux points cardinaux entrecoupée de longs
moments d'immobilité. La danseuse a ensuite interprété le Shloka
Mūṣikavāhana dédié à Ganesh, celui dont le véhicule est une
souris.
Les trois pièces suivantes utilisaient des musiques enregistrées dans lesquelles on pouvait entendre le magnifique chanteur Madurai T. Sethuraman. Dans le Muruga Kautwam et encore plus particulièrement dans le Jatiswaram, j'ai été très gêné par le manque de musicalité dans l'interprétation des passages techniques. Pour moi, le bruit des pas fait partie intégrante de la composante musicale de la danse bharatanatyam, et il ne s'agit pas là de frapper tous les pas comme une brute. Au minimum, les mouvements doivent être exécutés en rythme, mais je pense qu'idéalement, on devrait pouvoir entendre la composition rythmique des enchaînements rien qu'en écoutant les pas. Le génie du chorégraphe Muthuswamy Pillai réside à mon avis autant dans sa façon particulière de créer des adavus et d'utiliser l'espace que dans la complexité de ses compositions rythmiques. Je ne peux apprécier ce dernier aspect quand les mouvements de pieds “diditai” sont escamotés ou à peine esquissés, et toujours inaudibles. La plupart du temps, les pas ne sont pas du tout frappés, et pour certains adavus, certains pas qui devraient être accentués sont silencieux et d'autres bizaremment plus frappés. Cela m'aurait peut-être moins perturbé si mon placement m'avait permis de voir les pieds de la danseuse à tout moment, mais cela m'a procuré une sensation vraiment très étrange de dissonance cognitive entre les motifs rythmiques que je percevais dans la musique enregistrée, les mouvements de bras que je voyais et les pas que j'entendais ou non. Pour moi, c'est une frustration énorme : le génie du chorégraphe n'est pas avec nous pendant la représentation. Cela dit, c'est un aspect du bharatanatyam qui pose problème avec beaucoup de praticiens de cette danse en France...
La pièce Kalaitooki a certainement été la pièce la mieux réussie dans ce début de ce récital. La pièce évoque Shiva, qui a le pied levé, lorsqu'il danse au temple de Chidambaram. Il est le père de Muruga. C'est aussi Ardhanarishwara ; il porte la Ganga et la Lune. Sa danse est accompagnée par le tambour de Nandi, Narada, les thalams de Brahma, etc. Le texte et la chorégraphie évoquent aussi l'apparition de Shiva sous la forme d'une colonne de lumière infinie dont Vishnu et Brahma furent mis au défi d'atteindre une extrémité. La chorégraphie représente Vishnu tentant de rejoindre le bas, mais semble-t-il pas la tentative de Brahma d'atteindre le haut.
J'avais déjà eu l'occasion de voir Kalpana danser la pièce suivante
“Rāmo nāma babhūva” deux fois à la suite. Il
était agréable ici d'entendre Emmanuelle Martin plutôt qu'une musique
enregistrée : c'est ce qui m'a procuré le plus de plaisir dans ce
récital. Néanmoins, l'accompagnement au mridangam par Venkat Krishnan
m'a semblé assez étrange dans cette pièce, puisqu'à certains moments il
a introduit une pulsation régulière alors que cela ne servait à mon avis
ni le discours musical ni la chorégraphie. Le musicien, très bon
rythmicien, a peu d'expérience avec la danse, et le rôle du mridangam
dans un Shloka n'a rien à voir avec le rôle habituel d'un
percussionniste lors d'un récital de chant, puisqu'il s'agit plus ou
moins de créer des effets qui soulignent de façon relativement discrète
certains points-clefs de la chorégraphie. L'interprétation de Kalpana
m'a paru très convaincante dans ce poème dont la chorégraphie évoque
l'histoire de Rama jusqu'à l'enlèvement de Sita. Il y a bien eu quelques
maladresses, comme des transitions parfois un peu floues entre les
différents chapitres
. Aussi, alors que Yashoda raconte l'histoire
de Rama à son fils adoptif, j'ai trouvé assez peu claire l'intervention du
jeune Krishna qui semble tenter de venir au secours de Rama : je ne vois
pas comment on est censé comprendre que c'est Krishna qui intervient.
Pour le reste, la pièce m'a semblé très bien interprétée.
La récital s'est poursuivi par l'interprétation d'une composition de Tyagaraja par Emmanuelle Martin, s'enchaînant avec un solo élaboré de Venkat Krishnan au mridangam.
Jusqu'ici, en termes de pièces de danse accompagnées par de la musique
interprétée en direct, le récital avait comporté deux Shlokas
comme “Mūṣikavāhana” et “Rāmo nāma babhūva”. Les pièces de ce type ne
nécessitent pas un travail énorme de mise en place dans la relation entre
la danse et la musique : il s'agit surtout pour la chanteuse d'être
attentive à préserver le flot de la danse sans le brusquer ni le ralentir.
C'est une tâche tout autre de mettre en place une pièce combinant la danse
et la musique dans un cadre rythmique précis comme dans un
Thillana, ce qui a été le cas ici. Par rapport aux autres pièces
de danse pure, Kalpana frappe souvent ses pas de façon beaucoup plus forte
et plus nette. Néanmoins, dans les parties conclusives des enchaînements,
là où le rythme est le plus intéressant, ses pas se font malheureusement
beaucoup plus hésitants, et tombent parfois manifestement à côté. La
composition qui est semble-t-il de Pooci Srinivasan Iyengar a un
Pallavi qui commence par (nadr) dim dim tana dhirana...
,
avec les syllabes nadr
qui sont prononcées en anacrouse (avant le
premier temps). Le manque de clarté des phrases conclusives a fait que je
n'ai pas réussi à savoir si l'intention était de finir les enchaînements
juste avant le premier temps, ou bien juste avant l'anacrouse. La partie
d'Abhinaya du Thillana dédiée à Padmanabha a été omise. À la
place, des séquences accompagnées d'onomatopées rythmiques récitées ont été
interprétées. Il est très dommage que le percussionniste n'ait pas été en
mesure de jouer et réciter ces parties tout en regardant la danseuse : il
avait constamment le nez dans ses notes. Bref, le travail de répétition n'a
pas été optimal pour cette pièce ; si l'orchestre avait également comporté
une personne jouant des thalams (nattuvangam artist
), le
résultat aurait sans doute été plus convaincant, parce que le rôle de cette
personne est entre autres de faire le lien entre la danse et les autres
musiciens...
Le récital s'est conclu par deux Shlokas dédiés à la Déesse extraits de l'Annapūrṇāstotram, semble-t-il “Nityānandakarī...” et “Urvī sarvajaneśvarī bhagavatī...” dont j'avais déjà eu le plaisir d'apprécier les interprétations de Shakuntala (en 2011 et à d'autres reprises entretemps).
2019-05-15 12:05+0200 (Orsay) — Culture — Musique — Danse — Danses indiennes — Culture indienne
Centre Mandapa — 2019-05-14
Mythili Zatakia, danse bharatanatyam
Sandhya Pureccha, chorégraphies
J'ai assisté au récital de bharatanatyam de Mythili Zatakia (24 ans) un peu par hasard. N'ayant aucune information particulière sur la danseuse, ce qui m'a décidé à venir est sans doute que son Guru Sandhya Pureccha est une disciple d'Acharya Parvati Kumar (1921-2012) de Mumbai qui fut aussi le premier guru de Sucheta Chapekar qui est le guru de mon professeur Jyotika Rao et avec qui j'ai eu la chance d'apprendre aussi directement à Pune. Acharya Parvati Kumar est notamment connu pour avoir réintroduit dans le répertoire du bharatanatyam des compositions en marathi attribuées au roi Serfoji II qui régna à Thanjavur de 1798 à 1832 et qui est contemporain des célèbres membres du Thanjavur Quartette dont les compositions constituent le socle du répertoire de la danse bharatanatyam.
J'allais assister à ce récital en me disant que peut-être Sandhya
Pureccha aurait transmis à son élève des compositions extraites des
Nirupanas attribués à ce roi Serfoji. Quand la danseuse s'est avancée pour
faire son Namaskar, la salutation traditionnelle, j'ai apprécié la
force de sa frappe, mais dès l'instant où la première musique enregistrée a
retenti, j'ai été affligé par l'esthétique musicale sirupeuse, qui sera
constante pendant tout le récital : harmonies saturées des synthétiseurs,
kitchissime extrême des chants qui étaient semble-t-il en sanskrit pour la
plupart, tendance à une bhajanisation
de pacotille de textes
d'inspiration dévotionnelle (Vakratunda..., Ekadanta...,
Panchakshara stotra sur le mantra Om Namah Shivaya,
etc.).
S'il y a de quoi être consterné par l'esthétique musicale de ce récital,
je l'ai été encore davantage par l'absence complète d'idée chorégraphique
en termes de danse pure. Certains passages expressifs ou narratifs, en
particulier dans le Panchakshara stotra “Nagendra Haraya”, étaient
tout à fait raisonnables. Pour le reste, je n'ai vu qu'une danseuse
pratiquer quelques adavus (enchaînement de base) en première
vitesse, sur des multiples de quatre temps. C'était d'un ennui total.
Aucune des règles esthétiques que les maîtres de danse se doivent de
respecter n'ont été appliquées... Les phrases chorégraphiques doivent
suivre une certaine grammaire et comporter certaines ponctuations. Il n'y
avait rien de tout cela : aucun polyrythme, aucune séquence conclusive
(Tirmanam) digne de ce nom, des Tattu Muttu qui ne sont pas
chorégraphiés de façon correcte par rapport à la musique, etc. Toutes les
pièces étaient sur le même modèle. Malgré le caractère simpliste des
chorégraphies
et la faible vitesse d'exécution, la danseuse m'a
semblé très peu musicale, de nombreuses frappes de pieds tombant très à
côté. Néanmoins, il y avait quelques petits détails intéressants dans la
façon d'exécuter certains adavus, comme par exemple une accentuation très
particulière de la deuxième frappe dans les Ta-tai-tai-ta (aussi
appelés Marditha ou encore Vishru adavus). Cependant,
j'ai peu apprécié le port de tête très narcissique et hautain de la
danseuse dans l'exécution de ses pas.
Il m'est souvent arrivé d'assister à des récitals de bharatanatyam et de
ne pas être satisfait pour diverses raisons plus ou moins subjectives qui
pourraient néanmoins faire l'objet d'un débat esthétique, mais jamais je
n'ai été à ce point consterné par une telle absence d'idée chorégraphique.
La personne qui a mis en espace ce spectacle n'est pas un chorégraphe de
bharatanatyam. Il a été annoncé que les chorégraphies avaient été faites
par Sandhya Pureccha avec la participation de la danseuse. Si c'est le cas,
cela disqualifie complètement ce guru à mes yeux, et la danseuse n'est
alors pas vraiment responsable de ces choix esthétiques
. Si les
chorégraphies sont principalement dues à la danseuse, il faudrait qu'elle
prenne conseil auprès de personnes qualifiées... (Après avoir posé la
question à la danseuse, celle-ci prend l'entière responsabilité de ces
chorégraphies.)
2019-01-09 09:22+0100 (Orsay) — Culture — Musique — Danse — Danses indiennes — Culture indienne — Voyage en Inde XVIII
Music Academy, T.T.K. Auditorium, Chennai — 2019-01-05 à 10:00
Medha Hari, danse bharatanatyam
Jayashree Ramanathan, nattuvangam
K. Hariprasad, chant
Ramshankar Babu, mridangam
Easwar Ramakrishnan, violon
J. B. Sruthi Sagar, flûte
Ardanari Stotram (Ragamalika, Adi Tala), mis en musique par K. Hariprasad
Varnam “Intha Kopamelara” (Raga Thodi, Adi Tala), composition de Pandanallur Meenakshisundaram Pillai
Kirtanam “Eppaddi Manam Thunindhadho” (Raga Huseini, Mishra Chapu), composition d'Arunachala Kavirayar
Javali “Merakadu Lechi ra ra” (Raga Thodi, Adi Tala)
Thillana (Raga Purvi, Rupaka Tala), composition de T. Vaidyanatha Bhagavathar
La danseuse Medha Hari a pour l'essentiel présenté des pièces de
compétition
. Le but semble être de faire un maximum de pas en un
minimum de temps. C'est assez impressionnant, mais cela me laisse de
marbre. Il me semble que dans le première pièce sur
Ardhanarishwara qui s'enchaînait à un Pushpanjali, la
danseuse a utilisé une alternance entre Chatushra- et Khanda-nadai Adi
Tala. Dans certains mouvements et positions de la danseuse, disciple
d'Anita Guha, il me semble reconnaître une influence du kuchipudi.
Dans le Varnam, ce sont aussi des jatis de compétition, commis
par le percussionniste. Il y a beaucoup trop de changements de “nadai”.
Malgré la présence de la géniale Jayashree Ramanathan au nattuvangam, je
n'ai pas réussi à apprécier ces jatis. Dans le Varnam en télugu,
je n'ai pas réussi à comprendre qui était l'objet de l'amour de l'héroïne.
Il est semble-t-il nommé dans l'Anupallavi :
Ṣaṇmukharājeśvara
. Il ne s'agissait pourtant pas de Muruga (qui a
six têtes). J'ai été rassuré quand la personne qui a enseigné le sens du
texte à la danseuse (Jitendra Hirschfeld) m'a expliqué qu'il s'agissait
d'un zamindar qui avait commandé ce Varnam au Nattuvanar
Pandanallur Meenakshisundaram Pillai pour un spectacle de musique de
chambre. J'ai davantage apprécié la deuxième partie du Varnam dans
laquelle la danseuse a inséré entre chaque Swaram/Sahitya non pas seulement
une ou deux répétitions de la ligne de Caranam pour faire des marches lui
permettant de se replacer, mais un nombre plus important de répétitions qui
lui donnaient le temps d'élaborer de différentes manières autout des
flèches florales lancées par Kamadeva. À chaque fois, c'était une
délicieuse respiration avant d'attaquer la section suivante.
La danseuse a ensuite interprété le Padam “(Y)eppaddi manam...” transmis par Bragha Bessell et typique de la tradition de Kalanidhi Narayanan (j'ai vu au moins deux autres de ses disciples l'interpréter : Lavanya Ananth, Kalpana Métayer). Je persiste dans mes réticences à propos de cette pièce dans laquelle Sita reproche à Rama de l'abandonner pour accomplir son exil en forêt. La danseuse l'a montrée en train de pleurer toutes les larmes de son corps. Elle montre aussi Sita en train de rappeler à Rama le serment fait pendant leur mariage. À part les pleurs vraiment excessifs, la danseuse a me semble-t-il bien interprété la chorégraphie en accord avec l'intention du poète, mais pour moi, cette vision est une fiction, puisque la Sita du Ramayana de Valmiki (ou de Tulsidas) est beaucoup plus forte : elle dit immédiatement à Rama qu'elle va le suivre dans la forêt et il n'a pas son mot à dire, ce sera ainsi et puis c'est tout. Il s'agit d'un des rares moments du Ramayana où véritablement Sita exerce sa volonté de façon autonome, je trouve dommage de l'effacer quasi-complètement. Dans la chorégraphie, Sita supplie pour ainsi dire Rama d'accepter qu'elle le suive. Elle retire ses bijoux, salue les aînés et s'en va avec Rama.
La ligne de Pallavi du Thillana conclusif utilise des Swaras au lieu d'onomatopées. L'interprétation musicale et la chorégraphie peut peut-être s'analyser comme une sorte de rubato : le rythme de certaines répétitions est modifié, quelque passage de la phrase étant ralenti et d'autres accélérés. Dans le Caranam, les noms des sept notes de la gamme sont chantés. La danseuse se montre alors très convaincante dans la représentation des dieux et animaux associés à ces notes.
⁂
Music Academy, T.T.K. Auditorium, Chennai — 2019-01-05 à 18:00
Rama Vaidyanathan, danse bharatanatyam
S. Vasudevan, nattuvangam
K. Venkateshwaran, chant
Sumod Sreedharan, mridangam
Viju Sivanand, violon
Kirtana “Perum Kovil Konda” (Raga Sri, Mishra Chapu Tala), composition du Thanjavur Quartette
Kirtana “Pannagendra Sayanam” (Ashtaragamalika, Rupaka Tala), composition de Swati Thirunal
Padam “Emakko Chiguruta Dharampal” (Raga Thilang, Mishra Chapu Tala), composition d'Annamacharya
Javali “Ne nethu sahichu ne” (Raga Paras, Adi Tala), composition de Pattabhiramayya
Shloka “Vāgarthāviva saṃpṛktau vāgarthapratipattaye । jagataḥ pitarau vande pārvatīparameśvarau ॥” (Kalidasa) suivi de l'Ardhanarishwara Ashtakam (Adi Shankaracharya, mis en musique par O.S. Arun en Raga Megh et Adi Tala)
En soirée, je suis retourné à la Music Academy pour le rétical de Rama Vaidyanathan, que j'avais déjà vue il y a cinq ans. La voir en 2013 avait été pour moi une expérience très intense. Cinq ans plus tard, j'ai beaucoup évolué en tant que spectateur. Il est évident que Rama-akka a présence scénique hors du commun, et sa technique de danse pure est assez superlative (par exemple, quel araimandi !). Elle fait un certain nombre de choses qui pour des raisons esthétiques évidentes devraient être considérées comme excessives en termes de répétition ou dans l'intensité des mouvements ; et pourtant, cela fonctionne, et uniquement parce que c'est Rama Vaidyanathan.
La première pièce doit être une de ses chorégraphies récentes. Elle présente quelques points communs avec la première pièce qu'elle avait dansée il y a cinq ans. Sur des onomatopées très simples comme Tom-tatom-takita, elle décrit la géométrie très carrée de l'enceinte du temple de Brhadishwara à Thanjavur. Puis, alors que la composition musicale du Thanjavur se faire entendre, la description du temple se poursuit, avec toutes les références artistiques qu'il peut comporter et qui procurent l'émerveillement du personnage féminin. L'interprète s'incarne en danseuse qui effectue une prière pour bénir ses grelots. Elle admire les sculptures sur les piliers, celle de Nandi. En prenant l'atmosphère musicale du temple pour inspiration, elle souhaite aussi acquérir des connaissances musicales lui permettant de maîtriser le rythme et la mélodie : le chanteur (magnifique) chante alors un Swaram ou un Thanam. Si la technique de la danseuse est impressionnante, les passages rythmiques sont un véritable supplice pour moi, parce qu'il y avait vraiment trop de “dissonance rythmique” entre le cycle rythmique Mishra Chapu utilisé par la composition mélodie et la rythmique des pas de danse composée par Dr. Sridhar Vasudevan. Je me suis d'abord demandé s'il y avait une intension de faire quelque chose de rythmiquement affreux et qui deviendrait esthétique à la fin de la pièce, l'héroïne devenant réellement inspirée par le temple, mais le rythme est resté discordant jusqu'à la fin.
J'ai beaucoup aimé la pièce suivante, qui a été la pièce principale du récital : “Pannagendra Sayanam”. Cette pièce fait partie du répertoire de Rama Vaidyanathan depuis un certain temps déjà (j'ai d'ailleurs déjà vu Nehha Bhatnagar la danser en 2015). Il s'agit d'une composition de Swati Tirunal (dont on peut lire une traduction). Les huit parties sont séparées par un Jati ou des Swarams dont j'ai apprécié la construction rythmique relativement musicale (si l'on excepte les pas très off-beat exécutés au début de chacun d'entre eux) : certaines séquences conclusives avaient une construction traditionnelle et une régularité telles que je pouvais anticiper la structure des phrases chorégraphiques et donc apprécier encore davantage leur réalisation. L'héroïne fait l'éloge de Padmanabha et hésite entre l'amour et la dévotion. Parmi les très beaux moments, je retiendrais l'idée chorégraphique utilisée pour suggérer la comparaison entre la beauté de Vishnu et celle de Kama : en faisant face au public dans une position typique de Vishnu (mains en Tripataka), elle fait un lent demi-tour (à moins que ce ne soit un tour complet) et se métamorphose en Kama, puis rembobine le film à l'envers pour redevenir Vishnu. Il s'agit d'un des quelques trésors d'idées chorégraphiques intéressantes que j'ai remarquées dans ce récital.
J'ai trouvé intéressante la pièce suivante. Dans ce Padam “Emakko Chiguruta...”, un groupe de femmes médisent à propos d'une autre. Il y a peut-être une ambiguité sur le sens précis du texte. Le leitmotiv chorégraphique de la pièce consiste à représenter une de ces femmes écrire ostensiblement une lettre en regardant la coupable. Celle-ci a-t-elle écrit une lettre d'amour ? La chorégraphie suggère astucieusement que sa relation charnelle laisse sur elle des traces, comme si une lettre d'amour était écrite sur son propre corps. Les traces de poudre rouge sur son corps suggèrent qu'elle a pris entre ses bras la statue de l'Être aimé. Ou bien la statue était-elle en hauteur et de la poudre est retombée sur elle alors qu'elle essayait de l'atteindre pour lui appliquer la poudre. La rougeur de ses yeux est expliquée par l'action de déraciner ses yeux qu'elle avait plantée sur Lui. La comparaison poétique est magnifiquement faite avec l'action de planter un arbre, puis de le déraciner en le faisant trembler, ce qui tend à en faire tomber les juteux fruits.
Dans le Javali “Ne nethu sahichu ne”, la danseuse représente une héroïne trahie par son amoureux. Son sentiment de jalousie est insurmontable. La rupture semble définitive.
La danseuse a magnifiquement conclu son récital avec une de ses pièces à succès : Ardhanarishwara. L'Ashtakam d'Adi Shankaracharya est précédé d'un Shloka de Kalidasa sur l'union entre Shiva et Parvati. Une séquence de danse pure est insérée dans laquelle la danseuse utilise alternativement uniquement sa main droite pour représenter Shiva sur un accompagnement rythmique d'onomatopées ou uniquement sa main gauche pour représenter Parvati avec un Swaram comme accompagnement mélodique. Sur chaque des lignes du poème, le contraste est très bien mis en valeur entre Shiva et Parvati.
Dans ce récital, j'ai particulièrement aimé les pièces “Pannagendra Sayanam” et “Ardhanarishwara”, qui ne sont pas des chorégraphies récentes de Rama Vaidyanathan. C'est évidemment une très grande artiste, mais j'aurais aimé que les chorégraphies élababorent davantage autour des émotions de personnages humains, ce qui pour moi la condition pour être véritablement touché par cette danse.
2019-01-05 08:58+0530 (சென்னை) — Culture — Musique — Danse — Danses indiennes — Culture indienne — Voyage en Inde XVIII
Music Academy, T.T.K. Auditorium, Chennai — 2019-01-04 à 10:00
Meera Sreenarayanan, danse bharatanatyam
Indira Kadambi, nattuvangam
Bijeesh Krishna, chant
Charudutt, mridangam
Easwar Ramakrishnan, violon
Sujith Naik, flûte
Jitendra Hirschfeld, conseiller artistique pour “Dānikē”
Shloka (d'Adi Shankara) & Narasimha Kavuttuam (Khanda Chapu)
Padavarnam “Dānikē...” (Raga Todi, Rupaka Tala), composition de Sivanandam (Thanjavur Quartette), chorégraphie de la danseuse
Padam “Choodare” (Mishra Chapu Tala, Raha Sahana), composition du Kshetrayya, chorégraphie de Kalanidhi Narayanan
Ashtapadi “Yahi Madhava” (Adi Tala, Ragamalika), chorégraphie d'Indira Kadambi
Thillana (Raga Tillang, Adi Tala), composition de Lalgudi Jayaraman, chorégraphie de Smt. Narmada
Les matinées du festival de la Music Academy sont réservées aux interprètes de la jeune génération. La première à se lancer a été Meera Sreenarayanan, qui avait obtenu le prix Spirit of Youth 2015 ex-aequo avec Sudharma Vaithiyanathan. Après un Shloka et un Kavuttuam consacré à Narasimha dans lequel la danseuse a pour ainsi dire tout le temps gardé les yeux grand ouverts, on est entré dans le vif du sujet...
Dans mon billet précédent à propos du Varnam en Anandabhairavi dansé par Shweta Prachande hier, j'avais mentionné que l'objet du désir de l'héroïne pouvait être un roi et non pas un dieu. C'est ce qui a été très explicitement fait dans l'interprétation de ce Varnam.
Ce Varnam “Dānikē...” a été créé par la danseuse courtisane Mannargudi Meenakshi à la cour du roi marathe Sivaji II de Thanjavur (qui régna entre 1832 et 1855). La grande salle de la Music Academy remplace en quelque sorte la cour du roi Sivaji II et la danseuse Meera Sreenarayanan joue en quelque sorte le rôle de Mannargudi Meenakshi qui jouait plus ou moins son propre rôle en intercédant auprès du roi pour le convaincre de l'amour d'une autre femme. (Note ajoutée le 2019-02-10 suite à un échange avec Nrithya Pillai : les experts ne sont pas tous d'accord sur le fait que la créatrice du Varnam soit Mannargudi Meenakshi. Ceci importe néanmoins peu pour la lecture du reste de ce billet.)
La chorégraphie de ce Varnam tente de reconstruire l'atmosphère détendue qui pouvait régner dans ces récitals de cour. La danseuse gardera pendant toute la pièce une attitude extrêmement séductrice envers le roi (qui n'est autre le public de 2019). Néanmoins elle obéit à l'étiquette de la cour. Ainsi, la danse a commencé par un Salaam. Les interactions de la danseuse avec les musiciens sont très convaincantes, puisque même quand elle semble leur donner des ordres (en indiquant le tempo qu'elle souhaite), on a vraiment l'impression qu'elle est aux commandes. (J'ignore quelle part de liberté la danseuse s'est gardée pour improviser dans certains passages, en particulier, les Arudis étaient absolument délicieuses en termes d'interactions entre la danseuse et les musiciens, comme si ces derniers découvraient en direct son intention.) Dans le Pallavi, Meera/Mannargudi essaye de convaincre le roi de rejoindre l'autre femme, qui cherche à s'unir à lui ; on retrouve l'imagerie habituelle avec des fleurs et des abeilles, mais c'est beaucoup plus intense ici. Dans l'Anupallavi, le roi est décrit comme dévot de Shiva. Un certain nombre de rituel shivaïtes sont exécutés et on reconnaît l'apparition du roi, qui en bon guerrier, vient semble-t-il faire bénir son épée. Et au cours de cette cérémonie, son regard semble attiré par une femme... Il est suggéré que le roi est aussi une adorateur des arts, qui récompense les artistes qui lui plaisent : à un moment donné de la chorégraphie, c'est tout comme si le public avait offert une bague très précieuse à Meera Sreenarayanan. Le sentiment amoureux se développe encore davantage dans la deuxième partie du Varnam.
Cette pièce était un véritable délice en matière d'Abhinaya. La danse pure m'a moins convaincu. Une des raisons est que c'est la danseuse elle-même qui a composé et chorégraphié les jatis. J'ai beaucoup aimé le premier, mais les autres ne m'ont pas semblé très musicaux (beaucoup d'allers-retours en Tishra-nadai et de longs intervalles de silences) ; suivre le tala me semblait quasiment impossible. La danseuse a une très grande netteté dans ses marches rapides debout qui m'ont semblé de nature à impressionner le roi. En araimandi, il y a moins de contraste entre les frappes de pieds : on n'entend pas vraiment la musique de ses pas. Je n'ai pas non plus aimé le style de récitation d'Indira Kadambi dont la voix n'était de toute façon pas suffisamment amplifiée.
L'impression générale est d'avoir assisté à une grande matinée. La standing ovation qu'a reçu la danseuse à la fin du spectacle suggère que le public est peut-être prêt à accepter ce type de danse qui met l'accent sur la séduction et le sentiment amoureux. Espérons que cette danseuse continuera et donnera à d'autres l'idée d'explorer cette magnifique tradition des danseuses de cour (qui connaissaient la musique, la poésie, les langues, la danse...). Si j'avais déjà eu l'occasion d'avoir un aperçu sur cette tradition lors de la journée Temple, Court, Salon, Stage. Crafting Dance Repertoire in South India à Paris en 2015, je suis très heureux d'avoir vu ce Varnam. Pour monter cette pièce, la danseuse a été aidée par Jitendra Hirschfeld avec qui j'ai souvent eu l'occasion de discuter de la danse et de son histoire. Je suis très content du succès de cette performance. Pour en savoir plus sur “Dānikē...”, lisez son blog, et en particulier A Love Affair with Dānikē.
Le récital s'est poursuivi avec un magnifique Padam de Kshetrayya. La danseuse n'a souvent eu besoin que de ses yeux pour exprimer les paroles déplaisantes qu'un groupe de femmes échangent au détriment d'une autre femme qui aurait perdu tout sens de la respectabilité en tombant amoureuse de Krishna.
J'ai joyeusement détesté l'interprétation de la danseuse dans l'Ashtapadi “Yahi Madhava”. Tout m'a semblé terriblement surjoué...
Si la chorégraphie des séquences de danse pure m'a semblé manquer de musicalité dans le Varnam, je me suis réconcilié sur ce point avec la danseuse dans le Thillana qui a été chorégraphié par Smt. Narmada, guru d'Indira Kadambi.
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Music Academy, T.T.K. Auditorium, Chennai — 2019-01-04 à 11:30
Bilva Raman, danse bharatanatyam
KP Rakesh, nattuvangam
Vedakrishnaram, mridangam
G. Srikanth, chant
Easwar Ramakrishnan, violon
J. B. Sruthi Sagar, flûte
Alarippu (Tishra Ekam Tala)
Swarajati (Rupaka Tala, Raga Huseini), composition de Merattur Venkatarama Shastri
Viruttam (Ragamalika), chorégraphie de Bragha Bessell
Javali “Marubari” (Raga Kamas, Adi Talam), chorégraphie de Bragha Bessell
Tillana (Raga Dhanashri, Adi Tala, composition de Swati Tirunal et Lalgudi Jayaraman), chorégraphie de Leela Samson
Après un petit café à la cantine de la Music Academy, le spectacle
suivant était donné par une disciple de Leela Samson, Bilwa Raman, dont la
silhouette longiligne portait un costume rose et vert fluo de très
kalakshetrienne facture. Elle a commencé son récital par
l'Alarippu traditionnel en trois temps, très bien exécuté. Dans la
pièce principale (Swarajati en Huseini), j'ai pris beaucoup de
plaisir à écouter les musiciens, en particulier le chanteur G. Srikanth que
je n'avais pas entendu depuis longtemps. Pour le reste, c'est de la danse
typiquement Kalakshetra, complètement fossilisée, mais néanmoins très bien
exécutée. (Le thème du Trikala-jati était Ta - jam - - - ta ka jam - - -
ta ka di mi ta kun da ri ki ta ta ka
.)
La pièce suivante dans laquelle une mère montrait semble-t-il sa dévotion à la Déesse m'a semblé d'un ennui total. Dans le Javali “Marubari”, la danseuse a montré plus d'émotions que ne le font d'habitude les danseurs Kalakshetra, mais le sentiment amoureux n'était pas assez présent à mon goût. La danseuse a conclu son récital avec le classiquissime Thillana en Dhanashri. La danse pure en était assez agréable, mais les gestes manquaient de finition dans le Caranam, en particulier quand la danseuse représentait Padmanabha.
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Music Academy, T.T.K. Auditorium, Chennai — 2019-01-04 à 18:00
A. Lakshmanaswamy, danse bharatanatyam
Sudharma Vaithiyanathan, nattuvangam
K. Hariprasad, chant
Nellai D. Kannan, mridangam
Easwar Ramakrishnan, violon
T. Sashidhar, flûte
Jatiswaram (Ragamalika, Mishra Chapu Tala), composition du Thanjavur Quartette
Varnam “Intha Chala Melane” (Adi Tala, Raga Nalinakanthi), composition de Meera Seshadri
Yaro Ivar Yaro (Raga Bhairavi, Adi Tala), composition d'Arunachala Kavi Iyer
Ashtapadi “Kuru Yadu Nandana” (Raga Behag, Mishra Chapu Tala, poème de Jayadeva mis en musique par K. Hariprasad)
Thillana (Raga Mandari, Adi Tala), composition du Thanjavur Quartette
J'ai adoré ce récital de A. Lakshmanaswamy. Il a magnifiquement bien interprété une chorégraphie très traditionnelle du Jatiswaram en Mishra Chapu et Ragamalika du Thanjavur Quartette. Dans cette chorégraphie très musicale, sa danse pure semble magnifique. Les adavus très classiques sont magnifiquement ornementés. Il y à la fois une netteté dans les mouvements de mains et une délicate douceur dans le regard et les petits mouvements latéraux de la tête. (Au mridangam, Nellai D. Kannan a eu un jeu beaucoup plus extraverti que lors du récital de Sudharma dans lequel il avait été sublimement introspectif. L'accompagnement qu'il a fait ce soir me semble moins correspondre à l'esthétique de la danse.)
La pièce principale du récital a été un Varnam dans lequel ce n'est pas une héroïne qui cherche à s'unir à un homme (que ce soit un dieu ou un roi...), mais c'est un homme (Shiva lui-même) qui cherche à reconquérir Parvati qui s'est détournée de lui. C'est donc le sakha (ami de Shiva) qui va servir d'intermédiaire avec Parvati. Mais celle-ci reste indifférente. Il avait été annoncé que Shiva serait représenté dans sa forme résidant au temple de Mylapore (Kapalishvarar). La légende locale est connue de tous les spectateurs (y compris moi), donc je me suis délecté du magnifique Sanchari de l'Anupallavi dans lequel pour justement s'être détournée de Shiva en regardant des paons, Parvati reçoit une malédiction : elle est transformée en paonne. J'ai aussi beaucoup aimé le dernier Ettugada Sahitya qui raconte l'épisode dans lequel Ravana tente de casser l'arc de Shiva pour pouvoir épouser Sita. Comme elle est effrayée à l'idée de l'épouser s'il réussit l'épreuve, Shiva semble la rassurer en lui faisant comprendre que Ravana ne peut pas réussir. Plutôt que de la jouer en mode comique en tournant le moustachu Ravana en ridicule, le danseur a mis l'accent sur l'interaction en pensée entre Sita et Shiva. (Cette épisode qui est souvent représenté dans la danse n'est en fait pas dans le Ramayana, mais cette épisode a été intégré dans la tradition ultérieure.)
Il est à noter que dans le Varnam, les jatis étaient de
Muthuswamy Pillai. J'ai particulièrement aimé le Trikala avec quatre
vitesses (y compris une vitesse en Tishra-nadai), sur le thème Ta - dit
- ta ka na ka jum - dit - ta ka na ka jum - ta ka na ka jum - ta kun da ri
ki ta ta ka
.
Les deux pièces de pur Abhinaya qui ont suivi ont été d'une beauté rare. Sans utiliser le moindre artifice, en toute simplicité, il a donné vie à ses personnages. Dans Yaro Ivar Yaro, le poète imagine le premier regard échangé entre Rama et Sita, dans un épisode qui n'est au passage ni dans le Ramayana ni dans le Ramcaritmanas. La balle lancée par Sita ou une de ses amies tombe d'une plate-forme et s'arrête près de Rama, qui relève la tête et tombe immédiatement amoureux de Sita. Le danseur a véritablement su créer une atmosphère dans laquelle plus rien ne semble exister si ce n'est ses personnages, et plus particulièrement Rama.
Le vrai point culminant du récital a en fait été Ashtapadi “Kuru Yadu Nandana” (déjà magnifiquement interprété par Neena Prasad il y a quelques jours de cela). Il l'a dansé en étant assis (ou avec au moins un genou à terre) pendant toute la pièce. Magnifique interprétation !
Le récital s'est conclu par un délicieux Thillana en Raga Mandari du Thanjavur Quartette.
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Music Academy, T.T.K. Auditorium, Chennai — 2019-01-04 à 19:45
Methil Devika, mohiniattam
Gayatri, nattuvangam
Jamaneesh Bhagavatar Kottayam, chant
Kallekulangara Unnikrishnan, mridangam
Surya Narayanan, flûte
Baiju Rajeeth, vina
Sajith Pappan, edakka
Cholkettu “Tam Tam Tat Tomga” (Raga Anandabhairavi, Adi Tala), composition de Surya Narayanan
Desi Padam “Ullili Unnikkoru” (Ragamalika, Talamalika), composition de Kavalam Shrikumar
Après un aussi magnifique récital de bharatanatyam, j'ai hésité à rester pour le récital de mohiniattam de Methil Devika. Par rapport aux merveilleux Thomas Vo Van Tao et Neena Prasad vus précédemment dans ce style, toute la danse de Dr. Methil Devika m'a paru anecdotique. Sa danse pure n'a pas la suprême élégance habituelle du style mohiniattam et sa technique d'Abhinaya m'a semblée manquer de subtilité. Je m'en sentais presque mal physiquement, et je me suis enfui le plus discrètement que j'ai pu entre deux pièces.
2019-01-04 07:56+0530 (சென்னை) — Culture — Musique — Danse — Danses indiennes — Culture indienne — Voyage en Inde XVIII
The indian fine arts society, Ethiraja Kalyana Nilayam, Chennai — 2019-01-03 à 09:00
Smt. Padma Srirangan, danse bharatanatyam
R. Vijay Madhavan, nattuvangam
Murali Parthasarathy, chant
N. Sriram, mridangam
Ganesan, violon
Mallari (Raga Gambhira Nattai, Rupaka Tala)
Varnam “Manavi...” (Raga Shankarabharanam, Adi Tala)
Padam (Rupaka Tala)
Tillana (Adi Tala)
La indian fine arts society présente de jeunes interprètes en matinée. Il s'agit aussi d'un concours, le jury de trois personnes étant placé sur trois chaises séparées des autres au premier rang. Je suis venu ce jour-ci puisque je connais un tout petit peu le guru, Vijay Madhavan, qui développe sa propre méthode de notation de la danse bharatanatyam (Natyagraphy). Dans la danse de sa disciple, je reconnais certains aspects caractéristiques du style de Chitra Visweswaran et je reconnais même certains phrases chorégraphiques que j'ai apprises avec Arupa Lahiry lors de mon dernier séjour à Delhi. Parmi les adavus typiques, je reconnais le Salute adavu (dans la série des Ta-tai-ta-ha).La danseuse est extrêmement souriante (peut-être un peu trop), mais il y a un certain manque de netteté, en particulier dans les mouvements du haut du corps. (Il est possible qu'avec le temps le style de Chitra Visweswaran ait évolué vers une géométrie plus stricte du corps : comme il est un de ses plus anciens disciples, le style qu'il enseigne ne correspond peut-être plus avec le style de Chitra-akka telle qu'il est représenté par les membres actuels de la Chidambaram Dance Company.) J'apprécie néanmoins le style de récitation de Vijay Madhavan (qui cependant ne regarde pas la danseuse pendant les jatis...). Le premier jati du Varnam était très étonnant parce qu'il y avait très très peu de syllabes et donc de longs silences entre chacune d'entre d'elles. L'Abhinaya de Padma Srirangan m'a paru relativement bien habité dans le Varnam dédié à Shiva. Elle m'a semblé très convaincante dans son premier Sanchari dans lequel en bougeant l'index de la main en Tāmracūḍa, l'héroïne nourissait un oiseau qui pourrait lui servir de messager.
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The indian fine arts society, Ethiraja Kalyana Nilayam, Chennai — 2019-01-03 à 10:10
Samyuktha R., danse bharatanatyam
Priya Karthikeyan, nattuvangam
Pushpanjali (Adi Tala, Raga Arabhi), composition de Dr. M. Balamuralikrishna
Varnam “Innam en manam” (Raga Charukeshi, Adi Tala, composition de Lalgudi Jayaraman)
Padam (Raga Bihag, Adi Tala)
Thillana (Raga Khamas, Adi Tala), composition de Patnam Subramanya Iyer
Mangalam
Juste après, j'ai assisté au récital d'une danseuse encore plus jeune et très athlétique. Elle est capable d'une très grande vitesse, mais sa technique de pieds est vraiment défectueuse : beaucoup de pas sont à peine esquissés, elle fléchit beaucoup trop les genoux quand elle fait des marches ; c'est un véritable massacre technique quand elle exécute les marches à reculons en préparation des passages techniques du Varnam. Dans les jatis, elle semble retenir sa respiration. Je n'aime ni les chorégraphies techniques ni le style de récitation de Priya Karthikeyan. L'Abhinaya est très scolaire : c'est particulièrement flagrant quand la danseuse prend des poses. C'était néanmoins un vrai plaisir pour moi d'entendre le Varnam en Raga Charukeshi composé par Lalgudi Jayaraman. (Du coup, comme le Pallavi et l'Anupallavi sont présentés chacun en entier plutôt que découpés en deux comme dans la plupart des autres Padavarnams, la chorégraphie contenait une double ration de Jatis : à peine le premier était terminé qu'elle enchaînait le deuxième après un ou deux cycles d'une transition quelque peu incongrue.)
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Kartik fine arts, Bharatiya Vidya Bhavan, Chennai — 2019-01-03 à 16:30
Shweta Prachande, danse bharatanatyam
KP Rakesh, nattuvangam
Sakthivel Murugananthan Subramaniam, mridangam
Preeti Mahesh, chant
M. Srikamani, violon
“Om Sharavanabhava” (Raga Shanmukhapriya, Adi Tala), composition de Ghatam Dr. S. Karthick
Varnam “Sakiye Inda Velaiyil...” (Raga Anandabhairavi, Adi Tala), composition du Thanjavur Quartette
Ashtapadi #19 “Priye Cāruśīle” (Raga Mukhari, Khanda Chapu Tala)
Thillana (Adi Tala, Raga Behag), composition de Dr. M. Balamuralikrishna
Kirtana “Ksheerabdi Kanyakaku Sree Maha Lakshmikini” (Raga Kurinji, Khanda Chapu Tala), composition d'Annamacharya (?)
Dans l'après-midi, j'ai assisté à un très beau récital de Shweta Prachande, que j'avais déjà vue il y a cinq ans (et il y a quelques jours pour une lec-dem).
La première pièce est une composition du percussionniste Ghatam Dr. S. Karthick qui était présent pendant la performance de cette pièce. Dédiée à Muruga, elle alterne chant et passages poétiques récités. La pièce est extrêmement complexe d'un point de vue rythmique (on entend et on voit en particulier beaucoup de pas basés sur le nombre 5). Le texte fait entendre un certain nombre de noms de Muruga, comme Guha ou Kartikeya.
La pièce principale, qui est aussi celle qui m'a procuré le plus grand
plaisir a été le Varnam traditionnel “Sakiye Inda
Velaiyil...” en Raga Anandabhairavi composé par le Thanjavur
Quartette. La chorégraphie est aussi très traditionnelle, puisqu'elle est
due à A. Lakshmanaswamy (avec qui travaillait autrefois Priyadarshini
Govind, guru de Shweta Prachande). Dans sa danse technique, la danseuse a
appliqué les principes dont elle avait fait la démonstration avec Apoova
Jayaramana lors de leur lec-dem à la Natya Kala
Conference. La chorégraphie de A. Lakshmanaswamy étant fixée, il est
néanmoins possible de l'interpréter d'une façon personnelle : un même adavu
peut être exécuté avec différentes intentions. Il est possible d'utiliser
plus ou moins l'espace, de faire des mouvements staccato ou au
contraire avec un phrasé très étendu (comme dans le troisième Jati). Le
premier Jati (Trikala) est une variation sur un Tirmanam traditionnel de la
Vazhuvoor bani dont le thème est Kun - ta ri ta - - - ku kun ta ri tai
- - - ku kun ta ta kun ta ta ka ta kun ta ri ki ta ta ka
. La première
vitesse a été magnifiquement bien exécutée, avec un sens esthétique certain
combinant force et douceur. Dans la composition rythmique de ce
Tirmanam, la fin a été légèrement modifiée pour que le Tirmanam se
conclue avant que le texte de la première ligne du Pallavi ne
démarre. (Dans cette version, le texte reprend sur le et
entre le deuxième et le troisième temps.) Dans le deuxième Jati, j'ai aimé
une séquence de Khudita Metti Adavus dans lesquels la danseuse explorait
les différentes directions de l'espace. Dans les Tattu Muttu, je
reconnais les motifs rythmiques qu'utilisent Chitra Visweswaran et
A. Lakshmanaswamy (une série de takadimi, puis une série de takadimi
off-beat).
Dans ce Varnam chorégraphié par A. Lakshmanaswamy, j'ai retrouvé la même qualité dans la construction du discours chorégraphique que dans le récital de Sudharma Vaidyanathan qui est sa disciple. Il serait vain de chercher à résumer ce discours. Je retiens particulièrement les Sancharis des deux lignes de l'Anupallavi. Dans la première ligne, la danseuse décrit une magnifique ville (qui n'est semble-t-il pas nommée explicitement) où se trouve un temple et où la divinité est portée en procession. La danseuse a montré de façon assez spectaculaire les roues du chariot et s'est montré très convaincante en montrant les hommes qui tirent sur les cordes pour le mettre ne mouvement. Dans la deuxième de l'Anupallavi, le texte évoque la conque et le disque de Rajagopalan (Vishnu) devant lequel l'héroïne s'émerveille. De façon très pertinente, la danseuse développe un Sanchari relatant un épisode dans lequel Vishnu utilise ce disque. Il s'agit de l'histoire de de l'éléphant Gajendra attaqué pendant son bain par un crocodile. J'ai déjà vu des danseurs développer le bain de l'éléphant et l'attaque du crocodile dans des productions déraisonnables, le rôle protecteur de Vishnu devenant anecdotique. L'interprétation de Shweta Prachande m'a semblé très pertinente, efficace et émouvante puisque l'élément important en a été l'intervention de Vishnu. Après avoir montré de façon relativement brève l'attaque du crocodile, elle a représenté Vishnu qui entend l'appel à l'aide de Gajendra, et qui intervient pour le sauver. Grâce à son expression faciale, j'ai beaucoup apprécié la sérénité intérieure qui se dégageait dans sa représentation de Vishnu. La danseuse a représenté de façon intéressante le nom Rajagopalan en montrant un gardien de troupeau de la main gauche et en représentant une couronne avec la main droite. (Ceci me rappelle que lors d'une conférence à Paris, Tiziana Leucci avait expliqué que le nom de Rajagopalan était à double sens, puisqu'à l'époque de la composition de ce Varnam, ce nom pouvait désigner soit Krishna (Vishnu) soit le roi de Mysore ?). Dans la deuxième moitié du Varnam, la ligne de Caranam est représenté à la fois sous forme de Swaram et sous forme de texte “Pangana mayile...” (ce qui n'est pas le cas dans toutes les versions). L'héroïne est touchée par les flèches de Kama...
La danseuse a magnifiquement interprété le dix-neuvième Ashtapadi “Priye Charu”. Radha s'est montrée indifférente, voire hostile envers Krishna, et le poème nous fait entendre les paroles de Krishna pour reconquérir Radha. La danseuse avait indiqué dans sa présentation de la pièce que le poème (et aussi la chorégraphie) se plaçait du point de Krishna. La seule critique que je pourrais faire est que la danseuse n'a pas à mon avis assez caractérisé le personnage de Krishna. Sans forcément le représenter avec ses attributs habituels (flûte, plume de paon, etc.), je pense qu'il aurait été souhaitable d'adopter des postures un peu plus masculines pour bien faire comprendre que c'est un homme qui s'exprime, et qu'ainsi c'est bien Krishna qui souhaite que le doux pied de Radha se pose sur sa tête.
Après avoir interprété un Thillana composé par Dr. M. Balamuralikrishna et dont la chorégraphie était très exigeante, plutôt qu'un traditionnel Mangalam, la danseuse a choisi me semble-t-il une très apaisante composition d'Annamacharya consacrée à la Déesse sous le nom de Mahalakshmi. Un des détails remarquables de la chorégraphie réside dans la façon dont la danseuse a représenté sans la montrer la poitrine de la Déesse évoquée par le texte : elle s'est tout simplement mise de dos, sans doute pour éviter toute référence érotique qui ne siérait point à la représentation de ce Kirtana.
J'espère de pas avoir à attendre cinq ans supplémentaires pour assister à nouveau à un récital de cette danseuse dont le travail me semble admirable.
2019-01-03 13:53+0530 (சென்னை) — Culture — Musique — Danse — Danses indiennes — Culture indienne — Voyage en Inde XVIII
The indian fine arts society, Ethiraja Kalyana Nilayam, Chennai — 2019-01-02 à 16:30
Kum. Sruthi Natanakumar, danse bharatanatyam
K. Kalyanasundaram, nattuvangam
Smt Vidya Harikrishna, chant
Vedakrishnaram, mridangam
Kannan, violon
?, flûte
Thorayamangalam “Jaya janaki ramana...”
Padavarnam (Raga Shankarabharanam, Adi Tala)
“Sabaapathikku” (Rupaka Tala, Raga Abogi ?), composition de Gopalakrishna Bharati
Thillana (Raga Atana, Adi Tala), composition de Ponniah Pillai
Click here to read an English translation of this review.
Le frissonomètre a atteint d'irrésistibles sommets aujourd'hui lors du récital de Kum. Sruthi Natanakumar, disciple et petite-fille du Nattuvanar Guru K. Kalyanasundaram dont la famille est installée à Mumbai depuis les années 1940. (Sa famille et celle de K. P. Kittappa Pillai sont les représentants les plus éminents du style dit de Thanjavur, mais je ne sais pas très bien ce que cela veut dire puisque les styles de Kittappa et de Kalyanasundaram sont me semble-t-il aussi différents l'un de l'autre qu'ils ne le sont des autres styles..)
Le maître est un personnage très attachant. Juste avant que le récital commence, un (autre) homme très âgé est entré. Je n'ai pas entendu son nom, mais il fait semble-t-il comme lui partie d'une famille traditionnelle. Guruji (Kalyanasundaram) s'est approché de lui, avec ses jambes de 86 ans. Guruji s'était exprimé jusque là en tamoul, et quand il m'a vu au deuxième rang, il m'a demandé sans formalité en anglais “Does my tamil bother you?” et dans quelle mesure je comprenais le tamoul, j'ai répondu en hindi “Thora thora”, dont il a délicieusement donné une traduction tamoule.
La première pièce est Thodayamangalam, un ensemble de cinq compositions dédiées à Vishnu (sous la forme de Rama ou de Krishna) qui sont dans différents talas (Khanda Chapu, Mishra Chapu, Rupaka, Adi, m'a-t-il semblé) et qui sont séparées par des Tirmanams. C'est un plaisir immense pour moi d'entendre la voix de Kalyanasundaram récitant les onomatopées des passages rythmiques. La danseuse est précise rythmiquement et j'apprécie la douceur qu'il y a chez elle dans le haut du corps : ses positions de bras et de mains sont très précises, mais elle les exécute de façon gracieuse, pas du tout militaire.
La pièce principale a été un Padavarnam en Raga Shankarabharanam et Adi Tala. Guruji a pas mal parlé (en tamoul et un tout petit peu en anglais par égard pour moi !) pour présenter les pièces. Pour celle-ci, il a dit dans le langage de la musique plus qu'en tamoul que le texte commençait après “Ta ki ta”, autrement dit que dans la première moitié du Varnam les paroles commencent sur le et après le deuxième des huit temps d'Adi Tala. Il a aussi expliqué qu'il utilisait des combinaisons de syllabes traditionnelles, comme “ta-dit-dit-ta”. En entendant et en voyant ses Tirmanams, il apparaît évident que cet homme est un génie, tout simplement... Bien d'autres mridangistes et chorégraphes utilisent le même type d'ingrédients pour construire leur tirmanams, mais K. Kalyanasundaram est un des très rares à savoir faire de la bonne cuisine... Le troisième Tirmanam a été entièrement en usi (à contretemps). Assez souvent, certaines courtes formules conclusives ont été jouées en tishra-nadai (à l'échelle d'un temps du cycle ou de la moitié d'un temps). La plupart des Nattuvangam artists ralentissent quand ils basculent en tishra-nadai, mais Guruji a une maîtrise absolue de la régularité de la pulsation (Kalapramanam). Bien que la danse soit rythmiquement très complexe, je n'ai eu aucune difficulté à suivre le tala pendant l'ensemble du récital.
L'étroitesse du créneau horaire ne permettait pas de très longs développements dans l'Abhinaya : les lignes d'Ettugada Sahitya n'ont été interprétées qu'une seule fois (en Tattu Muttu). Il y a néanmoins eu un délicieux Sanchari pour la deuxième ligne du Pallavi dans lequel l'amour de l'héroïne pour la divinité lui fait perdre le goût pour la musique, etc. Les chorégraphies ne montrent le plus souvent que l'héroïne. Ici, c'était comme un dialogue entre l'héroïne et son amie (sakhi), qui tente tout pour lui faire retrouver le goût des choses. Celle-ci prépare un verre de lait, mais l'héroïne le refuse. Dans le lit de fleurs, elle tombe sur une épine. Plus loin, dans son sommeil, elle voudrait rêver, mais c'est un cauchemar qu'elle fait.
Pendant l'ensemble du récital, la sonorisation de la chanteuse n'était sans doute pas bien réglée, contrairement à celle du Nattuvanar : je n'arrivais pas à distinguer les consonnes dans le chant de Vidya Harikrishna, ce qui m'a rendu quasiment impossible d'entendre les mots chantés. En particulier, je n'ai pas réussi à bien rentrer dans la pièce suivante sur Shiva, dans sa forme résidant à Chidambaram. Bref, je n'ai pas toujours réussi à bien distinguer l'intention dans certains passages expressifs. La danseuse semblait très convaincante dans son interprétation, mais je n'arrivais pas à distinguer le sens. Cela dit, je préfère me perdre parfois et me sentir subjugué par le spectacle comme cela a été le cas lors de ce récital, plutôt que d'assister un spectacle en ayant le sentiment de voir toutes les ficelles...
(Guruji a fait à un moment une remarque sur sa façon de chorégraphier les Tattu Muttu, ces passages dans lequels la danseuse interprète le texte tout en effectuant des motifs rythmiques précis avec les pieds. Pendant tout le récital, les motifs rythmiques des Tattu Muttu ont été beaucoup plus complexes que ce que l'on voit d'habitude (beaucoup de takadimi, parfois un peu de takita à la fin des phrases, ces motifs étant construits en général indépendamment de la prosodie du texte). Dans le style de Kittappa Pillai (qui était aussi de la Thanjavur bani), la prosodie du texte prime sur le tala : les contours rythmiques des Tattu Muttu épousent les contours des mots, et comme les mots ont des durées musicales différentes, les motifs rythmiques peuvent sembler très complexes, mais comme ils sont extrêmement musicaux, ils sont d'autant plus agréables à danser. Dans la mesure où la sonorisation imparfaite m'empêchait de bien distinguer les consonnes dans le chant, je ne saurais dire si Guruji suit le même principe associant de façon harmonieuse poésie, musique et danse.)
Le récital s'est poursuivi avec un sublime Thillana. Je me suis particulièrement délecté lors des Mai adavus dans lesquels la danseuse a montré une maîtrise complète des contretemps, la plupart des séquences commençant usi (off-beat). Un véritable festin rythmique !
Je me perds un peu dans mes notes, mais la danseuse a dû conclure son récital par une courte pièce dédiée à Muruga.
Pendant ce récital d'après-midi, plusieurs fois j'ai cru mourir de plaisir ! Avec la programmation folle à Chennai, j'aurais bien pu aller à un ou deux autres récitals dans la foulée, mais j'ai préféré rester sur le sentiment de plénitude apporté par Sruthi & K. Kalyanasundaram.
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This is a translation of the above review in French.
Today, my goosebumps-meter has reached irresistible heights during the recital by Kum. Sruthi Natanakumar, disciple and grand-daughter of Nattuvanar Guru K. Kalyanasundaram, the family of whom settled in Mumbai in the 1940s. (His family and the family of K. P. Kittappa Pillai are the most eminent representatives of the Thanjavur style (or bani), but I am not sure what it means exactly as I feel that Kittappa's and Kalyanasundaram's styles are as different from each other than they are from the other styles.)
The maestro is a very engaging and charming person. Just before the recital started, another older man entered. I did not understand his name, but it seems he also belongs to a traditional family of artists. Guruji (Kalyanasundaram) approached him, with his 86-year old legs. Guruji had spoken only in tamil until then, but when he saw me sitting in the second row, he casually asked me in English “Does my tamil bother you?” and to what extent I would understand tamil, I answered in hindi “Thora thora”, which he deliciously translated into tamil.
The first item was Thodayamangalam, which is a set of five compositions dedicated to Vishnu (under the form of Rama or Krishna). They are in differents talas (Khanda Chapu, Mishra Chapu, Rupaka, Adi, as it seemed to me) and they are interspersed with Tirmanams. It has been an immense delight for me to listen to Kalyasundaram when he was reciting the shollukattus. The dancer is rhythmically very precise and I like very much the softness in her upper body movements: her positions of arms and hands are very precise, but she performs them in a very gracious manner, not at all in a military style.
The main item was a Padavarnam in Raga Shankarabharanam and Adi Tala. In order to introduce the items, Guruji spoke a lot (in tamil and a little bit in English out of regard for me!). For this item, he said not exactly in tamil but in the language of music that the sahitya would start after “Ta ki ta”, which means that in the first half of the Varnam, the lyrics would start on the "and" after the second of the eight beats of Adi Tala. He also explained that he would use combinations of traditional syllabes like “ta-dit-dit-ta”. By watching and listening to his Tirmanams, it seems obvious to me that this man is a genius. Many other mridangists or choreographers are using the same sort of ingredients in order to construct their tirmanams, but K. Kalyanasundaram is one of the very few who know how to cook good cuisine... The third Tirmanam was entirely in usi (i.e. offbeat). Quite often, it seemed to me that some concluding rhythmic formulas were done in Tishra-nadai (at the small scale of only one beat, or even half a beat!). Many nattuvangam artists slow down a little bit the tempo when they switch to Tishna-nadai, but Guruji has an absolute mastery over the regularity of the pulse (Kalapramanam). Although the dance was rhythmically very complex, I did not feel any difficulty to follow the tala during all the recital.
Unfortunately, the shortness of the dance slot did not allow long elaboration in the Abhinaya: the Ettugada Sahitya lines have been performed only once (in Tattu Muttu). However, the dancer exquisitely performed a Sanchari for the second line of the Pallavi. Because of her love for the God, the Nayika loses her taste for music, etc. Most choreographies would show only the Nayika. Here, it was interestingly staged as a dialogue between the Nayika and the Sakhi who is trying all her best to make the Nayika recover her taste for all the beauty in life. The sakhi would prepare a glass of milk, but the heroin would refuse it. In a bed of flowers, she would find only a thorn. Later, in her sleep, she would like to dream, but she is only doing a nightmare.
During the recital, the tuning of the microphone was good for the Nattuvanar, but not for the singer; then, I was not able to distinguish the consonants in the beautiful singing of Vidya Harikrishna. This prevented me from understanding some words in the sahitya. In particular, I could not enter properly into the following item on Shiva, in his form residing in Chidambaram. In short, I could not fully get the intention in the expressive sections. The dancers seemed very convincing in her interpretation, but I could not follow the meaning. However, I prefer being sometimes lost and overwhelmed by the dance as it has been the case in this item, rather than attending programmes where I would feel I understand everything and that I could pull all the narrative strings myself.
(At some point, Guruji made a remark about his way of choreographying the Tattu Muttu, these segments where the dancer interprets the sahitya while executing specific precise rhythmic footwork.) During all the programme, I have felt that the Tattu Muttu patterns have been much more complex than what we usually see (which is lots of takadimi, sometimes some takita in second half of sahitya lines, i.e. patterns that are usually constructed independently of the prosody of the text). As I have been taught by Sucheta Chapekar (guru of my teacher in Paris), in the style of Kittappa Pillai (also from the Thanjavur bani), the prosody of the text is more important than the tala: the rhythmic contours of the Tattu Muttu follows the contours of the words, and as the words have longer or shorter musical lenghts, the rhythmic patterns of the Tattu Muttu may seem very comlpex, but as they are extremely musical, they are a real pleasure to perform. Because the microphone of the vocalist was not properly tuned, I could not properly distinguish the consonants in the singing. Then, I am not able to say whether the principles following by Guruji are the same as Kittappa's in their way of bringing together in a harmonious manner the poetry, the music and the dance.)
The recital continued with a sublime Thillana. I have particularly enjoyed the Mai adavus during which the dancer proved a full mastery over off-beats: most of these sequences started usi. An authentic rhythmic delight!
I am a little bit lost in my notes, but it seems the dancer ended her recital with a short item on Muruga.
During this afternoon recital, several times it was as if I was about to faint or die from the intense aesthetic pleasure I was feeling! Due the crazy schedule of performances in Chennai, I could have attended one or two other recitals just after this one, but I preferred staying with this sentiment of fullness brought by Sruthi & K. Kalyanasundaram.
2019-01-02 22:12+0530 (சென்னை) — Culture — Musique — Danse — Danses indiennes — Culture indienne — Voyage en Inde XVIII
The indian fine arts society, Ethiraja Kalyana Nilayam, Chennai — 2019-01-02 à 15:15
Rashmi Menon, mohiniattam
Shloka “Gajananam...” (Raga Shanmukhapriya)
Kirtana (Raga Shanmukhapriya, Adi Tala), composition de Papanasam Sivan
Dasavatar (Ragamalika, Adi Tala), extrait du Gita-Govinda
Histoire de Kuchela (Raga Shri, Adi Tala)
“Krishna ni en ariyala...” (Ragamalika/Talamalika), poème de Sudatakumar
Je divise en deux le compte-rendu de la journée, parce que même si les deux récitals étaient l'un à la suite de l'autre au même endroit, cela n'aurait aucun sens de les regrouper.
Le premier récital vu cet après-midi était celui de la danseuse de mohiniattam Rashmi Menon (qui pratique aussi le kuchipudi et le bharatanatyam). Ses gurus de Mohiniattam ont été Kalamandalam Kalyanikutti Amma, puis Kalamandalam Kshemavathy. Elle se perfectionne en Abhinaya auprès de Bragha Bessel.
Le costume et le style d'Abhinaya est typique des formes de théâtre dansé du Kerala, mais à part cela, rien ou presque n'indiquait qu'il s'agissait de mohiniattam puisque la jeune danseuse n'a me semble-t-il pas exécuté le moindre adavu : il n'y a eu aucun véritable passage de danse pure dans tout le récital.
L'Abhinaya de la danseuse n'est pas très élaboré. À part dans la toute dernière pièce que je n'ai pas regardée avec beaucoup d'attention, j'ai l'impression d'avoir compris presque de 100% de l'intention narrative, qui me semble globalement manquer de subtilité. La musique enregistrée obéit à une esthétique qui n'est pas vraiment la mienne, puisqu'il y avait d'assez horribles sons de sitar ou de vina au début de chaque pièce. Après le Shloka sur Ganesh et la première pièce dédiée à Shiva, la danseuse a représenté les 10 avatars (canoniques) de Vishnu. Krishna a été montré comme protecteur de Draupadi. Buddha et Kalki ont été représentés, ce qui n'est pas extrêmement courant dans les représentations de Dasavatars.
Dans une pièce relatant la rencontre entre Kuchela et Krishna après de longues années de séparation, le personnage de Kuchela n'apparaît que de façon anecdotique. Il s'agit surtout pour la danseuse de développer un épisode à la gloire de Krishna au travers de son apparition indiscutablement spectaculaire à Arjuna quand il lui enseigne la Bhagavad-Gita. La représentation de Krishna comme cocher d'Arjuna ne m'a pas semblé très convaincante, et globalement les personnages sont insuffisamment caractérisés à mon goût.
La dernière pièce contenait une étrange combinaisons de talas, le motif récurrent étant en Tishra-nadai Adi Tala.
2019-01-02 12:20+0530 (சென்னை) — Culture — Musique — Danse — Danses indiennes — Culture indienne — Voyage en Inde XVIII
Music Academy, Kasturi Srinivasan Hall, Chennai — 2019-01-01 à 08:00
Anugrah Lakshmanam Group
Devotional Music
J'ai assisté à la clôture de la conférence de la Music Academy. Il n'y avait pas grand monde pour ce bilan. Il y a d'abord eu un mini-concert de bhajans par l'Anugrah Lakshmanam Group. Ils ont chanté des compositions dans différents Talas habituels comme Adi, Mishra Chapu, Rupaka, mais aussi dans des Chapu Talas très originaux. Un d'entre eux était à 16 temps découpés en 5+5+2+2+2. Un autre était à 8 temps découpés en 3+2+3.
Le bilan a ensuite été fait par V. Sriram qui avait fait le chairman pendant les lec-dems. Puis, le mridangiste Sangita Kalanidhi Umayalpuram K. Sivaraman a complimenté l'équipe organisatrice. D'autres personnes sont intervenues, y compris dans le public pour poser des questions et formuler des suggestions pour les années futures. La conclusion a été faite par la chanteuse Aruna Sairam, qui n'était alors que Sangita Kalanidhi designate, et qui depuis hier après-midi est officiellement devenue Sangita Kalanidhi, le plus haut titre existant dans le monde de la musique carnatique.
2019-01-01 12:12+0530 (சென்னை) — Culture — Musique — Danse — Danses indiennes — Culture indienne — Voyage en Inde XVIII
Kartik fine arts, Bharatiya Vidya Bhavan, Chennai — 2018-12-31 à 19:30
Neena Prasad, mohiniattam
Sharanya, nattuvangam
Madhav Namboodiri, chant et compositions musicales
Ramesh Babu, mridangam
Easwar Ramakrishnan, violon
Solkattu (Khanda Triputa Tala, Raga Hamsadhwani)
Prabandham “Panjajakshana” (Rupaka Tala, Raga Todi)
Padavarnam “Mate Ganga Tarangini” (Mishra Chapu Tala, Raga Kamboji)
Ashtapadi “Kuru Yadu Nandana” (Raga Pantuvarali, Adi Tala, poème de Jayadeva)
Thillana (Adi Tala, Raga Bihag)
Mangalam
Comme la veille, j'ai pu voir la subtile beauté du mohiniattam, avec cette fois-ci le guru de Thomas Vo Van Tao : Dr. Neena Prasad. Les musiciens de la veille ont été rejoints par le violoniste Easwar Ramakrishnan et une élève de la danseuse (Sharanya ?) a joué le nattuvangam. Dans tout ce récital, j'ai apprécié la très grande musicalité de la danseuse et son immense talent dans l'art de l'Abhinaya.
Elle a commencé son récital par un Solkattu dans lequel elle a inséré un Shloka d'une Upanishad sur le guru.
La deuxième pièce représente la procession de la divinité du Temple Padmanabhaswamy de Trivandrum. La chorégraphie représente notamment les porteurs ainsi que la foule des dévots qui cherchent à apercevoir le dieu. Certains se mettent sur la pointe des pieds. D'autres font grimper leur enfant sur leurs épaules. Une dame courbée par le grand âge ne peut semble-t-il que le voir en pensée.
Depuis des années, j'espérais voir un Varnam sur le thème de Ganga. Ce souhait a enfin été exaucé. Cette pièce a initialement été enseignée à la danseuse par Guru Kalamandalam Sugandhi, et elle a été remise en musique par le chanteur Madhav Namboodiri. Je crois que c'est la première fois que je vois un Varnam en Misra Chapu. Un des passages rythmiques (le deuxième il me semble) utilisait beaucoup de contretemps entre les temps forts du cycle et les pas de danse. Les lignes de texte représentent chronologiquement la descente de la rivière Ganga, des cieux jusqu'à la Terre grâce à l'intervention de Bhagiratha pour permettre l'accomplissement des derniers rites pour les 60000 fils du roi Sagara, et enfin pour devenir une rivière sacrée dans laquelle les dévots de baignent rituellement. Après que la rivière a été faite prisonnière de la chevelure de Shiva, le moment le plus délectable a été pour moi la scène de jalousie de Parvati, dont Shiva est tombé amoureux et qu'il ne veut plus relacher.
Le point culminant de récital – et à ce jour le point culminant de ce séjour en Inde en tant que spectateur – a été son interprétation du dernier Ashtapadi “Kuru Yadu Nandana”. Tout simplement sublime !
Le récital s'est conclu par un Thillana dont le Caranam était consacré à Krishna, celui qui porte la flûte (Murali).
2018-12-31 08:11+0530 (சென்னை) — Culture — Musique — Danse — Danses indiennes — Culture indienne — Voyage en Inde XVIII
Art on the Terrace, Chennai — 2018-12-30 à 18:30
Thomas Vo Van Tao, mohiniattam
Neena Prasad, nattuvangam
Madhav Namboodiri, chant
Ramesh Babu, mridangam
Solkattu (Mishra Triputa Tala, Raga Gambhira Nattai)
Varnam (Adi Tala, Raga Shankarabharanam)
Panchakshara Stotram “Nāgendrahārāya” (Adi Tala, Raga Purvikalyani)
Thillana (Rupaka Tala, Raga Tillang), composition de Madhav Namboodiri
Mangalam
Comme lors de quelques autres très rares spectacles extraordinaires
auxquels j'ai eu la chance d'assister, je pourrais résumer mes impressions
avec l'unique mot Fantabullissime !
, mais je vais
développer davantage.
D'abord formé au bharatanatyam, Thomas Vo Van Tao s'est tourné vers le mohiniattam il y a une petite dizaine d'années environ. Il se forme auprès de son Guru Dr. Neena Prasad qui dirigeait le récital de ce soir, donné sur une terasse à Besant Nagar, au Sud de Chennai. L'orchestre a été magnifique. Une des particularités du mohiniattam par rapport au bharatanatyam est que dans la pièce principale (Varnam) les parties techniques de la première moitié ne sont pas accompagnées d'onomatopées rythmiques (Jati) comme dans le contexte du bharatanatyam, mais elles sont accompagnées par le texte (Sahitya) de la composition. En l'absence d'un autre instrument mélodique, c'est forcément au chanteur de répéter les lignes de texte, et il l'a remarquablement fait en changeant l'intention dans chaque répétition du texte, notamment en en modifiant la mélodie. Le percussionniste a bien fait deux ou trois petites acrobaties, mais il était magnifiquement tourné vers l'esthétique de la danse : quand l'art de l'expression l'exigeait, il savait mettre en valeur une pause ou pose dans la chorégraphie. (Note : dans ce récital de mohiniattam, et comme cela devrait aussi plus souvent être le cas en bharatanatyam, les poses ne sont jamais mortellement immobiles, elles sont pleines de vie.)
Après un magnifique Namaskar (commençant par un très beau demi- ou trois-quarts-de-plié à la seconde), la première pièce est un Solkatu. Il s'agit d'onomatopées rythmiques chantées sur un rythme assez complexe à 11 temps, chaque temps comptant en fait pour deux, donc on peut le considérer comme un cycle à 22 temps. La composition et la danse sont faites à différentes vitesses, y compris en utilisant des subdivisions en trois des 22 temps, ce qui demande de répéter trois fois la phrase chantée pour faire un nombre entier de cycles avant de passer à une autre vitesse. La technique de danse de Thomas Vo Van Tao est superbe et très musicale. Il danse magnifiquement bien, en toute simplicité. Les contacts de pieds avec le sol sont moins rapides que dans la danse bharatanatyam, mais ici le corps tout entier est constamment en mouvement, ce qui permet aux spectateurs d'apprécier certes les différentes positions du corps mais aussi et surtout le mouvement entre les positions.
La pièce principale est un Varnam dédié au dieu Rama. Dans le Pallavi, après une introduction et un passage rythmique (accompagné par le chant), le danseur développe un épisode extrait du Mahabharata. Il est heureux que le danseur ait présenté cet épisode avant de danser la pièce. Je ne sais pas s'il figure dans toutes les éditions intégrales du Mahabharata. Lors d'un des voyages d'Arjuna, il serait allé à Rameshwaram et aurait rencontré le singe Hanuman qui le met au défi de constuire un pont tout comme l'armée des singes avait construit un pont pour rejoindre Lanka. Hanuman détruit d'un coup de pied le pont de flèches construit par Arjuna. Un deuxième essai est accordé, mais cette fois-ci, avec un brahmane comme témoin. Alors qu'il grandit pour détruire le pont, Hanuman renonce à le détruire parce qu'il sent que le brahmane le met lui aussi à l'épreuve : le brahmane ne peut être que Rama en personne.
Je n'ai pas bien compris le sens de l'Anupallavi qui n'a pas été développé, si ce n'est qu'il était question de Kama. Il est important de savoir que les mouvements de mains sont assez différents entre le bharatanatyam et le mohiniattam... Dans ce style, l'expression est aussi ornementée de très nombreux micro-mouvements, notamment au niveau du visage (sourcils, petits mouvements latéraux et la tête, etc.). Après un élégant Muktayi Swaram et la section d'Abhinaya associée, le tempo accélère légèrement pour la deuxième moitié du Varnam. La ligne de texte du Caranam contient très distinctement le nom de Gautama, ce qui m'a permis de comprendre immédiatement que c'était l'histoire d'Ahalya qui serait explorée. Alors que son mari Gautama était allé se rafraîchir à la rivière, Indra prend son apparence pour séduire Ahalya. Quand Gautama rentre, il comprend ce qui s'est passé et les maudit. Ahalya est transformée en pierre et retrouve la vie quand bien plus tard Rama la touche du pied. (Si je n'avais pas entendu le mot Gautama dans le texte, je n'aurais compris qu'il s'agissait de l'histoire d'Ahalya qu'à la toute fin de la séquence ! C'est vraiment par chance que j'ai pu apprécier les nuances de cette interprétation.) La structure de la suite du Varnam est comparable à ce qui se fait en bharatanatyam. On trouve ainsi des passages rythmiques accompagnés d'une mélodie solfiée (Ettugada Swaram), puis sur la même mélodie un texte est chanté (Ettugada Sahitya), un petit nombre de fois, la dernière étant en Tattu Muttu. Comme il n'y a pas véritablement de place pour l'élaboration, le sens est beaucoup plus fugitif. Je me souviens simplement que le dernier semblait être sur le thème de l'amour, évoqué notamment par des lèvres de lotus.
Ce Varnam et la pièce qui suit ne font sans doute pas partie du
répertoire de mohiniattam le plus traditionnel. Cette forme de danse est
quasi-exclusivement pratiquée par des femmes. Quelques interprètes masculins
portant le costume féminin interprètent aussi cette danse de
l'enchanteresse
qui aborde le plus souvent le sentiment amoureux d'un
point de vue féminin. D'après ce qu'une de ses condisciples m'a confié,
Thomas Vo Van Tao est le premier danseur masculin qui a à son répertoire
des pièces de mohiniattam qui se placent résolument du point de vue
masculin (comme dans le Varnam) ou qui abordent d'autres
thèmes. Il faut vraiment féliciter Thomas Vo Van Tao et son guru Dr. Neena
Prasad pour ce travail.
La pièce qui suit est une représentation dansée du Panchakshara Stotram “Nāgendrahārāya” (d'Ādi Śaṅkarācārya) basé sur le mantra (Om) Namah Shivaya. Après un Shloka introductif, les cinq parties de la pièce sont la mise en musique de vers commençant par l'une des cinq syllabes du mantra. Le sens de chacun des cinq vers est montré dans la danse de façon extrêmement claire et surtout très belle. Je ne vais pas développer puisque sinon je serais obligé de citer intégralement le poème.
Ce superbe récital s'est terminé par un Thillana et un Mangalam.
2018-12-30 00:47+0530 (சென்னை) — Culture — Musique — Danse — Danses indiennes — Culture indienne — Voyage en Inde XVIII
Music Academy, Kasturi Srinivasan Hall, Chennai — 2018-12-29 à 08:05
Vidushi Kalyani Ganesan
Chittaswarams composed by Vainikas
J'ai assisté aux deux exposés de la session matinale de conférences à la Music Academy. Le premier discutait des Chittaswarams (séquences de notes solfiées) composées par des Vainikas (c'est-à-dire des musiciens qui jouent de la vina). La viniste Kalyani Ganesan est accompagnée de ses élèves qui chantent les exemples donnés. Un certain nombre d'entre eux viennent de Muthuswamy Dikshitar et des musiciens de sa lignée, parmi lesquels l'auteur du Sangita Sanpradaya Pradarshini. L'exposé était en tamoul, mais les textes projetés sur un écran étaient en anglais. Un exemple amusant était une mélodie en palindrome pour la composition Kamala bajane (Raga Kedaram, Adi Tala) de Muthuswamy Dikshitar.
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Music Academy, Kasturi Srinivasan Hall, Chennai — 2018-12-29 à 09:05
Aruna Sairam, chant
Ragavendra Rao, violon
Vaidyanathan, mridangam
The impact of Bhajana Sampradaya on Carnatic Music
La salle était pleine parce que l'exposé suivant était confié à Aruna Sairam, qui va recevoir le premier janvier le titre de Sangeetha Kalanidhi. Elle a discuté de la tradition de chant de bhajans, dans laquelle la communauté d'auditeurs participent en chantant dans un cadre dévotionnel, contexte qui s'oppose a priori au concert, où la musique est jouée dans but purement esthétique. Elle a donné de nombreux exemples de compositions, et aussi d'échanges entre ces deux traditions. Par exemple, elle a suggéré que les Chapu-talas viendraient d'une pratique de compositions jouées à vitesse rapide dans un cadre dévotionnel.
⁂
Narada Gana Sabha, Narada Gana Sabha (Main Hall), Chennai — 2018-12-29 à 13:45
Sudharma Vaithiyanathan, danse bharatanatyam
A. Lakshmanaswamy, nattuvangam, chorégraphies
K. Hariprasad, chant
Nellai D. Kannan, mridangam
Kalaiarasan Ramanathan, violon
Pushpanjali (Adi Tala, Raga Arabhi), composition de Dr. M. Balamuralikrishna
Varnam “Samiyai Azhaittu” (Raga Khamas, Adi Tala), composition du Thanjavur Quartette
Shloka “Rāmo nāma babhūva...”
Ashtapadi “Yahi Madhava” (Adi Tala, Raga Sindhu Bhairavi)
Javali (Raga Paras, Adi Tala)
Tillana (Raga Desh, Adi Tala), composition de Lalgudi Jayaraman
Mangalam
Premier grands frissons de la saison pour moi en matière de récital de danse solo. J'avais déjà assisté à un récital de la danseuse Sudharma Vaithiyanathan en 2015 lorsqu'elle avait eu le premier prix ex-aequo du Festival Spirit of Youth. Tous les paramètres sont au plus haut : les chorégraphies de son guru A. Lakshmanaswamy sont magnifiques (et très musicales), le chanteur K. Hariprasad et le violoniste Kalaiarasan sont excellents et le percussionniste Nellai D. Kannan est tout simplement sublime ! La technique de la danseuse est magnifique : il n'y a pas un mouvement qui soit fait à moitié.
Après un Pushpanjali, la danseuse a interprété un des Varnams les plus dansés (celui en Khamas du Thanjavur Quartette) dédié à Sundareswarar, la forme de Shiva résidant à Madurai. Très beau premier Jati avec d'assez longs silences (karvais) avant de reprendre certains mouvements. La danse est très élégamment ornementée, avec un très beau phrasé : rien n'est mécanique, même quand la danseuse doit alterner rapidement entre la position debout et le grand-plié. Dans l'Abhinaya, l'élaboration est magnifique. Par exemple, la première ligne du Pallavi est d'abord jouée uniquement avec les yeux. Puis, la danseuse suit le mot-à-mot du texte tout en donnant vie aux personnages : l'héroïne implore son amie d'aller transmettre son message à Shiva. Cette présentation du texte est répétée à de nombreuses reprises, sans jamais ennuyer puisqu'il y a toujours des variations significatives d'une fois sur l'autre. Et alors seulement, la danseuse développe un Sanchari : touchée par les flèches de Kama, elle perd l'appétit et le sommeil, et supplie son amie d'aller trouver Shiva pour qu'il vienne. Ensuite viennent les Tattu Muttu (partiellement à contretemps), des marches en arrière, une pause, puis des marches en diagonales avant de démarrer le Jati suivant. Je connaissais déjà le deuxième puisque j'ai vu Geoffrey Planque le danser dans un autre Varnam. Plus loin, l'héroïne demande au grand Shiva, beau comme la Lune de ne pas rester indifférent. La grandeur de Shiva est le thème de cette partie puisqu'un Sanchari développe la légende de la colonne de lumière en laquelle Shiva s'était manifesté : il avait défié Vishnu et Brahma d'en trouver les extrémités, mais aucun n'avait réussi. La chorégraphie ne représente que la tentative de Vishnu qui s'en va vers le bas de la colonne, en vain. Le troisième Jati utilise beaucoup l'espace scénique et utilise astucieusement des contretemps. Dans l'Anupallavi, on est dans la ville de Madurai et l'héroïne s'émerveille du temple qui s'y trouve. La chorégraphie représente ses différents gopurams, le bassin de lotus, le Shiva-lingam et celle aux yeux de lotus (Meenakshi). Plus loin, elle cherche l'union avec Shiva. L'héroïne se donne des airs de timide, mais son amour est trahi par ses yeux, et on la voit aussi préparer un lit de fleurs... Le Muktayi Swaram est très élégant. Le texte associé semble évoquer les pieds de lotus de Shiva et le dieu de l'Amour. La deuxième moitié du Varnam tourne autour du sentiment amoureux provoqué par les flèches de Kama, suggéré par le butinement des abeilles et le son des couples d'oiseaux. À la fin du dernier Ettugada Swaram, la danseuse exécute un formidable saut en avant typique de la tradition Vazhuvoor. Souffrant de la séparation, l'héroïne demande finalement à un oiseau de transmettre son message à Shiva.
Ensuite, la danseuse a magnifiquement bien interprété trois pièces de pur Abhinaya. La première était un Shloka “Rāmo nāma babhūva...” extrait du Krishna-katha. Magnifiques doubles cordes du violiniste dans l'introduction de la pièce dans laquelle Yashoda essaie de coucher Krishna, mais il demande qu'elle lui raconte une histoire. Il ne veut pas d'une histoire d'oiseaux ou de lion, mais il est partant pour l'histoire de Rama. La narration va de la naissance de Sita jusqu'à son enlèvement par Ravana. D'une part, la danseuse doit incarner les différents personnages du Ramayana, et d'autre part elle doit souvent revenir au rôle de Yashoda qui est une conteuse pour Krishna. Elle ne peut montrer les réactions de Krishna qu'au travers du regard de Yashoda. Quand Krishna prend peur alors que Sita vient d'être enlevée, Yashoda le rassure en lui disant que cela se finit bien (ce qui, au passage, est un peu discutable..) Finalement, elle le berce et il ferme les yeux.
Le récital s'est poursuivi avec l'Ashtapadi “Yahi Madhava”. Radha prépare un lit de fleurs et une guirlande pour Krishna, mais elle l'attend en vain toute la nuit. Quand il arrive, elle lui fait des reproches. Elle remarque par exemple une marque sur ses lèvres, mais il prétend avoir mangé des baies. Les griffures sur son corps s'expliquent par le frottement des branches de la forêt qu'il a traversée. Qu'il arrête ses paroles mielleuses (je traduis ici littéralement la chorégraphie) ! Elle finit par détruire son lit de fleurs.
Je n'ai pas absolument tout compris au Javali (Raga Paras/Adi Tala) qui a été interprété de façon très sarcastique ! À la fin, l'héroïne qui vient de recevoir une flèche florale de Kama se retourne et renvoie la fleur à l'envoyeur !
Le récital d'une heure et demie s'est terminé par un beau Thillana et un Mangalam.
⁂
Sri Mutha Venkatasubbarao Concert Hall, Chennai — 2018-12-29 à 19:00
TM Krishna, chant
Dr. R. Hemalatha, violon
Praveen Kumar, mridangam
Delhi Sairam, mridangam
BS Purushothaman, kanjira
Il s'agit de l'unique concert de TM Krishna pendant la saison des concerts. Ses concerts ne ressemblent pas du tout à ceux des autres musiciens. D'un concert à l'autre, il ne se ressemble pas non plus à lui-même : c'est toujours très différent. Il a élaboré des Alap et chanté des compositions utilisant des tempis très lents. Il ne clappe pas vraiment le Tala, ou s'il le fait, c'est souvent plus confusogène qu'autre chose. Même les connaisseurs avaient beaucoup de mal à suivre, et y compris les autres musiciens : il a semble-t-il un peu chambré les percussionnistes quand ils les a complètement perdus au début d'une des compositions.
Il s'agissait d'un concert caricatif en faveur du chœur d'enfants Nalandaway. Les jeunes musiciens ont rejoint le maître à la fin du concert pour interpréter plusieurs compositions, dont un mix entre deux Thillanas en Adi Tala et Raga Khamas (compositions de Pooci Srinivasan Iyengar et de Lalgudi Jayaraman), et pour conclure, une composition de Rabindranath Tagore.
2018-12-28 23:24+0530 (சென்னை) — Culture — Musique — Danse — Danses indiennes — Culture indienne — Voyage en Inde XVIII
Kartik fine arts, Bharatiya Vidya Bhavan, Chennai — 2018-12-28 à 19:30
Jyotsna Jagannathan, danse bharatanatyam
S. Srilatha, nattuvangam
Murali Parthasarathy, chant
Ramesh Babu, mridangam
Smt. K. P. Nandhini, violon
Muthu, flûte
Nandichol (Tishra Triputa Tala), composition de Ramesh Babu
Varnam (Adi Tala), composition de K. Hariprasad
Padam (Mishra Chapu Tala), composition d'Aditya Prakash d'après un poème de Surdas
Thillana (Raga Shankarabharanam, Adi Tala), composition de Pooci Srinivasan Iyengar
Récital dans lequel tout est fait pour être joli, mais pour moi sans émotion. C'est une des premières représentations de danse que je vois lors de ce séjour pour laquelle la salle est très bien remplie, le Who's who du bharatanatyam étant aussi très bien représenté.
Ancienne disciple de Guru A. Lakshman Swamy, Jyotsna Jagannathan travaille maintenant avec Malavika Sarukkai et Bragha Bessel. La première pièce est un Nandi-chol. La récitation par S. Srilatha sera magnifique pendant tout le récital. Il y a quelque chose dans sa façon de réciter qui fait que l'on continue à bien sentir la pulsation principale même pendant les passages les plus complexes. Je n'ai ainsi eu aucun problème à suivre le cycle rythmique pendant le passage en Tishra-nadai et le retour en Chatushra. La chorégraphie est délicieuse, mais je ne comprends pas l'intérêt de cette pièce si ce n'est qu'elle remplit un quart d'heure dans le créneau. La fin est toute mignonne puisqu'après avoir joué du mridangam, Nandi la monture de Shiva reçoit de celui-ci le tambour Damaru et commence à jouer avec...
La pièce principale est dédiée à Ranganatha (Vishnu). Il s'agit d'un Varnam composé par le chanteur K. Hariprasad. Le Trikala Jati est très bien chorégraphié, même si je n'apprécie pas la première vitesse qui est beaucoup trop mécanique. Dans la première ligne du Pallavi, l'héroïne cherche le bras protecteur de Vishnu. Cela donne l'occasion à la danseuse de faire pas moins de cinq courts Sancharis autour des bras de Vishnu et de son rôle de protecteur, un autour de la conque et du disque qu'il porte, un autre autour de la montagne Govardhana qu'il avait soulevée, un autre autour de Draupadi, sauvée dans l'épisode de la partie de dés, un dernier autour de l'éléphant Gajendra, et encore un autre que j'allais oublier à propos du Rasalila, Krishna tenant les gopis par la main. Plutôt que d'émouvoir de façon irrésistible, cela fait un peu collection d'images... Très beau deuxième Jati en Tishra nadai. Le quatrième était en Chatushra-nadai, avec parfois de tous petits passages d'un seul temps en Tishra-nadai. Dans la deuxième moitié du Varnam, l'héroïne souffre de la séparation et cherche l'union avec lui. Dans un des passages expressifs, l'héroïne semble demander à un oiseau d'aller transmettre son message à Vishnu dans les trois mondes. Malgré la présence scénique de la danseuse et des lumières très étudiées, je suis resté de marbre pendant la performance. Dans sa technique, elle est parfois légèrement en avance sur la musique et surtout il n'y a pas suffisamment de contrastes dans ses frappes de pieds (il faut regarder ses pieds ou écouter les thalams pour savoir si elle fait des motifs de 4 ou de 3 dans les Tattu Muttu). Son demi-plié est plutôt un quart-de-plié : dans de nombreux gestes techniques, on ne sait pas si elle est censée être debout ou en demi-plié...
Le Padam est très joli, mais il ne donne pas suffisamment à faire ressentir des émotions humaines. On commence par l'image de Rama traversant une forêt inhospitalière (belles doubles cordes dissonantes par la magnifique violoniste KP Nandhini dont le micro était malheureusement mal réglé). Tout dans la Nature rappelle à Rama le souvenir de Sita : ses yeux dans les antilopes, son visage dans la Lune qu'il aperçoit à travers le feuillage des arbres, etc.
Le récital s'est terminé par un Thillana en Adi Tala dédié à Padmanabha qui présentait la particularité de commencer sur le huitième temps, ce qui produit un effet de surprise lorsque les différents enchaînements se terminent...
Pas de Mangalam pour conclure le récital. Cela fait bizarre, une fin aussi abrupte !
2018-12-28 00:50+0530 (சென்னை) — Culture — Musique — Danse — Danses indiennes — Culture indienne — Voyage en Inde XVIII
Natya Kala Conference, Dr. Nalli Gana Vihar, Chennai — 2018-12-27 à 10:20
Aravinth Kumarasamy (Apsara Arts)
The Modern Dance Ensemble
La deuxième journée de la Natya Kala Conference a commencé par une projection d'un film sur Mrinalini Sarabhai, commenté par Sunil Kothari. Je n'y suis pas allé parce qu'il avait déjà présenté ce film à Paris. Le premier exposé a été fait par Aravinth Kumarasamy qui crée des productions de danse avec la compagnie Apsara Arts à Singapour. Il a expliqué son processus de création, les différents types de personnes à réunir en équipe suivant la taille des projets. Il a montré quelques extraits vidéos montrant diverses techniques scénographiques : comme des piliers qui sont déplacés sur scène, l'utilisation de projection vidéo ou de lumières pour créer une certaine esthétique. Il a aussi expliqué comment la forme de danse bharatanatyam pouvait être adaptée pour tenir compte des particularités culturelles de l'Asie du Sud-Est.
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Natya Kala Conference, Dr. Nalli Gana Vihar, Chennai — 2018-12-27 à 11:05
Apoorva Jayaraman, danse bharatanatyam
Shweta Prachande, danse bharatanatyam
Millennial Adavus
La présentation était plus intéressante que le titre. Apoorva & Shweta, deux excellentes disciples de Priyadarshini Govind ont présenté leur approche des adavus : comment les rendre contemporains ? Trois ingrédients : Intention, Innovation, Inspiration. Le plus évident dans leur danse est qu'elles mettent une intention particulière quand elles exécutent un adavu dans un contexte donné. Apoorva sourit et utilise beaucoup les yeux. La palette de Shweta est moins immédiatement impressionnante, mais elle paraît plus riche. Parmi les innovations, il ne s'agit pas forcément de créer de nouveaux adavus, mais de les combiner différemment. Ainsi, elles ont montré comment utiliser dans un jati des mouvements habituellement utilisés comme transition après la conclusion d'un Korvai dans un Jatiswaram. Une combinaison particulièrement impressionnante a consisté à effectuer un tour complet tout en exécutant un tarikitatom. Une autre façon d'innover consistait à créer des enchaînements utilisant des positions connues qui habituellement ne se suivent pas.
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Natya Kala Conference, Dr. Nalli Gana Vihar, Chennai — 2018-12-27 à 11:55
Mrs Akhila Krishnamurthy
Srinidhi Chidambaram
Ms S. Janaki
Nrithya Pillai
Smt Tulsi Badrinath
Caste, Gender, Privilege and their Roles in the Bharatanatyam landscape: A panel discussion (moderated by Sri V Sriram)
Cette discussion est restée au niveau des généralités, sans véritablement rentrer dans le fond du sujet, beaucoup trop large. La partie la plus intéressante est bien sûr venu de Nrithya Pillai qui a partagé le ressenti de sa famille de praticiens héréditaires de la danse. Quand elle apprenait la danse toute petite, on lui disait “This is not for us.” : nous pouvons enseigner, mais pas danser en public. Je l'avais déjà entendue développer davantage sur ce sujet lors d'une conférence en août dernier, et je me disais alors qu'il serait intéressant qu'elle puisse faire le même exposé dans un lieu tel que la Natya Kala Conference.
Actuellement, le problème principal semble être qu'au moins en début de carrière, les danseurs et danseuses doivent payer pour se produire. Il n'y a pas de procédure transparente pour sélectionner les danseurs.
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Vipanchee, R. K. Swamy Auditorium, Chennai — 2018-12-27 à 19:30
Kum. Ananya, Kum. Akshara, Kum. Kirtana, danse bharatanatyam
Swamimalai K. Suresh, nattuvangam, chant
T. Sashidhar, flute
M. Dhanamjayan, mridangam
Invocation “Jayasuda pori...” (Khanda Chapu Tala)
Mallari (Raga Ganapanchaka, Mishra Triputa Tala)
Pada-varna “Deva Munivar...” (Raga Shanmukhapriya, Adi Tala), composition de Lalgudi Jayaraman
Viruttam “Kunitha puruvamum...” / Kirtana Sadanandatandavam (Raga Marudari, Adi Tala)
Thillana (Raga Surutti, Tisra-gati Adi Tala), composition d'Oothukkadu Venkata Kavi
Mangalam
Pour la première fois de ma vie, j'ai vu un Nattuvanar diriger un récital de bharatanatyam. De même que son grand-oncle S. K. Rajarathnam Pillai, Swamimalai K. Suresh dirige et chante. Quel plaisir à écouter !
Toutes les pièces sont exécutées par trois de ses disciples. Les danseuses sont relativement jeunes ; l'exécution n'était pas toujours absolument parfaite, mais elles sont toutes très musicales dans leur danse. Kumari Akshara est particulièrement douée.
Le style de Swamimalai K. Suresh comporte quelques aspects particulièrement Vazhuvoor, mais je vois dans ces chorégraphies dans enchaînements que je n'avais jusqu'à maintenant vus que chez Kuttalam M. Selvam et son père Muthuswamy Pillai.
Dans le Mallari à 11 temps, le rythme des pas est très complexe puisqu'il ne suit ni le tala ni les shollus : on a en quelque sorte une polyrythmie à trois voix.
Le Varnam m'a semblé délicieux. Il s'agit d'une composition de Lalgudi Jayaraman, dont Swamimalai K. Suresh a été un disciple. Le sens du texte est relativement clair dans la gestuelle des danseuses, même si parfois je ne comprends pas tout à fait le sens global de chaque ligne. Les dieux et sages vénèrent le pied de Jagannath. Dans de courts Sancharis, les trois danseuses représentent plusieurs exploits de Vishnu, notamment la libération d'Ahalya (une représentant Ahalya, et les deux autres Rama et Lakshmana). Dans la deuxième ligne, je comprends l'idée que Vishnu protège et que son épouse est Lakshmi. Dans l'Anupallavi, on célèbre les pieds de Vishnu et un Sanchari développe l'histoire de l'avatar du Nain (Vamana). Enfin, il est question de la montagne où il réside (Venkatagiri) et de ses yeux de lotus. Dans cette première moitié de Varnam, les jatis et le Muktayi Swaram sont magnifiquement récités ou chantés, et chorégraphiés avec un grand sens musical et une utilisation intéressante de l'espace. Ainsi, dans le Muktayi Swaram, les danseuses utilisant beaucoup les diagonales, et font des séries de quatre quarts de tour. Dans toute la pièe, les Arudis sont délicieuses de simplicité ; les Tattu Muttu suivent des motifs un peu plus complexes, mais néanmoins très agréables. L'Abhinaya est beaucoup moins développé dans la deuxième moitié du Varnam. À la fin, on trouve une représentation de l'apparition indiscutablement spectaculaire de Krishna à Arjuna.
La pièce suivante est dédiée à Shiva. La partie rythmique commence par un Jati dans lequel les danseuses n'utilisent pas les mudras utilisés normalement dans la danse pure mais elles représentent à la place les divers attributs de Shiva. Cela se fait assez régulièrement, mais il était intéressant d'en voir une version à trois. Plusieurs élégantes séquences rythmiques ont été insérées dans la composition qui exprime l'émerveillement devant la danse de Shiva.
La dernière pièce du récital est un Thillana en Tishra-nadai Adi Tala (avec une séquence en Chatushra-nadai à la fin). La chorégraphie avait à mon goût le niveau de complexité rythmique idéal : ni trop simple, ni trop compliquée, juste ce qu'il faut de polyrythmie pour qu'on sente un peu de frottement entre la danse et la musique sans pour autant être complètement perdu.
2018-12-26 23:55+0530 (சென்னை) — Culture — Musique — Danse — Danses indiennes — Culture indienne — Voyage en Inde XVIII
Natya Kala Conference, Dr. Nalli Gana Vihar, Chennai — 2018-12-26 à 10:30
Ms Mahati Kannan
The Karanas Decoded
Après mon cours de bharatanatyam, je file au Krishna Gana Sabha pour assister à une partie de la matinée du premier jour de la Natya Kala Conference. J'arrive vers la fin de la présentation de Mahati Kannan qui a étudié les Karanas dans les sculptures, y compris dans d'autres régions de l'Asie que l'Inde.
À peine me suis-je assis que je l'entends prononcer le nom du peintre Edgar Degas et des termes de ballet : grand jeté, grand battement. Une version indienne de ces mouvements est présentée. À l'invitation de CV Chandrashekar, Mahati Kannan fait la démonstration d'un Swaram utilisant uniquement des tours (de différentes sortes, parmi lesquelles il y avait des sortes de fouettés et aussi des tours avec les genoux à terre.)
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Natya Kala Conference, Dr. Nalli Gana Vihar, Chennai — 2018-12-26 à 11:30
Ms Sanjukta Wagh
Manodharma in Kathak and Dance Theatre
La danseuse de kathak Sanjukta Wagh intervient ensuite pour une démonstration sur l'improvisation. Elle explique comment en quelques mois au Trinity Laban Conservatoire de Londres elle a repensé sa pratique de la danse. Elle a cherché à explorer l'improvisation qu'elle pouvait admirer dans d'autres formes d'art, comme la musique dhrupad.
Elle a présenté trois extraits sur le thème de Gandhari accompagnée par un guitariste et par son propre chant. Les deux premiers était de pur Abhinaya. Ses mouvements étaient très simples, mais l'intensité qui s'en dégageait m'a semblé assez sublime. Le troisième était un passage rythmique dans lequel elle incarne Gandhari portant le bandeau qui l'a rend aveugle.
Elle a interprété aussi une composition en Ektal sur un poème soufi penjabi de Shah Hussain “Ghum ghum carakhra”.
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Natya Kala Conference, Dr. Nalli Gana Vihar, Chennai — 2018-12-26 à 12:15
Sri V. Balagurunathan
Sri Guru Bharadwaj
Smt Meenakshi Srinivasan
Sri Swamimalai Suresh
Smt Pavithra Srinivasan
Jathis - the long and short of it: A panel discussion (moderated by Priya Murle)
J'étais principalement venu pour cette discussion entre danseurs, percussionnistes et un nattuvanar. L'organisatrice de la conférence Srinidhi Chidambaram a introduit le sujet avec des commentaires assez acides à propos de l'évolution des jathis vers de plus en plus de longueur, de plus en plus de complexité, au détriment de la musicalité. Chacun des intervenants a présenté son opinion sur les Jathis, certains s'exprimant uniquement en tamoul... Le percussionniste Guru Bharadwaj a expliqué dans quelle mesure les shollus variaient entre le mridangam, le tavil et les jathis en bharatanatyam. L'idée la plus importante m'a semble-t-il été énoncée par Swamimalai Suresh qui a dit que ce qui comptait c'était la musicalité... Meenakshi Srinivasan était aussi de cet avis, mais qu'il fallait aussi prendre en compte le contexte (quel Varnam et où ?) dans lequel s'insère le jati pour produire le Bhava adapté ; par ailleurs, autant visuellement qu'en termes d'onomatopées, le jathi doit utiliser un vocabulaire cohérent, comme une sorte de thème et variations.
Une controverse générale s'est répandue à propos de la question de savoir qui est-ce qui dirige la danse, en particulier pendant les silences (karvais) ? Cela faisait suite à une remarque de la danseuse Meenakshi Srinivasan qui pensait que dans ce cas c'était à la danseuse de diriger et aux musiciens de suivre. Beaucoup d'autres, et Guru Bharadwaj en premier pensaient très fortement que ce qui compte c'est que tout le monde soit en même temps en rythme (kalapramanam). (Personne n'a pensé à dire qu'il est possible pour le nattuvangam artist et/ou le mridangiste de remplir un peu les silences pour faciliter la perception des bons intervalles de temps.) Srinidhi Chidambaram a insisté sur le fait qu'il fallait inciter les jeunes danseurs à aller assister à des concerts pour mieux comprendre la musique carnatique...
Parmi les questions du public, Nrithya Pillai a demandé à Swamimalai Suresh de réciter un jati spécifique qui est particulièrement intéressant pour les longs intervalles de silence qu'il contient. L'artiste qui est le petit-neveu de S.K. Rajaratnam Pillai s'est exécuté et en a aussi récité un deuxième. C'étaient de véritables gourmandises auditives !
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Music Academy, T.T.K. Auditorium, Chennai — 2018-12-26 à 16:00
Aruna Sairam, chant
Vittal Ramamurthy, violon
J. Vaidyanathan, mridangam
Dr S. Karthik, ghatam
Bien qu'elle ait pas mal toussoté entre les pièces, très beau concert de la grande Aruna Sairam, qui va très bientôt recevoir le titre de Sangeetha Kalanidhi par la Music Academy. Elle a commencé par un Varnam en Khanda Ata Tala (14 temps). Plus loin, alors même que je regardais le portrait de Shyama Shastri accroché à droite dans les hauteurs du T. T. K. Auditorium, elle a annoncé qu'elle allait chanter Brovavamma Tamasa... (Raga Mahnji, Misra Chapu Tala) de ce compositeur. La pièce principale a été un Ragam-Thanam-Pallavi en Khanda Chapu à la fin duquel les deux percussionnistes ont fait un beau Tani Avarthanam.
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Narada Gana Sabha (Main Hall), Chennai — 2018-12-26 à 19:00
Narthaki Nataraj, danse bharatanatyam
Kaushik Champakesan, nattuvangam
Nandini Sai Giridhar, chant
Nag Sriram, mridangam
Srilaksmi Ramani, violon
Devraj, flûte
Chidambaram Thiruppugazh (Raga Gambhira Nattai, Chatushra Ekam Tala)
Kirtana “Devi Mina Netri” (Raga Shankarabharanam, Adi Tala), composition de Shyama Shastri
Pada Varnam “Mohamana” (Raga Bhairavi, Rupaka Tala), composé par Ponniah Pillai (Thanjavur Quartet)
Kriti “Kanna vendum” (Raga Surutti, Adi Tala), composition d'Arunachala Kaviraya
Padam “Enako Munako” (Raga Abheri, Tisra-nadai Adi Tala)
Padam (Ragamalika, Khanda Chapu Tala)
Mangalam
C'est un fort beau Margam de deux heures qu'a présenté Narthaki Nataraj (que j'avais déjà vue en 2013).
Le première pièce est un hommage à Muruga aux six visages. La façon d'exécuter les mouvements de danse pure n'est pas la plus raffinée ou stylisée qui soit, et les pieds manquent parfois un peu de précision (on sent aussi que l'orchestre n'a pas beaucoup répété et que le mridangam en fait dix mille fois trop). Comme dans tout le récital, la danse pure sera fait en vitesse moyenne, conformément à ce qu'enseignait K.P. Kittappa Pillai, le guru de la danseuse. Il n'y a aucune volonté de virtuosité. Par contraste avec ce qui se fait habituellement de nos jours, c'est extrêmement agréable à écouter et à regarder. Les mouvements expressifs de la danseuse sont extrêmement beaux et semblent être d'un autre temps.
Après une pièce introductive dédiée à Muruga et un kirtana de Shyama Shastri dédié à la Déesse aux yeux de poisson, Narthaki Nataraj a interprété le Varnam “Mohamana”, un grand classique. Je l'avais vu en août dans une chorégraphie de Rama Vaidyanathan qui avait pour ainsi dire enlevé tout l'aspect amoureux de la pièce. C'est donc avec un grand plaisir que j'ai apprécié cette interprétation (d'une chorégraphie de K.P. Kittappa Pillai). L'héroïne enamourée de Tyagesha (Shiva) perd le sommeil et l'appétit. Elle ne peut supporter les sons de la nature. Plus loin, l'amie de l'héroïne n'en peut plus de devoir transmettre des lettres entre l'héroïne et Tyagesha : au bout de quelques allers-retours, elle est épuisée. Ensuite, la ville de Thiruvarur est évoquée avec un éloge des arts (sculpture, musique) et un court développement d'une légende selon laquelle les roues d'un char avaient tué une vache et pour expier sa faute, le pilote avait sacrifié son fils. Enfin, l'héroïne cherche l'union avec celui qui chevauche le buffle. Plus loin, il y a eu une transition interminable du percussionniste : la danseuse au milieu de la scène s'est mise à clapper le tala pour ne pas se perdre avant de commencer la deuxième partie dans laquelle l'héroïne est touchée par les flèches de l'Amour et souffre de la séparation avec Tyagesha. Le chant des oiseaux la fait souffrir. La nuit, elle est ardente. Elle brûle d'amour à cause de la lumière de la Lune.
Le récital s'est terminé par trois pièces de pur Abhinaya. Le premier mettait en scène Shurpanakha décrivant la belle Sita à Ravana.
2018-12-25 22:30+0530 (சென்னை) — Culture — Musique — Danse — Danses indiennes — Culture indienne — Voyage en Inde XVIII
Narada Gana Sabha (Main Hall), Chennai — 2018-12-25 à 19:00
Srekala Bharath, danse bharatanatyam
Padma Raghavan, nattuvangam
Dhanamjayan, mridangam
Preeti Mahesh, chant
M. Srikamani, violon
Invocation (Rupaka Tala)
Pushpanjali (Adi Tala, Raga Arabhi), composition de Dr. M. Balamuralikrishna
Viruttam
Muruga Kavuttuam
Swarajati (Adi Tala, Raga Kamboji), composition du Thanjavur Quartette
Padam “Jagadhodharana” (Raga Kapi, Adi Tala, composition de Purandaradasa)
Javali (Adi Tala, Raga Kamas)
Thillana (Adi Tala, Raga Paras), composition de Pooci Srinivasan Iyengar
Kriti “Omkara Akarini” (Adi Tala, Raga Lavangi), composition de Dr. M. Balamuralikrishna
Mangalam
Chroniquette express. Le récital de danse auquel j'ai choisi d'assister ce soir était celui de Srikala Bharath (disciple de KJ Sarasa, dont elle enseigne le style Vazhuvoor à Chennai). Elle a interprété un Margam de forme traditionnelle. La danseuse m'a semblé très en difficulté dans sa danse pure au début du récital. On n'entendait pas ses pieds (ce qui lui permettait de ne faire parfois qu'un pas sur deux). Cela s'est un peu amélioré par la suite, notamment dans le Swarajati en Raga Kamboji et Rupaka Tala du Thanjavur Quartette. Elle a très bien représenté les ornements de Shiva (peau de tigre, serpents...) qui au lieu d'effrayer l'héroïne la ravissent. Elle a aussi élégamment montré la jalousie de l'héroïne pour Parvati qui ne fait qu'un avec Shiva dans sa forme Ardhanarishwara. Quelques autres beaux moments dans l'Abhinaya de la danseuse, notamment dans Jagadhodharana, mais pas de grands frissons...
2018-12-24 23:08+0530 (சென்னை) — Culture — Musique — Danse — Danses indiennes — Culture indienne — Voyage en Inde XVIII
Depuis que je suis arrivé à Chennai, comme lors de mes séjours précédents, je prends des cours avec Master Kuttalam M. Selvam. Après mon deuxième cours de la journée, où il a commencé à m'enseigner l'Abhinaya d'un Shabdam consacré à Muruga, je me suis rendu au Brahma Gana Sabha pour assister à un programme thématique consacré à ce dieu. Les premiers spectacles de danses vus hier et avant-hier ne suivaient pas le modèle traditionnel du Margam (même en version réduite : il faut au minimum un Varnam, un Padam et un Thillana). Je me sentais en manque de Margam, et je n'osais espérer être satisfait avec un programme thématique dont les formats varient beaucoup. Non seulement, j'ai été satisfait sur ce point, mais le frissonomètre a grimpé très haut !
Brahma Gana Sabha, Sivagami Pethachi Hall, Chennai — 2018-12-24 à 19:00
Chidambaram Dance Company
Chitra Visweswaran, Priyadandapani, Vidhya Anand, Jai Queheni... (danse bharatanatyam)
R. Visweswaran, Lalgudi Jayaraman, etc. (musique)
Skaandam (Chitra Visweswaran)
Murali Parthasarathy, chant
Sukanya, nattuvangam
Venkat Subramaniam, mridangam
Tyagaraja, flûte
Sai Ganesh, vina
Dans le style de danse bharatanatyam, rares sont les chorégraphes qui parviennent à mettre en scène de façon intéressante des groupes. La seule exception que je connaisse est Chitra Visweswaran dont j'ai pu apprécier plusieurs productions : Anubhuti vu à Paris en 2013, Meera: The Soul Divine dont j'ai assisté à la création en juillet 2016 à Chennai. Je suis légèrement biaisé puisque lors de mes séjours à Delhi, je prends des cours avec une de ses disciples, mais les chorégraphies solo de Chitra Visweswaran sont excellentes et quand il s'agit de groupes elle est tout simplement géniale.
Le programme présenté ce soir au Brahma Gana Sabha est intitulé Skaandam (dieu aussi connu sous les noms de Kartikeya, Muruga, Guha, Kumara, Shanmukha, Subramanya, etc.). Après la récitation d'un mantra et d'une composition, le programme proprement dit a commencé par un Shloka sanskrit dédié à Muruga et dansé par Chitra Visweswaran. La danseuse développe élégamment la représentation du paon, la monture de Skanda.
Le Shloka s'enchaîne avec un Pushpanjali initialement dansé par huit danseuses de la Chidambaram Dance Company parmi lesquelles je reconnais Vidhya Anand et Jai Queheni. L'utilisation de l'espace par le groupe est magnifiquement bien reglé. Il s'agit alors de mettre en scène le combat entre les dieux et les démons, principalement sous la forme de quatre duels mettant chacun en opposition deux danseuses qui se défient l'une l'autre. La tournure des événements change radicalement quand une neuvième danseuse (Priyadandapani) entre en scène dans le rôle de Skanda. Il lutte, et assez étrangement, tue un éléphant et un tigre. La pièce se termine par un alignement de huit danseuses et à peu près autant de paires de bras représentant Skanda devant lequel se tient une danseuse faisant le paon. Un peu plus loin, en forme de transition, deux dévotes s'émerveillent en rappelant à leur souvenir celui qui est né de façon miraculeuse au bord de la rivière Ganga.
Le spectacle se poursuit avec un magnifique Varnam de Lalgudi Jayaraman (Raga Nilambari, Adi Tala). Il est interprété par neuf danseuses dans différentes configurations. Les passages techniques sont superbes. Les chorégraphies me semblent très musicales et toutes les danseuses savent utiliser les contrastes entre force et douceur dans leurs mouvements. Rarement une première vitesse d'un Trikala Jati ne m'a semblé aussi délectable ! La première ligne du Pallavi comporte le plus long développement sur la naissance de Skanda. Les dieux viennent voir Shiva pour lui demander d'avoir un fils qui pourra vaincre les démons. On voit aussi la rencontre de Shiva et Parvati, cette dernière prenant soin de lui alors qu'il est en méditation ; il réduira en cendres Kama quand celui-ci perturbera son ascèse. Plus loin, six nourrices s'occupent de l'enfant à six têtes et douze bras. Les motifs rythmiques des Tattu Muttu sont délicieux avec la moitié d'entre eux qui sont sur les temps et l'autre moitié qui est décalée, ce qui procure une sensation assez particulière. Le deuxième Tirmanam, dansé à trois, est particulièrement beau puisque la plupart des mouvements sont faits à contretemps par rapport aux syllabes récitées. Plus loin, la chorégraphie évoquera la dévotion à Skanda ainsi que sa monture. Assister à la deuxième moitié du Varnam a été un pur plaisir !
À peine le Varnam terminé, Chitra Visweswaran entre en scène pour une double pièce d'Abhinaya (dans les talas Adi Tala et Mishra Chapu). Le sens général de cette pièce m'a complètement échappé si ce n'est qu'à la fin son personnage s'émerveille en voyant Skanda aux 6 têtes et 12 bras. Par exemple, je n'ai pas compris pourquoi la danseuse avait évoqué très longuement un jeu de balle ? Cela dit, dans sa façon de faire les mouvements, on ne peut qu'admirer la maîtrise absolue de son art par l'interprète.
La programme se conclut par un Thillana très élaboré, commencé par Chitra Visweswaran, et poursuivi par ses disciples.
2018-12-24 00:19+0530 (சென்னை) — Culture — Musique — Danse — Danses indiennes — Culture indienne — Voyage en Inde XVIII
Music Academy, Kasturi Srinivasan Hall, Chennai — 2018-12-23 à 08:05
Vidwan K. Sadgurucharan
Panchamukhi Tala Avadhana
Pendant le festival de la Music Academy, des lecture-demonstrations sont organisées tous les matins dans la petite salle. Un des titres qui avait attiré mon attention était celui du mridangiste Vidwan K. Sadgurucharan.
Il a expliqué le concept de Panchamukhi Tala Avadhana. Il s'agit d'une performance consistant à clapper simultanément différents talas avec différentes parties du corps (cinq s'il s'agit de Panchamukhi et six s'il s'agit de Sanmukhi). Il a expliqué que des traductions télugu de textes sanskrits anciens contenaient des descriptions de telles performances par les dieux Shiva, Vishnu et Brahma. La première performance historiquement attestée date de 1914 par Narayana Dasu. Vidwan K. Sadguducharan a expliqué les différentes façons d'exécuter cela.
Le point culminant de la présentation fut sa démonstration de l'Ishwara Panchamukhi Tala Avadhana. Il a chanté une composition de Tyagaraja qui est originellement en Adi Tala, donc huit temps dont chacun est subdivisé en quatre ce qui fait 32 pulsations (rapides) par cycle rythmique. Dans sa performance, alors qu'il était assis sur une sorte de banc, il a frappé du pied gauche toutes les trois pulsations rapides (Tishra), du pied gauche toutes les neuf pulsations (Sankirna), de la main gauche toutes les sept pulsations (Mishra), de la main droite toutes les quatre pulsations (Chatushra) et toutes les cinq pulsations (Khanda), il faisait un mouvement simultané des deux épaules. Après le mouvement simultané des cinq parties du corps sur la toute première pulsation, il faut attendre 1260=4×5×7×9 pour que les cinq cycles indépendants se rejoignent à nouveau. Tout le monde n'est pas capable de clapper une pulsation de façon régulière. La plupart des gens arrivent à néanmoins à le faire. Je fais partie de ceux qui arrivent à clapper certaines combinaisons de deux pulsations plus ou moins indépendantes comme (3,4), (3,9), (3,6), (5,10), (7,14). Là il s'agissait d'un véritable prodige consistant à le faire pour le quintuplet (3,4,5,7,9) tout en chantant une composition en Adi Tala (sur un cycle de 8×4=32 pulsations, nombre qui ne divise pas 1260, ce qui nécessita une petite manipulation à la toute fin).
Cinq musiciens réputés avaient été conviés pour vérifier que la
performance ne comporterait pas d'erreur : chacun devait surveiller une des
cinq parties du corps. Quand ils se sont tous levés à la fin de la
performance, le public a fait de même et Aruna Sairam, qui commente chacune
des lec-dems en tant que Sangeetha Kalanidhi designate
, s'est
réjouie que l'on trouve encore des génies dans la musique carnatique
aujourd'hui.
Voici cette performance en notation Benesh :
Le musicien a également fait une performance de Sanmukhi Tala Avadhana en clappant Adi Tala en six vitesses différentes (chaque vitesse étant deux fois plus rapide que la précédente). Il l'a fait en chantant un Varnam en Chatushra et Tishra-nadai.
⁂
Natya Darshan, Bharatiya Vidya Bhavan, Chennai — 2018-12-23 à 17:00
Mythili Prakash, danse bharatanatyam
D. Punaya, chant
Jayashree Ramanathan, nattuvangam
Easwar Ramakrishnan, violon
Mohan Krishnamurthy, mridangam
The Dichotomy of the Goddess
J'ai assisté aux trois programmes de la soirée conclusive de la conférence Natya Darshan organisée par Priya Murle. La première performance est de Mythili Prakash, disciple de sa mère Viji Prakash et dont la mentor actuelle est Malavika Sarukkai.
La danseuse a présenté un Daru Varnam en Raga Kamas et Adi Tala de Harikesanallur Muthiah Bhagavatar, intitulé Māte malayadhvaja.....
Mythili Prakash a une technique de danse très élégante, tout en étant à la fois précise dans les lignes et le rythme. La pièce joue du contraste entre la douceur féminine et la vigueur de la Déesse en tant que combattante (impression de déjà vu avec le programme d'hier de Malavika Sarukkai...). En effet, le programme s'intitule The Dichotomy of the Goddess, et ce thème avait été introduit par des gestes des deux mains en Pataka dans une introduction présentant différentes images de femmes autour des mantras Ya Devi Sarva Bhuteshu et Ayi Girinandini Nanditamedini, qui eux-mêmes faisaient suite à une prière à celle qui était comparée de nombreuses manières à la fleur de lotus (Kamala). Dans l'unique ligne de Pallavi, la Déesse est la fille de la Montagne et la mère de Ganesh et Guha (Skanda). La danseuse élabore autour du thème de la femme-mère jouant avec ses enfants, les couchant, puis avec celui de la femme-amante. De façon à généraliser le propos à toutes les femmes, la chorégraphie contient peu de références précises à la Déesse en particulier, si ce n'est qu'elle a un fils ayant une tête d'éléphant. Dans l'Anupallavi et dans le Jati correspondant (en Tishra-nadai), la chorégraphie fait contraster d'une part la lenteur, la douceur, la femme séductrice, les beaux cheveux et d'autre part la vitesse, la brutalité des armes, la force guerrière, les cheveux défaits.
La pièce semble s'arrêter une première fois sur une femme en situation de détresse. Dans sa deuxième moitié, la structure du Varnam est quelque peu malmenée, les onomatopées se superposant parfois à la ligne de Caranam, les Swarams n'étant pas toujours dansés, et les arudis ne se finissant pas toujours au point prescrit, mais juste après. La danse va s'arrêter une autre fois, avec un passage accompagné du nattuvangam (bâton) pour le combat entre Mahishasura, le démon en forme de buffle, et la Déesse. De façon étrange, après cette victoire, le Varnam se finit sur une femme dans une situation de désespoir total.
Je ne suis pas vraiment convaincu par le concept autour de cette pièce ; les parallèles et oppositions ne me semblent pas très pertinents dans le cadre de cette composition musicale. La danse est élégante, mais émotionnellement le frissonomètre n'est pas monté très haut. Il est par ailleurs étonnant que la danseuse n'ait utilisé que 45 minutes de son créneau qui faisait plus d'une heure !
(Indépendamment de la danseuse, il m'a été difficile de me concentrer, les ouvreurs n'arrêtant pas de faire la police pour que les gens s'installent à une place qui corresponde au prix de leur billet ; ils faisaient entrer les retardataires auxquels ils montraient le chemin avec une puissante lampe, etc.)
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Natya Darshan, Bharatiya Vidya Bhavan, Chennai — 2018-12-23 à 18:15
Shijith Nambiar & Parvathy Menon, danse bharatanatyam
D. Punaya, chant
Parthasarathy, nattvangam
Easwar Ramakrishnan, violon
Karthikeyan Ramanathan, mridangam
J'ai en général peu d'affinités avec le style Kalakshetra, mais après la pause, le couple de danseurs Shijith & Parvathy a présenté un très beau programme. J'avais déjà eu l'occasion de voir une de leur disciple l'année dernière (elle avait eu le deuxième prix du festival Spirit of Youth). J'ai particulièrement apprécié la danse de Shijith Nambiar, dont l'Abhinaya m'a semblé très convaincant, même s'il s'agit davantage de description que d'incarnation, le seul sentiment humain véritablement représenté étant la dévotion.
Le programme a commencé par un magnifique Alarippu en Adi Tala dont la phrase de première vitesse occupait deux cycles, soit seize temps répartis en 16=7+9. Il s'agissait en fait d'un medley entre l'Alarippu et une composition dédiée à Shiva. Sur la phrase introductive ressemblant à Tat tai tai yum... répétée de nombreuses fois, Shijith joue le rôle du dévot de Shiva incarné par Parvathy Menon. Puis, la danse pure intervient. Que l'Alarippu soit en Adi Tala donne la sensation d'assister à un Trikala Tirmanam comme dans un Varnam. La pièce enchaîne avec la composition musicale dédiée à Shiva. Les danseurs se transforment en dévots qui entrent dans le temple de Shiva. C'est typiquement de l'Abhinaya Kalakshetra, mais c'est très bien fait. La phrase initiale de l'Alarippu revient en conclusion alors que les deux danseurs ont repris leurs rôles initiaux.
Les danseurs ont dansé un Jatiswaram en Ragamalika et Misra Chapu. Il est habituellement attribué au Thanjavur Quartette, mais il a été ici annoncé comme étant de Swati Tirunal, avec en outre la présence de paroles dédiées à Padmanabha sur la mélodie des Swarams. Dans l'interprétation, des shollus se sont parfois superposés à la mélodie, ce qui est assez étrange. La technique des deux danseurs est excellente. La chorégraphie comporte de nombreuses trouvailles, que ce soit en termes d'adavus ou en termes de duo (un des Swarams a ainsi été interprété plus ou moins en canon ou sous forme de questions et réponses). J'apprécie beaucoup les passages rythmiquement complexes quand ils sont à vitesse modérée. Leur capacité à exécuter des mouvements très rapides (frappes, tattu muttu) est impressionnante, mais il y a à mon avis, et c'est un travers typiquement kalakshetrien, une utilisation excessive des subdivisions des temps du cycle rythmique Misra Chapu. Ainsi, si certains passages sont impressionnants de virtuosité, il est regrettable qu'une véritable bataille ait lieu entre la mélodie de la composition rythmique et le rythme des pas de danse. Au contraire, plutôt que de se combattre, les deux devraient concourir au plaisir esthétique.
Le récital s'est poursuivi par une interprétation du vingt-troisième Ashtapadi Kṣaṇam Adhunā extrait du Gita-Govinda. La mise en musique par Rajkumar Bharati en Ragamalika et Misra Chapu n'est pas de nature à créer une atmosphère permettant aux émotions les plus subtiles de s'exprimer. Pourquoi donc insérer des Swarams ? et des frappes rythmiques ? S'il n'est pas complètement évité, le caractère érotique est assez largement laissé de côté. Je retiens surtout la préparation des deux amants, Shijith interprétant Krishna nouant son dhoti, mettant une plume de paon dans ses cheveux, se massant avec de la pâte de santal, etc. Plus loin, il lancera des flèches florales.
Le récital s'est conclu sur un Ardhanarishwara en Khanda Chapu et Brindavani Sarang (raga hindustani) également mis en musique par Rajkumar Bharati d'après des vers de Shankaracharya et des textes tantriques. Je ne retiens pas grand'chose de cette pièce plutôt descriptive si ce n'est le leitmotif chorégraphique constitué par l'association d'une main du danseur et de la danseuse pour former le mudra représentant le Shiva-linga.
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Natya Darshan, Bharatiya Vidya Bhavan, Chennai — 2018-12-23 à 19:30
Sanatkumar, Athul Balu, Vishnu Bhasi, Sudarshini Iyer, Manaswini Korukkai, Sivasri, Ananthashree, Jai Queheni, Arul, danse bharatanatyam
Destination: The Self, A Thillana Medley
KP Rakesh, chorégraphie
Sri Kasi, nattuvangam
Nandini Anand Sharma, chant
Easwar Ramakrishnan, violon
KP Ramesh Babu, mridangam
La soirée s'est terminée par un medley de Thillanas (en Rupaka Tala, Adi Tala en Chatushra- ou Tishra-nadai et divers ragas) interprété par neuf jeunes danseurs. Il s'agit d'une chorégraphie commandée spécialement à KP Rakesh de Kalakshetra, dont Priya Murle a étrangement annoncé qu'il était un Nattuvanar (terme strictement réservé aux membres des familles héréditaires qui pratiquent l'art du nattuvangam) représentant le style de Balamma (?!??), alors qu'il a été formé à Kalakshetra.
La chorégraphie était agréable à regarder. Les séquences rythmiques sont plutôt musicales et utilisent bien le groupe de danseurs (entre 3 et 9 présents sur scène à un instant donné). Dans le groupe, j'ai particulièrement apprécié la délicieuse danse de Jai Queheni, disciple de Chitra Visweswaran.
2018-12-22 22:58+0530 (சென்னை) — Culture — Musique — Danse — Danses indiennes — Culture indienne — Voyage en Inde XVIII
Je suis arrivé cet après-midi à Chennai après une relativement courte correspondance à l'aéroport de Delhi. Au guichet de l'immigration, pour la première fois en dix-huit entrées, on me demande ce que je viens faire en Inde. Vous venez pour un camp de méditation ou de yoga ? Ah non, pas vraiment, je viens pour la saison de musique et danse. Et, vous pouvez le prouver ? Euh, oui, coup de bol, j'ai un billet pour un concert le 29 décembre. Et à part ça ? Par exemple ce soir je vais voir Malavika Sarukkai. Comment vous épelez ce nom ? Comment dire, il y a pleins de spectacles tous les jours, je ne vois pas trop l'intérêt de vous donner toute la liste...
En sortant de l'aéroport à pieds, je mets un peu plus de temps que d'habitude pour trouver la station de train Tirusulam pour rejoindre rapidement le centre de Chennai d'où je prendrais un rickshaw pour rejoindre l'appartement où je vais séjourner à Alwarpet. Arrivé au carrefour de la Music Academy, le pilote de rickshaw s'apprête à tourner dans la direction opposée ! Heureusement, je pourrai faire office de copilote jusqu'à l'arrivée.
L'appartement où je suis est stratégiquement placé à proximité du Narada Gana Sabha, du Brahma Gana Sabha et de la Music Academy. À peine arrivé, je repars pour la salle de spectacle où se déroule le festival du Brahma Gana Sabha.
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Brahma Gana Sabha, Sivagami Pethachi Hall, Chennai — 2018-12-22 à 19:00
Malavika Sarukkai, danse bharatanatyam
Murali Parthasarathy, chant
Nellai Balaji, mridangam
Malavika Sarukkai est certainement une des danseuses de bharatanatyam les plus connues. Je ne l'avais jusqu'à maintenant jamais vue en spectacle. Elle a assurément une présence scénique impressionnante. L'art de l'expression (Abhinaya) n'est pas vraiment son point fort. D'un point de vue strictement narratif ou descriptif, ce qu'elle fait est impressionnant (mais un peu exagéré), mais en termes émotionnels, je reste vraiment sur ma faim. Son point fort est son assez extraordinaire travail sur le rythme (pour lequel elle a été aidée par le percussionniste MS Sukhi dans sa pièce principale). Ses frappes sont extrêmement vigoureuses, et on entend ainsi assez bien le jeu rythmique auquel elle se livre. Ces pas sont insérés en permanence dans son Abhinaya, dans des proportions qui malheureusement détournent l'attention vers le rythme au dépens du sens.
Après le mantra Om Namah Shiva
et une composition en Khanda
Chapu (à moins que ce ne soit Khanda-nadai Adi Tala) commençant par
Prabhu...
qui évoquait les divers attributs de Shiva (le
croissant de Lune, la Ganga, les cheveux défaits, le cercle de feu, son
épouse, le lingam, etc.), elle a interprété une pièce principalement
rythmique faisant se succéder jatis et swarams. À la fin de chaque
séquence, un Arudi est exécuté qui marque le cinquième temps,
puis, ô surprise, marque aussi le septième temps après des frappes
virtuoses, et deuxième surprise, marque aussi parfois le premier temps
du cycle suivant.
La pièce principale aborde le thème de Mahishasuramardini, à savoir du
triomphe de la Déesse contre le démon Mahisha. Le texte est extrait du
Devi-mahatmya (qui fait partie du Markandeya-Purana), des
extraits que j'ai eu l'occasion de lire il y a quelques mois lorsque j'ai
réalisé la notation Benesh d'une chorégraphie de Sucheta Chapekar qui
aborde aussi ce thème (de façon beaucoup plus brève). La pièce repose sur
le contraste entre d'une part la brutalité de ce démon et la fureur de la
Déesse combattante et d'autre part la beauté et la délicatesse de la Déesse
dans ses formes plus apaisées. Le corps de lotus de la Déesse, ses beaux
seins d'une part, et d'autre part elle porte aussi le trident, chevauche le
tigre. La représentation de la fureur n'est pas très subtile. Ainsi, par
exemple, la danseuse a traversé la scène de l'arrière vers l'avant en mode
Déesse chevauchant un tigre qui sautait en mode sauterelle (on est ni dans
la stylisation d'une intention ni dans l'imitation naturaliste du tigre ;
je ne sais pas très bien où on est...). La Déesse ne sait pas très bien
dans quelle main tenir son arc. Parmi les métamorphoses du démon Mahisha,
la chorégraphie représente sa transformation en éléphant. Certes il s'agit
d'un éléphant surexcité, mais la vitesse des mouvements de la danseuse ne
permet pas de croire qu'il s'agit véritablement d'un éléphant. La pièce se
conclut par une longue prière adressée à la Déesse. Il y a un gros travail
rythmique dans cette pièce et une volonté d'impressionner (qui a
manifestement fonctionné sur le public), mais alors que ma vénérable
voisine me confiait This was something!
, je ne pouvais que répondre
It's special...
.
La danseuse interprète ensuite le classique Krishna Ni Begane. Le très jeune Krishna suscite l'émerveillement de sa mère adoptive Yashoda. Les mouvements expressifs de la danseuse sont très convainquants. C'est du travail bien fait, mais je ne suis nullement ému par l'essentiel de la pièce, qui est bien sûr agrémenté de très nombreuses frappes de pieds, surtout quand Yashoda admire les grelots de Krishna. Le plus beau moment a été à la fin quand, en ouvrant la bouche, Krishna révèle à sa mère qu'il est Vishnu et qu'il ne fait qu'Un avec tout l'Univers.
Suit l'Ashtapadi “ललितलवङ्ग” dans lequel l'interprète représente le printemps de nombreuses manières, en agrémentant la description d'un formidable jeu rythmique, mais on passe pour ainsi dire presque complètement à côté des sentiments que ce printemps suscite chez les bouvières. Les sentiments humains ne seront présents que lors de la sortie de scène de la danseuse qui alterne alors entre une femme amoureuse et un homme qui la suit.
J'aurais eu une opinion extrêmement mitigée de ce récital s'il n'y avait pas eu le Thillana de Lalgudi Jayaraman (Raga Mohanakalyani/Adi Tala). Ce fut véritablement une merveille. Cette composition rythmique, que j'ai eu l'occasion d'entendre à Paris il y a quelques semaines de cela, présente une particularité rythmique intéressante : les phrases musicales ne commencent pas sur le premier temps, ce qui n'est en soi pas rare, mais elles commencent une moitié de temps avant le premier temps. Les phrases chorégraphiques doivent alors en principe aussi commencer avant le premier temps et se finir juste avant le même endroit, ce qui procure une sensation assez unique quand la danse est interprétée de façon très musicale quand l'a fait Malavika Sarukkai.
Le récital s'est conclu avec Vande Mataram et une ultime violente frappe de pieds sur le dernier temps de la composition.
2018-02-12 19:42+0100 (Orsay) — Culture — Musique — Danse — Danses indiennes — Culture indienne
Le Gymnase, Lille — 2017-06-24
Geoffrey Planque, bharatanatyam
A. Lakshman Swamy, chorégraphies
Sabine Pandaredattil, chorégraphie du Padam
Jatiswaram (Raga Saveri, Rupaka Tala)
Purvanga du Varnam “Saami naan undan adimai enruulagamellam ariyume” (Adi Tala, Raga Natakuranji), composé par Papanasam Sivan
Padam (Raga Behag, Adi Tala)
Thillana (Raga Revati, Adi Tala), composé par Madurai N. Krishnan
En juin dernier, j'ai passé une journée à Lille pour assister à un récital de danse bharatanatyam par un danseur masculin, Geoffrey Planque. Élève de Sabine Pandaredattil, il est devenu depuis 2013 le disciple de Guru A. Lakshman Swamy, un des chorégraphes parmi les plus intéressants actuellement dont j'avais déjà pu apprécier le travail lors d'un magnifique récital de son élève Sudharma Vaithiyanathan à Chennai en 2015. Il avait d'ailleurs fait connaissance avec le style d'A. Lakshman Swamy lorsque celui-ci était venu avec ses élèves à Paris pour participer à un spectacle de la danseuse Priya Venkataraman (j'y étais aussi !).
Le récital fait partie du festival sab kuch milega. À l'approche de la salle du Gymnase, un grand drapeau indien me fait comprendre que je suis sur la bonne direction. Le récital de danse est précédé par un solo du sitariste Arnaud Eurin qui a interprété de façon très élaborée et habitée Raga Desh, puis Raga Kalavati.
Geoffrey Planque ©Baptiste Muzard Photographe
Le récital de Geoffrey Planque commence par un Jatiswaram en
Raga Saveri et Rupaka Tala. Pratique assez rare actuellement, le danseur
semble tracer des lignes au sol lors des frappes qui précèdent le très
court passage accompagné d'onomatopées (Jati). Dès le début de
cette pièce de danse pure, je comprends immédiatement que ce récital va me
procurer beaucoup de plaisir de spectateur ! La technique du danseur est
exceptionnellement bonne. Il n'y a pas un mouvement qui ne soit pas fait à
100%. Son demi-plié est très bon, et quand il frappe le talon sur le côté,
sa jambe est impeccablement tendue. Les mouvements de tête et de bras sont
très nets. Il fait aussi preuve d'une grande souplesse quand certains
mouvements imposent de poser un genou au sol et son phrasé est superbe
quand dans un enchaînement il met en valeur la première vitesse,
c'est-à-dire la vitesse lente des mouvements chorégraphiques. Dans le
Vazhuvoor bani, une des grandes familles stylistiques du
bharatanatyam, il est de coutume d'agrémenter d'un ou plusieurs sauts la
formule conclusive d'un enchaînement. Il y en eut quelques uns dans ce
récital, notamment dans le Jatiswaram. Un autre saut de ce type
fut particulièrement jouissif
(peut-être était-ce dans la pièce suivante) et il me fait penser au saut
légendaire de Nijinski à la fin du Spectre de la Rose à propos
duquel le chorégraphe Michel Fokine écrivait : On a écrit tant et plus
sur Le Spectre. Beaucoup de choses vraies sur l'interprétation
prodigieuse de Karsavina et de Nijinski et sur la poésie de l'ensemble.
Mais aussi beaucoup de choses inventées et exagérées à propos du dernier
bond de Nijinski. Les applaudissements qui suivirent son « envol » par la
fenêtre ne furent pas causés par la hauteur de ce saut, mais parce qu'il
était la conclusion d'une danse éthérée, légère et poétique, immensément
difficile à interpréter que Nijinski exécuta de façon magnifique.
. Ici
non plus, ce n'est pas forcément le saut en lui-même qui déclenche
l'émotion et l'admiration, mais il vient davantage parachever le sentiment
de contentement que la séquence de danse avait installée.
Dans la musique enregistrée des pièces chorégraphiées par A. Lakshman Swamy, on entend le chant de K. Hariprasad, un des musiciens les plus appréciés lors des récitals de bharatanatyam à Chennai. L'entendre chanter le Varnam “Saami naan undan adimai enruulagamellam ariyume” en Raga Natakuranji, Adi Tala, composé par Papanasam Sivan était à elle seule une raison presque suffisante pour faire le déplacement à Lille. D'un point de vue musical, il s'agit d'un des plus beaux Varnam du répertoire. Il est très souvent représenté. J'ai vu de nombreuses chorégraphies de cette pièce. Le texte évoque l'adoration du dieu Shiva. Dans la globalité de la composition, on ne peut ignorer le sentiment amoureux qu'éprouve l'héroïne pour le dieu ; c'est particulièrement clair dans la deuxième partie Uttaranga du Varnam. Certaines interprétations effacent complètement l'aspect amoureux et le transforment en dévotion religieuse : cela m'avait passablement agacé quand j'avais vu Renjith & Vijna dans ce Varnam. D'autres m'ont semblé beaucoup plus intéressantes comme celles de Navia Natarajan au Centre Mandapa le 14 juin 2016, ou entretemps, de la très jeune S. Bhagyalakshmi au Festival Spirit of Youth à la Music Academy à Chennai le 1er août 2017.
À un danseur masculin, je ne ferais pas le reproche de n'avoir pas doué le héros qu'il incarne de sentiments amoureux pour Shiva, et ce d'autant plus que seule la première partie Purvanga du Varnam a été interprétée lors de ce récital. Les passages expressifs de cette danse sont très réussis. Le texte tamoul est rendu parfaitement intelligible par sa gestuelle et son expression qui n'ont rien de scolaire : tout est très habité. La première ligne du Pallavi donne lieu un développement (Sanchari) autour de la dévotion pour Shiva. La deuxième ligne évoque celui qui est mi-homme mi-femme et qui est le maître des cinq éléments, auquel le dévôt dit en suppliant “Ne sois pas indifférent”. Dans l'Anupallavi, la première ligne évoque le contentement procuré par la récitation des noms de Shiva tandis que la deuxième ligne Natanamadum sevadi... évoquant son pied dansant est illustrée par plusieurs très courtes séquences techniques. Le Muktayi Sahitya décrit les divers ornements (cheveux, croissant de Lune, rivière Ganga) de celui qui danse à Chidambaram. Une certaine poésie poésie se dégage de l'ensemble de cette première partie de Varnam.
J'éprouve une certaine admiration pour le chorégraphe. Sa récitation des syllabes dans les jatis n'est pas absolument métronomique (son tempo fluctue sensiblement pendant certaines séquences rythmiques, ce qui est un obstacle pour apprécier en tant que spectateur les aspects rythmiques les plus subtils lors d'un visionnage unique sur une musique enregistrée). Cependant, sa diction et son phrasé sont assez exceptionnels, ce qui rend l'écoute très agréable. Ses chorégraphies techniques à la fois très belles et très ancrées dans la tradition sont superbement interprétées par Geoffrey Planque. (Voir cet extrait sur YouTube, qui doit être le troisième Jati du Varnam. À la fin de la vidéo, les pas de danse basculent en Tishra nadai, c'est-à-dire en subdivisions ternaires.).
Le danseur a ensuite interprété un Padam sur un rythme vif évoquant les exploits du jeune Krishna. Huitième fils de Devaki. Il devait être tué par Kamsa qui voulait se prémunir de la malédiction qui devait causer sa perte, mais son père Vasudeva parvint à sauver le nouveau né. La chorégraphie représente Vasudeva portant Krishna lors de sa traversée de la rivière Yamuna qui s'était séparée en deux par miracle. L'enfant sera ensuite élevé par Nanda et Yashoda, fera quelques bêtises, comme grimper pour voler du beurre, avant de vaincre Kamsa. La chorégraphie de Sabine Pandaredattil est très lisible, mais laisse peu de répit au danseur et aux spectateurs, tant les épisodes s'enchaînent à grande vitesse !
Le récital se conclut par un magnifique Tillana en Raga Revati et Adi Tala composé par Madurai N. Krishnan. Il est dédié à la Déesse Bhuvaneshwari, la Reine de l'Univers, qui est partout et ressemble au souffle vital ; elle offre un raz-de-marée de bénédiction, celle qui est vénérée par le compositeur Krishnadasa. (Il se trouve qu'entretemps, j'ai moi-même appris à Delhi auprès d'Arupa Lahiry une autre chorégraphie de ce Tillana due à Chitra Visweswaran.)
J'espère avoir prochainement de nouvelles occasions de voir ce danseur exceptionnel, qui a très récemment fait ses débuts sur scène à Chennai !
(Voici un lien vers son site aksalab.)
2017-04-26 10:06+0200 (Orsay) — Culture — Musique — Danse — Danses indiennes — Culture indienne
Salle de répétitions du Théâtre du Soleil — 2017-03-23
Vidhya Subramanian, bharatanatyam
Bhavana Pradyumna, chant
“Jaya Jaya Devi” (Raga Valachi, Adi Tala, composition de Swati Tirunal)
“Jagadhodharana” (Raga Kapi, Adi Tala, composition de Purandaradasa)
“Nagendra Haraya” (Ragamalika, Khanda Chapu Tala, composition d'Adi Shankara)
Javali “Era Ra Ra” (Raga Kamas, Adi Tala, composition de Patnam Subramanya Iyer)
“Chikkavane Ivanu” (Ragamalika, Adi Tala, composition de Purandaradasa)
Javali “Indendu” (Raga Surutti, Mishra Chapu Tala, composition de Subbarama Dikshitar)
Ashtapadi “Kuru Yadu Nandana” (Raga Mishra Khamaz, Mishra Chapu, poème de Jayadeva)
“Rajarajeshwari Ashtaka Tillana” (Ragamalika, Talamalika, composition de Rajkumar Bharati sur un texte d'Adi Shankara)
“Dignified restraint is the hallmark of abhinaya. Even in the best of laughter there is a restraint on the mouth mouvement; even in the height of wonderment there is a limit to the opening of the eyes; even in the white heat of amourous sporting, the dancer has no use for movements of the torso but gestures only through the face and hands. It is this decency, decorum, and dignity that help to impart to bharata natyam its divine character... The divinie is divine only because of its suggestive, subtle quality. In abhinaya, though the artist and the audience have the direct inward experience of the divine, the outward expression which is responsible for creating that experience is only suggestively and subtly so.”
(Guhan, S. (comp. and ed.), Bala on Bharatanatyam, cité p. 101 de Balasaraswati, Her Art & Life de Douglas M. Knight Jr.)
Je n'avais jamais mis les pieds au Théâtre du Soleil avant la fin de l'année dernière. J'y suis retourné plusieurs fois depuis et il convient de noter que parmi toutes les salles de spectacle que j'aie fréquentées en Europe ou en Inde, il s'agit certainement de celle où les spectateurs sont le mieux accueillis. La dernière fois, la personne qui s'occupait de la buvette était un comédien qui avait autrefois participé à un stage avec Kalanidhi Narayanan ; plusieurs décennies plus tard, il en gardait toujours un souvenir émerveillé.
Ce soir, un peu plus d'un an après le décès de Kalanidhi-mami, célèbre enseignante de l'art de l'Abhinaya, sa disciple Vidhya Subramanian présentait un récital en son hommage. Si l'interprétation de Vidhya Subramanian a certainement beaucoup évolué depuis son apprentissage avec elle, il est dommage que le programme et la présentation des pièces n'aient pas précisé clairement quelles étaient les chorégraphies transmises par Kalanidhi.
Lors de ses précédents récitals à Paris, j'avais déjà eu l'occasion de voir danser Vidhya Subramanian au Musée Guimet. J'avais alors été particulièrement impressionné par son interprétation de l'Ashtapadi “Sakhi He”. J'attendais le meilleur de ce récital. Si certains moments ont été très beaux, d'autres m'ont laissé plus perplexe, notamment parce que le spectacle ne se passait pas que sur l'espace scénique, mais un peu aussi dans les gradins...
J'ai particulièrement apprécié les deux premières pièces du récital. La première est une invocation à la Déesse, précédée du Shloka “Saraswati Mahabhage” qui fait plus spécifiquement référence à Sarasvati. Elle est représentée jouant de la vina, apportant la connaissance. Elle a des yeux de lotus. Plus loin, pour évoquer ses grands yeux, la chorégraphie les compare semble-t-il à des yeux de poisson. L'interprétation de la danseuse comporte des pas intéressants comme des ronds de jambe à terre et utilise l'espace de façon assez créative puisque la danseuse est parfois de dos. Le Shloka s'enchaîne avec la composition de Swati Tirunal Jaya Jaya Devi (qui commence en ussi, le texte commençant après le premier temps). La danseuse adopte alors une pose caractéristique de la Déesse. Si la chorégraphie suggère les sept notes de la gamme indienne pour représenter Sarasvati, ce n'est alors qu'un des aspects de la Déesse. Les Dieux lui rendent hommage. Parmi eux, Padmanabha (Vishnu) revêt une importance particulière. Le serpent sur lequel il est couché est montré de façon très impressionnante. Vishnu est aussi représenté avec sa conque et son disque, ainsi qu'en Krishna, le jeune vacher, qui n'est autre que l'Être suprême.
La plus belle pièce du récital a été à mon avis Jagadhodharana, une composition de Purandaradasa. La danseuse interprète tour à tour le jeune Krishna et Yashoda, sa mère adoptive. L'expression de la danseuse se métamorphose de façon saisissante pour passer d'un personnage à l'autre. La première transformation de la danseuse de Krishna en Yashoda m'a semblé particulièrement extraordinaire. Comme la danseuse l'a expliqué en introduisant la pièce, la chorégraphie associe les exploits des différents avatars de Vishnu à des situations anodines entre Yashoda et l'enfant Krishna. L'avatar du poisson (Matsya) suggère une comparaison des yeux de Krishna à ceux d'un poisson. L'avatar de la Tortue (Kurma) porta une montagne pendant le barattage de la Mer de Lait tout comme Yashoda porte Krishna sur son dos. L'Homme-Lion (Narasimha) boit le sang du démon Hiranyakashipu tout comme Krishna se délecte de fromage blanc. La colère de Yashoda (ou de Krishna ?) est comparée à celle de Rama Jamadagnya (Parashurama). Ces séquences sont représentées du point de vue de Yashoda qui s'émerveille innocemment en pensant à Krishna. Plus loin, Krishna est celui que l'on ne peut pas décrire et dont on ne peut mesurer l'étendue. La danseuse développe aussi l'épisode mettant en scène Kaliya. Ce serpent qui infeste les eaux d'un étang ne fait pas peur à Krishna. Yashoda supplie son fils de ne pas y aller, mais Krishna y va quand même et attrape le serpent. Ensuite, pour évoquer sa grandeur, la démarche de Krishna est comparée à celle d'un éléphant. La chorégraphie revient à la situation de jeu entre Yashoda et Krishna. Ils jouent à la balle, ils se tapent les mains. Enfin, Krishna s'allonge sur le flanc de Yashoda qui, amoureusement, le voit fermer les yeux. Dans cette pièce et dans cette toute dernière séquence, l'art de l'Abhinaya de la danseuse m'a semblé magnifique. Ses mains étaient souvent animés de micro-mouvements. Les moindres parties de son corps participaient à l'évocation des sentiments de Yashoda. (Dans la dernière ligne du texte, j'ai été étonné d'entendre Vishnu évoqué sous le nom de Vittala, un nom que je n'ai vu utiliser que dans le Maharashtra, mais il semble que ce mot fasse ici partie de la signature “Purandara Vittala” du compositeur Purandaradasa.)
La pièce suivante est Nāgendra Hārāya. Le texte d'Adi Shankara fait l'éloge de Shiva en s'appuyant sur les cinq syllabes du mantra ॐ नमः शिवाय. Chacune des cinq strophes commence par une des syllabes nā-ma-śi-va-ya et se finit par une référence à cete syllabe. L'entrée en scène de la danseuse se fait sur un rythme à huit temps. La danseuse évoque Shiva qui boit le poison lors du barattage de la Mer de Lait, qui est orné de serpents et porte une peau de tigre. Des offrandes de fleur sont faites à sa forme abstraite du Shivalingam. Le rythme à cinq temps de la composition en Khanda Chapu s'installe ensuite. Chaque strophe est précédée d'une section de danse pure. Divers attributs de Shiva sont représentés comme les cendres sur son corps, son tambour Damaru, sa gorge bleue. Il est vénéré par des sages comme Vaśiṣṭha. Il porte la Lune. Le feu est dans son troisième œil. Ses cheveux sont défaits. Cette pièce est efficace. Dans sa présentation, la danseuse avait indiqué que chaque syllabe du mantra était associé à un des cinq éléments et que par exemple. Je ne suis pas absolument certain que cette référence ésotérique soit particulièrement éclairante pour apprécier la pièce, le lien entre chaque strophe et l'élément correspondant n'ayant rien d'évident...
La danseuse a ensuite interprété trois pièces d'Abhinaya accompagnée par l'excellente chanteuse Bhavana Pradyumna. Il est à mon goût dommage qu'il n'y ait pas eu un accompagnement rythmique, même discret, pendant ces pièces ; cela aurait permis de mettre davantage en valeur la musicalité de la danseuse. Pendant la présentation de ces pièces, j'ai été très étonné que la danseuse dise à propos des Javali : “no deep connotation”. Ces poèmes décrivent l'amour de façon plus explicite, mais il s'agit néanmoins d'un amour avec un dieu, et je lisais dans la biographie de la grande danseuse Balasaraswati qu'elle interprétait les poèmes érotiques avec la même ardente dévotion que dans des pièces purement dévotionnelles. Cette assertion “no deep connotation” de Vidhya Subramanian à propos des pièces qu'elle allait interpréter m'a quelque peu inquiété, mais j'avoue que je ne m'attendais pas au spectacle qui a été donné, en coproduction avec une partie du public.
Dans Era Ra Ra de Patnam Subramanya Iyer, l'héroïne est assise. Elle se pare de boucles d'oreilles, de colliers, bracelets... Quand elle voit l'homme passer, elle l'invite à la rejoindre. Kamadeva l'a transpercée de ses flèches. L'archer s'attaquera plus loin à l'homme (qui n'est autre que Vishnu), lui qui est beau et a des yeux de lotus. Finalement, le souhait de l'héroïne est exaucé.
Dans cette pièce et dans les deux suivantes, la danseuse a peut-être parfois
été à la limite du surjeu, mais je ne dirais pas que son interprétation ait été
vulgaire. Pourtant, une partie complètement désinhibée du public n'a cessé de
rire bruyamment et de glousser bêtement à la moindre allusion érotique. J'ai
trouvé cela particulièrement consternant et très irrespectueux envers l'artiste
et le reste du public. C'est d'autant plus honteux si on tient compte des
transformations sociales qui ont eu lieu au cours du siècle dernier dans le
milieu de la danse bharatanatyam. Pour simplifier, le discours dominant a été
que les danseuses appartenant à des familles traditionnelles étaient pour ainsi
dire des prostituées et que leur danse était vulgaire ; il fallait
assainir
la danse, pour la rendre respectable et susceptible d'être
dansée par des jeunes filles de bonne famille. Cette transformation sociale
étant pour ainsi dire achevée (il ne reste aujourd'hui que très peu de gurus
appartenant à des familles traditionnelles). Il est bien paradoxal
qu'aujourd'hui, des spectateurs et spectatrices se comportent aussi
vulgairement en assistant à un récital d'une danseuse indienne de haute
caste.
La pièce suivante a donné lieu à de pareils débordements du public, qui cette fois-ci pouffe en assistant à la représentation de ce qui, s'il ne s'agissait du personnage divin de Krishna, serait qualifié d'agressions sexuelles. Dans ces conditions, il m'a été difficile de me concentrer sur l'espace scénique, tant la danse était occultée par le spectacle lamentable venant des gradins. (Je ne sais pas comment l'interprète a ressenti cela. Dans un texte, elle écrit : “The joy of performing sringara in a sensitive, intelligent and aesthetic manner is to be shared and experienced by an equally sensitive, intelligent and aesthetically nurtured spectator.”.)
Dans Chikkavane Ivanu, les gopis assemblées se plaignent des méfaits de Krishna, qui n'est qu'un enfant. L'une raconte qu'il lui a demandé comment on faisait les enfants. Une autre dit qu'alors qu'elle venait chercher de l'eau, il lui a bloqué la route pour l'enlacer et qu'il lui a cassé son pot d'eau. Une autre raconte qu'il lui a touché les seins tandis qu'elle barattait du beurre. La dernière avoue qu'elle a rêvé de lui, et qu'il est réellement venu, puisqu'elle l'a trouvé à ses côtés à son réveil.
La danseuse a ensuite interprété le Javali “Indendu”, qui est une des pièces les plus dansées du répertoire. Elle l'avait déjà dansé au Musée Guimet en 2014, je n'y reviens pas en détail. Je note simplement la belle musicalité de l'interprétation de la danseuse dont les pas marquaient régulièrement les temps forts du cycle rythmique à sept temps Mishra Chapu. Parmi les danseuses qui arrivent à exprimer de façon habitée les sentiments de l'héroïne dans une pièce d'Abhinaya, bien peu arrivent à concilier un abandon nécessaire à l'interprétation et une conscience profonde du cycle rythmique. C'est une qualité que j'ai très rarement observée chez les danseuses. C'était moins évident dans les deux pièces précédentes, mais dans celle-ci, c'était flagrant.
Des récitals de Vidhya Subramanian au Musée Guimet, je retenais surtout son interprétation magnifique de l'Ashtapadi “Sakhi He”. J'aurais aimé être autant ému par son interprétation de “Kuru Yadu Nandana”, le dernier Ashtapadi du Gita-Govinda, mais pour moi, la magie n'a pas opéré. Vu l'état d'esprit dans lequel j'étais, cela ne pouvait de toute façon pas fonctionner sur moi...
Le récital s'est conclu par Rajarajeshwari Ashtaka Tillana, une pièce utilisant une musique nouvelle associant un poème d'Adi Shankara dédié à la Déesse (Shri Rajarajeshwari, la Reine des Reines) et un Tillana. La composition musicale est due à Rajkumar Bharati. La pièce est assez impressionnante, mais elle souffre à mon goût d'une trop grande complexité rythmique. La structure est tellement complexe qu'il y a vraiment de quoi s'y perdre. La pièce est en Ragamalika, c'est-à-dire qu'elle utilise une guirlande de ragas : les différentes sections de la pièce sont dans des ragas différents. Cette pièce est aussi en Talamalika, ce qui en fait une rareté. En général, il existe au moins deux façons différentes d'entendre le mot Talamalika. Si on l'interprète de la même façon que dans Ragamalika, cela pourrait signifier que différentes sections de la pièce seraient dans des cycles rythmiques (talas) différents : je connais ainsi un Alarippu dont la première partie (debout) est en Tishra Ekam, la partie accroupie en Chatushra Ekam et dernière partie en Mishra Chapu. Dans une autre interprétation dont j'avais appris l'existence lors d'une magnifique lecture demonstration de T. S. Sathyavathi, il s'agit de créer un nouveau cycle rythmique de la façon suivante : un cycle rythmique (ou avartana) dans un tel Talamalika est constitué de la juxtaposition de cycles rythmiques appartenant à plusieurs talas. (Par exemple, si on appliquait ce principe en juxtaposent un cycle en Tishra Ekam (3 temps) et un cycle en Chatushra Ekam (4 temps) pour fabriquer un Talamalika, on obtiendrait globalement un cycle à sept temps, qui ressemblerait beaucoup à Tishra Triputa qui est un rythme à 7=3+2+2 temps.) Il me paraît plausible que ce Tillana utilise cette forme-là de Talamalika, mais je ne saurais dire exactement comment il est composé (si ce n'est qu'il y avait un peu de Khanda Chapu). Ce mélange de talas et l'alternance entre la danse pure et les passages évoquant Shri Rajarajeshwari relèvent d'une certaine innovation de la part du compositeur et de la danseuse. Je salue cette créativité, mais au-delà de la satisfaction immédiate apportée par certains instants de la chorégraphie, la complexité structurelle de cette pièce m'a malheureusement davantage tourmenté qu'émerveillé.
Ailleurs : Hiten Mistry.
2016-11-27 13:15+0100 (Orsay) — Culture — Musique — Danse — Danses indiennes — Culture indienne
Auditorium du Musée Guimet — 2016-10-28
Deepa Chakravarthy, mohiniyattam
Murali Parthasarathy, chant
M. S. Sukhi, mridangam
Sunil Kumar, flûte
Isabelle Anna, voix off
Invocation “Pari Pari Ne Padame” (Raga Hamsadhvani, Adi Tala, composition de Balamuralikrishna)
Shloka समुद्रवसने देवि
Solkattu (Adi Tala, Raga Jog, composition de M. S. Sukhi)
Kamakshi Svarajati కామాక్షి అమ్బా అనుదినముమరవకనే (Raga Bhairavi, Mishra Chapu Tala, composition de Shyama Shastri)
Padam അലര്ശരപരിതാപം (Raga Surutti, Mishra Chapu Tala, composition de Swati Tirunal)
Tillana (Raga Dhanashri, Adi Tala, composition de Swati Tirunal et Lalgudi Jayaraman)
Après ses deux magnifiques récitals au Centre Mandapa en mai, je n'aurais raté pour rien au monde le récital de mohiniyattam de Deepa Chakravarthy au Musée Guimet le 28 octobre dernier.
Le programme a commencé par un Alap de la flûte suivi de l'invocation de Ganesh Pari Pari Ne Padame composée par Balamuralikrishna (qui est décédé le 22 novembre 2016 à Chennai...). Il est à mon avis dommage que la sonorisation de la flûte se soit accompagnée d'un écho (et même deux échos, puisque j'ai eu l'impression d'entendre trois fois chacune des phrases jouées par le flûtiste). Peut-être s'agit-il là d'une volonté du musicien de reproduire avec un seul instrument ce qui résulte habituellement de l'interaction entre deux musiciens : dans un récital de chant carnatique accompagné par un violon, les phrases improvisées par le chanteur sont répétées immédiatement par le violoniste. Cette sensation peut être simulée par un écho, mais le procédé me paraît artificiel et ne correspond pas à une esthétique que je voudrais valoriser.
Après cette introduction musicale, la danseuse est entrée en scène dans son costume blanc, vert et orange doré pour une invocation de la Déesse Terre. Cette invocation a commencé par l'allumage d'une lampe à l'avant-scène et par une salutation adressée aux quatre coins cardinaux. L'ampleur de la démarche de la danseuse est magnifiée par de majestueux relevés sur demi-pointe. L'invocation proprement dite à la Déesse Terre est interprétée sur le Shloka Samudravasane Devi, la Déesse, épouse de Vishnu, qui est ornée de l'Océan, et auprès de laquelle on veut se faire pardonner des blessures qu'on lui inflige en foulant le sol de ses pieds.
La danseuse interprète ensuite un Sollukattu, qui est un type de danse spécifique au Mohiniyattam. Il s'agit d'une pièce de danse pure accompagnée d'onomatopées comme “Ta dim jonotakadim” qui sont chantées mélodieusement par le chanteur (et non pas seulement récitées). Les mouvements sont relativement lents par rapport au bharatanatyam : chaque mouvement s'étend sur une durée plus longue, mais cela n'est en rien ennuyeux puisqu'à chaque instant, la danseuse est totalement investie dans son action. C'est particulièrement évident pour le haut du corps, mais si les mouvements des jambes prennent aussi un certain temps quand il s'agit de tendre/plier une jambe ou de monter sur demi-pointe, les instants où un pied touche le sol sont très nets, parfaitement en rythme.
La danseuse interprète ensuite la pièce principale de son récital, dédié à Kamakshi. Comme je l'indiquais dans le billet précédent, il s'agit de celui des trois Svarajati composés par Shyama Shastri (1762-1827) qui soit en Raga Bhairavi et Misra Chapu Tala. Dans le répertoire des danses du Sud de l'Inde, les Svarajati les plus connus suivent une structure très proche de celle des Varnam. Shyama Shastri a mis au point un autre type de composition, aussi appelé Svarajati, et qui d'après ce que je lis dans le livre A Southern Music de TM Krishna, pourrait avoir été inspiré par les Nirupanas qui sont des récitals sur un thème unique interprétés par une danseuse soliste à la cour des rois marathes de Thanjavur : dans le livre Korvayanche Sahityache Jinnas édité par la Sarasvati Mahal Library de Thanjavur, on trouve des compositions formant ces Nirupanas, certaines entre elles sont nommées Svarajati. Le Kamakshi Svarajati de Shyama Shastri suit effectivement la même structure. Il est formé d'un Pallavi qui est comme un refrain et de huit Charanams. Dans cette forme musicale, chaque Charanam est d'abord chanté sous forme de Svaras (c'est-à-dire que le chanteur chante en prononçant le nom des notes), puis après une répétition du Pallavi, le texte du Charanam est chanté en utilisant la même mélodie. À la fin d'un Charanam, on répète le Pallavi et on passe au Charanam suivant. Dans ce Svarajati, il y a huit Charanams de longueur croissante et ils ont la particularité de commencer successivement par les huit Svaras de la gamme ascendante : Sa, Ri, Ga, Ma, Pa, Dha, Ni, Sa.
Voici une tentative de traduction du texte de la pièce principale du récital de Deepa Chakravarthy :
(Pallavi) Déesse Kāmākṣi ! Me souvenant à jamais que Ton pied de lotus est mon seul refuge, je place ma foi en Toi, Déesse de Kanchi.
(Charanam 1) Mère, Tes dents sont comme des fleurs de jasmin et Tes yeux comme des lotus. Protège-moi.
(Charanam 2) Ton cou a la forme de la conque et tes tresses sont sombres comme des nuages annonçant la pluie.
(Charanam 3) Ton visage ressemble à la Lune. Tes seins ont une forme harmonieuse et Ta démarche est celle de l'éléphant. Ton pied est vénéré par Brahma, Vishnu et Shiva. Tu es l'auspicieuse Shankari. Veuille résoudre mes problèmes rapidement. Mère, écoute ma prière.
(Charanam 4) Tu es la plante qui exauce les vœux. Tu es un sanctuaire de compassion, Toi qui est bienveillante. Ô fille de la Montagne, protège-moi ! N'ai-je pas pris refuge en toi ? Exauce-mes vœux sans attendre.
(Charanam 5) Efface mes péchés et donne-moi la force de vénérer ton pied de lotus pour toujours. N'es-Tu pas la purificatrice ? N'entends-tu pas ma supplication ? Pourquoi es-Tu indifférente ? Écoute ma prière, Mère.
(Charanam 6) Tu détruis le Mal. Les Veda affirment que Tu exauces les désirs de la multitude de dévots qui se pressent à tes pieds pour Te supplier et que Tu fais preuve de bienveillance envers tous.
(Charanam 7) Entourée d'êtres célestes, Tu résides dans la forêt Kadamba. Tu tiens un lotus dans la main. Les arrogants démons Te craignent comme le lion craint l'éléphant en rut. Tu fais fondre l'affliction de Tes dévots. Tu accordes l'opulence à ceux qui méditent sur ta gloire infinie. Maintenant, donne-moi refuge !
(Charanam 8) Sœur de Shyamakrishna ! Tu enchantes Shiva ! Souveraine suprème ! Vishnu, Shiva et les autres sont-ils seulement capables de mesurer l'étendue infinie de ta gloire ? Je suis ton fils. N'éprouves-Tu pas d'affection pour moi ? Devi, pourquoi es-Tu indifférente ? Protège-moi maintenant, Shri Bhairavi !
(Traduction approximative d'après cette traduction anglaise.)
Le thème de cette pièce est purement dévotionnel. Le dévot implore la divinité, il n'y a pour ainsi dire aucun sous-entendu amoureux, contrairement à beaucoup de Varnam du répertoire. Lors d'autres récitals (par exemple celui-ci), j'ai souvent été gêné par l'absence de l'aspect amoureux dans la danse alors qu'il était présent dans le texte ; ici, il est absent du texte, donc je ne vais pas me plaindre du fait qu'il n'ait pas été ajouté dans la danse !
Fait rare, j'avais eu la possibilité de lire le texte du Svarajati avant d'assister à ce spectacle (Full-disclosure: La danseuse m'avait invité à déjeuner chez elle lors de mon dernier séjour à Chennai et elle m'avait parlé de son projet de danser cette composition à Paris.). Ce texte est très étoffé et est énoncé à une vitesse relativement rapide, ce qui peut poser des difficultés d'interprétation puisqu'il n'est pas possible de montrer dans la gestuelle chacun des mots du texte : dès la première occurrence du texte, il faut parfois interpréter ou synthétiser l'essence du message textuel. Ainsi, plutôt de multiplier les gestes pour respecter à tout prix le mot à mot au risque de paraître confuse à cause de la vitesse, Deepa Chakravarthy a heureusement préféré prendre un certain recul et cherché à illustrer le sens du texte de façon plus simple mais réfléchie.
La composition musicale a été interprétée pour ainsi dire de la même façon qu'elle le serait lors d'un concert vocal. Le Pallavi a été répété plusieurs fois (en raison de l'exploration de l'octave inférieure que le Pallavi contient, il est heureux que la composition ait été chantée par un homme). Le nom de la Déesse Kāmākṣi (dont les yeux inspirent l'amour) a été représenté en utilisant certaines caractéristiques de la gestuelle du style mohiniyattam (et des autres styles du Kerala). L'amour est en effet représenté par deux mains à plat qui se rejoignent l'une au dessus de l'autre devant le corps de la danseuse dans une combinaison qui rappelle celle qui est utilisée dans le bharatanatyam pour représenter un poisson. Ce mot est le seul sur lequel le sentiment amoureux ait été présent dans cette pièce, puisque sinon la pièce est entièrement dévotionnelle. Le seul refuge du dévot réside dans le pied de la Déesse. Le Pallavi alterne ensuite avec les différents Charanams présentés d'abord sous forme de Svara. Une exquise formule rythmique servait d'introduction à chaque Svara pendant lequel la danseuse interprétait de très belles séquences de danse pure de longueur croissante (la sixième séquence, celle qui commençait par la note Dha, m'a semblé particulièrement sublime). Chaque Svara était suivi d'une formule rythmique pendant que le chanteur reprenait le Pallavi. Sur le mot Amba de la composition, la danseuse posait le talon devant et se penchait vers l'avant en montrant ce pied, ce qui me semblait correspondre au souhait du dévot de prendre refuge au pied de la Déesse. La mélodie du Svara était ensuite réutilisée pour l'interprétation du texte du Charanam correspondant. Le texte était illustré une première fois par la danseuse, puis une deuxième fois en utilisant des Tattu Muttu, c'est-à-dire que pendant que le sens du texte est illustré par la gestuelle de l'interprète, les pieds exécutent des motifs rythmiques précis. Cette technique est comparable à celle du bharatanatyam, mais elle diffère dans la mesure où les pieds sont écartés. Ces mouvements de pieds sont moins rapides qu'en bharatanatyam, mais ils sont néanmoins exécutés avec précision et netteté. Chaque Charanam est ainsi chanté deux fois au total avant que le Pallavi soit repris et enchaîné avec le Svara suivant.
Comme je l'ai écrit plus haut, la densité du texte fait que l'interprète doit néanmoins prendre une légère distance avec son côté littéral, mais la structure que je viens de décrite laisse finalement peu de place à l'élaboration au delà du sens littéral du texte. Cependant, cela ne m'a pas gêné puisque c'était tellement bien et justement fait que l'interprétation de Deepa Chakravarthy m'a semblée passionnante à regarder pendant toute la pièce. La danseuse a parfois montré la Déesse, mais elle a aussi représenté des sentiments humains, comme la dévotion, et aussi l'émerveillement du dévot admirant les qualités physiques de la Déesse qui sont décrites dans les trois premiers Charanams. Dans les enregistrements de ce Svarajati que j'ai écoutés, les chanteurs utilisent le dernier Charanam pour montrer leurs qualités d'improvisation. Cela a aussi été le cas dans cette représentation dansée. Ainsi, par rapport au schéma que j'ai décrit précédemment, le dernier Charanam a fait exception puisque sa première ligne a été répétée de nombreuses fois et la danseuse l'a utilisée pour élaborer au delà du sens littéral du texte. Cette ligne contient la signature du compositeur Shyama Shastri. Cela a donné lieu d'une part à une représentation de Krishna (identifié à Vishnu, frère de Kāmākṣi) et d'autre part à celle du compositeur-poète auteur de cette composition. La danseuse a ensuite fait un développement à partir du mot Shivashankari du texte : en faisant preuve de quelque ruse, Parvati parvient à entourer le cou de Shiva d'une guirlande de fleurs. Après ce développement, le huitième Charanam a été chanté en entier et repris en Tattu Muttu avant que la pièce ne se termine avec la reprise du Pallavi mettant en scène le dévot de la Déesse qui est finalement représentée avec les deux mains dans le mudra Pataka.
Il y a un aspect très intéressant qu'il faut mentionner dans l'aspect théâtral de la danse de Deepa Chakravarthy. Chez beaucoup d'interprètes, quand il s'agit par exemple de suggérer l'émerveillement, le danseur regarde loin devant lui, comme si la chose à admirer se trouvait en dehors de l'espace scénique. Par son placement et son regard, Deepa Chakravarthy nous fait au contraire imaginer que l'objet de l'admiration de son personnage est placé en un endroit précis de la scène. Bien qu'il soit invisible, il semble bien davantage présent que lorsqu'il faut l'imaginer en dehors de l'espace scénique.
Lors des récitals parisiens de la danseuse en mai dernier, le sentiment
amoureux avait été présent dans la pièce principale. Ici, au contraire, le
sentiment amoureux a pour ainsi dire été absent du Svarajati. Il
est heureux que Deepa Chakravarthy ait choisi d'interpréter ensuite le
Padam “Alarśaraparitāpaṃ” composé par Swati Tirunal (1813-1846)
qui aborde le thème amoureux de la séparation. Après un Alap du
chanteur, l'entrée en scène se fait sur un rythme à quatre temps. L'héroïne
cueille une fleur et est comme transportée par son parfum. Quand la
composition sur un rythme à sept temps commence, l'héroïne souffre de la
séparation et la chorégraphie développe les moments où Kama lui a lancé ses
flèches. Le dieu de l'amour est reconnaissable à la combinaison de mudras
qui lui est caractéristique dans le style mohiniyattam. On le voit choisir
très méliculeusement les fleurs qui vont orner les flèches qu'il va lancer
à l'héroïne alors qu'elle est en train de se rafraîchir le visage et
d'arranger ses cheveux. La séquence suivante est une des plus belles de
tout le récital. L'héroïne compare sa situation à celle d'une fleur de
lotus dont le soleil se détourne parce qu'il s'est couché dans l'Océan. La
lumière quoique faible donne quelque espoir à la fleur d'éclore. Les
pétales s'ouvrent très lentement, mais la lumière s'avère insuffisante et
la fleur fane. Plus loin, l'héroïne souffre de la séparation, elle croit
entendre la flûte de son bien aimé (qui est sans doute Krishna), mais il ne
s'agit que de chants d'oiseaux amoureux. Le butinement des abeilles lui
est aussi insupportable. Dans un développement, la danseuse représente
l'héroïne plongée dans un rêve. Elle imagine que son amoureux vient lui
toucher le menton (la technique d'acteur utilisée pour suggérer cela est
assez stupéfiante), mais quand elle se réveille, il a bien sûr disparu.
Dans la dernière séquence, l'héroïne brûle de la seule lumière de la Lune.
L'interprète a ensuite suivi le conseil que se refilent entre elles les
danseuses indiennes avant de faire un récital en France : During your
performance in Paris, you have to write a letter.
. En effet, l'héroïne
demande à son amie de transmettre une lettre à son amoureux. Le moment de
l'écriture de la lettre a été d'une exquise espiéglerie et d'une rare
intensité !
Le récital s'est terminé par le célébrissime Tillana en Raga Dhanashri et Adi Tala composé initialement par Swati Tirunal et dont la version connue actuellement est due à Lalgudi Jayaraman. La première partie de la composition semble faite uniquement d'onomatopées, mais il s'agit en réalité d'un texte autoréférentiel évoquant la danse accompagnée d'onomatopées ! La deuxième partie évoque Padmanabha (Vishnu), la divinité à laquelle la plupart des compositions de Swati Tirunal rend hommage. Ce Tillana fait aussi partie du répertoire de bharatanatyam. La composition était chantée ici dans un tempo délicieusement lent, très significativement plus lent qu'il n'est habituellement joué dans le contexte du bharatanatyam. Comme dans tout le récital, cette relative lenteur permet aux spectateurs d'apprécier encore davantage la perfection du mouvement dans l'interprétation très intense de Deepa Chakravarthy.
Deepa Chakravarthy
2016-10-27 19:30+0200 (Orsay) — Culture — Musique — Danse — Danses indiennes — Théâtre — Culture indienne — Planning
Au cours du week-end de la Toussaint, il y aura à Paris (ou pas loin) deux événements exceptionnels liés aux danses classiques de l'Inde, et tout particulièrement du Kerala :
Deepa Chakravarthy (mohiniyattam) au Musée Guimet les 28 et 29 octobre 2016
Deepa Chakravarthy
En juin dernier, j'avais eu l'occasion de voir la danseuse Deepa Chakravarthy pour ses deux récitals au Centre Mandapa. Cela avait été pour moi une expérience de spectateurs absolument extraordinaire notamment grâce à sa capacité d'interpréter les moindres gestes avec une intensité extrême : de minuscules et lents gestes produisaient une impression énorme.
Entretemps, j'ai eu l'occasion de la rencontrer à Thiruvanmiyur (Sud de Chennai) où elle réside. Pour son programme au Musée Guimet les 28 et 29 novembre, elle va réintroduire dans le répertoire du mohiniyattam le Swarajati Kamakshi en Raga Bhairavi et Mishra Chapu Tala composé par Shyama Shastri (1762-1827), un des trois compositeurs de la Trinité carnatique (avec Tyagaraja et Muthuswamy Dikshitar). Neena Prasad, guru de Deepa Chakravarthy, a reconstruit la chorégraphie de Kalamandalam Krishnan Nair qui fut dansée exclusivement par Shanta Rao (1930-2007). Neena Prasad enseigne cette chorégraphie à ses élèves avancés, mais en raison de la complexité extrême de cette pièce, personne n'a encore jamais tenté de l'interpréter sur scène. Deepa Chakravarthy sera la première à essayer ! (Pour écouter cette composition interprétée par le chanteur TM Krishna, suivre ce lien. Une notation est disponible à cette adresse. Une traduction complète du texte vers l'anglais est disponible à cette autre adresse.)
Renseignements pratiques sur le site du Musée Guimet.
La Grande Nuit du Kutiyattam au Théâtre du Soleil du 31 octobre (18h) au 1er novembre (9h)
De grands épisodes inspirés des épopées indiennes seront présentés par la troupe d'acteurs-danseurs, chanteurs et musiciens de Kerala Kalamandalam. Je n'ai jamais eu l'occasion d'assister à une représentation de Kutiyattam, et mes expériences avec les formes voisines de théâtre-dansé originaires du Kerala comme le Kathakali sont très limitées. Cela peut intimider vue la durée du spectacle sur toute une nuit (avec un certain nombre d'entr'actes !), de la même façon qu'une représentation d'un opéra grand par sa longueur peut aussi intimider le mélomane.
Une des difficultés pour le spectateur de certaines danses indiennes comme le bharatanatyam est que le texte des compositions et les chorégraphies ne font bien souvent que de très subtiles et brèves allusions à des épisodes mythologiques (certaines pouvant se réduire à un unique geste). De ce que je crois comprendre, du fait de l'étirement dans le temps des représentations, les formes de théâtre du Kerala se donnent au contraire la possibilité de développer à l'extrême les détails des épisodes épiques, et donc de les voir à la loupe plutôt que sous forme d'esquisses. Cette Grande Nuit est une occasion unique de s'immerger dans cet univers théâtral.
Renseignements pratiques sur le site du Théâtre du Soleil.
2016-08-25 20:14+0530 (दिल्ली) — Culture — Musique — Danse — Danses indiennes — Culture indienne
Je suis maintenant à la fin de mon quinzième séjour en Inde. Après quelques jours à Delhi, je suis allé à Chennai où j'ai pris des cours de bharatanatyam avec Kuthalam M. Selvam (adavus et nattuvangam) et Arupa Lahiry (avec qui j'avais déjà pris des cours à Delhi et qui se trouvait aussi à Chennai pour répéter un spectacle de son guru Chitra Visweswaran). J'ai ensuite passé dix jours à Pune pour prendre des cours avec Sucheta Chapekar, et je finis mon séjour à Delhi pour pratiquer le chant dhrupad avec Nirmalya Dey.
Pendant les trois semaines passées à Chennai, j'ai vu des spectacles de qualité variable. Je vais commencer par rendre compte brièvement de certains d'entre eux, et reviendrai plus en détails sur quelques autres.
The Music Academy, T.T.K. Auditorium, Chennai — 2016-07-16
Sharmila Biswas, concept, chorégraphie, design, danse odissi
Srijan Chatterjee, composition musicale
Lakshmi Parthasarathy Atreya, danse bharatanatyam
Amrita Lahiri, danse kuchipudi
Shashwati Garai Ghosh, danse odissi
Monami Nandy, Tri Paul, Ankita Kulabhi, Rohini Banerjee, danse odissi
Dhaneswar Swain, Bijaya Kumar Barik, Guru Bharadwaj, composition rythmique
Antra-Yatra
Il s'agissait de la création d'une production Antar-Yatra censée évoquer le monde intérieur des danseuses. La production dirigée par Sharmila Biswas (odissi) met en scène trois danseuses solistes (bharatanatyam, kuchipudi, odissi), un corps de ballet de quatre danseuses, et bien sûr Sharmila Biswas. Le spectacle m'a semblé globalement raté. Les costumes (trois pour chacune des solistes !) et la scénographie sont les points forts de la production. Sinon, aucune émotion particulière ne parvient à s'exprimer.
La seule scène de groupe un peu réussie est interprétée par Sharmila Biswas et le corps de ballet : il s'agit du barratage de la mer de lait. L'avatar de la Tortue, le mont Mandara, ainsi que les dieux et démons y apparaissent. Parmi les fruits de ce barratage, on trouve les danseuses célestes (Apsaras), expertes dans tous les arts. Plus loin, il est fait référence aux auspicieuses devadasis (Nityasumangali...).
Les trois solistes se succèdent ensuite. Parmi elles, les danseuses de kuchipudi et de bharanatyam se distinguent particulièrement à mon goût. Amrita Lahiri (kuchipudi) apparaît dans une scène dans laquelle une jeune femme se prépare (bijoux, etc.) et joue avec Krishna au bord de la Yamuna. La séquence la plus intéressante intervient avec Lakshmi Parthasarathy Atreya (bharatanatyam) qui interprète une version déstructurée d'un Tillana. La musique est d'abord extrêmement dissonnante. Les mouvements de la danseuse sont hésitants, et puis la danse prend progressivement forme, évoquant la nature, tandis que la musique devient de plus en plus harmonieuse pour devenir un des Tillana (Adi Tala) du répertoire. La séquence de la soliste d'odissi et du corps de ballet m'a semblée absolument inintéressante, et surtout trop longue. Elle mettait en scène la poursuite de l'antilope dorée par Rama : absolument rien sur ce qui se passe avant (le caprice de Sita), pendant (Lakshmana laissant Sita toute seule, l'arrivée de Ravana) ou après (la colère de Rama quand il voit que Sita a disparu). Rama tient son arc et court après l'antilope dorée (mudra Mrigashirsha), et c'est tout...
Après un fort bel intermède musical par Srijan Chatterjee (dont j'ignore s'il était en playback, le reste de la musique étant enregistrée...), les trois danseuses reviennent pour massacrer l'ashtapadi “Sakhi He” extrait du Gita-Govinda de Jayadeva. La composition musicale n'était pas dans le tala ni le raga habituel, mais ce qui était le plus gênant était que les danseuses n'ont absolument pas suivi le texte du poème. Le pire a été un contre-sens sur le mot Keshi (un démon ennemi de Krishna) qui a été très-ostensiblement représenté comme s'il signifiait Keshava (le Chevelu, un des noms de Vishnu). Il faut imaginer toutes les danseuses et le corps de ballet tourner sur scène en montrant Krishna avec une énorme tignasse de cheveux...
La scénographie, la scène du barratage de la mer de lait et le Tillana mis à part, le seul attrait de la soirée a été son côté mondain, avec quelques remarques et questions très polies posées aux artistes par Anita Ratnam, C. V. Chandrashekhar ou Leela Venkataraman.
Ailleurs : Leela Venkataraman.
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Narada Gana Sabha - Mini Hall, Chennai — 2016-07-17
Vidwan T. G. Murugavel, nagaswaram
Mallari
Magnifique lecture-demonstration sur le Mallari, la forme musicale utilisée lors les processions dans les temples ou ailleurs par des joueurs de nagaswarams (hautbois indien). Une impressionnante collection d'anches pendouille de l'instrument. Un des accompagnateurs a le rôle de marquer le tala avec ses talams (cymbales). Les rythmes étaient en effet très complexes. Certains Mallari étaient en Adi Tala (8 temps), mais d'autres étaient en Mishra Chapu (7 temps rapides), Sankirna Triputa (9+4=13 temps), Khanda Triputa (5+4=9 temps). À la demande du public (peu nombreux) de cette démonstration (prononcée en tamoul...), le musicien a interprété avec son instrument une célèbre composition : Bho Shambho (Adi Tala) ; cela avait de la gueule...
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Brahma Gana Sabha, Sivagami Petachi Auditorium, Chennai — 2016-07-18 à 19:30
Prarthana Subhalakshmi, danse bharatanatyam
Padmini Krishnamurthy, nattuvangam
Easwar Ramakrishnan, violon
Radha Badri, chant
Devraj, flûte
Rammohan, mridangam
Ce récital par une très jeune danseuse a magnifiquement commencé par un sublime Alap du violoniste Easwar Ramakrishnan (et par le flûtiste). Le guru et la danseuse (style Pandanallur) viennent de Muscut (Oman). La danseuse s'embrouille un peu dans les pas de son Pushpanjali en Hansadhwani Raga et Misra Chapu ; elle a cependant le bon réflexe : elle met ses mains en Anjali devant elle en attendant que la mémoire lui revienne. Après un Shloka Gajanam, elle interprète un Varnam sur Ganesh (“Varanamukhava”, Raga Nattakurunji, composé par Golapakrishna), cela doit être la première fois que j'en vois un. Après un magnifique Alap du violoniste, la danseuse a dansé son Trikala Tirmanam qu'elle a conclu, comme les autres jatis, par une formule rythmique des pieds pendant laquelle, procédé rare, elle illustre le sens du poème évoquant notamment la tête de Ganesh. Parmi les passages narratifs développés dans ce Varnam, la danseuse a fort bien interprété l'épisode qui vaut à Ganesh d'avoir une tête d'éléphant : défendant à quiconque d'entrer chez sa mère Parvati, il a refusé le passage à Shiva, qui lui a coupé la tête, etc. Elle a aussi représenté l'amour maternel d'Uma (Parvati) pour Ganesh en évoquant la conception par la seule Parvati de son enfant. Le Javali (Adi Tala) évoque les espiégleries de Krishna, qui veut aller s'occuper des vaches, mais qui va aussi faire des misères aux gopis... Le récital s'est conclu par un Tillana en Raga Chandrakauns ayant une complexité rythmique inhabituelle puisqu'il utilisait un cycle rythmique en Adi Tala dont les huit temps étaient subdivisés en cinq (Khanda-nadai) ; le poème évoquait Ganesh et Shiva. La jeune danseuse sourit peut-être un peu trop dans les passages expressifs, mais, compte tenu de son âge, son Abhinaya m'a semblé assez bon.
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Brahma Gana Sabha, Sivagami Petachi Auditorium, Chennai — 2016-07-20 à 19:30
Varshini Murali, danse bharatanatyam
Padmini Krishnamurthy, nattuvangam
Nandini Anand, chant
Easwar Ramakrishnan, violon
Deux jours plus tard, c'est encore une disciple de Padmini Krishnamurthy (elle-même disciple de Ranganayi Jayaraman). La danseuse est à peine plus âgée que la précédente. Elle semble un peu plus tendue. Après un Shloka dédié à Ganesh, elle commence son récital par un Pushpanjali en Adi Tala : la chorégraphie est magnifique et très inventive. Elle interprète ensuite un peu maladroitement le Vishnu Kavuthwam (Raga Nattai, Chatushra Ekam Tala). Dans cette version, chaque ligne de texte est d'abord récitée une première fois et pour la reprise, le texte est chanté et la danseuse exécute des mouvements rythmiques des pieds (Tattu-Muttu). Le Varnam est Sakhiye Indha Jalam (Adi Tala, Raga Shankarabharanam) de Dandayudhapani Pillai. L'héroïne offre des cadeaux à son amie pour la convaincre d'aller chercher Vishnu ; elle souffre, elle ne peut plus manger, etc. Dans la deuxième grande partie, la danseuse développe l'épisode dans lequel Vishnu vient sauver l'éléphant Gajendra qui était attaqué par un crocodile. La danseuse interprète ensuite un poème de Swati Tirunal (Adi Tala) Chaliye Kunjana mettant en scène Krishna et les gopis au bord de la Yamuna. Le récital s'est conclu par un Tillana dédié à Rama en Raga Desh et Adi Tala.
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Brahma Gana Sabha, Sivagami Petachi Auditorium, Chennai — 2016-07-21 à 19:30
Gayathri Rajaji, bharatanatyam
Sri. K. Hariprasad, chant
Sri. R. Narayanan, nattuvangam
Sri. Nellai D. Kannan, mridangam
Easwar Ramakrishnan, violon
J'avais déjà eu l'occasion de voir danser Gayathri Rajaji quand elle avait participé à la tournée de la Chidambaram Dance Company de Chitra Visweswaran au Musée Guimet en 2013. Pour compléter l'effectif constitué par ses disciples, la chorégraphe avait alors fait appel à des danseurs formés dans un autre style. Gayathri Rajaji est en effet une disciple d'Adyar K. Lakshman (style Kalakshetra). Après le décès de celui-ci, elle se forme actuellement auprès de Leela Samson, qui était présente lors de ce récital, tout comme le maître C. V. Chandrasekar.
Le programme commence par une invocation de Ganesh “Bhajamanasa Vighneshwara” (Adi Tala) dans laquelle le chanteur a inséré de nombreux passages en Swaram. Le thème du récital est Krishna. La danseuse commence par le Shloka “Kasturitillakam”. Malgré un accompagnement musical superbe (chant de Hariprasad et Easwar Ramakrishnan au violon), le frissonomètre reste proche du zéro absolu. Le haut du corps de la danseuse est plus expressif que chez le plupart des danseurs Kalakshetra, mais elle se semble pas tout à fait à l'aise dans son corps. Sa position en demi-plié araimandi n'est pas très bien tenue ; lors de certaines frappes, le corps devient un peu instable, presqu'asymétrique. Dans le Jatiswaram du Thanjavur Quartet (Raga Kalyani, Sankirna Chapu), les mouvements de pieds semblent un peu mous ; il y a un manque de netteté.
Le Varnam Sakhiye Inda Velayil (Raga Anandabhairavi, Adi Tala) du Thanjavur Quartet est dédié à Krishna, celui qui porte la conque et le disque. La danseuse a manifestement des possibilités en Abhinaya, qui vont plus loin que ce que font habituellement les danseurs Kalakshetra, mais j'aimerais qu'elle s'y abandonne encore un peu plus. Les passages rythmiques sont correctement exécutés, mais le Varnam suit une structure étrange. Le premier long jati (à trois vitesses) mis à part, les jatis viennent par paires dans cette chorégraphie : le troisième jati vient immédiatement après le deuxième, le cinquième juste après le quatrième, etc. Je n'ai vu cette structure que chez quelques danseurs Kalakshetra. Une particularité de cette composition du Thanjavur Quartet est que le texte de la composition ne commence pas sur le premier temps ; ainsi, les jatis ne se finissent pas juste avant le premier temps comme c'est en général le cas, mais juste avant le deuxième temps du cycle rythmique. Le manque de développement dans l'Abhinaya est contrebalancé par une exégération du temps consacré à la danse pure, ce qui rend l'ensemble du Varnam complètement déséquilibré à mon goût. L'héroïne est impressionnée par la ville et le temple de Krishna, qui est représenté comme Vishnu-Padmanabha, en bouvier, ou avec la conque et le disque. La danseuse développe l'épisode dans lequel Vishnu sauve l'éléphant Gajendra d'un crocodile. Elle évoque aussi celui dans lequel Krishna soulève le mont Govardhana, mais c'est beaucoup trop bref pour être intéressant.
Le point culminant du récital a été l'interprétation du très classique Padam “Indendu” (Raga Suruti, Mishra Chapu) que la danseuse a travaillé avec Bragha Bessel. L'interprète m'y a semblé beaucoup à l'aise et convaincante. L'héroïne demande à Krishna de s'en aller : “Aurais-tu des yeux de poisson ? Tu ne vois pas que ma rue est bien plus étroite que celle de ma rivale ?”. Elle referme sa porte et se retire, en hésitant un peu, se retenant de changer d'avis. Si seulement Bragha Bessel pouvait étendre son influence pour que les danseurs Kalakshetra développent davantage l'Abhinaya tout au long du récital, et pas seulement dans les Padam...
Le récital s'est terminé par un Tillana en Adi Tala chorégraphié par Adyar K. Lakshman et se concluant par une évocation de Krishna et des gopis.
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Dharma Paripalana Sabha, Sri Kanchi Mahaswamy Anantha Mandapam, Adyar — 2016-07-22 à 19:15
Gopika Varma, mohiniattam
Il y a quelques semaines à Paris, j'avais été émerveillé par les récitals de mohiniattam de Deepa Chakravarthy. J'ai eu le privilège de déjeuner chez elle lors de mon séjour à Chennai ; je lui disais que si je pouvais sans problème assister à un récital de bharatanatyam tous les jours, ce ne serait pas possible pour le mohiniattam : certains interprètes de ce style parviennent à atteindre une telle excellence et à procurer de telles émotions, qu'il me paraissait absolument nécessaire que les expériences de spectateur soient plus espacées dans le temps, d'une part pour pouvoir prendre à chaque fois pleinement conscience de ce caractère exceptionnel, et d'autre part pour que ne pas être totalement blasé en regardant après des spectacles d'autres styles...
Sachant que Gopika Varma a été un des gourous de Deepa Chakravarthy, je me suis rendu à Adyar pour assister à son récital dans une salle voisine d'un fort beau temple de Padmanabha. La salle était assez peu remplie ; pour expliquer cela, la danseuse a invoqué le Kabali effect, du nom du film tamoul qui envahissait alors les écrans de Chennai. L'orchestre est composé d'un chanteur, d'un flûtiste et de trois percussions : nattuvangam (cymbales), mridangam et un tambour joué par un homme debout et qui donnait une teinte particulière à la musique.
Je n'ai pas grand'chose à dire sur le récital, si ce n'est que le style mohiniattam, par sa lenteur, explore le mouvement comme aucune autre danse classique indienne ne le fait. La première pièce était en Rupaka Tala, une invocation de Ganesh dont la monture est la souris. Elle a interprété ensuite un Kirtana de Swati Tirunal (probablement Shri Kumara Nagaralaye en Adi Tala et Raga Atana) en relation avec l'histoire du temple de Kumaranaloor, qui devait être initialement un temple de Kumara, mais qui est un temple de la Déesse (cf. cette page Wikipedia). Le Dasa Varnam est dédié à Vishnu et évoque différents épisodes épiques dans lesquels le Bienheureux est devenu un serviteur (Dasa). Je ne les ai pas tous compris (et si je les ai compris, je n'ai pas forcément vu le lien avec le thème). Un épisode évoquait Shabari, qui avant de donner des baies à Rama, les avaient goûtées... Un autre évoquait l'avatar du Nain. Dans un autre, Krishna portait Radha et ainsi les marques de pieds qu'il laissait étaient plus profondes, attirant la suspicion des autres gopis... Le récital s'est terminé par un prière en Rupaka Tala.
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Narada Gana Sabha - Mini Hall, Chennai — 2016-07-23
Namrata Venkatesan, bharatanatyam
Parvathi Ravi Ghantasala, nattuvangam
Smt. Nandini, chant
Sri. Hari Babu, mridangam
Sri. Srinivasan, flûte
Sri. Dorai, violon
Ce récital interprété par une danseuse au costume rose flashy est dédié à Vishnu. Il commence par une invocation chantée Balakrishna Padamala. Après un mini-Pushpanjali, la danseuse interprète une composition de Swati Tirunal “Gopala pahima” dédié au Maître des sept collines (Venkateshwar). La pièce comporte des passages de danse pure rythmiquement complexes. La danseuse évoque très brièvemenet l'épisode dans lequel Yashoda demande à Krishna d'ouvrir la bouche, parce qu'elle le soupçonne d'avoir mangé de la boue : l'Univers entier lui apparaît. Le programme se poursuit avec le même Varnam que celui que j'ai vu trois jours plus tôt : Sakhiye Indha Jalam (Adi Tala, Raga Shankarabharanam). Un des jatis utilise l'espace d'une façon qui me rappelle le style de M. Selvam. Vers la fin du Varnam, la danseuse développe magnifiquement bien l'épisode de l'éléphant Gajendra sauvé par Vishnu. Le texte mentionne l'intervention de Krishna pour protéger Draupadi et la défaite de Ravana par Rama, aidé de Hanuman, mais l'évocation dansée, bien réalisée, est malheureusement trop courte. La danseuse interprète ensuite une pièce sur le jeune Krishna Bhavayami Gopalabulam (Raga Yamuna Kalyani, Khanda Chapu). La pièce la plus intéressante du programme est peut-être “Kandai kandai Sitai” (Raga Bageshri, Tisra-nadai Adi Tala). Elle raconte le voyage en éclaireur de Hanuman à Lanka. Sita déprime dans le bois d'aśoka, elle pense même à se suicider. Hanuman l'en dissuade et lui montre l'anneau que Rama lui a donné. L'interprétation pose à mon avis quelques problèmes : les personnages ne sont pas suffisamment caractérisés, par exemple, quand la danseuse joue le rôle de Hanuman, seules ses mains indiquent qu'elle joue un singe ; si on se fiait uniquement à son expression, on pourrait penser qu'elle est toujours en train d'interpréter Sita. Le récit en flash-back a une structure un peu étrange ; on ne sait pas très bien à quel niveau du récit on se situe. Hanuman est-il en train de raconter son voyage à Rama ? Le climax est atteint quand Hanuman se grandit avant de s'élancer au-dessus de l'Océan (le chant se transforme alors en une répétition du nom Rām). Le programme se conclut avec “Bhaja Govinda” composé par Adi Shankara.
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Sri Krishna Gana Sabha, Kamakoti Gana Mandir Hall, Chennai — 2016-07-27 à 19:00
Smrithi Chanjeevaram, danse bharatanatyam
Ce récital est sans doute le moins intéressant de ceux que j'ai vus
pendant mon séjour à Chennai, la technique de la danseuse étant assez
moyenne. Les musiques étaient enregistrées. Après un Pushpanjali
en Adi Tala dans laquelle la danseuse explore les quatre directions (elle
est parfois de dos), elle évoque l'histoire de Ganesh, le fils de la Déesse
Gauri, dont Shiva coupera la tête, etc. Vient ensuite un poème sur la
Déesse Lalita Bhubaneshwari..., dont la monture est le tigre. Le
Varnam en Adi Tala et Raga Nilambari est dédié à Muruga, dont le
paon est la monture. L'héroïne lui dit en substance : Viens, je suis
comme une fleur sans soleil.
. Le Javali en Adi Tala qui suit
met en scène les espiègleries du jeune Krishna et le récital se conclut par
un Tillana (Adi Tala, Raga Madhuvanti) qui est dédié à Krishna.
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The Music Academy, Kasturi Srinivasan Hall, Chennai — 2016-08-02
Subashri Sashidharan, danse bharatanatyam
Smt. S. Divyasena, nattuvangam
Smt. K. P. Nandini Sai Giridhar, chant
Sri. G. Ram Shankar Babu, mridangam
Sri. K. Ganeshan, violon
Sri. J. B. Sruthi Sagar, flûte
Mallari (Raga Gambhira Nattai, Khanda Triputa, composé par B. P. Hari Babu)
Virutham (Ragamalika, texte de Kumaraguru Swami)
Pada Varnam “Mohamana” (Raga Bhairavi, Rupaka Tala), composé par Ponniah Pillai (Thanjavur Quartet)
Javali “Indendu” (Raga Suruti, Mishra Chapu)
Ododi Vanden (Raga Dharmavati, Adi Tala, composé par AMbujam Krishna)
Shankara Shrigiri Nathaprabhu (Raga Hamsanandi, Adi Tala, composé par Swati Tirunal)
Thillana (Raga Behag, Adi Tala, composé par Dr. Balamurali Krishna)
Entre le 1er et le 10 août se tenait à la Music Academy de Chennai le festival-concours Spirit of Youth (réservé à des interprètes de moins de 25 ans). L'an dernier, j'y avais vu l'extraordinaire Sudharma Vaithiyanathan. Cette année, je n'ai vu que trois récitals, qui sans être absolument époustouflants étaient tous de très bonne qualité.
La technique de la danseuse Subashri Sashidharan au costume rouge et
blanc est assez impressionnante : son demi-plié est très bas, ses
ginatoms sont magnifiques dans le Mallari, son travail
sur le regard aussi. Son Abhinaya n'est pas tout-à-fait aussi
convaincant ; ses gestes sont parfois un peu brusques. Le Viruttam
(forme musique du Shloka, mais en langue tamoule) évoque diverses
idées sans que je comprenne le sens global : Padmanabha, le protecteur de
l'Univers, Brahma, les quatre Veda, le son, Saraswati à la vîna, etc. Au
cours du récital, l'accompagnement musical est quelque peu déséquilibré. La
chanteuse Nandini est magnifique, mais le mridanguiste attire beaucoup trop
l'attention à lui. Le bien-nommé flûtiste Sruthi Sagar produit des sons qui
parfois me paraissent sublimes et parfois me semblent affreux ; c'est
vraiment étonnant. La progression thématique du Varnam composé par le
Thanjavur Quartet et dédié à Brihadishwara est on ne peut plus
traditionnelle. Un jati accompagné du seul mridangam (sans
onomatopées rythmiques) développe un peu trop longuement l'intervention de
Kama. Dans le Padam composé par Ambujam Krishna, l'héroïne est
tout à son adoration de Krishna, mais le Shrinraga (Amour) est
malheureusement complètement absent de l'interprétation de la danseuse. Le
programme se poursuit avec le classique Indendu et une vive
évocation de Shiva comme dieu dansant dans un poème de Swati Tirunal :
chose rare, pour évoquer sa danse, l'interprète utilise des sauts avec
réception en cinquième position
(pieds croisés). Le récital s'est
conclu par un Tillana composé par Balamurali Krishna
magnifiquement introduit par un Alap du flûtiste.
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The Music Academy, Kasturi Srinivasan Hall, Chennai — 2016-08-03
Sivasri Skandaprasad, danse bharatanatyam
Smt. Roja Kannan, nattuvangam
Sri. K. Hariprasad, chant
Sri. Nellai D. Kannan, mridangam
Easwar Ramakrishnan, violon
Bhajamanasa Vighneshwara Manisham (Adi Tala)
Shloka “Gajanam”
Alarippu (Tishra Dhruvam, composé par Adyar K. Lakshman)
Jatiswaram (Raga Hemavati, Misra Chapu, composition du Thanjavur Quartet)
Varnam “Manavi” (Raga Shankarabharanam, Adi Tala), composé par Ponniah Pillai (Thanjavur Quartet)
Azhaga Azhaga (Raga Suddha Dhanyasi, Khanda Chapu, composé par Ambujam Krishna)
Sogasu (Misra Chapu)
Thillana (Raga Behag, Tisra-nadai Adi Tala, composé par Lalgudi G. Jayaraman)
La guru de la danseuse a eu pour maîtres Adyar K. Lakshman et Kalanidhi Narayanan. Sivasri Skandaprasad avait 10 ans quand elle a fait son arangetram en 2007. Je n'ai pour ainsi dire pas pris de notes pendant ce récital. La danseuse a un Abhinaya plus mûr que celui de la danseuse du récital de la veille. L'accompagnement musical est parmi ce qui se fait de mieux (chant, violon, mridangam). Le chanteur K. Hariprasad est dans un bon jour (magnifiques Alap avant le Varnam et le premier Padam). L'accompagnement du mridangam est merveilleux de délicatesse. Il est heureux que je me sois souvenu de la structure du Tala Dhruvam pour comprendre que Tishra Dhruvam était le nom d'un cycle en 3+2+3+3=11 temps ; sinon, j'aurais moins apprécié l'Alarippu ! Le chorégraphie du Jatiswaram m'a semblé peu musicale. Dans le Varnam (le même que Lavanya Ananth avait dansé en août 2015), l'héroïne est tout à son émerveillement (adbhuta). Un épisode est particulièrement développé : alors qu'il était en route pour les noces de sa sœur Meenakshi à Madurai, Vishnu sauve l'éléphant Gajendra de la morsure d'un crocodile. Les Tattu Muttu de la danseuse sont particulièrement intéressants et virtuoses.
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The Music Academy, Kasturi Srinivasan Hall, Chennai — 2016-08-04
Vidhun Kumar, danse bharatanatyam
Smt. V. Mythili, nattuvangam
Sri. K. Hariprasad, chant
Sri. Nellai D. Kannan, mridangam
Sri. T. Sasidhar, flûte
Shri Maha Ganapathe Surapathe (Raga Nattai, Adi Tala, composé par Mayooram Vishwanatha Shastri)
Alarippu avec Thiruppugazh (Misra)
Varnam “Konchum Sadangai” (Raga Latangi, Adi Tala, composé par Madurai R. Muralidharan)
Dhyaname Taruve (Raga Amritavarshini, Adi Tala, composé par Ambujam Krishna)
Kana Vendamo (Raga Sriranjani, Rupaka Tala, composé par Papanasam Sivan)
Thillana (Raga Valaji, Adi Tala, composé par Madurai R. Muralidharan)
Le danseur porte un dhoti jaune, et un affreux collier (je ne remercie pas ma voisine d'avoir attiré mon attention sur ce fait !). Dans sa pièce introductive, il impressionne par son regard porté au loin (peut-être un peu trop haut) et par les fentes qu'il exécute. Ce danseur ne cherche pas à imiter les danseuses ! Sa technique de pied est parfois un peu brouillone : certains pas rapides passent à la trappe. Son corps est quelque peu asymétrique : dans les positions qui devraient être symétriques, son bras gauche est souvent un peu plus bas que le bras droit. J'apprécie néanmoins beaucoup son Alarippu. Au cours de ce séjour, je me suis rendu compte qu'il y avait en réalité souvent bien plus de différences entre danseurs d'un même style (ou bani) qu'entre danseurs de styles différents. Ce danseur a été formé dans le style Thanjavur, et pourtant, j'ai eu l'impression de distinguer des détails caractéristiques du style Vazhuvoor, comme le fait de sauter avant le dernier tarikitatom d'une série.
La danse pure de ce danseur est très agréable à regarder, mais son Abhinaya ne parvient pas à me convaincre. Le danseur illustre très littéralement le sens du texte du Varnam dédié à la forme de Shiva résidant à Chidambaram. La seule émotion qu'il utilise est celle de l'émerveillement. Il évoque assez clairement certains des cinq éléments (Panchabhuta) associés à Shiva : l'air, l'eau, le feu... Rythmiquement parlant, la chorégraphie est étrange parce que l'arudi, la formule conclusive suivant les jatis qui se termine usuellement sur le cinquième ou le premier temps (dans le cas d'Adi Tala) se finisait ici sur le septième temps !? La fin du Varnam est quelque peu répétitive et je me surprends à remarquer des détails stylistiques, comme les marches en arrière à la Kalakshetra (sans épaulement, en laissant traîner le talon devant).
La composition d'Ambujam Krishna qui est jouée est Rama Stuti “Dhyaname Taruve”. Tous les sages et musiciens méditent sur Rama. La chorégraphie évoque brièvement le voyage de Hanuman à Lanka. Tout d'abord, il saute par dessus l'Océan. Fait prisonnier de Ravana, sa très longue queue s'enroule pour former un siège depuis lequel il est plus haut que Ravana. Plus loin, il met le feu à Lanka avec sa queue enflammée. Un autre épisode en rapport à Rama est évoqué, peut-être s'agit-il d'une référence au batelier Guha, considéré comme le premier dévot de Rama.
Le Padam “Kana Vendamo” est la seule pièce dans laquelle le danseur a tenté d'exprimer d'autres émotions que la dévotion et l'émerveillement. On comprend qu'il veut exprimer des choses, mais le sens global reste tout à fait mystérieux.
Le récital se conclut par un Tillana dédié à la Déesse sous le nom de Matangi.
Le spectacle était en partie gâché par l'attitude de la guru V. Mythili qui semblait se fichtre royalement de ce que faisait le danseur. Elle était complètement en mode automatique : à aucun moment elle ne le regardait, elle paraissait ne s'intéresser qu'aux onomatopées rythmiques qu'il fallait bien qu'elle récite.
2016-07-14 18:00+0530 (दिल्ली) — Culture — Musique — Danse — Danses indiennes — Culture indienne — Voyage en Inde XV
Auditorium du Musée Guimet — 2016-05-20
Mavin Khoo, bharatanatyam
Bhavana Pradyumna, chant
Prathap Ramachandra, mridangam
Jyotsna Srikant, violon
Songs of the Blue Lord
Fin mai, Mavin Khoo, qui est aussi chorégraphe de danse contemporaine, s'est produit au Musée Guimet pour un programme de bharatanatyam. J'y suis allé par curiosité, n'appréciant guère le style de danse pure de son guru Adyar K. Lakshman (dont les chorégraphies me paraissent excessivement virtuoses). Comme il appartient à une lignée issue de l'école Kalakshetra dont je déteste joyeusement l'Abhinaya (art de l'expression), je me méfiais encore davantage.
J'avoue avoir été agréablement surpris. Mavin Khoo est assurément un grand artiste. Il a tenté beaucoup de choses au cours de son programme ; certaines audaces m'ont semblées un peu folles, certaines tentatives ont à mon avis échoué, mais il est agréable de voir un artiste essayer de se dépasser ainsi. Sa danse pure est euphorisante, son Abhinaya est très bon (un des meilleurs que j'aie eu l'occasion de voir chez des danseurs masculins), mais il ne parvient cependant pas à m'émouvoir.
J'étais également venu au Musée Guimet pour la musique. Après avoir chanté les notes Sa-Pa-Sa, la chanteuse Bhavana Pradyumna a débuté le programme en interprétant magnifiquement trois shlokas : वक्रतुण्ड (Vakratuṇḍa) en hommage à Ganesh, या देवी सर्वभुतेषु (Yā Devī Sarvabhuteṣu) dédié à la Déesse et कस्तूरीतिलकं ललाटपटले (Kastūritilakaṃ Lalāṭapaṭale) à Krishna. L'accompagnement du violon était aussi remarquable.
Le programme de danse proprement dit a commencé ensuite. Il ne suivait pas la forme habituelle. Il s'agissait en gros d'un Varnam (en Adi Tala) dans lequel étaient insérées diverses compositions dédiées à Krishna. Le cycle rythmique s'interrompait au début de chaque séquence pour permettre à la chanteuse de prononcer une traduction du texte poétique qui allait suivre. (Il s'agissait peut-être du Varnam “Vanajalakshi” en Raga Kalyani ?) Le danseur a les mains complètement peintes en rouge. Il commence par le Trikala Jati, le premier passage rythmique qui utilise les trois vitesses (et un passage en triolets), qu'il conclut avec une longue formule rythmique. Dans la première séquence, le texte évoque les yeux de lotus (de Krishna, d'après la présentation). Dès le début, je comprends que Mavin Khoo n'a pas les défauts de beaucoup de danseurs Kalakshetra qui répètent exactement les mêmes gestes à de nombreuses reprises sans même changer de placement. Ici, la première ligne du texte a été montrée trois fois, de face, vers la droite puis vers la gauche, avec des gestes différents à chaque fois. L'héroïne ne peut souffrir la séparation. Coquette, elle se prépare à le recevoir, mais elle s'endort. Dans son rêve, elle l'entend frapper, Krishna l'enlace. Quand elle se réveille, elle comprend sa déception. La séquence se termine par d'assez complexes Tattu Muttu (combinaison de frappes de pieds et d'expression par le haut du corps).
Après un passage rythmique très virtuose, le danseur évoque celui qui est le fils de Vasudeva et de Devaki. Il suscite l'émerveillement en soulevant le mont Govardhana afin de protéger les bouviers des pluies déclenchées par Indra.
La danse pure de Mavin Khoo est particulièrement euphorisante dans le passage technique suivant. La formule conclusive utilise de façon intéressante des séries de tarikitatom (mouvement ressemblant un peu au style de nage crawl...) ; ils étaient en effet interprétés en accelerando, une fois en vitesse lente, une fois en vitesse moyenne et une fois en vitesse rapide.
La première partie du Varnam se conclut avec l'émerveillement de l'héroïne et ses prières devant Krishna qui est porté en procession en palanquin, avec tambours, tampura, nagaswaram, lancers de fleurs, danseuses... Si Mavin Khoo n'a globalement pas eu de difficulté particulière à évoquer des personnages féminins au cours du récital, sa représentation des danseuses accompagnant la procession m'a semblé très sommaire, un peu prosaïque.
L'Ashtapadi Sakhi He est inséré ensuite dans le programme. J'ai été content d'y reconnaître le Raga Shuddha Sarang (et Tala Mishra Chapu) dans le chant de Bhavana Pradyumna. Mavin Khoo a choisi de rester assis pendant toute la durée de cette composition. C'est un choix très audacieux, agréable à voir parce que relativement rare, mais je pense que c'était trop audacieux de sa part. Je sais à quel point cette pièce peut être extraordinaire (cf. le récital de Vidhya Subramanian). Je sais aussi l'émotion intense que peuvent susciter certaines interprètes quand elles font de l'Abhinaya assises (je garde un souvenir émerveillé de Yashoda Thakore dans un tel “exercice”). Je dis que c'était bien tenté de la part de Mavin Khoo qui bénéficiait pourtant d'un grand soutien musical dans cet essai, mais il a malheureusement échoué à m'émouvoir.
On revient ensuite semble-t-il au Varnam, avec en tout cas un passage rythmique très compliqué en Adi Tala. La danse évoque la souffrance de l'héroïne. La lumière diffusée par la Lune la brûle comme si elle était directement touchée par les rayons du Soleil. Ses pleurs sont comme une rivière. Les flèches florales de Kamadeva la font souffrir. Mavin Khoo évoque très bien l'archer Kamadeva, qui prépare les fleurs qu'il va lancer. Cependant, l'épisode m'a semblé démesurément long et répétitif. Avec son arc, il fait des dizaines de fois le tour de la scène avec des formules rythmiques diverses (sans doute très largement improvisées : il n'y avait d'ailleurs pas de nattuvanar dans ce programme !). Au bout d'un temps qui m'a semblé interminable (et malheureusement accompagné uniquement par le violon : j'aurais globalement préféré que le chant soit un peu plus présent), comme c'est souvent le cas, Kamadeva ne tire pas de flèche avec son arc, mais il lance tout simplement la fleur sur sa victime. C'est magnifique quand c'est bien fait, mais il m'a semblé que c'était raté (entre autres parce que le danseur était à ce moment-là dans un coin mal éclairé de la scène...).
Ensuite, l'héroïne veut écrire une lettre à Krishna, mais son amie ne veut pas la lui porter.
Bhavana Pradyumna interprète ensuite une composition de son guru Chitravina Ravikiran en Misra Jhampa Tala (7+1+2=10 temps) dédié à celui qui est le maître des trois mondes dont le dévot demande la bénédiction. Cette composition est interprétée par Mavin Khoo qui reste cette fois-ci debout pendant toute son interprétation. Ce choix provoque en moi les mêmes réticences que plus haut : à mon avis, en utilisant tout son corps, l'interprète parviendrait à émouvoir bien davantage.
Deux autres compositions en Adi Tala et en Chatushra Ekam concluent le récital. Que peut-on bien Lui offrir ? Des fleurs, de l'eau, des gâteaux ? Non, ce n'est pas assez bon pour Lui ! La dernière composition représente Krishna comme bouvier, fils de Vasudeva et Devaki. Le récital s'achève par un accelerando, le danseur finissant à plat ventre.
Après avoir été beaucoup applaudi, le danseur explique qu'il a oublié une danse. Il interprète alors un passage rythmique utilisant progressivement les trois vitesses et qui est uniquement composé de Mandi Adavus (dans lesquels on fait des fentes ou pose un genou par terre). C'est impeccablement exécuté, à une vitesse frénétique. À l'image de tout le programme : c'est impressionnant, un tout petit peu show-off, mais cela ne m'émeut absolument pas.
2015-07-25 08:49+0530 (दिल्ली) — Culture — Musique — Danse — Danses indiennes — Culture indienne
Sucheta Chapekar, le guru de ma prof de bharatanatyam a passé plusieurs
semaines en France aux mois de mai et juin. J'avais déjà eu l'occasion de
la rencontrer à Pune l'année dernière. Je n'oublierai pas
les nombreux moments partagés avec elle au cours de son séjour.
J'ai déjà évoqué dans un billet
précédent le stage dans lequel elle nous enseigna un
Abhinaya-Pada sur la destruction de Tripura par Shiva sur le cycle
rythmique Khanda-jâtî Ata Tala. Je n'oublierai pas non plus les cours
particuliers ou semi-particuliers, qui donneront lieu à quelques
perplexités : Ah, this is Tishra-jati. ― No, this is Tishra-jâtî. —
Tishra-jati ? — No,
. Trois événements
publics ont rythmé son séjour à Paris au début du mois de juin : une
conférence-dansée sur le Nrityaganga à l'École normale supérieure,
une autre sur des fables du Panchatantra à l'Université Paris 8 et
un récital de bharatanatyam au Centre Mandapa. Je ne commenterai pas en
détail son interprétation de quelques fables animalières à Paris 8,
mais je reviendrai dans un futur billet sur son récital au Centre Mandapa.
Je vais me concentrer ici sur sa conférence-dansée sur le Nrityaganga.jati
is a different word.
Le premier juin avait donc lieu une conférence-dansée dans la salle d'expression artistique du Nouvel Immeuble Rataud (NIR) de l'École normale supérieure. Cette conférence était organisée par un groupe d'élèves et anciens élèves, Indias, l'Initiative Normalienne pour le Développement des études sur l'Inde et l'Asie du Sud.
Le thème de l'exposé de Sucheta Chapekar était “Nrityaganga”. Il s'agit du style de danse qu'elle a développé, associant la danse bharatanatyam (originaire du Sud de l'Inde) et la musique hindustani (la musique classique du Nord de l'Inde). Elle en a expliqué la genèse. Elle a ainsi commencé par raconter son travail avec son premier guru, Acharya Parvati Kumar. La musique carnatique est chantée habituellement dans des langues du Sud de l'Inde comme le télougou ou le tamoul, mais elle a expliqué, tout comme l'avait fait le chercheur Davesh Soneji dans une conférence récente à l'EHESS, que la langue marathi (parlée dans la région de Sucheta Chapekar) avait une place importante dans l'histoire de la musique carnatique. En effet, au XVIIe siècle au XIXe siècle, ce sont des rois marathes qui ont régné à Thanjavur et pendant cette période, les arts se sont développés, toutes les formes et langues entrant en confluence à Thanjavur (y compris la musique classique européenne dont on trouve des traces dans les compositions Nottuswaram du grand compositeur carnatique Muthuswamy Dikshitar). Selon Davesh Soneji, les formes musicales originaires de la région Marathe auraient beaucoup influencé la musique carnatique à cette époque. Sucheta Chapekar et son guru ont utilisé des compositions de danse bharatanatyam en langue marathi dans le style carnatique datant de cette époque et conservées à la Saraswati Mahal Library à Thanjavur. Les livres et les manuscrits ne contenaient a priori que le texte et le nom des talas et ragas. En utilisant ces sources, ils ont pu rendre vie à des compositions attribuées au roi Serfoji II (ou Sharabhoji) qui régna de 1798 à 1832.
Par la suite, en travaillant avec Kitappa Pillai, Sucheta Chapekar s'est intéressée au répertoire plus ancien du roi Shahaji (1684-1712) et l'idée lui est venue de créer de nouvelles de pièces de danse bharatanatyam utilisant les formes de musique du Nord de l'Inde et des textes en marathi, hindi ou sanskrit. Elle a commencé par chorégraphier des pièces d'Abhinaya parce qu'elles posaient moins de problèmes. D'autres interprètes avaient déjà commencé à intégrer des compositions du Nord comme des Bhajan de Mirabaï, mais elle a voulu constituer un format parallèle et alternatif au format habituel Margam des récitals de danse bharatanatyam. Par exemple, l'Alarippu est remplacé par Prastar, une pièce de danse pure dont la musique s'inspire de formes de musique rythmiques pratiquées par des joueurs de pakhawaj, l'instrument à percussion qui n'est pour ainsi dire plus utilisé que dans la musique dhrupad. Parmi les principes du bharatanatyam qu'elle a voulu conserver, il y a l'idée d'utiliser les diverses formes musicales existantes, mais dans le contexte de la musique classique du Nord. Parmi les autres principes du bharatanatyam qu'elle a retenus, elle compte aussi la position assise, l'équilibre entre la danse pure et la danse expressive, le fait que les mouvements de danse utilisent autant le haut que le bas du corps. Enfin, les compositions expressives doivent mettre en scène l'amour érotique, l'amour maternel et l'amour dévotionnel. Mises ensemble de façon cohérente, de telles pièces de danses constituent une alternative au Margam. Le nom qu'elle a retenu est Nrityaganga, en référence à la rivière Ganga, qui est considérée comme sacrée dans toute l'Inde.
Lors de sa démonstration, elle a interprété cinq pièces de Nrityaganga. La première a été Māta Sarasvatī, un hommage à Sarasvatī : elle est la déesse de la parole, de la connaissance, et joue de la vînâ. Cette pièce comporte quelques courtes sections de danse pure. Les deux pièces suivantes ont été des pièces d'Abhinaya. Dans Nāhī mī bolata nāthā, une jeune femme pudique du Maharashtra se prépare à accueillir son amoureux. Quand il arrive, il la flatte par ses mots doux, mais elle fait semblant de le repousser... Dans la pièce suivante Ao Pyare, une gopi s'émerveille des qualités du jeune Krishna. Elle tente de l'attirer maternellement à elle. Elle décrit sa belle allure. Quand elle vaque à ses tâches quotidiennes, que se soit la lessive ou la traite des vaches, elle est charmée par le son de sa flûte. Cependant, quand elle essaye de s'en approcher, il s'échappe. Elle ne parviendra à l'arrêter qu'en lui donnant à manger du beurre.
En voyant ces trois premières pièces, il m'a semblé que Sucheta Chapekar utilisait davantage de frappes de pieds dans ses chorégraphies de pièces d'Abhinaya qu'on ne l'observe habituellement. En outre, j'ai eu le sentiment qu'en général elle s'appuyait de façon quelque peu différente sur le rythme qu'on ne le fait dans le bharatanatyam quand il est dansé sur de la musique carnatique. Dans la musique carnatique, le premier temps du cycle est me semble-t-il vraiment vu comme un point de départ. Dans la danse, on verra souvent des formules conclusives comme didi-tai—didi-tai—didi-tai, mais le dernier tai n'est pas sur le premier temps, il est juste à la fin du cycle précédent, ce qui permet d'enchaîner immédiatement avec une autre série de mouvements au début du cycle qui suit. Dans les pièces de Nrityaganga que j'ai vues au cours de cette démonstration, le premier temps du cycle rythmique semble être conçu comme une conclusion de ce qui a précédé. On trouve souvent une frappe très appuyée sur ce premier temps et la pose est maintenue, comme une respiration. Il me semble qu'il y a là un point commun avec ce que l'on peut observer dans le style kathak (qui utilise aussi la musique hindustani). (Il ne s'agit pour l'instant que de conjectures de ma part, cela mériterait d'être approfondi à l'avenir...)
Avant d'interpréter la pièce suivante, Sucheta Chapekar a expliqué que la partie la plus difficile de son travail a été la chorégraphie de pièces de danse pure. Une idée lui est venue en lisant un passage du Natyashastra dans lequel le narrateur fait hommage aux gardiens des huit directions (les quatre points cardinaux et les directions intermédiaires). Elle a ainsi conçu une pièce Aṣṭamaṅgala qui rend hommage à ces huit divinités représentées dans beaucoup de temples hindous. Il s'agit d'une des plus belles merveilles de chorégraphie que j'aie eu le privilège d'observer. Au cours de cette pièce d'un peu moins d'une dizaine de minutes, la danseuse part du centre de la scène et se tourne successivement dans les huit directions en commençant par l'Est (de face). Pour chacun de ces huit gardiens (Ashtadikpala), elle exécute une section de danse pure et conclut cette partie en évoquant brièvement la divinité correspondante. Les divinités ne sont pas faciles à reconnaître puisqu'elles appartiennent peut-être davantage à la religion védique qu'à la religion hindoue qui en a émergé, mais la dernière divinité évoquée est le gardien du nord-est, Īśāna (Shiva), qui est représenté comme danseur.
La démonstration s'est conclue par un magnifique Bhajan du roi Shahaji en Raga Bhairavi. Le dévôt se demande ce qu'il peut offrir à la divinité. Une guirlande de fleurs ? Non, Tu portes déjà des serpents et une guirlande de crânes. Dois-je Te faire une offrande de feu ? Non, car Tu portes le feu dans Ta main. Dois-je danser pour toi ? Non, parce que Tu es le Seigneur de la danse.
De larges extraits de la conférence sont visibles sur la vidéo ci-dessus (je vous conseille de la lire depuis cette adresse puisque le chapitrage y est visible.)
2015-07-21 14:00+0530 (दिल्ली) — Culture — Musique — Danse — Danses indiennes — Culture indienne — Dhrupad — Voyage en Inde XIV — Photographies
Je suis arrivé à Delhi il y a un peu plus d'une semaine. Pendant le vol Air India 142, j'ai regardé le film Chennai Express, qui n'est pas trop mauvais. L'aventure commence au moment de monter dans un taxi prépayé pour rejoindre l'appartement où je vais résider dans le quartier de Jangpura. Le chauffeur de taxi ne sait manifestement pas du tout où cela se trouve. Il n'a pas de GPS, mais il passe un certain nombre de coups de fils pour se diriger. Je suis le trajet sur mon téléphone grâce à la carte OpenStreetMap de l'Inde que j'ai téléchargée. Une fois arrivé dans le quartier de Jangpura (qui n'est pas couvert de façon détaillée par OpenStreetMap), j'ai dû utiliser une carte Google Maps que j'avais préalablement téléchargée pour jouer au co-pilote :
Même quand on est arrivé, il n'est pas forcément évident pour tout le monde de savoir qu'on y est :
Quelqu'édile du quartier, Madame Darshana Jatav a en effet fait installer des panneaux indicateurs qui ne sont rédigés qu'en hindi. Dans d'autres rues, la fonction utilitaire a été délaissée au profit de la seule fonction promotionnelle de ces panneaux :
En bas de la partie bleue du panneau, à côté de रोड का
नाम (c'est-à-dire : Nom de la rue
), il n'y a
rien écrit du tout...
Voici la vue depuis le balcon de l'appartement où je loue une chambre et dont je peux aussi profiter du grand salon :
Les deux premières journées ont été très pluvieuses. La rue était inondée. L'année dernière, j'avais dû acheter en urgence des chaussures au retour de Champaner où les précédentes avaient été englouties par la boue. Les lanières de ces sandales que j'avais alors achetées n'ont pas tenu à cause d'une sorte d'effet ventouse qui s'est produit alors que je marchais dans les 10 centimètres d'eau qui recouvraient la rue.
⁂
Le lendemain de mon arrivée, je suis retourné à C.R. Park, non loin du temple du Lotus, pour prendre un premier cours avec Arupa Lahiry, une disciple de Chitra Visweswaran que j'avais eu l'occasion de voir à Paris et avec qui j'avais déjà pris des cours il y a un an. Elle me donne cours dans une petite salle à l'étage de l'association des femmes de l'Est (il s'agit d'un quartier bengali : la zone entière de C. R. Park a été donnée après la Partition de l'Inde à des réfugiés venant du Bengale oriental).
Chaque cours dure environ deux heures. Le cours commence par la pratique des adavus, les mouvements de base de la danse bharatanatyam. Ils sont classés par familles. J'avais déjà appris quatre séries complètes l'année dernière (Tatta, Natta, Marditha, Khudita Metti). Je peux maintenant les exécuter à peu près correctement à une plus grande vitesse. Comme je peux prendre un cours quotidiennement avec elle, j'ai déjà pu voir quelques autres séries entières : Ta tai ta ha (aussi appelés Tatta Kudicchi Metta), Tat tai tam (Shikhara), Tirmanam, Sharakau (à ne pas confondre avec les Sharakal que j'ai vus aussi), Panch Nadai (Tatti Metti), etc. Il y a des différences plus ou moins subtiles avec le style de Sucheta Chapekar que j'apprends. La plus confusogène réside dans l'orientation des mains dans les Tatta Kudicchi Metta : il n'est déjà pas évident de savoir comment les tourner quand on n'en pratique qu'une seule version, mais c'est encore plus perturbant quand il faut en apprendre une deuxième. Parmi les éléments subtilement originaux dans le style de Chitra Visweswaran, j'apprécie les petits mouvements courbes du haut du corps parfois couplés à des accents très marqués sur certaines frappes de pieds.
Je continue à noter ces exercices dans le système de notation du mouvement Benesh que je continue à apprendre (à distance) au Benesh Institute (je me suis inscrit dans le premier module du Certificate in Benesh Movement Notation).
Je souhaitais apprendre une pièce de danse pure, mais Arupa m'a proposé d'apprendre Vishnu Kavuthwam, une pièce qui ne contient que très peu de danse pure. La pose initiale est celle de Vishnu couché sur l'Océan cosmique et s'ensuit une évocation des dix avatars de Vishnu (ou plutôt neuf : Matsya, Kurma, Varaha, Narasimha, Vamana, Parashurama, Rama, Balarama, Krishna). Quelques exploits sont évoqués de façon un tout petit peu plus détaillée dans cette pièce de 4-5 minutes.
La fin du cours est agrémentée de la présence de Ganesh, un percussionniste (mridangam) qui accompagne très régulièrement Arupa. Après la pause-thé suivant mon cours, ils répètent des pièces ou en élaborent d'autres selon l'envie du moment. Je suis parfois resté plusieurs heures pour assister à ce travail et cela m'a procuré beaucoup de plaisir.
⁂
Un jour sur deux environ, je me rends à Mayur Vihar pour prendre un cours de dhrupad avec Pandit Nirmalya Dey. Je continue à travailler le raga qu'il m'avait enseigné l'année dernière (Todi), mais il s'agit maintenant de rentrer plus profondément dans l'Alap, la première partie d'un râga dans laquelle on présente progressivement les notes de la gamme. Il ne me demande pas seulement d'essayer de répéter les phrases qu'il fait (et dans lesquels je perçois davantage de détails qu'il y a un an), mais aussi d'essayer de faire mes propres phrases...
⁂
Dans l'appartement, il arrive qu'il y ait des coupures d'eau à certaines heures, ce qui peut être problématique si cela tombe quand la femme de ménage passe...
La plus grande rue du quartier (Central Road) est celle où la
circulation est la moins fluide. Un grand marché y a lieu le mardi. On y
trouve les choses les plus inattendues. Parmi les autres visions
étonnantes, en rentrant en rickshaw de la station de métro alors qu'il
faisait nuit, je me suis rendu compte que l'homme portait un polo sur
lequel était inscrit Dracula
...
2015-05-18 15:48+0100 (Orsay) — Culture — Musique — Danse — Danses indiennes — Culture indienne
Centre Mandapa — 2015-05-07
Jyotika Rao, danse bharatanatyam, chorégraphie du Jatiswaram et du Tarana
Sucheta Chapekar, chorégraphies
Isabelle Bayard, mise en scène
Mallari (Raga Hamsadhwani, Mishra Tala)
Vinayak Dharu (Raga Hamsadhwani, Rupaka Tala)
Jatiswaram (Raga Bhairavi, Rupaka Tala)
Shiva Kautukam (Chatushra Ekam Tala)
Jakkini Dharu (Shankara Bharanam, Adi Tala)
Kone Kavada (Raga Kafi, Adi Tala)
Tarana (Raga Kedar, 8 temps)
Bhajan “Vishweswara Dharashana Kara” (Raga Sindhu Bhairavi, Rupaka Tala)
Hasard du calendier, il y avait en ce soir du 7 mai deux récitals intéressants de bharatanatyam programmés à Paris : Lavanya Ananth et Jyotika Rao. J'avais déjà eu de nombreuses occasions de voir Lavanya Ananth en récital (au Centre Mandapa, au Musée Guimet et au Bharatiya Vidya Bhavan) et lors du week-end du 8 mai j'ai participé à son stage de bharatanatyam dans lequel elle nous a transmis sa chorégraphie du Chidambaram Natesha Kavuthvam ; j'ai donc préféré aller voir ma prof Jyotika Rao au Centre Mandapa et je ne l'ai pas regretté. Ce récital n'a pas comporté de Varnam et je trouve dommage qu'il n'y ait eu qu'une seule pièce d'Abhinaya, mais ce récital a constitué une belle plongée dans le style de son guru Sucheta Chapekar et la mise en scène a été particulièrement originale ! Il faut signaler aussi que par rapport au récital précédent qu'elle avait donné au Centre Mandapa, le programme a été pour ainsi dire entièrement renouvelé. (Il va sans dire que je serai sans doute moins objectif dans ce billet que je ne pourrais l'être habituellement.)
L'aspect le plus étonnant de ce récital se trouve dans la mise en scène du spectacle. Au lieu de l'alternance habituelle entre l'introduction des pièces et les danses elles-mêmes, les pièces s'enchaînent ici continuellement. La danseuse reste en permanence en scène et les brèves présentations des pièces ne sont pas des parenthèses mais font partie du spectacle. Cette atmosphère s'est instaurée dès son entrée en scène dans le silence, suivie d'une salutation aux quatre directions diagonales avant l'interprétation de la première pièce Mallari. Comme pour un certain nombre d'autres pièces dansées au cours de ce récital, je connais la musique pour ainsi dire par cœur, soit parce que j'ai appris ces pièces, soit parce que j'ai vu d'autres élèves les danser ou les répéter. C'est le cas dans la pièce Vinayak Dharu, dont la première ligne de texte est Santosh Nritya Kari. Cette pièce développée comportant quatre séquences rythmiques utilisant des onomatopées évoque la danse de Ganesh. La première partie de la chorégraphie que j'ai apprise évoque notamment sa trompe, ses oreilles et sa défense cassée. Dans la suite, je découvre semble-t-il le miel qui s'écoule de ses tempes au clair de Lune et sur lequel les abeilles se ruent. Plus loin, on verra aussi sa ceinture en forme de serpent et la souris, sa délicieuse monture.
Après le Jatiswaram qui est une pièce de danse pure, le récital s'est poursuivi avec un ensemble de pièces dédiées à Shiva. Tout d'abord un Shloka enchaîné avec un Shiva Kautukam en marathi qui a été magnifiquement interprété ; la composition musicale porte la signature d'un des rois marathes de Thanjavur. Le Shloka évoque le contexte de la danse de Shiva pour laquelle les divinités et diverses créatures célestes se sont rassemblées et qu'elles accompagnent de leurs instruments de musique. Dans la pièce vive qu'est le Shiva Kautukam proprement dit, les quelques lignes de textes mettent en scène un dialogue dans lequel un dévôt de Shiva tente de convaincre son interlocuteur de la grandeur de Shiva. Cette pièce s'enchaîne avec Jakkini Dharu qui est un poème comportant quelques séquences rythmiques et qui évoque certains attributs de Shiva, comme son collier de crânes, son tambour Damaru, les cendres, la rivière Ganga, etc. Il m'a aussi semblé reconnaître une référence à son nom de Nilakantha lié à son rôle dans le barattage de la mer de lait.
Après cet enchaînement de pièces assez rythmées, l'unique pièce d'Abhinaya proprement dit est intervenue. Elle représente un malentendu entre deux personnages. La mise en scène joue de ce malentendu et la description des détails des situations montrées dans la chorégraphie ne sera donnée espièglement qu'à la fin de la pièce, et non pas au début ! N'ayant pas eu le temps de lire préalablement la feuille de programme, j'ai dû regarder le début de la pièce sans même savoir de quels personnages il allait s'agir. Certains mots dans le texte que j'entendais dans le texte me faisaient penser à Krishna. L'atmosphère joyeuse et résolument humaine de la situation allaient aussi dans ce sens. Une combinaison de gestes de mains suggérant que le personnage conduisait un bovin pouvait continuer à me le laisser croire, mais je me disais que cela pouvait aussi être Shiva. J'ai donc regardé le début de cette pièce sans trop savoir s'il était question d'un malentendu entre Krishna et une des gopis ou si c'étaient Shiva et Parvati qui étaient représentés. Assez rapidement, le doute ne fut plus permis et je compris que l'héroïne était Parvati, laquelle avait enfermé Shiva hors de sa maison pour plaisanter. Celui-ci venait plaider sa cause en lui rappelant ses divers exploits, mais en déformant ses propos elle faisant semblant de ne pas le reconnaître. J'ai rarement été aussi ravi de ne pas très bien saisir le sens d'une pièce d'Abhinaya...
Les deux pièces proposées en conclusion du récital sont une alternative au Tillana qui conclut habituellement les récitals de bharatanatyam. Le style Nrityaganga qu'a développé Sucheta Chapekar utilise la musique hindustani. L'équivalent du Tillana de la musique carnatique est le Tarana, mais ce dernier n'est constitué que d'onomatopées (comme l'est en général la première partie d'un Tillana). Le Tarana est donc une pièce de danse pure évocant la joie. La seconde partie (textuelle) du Tillana est ici remplacée par une autre composition musicale. Lors de ce récital, ce fut un Bhajan en l'honneur de Shiva. J'ai été ravi de voir des allusions à Vishnu dans la chorégraphie et dans le texte, sous le nom de Padmanabha.
2015-04-22 23:25+0200 (Orsay) — Culture — Musique — Danse — Danses indiennes — Culture indienne
J'assiste à des récitals de danses indiennes depuis presque dix ans, et
ce qui m'a toujours intéressé principalement, ce sont les pièces narratives
ou évocatrices d'une divinité : ces pièces-là sont d'un abord difficile
pour les spectateurs (y compris en Inde), mais elles peuvent être
bouleversantes, et c'est cela avant tout que je cherche en tant que
spectateur de danse (ou rasika). Cependant, le travail sur
l'incarnation de personnages et l'expression d'émotions ou de sentiments
(Abhinaya), s'il est le plus important pour moi, n'est qu'un des
aspects des danses indiennes. Une grande partie du répertoire est en effet
constituée de pièces ou de passages dits de danse pure
(nritta), lesquels ne visent essentiellement qu'à une certaine
beauté du geste. Si ces pièces peuvent m'être agréables, elles me
passionnent en général moins...
Cependant, parmi les chorégraphes dont j'ai eu l'occasion de voir le travail, les pièces chorégraphiées par Muthuswamy Pillai et son fils Kuthalam M. Selvam sont pour moi une exception. Ils ont développé un style propre extrêmement original et inventif à l'intérieur du bharatanatyam. J'ai déjà eu l'occasion de m'en émerveiller ici lors que j'ai vu Mallika Thalak ou Nancy Boissel, mais ce n'est que plus récemment, avec le recul permis par la confrontation en tant que spectateur avec des styles très variés, que j'ai pu véritablement mesurer à quel point ce style de danse pure était exceptionnel, lors d'un récital d'Ofra Hoffman, qui tout comme Mallika Thalak et Nancy Boissel est une disciple de Selvam.
La plupart des chorégraphies de danse pure que j'ai pu observer ou pratiquer s'appuyent sur une grammaire donnée par des petits enchaînements (adavus). Découpés, altérés et convenablement agencés, ils forment en quelque sorte la grammaire des pièces de danse pure. Si chaque école de bharatanatyam dispose de sa propre grammaire, une certaine façon d'exécuter tel ou tel type de mouvement, de nombreux points communs peuvent être observés. J'ignore dans quelle mesure leur style s'appuie également sur un système d'adavus, mais Muthuswamy Pillai et son fils Selvam ont intégré à leur style de danse des éléments qui, s'ils font indubitablement partie du bharatanatyam, ne sont pas autant développés dans les autres écoles.
Ainsi, dans leur style, j'apprécie particulèrement la présence de dégagés. En général, la jambe est tendue sur le côté, et contrairement à ce que l'on voit le plus souvent dans le bharatanatyam, ce n'est pas le talon qui touche le sol mais la pointe du pied (comme dans la danse classique européenne). Les dégagés sont exécutés en fondu, c'est-à-dire que la jambe d'appui est fléchie. Le mouvement est élégamment agrémenté d'une courbure du torse, ce qui donne au corps, vu de face, une sorte de forme en spirale. Un autre élément caractéristique est la présence de retirés. Contrairement, à la danse classique où cela est fait debout, l'interprète est ici en demi-plié sur une jambe où l'autre pied vient se poser au niveau du genou.
Dans leur style, certains adavus sont exécutés en mettant l'accent sur le mouvement d'une seule main. J'ai parfois senti une certaine parenté avec des adavus standards qui en principe utilisent les deux mains : les mouvements d'une main sont repris tandis que l'autre main reste immobile, sur le côté. Ceci donne peut-être un côté rustique ou rugueux à ces chorégraphies, mais pour compenser ce fait-là, il y a un remarquable travail chorégraphique pour que les enchaînements se suivent harmonieusement, et surtout, ces chorégraphes n'ont pas peur de la lenteur pour mettre en valeur le caractère gracieux des mouvements de bras, pour entrer dans le mouvement de la même façon que le style de musique dhrupad permet de rentrer dans le son... J'avais été particulièrement ému par cette magnifique lenteur en voyant le Jatiswaram en Ragamallika et Misra Chapu Tala dansé par Revanta Sarabhai dont la professeure avait appris cette chorégraphie auprès de Muthuswamy Pillai. Cette relative lenteur permet aussi de se concentrer sur le mouvement d'une seule main pendant d'assez longues séquences : ceci produit quelques moments de poésie (comme vers 2'15" sur cette vidéo de Mallika Thalak dans un Alarippu à sept temps).
Espace Jemmapes — 2015-04-15
Kalpana Métayer et ses élèves Alessandra, Fanny, Iran, Morgane, bharatanatyam
Mallari (Raga Gambheera Natai, Tala Tisra Triputa)
Shloka “Guru Brahma”
Natesha Kautwam (Raga Hamsadwani, Eka Talam)
Jatiswaram (Raga Vasanta, Rupaka Talam)
Natanam Adinar (Raga Vasanta, Ata Talam)
Padam “Sogasu” (Raga Sahana, Misra Chapu Talam)
Kirtana (Raga Karaharapriya, Adi Talam)
Javali “Marubari” (Raga Kamas, Adi Talam)
Padam “Eppadi manam” (Raga Huseni, Misra Chapu Talam/Raga Ananda Bhairavi et Sahana)
Tillana ‟Dhrupad” (Raga Purvi, Rupaka Talam)
Venons-en au spectacle de Kalpana (disciple de Muthuswamy Pillai) et de
ses élèves les plus avancées (certaines ont aussi pratiqué directement
auprès de Kuthalam M. Selvam). J'ai déjà fait ci-dessus l'éloge des
chorégraphes. Les interprètes méritent aussi quelqu'éloge, puisque comme
je le détaillerai ci-dessous, certaines pièces ont été exceptionnellement
bien dansées. L'ensemble du spectacle a été à mon avis d'un niveau que l'on
ne voit pas toujours dans certains récitals de danseuses très connues, y
compris parmi celles qui sont réputées pour leur Abhinaya. Il faut
bien sûr également louer le travail de leur professeur Kalpana qui a su les
porter à ce niveau et qui, il faut le signaler aussi, a réalisé un
important travail de mise en espace. Beaucoup des pièces présentées au
cours du programme mettaient ainsi en scène plusieurs danseuses. Plutôt que
les interprètes fassent de la danse synchronisée
en rang d'Oignon
comme on le voit malheureusement parfois, il est plus intéressant de
travailler sur le placement, insérer des silences
: une danseuse
reste immobile pendant que l'autre se déplace. Par rapport à la quantité de
travail fournie pour apprendre une chorégraphie, le surcoût est
relativement marginal, et au-delà de la beauté esthétique des
configurations qui en peuvent résulter pour les spectateurs, il y a plein
de bonnes raisons de procéder ainsi. D'une part, c'est amusant à faire et
crée une complicité entre les interprètes ; d'autre part, cela permet
de développer le travail sur le rythme (si on doit rester immobile pendant
un cycle rythmique et demi, il faut savoir être attentif à la musique et
aux autres, comme dans un orchestre).
Le programme très étoffé a commencé par Mallari (chorégraphie de Kalpana). Elle avait déjà utilisé cette introduction (ou au moins une introduction semblable) au début de son programme lors du Festival “Mouvements émouvants”. Je retrouve d'étonnants ronds de jambes associés à une offrande de fleurs tandis que dans une délicieuse lenteur, la danseuse évoque Shiva en tant que danseur cosmique. Il porte une peau nouée à la taille, le tambour Damaru et se tient sur le buffle Nandi. De façon intéressante, la musique comporte des passages dans lesquels les temps ne sont plus subdivisés en deux ou quatre, mais en trois.
Iran, Morgane, Kalpana, Fanny et Alessandra dans Guru Brahma ©Pierre Fabris
Kalpana et ses quatre élèves interprètent ensuite Guru Brahma, un shloka très connu qui compare le guru aux trois dieux de la trinité hindoue (Brahma, Vishnu, Shiva) et même au Brahman (l'absolu). La présence de plusieurs danseuses permet d'évoquer simultanément plusieurs aspects des divinités. Ainsi, ci-dessus, il est représenté au premier plan, de gauche à droite, comme le danseur cosmique Nataraja, en Yogi et en guerrier. La pièce se conclut par la représentation de rites dévotionnels, comme l'offrande de fleurs.
La pièce suivante Natesha Kautwam est une pièce vive interprétée par Morgane et Fanny qui exécutent les mouvements de deux chorégraphies différentes dues respectivement à Muthuswamy Pillai et Selvam, et réorchestrées par Kalpana. Cette pièce contient un certain nombre d'éléments stylistiques parmi ceux décrits ci-dessus. Dans la chorégraphie interprétée par Fanny, on voit aussi d'impressionnants grands battements comme je n'en avais vu jusqu'à présent que dans la danse classique européenne, le pied se levant parfois jusqu'à la hauteur des épaules. Sur le fond, la pièce évoque Shiva armé du trident qui détruit les démons. Sa monture est Nandi, il porte le croissant de Lune, le tambour Damaru, le cordon sacré. C'est aussi un yogi au regard foudroyant...
Iran et Fanny dans Jatiswaram ©Pierre Fabris
Un des deux très grands moments de la soirée (et plus généralement de mon expérience de spectateur de bharatanatyam) est intervenu lorsque Fanny et Iran ont interprété un Jatiswaram, une pièce de danse pure dans laquelle le texte de la musique est constitué du nom des notes chantées. Les chorégraphies de Muthuswamy Pillai et Selvam sont génialissimes pour toutes les raisons que j'ai esquissées en préambule et elles sont magnifiquement interprétées par les deux superbes danseuses ! Dans la partie de Fanny, j'ai parfois remarqué une posture très proche de la position Tribhang du style odissi : le fait qu'un des pieds soit sur en demi-pointe sur le cou-de-pied crée une dissymétrie qui se propage vers le haut du corps, ainsi les hanches se penchent d'un côté, tandis que le torse se courbe dans l'autre sens.
La pièce suivante Natanam Adinar (chorégraphiée par
Muthuswamy Pillai) fait quelque peu double emploi avec le Natesha
Kautwam dansé précédemment. Il s'agit aussi d'une pièce sur Shiva
comportant des passages de danse extrêmement vive accompagnée
d'onomatopées qui me font penser à la forme du Kautwam. Cette
pièce dansée par Morgane est précédée d'un Shloka (ou plutôt
d'un Viruttam puisqu'il était semble-t-il chanté en tamoul et
non pas en sanskrit). Il m'a semblé distinguer ce qui aurait pu être une
élaboration autour du thème du regard de Shiva qui réduit en cendres un
archer (Kama), mais en lisant après coup le texte du poème, il
m'apparaît que cela illustrait plutôt la phrase Tes sourcils sont
dessinés comme des arcs...
. (C'était bien une histoire entre un œil
et un arc, mais pas tout à fait la même...) D'autres détails sont
évoquées dans la chorégraphie, comme sa bouche, sa chevelure ou les
cendres qu'il s'est appliqué sur le corps et le front. Quand la musique
s'est faite rythmique et que la composition Natanam Adinar
proprement dire a commencé, la danseuse a évoqué des prières adressées à
Shiva. Son tambour Damaru est représenté, mais l'image la plus marquante
est celle de Shiva dans sa pose de danseur cosmique qui revenait comme
un refrain. Cette pose apparaît très fréquemment dans la danse
bharatanatyam, mais il est beaucoup plus rare que soient représentées en
même temps quelques frappes du pied droit qui font trembler l'Univers
(et qui écrasent la tête d'Apasmara, le démon de l'ignorance). Rien que
pour cela, je suis content d'être venu. Le reste de la pièce évoquait le
temple de Chidambaram (ou réside précisément Shiva dans cette forme
appelée Nataraja). Je n'ai pas (encore) visité ce temple, mais il m'a
semblé que la danse faisait référence à des sculptures d'Apsaras, des
danseuses célestes. Plus loin, Shiva est représenté avec sa chevelure
d'où s'écoule la rivière Ganga et il est aussi associé à des
serpents.
La pièce suivante a été des deux grands points culminants de ce
récital. Le superbe Jatiswaram était un sommet de danse pure ;
le Padam Sogasu (chorégraphié par Sangeeta Isvaran) dansé par
Fanny Wiard m'a semblé une merveille dans l'art de l'Abhinaya.
L'héroïne est mariée. Son mari l'appelle, mais elle veut s'unir avec
Krishna, le bouvier à la flûte (Venugopala
comme il est dit dans
le texte du poème), celui avec lequel, malgré son mariage avec un autre,
elle se considère comme unie depuis son enfance (laquelle est évoquée
par le nombre des années qu'elle avait à l'époque et aussi par un jeu de
balle avec ses amies). Peut-être avait-elle secrètement noué ce lien
alors qu'elle regardait fixement une image de Krishna ? Cet amour peut
être assimilé à une forme de dévotion et comme souvent dans la danse
bharatanatyam, les amants sont séparés. L'héroïne compare la situation à
celle du Soleil et d'une fleur de lotus. Ils sont très distants l'un de
l'autre, mais ils sont inséparables : bien que lointaine, c'est la
lumière du Soleil qui permet à la fleur de s'épanouir. Elle le cherche.
Elle entend le son de sa flûte. Elle croit le voir dans les pluies de la
mousson. Elle veut s'unir à Lui, mais il n'est pas là. Rappelée à son
triste sort par son mari, elle ne sait quel parti choisir, mais elle se
tourne espièglement vers Krishna dont elle dérobe la plume de paon !
Bravo et merci à la danseuse pour toutes ces émotions !
La chorégraphie suivante (de Muthuswamy Pillai) dansée par Iran et
Morgane est un Kirtana évoquant délicieusement Murugan.
Choréographiquement, il s'agit d'une forme intermédiaire entre la danse
pure (du Jatiswaram par exemple) et le pur Abhinaya du
Padam précédent. Des pas complexes sont associés à des mouvements
expressifs du haut du corps. Dans sa conférence lors du Festival “Mouvements émouvants”, Tiziana Leucci évoquait la
notion de danseuse orchestre
, le côté rythmique étant assuré par la
moitié basse du corps tandis que la moitié haute est associée à la mélodie.
Certaines pièces mettent en valeur l'un ou l'autre de ces aspects, ou les
deux alternativement dans des sections bien délimitées, mais dans cette
pièce-ci, si ces deux aspects ont parfois été présentés séparément, ils ont
souvent paru simultanément. C'est particulièrement difficile à faire, mais
les deux interprètes étaient très convaincantes, y compris dans la
situation la plus extrême des Tattu Muttu dans lesquels les pieds
répètent inlassablement la même suite de frappes très rapides tandis que le
haut du corps exprime le sens du poème, souvent en forme de récapitulation
avant d'enchaîner sur une autre section. Il était donc question de Murugan,
de sa naissance extraordinaire à sa vieillesse. La tonalité de la pièce est
résolument la dérision. Le poème moque joyeusement le folâtre Murugan ainsi
que d'autres divinités. Murugan est le fils de la coquette Parvati qui l'a
conçu en serrant dans ses bras six lotus. Le résultat est qu'il a six
têtes. Je ne sais plus très bien quel sens cela avait dans le contexte,
mais la chorégraphie a fait référence à Vishnu (portant la conque et le
disque, et reconnaissable au mudra Tripataka) ; sous la forme de Krishna,
il est représenté en bouvier qui conduit le troupeau. Le poème se moque
aussi de Shiva, le père de Murugan, qui apparaissait en mendiant. La
chorégraphie fait référence également à Ganesh, le frère de Murugan qui est
non seulement le dieu de la guerre, mais aussi un sage dans sa vieillesse
(délicieusement représentée par Iran). Après une très belle section de danse
pure dont le texte est constituée du nom des notes (Swaram), cette
pièce de danse se conclut dans la joie.
La pièce suivante est le Javali Marubari chorégraphié par
Kalanidhi Narayanan et dansé par Iran. J'avais déjà vu cette magnifique
danseuse interpréter cette pièce un an auparavant, et c'est un réel de la
plaisir de la (re)voir dans une aussi belle pièce d'Abhinaya.
L'interprétation est peut-être un peu moins polissonne qu'il y a un an,
mais le ton reste résolument espiègle. C'est le printemps, suggéré par le
butinement des abeilles, qui invite aux amours toutes les créatures, les
oiseaux notamment. Une jeune femme est frappée par les cinq flèches de
l'archer Kama, le dieu de l'Amour qui attaque ses sens. Elle ne peut boire
le lait qui lui brûle les lèvres. Sa peau est ardente. Elle est prise d'une
joyeuse ivresse. Elle dit en substance à son amoureux : Cesse de te
jouer de moi. Viens, beau jeune homme. Faut-il que je te supplie ?
. La
pièce se conclut par un échange de regards passionné.
Kalpana a ensuite interprété le Padam Eppadi manam qu'elle avait déjà dansé lors du Festival “Mouvements émouvants”. Certains détails d'interprétation qui m'avaient semblé légèrement confus m'ont paru cette fois-ci plus clairs, cependant, bien qu'il s'agisse d'une pièce chorégraphiée par la très respectée Kalanidhi Narayanan, je n'aime pas la façon dont cette scène du Ramayana est évoquée dans ce poème et dans la danse. Même si l'interprétation était très convaincante dans l'esprit de ce poème, je n'y reconnais pas le personnage de Sita. Pour moi, ce n'est pas une pleurnicharde : elle réagit de façon bien plus forte à l'annonce de l'exil de Rama en forêt. Je ne l'ai reconnue qu'à la toute fin de la pièce quand on comprend qu'elle décide de suivre Rama dans la forêt. Ce détail apparaissant dans les toutes dernières secondes m'avait échappé la première fois ; j'y ai été très sensible cette fois-ci.
Ce magnifique récital s'est conclu par un Tillana que Kalpana a chorégraphié et fait répéter à ses élèves les plus avancées au cours des derniers mois. La structure musicale est tout à fait inhabituelle pour un Tillana. La pièce commence en effet par des notes solfiées, c'est-à-dire que la chanteuse prononce le nom des notes de la mélodie (que l'on peut entendre sur cette vidéo). Cette mélodie est très sommaire, puisqu'elle est quasiment entièrement basée sur les gammes ascendantes et descendantes du Raga Purvi : sur le moment, cela m'a fait penser à des exercices de Sargam que je pratique dans le style dhrupad, qui servent à se familiariser avec un Raga et qui comme les enchaînements ou adavus de la danse bharatanatyam peuvent être pratiqués à diverses vitesses. On entendra plus loin un texte ayant un sens, et me semble-t-il aussi des onomatopées. Le titre Dhrupad n'était pas présent sur la feuille de programme et il n'a pas été non plus prononcé lors des annonces. Cependant, Kalpana l'a indiqué en légende lorsqu'elle en a partagé une photographie, ce qui m'a intrigué. Elle aurait sans doute produit ce texte même si je n'avais pas posé la question, mais il est intéressant de lire sa réponse qui donne par ailleurs des indications sur le processus de création. Si je souscris pleinement à l'idée que le style de musique dhrupad est une recherche du son (dans la pratique matinale du Kharaj ou dans l'introduction mélodique improvisée appelée Alap) et si les exercices de Sargam basés sur la gamme font partie de l'apprentissage du chant ou de l'instrument, ils n'ont absolument pas vocation à être présentés en concert ! Les auditeurs qui auraient apprécié cette musique doivent savoir que ce n'est pas cela du tout ce qu'ils entendront s'ils vont assister à un concert de dhrupad...
Le Tillana de la musique carnatique a des cousins dans la
musique hindustani sous le nom de Tarana. Ces derniers ont
d'ailleurs été utilisés par Sucheta Chapekar dans le style bharatanatyam.
J'ignore de quelle tradition musicale vient la composition utilisée dans le
Tillana de Kalpana, mais comme elle le souligne dans son texte, il
est effectivement intéressant qu'il ne soit pas dédié à une divinité, mais
tout simplement à la musique. (Dans le style dhrupad, outre des
compositions en l'honneur de divinités, je connais au moins deux
compositions qui sont dédiées à la musique, un Tivratal en Raga Jog et un
Chautal en Raga Todi ; j'en connais aussi une faisant l'éloge du vin...)
Cela dit, ce n'est pas non plus unique, puisque j'ai déjà eu l'occasion
d'apprécier un Tillana dansé dans le style bharatanatyam qui était
dédié à la musique (cf. mon billet sur la Chidambaram Dance
Company et cette
vidéo dans laquelle on entend le chanteur prononcer le nom complet des
notes de la gamme indienne : Shadja, Rishabh, Gandhar, Madhyam, Pancham,
Dhaivat, Nishad
).
Je n'ai pas grand'chose de plus à dire sur ce Tillana si ce n'est qu'il était réussi et comportait un important travail sur le placement des cinq danseuses qui partagaient une complicité évidente. Des animaux étaient évoqués dans la chorégraphie, j'ai au moins reconnu un éléphant, un buffle et des oiseaux. La chorégraphe s'est aussi inspirée des magnifiques sculptures du temple Hoysaleshwara de Halebid que j'ai eu l'occasion de visiter en 2011 et qui, s'il est consacré à Shiva, comporte des sculptures sur des thèmes mythologiques et épiques très variés, ainsi que des représentations de scènes de danse...
Shiva, Temple Hoysaleswara, Halebid
(Pour ma série complète de photos de ce temple à Halebid, suivez ce lien.)
Dans le texte de Kalpana signalé plus haut, elle fait aussi référence au contrepoint. Ce n'est sans doute pas un hasard si la pièce de danse contemporaine la plus bouleversante à laquelle j'aie assisté est The Fugue de Twyla Tharp...
Je ne pourrai malheureusement pas assister au spectacle de fin d'année de Kalpana et de ses élèves le 29 mai, mais n'hésitez pas à y aller. Les détails pratiques devraient apparaître sur le site de l'association Hamsasya.
2015-04-03 09:26+0200 (Orsay) — Culture — Musique — Danse — Danses indiennes — Culture indienne
Espace Jemmapes — 2015-03-28
Madolika, kuchipudi
Soazic Lelan, sattriya
Angela Sterzer, manipuri
Kali Chandrasegaram, kathak
Kalpana Métayer, bharatanatyam
Mahina Khanum, odissi
Kakoli Sengupta, chant
Denis Teste, sitar
Alexis Weisgerber, pakhawaj
La première édition du festival “Mouvements émouvants” s'est tenue ce week-end. Il faut saluer cette magnifique initiative de Mahina Khanum qui est parvenue à réunir à Paris des interprètes de six styles de danses classiques indiennes et à susciter un intérêt au-delà du public quelque peu cloisonné de chacun de ces différents styles. J'ai ainsi été très agréablement surpris qu'une participante des stages d'initiation du dimanche m'ait parlé du site Danses avec la plume ou des Balletonautes.
Le festival a commencé par une conférence malheureusement trop courte de Tiziana Leucci qui a présenté les danses indiennes classiques et leur histoire. J'ai eu le privilège d'être assis à côté d'elle pour lui poser des questions et former des problématiques qui invitaient à la comparaison avec la danse classique européenne (eh oui, je suis aussi balletomane...). Si l'écouter est toujours un plaisir pour moi, sur le fond, j'ai été très sensible à ses réponses, notamment sur les enjeux de transmission du répertoire comme processus vivant et dynamique dans lequel à chaque génération les maîtres de danse peuvent apporter des innovations et adapter les pièces au corps des interprètes comme le ferait un tailleur. Bref, on est à l'opposé d'autres conceptions fossilisées ou muséales...
Prière à Shiva ©Gaëlle Devulder
(Merci à Gaëlle Devulder pour les photographies ! Cliquez sur les photos pour les voir dans une meilleure résolution.)
Le spectacle a commencé par une petite prière à Shiva réunissant les six interprètes et les trois musiciens. Il s'agit en quelque sorte d'une introduction sans chichis aux six styles qui se succéderont ensuite sous la forme de solos. Les six interprètes sont regroupés par paires. Au premier plan, Kalpana (bharatanatyam) et Madolika (kuchipudi) représentent notamment Shiva en ascète sous le nom de Yogeshwara ou soulignent la présence du croissant de Lune dans son chignon. Au deuxième plan apparaissent les danses plus sinueuses des états du Nord-Est avec Soazic Lelan (sattriya) et Angela Sterzer (manipuri). Chacune illustre avec son propre langage dansé des caractéristiques de Shiva comme le flot de la rivière Ganga. Au dernier plan, Kali Chandrasegaram (kathak) et Mahina Khanum (odissi) représentent le couple Shiva-Parvati. Elle évoque aussi très élégamment la peau enroulée autour des hanches de Shiva tandis qu'il représente Shiva en danseur cosmique avec quelques frappes de pieds et l'évocation du tambour Damaru.
Madolika (kuchipudi) ©Gaëlle Devulder
La première à se présenter sur scène pour un solo est Madolika qui est
une représentante du style kuchipudi de Vempati Chinna Satyam. (Presque
toutes les autres interprètes de kuchipudi que j'ai vues appartiennent à
cette lignée : Deepika
Potarazu, Radha Prasanna, Shantala Shivalingappa (2007/2008, 2010, 2013)
et Sandhya Raju.) Elle a interprété une des
chorégraphies les plus connues de son maître : Krishna Shabdam.
Dans la première partie (que je connaissais déjà pour avoir vu cette vidéo de Sandhya
Raju), une jeune femme appelle son bien-aimé Krishna et se prépare à
l'accueillir avec une guirlande de fleurs : Mon Cher, Viens, Toi qui
est à la dynastie de Yadu ce que la Lune est à l'océan de nectar !
. La
structure rythmique est très particulière puisque ce vers qui passe en
boucle pendant les premières minutes (Raa ra yadu vamsa sudha budhi
chandra swami
) n'apparaît pas à une position fixe dans le cycle
rythmique Adi Tala (8 temps). La syllabe vam
dans yadu vamsa
est très marquée et suivant les répétitions, on l'entend sur le premier,
le troisième, le cinquième ou le septième temps du cycle. Dans cette
pièce très enjouée et espiègle comme doit l'être toute représentation de
kuchipudi, une autre spécificité rythmique apparaît : si les temps sont le
plus souvent subdivisés de façon binaire, des bouts de cycles contiennent
parfois des subdivisions en trois (Tishra Nadai) marquées par des frappes
de pieds, ce qui peut présenter une difficulté pour les danseurs comme me
le dira le lendemain Madolika. Je n'ai pas pris de notes en assistant à
cette pièce qui m'a ému. Parmi les détails que je retiens dans la deuxième
partie, le combat de Krishna contre le roi Kamsa, un de ses exploits de
jeunesse. La pièce se termine en accelerando et sur un passage de
danse pure.
La danseuse a interprété ensuite Vande Mataram. L'enregistrement utilisé étant instrumental et dans une orchestration harmonisée à la façon européenne, je n'ai pas reconnu l'hymne patriotique indien, mais la chorégraphie ne laissait aucun doute, il s'agissait bien d'un hommage à la Déesse sous la forme de la Mère Patrie, à l'Inde en général. On y voit des lotus s'épanouir depuis la racine et il m'a semblé aussi voir une dévôte s'immerger rituellement dans le flot d'une rivière.
Soazic Lelan (sattriya) ©Gaëlle Devulder
Le sattriya était le seul des huit styles de danses classiques de l'Inde que je n'avais jamais vu. Que cette danse est d'une suprême élégance ! Cela a été pour moi un des deux grands points culminants émotionnels au cours de la soirée. La pièce interprétée par Soazic Lelan a été chorégraphiée par son maître qui enseigne à Delhi.
Sur un texte contenant les mots Shri Krishna Namah
la danseuse se
déplace délicatement sur la scène ; les pieds étant très souvent en
demi-pointe, elle pose à peine le talon, ce qui contribue sans doute à
rendre encore plus harmonieuses ses majestueuses rotations. Elle évoque les
fleurs de lotus et plus généralement la Nature. Parfois, on aperçoit des
oiseaux s'envoler. Dans ce cadre pastoral, une prière à Krishna s'élabore.
Le texte et la chorégraphie évoquent les parents biologiques et adoptifs de
Krishna. On entend ainsi les noms de Vasudeva et Devaki, et plus loin celui
de Nanda (et peut-être aussi celui de Yashoda). De Krishna dont la flûte
est suggérée ici par les mains en mudra Simhamukha (plutôt que Mrigashirsha
que j'ai vu plus souvent) sera représenté la victoire contre le roi
démonique Kamsa.
S'ensuit un passage de danse pure utilisant principalement les mudras Hamsasya et Alapadma. La danse est alors un peu plus rythmée et ancrée dans le sol, mais elle conserve toute son élégance.
Paradoxalement, ce style de danse qui m'a semblé extrêmement féminin a longtemps été transmis uniquement entre moines vishnouïstes dans l'Assam.
Angela Sterzer (manipuri) ©Gaëlle Devulder
La danseuse suivante a été Angela Sterzer qui a appris la danse manipuri à Imphal. Ma première expérience avec ce style avait été assez perturbante lors d'un double récital au NCPA Mumbai. La performance d'Angela Sterzer me réconcilie quelque peu avec ce style, mais il continue néanmoins de susciter ma perplexité.
La danseuse a commencé son intervention en chantant a capella une chanson sur l'état du Manipur. Ce chant aux notes légèrement ornementées m'a semblé très mélodieux.
La danse pure du manipuri est très élégante, très raffinée. Différentes
parties du corps (mains, buste, yeux, etc.) ondulent harmonieusement dans
des figures que certains décrivent comme serpentines
; la danseuse
me les décrira le lendemain plutôt comme tournant autour de la figure du
8
. Les mouvements de cous et d'yeux sont très élaborés et sans
doute très difficiles à exécuter, mais ils ne sont pas très visibles,
surtout à quelques mètres de distance ; le reste du visage m'a semblé
moins mobile. Si du point de vue narratif ou expressif, la pièce de danse
qui a été interprétée par Angela Sterzer m'a toutefois semblée plus
convaincante que ce que j'avais vu à Mumbai, j'éprouve des difficultés à
être ému par cet aspect de la danse qui me semblé moins développé par
rapport à d'autres styles (ne serait-ce qu'en termes de la proportion du
temps de la pièce qui y est consacrée par rapport à la danse pure).
Par rapport à d'autres styles de danses indiennes dans lesquels on voit immédiatement quand il y a quelque chose à comprendre, les gestes du manipuri paraissent tellement délicats qu'avant même de pouvoir comprendre l'intention, il n'est même pas tout à fait évident de saisir quels sont les moments qui vont posséder un contenu narratif. J'ai cependant réussi à en repérer quelques uns. Dans cette pièce sur l'enfance de Krishna, sa flûte est représentée par des positions de mains encore différentes de celle utilisée dans le sattriya. Les mains sont dans un mudra voisin de Hamsasya, mais dans lesquels les doigts seraient plus rapprochés. Quelques mouvements de bras suggèrent Yashoda en train de baratter le lait. Plus loin, une femme entend le son harmonieux de la flûte et son désir d'union avec Krishna sera représenté par les deux mains en Ardhapataka.
J'apprécie que cette danse ne soit pas excessivement démonstrative, puisque ce n'est pas du tout cet aspect qui m'intéresse en tant que spectateur. Si la danse a comporté des passages rapides, la relative lenteur permet d'apprécier le détail des mouvements, qui ont été extrêmement bien tenus du début à la fin. Cela dit, le contenu narratif et expressif n'est peut-être pas assez développé à mon goût pour que je puisse vraiment me passionner pour ce style, que je retournerai cependant voir volontiers.
Kali Chandrasegaram (kathak) ©Gaëlle Devulder
S'il y a un style de danses indiennes que je n'apprécie pas, c'est le kathak. Ce style a certes une certaine élégance et très souvent une virtuosité qui affole le cœur de beaucoup de spectateurs, mais les aspects narratifs et expressifs que je privilégie m'ont toujours semblé insuffisamment élaborés pour pouvoir me bouleverser.
J'ai pourtant été sensible à la première chorégraphie utilisant un
poème de Mirabai présentée par le danseur Kali Chandrasegaram. Nous sommes
au printemps. Alors que la nature s'épanouit, Mirabai entend au loin le
son de la flûte de Krishna. On entre alors dans une atmosphère de joyeuse
dévotion religieuse (bhakti) à tous permise. Les pirouettes et
les ports de bras associés, s'ils m'ennuyent en général, étaient ici on ne
peut plus appropriés ! J'ai apprécié sa technique de spotting
(le
mouvement de cou consistant à fixer un point le plus longtemps possible
pendant la pirouette).
Le danseur a enchaîné avec une pièce de danse pure chorégraphiée par Pandit Birju Maharaj, semble-t-il sur le cycle rythmique Jhaptal (10 temps). Beaucoup de frappes de pieds très rapides et de pirouettes. C'est plutôt agréable à regarder, cela ne me passionne pas particulièrement, mais pour beaucoup de spectateurs, il semble que cela ait été un des moments les plus exaltants de la soirée : il en faut pour tous les goûts !
Kalpana (bharatanatyam) ©Gaëlle Devulder
Le style bharatanatyam est celui que je connais le mieux. C'est donc forcément celui pour lequel mes attentes sont les plus élevées. Si les danses de Kalpana m'ont semblé très bien et si j'eusse aimé en être bouleversé, il a manqué un petit quelque chose pour que je sois complètement convaincu.
La danseuse a commencé par une salutation et une élégante offrande de fleurs. Elle a ensuite enchaîné avec une pièce élaborée d'Abhinaya. Le poème en tamoul s'inspire du Ramayana. Rama vient d'être contraint à un exil dans la forêt et il se rend auprès de son épouse Sita pour lui annoncer la nouvelle. Du fait de ma lecture des épopées et d'autres textes mythologiques, je me suis fait une certaine image des personnages. Même si je suis quelque peu en train de revoir ma position sur la question de la fidélité aux épopées suite à des questions soulevées lors d'un exposé de Katia Légeret au Musée Guimet il y a quelques mois, je n'aime pas que l'on me représente les personnages d'une façon irréconciliable avec la conception que j'en ai : je ne reconnais plus le personnage, c'est un autre. Le personnage de Sita est souvent injustement rabaissé à celui d'une bonne épouse (dont un caprice sera à l'origine de son enlèvement et d'une guerre), mais s'il est vrai qu'elle n'est pas Draupadi, elle prouve à quelques reprises au cours de l'épopée qu'elle est capable d'une certaine détermination. Sa réaction à l'annonce de Rama est un de ses hauts faits : elle décide d'accompagner Rama dans son exil en forêt et reproche à Rama d'avoir pu ne serait-ce qu'imaginer qu'elle puisse rester sagement dans son palais à Ayodhya. Dans la version tamoule qui a été présentée, la réaction qu'a Sita en fait une femme futile, inconsciente des enjeux, capricieuse, reprochant à Rama le peu d'égards qu'il a pour elle. Bref, si j'ignore qu'elle est l'histoire de cette pièce dans le répertoire, la façon d'aborder le thème me déplaît assez franchement, et ce d'autant plus qu'elle va à rebours des approches féministes (cf. un précédent compte-tendu d'un récital de Meenakshi Srinivasan).
Ceci étant dit, la danse expressive de Kalpana est très convaincante.
On voit le roi Dasharatha ordonner à Rama de s'en aller (avec son frère
Lakshmana). La réaction de Sita à ces propos rapportés est de dire à Rama
qu'il a un cœur de pierre et de faire référence à leur mariage (symbolisé
semble-t-il par son collier). Elle lui dit en substance : À quoi bon
avoir brisé l'arc de Shiva pour obtenir ma main si c'est pour que nous
soyons maintenant séparés ?
. La danse expressive était vraiment très
bien, mais certains détails ont présenté à mon avis quelques imperfections
qui sont de nature à brouiller légèrement le propos. Par exemple, le port
de tête de Rama n'était peut-être pas tout à fait assez majestueux pour
qu'il soit parfaitement reconnaissable quand la danse revient sur
l'épisode de l'arc de Shiva. Certaines chorégraphies mettent en scène
d'autres prétendants que Rama qui tous échouent. Ils sont tous très
nettement caractérisés et on voit immédiatement de qui il s'agit. Dans
cette pièce, un seul prétendant a semble-t-il été représenté, mais je n'ai
eu la certitude que c'était Rama que lorsqu'il a réussi l'épreuve, alors
qu'en principe cela aurait dû être évident, comme quand Gayatri Sriram avait développé cette scène. De même, le nom
de Lakshmana est prononcé dans le texte de la composition, mais les
personnages de Rama et Lakshmana n'étaient pas suffisamment caractérisés
pour que je fusse certain que c'était Lakshmana ou Rama qui était
représenté dans la danse à ce moment-là, alors que par exemple quand j'ai
eu le privilège d'assister à des répétitions d'une pièce de
groupe de disciples de Sucheta Chapekar à Pune, je voyais bien au
premier coup d'œil que Yashoda incarnait Rama (merveilleusement bien !) et
que c'était Mugdha qui interprétait le rôle de Lakshmana.
Ensuite, j'ai beaucoup aimé l'extrait de Tillana qui a été présenté. Il s'agissait de la partie de danse pure de cette pièce dont je ne crois pas avoir entendu précédemment la composition musicale. Le temps imparti ne permettait malheureusement pas de poursuivre avec la deuxième partie textuelle qui en principe conclut un Tillana.
(En suivant ce lien, vous trouverez des informations sur un récital qui aura lieu le 11 avril et dans lequel se produiront quatre des élèves les plus avancées de Kalpana.)
Mahina Khanum (odissi) ©Gaëlle Devulder
Le spectacle s'est conclu magnifiquement par une pièce d'odissi dansée par Mahina Khanum. Cela a été pour moi le point culminant émotionnel de ce festival. Comme elle l'explique dans l'interview qu'elle m'a accordée pour le site-forum Dansomanie, il s'agit d'une chorégraphie de Kelucharan Mohapatra que lui a transmise Madhavi Mudgal à Delhi. La pièce est le dix-septième Ashtapadi Yahi Madhava (करिहरि याहि माधव याहि केशव) extrait du Gîta-Govinda de Jayadeva. Mahina Khanum discute en détail de cette pièce dans la deuxième partie de l'interview citée ci-dessus. Il est extrêmement rare pour moi de connaître autant de détails sur une pièce avant de la voir représentée. J'ai pris beaucoup de plaisir à relire diverses traductions et versions. Dans mon empressement à réserver des livres lors d'une visite à la BnF, je me suis rendu compte en ouvrant l'édition de Henri Quellet que j'avais réservée qu'elle ne contenait que le texte sanskrit (et aussi une précieuse correspondance entre les diverses éditions). Le texte est tellement souple qu'il peut se prêter à de nombreuses interprétations suivant les vers qui sont inclus ou non.
La pièce commence par un long développement mélodique sans paroles.
Radha se prépare à accueillir Krishna. Elle se regarde dans un miroir. Son
corps est brûlant, elle cherche l'union. Elle dégage ses cheveux pour
accrocher des boucles d'oreilles. Cependant, il n'est pas arrivé et quand
le texte, Rajani janita... se fait entendre, elle s'endort. Quand
elle se réveille, Krishna est là et elle le repousse : Va-t-en, Hari !
Va-t-en ! / Toi dont les yeux sont des lotus, / cours rejoindre la
jouvencelle / qui sait si bien guérir / le mal qui Te consume !
(je
cite ici la merveilleuse traduction de Jean Varenne aux éditions du
Rocher/Unesco ; le texte correspondant à Toi dont les yeux sont des
lotus
est traduit par Ne me dis plus de paroles friponnes (resp.
des mensonges)
dans d'autres traductions, et c'est semble-t-il cette
idée-là qui était exprimée dans la danse). Dans sa chorégraphie Kelucharan
Mohapatra a ajouté une réponse de Krishna aux reproches de Radha. Quand
elle observe qu'il a la bouche recouverte de khôl, il répond qu'il a mangé
des baies. Quand elle remarque des griffures sur son corps, il prétend
s'être écorché en tentant de cueillir une fleur pour orner le chignon de
Radha. Tous ces détails étaient magnifiquement représentés dans la danse
de Mahina Khanum.
J'ai beaucoup aimé le chant de Kakoli Sengupta et l'accompagnement au sitar par Denis Teste. Cela m'était d'autant plus agréable que le Raga Bhairavi est semble-t-il bien celui que je connais sous le même nom dans la musique dhrupad que je pratique ; il m'a semblé reconnaître des phrases caractéristiques dans le jeu du sitariste. J'ai particulièrement apprécié les moments dans lesquels la pulsation ne s'était pas encore insinuée. J'ai perçu le cycle rythmique utilisé (Yati ou Jati Tala) comme étant à sept temps (équivalent de Tivratal en musique hindustani ou Misra Chapu en musique musique carnatique), mais le percussionniste Alexis Weisgerber m'expliquera ensuite qu'il le concevait plutôt comme un cycle à quatorze temps parce que les phrases de la composition s'étendaient sur 14=7+7 temps.
J'avais déjà eu quelques bonnes expériences avec la danse odissi, notamment avec Arushi Mudgal au Musée Guimet, mais je n'avais jamais été autant ému par une pièce d'odissi avant de voir Mahina Khanum. (D'après mes notes, il semblerait qu'Arushi Mudgal avait alors interprété le même Ashtapadi... Dans le style bharatanatyam, Janaki Rangarajan l'avait aussi interprété il y a quelques mois au Centre Mandapa.)
Après les louanges que j'avais entendues à propos de Mahina Khanum avant de la rencontrer, et après avoir beaucoup apprécié ses réponses à mon interview, la seule chose que je redoutais était l'éventualité d'être déçu par sa danse, mais c'est tout le contraire qui s'est produit ! Ce très beau moment fait remonter singulièrement plus haut le style odissi dans mon estime.
⁂
Le lendemain étaient organisés des stages d'initiation d'une heure animés par chacun des interprètes du spectacle de la veille. Si je m'étais réveillé plus tôt, je serais volontiers allé au stage de sattriya, mais je me suis contenté des stages de kuchipudi et d'odissi. Si d'autres hommes étaient présents parmi les stagiaires, ils devaient être bien cachés, puisqu'il m'a semblé qu'il n'y avait que des femmes autour de moi. Certaines ont été très courageuses puisqu'elles ont enchaîné tous les stages (six heures avec une pause d'une heure).
Dans les deux stages auxquels j'ai participé, le cours n'avait sans doute pas la forme qu'aurait un tout premier cours débutant. Il s'est plutôt agi de montrer quelques exercices typiques dans leur diversité et de conclure par une petite esquisse de chorégraphie. Je suis étonné de l'ampleur de tout ce que l'on a pu voir pendant une heure ! Je vais essayer de rendre compte de quelques particularités stylistiques qui m'ont marqué.
Le premier stage auquel j'ai assisté a été celui de Madolika (kuchipudi). Comme un stage de bharatanatyam avait eu lieu précédemment (et dont le professeur Kalpana a fait une excellente impression sur les stagiaires avec qui j'ai discuté), elle a mis l'accent sur les pas qui sont différents de ce style voisin. La position de base est la même que dans le bharatanatyam. En demi-plié, contrairement à ce qu'il m'avait semblé observer chez certains interprètes de kuchipudi, les pieds se touchent presque. La façon de marcher n'est pas exactement celle du bharatanatyam : la manière de transférer le poids du corps vers l'avant est semble-t-il un peu différente.
Surtout, j'ai beaucoup apprécié que parmi les exercices montrés, il y en ait qui mettent en valeur les dégagés. En classique, le dégagé peut être devant, derrière ou à la seconde (sur le côté) ; en kuchipudi, la jambe tendue peut même s'en aller sur le côté opposé ! Pour m'exercer avec la notation Benesh, j'ai essayé de noter quelques uns des exercices montrés. Voici un exercice de dégagé en fondu à la seconde :
Exercice de kuchipudi en notation Benesh : dégagé en fondu à la seconde.
En araimandi (demi-plié), on commence par poser le pied droit en demi-pointe derrière l'autre pied, en cinquième (en gros, la pointe du pied droit n'est pas au centre derrière le talon gauche, mais proche du petit orteil gauche...). Sans changer de position, on fait ensuite un petit transfert du poids du corps pour frapper le pied gauche. On frappe de nouveau le pied droit derrière, mais cette fois-ci, le pied droit est derrière le talon gauche (en troisième). Enfin, et c'est là que cela devient intéressant, on effectue une frappe du pied droit en dégageant la jambe gauche sur le côté gauche (à la seconde donc). (Et on recommence la séquence de l'autre côté.)
Après quelques exercices, nous avons esquissé une petite chorégraphie comportant quelques pas, une petite offrande de fleurs et de feu.
⁂
J'ai assisté au dernier stage animé par Mahina Khanum qui m'a semblé être une formidable professeure. En tant que spectateur, je pouvais avoir l'impression que la danse odissi, utilisant des mouvements plus lents, était peut-être moins physique que le bharatanatyam, mais c'est peut-être tout le contraire !
Ce qui est particulièrement remarquable, c'est que toutes les positions sont dans une sorte d'entre deux. Mahina Khanum nous a enseigné les deux positions de base. Dans la position Chowk, la plus anguleuse des deux, les pieds sont dans une position intermédiaire entre la première et la seconde position : on est en demi-plié, et les pieds sont écartés, mais pas trop ! La jambe est rarement tendue. Quand on fait une frappe du talon, la jambe reste pliée contrairement à ce qui se pratique dans le bharatanatyam. Les bras sont aussi pliés à angles droits à la hauteur des épaules dans cette position Chowk. Un certain effort est nécessaire aussi pour rentrer les épaules. Cela n'a l'air de rien, mais rester en équilibre dans un demi-plié assez ouvert tout en gardant les bras horizontaux et en faisant travailler les épaules, cela fait dépenser de l'énergie...
L'autre position que nous avons vu est le Tribhang. Les pieds ne sont ni en troisième position ni en quatrième, mais entre les deux. Ils ne se touchent pas, mais ils ne sont pas autant éloignés qu'ils le seraient en quatrième position. Le poids du corps est sur le pied de derrière, l'autre pied étant dix-quinze centimètres devant, les deux talons étant alignés. On est toujours en demi-plié, mais le bassin est penché de façon à relever la hanche de la jambe d'appui. La courbure de la moitié haute du corps compense quelque peu celle du bassin. Partant de cette position, nous avons fait quelques exercices. Un d'entre eux se décrit très bien dans le langage de la danse classique. Supposons que le jambe d'appui soit la gauche. Le pied droit vient frapper derrière en cinquième position, puis monte en retiré tandis que le torse se tourne vers la gauche. Rond de jambe en l'air en dehors (avec la jambe en attitude : décidément, les membres sont toujours pliés !). Développé devant. Retour à la position de retiré et on pose le talon devant avant de recommencer de l'autre côté. (Le fait que le sol du studio de danse fût un peu mou et irrégulier n'aidait pas à rester en équilibre !)
(J'aime vraiment beaucoup la notation Benesh qui est très adaptée pour noter le ballet et le bharatanatyam, mais noter de l'odissi dans ce système me paraît mission impossible ! Je comprends maintenant pourquoi une doctorante sur la danse odissi à qui j'avais posé la question de la notation m'avait dit qu'il y avait eu au moins une tentative, non pas en notation Benesh, mais en notation Laban.)
Nous avons également vu une petite chorégraphie dans laquelle s'insérait certains mouvements techniques que nous avions vu.
⁂
Un grand bravo à Mahina Khanum et toutes les personnes qui ont permis à ce festival de voir le jour. J'ai trouvé ce week-end passionnant et très riche en discussions intéressantes !
2015-02-22 15:39+0100 (Orsay) — Culture — Musique — Danse — Danses indiennes — Culture indienne
Auditorium du Musée Guimet — 2015-02-20
Sandhya Raju, kuchipudi
Padma Bhushan Vempati Chinna Satyam, chorégraphies
Jaikishore Mosalikanti, nattuvangam, chant, chorégraphie du Saraswathi Stuthi
Muthukumar Balakrishnan, flûte
Guru Bharadwaaj Gongala Venkata, mridangam
Sylvie Le Secq, voix off
Prière chantée à Balatripurasundari
Saraswati Stuthi
Ramayana Shabdam (Adi Tala)
Kulukaga Nadavaru (Adi Tala), kirtan composé par Annamacharya
Govardhana Giridhara (Adi Tala), Tarangam composé par Narayana Tirtha
Le style de danse kuchipudi est très peu présent en France. La dernière fois que j'en avais vu à Paris remonte à 2010. J'étais donc particulièrement intéressé par le récital de Sandhya Raju programmé à l'auditorium du Musée Guimet. Le texte de présentation du Musée Guimet en fait étrangement une disciple de Vempati Pedda Satyam, lequel était déjà décédé quand elle est née. Comme toutes les autres grandes interprètes de kuchipudi que j'ai vues (Deepika Potarazu, Radha Prasanna et bien sûr Shantala Shivalingappa que j'ai vue danser du kuchipudi en 2007/2008, 2010, 2013), Sandhya Raju est une représentante du style de Vempati Chinna Satyam (1929-2012) dont elle a été la disciple directe avant de poursuivre son apprentissage auprès de Jaikishore Mosalikanti, un disciple plus avancé de Vempati Chinna Satyam.
Le récital qui a duré un peu moins d'une heure et demie m'a semblé excellent. L'atmosphère résolument joyeuse du style kuchipudi peut surprendre par rapport au bharatanatyam qui est plus introspectif, mais la danseuse me semble avoir de grandes qualités en danse pure et en mime.
Contrairement à ce qui était annoncé, le récital n'est pas centré sur Shiva. Plutôt que de présenter ses propres chorégraphies comme elle l'a fait cette année au festival de la Music Academy (cf. ce compte-rendu dans The Hindu), elle a interprété des chorégraphies de ses maîtres. Ainsi, toutes les pièces sauf la première étaient de Vempati Chinna Satyam.
Avant d'aborder le détail du programme, je voudrais décrire quelques aspects stylistiques observés dans le récital de Sandhya Raju qui me semblent distinguer le kuchipudi du style bharatanatyam ; n'ayant vu pour ainsi dire que des interprètes de la lignée de Vempati Chinna Satyam, ces remarques ne vallent peut-être pas pour les autres écoles. Les entrées en scène ne se font pas par le côté cour, mais par le côté jardin (le côté où s'installent les musiciens). À de nombreuses reprises, la danseuse fait du lip sync, bougeant ses lèvres comme si elle articulait le texte. Dans la position assise (demi-plié, ou araimandi), les pieds sont semble-t-il plus écartés que dans le bharatanatyam, mais en fait, dans les chorégraphies présentées dans ce récital, cette position (plus ou moins l'équivalent de la première position du ballet) est très fugitive : la danse ne s'appuie pas sur cette position puisqu'elle n'apparaît pour ainsi dire que comme un état transitoire dans des enchaînements.
Un élément plus visible est la présence de dégagés (ou tendus) : il s'agit de tendre une jambe vers l'avant, l'arrière ou le côté, la pointe du pied venant toucher le sol. Ces mouvements me semblent assez peu présents dans le bharatanatyam (à l'exception notable des chorégraphies de Selvam, fils de Muthuswamy Pillai, qui insère très élégamment ce type de mouvements dans la danse pure). De façon étonnamment intéressante, dans les chorégraphies de kuchipudi qu'elle a interprétées, Sandhya Raju a très souvent fait des tendus sur le côté opposé : si c'est la jambe droite qui est tendue, la pointe du pied droit ne s'en va pas du côté droit, mais à gauche, et pas qu'à moitié ! (Si ma description n'est pas claire, regardez le début de cette vidéo Krishna Shabdam.)
Aucune des pièces présentées n'était de danse pure. Toutes les pièces avaient un contenu mythologique ou épique et la danse pure alternait avec les passages narratifs ou évocateurs. La façon de traiter les thèmes était plus légère, moins introspective qu'on ne peut le voir dans certains récitals de bharatanatyam. Toutes les pièces étaient présentées avec une certaine fraîcheur et une joie évidente de danser. Certains aspects rythmiques soulignaient le côté espiègle de la danse pure. Ainsi, si dans le bharatanatyam, il est courant de voir des séquences semblables exécutées à différentes vitesses à l'échelle d'une pièce toute entière, certains passages de danse pure présentées par la danseuse ont comporté des séquences dans lesquelles les mêmes mouvements étaient répétés immédiatement en vitesse double ou quadruple, le tout tenant dans un seul cycle rythmique, l'unité chorégraphique ainsi constituée pouvant être répétée ensuite de l'autre côté. La façon de découper en petits morceaux des enchaînements (adavus) et de les réagencer pour constituer une chorégraphie me semble donc assez différente de ce que l'on peut observer dans le bharatanatyam. Par ailleurs, peut-être n'ai-je pas suffisamment fait attention à ce détail en assistant à ce récital, mais il m'a semblé que les chorégraphies ont comporté moins de sauts que d'ordinaire dans le kuchipudi.
Enfin, une des magnifiques caractéristiques du kuchipudi réside dans les majestueuses pirouettes accompagnées d'élégants ronds de jambe.
Venons-en maintenant au détail des pièces du récital qui a commencé par une prière chantée à Balatripurasundari par Jaikishore Mosalikanti. Le maître de danse est un excellent chanteur. Chacune des pièces a été précédée d'un Alap du flûtiste.
Le première pièce dansée est un Saraswathi Stuthi, en l'honneur
de la déesse de la connaissance. Elle est me semble-t-il nommée Vani
dans le texte de la composition (qui a comporté des jatis et un
Swaram). La Déesse est représentée jouant de la vînâ et portant
très gracieusement le sari. La chorégraphie représente également la
connaissance et l'écriture ; la présence d'un paon à ses côtés est mise en
valeur. Quand le texte évoque Brahma, Vishnu et Shiva, la danseuse
représente Vishnu-Padmanabha (couché sur le serpent Shesha) ainsi que
Shiva ; les répétitions du texte lui ont permis de proposer diverses
variations.
La première pièce dansée était de Jaikishore Mosalikanti. Les trois
autres seront de Vempati Chinna Satyam. Le première de ces trois autres
pièces est le délicieux Ramayana Shabdam racontant l'épopée du
Ramayana en moins d'une dizaine de minutes ! La première strophe
du texte Dasharatha Vara Kumara (?)...
évoque Rama comme
étant le fils de Dasharatha. La chorégraphie s'attarde assez longuement sur
cette première ligne, et puis tout s'accélère. Il est question de sa mère
Kausalya, et puis très vite, on est dans la forêt, et on voit
l'antilope magique à cause de qui Sita sera enlevée, puis le vautour Jatayu
qui racontera ce qui s'est passé à Rama. Rama rencontre ensuite Hanuman, puis
on le voit semble-t-il tuer le frère de Sugriva avec qui il vient de faire
alliance, et puis les singes jettent des pierres pour construire un pont
vers Lanka où la guerre s'annonce avec Ravana, le démon à dix têtes. (J'ai
sans doute raté quelques épisodes tant ils défilent vite.) La fin de cette
pièce très vive comporte un petit jeu de questions et réponses rythmiques
entre les cymbales et la danseuse, qui vers la fin semble tenir entre ses
doigts de pieds un plateau en laiton imaginaire...
La pièce suivante me semble représenter la quintessence du côté espiègle du kuchipudi. La pièce utilise une musique très ancienne d'Annamacharya (qui au XVe aurait été un des premiers compositeurs de kirtans, la forme musicale privilégiée dans la musique carnatique). La danseuse commence par faire plusieurs allers-retours d'un côté de la scène à l'autre en imitant la course des hommes portant en palanquin la déesse Padmavati. Ils font preuve de trop de zèle et leur course effrénée secoue quelque peu la déesse à bord du palanquin et ses parures se mettent à tomber. Une dévôte intervient en les suppliant de ralentir leur démarche.
La pièce se poursuit par l'évocation de la déesse Padmavati et des offrandes de fleurs qui lui sont adressées. (Point technique : la déesse est représentée ici avec les combinaisons suivantes de mudras : Alapadma-Kapitta.). Le nom Padmavati renvoie peut-être à l'épithète Padmanabha de Vishnu dont elle est l'épouse. Vishnu est en effet représenté couché sur le serpent Shesha et on voit Lakshmi lui masser les pieds. Le texte utilise le nom de Venkateshwar pour désigner Vishnu (c'est le nom de la divinité résidant à Tirupati) et la chorégraphie le représente aussi portant la conque et le disque. La pièce se finit délicieusement comme elle a commencé par la course du palanquin.
La pièce principale du récital à été un Tarangam intitulé Govardhana Giridhara composé par Narayana Tirtha (fin XVIIe-début XVIIIe). Les trois thèmes narratifs tirés du Bhagavata-Purana apparaissant dans ce Tarangam sont récurrents dans les danses classiques indiennes, mais ils ont pris dans cette pièce une forme très élaborée qui a comporté des détails que je n'avais jamais vus. Les thèmes illustrent tous l'espièglerie du jeune Krishna et beaucoup des détails d'interprétation renforcent encore davantage l'atmosphère délicieusement joyeuse et légère de ce récital de kuchipudi.
La toute première image de la pièce est celle du jeune Krishna devant sauter pour attraper le pot de beurre que sa mère adoptive Yashoda avait accroché en hauteur. La pièce développe ensuite ce thème narratif. Krishna accompagne Yashoda alors qu'elle va traire ses vaches. Elle lui dit de surveiller le récipient dans lequel elle verse le lait, mais évidemment, Krishna (qui est caractérisé par sa flûte) salive et boit tout le lait. Sa mère est colère, mais elle finit par pardonner l'enfant. Parmi les détails que je n'avais encore jamais vus, j'ai apprécié la façon de mettre en scène la traite des vaches par Yashoda. Ses gestes de haut en bas des deux mains utilisant la forme féminine du mudra Katakamukha imitaient les gestes de la traite, et ces gestes étaient délicieusement synchronisés avec le rythme de la musique.
Dans le deuxième épisode, des villageoises parties remplir des cruches d'eau ne résistent pas à l'idée de se baigner dans la rivière. La danseuse incarne alors une de ces villageoises qui enlève ses boucles d'oreilles, son collier, son bijou de nez, les bracelets qu'elle porte aux poignets et aux chevilles. Elle défait son sari, puis ses cheveux, s'enduit d'onguents, s'asperge prudemment d'eau avant de se jouer joyeusement dans l'eau avec ses amies. Krishna aperçoit la scène de loin et s'empare de leurs vêtements qu'il accroche à un arbre. Après son bain, la jeune femme se sèche les cheveux et entend le son de la flûte de Krishna. Humiliée, elle ne peut qu'accéder à la demande de Krishna et elle sort honteusement de l'eau en levant les bras au-dessus de sa tête. Enfin, elle peut remettre rapidement ses habits, ses bijoux, placer sa cruche d'eau sur sa tête et s'en aller.
La chorégraphie avait déjà fait des allusions au titre Govardhana Giridhara de la composition quand ce texte avait été prononcé, mais ce thème n'est développé que dans la troisième partie de ce Tarangam. Les dimensions de la narration de cet exploit de Krishna sont pour moi inédites. La chorégraphie commence par représenter Nanda, le père adoptif de Krishna, qui s'inquiète de la sécheresse qui fait des ravages dans les troupeaux et les cultures. Il est décidé que le village de Vrindavan adressera des prières ou sacrifices à Indra, le dieu responsable de la pluie. Krishna (toujours représenté en flûtiste) intervient et dit aux villageois qu'au lieu d'adresser leurs prières à Indra, ils devraient honorer le mont Govardhana. Indra arrive sur son char céleste (tiré semble-t-il par le cheval Uccaihshravas). Il observe les villageois et se met en colère quand il comprend que ce n'est pas à lui qu'ils rendent hommage. Le dieu des nuées déclenche un terrible orage qui plonge les villageois dans le désespoir. Ceux-ci semblent comprendre que Krishna est Vishnu (mudra Tripataka). Krishna enfonce ses deux mains sous le mont Govardhana qu'il soulève et qu'il dépose sur son petit doigt (la main représentant le mont est en Alapadma et la main soulevant le mont est dans un mudra dont j'ignore le nom, s'il en a un, mais qui semble dérivé de Katakamukha, l'annulaire venant rejoindre l'index et le majeur en face du pouce, le doigt restant, l'auriculaire, étant dressé). Cet exploit de Krishna provoque la joie des villageois qui peuvent s'abriter des pluies diluviennes. La chorégraphie met encore en valeur le fait que Krishna est Vishnu (à la conque et au disque), celui qui est couché sur le serpent Shesha.
À la fin du Tarangam, la danseuse a exécuté un numéro de danse pure sur un plateau en laiton. Il s'agit d'une des caractéristiques du kuchipudi. (Je n'en ai jamais été témoin directement, mais son côté rustique est parfois augmenté par l'ajout d'un pot rempli d'eau placé sur la tête de la danseuse !) La danseuse pince les bords du plateau avec ses doigts de pieds et en faisant des mouvements de pieds appropriés, elle peut se déplacer sur scène ou tourner sur elle-même. Un jeu de questions et réponses s'instaure entre le nattuvangam et la danseuse. (Il serait intéressant de savoir si cette section est 100% répétée ou s'il y a une part d'improvisation.) Le nattuvanar dicte une séquence que la danseuse exécute immédiatement ensuite avec des mouvements de pieds et des bras. Les premières séquences s'étendent sur deux cycles rythmiques. La danse se fait de plus en plus exaltée au fur et à mesure que la durée des séquences est réduite progressivement, et après un certain nombre de divisions par deux, cela ne dure plus qu'un seul temps d'Adi Tala. (J'apprécie particulièrement ce type de questions et réponses que l'on trouve aussi entre percusionnistes à la fin de récitals de musique carnatique.)
Il est à signaler que les annonces faites en voix off avant chacune des pièces étaient très pertinentes et à mon avis de nature à faire apprécier le récital au plus large public. Par son côté résolument joyeux, la forme du kuchipudi me semble plus facile d'accès que le bharatanatyam (pour lequel je garde personnellement une préférence). Il est dommage que ce style ne soit pas davantage représenté à Paris : sans introduire de rivalités entre les différents styles, cela pourrait peut-être contribuer au contraire à élargir l'audience des autres styles classiques du Sud de l'Inde.
(Pour découvrir quelques repères historiques à propos de la danse kuchipudi, je recommande vivement cet article de la critique de danse Marina Harss fait à l'occasion d'un portrait de Shantala Shivalingappa.)
2014-12-31 17:04+0100 (Orsay) — Culture — Musique — Culture indienne — Dhrupad
Auditorium du Musée Guimet — 2014-10-10
Pandit Nirmalya Dey, chant dhrupad
Ustad M. Bahauddin Dagar, rudra vînâ
Pandit Mohan Shyam Sharma, pakhawaj
Véronique Dupont, Marie-Thérèse Guay, tampura
Raga Puriya (Alap & Chautal)
Raga Bhairavi (Alap & Tivratal)
J'ai quelque peu délaissé les comptes-rendus de concerts ces derniers temps pendant lesquels je me suis concentré sur les nombreux spectacles de danses indiennes auxquels j'ai assisté. Je n'ai même pas pris le temps de revenir sur le magnifique ballet La Source que j'ai revu cinq fois ces derniers jours et que j'avais déjà vu quatre fois en 2011. L'année 2014 se terminant, il serait dommage que je ne revienne pas sur ce qui a été pour moi le concert de l'année.
Le style de musique dhrupad (que je pratique depuis bientôt trois ans) est très peu présent à Paris. Quand on peut l'entendre, ce sera en général dans un appartement en petit comité. Il était donc tout à fait exceptionnel de le voir représenté sur la scène du Musée Guimet devant une salle pleine. Je n'aurais manqué ce rendez-vous pour rien au monde (j'ai dû pour cela renoncer à d'autres concerts très intéressants programmés le même soir et à une rencontre littéraire avec l'auteur du livre le plus passionnant que j'aie lu au cours de l'année). La configuration des interprètes est encore plus rare. Il s'agit d'un jugalbandhi, c'est-à-dire un duo de solistes. Cette configuration est relativement courante (Dagar Brothers, Senior Dagar Brothers, Gundecha Brothers, Women in Dhrupad, etc.), mais ce qui est plus exceptionnel, c'est que soient associés un chanteur et la Rudra Vina. Dans la famille Dagar, un tel duo a ainsi associé par le passé le chanteur Ustad Zia Fariduddin Dagar et le vîniste (?) Ustad Zia Mohiuddin Dagar. Ce vendredi 10 octobre, le concert associe Pandit Nirmalya Dey, chanteur disciple de Fariduddin, et Ustad Mohi Bahauddin Dagar, fils et disciple de Mohiuddin. Ayant pris cet été des cours pendant trois semaines à Delhi avec Pandit Nirmalya Dey, je ne suis bien évidemment pas très objectif à son sujet, mais je tiens à préciser que j'avais déjà de lui la plus haute opinion avant de suivre son enseignement.
Les deux musiciens ont interprété le Raga Puriya. Ce Raga comporte six notes parmi lesquelles tivra Ma (M) et Re komal (R). Voici les gammes ascendantes et descendantes : ṆRGMDNṠ / ṠNDMGRS. Il s'agit d'un des Ragas que j'aie le plus pratiqués. Mon immense plaisir d'auditeur a donc été encore davantage rehaussé par le fait que dans le très méditatif Alap que les deux musiciens ont interprété, je sentais la plupart du temps quelle note ils jouaient ; cette sensation-là me procure un plaisir sans commune mesure avec le mode d'écoute plus intuitif que j'avais avant de commencer à pratiquer le dhrupad. Ils ont fait durer le plaisir très longtemps au point que la fin de l'Alap a été un peu écourtée après qu'un des musiciens a regardé sa montre. Les musiciens ont en effet étiré à l'extrême le travail sur certaines notes, en particulier la toute première note de la gamme ascendante : Ni, qui est la note la plus importante de ce Raga. Ils n'ont bien sûr pas joué continuellement cette note, mais ils l'ont ornementée. Parfois, après un long Ni tenu, une petite glissade faisait entendre légèrement le Dha, voisin du dessous. Parfois aussi, ils montaient du Ni sur le très faible Re komal, le faisant à peine entendre, mais suffisamment pour qu'on en perçoive la subtile saveur. Les chapitres suivants de l'Alap ont mis en valeur les notes successives de ce Raga, le dernier chapitre ayant été malheureusement un peu abrégé pour des raisons de temps. Les deux musiciens alternaient. Ustad Bahauddin Dagar est un musicien plus reconnu que ne l'est Pandit Nirmalya Dey. Si les deux musiciens composant un jugalbandhi sont en principe sur un pied d'égalité, j'ai apprécié que le vîniste se mette semble-t-il un peu en retrait pour laisser au chanteur un peu plus de place pour s'exprimer.
La pulsation est entrée en jeu dans les sections Jor et Jhala. La vitesse ne me permet alors plus de comprendre véritablement ce qui se passe et je suis davantage en mode intuitif. J'apprécie la façon dont le timbre de la voix du chanteur se marie avec celui de la Rudra Vina.
Le Raga se conclut par une composition que je connaissais. Évoquant Shiva, elle commence par le mot Parvati et utilise le cycle rythmique Chautal (12 temps). Le chanteur en a une première fois interprété les deux premières strophes de façon fidèle avant que les deux musiciens ne s'en servent comme matériau de base pour élaborer des improvisations.
Je n'aurais pas été mécontent que le concert s'achève là, mais ils ont interprété un nouveau Raga, plus léger que le précédent. Cette fois-ci, le nom du Raga n'a pas été annoncé préalablement. J'ai donc essayé de reconnaître les différentes notes utilisées. J'y étais à peu près arrivé pendant l'Alap, mais je n'ai véritablement compris qu'il s'agissait du Raga Bhairavi que lorsque j'ai reconnu la composition Jagata Janani en Tivratal (sept temps).
2014-12-14 15:40+0100 (Orsay) — Culture — Musique — Danse — Danses indiennes — Culture indienne
Auditorium du Musée Guimet — 2014-12-06
Vidhya Subramanian, bharatanatyam
Arun Gopinath, chant
Venkatakrishnan Mahalingam, nattuvangam
Karthikeyan Ramanathan, mridangam
Easwar Ramakrishnan, violon
Kalpana Métayer, voix off
Invocation de Ganesh “Giriraja Suta” (Adi Tala), composé par Tyagaraja
Pushpanjali (Adi Tala), composé par Madurai Muralidharan
Shambhu Natanam (Khanda Chapu Tala)
Varnam (Raga Karaharapriya, Adi Tala)
Ashtapadi (Raga Shuddha Sarang, Misra Chapu Tala)
Surdas Bhajan “मैया मोरी मैं नहिं माखन खायो” (Adi Tala)
Tillana (Raga Amritavarshini, Adi Tala)
Shloka (Khanda Chapu Tala)
Pendant mon dernier voyage en Inde, j'ai beaucoup pratiqué le bharatanatyam à Kolkata, Delhi et enfin à Pune chez Sucheta Chapekar. La concentration du calendrier des spectacles de danses indiennes à Paris en cette saison a fait que depuis mon retour, j'ai assisté à une belle série de spectacles de danses indiennes (Camille, Janaki Rangarajan, Lingaraj & Sunjakta Pradhan, Meenakshi Srinivasan, Indira Kadambi, Ofra Hoffman, Gayatri Sriram), mais il n'y en aura sans doute plus beaucoup avant un certain temps. Cette série vient en effet de se terminer en feu d'artifice avec les deux récitals de Vidhya Subramanian au Musée Guimet. Si j'ai eu quelques réserves sur la représentation du vendredi, celle du samedi m'a transporté comme rarement : on était tout près des cimes que seule Rama Vaidyanathan m'avait fait connaître.
Karthikeyan Ramanathan (mridangam),
Venkatakrishnan Mahalingam (nattuvangam),
Arun Gopinath (chant),
Easwar Ramakrishnan (violon)
(Merci à Morgane pour les photos et à Kalpana pour l'autorisation de les utiliser ici.)
Après être arrivés sur scène, les musiciens effectuent quelques rituels. Un d'entre eux semble prier intérieurement. Le chanteur se tourne vers ses voisins et touche les cymbales et le bois du violon. Les deux récitals ont commencé par un solo méditatif de l'excellent violoniste Easwar Ramakrishnan et après quelques vocalises dans les graves, Arun Gopinath a chanté une invocation de Ganesh, le fils de Parvati, intitulée Giriraja Suta et qui porte la signature du compositeur Tyagaraja. J'apprécie immédiatemnet la manière dont ce chanteur clappe très régulièrement le Tala (Adi). Plus loin dans le récital, dès que j'aurai un doute, il me suffira d'un coup d'œil dans sa direction pour savoir où l'on en est dans le cycle rythmique.
Il est à noter que pendant cette prière à Ganesh, il était possible d'entendre tinter les grelots de chevilles de la danseuse qui finissait de s'échauffer en coulisses ; cet accompagnement musical inattendu était d'autant plus délicieux que les frappes de pieds tombaient sur les temps du cycle rythmique.
La première pièce dansée Pushpanjali commence par une magnifique introduction mélodique du violoniste. Il gardera ce rôle lors des pièces suivantes du récital alors que cette fonction est en général partagée entre le chanteur et le violoniste. Si j'ai apprécié le chant d'Arun Gopinath, il n'a pas gratifié les auditeurs d'Alap méditatifs comme l'avait fait récemment K. Hariprasad. Toutefois, les musiciens m'ont semblé particulièrement inspirés lors de la deuxième représentation et ils manifestaient alors un plaisir évident à jouer ensemble pour accompagner la danseuse.
Venons-en maintenant à la danse interprétée par Vidhya Subramanian dans son costume orange. La première pièce Pushpanjali n'est à mon avis pas la plus intéressante du programme. La chorégraphie intègre quelques jeux de questions et réponses avec les percussions à l'échelle d'un cycle rythmique, ce qui à tout pour me plaire. Elle comporte aussi des enchaînements (adavus) très standards et on voit aussi de façon intéressante la danseuse délimiter l'espace scénique. La danseuse insère parfois des séquences de frappes de pieds extrêmement rapides. S'il s'agit essentiellement d'une pièce de danse pure, l'émotion exprimée est celle de la joie procurée par la prière.
Le Pushpanjali s'enchaîne avec une prière dédiée à Shiva utilisant très logiquement un cycle à cinq temps (Khanda Chapu). Le texte et la chorégraphie évoquent divers noms de Shiva : Rudra, Nilakantha, Mahadeva. J'apprécie tout particulièrement l'évocation du nom de Nilakantha, Shiva étant représenté en train de boire le poison. Il est aussi représenté avec la Lune dans les cheveux, les cendres, le tambour Damaru, le troisième œil, Ganga, le lingam, etc. Il est aussi semble-t-il montré en destructeur de Tripura, ce qui est plus rare. Le tempo de la pièce a été apparemment doublé subitement au cours de la pièce. Le rythme à cinq temps dont les premier, troisième et quatrième temps étaient marqués était lancé à un tempo raisonnable (×‒××‒) et puis on est passé en vitesse double avec seulement les premier et troisième temps marqués (×‒×‒‒). Vers la fin de la pièce, la danseuse prendra la pose Shiva-Nataraja tandis que le texte nomme la ville de Chidambaram où il réside.
On entre ensuite dans le vif du sujet avec un Varnam dédié à Shiva. La forme du Varnam suit très fidèlement la tradition. La danseuse s'est en effet concentrée sur les sentiments de l'héroïne contrairement à Gayatri Sriram et Meenakshi Srinivasan qui avaient récemment élaboré de longs passages narratifs dans leurs Varnam.
Lorsque les lumières éclairent la scène au début de ce Varnam, l'héroïne reconnaissable à sa posture féminine apparaît au fond de la scène. Alors que les transitions avec les passages rythmiques (jatis) me paraissent toujours incongrues, surtout au début des Varnam, je n'ai nullement été gêné ici puisque pendant les jatis de Vidhya Subramanian, la danse se fait certes plus libre, mais on ne perd jamais de vue les personnages et les sentiments de l'héroïne. Celle-ci désire s'unir au seigneur de la montagne, celui dont les cheveux sont emmêlés et qui porte une peau de tigre et une peau d'antilope. Le feu de l'amour brûle déjà en elle quand, après un premier jati un peu compliqué rythmiquement, le dieu de l'Amour, Kama intervient. Curieusement, il semble que Kama conduise un char tiré par un cheval alors que l'iconographie le représente habituellement sur un perroquet. La première flèche attaque le goût de l'héroïne qui ne peut plus apprécier la moindre nourriture. Kama ne semble pas utiliser son arc pour la deuxième flèche : il la jette avec la main et elle attaque les yeux de l'héroïne qui dormait et dont le sommeil sera troublé. La troisième attaque son sens du toucher et sa peau se met à brûler d'amour. Elle est sonnée, comme intoxiquée, par la quatrième. La cinquième flèche l'achève. Après une récapitulation de la scène qui vient d'être représentée, un nouveau passage rythmique intervient et celui-ci comporte des variations dans les subdivisions du cycle rythmique : une section avec trois subdivisions plutôt que quatre. Dans ce jati, l'héroïne est représentée heureuse de son amour pour Shiva et même un peu fière d'éprouver ce sentiment.
Cet amour prend ensuite une forme religieuse, l'héroïne se prosternant et effectuant une offrande de feu (aarti) devant la divinité. Le plateau utilisé dans ce rituel n'est pas représenté avec la main à plat (Pataka), mais en Alapadma (fleur de lotus épanouie). Une autre subtile variation avec les codes habituels apparaîtra plus loin quand sera semble-t-il représenté le lingam de Shiva : la main droite pouce tendu (Shikhara) étant posée sur une main gauche qui n'est pas à plat mais en Alapadma. (Pardon pour ces détails techniques, mais je rédige ces billets d'abord pour moi afin de garder une mémoire de ce que j'ai vu...)
Shiva paraît alors et se met à danser superbement en agitant le tambour Damaru. L'héroïne est très émue par cette vision. On arrive au point culminant de ce Varnam. Le sublime Jati qui suit représente alternativement les deux personnages : Shiva et l'héroïne.
L'héroïne veut s'unir à lui. Elle l'implore, elle veut qu'il lui parle. Alors qu'elle se maquille, elle pense à lui. Quand elle pose son tillaka sur le front, elle pense à son troisième œil. Quand elle passe ses bracelets qui tintent, elle pense aux serpents qui ornent le corps de Shiva et qui sont aussi susceptibles de les entourer tous les deux quand leurs corps sont enlacés.
La musique se fait alors plus légère et la joyeuse héroïne presque coquine. La frontière entre les passages narratifs et les passages rythmiques devient plus mince dans la mesure où les jatis sont désormais accompagnés par des notes solfiées (Swara) plutôt que par des onomatopées rythmiques. L'héroïne demande à son amie si elle doit craindre les commérages à propos de son aventure avec le Seigneur de la danse. Après une récapitulation des épisodes précédents, le Varnam se terminera espièglement par la décision de l'héroïne de ne pas avoir honte et d'enlever son voile.
Après le Varnam, la danseuse a interprété le Sixième Ashtapadi extrait du Gita-Govinda de Jayadeva exaltant l'amour entre Radha et Krishna. Il s'agit d'une pièce tout simplement extraordinaire, de celles que l'on oublie pas. Je ne pourrais la comparer à aucune autre que j'aie vue. Jamais au cours d'une pièce de bharatanatyam je n'avais eu un tel sentiment d'être plongé dans une rêverie, un temps suspendu. Radha est représentée alors qu'elle médite, revoyant en flash-back sa première rencontre amoureuse avec Krishna qu'elle raconte à son amie :
Vidhya Subramanian dans le Sixième Ashtapadi “Sakhi He”
(Comme je viens tout juste de commencer le cours à distance du Benesh Institute de la Royal Academy of Dance, je n'ai pas résisté à la tentation d'essayer de noter cette position en notation Benesh.)
Pour maintenir l'atmosphère poétique de rêverie, la danseuse a très
judicieusement choisi de n'illustrer que les trois ou quatre premiers vers
de l'Ashtapadi et plutôt que d'autres versions existantes qui
auraient sans doute cassé l'atmosphère, le choix s'est porté sur une
composition méditative utilisant le raga hindustani Shuddha Sarang et le
cycle rythmique à sept temps Misra Chapu Tala (équivalent du Tivratal de la
musique hindustani). Il n'est pas tout à fait évident de suivre les détails
des gestes expressifs de la danseuse, le temps étant étiré à l'extrême et
la pièce incitant à la contemplation plutôt qu'à l'analyse, mais la
danseuse suit très fidèlement le texte. Par exemple, le nom utilisé pour
désigner Krishna est le Meurtrier de Keśī
. Dans le contexte, il
aurait été envisageable d'occulter cet aspect de Krishna, mais la danseuse
ne s'y soustrait pas, et si elle ne montre pas le démon en forme de cheval
Keśī, elle représente néanmoins celui qui l'a envoyé, Kamsa. Il est
difficile de décrire l'intensité de l'expression de la danseuse quand elle
incarne le dernier vers Sur une couche de jeunes rameaux, je m'allonge
et longtemps sur ma poitrine il demeure couché. Je le prends dans mes bras
et le baise, et lui m'embrasse et boit mes lèves ; ô mon amie, obtiens du
Meurtrier de Keçi qu'il s'ébatte avec moi !
(traduction de Gaston
Courtillier). (Cet Ashtapadi peut être vu sur YouTube.)
Elle ne l'a pas interprété lors du récital de samedi, mais la veille Vidhya Subramanian a dansé après l'Ashtapadi le délicieux Javali “Indendu”. Une jeune femme amoureuse de Krishna est jalouse d'une autre. Elle vaque à ses occupations : on dirait qu'elle roule des feuilles de bétel pour mâcher du pân. Quand Krishna vient la voir, elle lui dit qu'il s'est trompé de rue et de maison. Sa rivale vit dans une plus grande rue. Comment a-t-il pu se tromper et aussi mal voir alors que c'est la pleine Lune ? La jeune femme est consciente du fait que Krishna est une incarnation de Vishnu et un de ses exploits est rappelé : celui qui lui vaut le nom de Giridhar. J'ai toutefois été étonné que Krishna soit montré en train de porter le mont Govardhan sur son dos (tel Obélix portant un menhir) plutôt qu'avec un doigt.
Une autre magnifique pièce d'Abhinaya a suivi. Le Bhajan de Surdas est intitulé Maiya mori ; il s'agit encore d'une pièce consacrée à Krishna. Cette fois-ci, il s'agit de représenter l'espiègle Krishna dans sa jeunesse. Bien que petit, il parvient avec quelqu'astuce à attraper un pot de beurre accroché en hauteur et il s'en régale avant de casser le pot. Quand sa mère Yashoda constate les dégâts, elle l'accuse. Lui, bien sûr, nie et bredouille des explications. Comme il ne parvient pas à la convaincre, il fait mine de s'en aller définitivement en emportant ses maigres possessions, mais Yashoda l'en empêche et donne l'impression de croire ses paroles. Finalement, Krishna avoue malicieusement qu'il était bien le coupable.
Le récital s'est conclu par un Tillana
comportant de la très belle danse pure et une évocation des divinités sous
les noms Shiva
et Shakti
. Il est apparemment question de la
naissance d'un enfant, peut-être Muruga dans la mesure où vers la fin de la
pièce la danseuse semble se métamorphoser en paon. Le Tillana
s'enchaîne avec un majestueux Shloka en l'honneur de Shiva.
Quelques uns de ses attributs sont évoqués, comme ses cheveux, le Croissant
de Lune, son trident, etc. Après que la danseuse lui a adressé un
Namaste, le récital s'est achevé dans l'apaisement. (Et quelques
minutes plus tard, devant l'enthousiasme des spectateurs, les artistes se
mettront à applaudir le public !)
Ailleurs : Bladsurb.
2014-12-01 19:36+0200 (Orsay) — Culture — Musique — Danse — Danses indiennes — Culture indienne
Maison de l'Inde, Cité universitaire — 2014-11-21
Gayatri Sriram, danse bharatanatyam
Minal Prabhu, nattuvangam
Balasubramanya Sharma, chant
G. Gurumurthy, mridangam
Jayaram Kikkeri, flûte
Invocation de Ganesh “Vakratunda”
Shiva Kautwam (Khandanadai Rupaka Tala)
Ardhanarishwara (Rupaka Tala)
Varnam (Adi Tala)
Padam (Adi Tala)
Mira Bhajan (Adi Tala)
Tillana (Khandachapu Triputa Tala/Adi Tala)
J'avais déjà vu la danseuse de bharatanatyam Gayatri Sriram à Mumbai en 2011 et plus récemment au Musée Guimet. Quand elle m'a dit qu'elle allait danser à la Maison de l'Inde à l'invitation de l'Ambassade de l'Inde à Paris, je n'ai pas hésité, mais je suis arrivé très en avance pour pouvoir m'installer au deuxième rang ; la salle n'étant pas en pente et la scène pas très haute, il y avait peu de bonnes places...
Le programme commence par une invocation de Ganesh (“Vakratunda...”). La scène étant exiguë, les musiciens ne sont pas sur le côté, mais entre la scène et les spectateurs. La main droite du chanteur n'étant pas dans mon champ de vision, ce n'est pas ce soir que j'améliorerai ma compréhension des cycles rythmiques (Tala) de la musique carnatique.
Le programme est intitulé Dwitiyam (Dualité). Diverses interprétations en seront proposées dans les différentes pièces. La première est un Shiva Kautwam dont le cycle rythmique utilise des subdivisions en 5 (autrement dit, des quintolets de doubles croches). La dualité explorée ici est celle entre les fonctions créatrice et destructrice de Shiva. (Dans la Trinité hindoue, Shiva est responsable de la destruction, Brahma de la création tandis que Vishnu est le protecteur. Dans le shivaïsme, toutes ces fonctions (et deux autres) sont assurées par Shiva.) Une intéressante image récurrence de ce Kautwam associe création et destruction, Shiva tenant le tambour Damaru dans sa main droite et le feu dans sa main gauche. La pièce avait commencé par une pose représentant Shiva en ascète. Il apparaîtra aussi sous la forme d'une colonne de lumière, ce que je n'avais encore jamais vu dans la danse bharatanatyam. D'autres éléments plus courants sont montrés comme le Trident, le troisième œil (exquisement mis en valeur par la danseuse), les cendres, la Lune, Ganga et peut-être sa marque au niveau du cou.
La pièce suivante Ardhanarishwara sur une musique de M. Dikshitar avait déjà été interprétée par la danseuse au Musée Guimet. Dans mon billet d'alors, j'avais surtout évoqué les trouvailles rythmiques remarquables de cette pièce. Le thème permet aux interprètes de mettre en valeur les contrastes entre la partie droite (Shiva) et la partie gauche (Parvati) de cette forme de la divinité. Dans l'interprétation de Gayatri Sriram, on voit ainsi s'opposer les serpents qui ornent le corps de Shiva aux bijoux de Parvati, la peau de tigre au sari, les cheveux hirsutes de Shiva à ceux bien lisses de Parvati, l'attitude masculine de l'un (mudra Shikhara) à la posture féminine de l'autre (mudra Katakamukha). La fin de la chorégraphie représente aussi des instruments de musique : vînâ, tampura.
La pièce du programme que j'attendais avec le plus grand intérêt était le Varnam centré sur le personnage de Sita. Ce Varnam est très différent de celui qu'a dansé récemment Meenakshi Srinivasan au Musée Guimet. En termes de la dualité énoncée dans le titre du programme, il s'agit ici d'opposer la séparation et la convivialité. Alors qu'elle est séquestrée à Lanka par Ravana, Sita se souvient des bons moments passés avec son époux Rama. Ce Varnam est sans doute un des Varnam les plus narratifs auxquels j'aie assisté, et sans doute un de ceux que j'aie le mieux compris et appréciés. Le seul autre Varnam avec lequel je le puisse comparer est celui de Srithika Kasturi Rangan en février 2010, aussi centré sur le Rāmāyaṇa, et qui avait constitué un tournant dans mon expérience de spectateur (j'ai eu le plaisir de prendre un cours avec cette danseuse en décembre 2013). Je me suis donc délecté sans retenue des épisodes narratifs de ce Varnam : il ne s'agit pas seulement de montrer des actions, mais aussi d'exprimer les sentiments des personnages, qu'ils soient actifs ou passifs, ce que la danseuse a fait avec une certaine subtilité.
Comme le veut la forme, ces épisodes alternent avec des passages
rythmiques. Le premier d'entre eux est intervenu après la mise en place de
la situation dramatique et a comporté quelques éléments expressifs et
narratifs. S'ils ont été impeccablemnet exécutés, je les ai globalement
trouvés trop compliqués rythmiquement, avec notamment beaucoup de
changements dans le Tala Adi (à 8 temps) dont les temps le plus couramment
subdivisés en quatre (Chatushra-nadai) passaient fréquemment en
Tishra-nadai (subdivisions en trois). C'est indubitablement impressionnant
et spectaculaire, mais contrairement à d'autres ce n'est pas du tout ce que
je cherche en tant que spectateur. Cela dit, cette danse comportait
d'amusants clins d'œils qui ont failli me faire glousser, comme certains
déhanchements
de tête placés en des endroits inattendus.
Passons maintenant aux aspects narratifs de ce Varnam. Avoir été enlevée par Ravana, qui comme les autres rakshasas est évoqué par le mudra Shakata (dérivé de Brahmara) qui représente ses dents, Sita est dans le bois d'aśoka à Lanka et se souvient de Rama qui comme dans l'iconographie est reconnaissable à son arc.
Le premier souvenir qui revient à la mémoire de Sita est celui de sa rencontre avec Rama. Elle joue à la balle avec ses amies et la balle s'en va un peu trop loin, près de Rama qui ne peut l'ignorer. Il rend très humblement la balle, mais un intense échange de regards s'opère entre Rama et Sita. Immédiatement Sita se met à brûler d'amour pour lui. Gayatri Sriram a magnifiquement bien interprété ce passage. Cette scène est totalement absente du Rāmāyaṇa de Vālmīki, mais comme j'en ai ensuite discuté avec la danseuse, la tradition du bharatanatyam est telle que tout le monde considère comme allant de soi que c'est ainsi que la rencontre s'est produite. Parmi les détails remarquables de la chorégraphie, j'ai apprécié l'humilité de Rama, ainsi que la comparaison poétique de celui-ci avec la brise fraîche qui apparaît au clair de Lune.
La grande scène de ce Varnam a été le svayamvar de Sita, la cérémonie pendant laquelle un époux lui sera donné. Si, en théorie, la future mariée choisit son époux au cours de cette cérémonie, les exemples épiques la présentent comme une épreuve pour les prétendants (Arjuna, qui doit faire preuve de son habileté à l'arc pour épouser Draupadi) ou pour la mariée (Damayanti qui doit déjouer les ruses des dieux pour reconnaître Nala). L'épreuve que doivent réussir les prétendants est de tendre l'arc de Shiva qui se trouve être en possession de Janaka, le père de Sita. Le concours est annoncé au son du tambour et Sita s'inquiète en voyant les prétendants d'avoir peut-être à épouser un autre que Rama. Le premier prétendant est un démon. Le second un roi. Le troisième est Ravana que la danseuse représente avec ses dix têtes. Surestimant ses capacités, il tente de lever l'arc avec le petit doigt, puis avec deux mains, avant d'échouer lamentablement en mettant à profit les multiples paires de bras qu'il semble posséder. Rama enfin se présente, salue respectueusement l'arc, adresse une prière à Shiva et non seulement tend l'arc, mais il le brise. Heureuse de ce dénouement, Sita entoure son cou d'une guirlande de fleurs. Dans son programme Panchakanya à Mumbai, Gayatri Sriram avait déjà représenté cette scène, mais j'avais alors été quelque peu frustré que seule la réussite de Rama fût représentée. En voyant cette si délicieuse scène prendre de telles proportions dans ce Varnam, mes vœux ont été exaucés !
Vient ensuite la scène dans laquelle Sita demande à Rama de lui rapporter l'antilope dorée. Plus loin, à Lanka, elle reçoit la visite du singe Hanuman (reconnaissable au mudra Mukula) qui avait été envoyé en éclaireur avec comme signe de reconnaissance auprès de Sita un bijou donné par Rama. Sita prie pour que Rama vienne la chercher. Je n'ai pas bien compris la scène suivante dans laquelle l'héroïne exprime une sentiment de rejet ; je n'ai pas saisi où cela s'insérait au juste dans l'épopée. Sita se souvient enfin d'un combat passé de Rama contre des démons avant que le Varnam se conclue sur une lamentation de Sita dans le bois d'aśoka.
Le Padam qui intervient ensuite évoque la dualité entre l'union physique et l'union spirituelle. Radha est nostalgique de son passé amoureux avec Krishna. Ce n'était alors qu'un bouvier qui ensorcelait les filles avec sa flûte et leur faisait quelques friponneries, comme d'accrocher à un arbre leurs vêtements alors qu'elles prenaient leur bain. Cette union physique est suggérée par l'éclosion des lotus et le butinement des abeilles. Maintenant que Krishna est devenu le roi et le cocher d'Arjuna dans la guerre du Kurukshetra, Radha se sent délaissée. La scène du Padam qui représente de la meilleure façon ce basculement vers l'union spirituelle met en scène Radha assise alors qu'elle semble maquiller un jeune homme devant elle. Ce n'est qu'à la fin de la scène qu'elle semble se rendre compte, ainsi que les spectateurs, qu'il ne s'agit que d'une image de Krishna.
La pièce suivante est une merveille. Il s'agit du Mira Bhajan que Gayatri Sriram avait déjà interprété en bis lors de son récital au Musée Guimet. La version présentée alors avait été un peu raccourcie ; cette fois-ci, ce Bhajan en l'honneur de Krishna a pris des proportions plus importantes. La pièce a une forme cyclique. Elle s'ouvre et se termine avec Mirabai assise, jouant d'un instrument à corde pour accompagner son chant faisant l'éloge de Krishna. Le nom de Krishna qui est utilisé ici est Giridhar, celui qui porte la montagne. La gestuelle de la danseuse suggère donc très logiquement cet exploit du jeune Krishna : détournant les bouviers du culte d'Indra, celui-ci s'était vengé en faisant tomber des pluies diluviennes et Krishna avait riposté en procurant un abri aux villageois en soulevant le mont Govardhana d'un seul doigt ! La chorégraphie représente Mirabai tout à son adoration de la petite statuette de Krishna qu'elle possède. Après cette adorable introduction, la danseuse a enchaîné avec la scène du jeu de dés du Mahābhārata que j'avais déjà racontée dans mon compte-rendu de son récital au Musée Guimet. Le moment le plus magique reste la représentation du moment-clef où Krishna intervient pour rallonger par enchantement le sari de Draupadi que Dushasana tente d'enlever. Le plus remarquable est que la danseuse ne représente Krishna qu'une seule fois, mais l'image de la radieuse tranquilité avec laquelle il allonge le sari persiste tellement longtemps que l'on a l'impression qu'il est toujours là !
Le récital s'est conclu par le même Tillana qu'au Musée Guimet. La dualité unit cette fois-ci deux cycles rythmiques. Le Khandachapu Triputa Tala (à 5+4=9 temps) utilisé dans la danse pure alternant avec le Chatushrachapu Triputa Tala (à 4+4=8 temps, autrement dit Adi Tala) utilisé dans les lignes de Sahitya. Je n'ai toujours pas bien saisi les détails évocateurs de ce Tillana, mais il devait aussi opposer Guerre et Paix, et c'est effectivement sur le sentiment de Paix (Shanta) que la pièce s'est terminée.
2014-10-30 13:00+0100 (Orsay) — Culture — Musique — Danse — Danses indiennes
Auditorium du Musée Guimet — 2014-10-24
Meenakshi Srinivasan, bharatanatyam
Jayashree Ramanathan, nattuvangam
K. Hariprasad, chant
V. Vedakrishnaram, mridangam
Kodampalli Gopakumar, violon
Invocation “Mahedeva Suta” (Adi Tala)
Composition de Muthuswami Dikshitar (Mishra Chapu Tala)
Varnam (Raga Mallika, Adi Tala, composé par K. Hariprasad)
Padam “Kodi Koose” (Raga Saurashtram, Adi Tala, composé par Kshetrayya)
Padam (Rupaka Tala, composé par Swati Tirunal, chorégraphie de Bragha Bessell)
Tillana (Raga Sindhu Bhairavi)
Le programme présenté par Meenakshi Srinivasan au Musée Guimet le week-end dernier a été largement renouvelé par rapport au programme centré sur Krishna qu'elle y avait présenté en février 2012. Ce programme a cependant été essentiellement le même que celui qu'elle avait dansé à Bharat Kalachar (YGP Auditorium) à Chennai en décembre 2013. Je l'ai néanmoins revu avec un grand plaisir. Elle est accompagnée par la même nattuvanar (la formidable Jayashree Ramanathan) et le même chanteur K. Hariprasad qui a fait preuve de son grand talent, et ce tout particulièrement dans les Alap très élaborés qu'il a chantés entre les différentes pièces du programme. L'orchestre comprenait aussi un violoniste et un percussionniste qui recevaient souvent des instructions de la nattuvanar, qui semblait se délecter de la danse tout autant que le public tout en étant très concentrée quand il fallait l'être.
Meenakshi Srinivasan est sans doute la danseuse de bharatanatyam la plus
gracieuse parmi toutes celles que j'ai vues ! Sa danse est extrêmement
féminine, elle met davantage en avant la douceur que la force. Je ne
saurais dire si elle dansait déjà comme cela en 2012 ou en 2013 ou s'il
s'agit d'un apport récent à son style personnel, mais dans sa danse pure,
elle prolonge souvent certains mouvements latéraux par une courbure du
torse sur le côté qui est d'une suprême élégance ! À vrai dire, dans les
enchaînements (adavus), les courbures ne sont pas seulement des
ornementations : elles paraissent faire partie intégrante de l'ensemble,
comme si elles constituaient une étape à part entière dans l'adavu. Ainsi,
le dernier temps de tel ou tel adavu n'est pas vide
: il est rempli
par une courbure du torse. Il est à noter que sa danse comporte un nombre
inhabituellement élevé de sauts, mais les réceptions en sont d'une grande
légèreté.
Avant de revenir sur le détail de ce superbe programme, je voudrais toutefois signaler un petit grief contre le style de la danseuse. Quand j'ai appris la série des Marditha Adavus cet été à Delhi avec Arupa Lahiry, elle m'expliquait que pour un certain adavu dans lequel les mains alternent rapidement entre les mudras Katakamukha et Alapadma quand on exécute l'adavu aux deux premières vitesses, il convenait de garder les mains en Alapadma pour la troisième vitesse : la rapidité du tempo empêche de montrer une alternance de mudras bien nets et il est préférable de mettre en valeur le caractère gracieux du mouvement global de la main. Il m'a semblé que lors du récital de Meenakshi Srinivasan, on dépassait parfois le seuil de vitesse au-delà duquel quand bien même les mudras seraient proprement exécutés, ils défileraint trop vite pour ne pas paraître un peu flous au spectateur. Je trouve cela particulièrement perturbant dans les moments où la danseuse est face au public et exécute des mouvements synchronisés des deux bras tendus vers les côtés. Plutôt que de regarder alternativement à droite puis à gauche, la danseuse regarde droit devant, ce qui amoindrit sensiblement à mon goût l'exceptionnelle impression de grâce qu'elle inspire.
Venons-en au programme proprement dit. La première représentation (vendredi) a commencé par un Alap suivi d'une invocation de Ganesh (Mahadeva Suta) ; le texte sera différent le lendemain (Pariparime Padane ?).
La première pièce dansée est une composition de Muthuswami Dikshitar
évoquant Shiva et plus spécifiquement le Seigneur de la danse qui réside à
Chidambaram (je le précise parce que Chidambaram
apparaît dans le
texte de la composition). La danse est très gracieuse. Comme je l'avais
remarqué à Chennai, la danseuse s'écarte de la pratique la plus courante
consistant à souligner la virilité de Shiva : elle montre Shiva sous un
jour extrêmement bienveillant. Il n'inspire aucun effroi quand la danseuse
représente sa chevelure, son troisième œil ou sa peau de tigre. Dans sa
danse pure, je me délecte des courbures du torse et du cou que j'ai
signalées plus haut ; rien que pour cela, je retournerai voir cette
danseuse avec un grand plaisir ! J'apprécie de nombreux détails de son
évocation de Shiva : le flot de Ganga, la marque qu'il porte à son cou et
qui lui vaut le nom de Nilakantha, l'évocation de la danse associée à la
connaissance, au chant et au rythme. Le passage le plus délicieux de cette
pièce a sans doute été celui dans lequel la danseuse mime le jeu d'un
percussionniste en actionnant un mridangam invisible.
Vient ensuite la pièce principale du programme, le Varnam consacré à Sita que la danseuse a créé en 2013 et que j'avais déjà vu à Chennai (où je n'avais pas véritablement pu l'apprécier en raison d'une grande fatigue...). La musique en Raga Mallika est du chanteur K. Hariprasad sur un texte inspiré par le Rāmāyaṇa. Les épisodes ne sont pas tous tirés du Rāmāyaṇa de Vālmīki : certains d'entre eux sont issus de l'imagination d'un poète dont je n'ai pas retenu le nom, mais vu le message féministe de ce Varnam, il s'agit probablement d'un texte contemporain.
Le Varnam s'ouvre par un magnifique lever de Soleil en forêt.
Après avoir été rejetée une première fois par Rama à la fin de la guerre
contre Ravana, Sita s'était infligée l'épreuve du feu pour prouver sa
chasteté, mais après leur retour à Ayodhya, Rama avait davantage fait
confiance à la rumeur publique qu'à son propre jugement et l'avait très
lâchement abandonnée en forêt alors qu'elle était enceinte de deux jumeaux.
La critique féministe que fait ce Varnam porte non seulement sur
l'attitude de Rama qui abandonne Sita comme un vieux chiffon, mais en
mettant en valeur les exceptionnelles qualités de Sita, le Varnam
ridiculise aussi l'héroïsme viril et la divinité de Rama. La chorégraphie a
semble-t-il représenté furtivement la rencontre entre le singe Hanuman venu
en éclaireur et Sita qui se lamentait dans le bois d'aśoka. Celui-ci aurait
pu ramener directement Sita en la portant sur son dos, mais elle avait
refusé pour que Rama puisse faire preuve de ses qualités de guerrier en
venant la récupérer lui-même. Le poème et la chorégraphie du
Varnam vont bien plus loin puisqu'ils suggèrent que Sita (la
déesse née de la Terre) aurait pu tuer elle-même le démon Ravana, mais
qu'elle ne l'avait pas fait par égard pour son mari. Parmi ces épisodes
dont Sita se souvient, le plus marquant se passe pendant son enfance. Elle
n'était pas encore mariée à Rama qui obtiendra sa main en cassant l'arc de
Shiva qu'aucun autre homme ne pouvait soulever. L'épisode se passe alors
que Sita joue à la balle avec ses amies. La balle s'en va au loin et semble
se coincer entre l'arc de Shiva et son support. La seule façon de récupérer
la balle est de soulever l'arc... Alors qu'elle n'est qu'une toute jeune
fille, elle y parvient sans difficulté avant de repartir de plus belle avec
sa balle. Cette espiègle scène a été pour moi le plus irrésistible moment
de ce Varnam. Parmi les autres épisodes narratifs, je crois avoir
aussi reconnu, sans certitude, la scène où Sita demande à Rama de lui
rapporter l'antilope dorée (qui fait partie de la ruse de Ravana pour
enlever Sita). Le Varnam comporte aussi des séquences plus
poétiques, comme quand Sita compare son amour pour Rama au fait qu'une
fleur est inséparable de son parfum, qu'une rivière est indissociable de
ses rives et que les rayons du Soleil ne peuvent exister sans l'étoile. Les
passages narratifs ou évocateurs alternaient avec des passages rythmiques.
Ceux-ci m'ont semblés très variés, notamment en termes de vitesse, et ne
pouvaient susciter que l'admiration quand la nattuvanar prononçait
rapidement trois fois de suite les syllabes Tadim-Ginatom
!
Comme la forme le veut (à ce qu'il me semble), le Varnam se concluait dans la joie, ce qui s'expliquait ici par le fait que Sita, qui en tant que fille de la Terre et ayant pour cette raison un rapport particulier à la nature, avait trouvé dans la forêt un refuge qui lui plût.
(Il est à noter que la pièce avait été introduite par Meenakshi Srinivasan elle-même en français, en utilisant un vocabulaire très raffiné. Lors de la représentation de vendredi, un incident s'est produit pendant ce Varnam : la fixation des grelots de chevilles attachés à sa cheville gauche s'est rompue alors qu'elle était en fond de scène. Il est courant qu'un ou deux grelots ou boucles d'oreilles tombent, mais je n'avais jamais vu ce cas-là. De même qu'il serait impensable d'interrompre un acte d'opéra de Wagner, plutôt que d'insérer une pause pour rattacher ses grelots, la danseuse a décidé de continuer en ne portant des grelots qu'à la cheville droite jusqu'à la fin du Varnam.)
La pièce suivante, la seule que je n'avais pas déjà vue, est un
Padam de Kshetrayya. En termes d'expression, il s'agit sans doute
de la pièce la plus convaincante du récital. Une jeune femme se plaint à
son amie : alors qu'elle se préparait à accueillir au mieux son amant, un
satané coq prétentieux
s'est mis à chanter au plus mauvais moment,
un vrai tue-l'amour. Cela a été un vrai plaisir de voir la danseuse
alterner ses expressions entre la joie de l'attente et la déception, voire
la colère d'entendre le coq intervenir. Elle aura tout tenté pour
l'amadouer, mais il sera un casse-pieds jusqu'au bout, la danseuse
suggérant ses apparitions délicieusement avec le mudra Tamracuda.
L'avant-dernière pièce du récital ne m'a pas complètement convaincu.
J'en ai cependant apprécié davantage de détails que la dernière fois. Il
s'agit d'une chorégraphie de Bragha Bessell sur un poème de Swati Tirunal.
Deux femmes préparent des guirlandes de fleurs, mais elles sont perturbées
par le bruit d'une procession. Elles se demandent de quel dieu il peut bien
s'agir. Ce n'est pas Indra puisqu'il n'a pas le corps recouvert de mille
yeux, ni la Lune (Chandra) parce qu'aucune imperfection ne gâche son
visage. N'ayant pas de troisième œil, ce n'est pas non plus Shiva. Le
sentiment de paix qu'il inspire exclut que ce soit le Soleil (Surya). Il ne
s'agit pas non plus de Kubera, le difforme dieu des richesses (c'est le
seul des cinq que je n'aie pas reconnu cette fois-ci dans la chorégraphie).
Quand la divinité apparaît enfin, il est vraiment dommage que le dieu
(Padmanabha-Vishnu) ne soit pas plus facilement identifiable. La première
fois que j'avais vu cette pièce dansée par Meenakshi Srinivasan, j'avais
pensé que c'était Ganesh : les tout premiers mouvements de la danseuse au
début de la pièce suggèrent les oreilles d'un éléphant et sa démarche de
pachyderme. Peut-être fallait-il simplement comprendre que le cortège
comportait quelques éléphants ? Un peu plus loin, le chanteur semble dire
très distinctement Ganapati
. Vers la fin de la pièce, quand la
divinité associée à la fleur de lotus Kamala et ornée de bijoux apparaît,
debout et tranquille, deux de ses attributs sont suggérés, mais les
mouvements de mains sont trop rapides pour que je sois certain qu'il
s'agisse bien de la conque et du disque de Vishnu. Pour ne pas laisser un
sentiment de frustration chez les spectateurs, peut-être faudrait faire
comme Uma B. Ramesh que
j'ai aussi vue interpréter cette pièce et qui la concluait par une pose
caractéristique de Padmanabha. Parmi les détails que j'ai appréciés dans
cette pièce décidément très riche, je me souviens de l'évocation joyeuse
des hautbois indiens (nadaswaram) qui accompagnent la procession.
Lors du récital de samedi, ce Padam a été remplacé un Meera Bhajan que la danseuse avait déjà interprété au Musée Guimet en 2012. La pose initiale et finale représente Mirabaï jouant du tampura (mais elle n'en actionne pas les cordes, c'est dommage). Elle cherche l'union avec la divinité (Krishna). Elle imagine comment elle pourrait lui être agréable si elle était un poisson, un coucou ou une perle. Elle souhaiterait par exemple n'être qu'une des perles de son collier. (Je rappelle ici que l'histoire de Mirabaï est liée à la citadelle de Chittorgarh au Rajasthan, un des lieux que j'ai préférés en Inde.)
Le récital s'est conclu par le merveilleux Tillana en Raga Sindhu Bhairavi évoquant de façon élaborée l'amour entre une héroïne et Krishna. La fin en a toutefois été légèrement différente qu'à Chennai. Il s'était alors conclu par une extraordinairissime transformation continue du personnage masculin en le personnage féminin (à moins que ce ne soit le contraire). En n'ayant pas revu de transformation d'une telle intensité émotionnelle, je mesure le privilège que j'avais eu de la voir en Inde...
2014-09-19 16:17+0200 (Orsay) — Culture — Musique — Culture indienne — Dhrupad — Voyage en Inde XIII
Experimental Theatre, National Centre for the Performing Arts, Mumbai — 2014-07-24
Gundecha Brothers
Ramakant, Umakant Gundecha, chant dhrupad
Raga Gujari Todi (Chautal, Sultal, Tivratal)
Raga Megh (Tala à 5 temps)
Raga Madamat Sarang (Sultal)
Le lendemain du double récital de manipuri, je retourne de bonne heure au NCPA pour écouter les Gundecha Brothers. De même que Pandit Nirmalya Dey avec qui j'ai pris des cours à Delhi, ce sont des disciples d'Ustad Zia Fariduddin Dagar. Je n'avais pas du tout accroché au concert qu'ils avaient donné en 2008 en clôture des vingt-quatre heures du Râga à la Cité de la Musique. Il m'avait fallu attendre 2001 et un concert d'Ustad Faiyaz Wasifuddin Dagar pour commencer à apprécier le style dhrupad.
Ce nouveau concert des Gundecha Brothers ne m'a apporté pratiquement aucune satisfaction. J'ai juste été content de comprendre pendant le concert la différence entre le Râga Todi que j'ai pratiqué à Delhi et le Râga Gujari Todi qu'ils ont interprété : la quinte (Pa) est absente de Gujari Todi. (Le tampura était accordé différemment aussi, la corde usuellement accordée sur Pa étant semble-t-il accordée en Ni.)
Sinon, ce concert ne m'a pas procuré de réel plaisir et m'a même souvent agacé. La voix des deux chanteurs commence à décliner. Leurs phrases d'Alap sont très loin d'être aussi belles que celles que j'ai pu entendre Nirmalya (ou d'autres) chanter. Ils se répètent beaucoup aussi. Ces griefs ne devraient toutefois pas m'empêcher d'apprécier le concert. Le véritable problème est que les Gundecha Brothers sont deux : ils n'arrêtent pas de se couper la parole. Un sentiment d'ennui peut s'insinuer en raison de l'absence de respiration entre les phrases qui en résulte. À chaque fois que j'avais l'impression qu'un des deux chanteurs allait peut-être chanter une belle phrase, l'atmosphère était ruinée par une intervention intempestive du frère. Si des interventions de ce genre ne sont pas complètement absentes d'autres duos de dhrupad — cela peut arriver accidentellement — les Gundecha semblent les avoir élevées au rang de système. Si encore la note jouée par l'importun était la même ou au moins formait un accord harmonieux avec la note finissant la phrase précédente, ils ne me casseraient pas les oreilles, mais il semble choisir systématiquement celle qui produira la plus vilaine dissonance.
Dans Gujari Todi, la montée vers le Sa (tonique) n'a pas été amenée de façon à créer une attente particulière. La partie Jor de ce Râga a été le seul moment du concert que j'aie trouvée agréable. La composition sur le Râga Megh utilisait un cycle rythmique à cinq temps que je ne connaissais pas.
Le tout dernier Râga m'a donné l'occasion de reconnaître le texte d'une composition que je connaissais (Tumha Rava Tumha Saheba), mais ils l'ont chantée dans un autre Râga : Madamat Sarang au lieu de Vrindavani Sarang. Leur interprétation a été beaucoup moins mélodieuse que celle d'Uday Bhawalkar quand celui-ci avait enseigné la composition lors d'un stage à Utrecht en mars dernier. Ils ont chanté la composition à trois tempi différents, tous très rapides. Si ce n'est l'accélération du tempo, je n'ai pas remarqué de variations particulières d'une vitesse à une autre. Cette accélération produit un certain effet, mais ce n'est vraiment pas de chance pour moi parce que ce n'est pas ce que je cherche dans la musique dhrupad... J'étais semble-t-il assez seul, le reste du public se levant pour faire aux musiciens une standing-ovation.
Bref, j'espérais mieux pour le dernier jour de mon séjour en Inde.
2014-09-06 13:32+0200 (Orsay) — Culture — Musique — Danse — Danses indiennes — Culture indienne — Planning
Après mon séjour en Inde, reprise des activités normales. Voici mon planning de septembre 2014 :
Talents Adamidirigeront l'orchestre Colonne dans un programme assez enthousiasmant a priori (Prokofiev/Chostakovitch/Stavinsky).
2014-07-14 12:08+0530 (কলকাতা) — Culture — Musique — Culture indienne — Voyage en Inde XIII
Écouter du khyal quand on connaît un peu de dhrupad, c'est s'exposer à quelque déception. Vendredi après-midi, je me suis rendu à la station de métro Tollygunge (renommée en Mahanayak Uttam Kumar) pour assister à deux concerts. Étant arrivé en avance, j'ai moyennement apprécié que l'on me fasse patienter un quart d'heure dehors plutôt que de me permettre d'attendre à la réception climatisée. Cela m'a toufeois permis de voir arriver la grosse voiture blanche avec chauffeur de Pandit Ajoy Chakrabarty. Quand je suis entré dans la salle de concert, j'ai constaté que la disposition des lieux avait changé par rapport à la dernière fois. La scène n'est plus au fond, mais sur le côté gauche. Il y a cependant toujours une segrégation, les hommes étant d'un côté et les femmes de l'autre.
ITC Sangeet Research Academy, Kolkata — 2014-07-11
Sohini Koley, chant khyal
Sajoy Adhikary, tabla
Jyoti Goho, harmonium
Raga Bihag
Ayant pratiqué Raga Bihag, j'ai pu suivre ce que faisait la chanteuse pendant son Alap. J'ai beaucoup aimé cet Alap, mais il n'a duré que trois minutes ; elle a ensuite enchaîné immédiatement avec une composition accompagnée d'un percussionniste, et d'un harmoniumiste (qui avait déjà fait quelques interventions pendant l'Alap). Elle alterne lignes de la composition, improvisations et sargam, la vitesse augmentant progressivement. J'ai la désagréable impression que l'interaction entre la chanteuse et le percussionniste était quasi-nulle ; la chanteuse indique de temps en temps au percussionniste le tempo qu'elle souhaite. Sinon, chacun fait son truc dans son coin. Le guru de la chanteuse, Pandit Ajoy Chakrabarty, a fait une apparition vers la fin du récital. Même si je garde le meilleur des souvenirs d'un de ses concerts à la Salle Pleyel, la déférence à son égard m'a semblé quelque peu excessive.
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ITC Sangeet Research Academy, Kolkata — 2014-07-11
Sankumar Debnath, chant khyal
Sajoy Adhikary, tabla
Jyoti Goho, harmonium
Raga Malkauns
Raga Bihag (Tarana en Jhaptal)
Le deuxième chanteur, Sankumar Debnath, relativement jeune lui aussi, commence son programme par Raga Malkauns. Il a davantage d'assurance que la chanteuse qui l'a précédé, et son Alap m'a semblé très bon, mais il n'a pas non plus duré plus de trois minutes... Il a exploré l'octave inférieure jusqu'au Ga (komal) et l'Alap s'est semble-t-il terminé quand il a chanté la note Ma de l'octave médiane. J'ai trouvé cela assez frustant. Il a chanté ensuite une composition en Jhaptal et une autre dans un Tala dont le nombre de temps était une puissance de deux (mais de là à dire laquelle). Après un deuxième raga, il a lui aussi interprété Raga Bihag (que tous semblent prononcer Behag ici), mais j'ai trouvé moins satisfaisant son Alap, un peu brouillon en comparaison de celui de Sohini Koley. La composition qu'il a chantée ensuite était plus enthousiasmante. C'était un Tarana, équivalent des Tillanas de la musique carnatique, dans un rapide Jhaptal dans lequel l'interaction avec le percussionniste a mieux fonctionné. Un quatrième raga a été interprété pour conclure ce programme d'une heure environ.
2014-07-09 19:25+0200 (Aéroport CDG 2) — Culture — Musique — Culture indienne — Dhrupad — Voyage en Inde XIII — Planning
À peu près tous les balletomanes parisiens sont en ce moment-même à l'Opéra Garnier pour les adieux de Nicolas Le Riche, mais de mon côté, je suis enregistré sur le vol 9W123 pour Mumbai. Je ne sais pas encore très bien ce que je verrai en Inde lors de ce treizième voyage, mais j'ai déjà noté trois spectacles :
2014-07-09 14:00+0200 (Orsay) — Culture — Musique — Opéra — Danse — Danses indiennes — Culture indienne — Photographies
Salle Pleyel — 2014-06-02
Les Talens Lyriques
Christophe Rousset, direction musicale
Gyula Orendt, Orfeo
Emöke Barath, Euridice
Carol Garcia, La Musica, La Messagiera, Speranza
Elena Galitskaya, Proserpina, Ninfa
Cyril Auvity, Pastore
Alexander Sprague, Pastore
Nicholas Spanos, Pastore
Daniel Grice, Pastore
Gianluca Buratto, Caronte, Plutone
Damian Thantrey, Apollo
Chœur de l'Opéra de Lorraine
Merion Powell, chef de chœur
Ludovic Lagarde, Sébastien Michaud, création lumières
Orfeo (Monteverdi)
Je regrette presque d'avoir assisté à cette version de concert d'Orfeo qui n'a pas atteint les sommets de la version scénique donnée à la Cité de la musique à l'automne. Il devrait être interdit de modifier les réglages des lumières de la Salle Pleyel pendant qu'un orchestre joue : il est lamentable que le bruit de la motorisation des luminaires gâche ainsi un concert. Du point de vue vocal, les plus grandes sensations sont venues d'Elena Galitskaya.
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Barbican Hall — 2014-06-05
Bernard Haitink, direction
Chamber Orchestra of Europe
Manfred, ouverture (Schumann)
Isabelle Faust, violon
Concerto pour violon (Berg)
Symphonie nº6 Pastorale (Beethoven)
La complexité topologique du Barbican Hall me donne une préfiguration de ce que sera peut-être la future Philharmonie de Paris. Je doute cependant que la nourriture y sera aussi appétissante...
Je n'ai pas accroché au Schumann, j'ai apprécié le concerto pour violon de Berg (plus tonal que je ne l'aurais imaginé) et j'ai évidemment adoré la Symphonie Pastorale qui était la raison de mon déplacement à Londres pour le week-end. C'était tout autant exaltant que la première fois que j'avais entendu le Chamber Orchestra of Europe et Bernard Haitink interpréter cette œuvre.
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Royal Academy of Music — 2014-06-06
Maria Włoszczowska, violon
Schubert, Elgar, Ysaÿe
Le lendemain matin, suivant la suggestion de la meilleure directrice marketing du Chamber Orchestra of Europe, je suis allé à la Royal Academy of Music. Des récitals ou plutôt examens de fin d'année d'étudiants très avancés avaient lieu. La matinée a commencé par un récital de violon de Maria Włoszczowska, magnifique dans Schubert, Elgar et surtout Ysaÿe ! (Il est possible d'écouter certaines de ses interprétations à cette adresse.)
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Royal Academy of Music — 2014-06-06
Tahirah Osborne, soprano
Pawel Siwczak, clavecin
Alexander Rolton, violoncelle
Yi-Ru Hung, piano
Allor ch'io dissi addio (Händel)
An die Laute, An die Sonne, Du liebst mich nicht, An mein Herz (Schubert)
Trois poèmes de Louise de Vilmorin (Poulenc)
Quatre chansons pour enfants (nº1 et 3) (Poulenc)
There's none to soothe, Sweet Polly Oliver (Britten)
Music, when soft voices die, Love's Philosophy (Quilter)
Vient ensuite le récital de la soprano Tahirah Osborne. Je ne sais pas s'il s'agit d'une contrainte de ce type d'examen, mais elle a chanté dans quatre langues : italien, allemand, français, anglais. Certains passages des Lieder de Schubert étaient très émouvants. Sa diction du français, sans être parfaite, était plus que correcte ; il ne m'était ainsi pas nécessaire de lire le texte fourni pour comprendre les Chansons pour enfants de Poulenc.
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Barbican Hall — 2014-06-06
Leonidas Kavakos, violon et direction
London Symphony Orchestra
The Creatures of Prometheus, overture (Beethoven)
Tim Hugh, violoncelle
Enrico Pace, piano
Triple concerto (Beethoven)
Symphonie nº3 en mi bémol majeur Héroïque
(Beethoven)
Délicieux concert du London Symphony Orchestra dirigé par le violoniste Leonidas Kavakos. Je ne dirais pas que c'était un concert extraordinaire, mais j'ai pris beaucoup de plaisir à écouter ces œuvres de Beethoven. L'entente entre les trois solistes dans le Triple Concerto de Beethoven faisait plaisir à voir. Lors de ce concert, j'étais au tout premier rang du Barbican Hall ; certains premiers violons n'arrêtaient pas de me faire des sourires !
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Royal Opera House — 2014-06-07
Robert Carsen, mise en scène
Michael Levine, décors
Falk Bauer, costumes
Jean Kalman, lumières
Philippe Giraudeau, mouvements
Royal Opera Chorus
Renato Balsadonna, chef de chœur
Stephen Westrop, chef de chœur (pour cette production)
Orchestra of the Royal Opera House
Vasko Vassilev, premier violon
Simon Rattle, direction musicale
Yann Beuron, Chevalier de la Force
Thomas Allen, Marquis de la Force, son père
Sally Matthews, Blanche de la Force, fille du marquis
Neil Gillespie, Thierry, Leur valet
Deborah Polaski, Madame de Croissy, prieure
Anna Prohaska, Sœur Constance de Saint Denis
Sophie Koch, Mère Marie de l'Incarnation, sous-prieure
John Bernays, Monsieur Javelinot, Médecin
Emma Bell, Madame Lidoine, La nouvelle prieure
Yvonne Barclay, Sœur Antoine
Katy Batho, Sœur Valentine
Tamsin Coombs, Sœur Gertrude
Eileen Hamilton, Sœur Martha
Anne Osborne, Sœur Anne de la Croix
Deborah Peake Jones, Sœur Saint Charles
Dialogues des Carmélites, Poulenc
Les places debout du Royal Opera House sont d'un rare rapport qualité-prix. On voit toute la scène, pour ainsi dire de face ! J'ai même eu la chance de me tenir au même endroit qu'une certaine Julie Jones, comme le montre cette plaque commémorative :
In Memory of Julie Jones Who Stood Here
J'assistais pour la première fois à une représentation de Dialogues des Carmélites. Je pense que ce n'est pas la dernière ! La mise en scène m'a semblée très réussie. Les lumières étaient remarquables. Du point de vue vocal, je retiens tout particulièrement la performance d'Anna Prohaska dans le joyeux rôle de Constance. Une faute de goût m'a un peu gêné dans l'émouvante scène finale : le son enregistré de la guillotine était un peu cracra...
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Wigmore Hall — 2014-06-08
Atos Trio
Annette von Hehn, violon
Stephan Heinemeyer, violoncelle
Thomas Hoppe, piano
Trio pour piano en ré (Hob. XV:24), Haydn
Trio pour piano en mi mineur op. 90 “Dumky”, Dvořák
Allegro du Trio pour piano en la majeur (Hob. XV:18), Haydn
J'allais pour la première fois au Wigmore Hall pour un concert de musique de chambre. Je n'ai pas été particulièrement ému par ce concert. Le premier trio de Haydn que l'Atos Trio a interprété manquait un peu de mordant. S'ils l'avaient interprété comme ils ont joué le bis (de Haydn aussi), je pense que j'aurais passé un meilleur moment...
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Le jour de mon départ, je me suis promené dans Londres, et je me suis retrouvé à proximité d'une manifestation de Sikhs pour l'indépendance du Khalistan... Trafalgar Square était orange de monde :
Je pense que la National Gallery voisine a rarement vu passer autant de visiteurs sikhs en une journée !
Les autres photographies que j'ai prises à Londres sont visibles là.
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Mairie du troisième arrondissement — 2014-06-12
Jyotika Rao, nattuvangam, chant, danse
Matthias Labbe, mridangam
Joël Riou, tampura
Anjeli, Camille, Laure, bharatanatyam
Allaripu
Prastar (Camille/Anjeli)
Dashavatar (Anjeli)
Shiva Kautukam (Camille)
Jatisvaram (Jyotika/Anjeli)
Ranga Dwara (Camille)
Tillana (Jyotika/Laure)
Nritya Mangalam (Camille)
Je ne suis pas tout à fait objectif pour parler de ce spectacle puisque pendant la première moitié, je jouais du tampura pour accompagner ma professeure Jyotika Rao qui chantait et Matthias Labbe qui jouait du mridangam pour ce récital d'élèves avancées de bharatanatyam organisé à la mairie du troisième arrondissement. Les quatre cordes à vide du tampura sont censées être actionnées de façon indépendante du rythme de la musique, il n'est pas si facile d'en jouer pour accompagner la musique au rythme vif de la danse bharatanatyam, mais je ne m'en suis pas trop mal tiré. Bien que je n'aie vu le récital que de profil, le plus grand moment a été pour moi l'interprétation du Shiva Kautukam par celle-là même qui m'avait tant impressionné il y a un an et demi. J'ai vu cette danseuse interpréter beaucoup d'autres pièces depuis, mais il était particulièrement émouvant pour moi de la revoir tout en participant, très modestement, à la représentation de cette pièce. Je retiens aussi le très beau Dashavatar (avec une mention spéciale pour le nain Vamana) et le magnifique Tillana.
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Salle Pleyel — 2014-06-16
Guy Braunstein, violon
Zvi Plesser, violoncelle
Sunwook Kim, piano
Sonate pour violon et piano en la majeur (Franck)
Trio pour violon, violoncelle et piano en la mineur (Ravel)
Trio pour violon, violoncelle et piano n°1 en si bémol majeur, op. 99 (Schubert)
Andante con moto du Trio pour violon, violoncelle et piano n°2 en mi bémol majeur, op. 100 (Schubert)
Merveilleux concert de musique de chambre ! Que l'on décide d'écouter ce qui paraît au premier plan ou que l'on tente de percevoir l'arrière-plan, tout semble magnifique... Les phrasés du violoncelliste Zvi Plesser étaient particulièrement beaux.
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Opéra Garnier — 2014-06-23
Felix Krieger, direction musicale
Orchestre de l'Opéra National de Paris
Ballet de l'Opéra
Frédéric Chopin, musique (Mazurkas op. 6 nº2 et nº4, op. 7 nº4 et nº5, op. 24 nº2, op. 33 nº3, op. 56 nº2, op. 63 nº3 ; Valse op. 34 nº2, op. 69 nº2 ; Grandes valses brillantes op. 34 nº1 et op. 42 ; Études op. 25 nº4, nº5 et op. 10 nº2 ; Scherzo nº1 op. 20 ; Nocturne op. 15 nº1)
Jerome Robbins, chorégraphie (1969) réglée par Jean-Pierre Frohlich
Joe Eula, costumes
Jennifer Tipton, lumières
Vessela Pelovska, piano
Mathieu Ganio, en brun
Nolwenn Daniel, en jaune
Josua Hoffalt, en vert
Ludmila Pagliero, en rose
Karl Paquette, en violet
Charline Giezendanner, en bleu
Christophe Duquenne, en bleu
Amandine Albisson, en mauve
Aurélie Dupont, en vert
Emmanuel Thibault, en rogue brique
Dances at a gathering
César Franck, musique (1890)
Alexei Ratmansky, chorégraphie
Karen Kilimnik, décors
Adeline André, costumes
Madjid Hakimi, lumières
Accentus
Christophe Grapperon, chef du chœur
Laëtitia Pujol, Psyché
Marc Moreau, Eros
Alice Renavand, Vénus
Christelle Granier, Caroline Robert, Les deux Sœurs
Daniel Stokes, Simon Valastro, Adrien Couvez, Alexandre Labrot, Quatre Zéphirs
Psyché
Pas grand'chose à dire sur ce programme de danse du ballet de l'Opéra. S'il a comporté quelques beaux moments (dont le lancé de Nolwenn Daniel dans les airs magnifiquement rattrapée par Christophe Duquenne, une manœuvre spontanément applaudie par le public), j'ai trouvé Dances at a gathering de Robbins long, très long... Sinon, même avec de nouveaux costumes et la magnifique Laëtitia Pujol, Psyché de Ratmansky ne m'a pas convaincu. Par exemple, la chorégraphie du lancer de flèches par Eros est d'une très grande faiblesse par rapport à ce que je vois régulièrement dans la danse bharatanatyam quand Kama est représenté. Il reste néanmoins quelques photographies des saluts :
Charline Giezendanner, Christophe Duquenne
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Centre Jean Bosco — 2014-06-28
Élèves de Jyotika Rao, bharatanatyam
Alarippu
Shri Gana Natha
Jatiswaram
Varnam
Tillana
Récital de fin d'année des élèves de Jyotika Rao dont je fais partie. Diverses combinaisons d'élèves (duo, trio, quatuor) ont été présentées (la liste des pièces ci-dessus n'est pas exhaustive). Je dansais avec une autre élève Shri Gana Natha qui comporte une partie rythmique de danse pure et une partie évoquant Ganesh (Shloka) ; cela a dû durer à peine trois minutes en tout. Nous avons dansé tous les deux la partie rythmique, mais c'est moi qui ai dansé le Shloka et avais présenté les mouvements pour expliquer ce dont il allait s'agir au public. Cette explication était vraiment nécessaire parce que je pense que si j'avais vu cette pièce sans l'avoir travaillée, je n'y aurais pas compris grand'chose !
Si tout le programme s'est bien passé, deux pièces ont sans doute été plus remarquables que d'autres : le Varnam évoquant Muruga et dans lequel apparaît Kama, et le fabuleux Tillana qui a conclu le récital, deux pièces déjà dansées par Jyotika Rao au Centre Mandapa.
2014-07-08 22:00+0200 (Orsay) — Culture — Musique — Opéra — Danse — Danses indiennes — Culture indienne
Pour le mois de mai, je ne suis pour le moment revenu que sur le récital de bharatanatyam de Jyotika Rao au Centre Mandapa. Voici mes brèves impressions sur les autres spectacles vus au cours de ce mois :
Salle Pleyel — 2014-05-03
Ballet royal du Cambodge
Son Altesse Royale la Princesse Norodom Buppha Devi, chorégraphie
Ombres et lumières
J'ai été moins enthousiasmé par ce spectacle du Ballet Royal du Cambodge que par celui que j'avais vu en 2010. Pourtant, il s'est agi d'une adaptation du Ramayana, un texte que j'apprécie beaucoup. Ce spectacle-ci m'a semblé beaucoup moins dansé que le précédent. Il associait pantomime et théâtre d'ombre. Pas de corps de ballet. Je suis resté sur ma faim. Je suis néanmoins fasciné par l'extrême concavité que peuvent adopter les mains des interprètes.
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Théâtre du Châtelet — 2014-05-05
Jean-Yves Ossonce, direction musicale
Vishal Bhardwaj, mise en scène
Sudesh Adhana, scénographie et chorégraphie
Gunjan Arora & Rahul Jain, costumes
Dadi Pudumjee et The Ishara Puppet Theatre Trust, création des marionnettes
Renaud Corler, lumières
Orchestre Symphonique Région Centre-Tours
Chœur du Châtelet
Stephen Betteridge, chef de chœur et assistant du directeur musical
Paulina Pfeiffer, Kumudha
David Curry, Le Prince
Franco Pomponi, Le Narrateur
Ella Fiskum, danseuse soliste alter ego de Kumudha
Sudesh Adhana, danseur soliste alter ego du Prince
Dadi Pudumjee, Vivek Kumar, Simon T Rann, marionnettistes
A Flowering Tree, John Adams.
Il n'y a pas grand'chose à sauver de cette triste production de A Flowering Tree de John Adams, un opéra inspiré d'un conte indien : Kumudha, une jeune femme, possède le pouvoir de se métamorphoser en arbre en fleurs, ce qui la conduit à épouser un prince ; la sœur de celui-ci lui demande de se métamorphoser, mais ne se soucie pas de la faire reprendre son apparence initiale ; Kumudha devient difforme, et après une longue séparation, elle finit par retrouver son mari et son apparence. Le livret contient les rôles de Kumudha, du prince et un narrateur. Les personnages secondaires sont représentés par des marionnettes. C'est triste à dire, mais les passages les plus émouvants sont venus de ces marionnettes, ainsi que de la danseuse Ella Fiskum qui par ses mouvements suggérait la transformation en arbre. Il est manifeste qu'elle a intégré certains codes des danses indiennes dans son interprétation. Le chorégraphe Sudesh Adhana, qui dansait aussi, m'a semblé beaucoup moins convaincant...
Si certains (comme le critique Renaud Machart) ont trouvé le chœur remarquable d'un point de vue vocal, pour ce qui est des positions des mains empruntées aux danses indiennes, je trouve que cela manquait de travail. Il y avait essentiellement une seule position à retenir, Alapadma, qui évoque l'éclosion d'une fleur. Le moins que je puisse dire est que la plupart des fleurs évoquées par les choristes avaient triste mine, tout comme les affreux costumes...
⁂
Salle Pleyel — 2014-05-06
Orchestre Colonne
Laurent Petitgirard, direction
Mémoire du vent (Florent Motsch)
Juliana Steinbach, piano
Concerto pour piano et orchestre (Schumann)
Concerto pour orchestre (Bartók)
J'ai adoré l'œuvre contemporaine de Florent Motsch qui m'a fait penser au style spectral de Gérard Grisey. J'ai joyeusement détesté le concerto pour piano de Schumann ; bien qu'abhorrant ce compositeur, j'arrive en général à apprécier ce concerto espiègle, mais cette fois-ci je n'ai pas du tout aimé le jeu de la pianiste. En revanche, le concerto de Bartók était phénoménal !
⁂
Amphithéâtre de la Cité de la musique — 2014-05-07
Ensemble De Caelis
Laurence Brisset, direction, chant
Alia Sellami, chant arabe traditionnel
Estelle Nadau, chant
Florence Limon, chant
Caroline Tarrit, chant
Marie-George Monet, chant
Monodies, conduits et motets des XIIIe et XIVe siècles
Déserts (Jonathan Bell)
J'ai passé un plutôt bon moment pendant ce concert de musique a capella. Je me suis quelque peu inquiété à l'écoute de la première pièce, une monodie. Les œuvres polyphoniques qui ont suivi m'ont davantage plu. Bien qu'elles soient semble-t-il assez peu variées, j'ai aimé les ornementations présentes dans cette musique ancienne. Les plus beaux moments du concert sont toutefois venus des improvisations de chant arabe traditionnel d'Alia Sellami qui se greffait tout d'abord au chœur puis prenait parfois son indépendance. La deuxième partie du concert constituée de la pièce Déserts de Jonathan Bell était moins exaltante que la première.
⁂
Opéra Bastille — 2014-05-10
Chœur et Orchestre de l'Opéra national de Paris
Ballet de l'Opéra
Philippe Jordan, direction musicale
Alessandro Di Stefano, chef du chœur
Georges Bizet, musique (Symphonie en ut majeur)
George Balanchine, chorégraphie
Christian Lacroix, costumes
Madjid Hakimi, réalisation des lumières
Colleen Heary, répétitions
Amandine Albisson, Mathieu Ganio
Marie-Agnès Gillot, Karl Paquette
Ludmila Pagliero, Emmanuel Thibault
Nolwenn Daniel, Pierre-Arthur Raveau
Le Palais de cristal
Maurice Ravel, musique (version intégrale, 1912)
Benjamin Millepied, chorégraphie
Daniel Buren, scénographie
Holly Hynes, costumes
Madjid Hakimi, lumières
Sébastien Marcovici, assistant du chorégraphe
Aurélie Dupont, Chloé
Hervé Moreau, Daphnis
Eleonora Abbagnato, Lycénion
Alessio Carbone, Dorcon
François Alu, Bryaxis
Daphnis et Chloé (création)
J'allais assister à cette représentation un peu à reculons, mais je dois avouer que ce programme m'a semblé être une grande réussite. Le corps de ballet et de nombreux solistes ont brillé dans Le Palais de cristal de Balanchine. Mention spéciale à Amandine Albisson et les élégants entrechats qu'elle a interprétés portée par son partenaire. Je me suis néanmoins ennuyé pendant le mouvement lent de la Symphonie de Bizet interprété par Karl Paquette et Marie-Agnès Gillot (laquelle était complètement à côté de sa ligne lors du finale quand les solistes sont tous rassemblés et en principe alignés...).
Si les aspects narratifs et expressifs étaient assez peu développés dans Daphnis et Chloé de Millepied au point de rendre presqu'anecdotiques les deux rôles principaux (pourtant interprétés par Aurélie Dupont et Hervé Moreau), le public s'est enthousiasmé lors de l'incroyable solo de François Alu (Bryaxis). On ne voyait que lui, ainsi que Léonore Baulac ! Je ne suis habituellement pas un grand admirateur de Philippe Jordan, mais je dois admettre que l'œuvre de Ravel m'a semblé magnifiquement interprétée. Sinon, je n'ai aucun commentaire à faire sur la scénographie de Daniel Buren parce que manifestement les personnes assises au parterre n'ont pas du tout vu la même chose que moi depuis un des coins du deuxième balcon.
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Salle Pleyel — 2014-05-17
Philippe Aïche, violon solo
Orchestre de Paris
Andris Poga, direction
Jean Manifacier, mise en scène
Patrick Pleutin, décor
Vincent Malone, présentation
Sept danses d'après Les Malheurs de Sophie (Jean Françaix)
Métamorphoses symphoniques sur des thèmes de Carl Maria von Weber (Scherzo), Hindemith
Sérénade pour cordes op. 48 (Pezzo in forma di sonatina), Tchaikovski
Carmen Suite (Boléro), Rodion Shchedrin
The Young Person's Guide to the Orchestra op. 34, Variations et fugue sur un thème de Purcell (Britten)
Candide, ouverture (Bernstein)
Sympathique concert pour jeune public de l'Orchestre de Paris auquel se sont joints des moins jeunes qui étaient venus écouter l'œuvre de Britten qui était programmée, très agréable à écouter, mais sans doute pas la plus géniale du compositeur.
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Opéra de Massy — 2014-05-18
Orchestre de l'Opéra de Massy
Chœurs Les Cris de Paris
Compagnie Julien Lestel
Les Enfants de la Comédie
Dominique Rouits, direction musicale
Nadine Duffaut, mise en scène
Emmanuelle Favre, décors
Danièle Barraud, costumes
Jacques Benyeta, éclairages
Julien Lestel et Mallika Thalak, chorégraphies
Constantin Rouits, chef assistant
Mathieu Pordoy, chef de chant
Geoffroy Jourdain, chef de chœur
Vennina Santoni, Leïla
Julien Dran, Nadir
Alexandre Duhamel, Zurga
Jérôme Varnier, Nourabad
Mallika Thalak, danseuse soliste
Les Pêcheurs de perles
J'ai assisté à cette représentation des Pêcheurs de perles pour voir Mallika Thalak, une de mes danseuses de bharanatyam préférées. Le livret de l'opéra n'est pas très informé sur la culture hindoue : on y vénère très étrangement Brahma et la blanche Shiva... Une particularité de la musique est d'utiliser un leitmotif mélodique qui revient régulièrement dans la pièce, ce qui est d'autant plus agréable pour l'auditeur que cette mélodie est tirée du très beau C'est elle, c'est la déesse. Bref, cet opéra n'est pas un chef d'œuvre absolu, mais ce n'est pas si mal, pour un opéra français. La production est assez traditionnelle. Si on laisse de côté quelques affreux décors peints, c'est plutôt bien fait. J'ai particulièrement aimé les costumes, qui s'inspirent des costumes royaux moghols pour Zurga et qui utilisent toute la palette de couleurs pour les villageois, ce qui était du meilleur effet dans le dernier acte. Pour ce qui est des chanteurs, la seule réserve que j'ai eue, pendant le premier acte, concernait l'interprète de Leïla, qui ne m'a pas convaincu pendant les passages vocaux les plus acrobatiques ; une fois cette séquence passée, mes réserves se sont évanouies.
J'étais donc venu pour voir Mallika Thalak, et je ne l'ai pas regretté ! Le spectacle comportait des passages dansés. Il y avait du spectaculaire avec les danseurs et danseuses de la compagnie Julien Lestel, mais il y avait aussi des passages plus émouvants du fait de la présence de Mallika Thalak. C'est d'ailleurs elle qui ouvrait le spectacle en suggérant l'éclosion d'un lotus. Elle accompagnait les mouvements d'ensemble du chœur dont elle a supervisé la chorégraphie. Le moins que je puisse dire est que les choristes de cette production faisait beaucoup mieux le mudra Alapadma que ceux du Théâtre du Châtelet dans l'opéra A Flowering Tree mentionné plus haut ! (Il faut aussi mentionner les mouvements empruntés aux danses indiennes réalisés par les solistes : c'était très convaincant, et quand la prêtresse Leïla présentait symboliquement le feu à la divinité, ses mouvements étaient d'une justesse rare.) Dans certaines séquences, la danseuse Mallika Thalak apparaissait pour accompagner des passages chantés. Le plus beau de ces moments est intervenu avec l'air du ténor vers la fin du premier acte. Alors que le chanteur interprétait son air (en adoptant une posture assez statique), le sens des paroles était traduit en mouvement par la danseuse. C'était extrêmement émouvant ! et la vitesse modérée des mouvements permettait d'en apprécier encore davantage la beauté. L'Inde (ou plutôt le Sri Lanka) qui est représentée dans l'opéra est évidemment l'Inde phantasmée de l'époque de la composition, mais la danse présentée par Mallika Thalak m'a remarquablement semblée tout à fait respectueuse de la tradition.
(La moyenne d'âge des spectateurs de la représentation de ce dimanche après-midi devait être voisine ou supérieure à 60 ans. Avec la politique tarifaire de l'Opéra de Massy, ce n'est pas très étonnant. Certes, le modèle économique de l'opéra est fragile, mais que la griffe tarifaire se réduise à deux catégories (78€ en première catégorie, 72€ en deuxième) me semble relever d'une scandaleuse injustice sociale. Certes, c'est un tout petit peu moins hors de prix pour les habitants de Massy, mais sur le chemin du retour, je me suis dit qu'il ne devait pas y avoir beaucoup de lyricomanes parmi les personnes habitants entre la gare et l'opéra, puisqu'ils ont le malheur d'habiter la commune voisine d'Antony...)
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Temple de Pentemont — 2014-05-23
Orchestre des Concerts Gais
Alexandre Korovitch, direction
Yannick Henri, piano
Concerto pour piano nº3 (Beethoven)
Marc Korovitch, direction
Symphonie nº35 (Mozart)
Pour ce concert gai, le temple de Pentemont avait une acoustique déplorable. J'ai beaucoup aimé le jeu du pianiste Yannick Henri dans le Concerto nº3 de Beethoven et j'ai adoré la Symphonie nº35 de Mozart dirigée par Marc Korovitch (qui reviendra une dernière fois diriger cet orchestre amateur fin novembre dans la Cinquième symphonie de Beethoven !).
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Amphithéâtre de la Cité de la musique — 2014-05-24
Isabelle Druet, mezzo-soprano
Vanessa Wagner, piano
Chansons de Bilitis (Debussy)
La Mort d'Ophélie (Berlioz)
Préludes pour piano (Dutilleux)
Chanson de la déportée (Dutilleux)
La Geôle (Dutilleux)
Gibet (Ravel)
Clair de lune (Fauré)
Plutôt un bon moment sur l'instant, ce concert ne me laisse pour ainsi dire aucun souvenir un mois et demi après.
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Cité de la musique — 2014-05-24
Chamber Orchestra of Europe
Semyon Bychkov, direction musicale
Symphonie nº8 “Inachevée” (Schubert)
Renaud Capuçon, violon
Concerto pour violon nº2 (Mendelssohn)
Mélodie (Gluck)
Symphonie nº7 (Beethoven)
Je n'aime pas beaucoup le chef Semyon Bychkov. La symphonie nº7 de Beethoven qu'il a dirigée ne pouvait évidemment pas rivaliser avec celle que Yannick Nézet-Séguin avait obtenu avec ce même orchestre à Édimbourg, mais elle a toutefois comporté de très beaux moments (en particulier dans les deux derniers mouvements).
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Cité de la musique — 2014-05-25
Quatuor Les Dissonances
David Grimal, Hans Peter Hofmann, violons
David Gaillard, alto
Xavier Phillips, violoncelle
Ainsi la nuit... (Dutilleux)
Les Dissonances
Mystère de l'instant (Dutilleux)
Symphonie nº1 (Brahms)
De ce week-end Dutilleux, je me souviens surtout avoir apprécié Mystère de l'instant, qui présente l'originalité d'associer aux instruments à cordes de l'orchestre un cymbalum, cet instrument que l'on n'entend plus guère que dans le métro.
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Cité de la musique — 2014-05-26
Les Siècles
François-Xavier Roth, direction musicale
Symphonie nº5 (Beethoven)
Muss es sein? (Dutilleux)
Métaboles (Dutilleux)
Gautier Capuçon, violoncelle
Tout un monde lointain (Dutilleux)
L'Apprenti sorcier (Dukas)
Je n'ai aucun souvenir des œuvres de Dutilleux programmées ce soir-là, mais je retiens bien sûr L'Apprenti sorcier de Dukas que j'entendais pour la première fois en concert, et surtout la Symphonie nº5 de Beethoven phénoménale qu'ont interprété les musiciens des Siècles.
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Espace Jemmapes — 2014-05-31
Élèves de Kalpana
Mallari
Kautwam (Ganapati)
Kautwam (Murugan)
Jatiswaram
Kautwam (Shiva)
Jatiswaram
Dashavatar
Javali
Kirtana
Javali
Ashtapadi
Récital de fin d'année des élèves de bharatanatyam de Kalpana. Je retiens quelques pièces spectaculaires (les Kautwams) et surtout quelques délicieux pièces et parmi elles tout particulièrement le Javali dédié à Kama.
2014-07-07 14:56+0200 (Orsay) — Culture — Musique — Danse — Théâtre
Salle Pleyel — 2014-04-01
Mariss Jansons, direction
Royal Concertgebouw Orchestra
Frank Peter Zimmermann, violon
Concerto pour violon et orchestre nº3 en sol majeur, KV 216 (Mozart)
Symphonie nº7 en mi majeur (Bruckner)
Trois mois après, je n'ai aucun souvenir de la septième de Bruckner, mais je retiens l'extraordinaire talent du violoniste Frank Peter Zimmermann !
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Opéra Garnier — 2014-04-05
Élèves de l'école de danse de l'Opéra
Orchestre des Lauréats du Conservatoire
Marius Stieghorst, direction musicale
Johann Sebastian Bach, musique (Concerto pour clavier et orchestre en ré mineur, BWV 1052)
Claude Bessy, chorégraphie
Ellina Akimova, piano
Concerto en ré
Holger Simon Paulli, musique
August Bournonville, chorégraphie (1858) réglée par Jacques Namont et Francesca Zumbo
Barbara Creutz-Pachiaudi, décors
Anaïs Kovacsik, Chun Wing Lam
La Fête des fleurs à Genzano
Edvard Helsted, Holger Simon Paulli, musique
August Bournonville, chorégraphie (1842) réglée par Élisabeth Platel
Barbara Creutz-Pachiaudi, décors
Napoli (Pas de six et Tarentelle)
Darius Milhaud, musique (1937)
Camille Saint-Saëns, Piotr Ilyitch Tchaikovski, Ludwig Minkus, rythmes de Bulerías, musiques additionnelles
José Martinez, scénario, chorégraphie et scénographie
Agnès Letestu, costumes
Gaëlle Sadaune, Tristan Lofficial, pianos
Andrea Sarri, Scaramouche
Scaramouche
Stephen Collins Foster, musiques (Chansons populaires de l'Ouest américain (1844-1864) interprétées par Thomas Hampson)
John Neumeier, chorégraphie, costumes et lumières (1996) réglée par Marianne Kruuse et Yohan Stegli
Yondering
Comme chaque année, j'ai assisté au spectacle de l'école de danse de l'Opéra, un des plus délicieux moments de la saison de danse. De Scaramouche, je retiens le bref moment où la musique et la chorégraphie se sont mis à évoquer la descente des ombres de La Bayadère. À ma grande surprise, l'œuvre la plus passionnante a peut-être été pour moi Yondering de Neumeier. Je me suis aussi délecté des œuvres de Bournonville et de la première pièce Concerto en ré de Claude Bessy qui pourrait aussi bien s'appeler Alarippu tant la similitude formelle est grande entre cette chorégraphie et le type de pièces de bharatanatyam portant ce nom : elles évoquent l'éclosion de la danse par la mise en mouvement progressive des différentes parties du corps des danseurs.
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Salle Pleyel — 2014-04-07
Le Concert des Nations
Manfredo Kraemer, premier violon
Jordi Savall, direction
Music for The Tempest (Matthew Locke)
Concerto en fa majeur La Tempesta di mare pour flûte solo et cordes RV 433 op. 10 nº1 (Vivaldi)
Les Élémens (Jean-Féry Rebel)
Alcione : Airs pour les Matelots et les Tritons (Marin Marais)
Le Quattro Stagione : Concerto pour nº4 en fa majeur pour violon solo et cordes L'Inverno RV 297 op. 8 nº4 (Vivaldi)
Orages, tonnerres et tremblemetns de terre : Les Indes Galantes, Les Boréades, Hippolyte et Aricie, Zoroastre (Rameau)
J'écoute toujours avec un très grand plaisir Le Concert des Nations. Cette fois-ci, j'ai particulièrement aimé le style de direction de Jordi Savall, très souple dans ses mouvements mais néanmoins très précis dans sa battue. Le programme présentait diverses scènes de tempête (ce qui était assez raccord avec la météo de ce jour-là si je me souviens bien). Si j'ai été admiratif de l'audace du violoniste Manfredo Kraemer dont j'ai trouvé l'interprétation très intéressante dans L'Hiver de Vivaldi, il m'a parfois semblé que la virtuosité de l'œuvre le poussait parfois un peu trop près de ses limites.
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Théâtre des Champs-Élysées — 2014-04-08
Jonas Kaufmann, ténor
Helmut Deutsch, piano
Winterreise (Schubert)
Si j'avais été bouleversé par l'interprétation de Jonas Kaufmann de La Belle Meunière en 2010, j'ai été moins enthousiaste par ce Voyage d'hiver. C'était vraiment très bien, mais je n'ai pas subi le raz de marée émotionnel escompté. Mon placement à l'un des côté du deuxième balcon du TCE n'a sans doute pas aidé...
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Salle Pleyel — 2014-04-10
Roland Daugareil, violon solo
Orchestre de Paris
Cornelius Meister, direction
Hans Heiling, ouverture (Marschner)
David Bismuth, Adam Laloum, Emmanuel Christien, pianos
Concerto nº7 pour trois pianos, en fa majeur, KV 242 (Mozart)
Symphonie nº3 Écossaise
(Mendelssohn)
Je me souviens avoir pris beaucoup de plaisir à l'écoute de la Symphonie écossaise. A posteriori, la programmation du concerto nº7 pour trois pianos de Mozart ne paraissait pas indispensable.
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Salle Pleyel — 2014-04-13
Quatuor Artemis
Vineta Sareika, Gregor Sigl, violons
Friedemann Weigle, alto
Eckart Runge, violoncelle
Quatuor nº14 en ré mineur D. 810 “La Jeune Fille et la Mort” (Schubert)
Officium breve In memoriam Andreae Szervánszky, op. 28 (György Kurtág)
Elisabeth Leonskaja, piano
Quintette pour piano et cordes en fa mineur op. 34 (Brahms)
Au cours de ce programme du quatuor Artemis, j'ai vécu un des plus beaux moments de musique de chambre de toute la saison avec le merveilleux Officium breve In memoriam Andreae Szervánszky de Kurtág.
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Salle Pleyel — 2014-04-14
Russian National Orchestra
Mikhaïl Pletnev, direction
Roméo et Juliette, extraits (Prokofiev)
Nikolaï Lugansky, piano
Concerto pour piano nº3 (Prokofiev)
La Belle au bois dormant, suite, arranement de Mikhaïl Pletnev (Tchaikovski)
On est rarement décu par le Russian National Orchestra... surtout avec un programme pareil !
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Théâtre des Champs-Élysées — 2014-04-26
Orchestre de chambre de Paris
Thomas Zehetmair, direction
Strange Ritual (Manoury)
François Leleux, hautbois
Concerto pour hautbois (Strauss)
Symphonie nº3 Rhénane (Schumann)
L'extraordinaire François Leleux a joué le concerto pour hautbois de Strauss avec l'Orchestre de Chambre de Paris. Je suis parti juste après pour être sûr de rentrer de très bonne humeur chez moi.
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Théâtre des Bouffes du Nord — 2014-04-29
Kathryn Hunter, Marcello Magni, Jared McNeill
Raphaël Chambouvet, Toshi Tsuchitori, musiciens
Philippe Vialatte, lumières
Arthur Franc, réalisation des éléments scéniques et régie plateau
Alice François, assistante costumes
Pierre-Heli Monot, surtitrage
Peter Brook, Marie-Hélène Estienne, recherche théâtrale
The Valley of Astonishment (création)
J'apprécie énormément le travail de Peter Brook. Avec Marie-Hélène Estienne, il présentait ce jour-là la première d'une recherche théâtrale intitulée The Valley of Astonishment. Avec très peu de moyens (quelques chaises, une ou deux tables), trois comédiens et deux musiciens, ce spectacle a évoqué divers aspects étonnants du cerveau humain. Un personnage ne pouvait bouger ses membres normalement : il devait les voir pour les animer d'un mouvement. Un autre associait des couleurs à des émotions. Une autre enfin, le personnage le plus émouvant du spectacle interprété par Kathryn Hunter, disposait d'une mémoire colossale. Elle n'oubliait rien, pas le moindre détail : une telle faculté peut paraître intéressante dans certains contextes, mais elle peut aussi s'avérer envahissante...
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Cité de la musique — 2014-04-30
Roland Daugareil, violon solo
Orchestre de Paris
Paavo Järvi, direction
Une nuit sur le mont Chauve (Moussorgsky)
Tatjana Vassiljeva, violoncelle
Concerto pour violoncelle nº1 (Chostakovitch)
Valses nobles et sentimentales, version pour orchestre (Ravel)
Métamorphoses symphoniques sur des thèmes de Carl Maria von Weber (Hindemith)
Enthousiasmant concert de l'Orchestre de Paris dirigé par Paavo Järvi et
de la violoncelliste Tatjana Vassiljeva. Les Valses nobles et
sentimentales de Ravel m'ont paru quelque peu incrongrues entre
Moussorgsky, Chostakovitch et Hindemith (lequel a inclus un délicieux
mouvement utilisant une gamme chinoise
dans ses Métamorphoses
symphoniques sur des thèmes de Carl Maria von Weber).
2014-07-07 10:00+0100 (Orsay) — Culture — Musique — Opéra — Danse — Culture indienne — Dhrupad
Pour le mois de mars, j'ai déjà eu l'occasion de revenir sur le récital de Gayatri Sriram au Musée Guimet et sur le Dhrupad Festival à Utrecht. Voici de brefs souvenirs des autres spectacles que j'ai vus au cours de ce mois :
Cité de la musique — 2014-03-01
Les Dissonances
David Grimal, violon
Concerto pour violon et orchestre nº4 en ré majeur, KV 218 (Mozart)
Vicent Alberola, clarinette
Concerto pour clarinette en la majeur, KV 622 (Mozart)
Concerto pour violon et orchestre nº5 en la majeur, KV 219 (Mozart)
Très beau concert des Dissonances. L'orchestre et le soliste David Grimal m'ont semblé particulièrement magnifiques dans le Cinquième concerto pour violon de Mozart. J'ai apprécié aussi le clarinettiste Vicent Alberola aux très subtils pianissimi dans le concerto pour clarinette en la majeur. (Cela n'efface cependant pas tout à fait de ma mémoire l'interprétation de Romain Guyot avec le Chamber Orchestra of Europe.)
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Opéra Garnier — 2014-03-03
Ballet de l'Opéra
Orchestre Colonne
Horton Gould, musique
Agnès De Mille, chorégraphie (1948), réglée par Paul Sutherland
Oliver Smith, décors
Miles White, costumes
Pascal Mérat, lumières
Alice Renavand, L'Accusée
Vincent Chaillet, Le Pasteur
Laurence Laffon, La Mère de l'Accusée
Stéphanie Romberg, La Belle-mère de l'Accusée
Christophe Duquenne, Le Père de l'Accusée
Léonore Baulac, L'Accusée enfant
Sébastien Bertaud, Le Porte-parole du jury
Juliette Gernez, Hugo Marchand, Nocturne
Fall River Legend, ballet en un prologue et huit scènes
Ture Rangstrom, musique
Hans Grossman, arrangements musicaux et orchestration
Birgit Cullberg, chorégraphie (1948), réglée par Ana Laguna
Sven X:et Erikson, décors et costumes
Erik Berglund, lumières
Katrin Brannstrom, responsable technique pour les décors et costumes
Monika Mengarelli, Agneta Valcu, répétitions
Aurélie Dupont, Mademoiselle Julie
Nicolas Le Riche, Jean
Amélie Lamoureux, Kristin
Michaël Denard, Le Père de Julie
Alessio Carbone, Le Fiancé de Julie
Charlotte Ranson, Clara, La Fille du garde-forestier
Aurélien Houette, Anders
Takeru Coste, L'Ivrogne
Jean-Christophe Guerri, Andrey Klemm, Richard Wilk, Les trois vieilles Femmes
Mademoiselle Julie, ballet en quatre tableaux d'après la tragédie naturaliste en un acte d'August Strindberg
Pour ce programme de ballet, malgré un placement exceptionnel au parterre dû à des ventes promotionnelles, j'ai été globalement plus enthousiasmé par la musique que par la danse. Si je me souviens bien ma préférence allait à Fall River Legend, surtout pour la musique : j'avais ainsi été un peu déçu par l'expression d'Alice Renavand que j'ai connue plus bouleversante dans d'autres rôles. Je mesure cependant le privilège que cela a été de voir d'aussi près Nicolas Le Riche et Aurélie Dupont dans Mademoiselle Julie !
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Salle Pleyel — 2014-03-07
Hélène Collerette, violon solo
Orchestre philharmonique de Radio France
Ádám Fischer, direction
Symphonie nº88 en sol majeur (Haydn)
Tedi Papavrami, violon
Concerto pour violon et orchestre nº1 (Bartók)
Symphonie nº5 en fa majeur op. 76 (Dvořák)
Ce fut un délicieux concert du Philharmonique de Radio France. Je garde en particulier un très bon souvenir de la Symphonie nº88 de Haydn dirigée par Ádám Fischer. Encore une fois, je me demande comment il est possible que les symphonies de Haydn ne soient pas remboursées par la sécu'.
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Cité de la musique — 2014-03-15
Chamber Orchestra of Europe
Vladimir Jurowski, direction
Danses allemandes (Schubert, arrangement de Webern)
Christian Tetzlaff, violon
Concerto pour violon et orchestre en ré majeur op. 61 (Beethoven)
Cinq Mouvements, op. 5, Anton Webern
Symphonie nº4 “Tragique” en ut mineur (Schubert)
Magnifique programme du Chamber Orchestra of Europe ! Le moment le plus exaltant pour moi a sans doute été l'interprération des Cinq Mouvements de Webern.
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Amphithéâtre de la Cité de la musique — 2014-03-18
Pierre Hantaï, clavecin
Suite anglaise nº4 en fa majeur, BWV 809
Suite anglaise nº5 en mi mineur, BWV 810
Suite anglaise nº6 en ré mineur, BWV 811
Le clavecin que jouait Pierre Hantaï était assez affreux d'un point de vue strictement visuel, mais j'ai pris beaucoup de plaisir à entendre dans de bonnes conditions ces Suites anglaises de Bach.
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Ivry-sur-Seine — 2014-03-19
Céline Wadier, chant dhrupad
Gérard Hababou, pakhawaj
Raga Puriya (Alap, Jor, Jhala & Chautal)
Raga Jog (Alap & Tivratal)
Raga Bhinna Shadja (Alap & Sultal)
Avant de commencer son concert, Céline Wadier a demandé aux quelques débutants en dhrupad qui se trouvaient là quels ragas nous étudions. Une des élèves a opportunément dit Puriya. Ce fut manifestement une bonne idée parce que non seulement l'interprétation de ce raga m'a paru superbe, mais ayant pratiqué moi-même ce raga (c'est celui que je connais le mieux), c'est la première fois qu'en écoutant un concert de dhrupad, je sentais à chaque instant de l'Alap où on est était dans la gamme de ce Raga. Je peux ainsi dire en étant à peu près certain de ne pas me tromper que la chanteuse est descendue jusqu'au Ga de l'octave inférieure et est allé jusqu'au Ga de l'octave supérieure (soit deux octaves plus haut). Après ce Raga très développé, elle a chanté Raga Jog et Raga Bhinna Shadja. Seul regret, il y a eu moins d'interactions au cours de ce concert entre la chanteuse et le percussionniste que lors de leur concert d'octobre.
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Salle Pleyel — 2014-03-21
Svetlin Roussev, violon solo
Orchestre philharmonique de Radio France
Myung-Whun Chung, direction
Antoine Tamestit, alto
Till l'Espiègle (Strauss)
Concerto pour alto (Bartók)
Une Vie de héros (Strauss)
La corde de do d'Antoine Tamestit ! Quelle sonorité incroyable ! Je suis extrêmement admiratif de l'interprétation qu'il a donné du concerto pour alto de Bartók, même si je dois avouer en toute subjectivité que j'avais été plus ému par l'interprétation de Daniel Vagner (qui se trouvait ce soir-là dans le Philharmonique de Radio France).
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Salle Pleyel — 2014-03-27
Orchestre de Paris
Giovanni Antonini, direction
Chœur de l'Orchestre de Paris
Lionel Sow, chef de chœur
Olympia, ouverture (Joseph Martin Kraus)
Giorgio Mandolesi, basson
Concerto pour basson, KV 191, Mozart
Sol Gabetta, violoncelle
Concerto pour violoncelle nº2 (Haydn)
Messe de l'orphelinat, KV 139, Mozart
Camilla Tilling, soprano
Kate Lindsey, mezzo-soprano
Rainer Trost, ténor
Havard Stensvold, basse
Délicieux concert de l'Orchestre de Paris. Les habitués, et ils ont eu
mille fois raison, étaient venus pour entendre Giorgio Mandolesi dans le
concerto pour basson de Mozart et trinquer avec lui au café d'à côté
:-)
: je suis reparti avec un autographe en forme de basson.
La déception de la soirée est cependant venue pour moi de l'interprétation
du concerto pour violoncelle nº2 de Haydn par Sol Gabetta. De la place très
proche de la scène où je me trouvais, j'entendais le bruit de ses doigts
frappant violemment la touche comme des petits marteaux. Cela accentuait ma
sensation de percevoir des suites de notes dont je ne pouvais saisir
l'organisation en phrases. Son bis en revanche a été magnifique.
⁂
Opéra Comédie, Montpellier — 2014-03-29
Orchestre national Montpellier Languedoc-Roussillon
Jérôme Pillement, direction musicale
Benoît Bénichou, mise en scène et adaptation du livret
Amélie Kiritzé-Topor, scénographie
Bruno Fatalot, costumes
Thomas Costerg, lumières
Anne Lopez, chorégraphie
Vincent Recolin, chef des chœurs
Valérie Blanvillain, Marie Arnaud, chefs de chant
Samy Camps, Le Roi Ouf 1er
Héloïse Mas, Lazuli
Solistes du Jeune Opéra
Chœurs du Jeune Opéra
L'Étoile (Chabrier)
Dans la salle presque vide (à part au parterre) de l'Opéra Comédie de Montpellier, j'ai assisté à une représentation de L'Étoile de Chabrier. Ce spectacle n'est pas particulièrement bouleversant, mais assurément agréable à regarder et écouter. Les chanteurs étaient tous jeunes. Parmi eux, je retiens l'excellente Héloïse Mas dans le rôle de Lazuli.
2014-07-06 16:24+0200 (Orsay) — Culture — Musique — Culture indienne — Dhrupad
Il y a trois mois, je suis allé pour la première fois aux Pays-Bas pour assister au deuxième festival de Dhrupad organisé à Utrecht. Le premier train que j'ai pris à Paris allait à Amsterdam où je pensais rester quelques heures, mais la désespérante atmosphère amstelodamoise m'a fait fuir très rapidement cette ville pour rejoindre la paisible Utrecht :
Les concerts auront lieu dans la grande salle de RASA :
À l'intérieur, une sympathique buvette et quelques stands, dont un propose une copieuse collection de CD de musique hindustani. Je salue Uday Bhawalkar que je félicite pour le superbe Raga Hindol qu'il a chanté quelques jours plus tôt à Delhi lors du troisième jour d'un festival de dhrupad et que j'ai pu entendre grâce à la diffusion en direct sur le site d'IGNCA.
Lors des concerts de ce festival, la salle qui doit pouvoir accueillir environ 200 personnes est malheureusement très peu remplie. Une soixantaine de specteurs seulement seront présents.
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RASA, Utrecht — 2014-03-08
Amelia Cuni, chant dhrupad
Nathanaël van Zuilen, pakhawaj
Sophia, Elias, tampura
Raga Bhup (Alap & Chautal)
Raga Kedar (Alap & Sultal)
Le premier concert a été donné par Amelia Cuni. Elle a interprété une composition de style traditionnel dûe à Vidur Mallick (Raga Bhup), mais a aussi chanté des vers en italien, un hommage à la Mère Nature dans son deuxième Raga avant de changer une de ses propres compositions en Sultal. Si j'apprécié ce concert, j'ai cependant trouvé que la note Sa du haut arrivait un peu vite dans ses Alap, comme inopinément ; j'apprécie davantage les interprètes qui créent une attente ou une tension, qui titillent cette note avant de la jouer franchement. Les motifs rythmiques de ses parties rapides (Jor/Jhala) étaient particulièrement intéressants, les accents étant placés en des endroits inhabituels. C'est la différence la plus notable que j'ai observée entre le style que je connais le mieux (Dagarvani) et ce que j'ai entendu dans ce concert ; la chanteuse m'expliquera le lendemain que c'est une des particularités du style des Mallick.
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RASA, Utrecht — 2014-03-08
Pandit Ashok Pathak, surbahar
Rishab Dhar, pakhawaj
Raga Darbari Kanada (Alap & Jhaptal)
Raga Tilang (Alap & Sultal)
Plus tard dans la soirée intervenait le concert de Pandit Ashok Pathak. Il joue du surbahar. En voyant l'instrument, il y a de quoi se demander comment il est ne serait qu'imaginable de sortir un son correct. Pour créer certains effets de glissando, le musicien doit littéralement tirer sur les cordes, et pas qu'un peu... S'il fallait vraiment tendre l'oreille pour entendre quelque chose pendant les phrases de l'Alap explorant les graves, les parties rapides de ce concert étaient particulièrement exaltantes.
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Le lendemain matin, j'ai participé à un cours collectif donné par Uday Bhawalkar, manifestement un excellent pédagogue. Quelques exercices sur la gamma indienne (sans jamais prononcer le nom des notes cela dit) dont un joli exercice sur le Raga Bhairav, un Alap un peu trop difficile sur le Raga Vrindavani Sarang et une sympathique composition Tumharava Tumhasaheba en Sultal (exceptionnellement lente pour ce Tala).
Avant le dernier concert, Amelia Cuni a prononcé une intéressante conférence sur son expérience dans la musique dhrupad, la danse kathak, le traumatisme de l'apprentissage du solfège en Italie, sa collaboration avec un ensemble de musique ancienne, etc.
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RASA, Utrecht — 2014-03-09
Uday Bhawalkar, chant dhrupad
Nathanaël van Zuilen, pakhawaj
Sophia, Elias, tampura
Raga Bhimpalasi (Alap, Chautal & Sultal)
Très beau concert d'Uday Bhawalkar qui a interprété le Raga Bhimpalasi et deux compositions, dont une que je connaissais (en Chautal). Cela dit, je n'avais plus pratiqué ce Raga depuis un certain temps, donc je n'ai pas aussi bien suivi le développement de l'Alap aussi bien que je l'aurais voulu.
Globalement, si je suis très content d'avoir assisté à ce festival, mais j'en ressors un tout petit peu moins enthousiaste que je ne l'aurais imaginé a priori.
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Avant de repartir depuis Rotterdam, j'ai passé une matinée dans la délicieuse ville de Delft :
Les autres photographies que j'ai faites pendant ce week-end sont là.
2014-06-02 09:59+0200 (Orsay) — Culture — Musique — Opéra
2014-05-26 10:55+0100 (Orsay) — Culture — Musique — Opéra — Danse
Avec trois mois de retard, voici le vite dit de février 2014...
Salle Pleyel — 2014-01-31
Orchestre philharmonique de Radio France
Svetlin Roussev, violon solo
Leonidas Kavakos, direction musicale et violon
Concerto pour violon et orchestre nº3 en sol majeur, KV 216 (Mozart)
Symphonie nº1 en ré majeur op. 25 dite Classique (Prokofiev)
Symphonie nº9 La Grande (Schubert)
Superbe concert du Philharmonique de Radio France dirigé par Leonidas Kavakos. Le programme est très semblable à celui qu'il avait dirigé avec le Chamber Orchestra of Europe. La Symphonie Classique de Prokofiev a été magnifiquement interprétée, tout comme la Symphonie La Grande de Schubert, que très exceptionnellement je n'ai pas trouvée longue ; j'ai particulièrement aimé la façon dont il a maintenu l'orchestre (et une partie du public) en suspension lors d'un point d'orgue dans le deuxième mouvement.
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Cité de la musique — 2014-02-01
Patrick Davin, direction
Orchestre du Conservatoire de Paris
Bandar-log, poème symphonique op. 176 (Koechlin)
Nicholas Angelich, piano
Concerto pour la main gauche (Ravel)
Symphonie nº1 “Le Poème de la forêt” (Roussel)
J'ai été plutôt content d'entendre la symphonie nº1 de Roussel qui m'avait décidé d'assister à ce programme, mais j'avoue que ce programme de musique française m'a laissé indifférent. J'ai beaucoup de mal à comprendre l'enthousiasme que peut susciter le Concerto pour la main gauche de Ravel, que j'entendais pour la première (et sans doute dernière) fois...
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Salle Pleyel — 2014-02-02
Wayang Wong, le Ramayana balinais, théâtre rituel de Bali
Troupe d'acteurs, danseurs et gamelan de Telepud (Bali)
I Wayan Gde Adhi Wijaya, direction artistique et musicale
Jacques Brunet et Jean-Luc Larguier, conception
Dewa Putra, conseiller scientifique
L'Enlèvement de Sita
J'ai beaucoup apprécié ce spectacle de théâtre de Bali racontant le Ramayana. Ce qui se passait sur scène était magnifique, mais la représentation a été à mon avis lamentablement gâchée par le surtitrage défaillant. C'est une chose qu'une phrase sur dix soit traduite, c'en est une autre que le texte affiché ne corresponde pas à la scène qui est représentée, mais à la précédente ou à la suivante... et quand le texte correspondait à la bonne scène, il ne fallait pas forcément l'entendre comme ayant été prononcé par le personnage qui s'exprimait sur scène. L'histoire suivant très fidèlement l'épopée indienne (cf. mon résumé), je n'ai eu aucune difficulté à suivre, mais comme cela a dû paraître hermétique à bien des spectateurs !
L'orchestre de percussions et les chanteurs-récitants ont pris place au fond de la scène. Entre deux interventions, les interprètes sont assis de part et d'autre de l'orchestre, à gauche le camp de Rama et à droite celui de Ravana. La seule véritable différence avec l'épopée sanskrite réside dans l'ajout de quatre personnages burlesques : deux serviteurs pour Rama et deux pour Ravana. Les interprètes sont vêtus de costumes richement ornés et de masques. Les seules parties du corps restant visibles étant les mains, on ne découvre que lors des saluts que les rôles de Rama et de son frère Lakshmana sont interprétés par des femmes. Leur gestuelle ainsi que celle de l'interprète de Sita n'est pas sans rappeler celle des danses indiennes. Les positions des mains ressemblent à certains mudras, mais les doigts sont très souvent animés d'une sorte d'oscillation qui me fait étrangement penser à des tentacules de poulpe. Si ces personnages à la démarche majestueuse ne sont pas très loin de danser, le spectacle est bien davantage du théâtre que de la danse. Les divers types de personnages (humains, démons, singes) se distinguent par leurs attitudes et les costumes recèlent de belles trouvailles, par exemple dans la représentation de l'antilope dorée dont un démon a pris l'apparence pour tromper Sita.
Le spectacle peut être visionné sur Cité de la musique live.
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Salle Pleyel — 2014-02-05
Orchestre National du Capitole de Toulouse
José Antonio Sainz Alfaro, chef de choeur
Choeur Orfeón Donostiarra
Tugan Sokhiev, direction
Ferruccio Furlanetto, Boris Godounov
Anastasia Kalagina, Xénia
Ain Anger, Pimène
Vasily Efimov, Missaïl
Stanislav Mostovoi, L'Innocent
John Graham-Hall, Le Prince Chouïski
Garry Magee, Andrei Tchelkalov
Pavel Chervinsky, Nikitch, Mityukha
Alexander Teliga, Varlaam
Marian Talaba, Grigori
Svetlana Lifar, Fiodor
Sarah Jouffroy, La Nourrice de Xénia
Hélène Delalande, L'Aubergiste
Vladimir Kapshuk, Un Boyard
Magnifique représentation de Boris Godounov, un opéra que j'ai déjà vu à Munich. Je retiens la très belle prestation de l'Orchestre National du Capitole de Toulouse (dirigé par Tugan Sokiev) que j'entendais pour la première fois. Du point de vue vocal, les plus grandes émotions sont venues de la basse Ain Anger dans le rôle de Pimène.
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Salle Pleyel — 2014-02-07
Orchestre philharmonique de Radio France
Sergej Krylov, violon
Vasily Petrenko, direction
Concerto pour violon nº2 (Bartók)
Symphonie nº1 (Sibelius)
Je n'ai pas accroché à la virtuosité de Sergej Krylov qui m'a semblé un peu trop démonstrative dans Toccata et Fugue en ré mineur (BWV 565) de Bach qu'il a joué en bis ; autant j'ai pris plaisir à écouter la Toccata, autant il m'a semblé présomptueux de jouer cette fugue au violon. Cela ressemblait bien à une fugue, mais les limites de l'instrument étaient un peu trop souvent dépassées pour que je puisse réellement apprécier cette performance.
Le style de direction du chef Vasily Petrenko que j'avais moyennement apprécié dans Bartók s'est métamorphosé pour la deuxième partie du concert et j'ai beaucoup aimé l'interprétation de la Première Symphonie de Sibelius.
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Salle Pleyel — 2014-02-13
Philippe Aïche, violon solo
Orchestre de Paris
Christoph Eschenbach, direction
Carnaval, ouverture, Dvorák
Tabea Zimmermann, alto
Concerto pour alto (Bartók)
Symphonie nº4 (Brahms)
Quelques mois après, je ne retiens de ce concert de l'Orchestre de Paris que le concerto pour alto de Bartók interprété par Tabea Zimmermann. Elle a été magnifique, et plus encore dans le troisième mouvement !
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Salle Pleyel — 2014-02-19
Roland Daugareil, violon solo
Orchestre de Paris
James Gaffigan, direction
Kleine Dreigroschenmusik, suite pour orchestre de vents d'après l'Opéra de Quat'sous (Weill)
Gil Shaham, violon
Concerto pour violon en ré majeur, op. 35 (Korngold)
Gavotte en rondeau de la Partita nº3 en mi majeur, BWV 1006, Bach
Cendrillon, extraits (Prokofiev)
Très beau concert de l'Orchestre de Paris. J'ai apprécié la Fugue que l'on entend dans la musique de l'Opéra de Quat'sous. Gil Shaham et l'orchestre ont été excellents dans le concerto pour violon de Korngold, mais j'ai surtout adoré écouter la musique de Cendrillon de Prokofiev. Vus et entendus depuis l'arrière-scène, l'orchestre et le chef James Gaffigan semblaient particulièrement grandioses, notamment lors des coups de minuit.
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Cité de la musique — 2014-02-21
MusicAeterna
Teodor Currentzis, direction
Dixit Dominus, HWV 232, Händel.
Anna Prohaska, Didon
Tobias Berndt, Énée
Nuria Rial, Belinda
Maria Forsström, Magicienne
Valeria Safonova, L'Esprit
Victor Shapovalov, Marin
Didon et Énée, Purcell
Merveilleux concert ! Si certains ensembles baroques ont tendance à procurer l'ennui (chez moi, en tout cas), cela ne saurait survenir lors d'un concert de MusicAeterna, l'ensemble le plus enthousiasmant que j'aie entendu en concert ! Les musiciens de MusicAeterna jouent debout et sont dirigés par l'extravagant chef Teodor Currentzis. Son seul défaut : quand il demande à ses musiciens de jouer moins fort, le bruit de son pied frappant l'estrade s'entend presque davantage que le reste de l'orchestre. Parmi les voix entendues lors de ce concert, je retiens la merveilleuse Nuria Rial dans le rôle de Belinda dans le génial Didon & Énée de Purcell. Des amis-spectateurs se moquaient de moi quand je soulignais le caractère indianisant d'un certain passage que nous avions entendus, juste avant que Didon se lamente Your counsel..., mais je maintiens que le solo improvisé de viole de gambe (accompagné d'un ersatz de tampura obtenu par une pédale des violoncelles) est ce qui ressemble le plus à un Alap de musique classique indienne dans tout ce qu'il m'a été donné d'entendre lors d'un concert de musique classique européenne... Si vous ne me croyez pas, allez écouter les 90 premières secondes de leur enregistrement sur CD. Lors du concert, ce moment magique à l'atmosphère irréelle, lumières éteintes, avait été plus développé. (Le concert s'est terminé par de superbes bis, dont un magnifiquement mis en scène.)
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Cité de la musique — 2014-02-25
Orchestre philharmonique de Radio France
Svetlin Roussev, violon solo
Pascal Rophé, direction
Christa Schoenfeldinger, harmonica de verre
Armonica (Jörg Widmann)
Change pour orchestre (Johannes Boris Borowski)
Chœur de femmes de Radio France
Catherine Simonpietri, chef de chœur
Le Visage nuptial pour soprano, mezzo-soprano, chœur de femmes et orchestre (version définitive), Pierre Boulez
La première œuvre joué dans ce programme du festival Présences est Armonica de Jörg Widmann (que je ne connaissais que comme clarinettiste). J'ai trouvé véritablement magnifique cette œuvre orchestrale utilisant un harmonica de verre (et aussi un accordéon). J'ai rarement été autant émerveillé par une œuvre de musique contemporaine !
Change de Borowski m'a paru au contraire atroce (et sans doute véritablement dangereuse pour les oreilles de spectateurs en raison du volume sonore élévé demandé aux musiciens et en particulier des percussionnistes).
L'œuvre de Boulez jouée après l'entr'acte m'a indifféré. Le texte de René Char, qui n'est pas des plus aisés à entendre, était rendu tout à fait incompréhensible par le compositeur.
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Cité de la musique — 2014-02-27
La Chambre Philharmonique
Andreas Staier, piano et direction
Symphonie nº1 en mi bémol majeur, KV 16 (Mozart)
Concerto pour piano nº1 en fa majeur, KV 37 (Mozart)
Symphonie nº49 en fa mineur (Haydn)
Concerto pour piano nº9 en mi bémol majeur, KV 271 “Jeunehomme” (Mozart)
Si j'ai apprécié l'orchestre La Chambre Philharmonique dans les Symphonies de Mozart et de Haydn qui ont été jouées, je n'ai pris aucun plaisir à l'écoute du concerto pour piano nº1 de Mozart. Le piano que jouait Andreas Staier était assez ancien (début XIXe ?) et devenait pour presque totalement inaudible quand l'orchestre jouait... Je suis parti à l'entr'acte pour m'épargner de souffrir pareillement pour le deuxième concerto programmé.
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Opéra Garnier — 2014-02-28
John Cranko, chorégraphie, mise en scène (1965)
Piotr Ilyitch Tchaikovski, musique
Kurt-Heinz Stolze, arrangements et orchestration
Jürgen Rose, décors et costumes
Steen Bjarke, lumières
Reid Anderson, Jane Bourne, répétitions
James Tuggle, direction musicale
Hervé Moreau, Onéguine
Isabelle Ciaravola, Tatiana
Mathias Heymann, Lenski
Charline Giezendanner, Olga
Karl Paquette, Le Prince Grémine
Ballet de l'Opéra
Orchestre de l'Opéra national de Paris
Onéguine, ballet en trois actes de John Cranko d'après Eugène Onéguine d'Alexandre Pouchkine
Je n'ai jamais été un grand fan d'Isabelle Ciaravola. La seule fois où elle m'avait vraiment ému, c'était dans le rôle de Nouredda lors de la création de La Source. Quelques jours avant ses adieux, lors d'une autre représentation d'Onéguine, alors qu'elle interprétait le rôle Tatiana avec Evan McKie (Onéguine), j'avais trouvé que ce couple ne fonctionnait pas (alors que beaucoup de balletomanes se souviennent avec émotions du couple Dupont/McKie dans ce rôle). J'allais donc un peu à réculons à cette soirée d'adieux et je dois dire que je ne l'ai pas regretté. Isabelle Ciaravola était alors associée à Hervé Moreau, et cela fonctionnait beaucoup mieux ! Dans le rôle d'Olga, j'ai également été ravi de voir Charline Giezendanner, associée à Mathias Heymann (Lenski).
2014-05-01 14:37+0200 (Orsay) — Culture — Musique — Opéra — Danse — Danses indiennes — Planning
Des billets rendant compte de concerts reviendront bientôt... En attendant, voici mon programme de spectacles pour le mois de mai :
2014-04-04 16:22+0200 (Orsay) — Culture — Musique — Danse — Planning
Voici mon programme de spectacles pour le mois d'avril :
2014-03-27 10:42+0100 (Orsay) — Culture — Musique — Danse — Danses indiennes
Auditorium du Musée Guimet — 2014-03-14
Gayatri Sriram, danse bharatanatyam
Minal Prabhu, nattuvangam
Balasubramanya Sharma, chant
G. Gurumurthy, mridangam
Jayaram Kikkeri, flûte
Prasanna, ganjira, percussions
Murugan Krishnan, lumières
Isabelle Anna, voix off
Surya Kautwam
Ardhanarishwara
Varnam
Ashtapadi
Tillana
Mira Bhajan
Le vendredi 14 mars, j'ai renoncé à aller écouter les Gurre-Lieder de Schönberg joués à la Salle Pleyel par un effectif pléthorique de musiciens pour me diriger vers le Musée Guimet où allait se tenir le récital de bharatanatyam de Gayatri Sriram dont j'avais pu apprécier les qualités dans la danse narrative au NCPA de Mumbai en juillet 2011. Je ne l'ai pas regretté !
(Full disclosure: La danseuse m'ayant contacté quelques semaines avant le récital pour me suggérer de venir, je lui avais demandé de m'indiquer les thèmes qui seraient évoqués dans les différentes pièces de ce programme. La danseuse m'ayant fait une réponse très détaillée, j'ai pu assister à ce programme dans de meilleures conditions que d'ordinaire ; habituellement, je ne découvre les pièces qu'au fur et à mesure qu'elles sont exécutées par les danseuses et je n'arrive pas toujours à bien déchiffrer la pantomime...)
Le programme est intitulé Mukti Marga ; il s'agit d'un ensemble de pièces explorant le thème de l'adoration de la divinité. La première pièce est un Surya Kautwam, un type de pièces dans lequel le rythme domine la musique dont le tempo est plutôt rapide. Cette pièce évoquant le Soleil (Surya) comporte des passages de danse pure exécutés à des vitesses variables. J'apprécie d'y reconnaître quelques enchaînements (adavus) que j'ai appris et je me délecte de voir la danseuse présenter des figures géométriques non seulement dans sa gestuelle, mais aussi dans son placement et par les quarts de tour qu'elle effectue sur elle-même. Dans cette pièce, les différentes heures du jour sont associées aux différents dieux de la Trinité hindoue. Si je n'ai pas reconnu Vishnu, il m'a bien semblé reconnaître Brahma et Shiva (dont était représenté le Lingam). L'image la plus marquante était celle de Surya représenté comme cocher d'un attelage de sept chevaux.
La pièce suivante Ardhanarishwara m'a paru particulièrement réussie. La danseuse évoque Shiva avec la moitié droite de son corps et son épouse Parvati avec sa moitié gauche. J'ai particulièrement apprécié le cycle rythmique utilisé dans cette pièce, Rupaka Tala. Ce cycle à trois temps était interprété de façon délicieusement lente, ce qui sied bien à une pièce comme Ardhanarishwara dans laquelle la danseuse se métamorphose continûment de Shiva à Parvati et réciproquement. L'alternance entre la voix du chanteur et les onomatopées rythmiques peuvent se jouer à diverses échelles dans le cadre d'un récital de bharatanatyam : à l'échelle du récital dans son ensemble par l'alternance entre pièces narratives et pièces de danses pure, à l'échelle d'une pièce par l'alternance entre passages narratifs et passages de danse pure. Cette alternance a pris dans cet Ardhanarishwara une forme qui m'a semblé inédite : vers la fin de la pièce, cette alternance pouvait s'entendre à l'échelle du cycle rythmique, deux des trois temps étant utilisés par le chanteur solfiant des notes tandis que le dernier temps l'était par les onomatopées rythmiques (à moins que ce ne soit le contraire).
Le Varnam, pièce principale du récital, est dédié à Krishna. Il est composé d'une alternance entre passages narratifs et passages de danse pure (jatis). Le premier de ces jatis m'a semblé particulièrement original dans la mesure où malgré la dominante rythmique et le tempo plutôt rapide de la musique, la danse était narrative : elle évoquait l'enfance de Krishna. Ce procédé est assez rare, je ne me souviens distinctement avoir vu que deux danseuses l'utiliser : Shantala Shivalingappa (kuchipudi) et Rukmini Vijayakumar. Les jatis qui suivront seront moins originaux dans leur forme que celui-ci, mais certains détails distinctifs me plairont particulièrement. Par exemple, dans l'un d'entre eux, j'apprécierai la façon de la guru Minal Prabhu d'utiliser un tempo très variable au cours des cycles rythmiques (Adi Tala) et dans un autre j'apprécierai le caractère étonnamment mélodique de la musique.
Je n'ai pas saisi absolument tous les aspects narratifs de ce très riche Varnam. Les premiers chapitres de cette pièce racontent l'enfance de Krishna et la séduction qu'il exerce sur les bouvières (gopis). Il danse avec elles après les avoir attirées avec sa flûte. La danseuse utilise ses capacités d'expression pour évoquer les sentiments éprouvés par une de ces femmes : alors qu'elle est séparée de la divinité avec laquelle elle cherche à s'unir, elle se désole et ne parvient même plus à manger. Certains exploits du jeune Krishna sont évoqués. Sauf erreur de ma part, on le voit tuer le démon Kamsa, soulever le mont Govardhana sur son petit doigt ou encore danser sur le serpent Kaliya. Cependant, le passage qui m'a fait la plus forte impression est celui qui raconte très en détail la naissance de Krishna. Celui-ci a été adopté par Yashoda qui est souvent mise en scène dans les chorégraphies de bharatanatyam, mais ce Varnam représente ses parents biologiques Vasudeva et Devaki. Le démonique roi Kamsa avait été frappé d'une malédiction : le huitième enfant de Vasudeva et Devaki le tuerait. À la naissance de Krishna, Vasudeva s'en va secrètement échanger Krishna avec la fille à laquelle Yashoda vient de donner naissance. En illustrant délicieusement l'amour filial, la danseuse représente le trajet de Vasudeva. Partant de sa demeure, il porte le bébé Krishna sur sa tête et se dirige vers la campagne où il vient déposer Krishna dans son nouveau berceau.
La fin du Varnam représente Krishna tel qu'il se manifeste dans le Mahabharata. La scène du jeu de dés dans laquelle il vient au secours de Draupadi est représentée très brièvement, ce qui m'a quelque peu frustré, temporairement... Je n'ai pas très bien compris sur le moment les dernières minutes du Varnam qui illustraient la Bhagavad-Gita, ce dialogue entre Arjuna et Krishna dans lequel Krishna parvient à convraincre à Arjuna de prendre les armes. À un moment, Arjuna demande à Krishna de se montrer dans sa forme universelle. Je présume que cela devait être le sens du passage le plus impressionnant (et assez indescriptible !) de ce Varnam, lequel se conclut par la majestueuse mise en mouvement du char d'Arjuna dont Krishna est le cocher (une des images classiques associées au Mahabharata dans l'iconographie hindoue). J'aurais aimé apprécier davantage ce passage, mais j'étais perturbé par la musique. À force de voir et d'entendre des Varnam, il me semble distinguer une règle générale énonçant que les dernières minutes de musique se doivent d'être joyeuses. Ce Varnam n'échappait pas à cette règle et je trouvais cela curieux dans le contexte de la Bhagavad-Gita qui est certes une révélation spirituelle mais aussi une harangue belliqueuse. Ainsi, quand une musique joyeuse accompagnait les mouvements d'un archer, je me suis réellement demandé s'il s'agissait d'Arjuna ou bien du dieu de l'Amour (Kama, qui lance des flèches florales), et ce d'autant plus qu'avant le début du Varnam la voix off avait comparé Krishna à Kama — je ne tiendrai pas rigueur à Isabelle Anna d'avoir ainsi contribué à ma confusion puisqu'il y a quelques mois une autre de ses très pertinentes interventions m'avait fait permis d'apprécier une magnifique scène d'un récital de Janaki Rangarajan que je n'aurais pas comprise sans cette explication préalable...
Il convient de signaler que pendant ce récital, l'orchestre incluait un musicien qui utilisait des percussions électroniques (et d'autres instruments, y compris le morsing, la guimbarde indienne). J'avoue avoir une certaine méfiance pour cette pratique, puisque j'estime que le mridangam et les instruments mélodiques (violon, flûte, vînâ, etc.) offrent déjà une large palette d'effets spéciaux pour accentuer certains moments dramatiques. En utilisant des effets électroniques ou des bruitages, le risque est à mon avis grand de polluer l'atmosphère pour virer au kitsch ridicule, ce que j'ai eu l'occasion de subir lors d'un récital du danseur Zakir Hussain. Heureusement, lors du récital de Gayatri Sriram, cet accompagnement a été sobre et de bon goût.
Le récital s'est poursuivi avec deux Ashtapadi extraits du
Gita-Govinda. Il s'agissait des deux derniers de ces
Ashtapadi (ou cantilènes), les vingt-trois- et vingt-quatrièmes
cantilènes qui se trouvent dans le douzième (et dernier) chant de ce texte
poétique de Jayadeva (dont j'ai particulièrement apprécié la traduction de
Jean Varenne ; les extraits ci-dessous viennent de la traduction de Gaston
Courtillier que j'ai sous la main). Ils exaltent l'amour entre Radha et
Krishna. Dans ce type de pièce, la musique est extrêmement mélodique et la
danseuse passe l'essentiel du temps assise dans une attitude lascive en
exprimant par le regard et des gestes les sentiments des personnages. Dans
le 23e Ashtapadi, Krishna invite Radha : Un temps, à présent,
suis Nārāyaṇa, suis-moi, qui t'aie suivie, ma petite Rādhā.
. Celle-ci
n'a pas fait que le rejoindre quand on arrive au 24e Ashtapadi
où Radha lui répond en lui demandant d'arranger ses divers ornements :
“Mortification des essaims d'abeilles, le fard effacé par le baiser de
tes lèvres, avive-le sur les yeux bien-aimés, qui décochent les flèches
d'Amour.” Elle dit, et le fils de Yadu folâtrait, joie du cœur.
Il est
difficile de résumer l'impression visuelle faite par ces deux pièces, tant
la tentation fut grande de se laisser emporter dans le flux continu de la
danse. Je retiens cependant l'application de Krishna pour parer Radha à son
réveil et lui jeter des fleurs.
Le récital admet une première fin avec un Tillana
particulièrement technique. Je dois avouer l'avoir davantage écouté que
regardé : j'étais très perturbé par le cycle rythmique particulièrement
compliqué sur lequel il était composé... Cela fait un certain temps que
j'arrive à clapper Adi Tala ou Rupaka Tala, mais d'autres types de cycles
sont parfois utilisés et certains n'ont pas de petits noms, comme Adi
Tala
, qui est un diminutif de Chatusra-nadai Chatusra-jati
Triputa Tala
, qui signifie que ce cycle à huit temps (subdivisés
en quatre) se clappe comme ceci ×‒‒‒×o×o
(clap-rien-rien-rien-clap-ondulation-clap-ondulation), ondulation
correspondant à un mouvement de rotation de la main vers le côté et
rien
indiquant des temps pendant lesquels on compte avec
les doigts pour s'y retrouver. Je n'ai pas retenu le détail du nom
technique du Tala utilisé pendant ce Tillana, mais cela ressemblait à un
gigantesque nom à rallonge. J'ai eu l'impression que c'était un cycle à
neuf temps (j'ai griffonné ×‒‒‒‒×o×o
sur mon carnet), mais
singulièrement plus compliqué qu'Adi Tala parce que les cinq premiers temps
n'étaient semble-t-il pas subdivisés de la même manière que les quatre
derniers. Que l'on puisse danser sur un tel rythme, cela semble relever du
prodige...
Après une brève salutation traditionnelle, le public a beaucoup applaudi la danseuse qui est revenu danser sur un Mira Bhajan. Du fait des échanges que j'avais eus avec la danseuse, je savais qu'une pièce de ce nom figurait au programme, mais j'ignorais le thème précis. Bien sûr, le nom Mira Bhajan renvoie à la poétesse du XVIe siècle Mirabaï (qui est le personnage principal du roman La Princesse mendiante). Un temple a même été érigé en l'honneur de cette dévôte de Krishna à Chittorgarh (un endroit que j'ai beaucoup apprécié).
Sortie du temple de Mirabai, Chittorgarh
Le thème général du poème était bien entendu Krishna, mais quand la
pièce a commencé j'ignorais complètement quel aspect de cette divinité
serait mis en valeur, et puis l'incroyable est arrivé : je reconnais
Yudhishthira, l'aîné des Pandavas dans le Mahabharata, en train de
perdre au jeu de dés contre Shakuni. Il perd sa couronne, se perd lui-même,
puis son épouse Draupadi, laquelle est forcée, alors qu'elle a ses règles,
tremblante comme un bananier dans la tempête
, de rejoindre les
hommes dans la salle où se tient la partie de dés. Dushasana la tire par
les cheveux. Plus loin, Duryodhana se découvrira obscènement la cuisse en
la regardant. Entretemps, après un débat sollicité par Draupadi pour savoir
si Yudhishthira avait le droit de faire de Draupadi l'enjeu d'un pari après
s'être perdu lui-même, Dushasana tente d'humilier davantage Draupadi en
tirant sur son sari. Celle-ci ayant adressé une prière à Krishna, son sari
se rallonge miraculeusement au fur et à mesure que Dushasana tire dessus.
Cette scène est sans doute une des plus bouleversantes de l'épopée
indienne... Si j'avais été un peu frustré par l'évocation très brève de
cette scène dans le Varnam, j'ai été émerveillé par la forme
développée qu'elle a prise dans cette dernière pièce. Le moment le plus
extraordinaire de cette pièce a été celui pendant lequel la danseuse a
représenté presque simultanément trois personnages : Draupadi, Dushasana
tirant sur son sari et Krishna faisant apparaître d'un geste ondulatoire de
nouvelles longueurs de tissu tout en arborant un visage d'une sereine
tranquilité. C'était véritablement magnifique !
2014-03-07 10:40+0100 (Orsay) — Culture — Musique — Opéra — Danse — Danses indiennes — Culture indienne — Dhrupad — Planning
2014-01-29 12:20+0100 (Orsay) — Culture — Musique
Après celles de 2010 et de 2012, j'ai assisté à la sixième biennale des quatuors à cordes à la Cité de la musique. Lors de la précédente édition, j'avais assisté à 5 concerts. Cette fois-ci, 12½ ! Le bilan est globalement très positif.
Amphithéâtre de la Cité de la musique — 2014-01-18 à 15:00
Quatuor Béla
Frédéric Aurier, violon
Julien Dieudegard, violon
Julian Boutin, alto
Luc Dedreuil, violoncelle
Serge Lemouton, réalisation informatique musicale IRCAM
Black Angels (George Crumb)
Spirali (Marco Stroppa)
Quatuor nº1 “Métamorphoses nocturnes” (Ligeti)
Adagio pour glassharmonica, KV 356 (Mozart)
Spirali de Stroppa était interminable. J'ai beaucoup aimé le
premier quatuor de Ligeti dans lequel l'influences de Bartók est assez
évidente (ne serait-ce que pour les pizz. Bartók qui ont
semble-t-il été fatals à une des cordes du violoncelliste...). Le point
culminant du concert était néanmoins Black Angels de George Crumb.
Quel plaisir de voir et entendre de la musique du XXe siècle
interprétée avec un tel engagement ! J'ai particulièrement apprécié les
passages où les musiciens faisaient sonner leurs instruments comme des
violes en en jouant à l'envers
.
Amphithéâtre de la Cité de la musique — 2014-01-18 à 20:30
Quatuor Kuss
Jana Kuss, violon
Oliver Wille, violon
William Coleman, alto
Mikayel Hakhnazaryan, violoncelle
Quatuor op. 3 (Berg)
Introjections, Oliver Schneller (création)
Quatuor à cordes nº21 en ré majeur, KV 575 (Mozart)
Bon concert, sans plus.
⁂
Amphithéâtre de la Cité de la musique — 2014-01-21 à 19:00
Cuarteto Casals
Vera Martinez-Mehner, Abel Tomás, violons
Jonathan Brown, alto
Arnau Tomás, violoncelle
Six Bagatelles, op. 9, pour quatuor à cordes (Webern)
Quatuor à cordes nº19 en do majeur KV 465 “Les Dissonances” (Mozart)
Quatuor à cordes nº4 en ré majeur, op. 83 (Chostakovitch)
Ce concert du Casals a été un de mes préférés de toute la biennale. Les quatre minutes de Webern ont été intenses. Le quatuor de Mozart “Les Dissonances” m'a semblé magnifiquement interprété, mieux que la dernière fois que je l'avais entendu. J'ai aussi apprécié le Quatuor nº4 de Chostakovitch. Ma proximité avec l'altiste ne me permet pas d'ignorer la pédale de ré du premier mouvement !
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Cité de la musique — 2014-01-21 à 20:30
Quatuor Arditti
Irvine Arditti, violon
Ashot Sarkissjan, violon
Ralf Ehlers, alto
Lucas Fels, violoncelle
Quatuor nº3 Melencolia (Philippe Manoury)
Orchestre philharmonique de Radio France
Pascal Rophé, direction
Khôra, pour orchestre à cordes, Pascal Dusapin
Quatuor VI Hinterland, pour quatuor à cordes et orchestre, Pascal Dusapin
Je m'en doutais avant d'entrer dans la salle — j'avais d'ailleurs failli partir après le concert précédent — mais il est évident que 4' de Webern par le quatuor Casals vallent mieux qu'une demi-heure de Dusapin... Je n'ai pas détesté ce que j'ai entendu lors de ce concert Manoury/Dusapin dans lequel le quatuor Arditti était rejoint par l'Orchestre Philharmonique de Radio France, mais après un concert aussi magnifique que celui qui avait précédé, je n'étais pas très enthousiaste, forcément...
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Cité de la musique — 2014-01-23 à 20:30
Quatuor Borodine
Ruben Aharonian, violon
Sergei Lomovsky, violon
Igor Naidin, alto
Vladimir Balshin, violoncelle
Quatuor à cordes nº15 en ré mineur KV 421 (Mozart)
Mouvement de quatuor (Tchaikovski)
Quatuor à cordes nº2 (Borodine)
Un Mozart assez sinistre, mais Borodine par les Borodine, cela vallait le déplacement ! De très beaux thèmes superbement inteprétés par le violoncelliste avant d'être repris par le quatuor.
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Amphithéâtre de la Cité de la musique — 2014-01-24 à 19:00
Quatuor Arditti
Irvine Arditti, violon
Ashot Sarkissjan, violon
Ralf Ehlers, alto
Lucas Fels, violoncelle
Quatuor à cordes nº5 (Georg Friedrich Hass)
not forgotten (Roger Reynolds)
Quatuor à cordes nº2 “Cuerdas del destino” (Hilda Paredes)
Quatuor à cordes nº2 (Christophe Bertrand)
Le Quatuor nº5 de Hass est une très belle découverte. La recherche sur le timbre des instruments est impressionnante. Pendant de longues séquences du quatuor, les musiciens qui étaient aussi éloignés que possible sur la scène jouaient chacun une note de façon prolongée, les seules variables étant les nuances et les techniques d'archet (plus ou moins con scratchy ou sul ponticello). Bref, une œuvre typiquement spectrale comme je les aime (cf. Grisey ou Lanza).
Les deux œuvres suivantes m'ont paru moins intéressantes. Le concert s'est terminé avec une œuvre très tourmentée de Christophe Bertrand qui ne laisse aucun répit aux musiciens qui ont été rejoint sur scène par deux tourneurs de pages !
Cité de la musique — 2014-01-24 à 20:30
Quatuor Ysaÿe
Guillaume Sutre, violon
Luc-Marie Aguera, violon
Miguel da Silva, alto
Yovan Markovitch, violoncelle
Quatuor à cordes en sol mineur (Debussy)
Quatuor à cordes nº16 en fa majeur (Beethoven)
Isabel Charisius, alto
Quintette à cordes en ut majeur KV 515 (Mozart)
Jean-Claude Pennetier, piano
Quintette pour piano et cordes nº1 (Fauré)
Valentin Erben, violoncelle
La Nuit transfigurée (Schönberg)
Le concert de musique classique le plus mortellement ennuyeux de ma vie ! S'il n'y avait pas eu La Nuit transfigurée que j'entendais pour la première fois dans la version originale pour sextuor, je me serais enfui bien avant la fin (à minuit passée...). Il s'agissait certes du concert d'adieu des Ysaÿe, mais les vives réactions d'enthousiasme du public m'ont quelque peu surpris.
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Amphithéâtre de la Cité de la musique — 2014-01-25 à 14:30
Quatuor Modigliani
Philippe Bernhard, violon
Loïc Rio, violon
Laurent Marfaing, alto
François Kieffer, violoncelle
Adagio et Fugue KV 546 (Mozart)
Quatuor à cordes en sol majeur opus 77 nº1 (Hob. III:81), Haydn
Quatuor à cordes nº7 en fa majeur (Beethoven)
Ces musiciens ont de beaux instruments très anciens, ils jouent de façon très engagée (presque trop) et cela fonctionne très bien !
Cité de la musique — 2014-01-25 à 17:00
Quatuor Pacifica
Simin Ganatra, violon
Sigurbjörn Bernhardsson, violon
Masumi Per Rostard, alto
Brandon Vamos, violoncelle
Quatuor à cordes nº23 en fa majeur KV 590 (Mozart)
Quatuor à cordes nº6, Sz. 114, Bartók
Quatuor à cordes (Ravel)
Un des meilleurs concerts de la Biennale ! Les musiciens du quatuor Pacifica ont interprété trois œuvres très différentes et ont su à chaque fois créer une atmosphère bien particulière, que ce soit pour Mozart, Bartók ou Ravel !
Cité de la musique — 2014-01-25 à 20:30
Quatuor Emerson
Eugene Drucker, violon
Philip Setzer, violon
Lawrence Dutton, alto
Paul Watkins, violoncelle
Quatuor à cordes nº16 en mi bémol majeur KV 428 (Mozart)
Quatuor à cordes nº15 en mi bémol majeur, op. 144 (Chostakovitch)
Quatuor à cordes nº9 “Razumovski” (Beethoven)
Je suis parti à l'entr'acte de ce concert pour gagner une heure de sommeil afin de me préparer au concert du lendemain matin. La couverture du classeur posé sur le pupitre de l'altiste était recouverte d'un drapeau américain... Debout comme les autres musiciens (à part le violoncelliste), le premier violon du quatuor Emerson me donnait l'impression de s'ennuyer à mourir en jouant. Certains détails d'interprétation du Mozart m'ont semblé très étranges, au point que j'ai dû réprimer des envies de glousser. Le Chostakovitch (pas très joyeux) était bien, mais je n'ai pas eu l'impression que le quatuor Emerson s'y mettait particulièrement en valeur.
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Cité de la musique — 2014-01-26 à 11:00
Quatuor Arcanto
Antje Weithaas, violon
Daniel Sepec, violon
Tabea Zimmermann, alto
Jean-Guihen Queyras, violoncelle
Quatuor à cordes nº12 “Quartettsatz” (Schubert)
Quatuor à cordes nº18 en la majeur KV 464 (Mozart)
Olivier Marron, violoncelle
Quintette à deux violoncelles (Schubert)
Magnifique concert ! Les musiciens sont tous exceptionnels, mais ils jouent tous très collectif ! C'est particulièrement frappant dans les œuvres de Schubert. Cependant, dans le Mozart, la violoniste Antje Weithaas est bien obligée de se mettre un peu en valeur, ce qu'elle fait de façon très élégante !
Amphithéâtre de la Cité de la musique — 2014-01-26 à 14:30
Quatuor Belcea
Corina Belcea, violon
Axel Schacher, violon
Krzstof Chorzelski, alto
Antoine Lederlin, violoncelle
Quatuor à cordes nº20 en ré majeur “Hoffmeister” KV 499 (Mozart)
Quatuor à cordes nº3, op. 94 (Britten)
La dernière journée de la Biennale se poursuit avec une autre superbe concert dont je retiens surtout l'insoutenablement beau Quatuor nº3 de Britten. Je ne me méfiais pas trop après avoir entendu les 2 premiers mouvements, mais à partir du troisième je n'ai pas pu retenir mes larmes de plaisir à l'écoute du violon de Corina Belcea.
(En bis, la très belle Cavatine du Quatuor nº13 opus 130 de Beethoven.)
Cité de la musique — 2014-01-26 à 14:30
Quatuor Jerusalem
Alexander Pavlovsky, violon
Sergei Bresler, violon
Ori Kam, alto
Kyril Zlotnikov, violoncelle
Quatuor à cordes nº22 en si bémol majeur KV 589 (Mozart)
Quatuor nº1 “Sonate à Kreutzer”, Janáček
Quatuor nº1 en mi mineur ”De ma vie”, Smetana
Mon état de fatigue ne m'a pas permis d'apprécier le Mozart. Le Quatuor nº1 “Sonate à Kreutzer” de Janáček m'a paru très bien joué, vraiment. Il faut remercier le Quatuor Jerusalem de l'avoir interprété, mais cette écoute n'efface pas de ma mémoire l'interprétation que David Grimal et al. en avaient donné aux Bouffes du Nord en 2012.
2014-01-24 14:06+0100 (Orsay) — Culture — Musique — Opéra — Danse — Danses indiennes — Culture indienne
J'ai vu singulièrement plus de spectacles en 2013 qu'en 2012, à savoir plus de deux cents... Un certain nombre d'entre eux m'ont fait passer des moments exceptionnels. Si je ne devais retenir que l'exceptionnel parmi l'exceptionnel, je garderais les spectacles suivants (dans l'ordre chronologique) :
Voici quelques autres spectacles qui m'ont procuré beaucoup de plaisir. La sélection est évidemment très subjective. Je me suis limité à 10, mais beaucoup d'autres spectacles auraient pu figurer dans cette liste !
2014-01-19 14:00+0100 (Orsay) — Culture — Musique — Danse — Danses indiennes — Culture indienne — Planning
Il est un peu tard pour présenter un planning de spectacles de janvier, et un peu tôt pour faire le bilan du mois, mais ce billet tentera de faire les deux.
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Opéra Garnier — 2014-01-08
Ballet du Théâtre du Bolchoï
Orchestre Colonne
Igor Dronov, direction musicale
Leonid Desyatnikov, musique
Alexeï Ratmansky, chorégraphie
Jérôme Kaplan, décors et costumes
Vincent Millet, lumières
Guillaume Gallienne, consultant dramaturgique
Lukas Geniusas, piano
Svetlana Shilova, Catherine Trottman, chant
Diana Vishneva, Coralie
Vladislav Lantratov, Lucien
Ekaterina Shipulina, Florine
Artem Ovcharenko, Premier danseur
Yegor Simachev, Camusot
Alexandr Fadeechev, Le Duc
Yan Godovsky, Le Maître de ballet
Illusions perdues, ballet en trois actes d'après le livret de Vladimir Dmitriev inspiré du roman éponyme d'Honoré de Balzac
J'ai apprécié certains aspects de la musique de ce ballet interprété par le Ballet du Théâtre Bolchoï. J'ai toutefois été étonné que la musique soit bien souvent une superposition entre une musique assez sérieuse et une musique moqueuse, comme si une partie de l'orchestre se mettait à caqueter. (Ceci n'est pas une critique de l'orchestre que j'ai trouvé excellent, mais de la curieuse composition de Leonid Desyatnikov.)
J'ai aimé voir les magnifiques danseurs Vladislav Lantratov et Diana Vishneva dans les rôles principaux (et revoir Ekaterina Shipulina exécuter une vingtaine de fouttés), mais je n'ai été aucunement ému par l'histoire.
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Maison de l'Inde, Cité universitaire — 2014-01-11
Jérôme Cormier, chant dhrupad
Gérard Hababou, pakhawaj
Joël, chant dhrupad
Raga Gunkali
Le pakhawaj imposait d'accorder le tampura en la, ce qui me permit de chanter bien que ma gorge ne fût pas tout à fait remise de mon utilisation d'un encens anti-moustiques à la fin de mon séjour à Chennai... La dernière fois, nous étions quatre à accompagner notre professeur de chant dhrupad. Cette fois-ci, j'étais tout seul, et cela fait drôle de savoir que c'est sans filet...
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Chez Malavika — 2014-01-11
Pauline Reibell, bharatanatyam
Kâmala
J'ai apprécié ce spectacle de danse bharatanatyam de Pauline Reibell (qui est comme ma prof disciple de Sucheta Chapekar). Le spectacle s'intitule Kâmala, qui est le nom de la fleur de lotus, dont l'éclosion sera évoquée de diverses manières au cours du spectacle. Celui-ci commence par le son originel Om, suivi de la note de référence Sa du solfège indien, bientôt rejointe par les autres notes de la gamme que la danseuse chante dos au public. Elle prononce ensuite en joignant le geste à la parole un vers essentiel de l'Abhinaya Darpanam sur les danses indiennes :
यतो हस्तस्ततो दृष्टिर्यतो दृष्टिस्ततो मनः ।
यतो मनस्ततो भावो यतो भावस्ततो रसः ॥
Ce qui se transcrit ainsi :
yato hastastato dṛṣṭiryato dṛṣṭistato manaḥ
yato manastato bhāvo yato bhāvastato rasaḥa
Là où va la main va le regard, etc. Après l'avoir prononcé en
sanskrit, la danseuse en a proposé une traduction. La fin du vers est
étonnamment traduite par Jaillit la joie
. Le geste effectué par la
danseuse évoque effectivement la joie, mais il me semble qu'il s'agit plus
généralement de l'émotion esthétique (Rasa).
La bande-son alterne entre musique plutôt mélodique, silences, passages rythmiques et bruits urbains dans lesquels s'insèrent des réflexions sur divers sujets. La partie la plus développée du spectacle évoque Ardhanarishwara, la forme androgyne mi-Shiva mi-Parvati. Les deux divinités sont surtout représentées l'une par son attitude féminine et l'autre par l'action du tambour Damaru. Cette représentation se prolongeait peut-être dans deux passages rythmiques dans lesquels une seule de ses mains était animée d'un mouvement, le passage utilisant la main droite étant semble-t-il plus viril que celui utilisant la main gauche.
Dans la séquence suivante, la fleur de lotus semble éclore, attirée par le Soleil. La danseuse représente ensuite trois divinités associées au lotus : Lakshmi, Sarasvati, Govinda. Je suis alors ravi de la voir représenter Padmanabha. Plus loin, adoptant une pose demandant un certain sens de l'équilibre, la danseuse représente semble-t-il un poisson ; l'interprétation de cette pose par la danseuse est plus courbe que ce que j'ai pu voir récemment à Chennai.
Le récital est quelque peu austère, mais j'ai apprécié la beauté de certains mouvements convergeant vers des postures signifiantes et je me suis aussi délecté de la pièce narrative évoquant l'espiègle Krishna qui est intervenue avant le Tillana concluant le récital.
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Salle Pleyel — 2014-01-16
Roland Daugareil, violon solo
Orchestre de Paris
Christoph von Dohnányi, direction
Le songe d'une nuit d'été (Ouverture), Mendelssohn
Martin Helmchen, piano
Concerto pour piano nº3 et ut mineur op 37 (Beethoven)
Symphonie nº9 La Grande (Schubert)
Superbe concert de l'Orchestre de Paris ! tout comme la dernière fois que j'avais vu Christoph von Dohnányi diriger cet orchestre, dans Le Château de Barbe-Bleue. Placé cette fois-ci à l'arrière-scène, je le vois diriger des épaules l'Ouverture du Songe d'une nuit d'été. Le grand moment du concert a été pour moi l'interprétation du Troisième concerto pour piano de Beethoven par le pianiste Martin Helmchen que j'avais déjà trouvé formidable comme accompagnateur de Juliane Banse lors d'un récital de Lieder. Comme beaucoup d'autres spectateurs, j'ai été captivé par son interprétation de ce concerto ! Beaucoup de rubato dans son jeu et dans celui de l'orchestre... Certains passages sont très virtuoses, mais je n'ai jamais l'impression d'être noyé dans un déluge de notes. Tout semble très clair !
Après l'entr'acte, j'ai beaucoup aimé l'interprétation de la symphonie “La Grande” de Schubert, notamment le deuxième mouvement, mais à chaque écoute, je trouve toujours cette symphonie un petit peu longue...
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2014-01-12 17:40+0100 (Orsay) — Culture — Musique — Danse — Danses indiennes — Culture indienne — Voyage en Inde XII
Je reviens ravi de mon court à Chennai pour la Saison de décembre. Je ne saurais trop recommander à quiconque aime la danse bharatanatyam d'y aller (les autres styles indiens n'étant que très modestement représentés). Je n'y retournerai pas tous les ans, d'une part parce qu'un séjour aussi bref en Inde est quelque peu dispendieux et d'autre part parce que l'ensemble des artistes présents ne doit pas beaucoup changer d'une année sur l'autre. Cependant, je retenterai l'expérience dans quelques années, c'est certain.
La plupart de mes journées commençaient très tôt. Pendant les premiers jours, je n'avais aucun mal à m'endormir, mais une fois réveillé sans raison vers 5h du matin, je n'arrivais plus à me rendormir. Les jours suivants, j'ai été réveillé tous les matins vers 5h par le son des nadaswarams du temple jouxtant l'hôtel moins onéreux que j'avais préféré au premier. Je n'avais dès lors plus qu'à attendre 7h que le restaurant Saravana Bhavan le plus proche ouvre afin d'y déguster des Appams servis avec du lait de coco.
Les spectacles de danse n'ayant lieu que l'après-midi, il a bien fallu que j'assiste le matin à quelques concerts de musique carnatique (et à des conférences-démonstrations à la Music Academy ou au Sri Krishna Gana Sabha). Il m'est apparu au cours de ce voyage que je n'aimais pas véritablement la musique carnatique. Les raisons m'ont été révélées lors de l'intéressante conférence-démonstration des violonistes Ganesh & Kumaresh. J'apprécie que le chant soit ornementé, c'est ce qui m'a attiré vers le dhrupad, mais le chant carnatique est beaucoup trop ornementé à mon goût. Les Alap sont trop courts et ne font pas entendre les notes de la gamme de façon progressive, puisqu'au bout d'un quart de seconde, le chanteur aura eu le temps de les jouer toutes avec déjà d'infinies combinaisons d'ornementations. Certains interprètes arrivent néanmoins à donner un caractère méditatif à leur chant. Ce fut le cas de T. M. Krishna et plus encore de Dr M. Balamuralikrishna. Me donner une petite chance d'entendre Dr M. Balamuralikrishna en concert faisait partie des raisons principales de mon séjour. Je suis heureux de l'avoir entendu, même si cela n'a duré que 10 minutes. En dehors de ce moment exceptionnel, je retiendrai surtout le concert matinal de Padmavathy Ananthagopalan & Jayanthi Kumaresh qui ont interprété avec leurs Vînâs un Ragam Thanam Pallavi, la forme musicale la plus élaborée dans la musique carnatique et la plus proche de la forme que prennent les Ragas dans la musique dhrupad.
La raison principale de mon séjour à Chennai était bien sûr la danse. En tout, j'aurai assisté à plus d'une trentaine de spectacles de danse (sur 52 spectacles vus en 12 jours). Cela commençait souvent par un récital au Narada Gana Sabha à 14h après lequel je filais au Sri Krishna Gana Sabha pour les récitals de 16h et 17h30 dans la petite salle, après lesquels j'enchaînais avec le spectacle du soir dans la grande salle du Sri Krishna Gana Sabha, ou dans une autre salle. À l'issue du festival du Sri Krishna Gana Sabha, je me suis tourné vers le Bharatiya Vidya Bhavan.
Pour ce qui est de la danse, j'ai été heureux de prendre un cours avec Srithika Kasturirangan qui porte une lourde responsabilité dans mon intérêt pour le bharatanatyam. En assistant à des récitals, j'ai découvert des styles de bharatanatyam extrêmement variés, du plus austère (C. V. Chandrashekhar) au plus exubérant (Nivedita Gopinath) en passant par l'art de la narration la plus lisible qui soit de Bhavya Balasubramanian, la grâce de Meenakshi Srinivasan, le style tout à fait unique de Padma Subramanyam (dont le travail sur les karanas peut néanmoins être admiré chez Janaki Rangarajan). Parmi les expériences allant vers la danse contemporaine, si j'ai été sensible aux tentatives de Rukmini Vijayakumar, j'ai un peu moins accroché à celles de Leela Samson et je suis resté complètement réfractaire à la démarche d'Anita Ratnam. Ce spectacle d'Anita Ratnam est la seule véritable déconvenue subie au cours de ce séjour, et ce d'autant plus qu'en assistant à ce mauvais spectacle, j'ai perdu une occasion de revoir Alarmel Valli. Mon grand autre regret est de n'avoir pas vu Bragha Bessel dont tout le monde loue les qualités exceptionnelles en Abhinaya, mais ce n'est, je l'espère, que partie remise.
La trentaine de récitals de danse auxquels j'ai assisté m'ont donc à peu près tous apporté des satisfactions ; je ne peux pas toutes les citer ici. Les plus grandes émotions ne sont pas toujours venues des danseuses les plus connues : la qualité d'un spectacle ne se mesure pas au prix des places (qui est souvent de zéro roupie !). Cependant, s'il y avait un seul spectacle en lequel je fondais de grandes espérances, c'était bien celui de Rama Vaidyanathan. Jusque là, je ne l'avais vue qu'en vidéo. Je m'attendais à ce que soit extraordinaire et assister à son récital au Bharat Kalachar m'a comblé au delà de toutes mes espérances !
2014-01-10 17:08+0100 (Orsay) — Culture — Musique — Danse — Danses indiennes — Culture indienne — Voyage en Inde XII
The Indian Fine Arts Society, Balamandir German Hall, Chennai — 2014-01-03 à 08:30
Ensemble Amirtha Vahini, chant
Il n'y avait pas beaucoup de spectacles programmés pendant cette matinée. La seule possibilité que j'aie trouvée était d'aller au Balamandir German Hall à 8h30. On était moins nombreux dans le public que sur scène où avaient pris place sept femmes et un homme qui chantaient sans accompagnement instrumental. Elles chantaient déjà avant que je fusse arrivé. Leurs chants sont semble-t-il en l'honneur de Krishna et sont pour la plupart en Adi Tala (les chanteuses ne le clappant pas toutes de façon synchronisées avec la leader). J'apprécie que les chants soient ornementés de façon beaucoup plus raisonnable que ne l'est le chant carnatique. Quelques délicieux glissandis exécutés entre certaines notes interprétées sur un tempo plutôt lent, cela me plaît davantage que les ornementations fractales de certains chanteurs ! Malgré leurs imperfections et leur absence totale de prétention, ces chants interprétés par un chœur m'ont beaucoup ému.
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The Indian Fine Arts Society, Balamandir German Hall, Chennai — 2014-01-03 à 09:00
M.V. Narasimhachari, chant
Jayanthi Keshav, violon
Thiruvidaimarudur Radhakrishnan, mridangam
Quelques minutes après la fin du premier concert, le public n'est pas beaucoup plus nombreux pour le concert de M. V. Narasimhachari. La voix du chanteur âgé ne s'est pas tout à fait enfuie, lui permettant tout juste d'assurer le concert, ce qui me met assez mal à l'aise. La brièveté ou l'absence totale d'Alap dans l'interprétation des premières compositions m'a décidé à partir après un petit quart d'heure.
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Pour la soirée, j'avais deux possibilités. La première était d'assister à un dance drama de Kalakshetra au Narada Gana Sabha. Après avoir vu une autre chorégraphie de Rukmini Devi dans le récital de C. V. Chandrashekhar, je me suis dit que je risquais de m'y ennuyer et ce d'autant plus que je ne connais pas bien le thème mythologique du dance drama Rukmini Kalyanam qui était programmé (pour cette raison, j'aurais bien aimé voir Sabari Moksham, mais c'était complet).
L'autre possibilité, c'était d'aller à l'ouverture du festival de danse de la Music Academy. Après avoir fui le concert mentionné ci-dessus, je suis passé vers 9h30 à la Music Academy pour acheter une bonne place. La vente commençait à 10h. J'étais le premier dans la file, bientôt rejoint par une japonaise, Naoko. Un agent de sécurité nous a dit de passer outre et d'aller sans attendre au bureau de la Music Academy où on nous a dit de rebrousser chemin parce qu'ils étaient débordés. J'ai finalement acheté mon billet et Naoko son abonnement (season ticket), comme quoi, c'est possible.
Le soir venu, je suis arrivé bien en avance à la Music Academy. Ayant payé ma place 850 roupies, je suis passé par l'entrée VIP et ai découvert que tout le petit monde ou presque du bharatanatyam à Chennai était déjà là ou en train d'arriver : Padma Subramanyam, Sudharani Raghupathy, les Dhananjayan, Shobana, les critiques Sunil Kothari et Leela Venkataraman, et bien d'autres non identifiés. J'aperçois aussi des membres de la Chidambaram Dance Company de Chitra Visweswaran. Si le public était invité à venir plus tôt, c'est parce que la Music Academy avait attribué à cette danseuse le prix Natya Kala Acharya qu'allait lui remettre C. V. Chandrashekhar après la cérémonie de l'allumage de la lampe. Parmi les discours faits à cette occasions, trois ont été remarqués. Tout d'abord, l'entrepreneur Sreedhar Potarazu, époux et père de danseuses, a expliqué qu'il finançait le festival de la Music Academy non pas par mécénat, mais par dévotion aux Arts. C. V. Chandrashekhar a de son côté exprimé son inquiétude sur la forme du récital de bharatanatyam Margam (structuré en Alarippu, Varnam, Padam, etc). Selon lui, de trop nombreuses danseuses utilisent leurs récitals pour raconter des histoires. Il veut bien que l'on raconte des histoires, mais il faudrait laisser cela aux chorégraphies de groupes (Dance Dramas). Si je me fie aux spectacles vus pendant la saison, ses inquiétudes me semblent assez largement infondées ; et ce n'est de toute façon pas moi qui reprocherait à une danseuse de raconter une histoire dans son récital... Les arguments qu'il a produits incluaient la défense de la poésie tamoule qui est utilisée dans certains types de pièces et il a aussi défendu l'importance de l'expression des sentiments de la nayika dans les Varnam alors que celle-ci suit un chemin spirituel vers la divinité.
Le discours d'acceptation de Chitra Visweswaran a été très émouvant. Elle a rendu hommage aux personnes grâce auxquelles elle est devenue ce qu'elle est. Elle a aussi exhorté à une prise de conscience des difficultés auxquelles sont confrontés les danseurs (pas de protection sociale, pas de retraite). Elle a appelé à une réflexion sur le rôle que l'État, les entreprises et la Music Academy pourraient jouer pour améliorer la situation.
La cérémonie s'est éternisée et la demi-heure prévue a été très vite dépassée. Le récital prévu ensuite a commencé avec 40 minutes de retard !
Ailleurs : The Hindu.
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The Music Academy, T.T.K. Auditorium, Chennai — 2014-01-03 à 18:00
Aishwarya Nityananda, danse bharatanatyam
Pushpanjali
Varnam
Devanama
Padam
Tillana
Le récital d'Aishwarya Nityananda donné en ouverture du festival m'a semblé remarquable. Après une prière à Ganesh dont la danseuse a mis en valeur le gros ventre, elle a interprété un Varnam (Rupaka Tala) du Tanjore Quartet en l'honneur de Brihadeshwarar, la forme de Shiva qui réside à Tanjore.
La danse d'Aishwarya Nityananda semble appartenir à la plus pure tradition. Le thème de son Varnam (Rupaka Tala) a certainement fait plaisir à C. V. Chandrashekhar. Si les qualités expressives de la danseuse sont indéniables, son interprétation me paraît exceptionnelle pour une autre raison. Dans le bharatanatyam, il faut bien admettre que certains éléments de narration très courants finissent par devenir des lieux communs, mais dans ce Varnam la danseuse a repris certains de ces éléments pour les développer davantage que cela se fait habituellement, et élaborant des gestes nouveaux pour ces situations connues, elle renforce l'esthétisme et la poésie de ces scènes. Par exemple, après un premier jati ressemblant fortement à un Alarippu, l'héroïne adresse une prière à Shiva-Nataraja qui se laisse entrevoir et puis elle décide de confectionner une guirlande de fleurs. Au lieu de gestes vus et revus, la danseuse élabore sur ce thème. On la voit ainsi aller remplir des seaux d'eau au puits, puis arroser des fleurs et enfin seulement préparer les guirlandes de fleurs. Plus loin, entrant dans le temple, elle entend le son des tambours et des nadaswarams. Après son offrande de fleurs, Shiva lui apparaît sous une forme qui lui fait peur : certes Ganga coule de son chignon et il arbore le croissant de Lune, mais elle est effrayée par sa chevelure, les cendres et la peau de tigre. Quand il semble qu'il veuille lui prendre la main, elle s'enfuit. On retrouve ensuite l'héroïne dans une scène bucolique. Allongée au bord de l'eau, elle regarde une abeille butiner un lotus. Cette scène est extrêmement stylisée et la musique se fait presqu'impressionniste grâce au son de la flûte. L'héroïne voit aussi des couples d'oiseaux et d'antilopes. Elle refuse de continuer à voir ce qui la dégoûte. Elle cherche ensuite à s'unir à celui qui porte le tambour Damaru et dont la virilité quelque peu hautaine semble comporter une part de vantardise. L'héroïne est montrée en train de se faire belle. La scène est extrêmement riche en détails. Elle se regarde dans le miroir, se met un collier, des boucles d'oreilles, des bracelets. La danseuse portait évidemment des bracelets depuis le début de son récital, mais c'est tout comme s'ils n'avaient paru qu'au moment où l'héroïne qu'elle incarne les a mis ! L'héroïne enfile ensuite très soigneusement un sari, mais elle ne semble pas satisfaite. Elle jette tous ses ornements et supplie la divinité. Dans le dernier chapitre joyeux du Varnam, on voit l'héroïne s'émerveiller devant la vision de Shiva ascète réduisant Kama en cendres et semble-t-il aussi devant celle de l'épisode mythologique qui vaut à Shiva le nom de Nilakantha. Il me semble ainsi voir la danseuse évoquer le barattage de la Mer de Lait et montrer Shiva en train de boire le poison qui en a résulté, mais je n'en suis pas tout à fait certain, la chorégraphie n'incluant pas de geste spécifique pour signifier que Shiva en a conservé une marque à la gorge.
La danseuse a fait preuve d'une grande musicalité dans son interprétation et ses jatis étaient souvent assez complexes. Le Varnam a même comporté une scène assez vive dansée sur les genoux. La pièce suivante Devanama (composée par Purandara Dasa) évoquait Vishnu. La divinité est apparue plusieurs fois sous le nom de Rama dans le texte, et dans la chorégraphie, mais la pièce est surtout centrée sur l'avatar Krishna, et plus particulièrement sur l'épisode que constitue la Bhagavadgita. On voit ainsi Krishna en cocher. L'archer Arjuna refuse de combattre ceux avec qui il partage des liens familiaux. Krishna se montre à lui dans sa forme universelle. L'Univers tout entier apparaît. Arjuna en est émerveillé et repart au combat. La fin de la pièce comporte une très belle pose de Vishnu-Padmanabha sur le serpent Shesha.
Les deux dernières pièces m'ont paru bien moins passionnantes que les précédentes. L'avant-dernière était un Padam sur le même thème que celui présenté la veille par Janaki Rangarajan. L'interprétation d'Aishwarya Nityananda souffre beaucoup de la comparaison. Si elle n'avait pas annoncé préalablement le thème du Padam, je n'aurais sans doute rien compris à la pièce. Le Tillana n'était pas très enthousiasmant non plus. Il se réduisait à de la danse pure. Fait étonnant, le récital ne s'est pas terminé par la salutation traditionnelle.
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The Music Academy, T.T.K. Auditorium, Chennai — 2014-01-03 à 19:45
Sutra Dance Company de Ramli Ibrahim, danse odissi
Krishna: Love Re-invented
À la lecture du programme du festival de danse de la Music Academy, il apparaît que les spectacles programmés en soirée sont des ensembles plutôt que des récitals solos. Le premier de ces spectacles est Krishna: Love re-invented dansé par la Sutra Dance Company de Ramli Ibrahim (Malaysie). Si les cinq premières minutes du spectacle m'ont paru réellement enthousiasmantes, l'ensemble me paraît consternant et je suis étonné qu'un aussi prestigieux festival programme un tel spectacle certes bien dansé mais dénué de substance. (Cela dit, j'ai déjà vu pire à l'Opéra de Paris !) La troupe est composée de quatre danseurs solistes : Ramli Ibrahim, un jeune homme interprétant Krishna et deux danseuses que les costumes ne distinguent pas des cinq autres danseuses du corps de ballet.
Le costume des danseuses comporte moins de tissu que le costume traditionnel de la danse odissi : elles n'ont que le corsage et le pantalon. Le sujet du ballet est on ne peut plus érotique. Pendant plus d'une heure, on nous montre Krishna en train de danser avec les gopis. Ce serait superbe si le ballet s'arrêtait à la fin du premier des cinq ou six tableaux, mais à force de revoir toujours la même chose tableau après tableau mon émerveillement a laissé la place à la lassitude.
Le premier tableau mettait en scène deux dévôts de Krishna : un homme (Ramli Ibrahim) et une femme (la prima ballerina). Les danseurs et danseuses de la compagnie dansent un style que l'on ne peut pas confondre avec un autre style que l'odissi. La cambrure des corps est tout à fait caractéristique. La lascivité des poses et des mouvements de transition met résolument en valeur l'aspect Lasya de la danse. Ce qui me plaît le plus, c'est le travail sur le placement du corps de ballet, très homogène : en danses indiennes, c'est la première fois que je vois ça (les danseuses de la Chidambaram Dance Company vues récemment développant davantage leur singularité).
Si le premier tableau était superbement travaillé, les suivants étaient très décevants, le sujet ayant été épuisé dès le premier tableau. Pour rendre le ballet plus substantiel, il aurait fallu par exemple explorer le Gita-Govinda ou narrer des exploits du jeune Krishna... Il faut néanmoins reconnaître une certaine audace dans les portés intégrés à la chorégraphie, sans doute à l'extrême limite de ce qui doit être acceptable en termes de pudeur sur une scène indienne.
2014-01-06 22:26+0100 (Orsay) — Culture — Musique — Danse — Danses indiennes — Culture indienne — Voyage en Inde XII
Sri Parthasarathy Swami Sabha, Vidya Bharathi Kalyana Mandapam, Chennai — 2014-01-02 à 08:30
Dr. T.S. Sathyavathi
Lecture Demonstration: An aesthetic approach to pallavi and its facets
Mon avant-dernière journée à Chennai a commencé par une remarquable
lecture-demonstration au Vidya Bharati Kalyana Mandapam que les
rickshaws qui le connaissent appellent simplement Vidya Bharatai
et
qu'il ne faut donc pas confondre avec Bharatiya Vidya Bhavan
qui se
trouve aussi à Mylapore. La conférence est intitulée An aesthetic
approach to pallavi and its facets. Après avoir chanté une courte et
intense prière à Bhagavata
, T. S. Sathyavathi a illustré ce qu'il
fallait faire (ou ne pas faire) selon elle dans la partie Pallavi
d'un Ragam Thanam Pallavi. Parmi ses idées, celle d'apporter du plaisir
(pleasure) à l'auditeur plutôt que de créer une tension
(pressure). Tous les efforts de l'interprète doivent aller dans
cette direction, mais il ne faut pas que ces efforts soient apparents. Elle
a présenté de nombreux exemples d'une grande difficulté technique, mais a
insisté pour que l'interprète ne soit pas trop démonstratif et que le
battements du tala et de ses subdivisions ne soient pas trop forcés :
allier souplesse et précision. Par exemple, la chanteuse est passée tout
naturellement de temps divisés en quatre doubles croches à des quintolets
et puis plus loin, elle rendra très naturel un redoutable Talamalika,
une guirlande de talas dans lequel chaque cycle rythmique était obtenu en
mettant bout à bout plusieurs talas (en l'occurrence quatre :
3+???+4+5).
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Sri Parthasarathy Swami Sabha, Vidya Bharathi Kalyana Mandapam, Chennai — 2014-01-02 à 10:00
Kunnakudy M. Balamuralikrishna, chant
M.A. Sundareswaran, violon
Thiruvarur Bakthavathsalam, mridangam
K.V. Gopalakrishnan, kanjira
La matinée se poursuit dans la même salle avec un concert de Kunnakudy M. Balamuralikrishna. Alors que j'arrivais à clapper immédiatement des talas pas tout à fait évidents avec l'oratrice de la lecture-demonstration précédente, je suis perdu quand je regarde Kunnakudy M. Balamuralikrishna, même quand il chante une composition dans le tala le plus courant (Adi). Le chanteur ne suit manifestement pas la même recherche esthétique que T. S. Sathyavathi. C'est très divertissant, je ne regrette pas d'être resté jusqu'au Tillana conclusif, mais je n'ai pas trouvé très transcendant ce concert.
⁂
Le temps est venu de parler d'un sujet important : la nourriture. J'ai
pris la plupart de mes repas dans des restaurants comme Saravana Bhavan et
d'autres du même type. Je ne suis allé qu'une fois dans un restaurant de
luxe (Benjarong, un restaurant thaïlandais qui me permet de me remémorer à
chaque passage à Chennai ce que signifie véritablement l'adjectif
piquant
appliqué à la cuisine). En cas de petit creux, je prenais
des petits cakes nature vendus à tous les coins de rue pour 5 roupies.
La plupart des salles de spectacle disposent d'une cafétéria. Il ne m'a pas semblé qu'il y en ait une à la Music Academy et celle du Narada Gana Sabha n'étant ouverte qu'en soirée, je ne l'ai pas testée. J'ai souvent pris des cafés au Sri Krishna Gana Sabha, mais leurs plats ne sont pas terribles. Parmi les meilleurs cuisines que j'ai testées, celle du Brahma Gana Sabha (Sivagami Petachi Auditorium) est très bonne, tout comme celle du Mylapore Fine Arts Club, dont je n'ai malheureusement pas eu le temps de goûter au thali. La meilleure cantine a été pour moi indiscutablement celle du Vidya Bharati Kalyana Mandapam. La salle est grande et les murs sont recouverts de portraits de chanteurs de musique carnatique comme M. S. Subbulakshmi, Dr. M. Balamuralikrishna ou Aruna Sairam. J'y ai pris des vadas en arrivant le matin et je n'ai eu alors aucune hésitation sur l'endroit où je prendrais mon déjeuner. Après le concert de Kunnakudy M. Balamuralikrishna, je me suis installé dans cette cantine où des feuilles bananier étaient alignées pour servir le thali à volonté (un peu plus de 200 roupies). Un des meilleurs que j'aie goûtés !
⁂
Kartik Fine Arts, Bharatiya Vidya Bhavan - Main Hall, Chennai — 2014-01-02 à 16:30
M. Thamayanthi, danse bharatanatyam
À 16h30, je suis allé au Bharatiya Vidya Bhavan. L'entrée étant gratuité ce jour-là, j'ai assisté aux trois récitals de danse qui y étaient programmés afin d'être sûr d'avoir une très bonne place pour le dernier récital (de Janaki Rangarajan). La première danseuse est M. Thamayanthi, disciple d'Urmila Satyanarayanan. J'ai aimé son style très esthétique comportant des équilibres et une gracieuse utilisation de positions assises ou allongées.
Les deux premières pièces (un Pushpanjali en l'honneur de Shiva
et un Alarippu rythmiquement compliqué dont la musique utilisait
un tala à sept temps). S'ensuit un Varnam en Adi Tala dont je n'ai
pas saisi la cohérence globale. Le premier jati ressemble à un
Alarippu. Les mouvements semblent complexes, les bras et les
jambes allant souvent dans des directions opposées. La jeune femme brûle
d'amour. Elle va à la rivière se laver les cheveux et les arranger en
chignon. Elle brûle toujours et cherche l'union. Des épisodes mythologiques
sont ensuite évoqués. Il me semble discerner que quelqu'un est réduit en
cendres (Kama par Shiva ?) et plus loin j'ai l'impression de voir une
évocation de certains ou peut-être de tous les avatars de Vishnu, ce qui me
paraît étrange, mais les apparitions de Krishna en flûtiste et du mot
Gopala
dans le texte lèvent mes doutes. Après un jati très rapide,
on voit les abeilles butiner des fleurs et alors que l'héroïne se réveille
après son sommeil, le Varnam se termine de façon joyeuse.
Le récital se conclut par deux délicieuses pièces en Adi Tala. La première décrit l'émerveillement d'une mère en voyant son enfant ; elle ne peut faire aucune tâche ménagère, puisqu'elle revient toujours auprès de l'enfant, pour lui donner des fruits, par exemple. Le récital se conclut sur un Tillana composé par Dr M. Balamuralikrishna, pas celui en Behag entendu déjà plusieurs fois, mais plutôt semble-t-il celui en Kadanakuthoohalam. La pièce évoquait Krishna et comportait un très bel équilibre.
En allant me dégourdir les jambes, je salue une dernière fois le violoniste Kalaiarasan qui filait jouer dans une autre salle et qui m'a demandé mon numéro de téléphone !
⁂
Kartik Fine Arts, Bharatiya Vidya Bhavan - Main Hall, Chennai — 2014-01-02 à 18:00
Vaijayanthi Narendran, danse bharatanatyam
Comme l'avant-veille, j'ai assisté à un récital d'une disciple de Krishnakumari Narendran. Le récital de Nivedita Gopinath était centré sur Vishnu (via son avatar Rama). Celui de Vaijayanthi Narendran est consacré à Shiva. Les discours en tamoul de Krishnakumari Narendran sont toujours aussi interminables. Les chorégraphies présentées par Vaijayanthi Narendran sont un peu moins hors normes que celles dansées par Nivedita Narendran. La première pièce commence par un jati très long mettant en scène le tambour Damaru de Shiva. Après une évocation du tambour, de la vînâ, de la flûte et de l'écriture, la suite de la pièce montre de nombreux attributs de Shiva (chignon, troisième œil, trident, Ganga, Nataraja, Damaru).
La deuxième pièce commence par le mantra Om Namah Shivaya dans laquelle la danseuse évoque la danse de Shiva en montrant plus ou moins les mêmes attributs que dans la pièce précédente. La vélocité de la danseuse est impressionnante. Presque trop, on n'en a pour ainsi plus le temps de distinguer les éléments évocateurs ou narratifs de la chorégraphie... Comme dans le récital de Nivedita Gopinath, les conventions du bharatanatyam semblent exploser avec l'insertion d'un passage de divertissement champêtre sans paroles dans lequel le son de la vînâ prend le dessus.
La pièce suivante utilise une musique de Papanasam Sivan et évoque semble-t-il l'amour filial de Yashoda pour Krishna.
La dernière pièce avait un titre ressemblant à Pandheri-yatra et m'a semblé évoquer un voyage en bateau et exprimer une dévotion (bhakti) vishnouïste.
Malgré la vitesse extrême des mouvements qu'elle a exécutés, la danseuse n'a trahi aucun signe de fatigue.
⁂
Kartik Fine Arts, Bharatiya Vidya Bhavan - Main Hall, Chennai — 2014-01-02 à 19:30
Janaki Rangarajan, danse bharatanatyam
Margam
Un des récitals que j'attendais le plus en venant à Chennai était celui de Janaki Rangarajan, que j'avais déjà eu l'occasion de voir au Musée Guimet il y a quelques mois. Le chanteur est K. Hariprasad et le nattuvangam sera joué par Jaishri, ce qui à tout pour me plaire. L'orchestre ne comporte pas de violon, seulement une flûte (et bien sûr aussi un mridangam).
Après une prière au Tout Puissant, la danseuse qui porte un élégant costume associant blanc, vert et rose a interprété un Alarippu suivi d'une prière et d'une offrande de fleurs à Shiva. Le dieu était représenté avec son chignon, des cendres et la peau de tigre. Étrangement, pour représenter Shiva-Nataraja, après avoir fait prendre à ses deux mains leur position habituelle, elle a dirigé vers le côté opposé non pas sa jambe gauche mais sa jambe droite. La pièce de cette disciple de Padma Subramanyam s'est terminée par une superbe pose, qui est probablement un karana (le centième ?), qui ressemble un peu à la représentation iconographique d'un des pas du nain Vamana (incarnation de Vishnu). La danseuse se tient sur la jambe droite qui est tendue, tandis que la jambe gauche est parfaitement horizontale, pointée vers le côté et tenue par la main gauche, la main droite restant décontractée.
La pièce principale du récital est un Varnam. L'héroïne est éprise de Padmanabha (Vishnu). Les jatis comportent quelques mouvements très courbes et incorporent peut-être quelque(s) karanas. Au cours des trente-deux spectacles de danse que j'ai vus à Chennai, j'ai eu de très nombreuses occasions de voir Kama lancer ses flèches florales. La représentation qu'en a fait Janaki Rangarajan est sans doute la plus belle que j'aie vue. L'héroïne exécute des rites d'adoration d'une statue. Elle brûle de la séparation avec son bien-aimé. Par ses magnifiques mouvements d'yeux, la danseuse exprime la détresse de l'héroïne. Celle-ci se pare. Elle se coiffe les cheveux, se maquille, souligne le contour de ses paupières. Des couples d'oiseaux paraissent, des abeilles butinent, l'héroïne pense à celui aux yeux de lotus (Krishna flûtiste), ce qui donne à la danseuse l'opportunité d'exécuter des délicats mouvements de sourcils. Elle brûle toujours de cette détresse et puis Padmanabha apparaît enfin. L'héroïne le supplie, mais elle ne pourra semble-t-il adorer que son image.
Plus que par sa structure classique assez peu narrative, si j'ai trouvé remarquable ce Varnam (en Rupaka Tala), c'est par le travail exceptionnel de la danseuse dans l'expression de son visage et dans la beauté de sa gestuelle, que ce soit dans les passages rythmiques (jatis) ou dans les parties exprimant les sentiments de l'héroïne.
La pièce suivante est un Padam. Si je verrai par hasard une
autre danseuse interpréter une pièce sur le même thème le lendemain, je
pense que Janaki Rangarajan est la première danseuse que je voie à
présenter le thème d'une héroïne (nayika) trahie par son amie
(sakhi). L'amie sert d'intermédiaire entre l'héroïne et son
amoureux (une divinité, qui était ici Muruga). On voit l'héroïne rédiger
une lettre que la sakhi est censée transmettre à l'amoureux. Dans
ce Padam, quand l'amie
revient, l'héroïne remarque que son
maquillage est ruiné, son rouge à lèvres dégouline de partout. Alors que la
sakhi avait toujours été pour moi un personnage assez abstrait que
je n'arrivais jamais à distinguer dans la chorégraphie, je l'ai vu pour la
première fois dans ce Padam. Elle fallait voir la sakhi
ayant perdu toute contenance, pleine de honte, peu fière d'avoir trahi la
nayika. Cela n'a duré que deux ou trois secondes, mais c'était
magnifique. La pièce se termine avec l'expression des regrets de la
sakhi.
Le récital s'est terminé par un Tillana composé par Padma Subramanyam louant la beauté des créatures de Dieu. Les mouvements d'yeux de la danseuse sont encore éblouissants dans cette pièce qui se termine par un bel équilibre.
Alors que je m'apprête à aller féliciter la danseuse, je suis ravi de me
retrouver nez à nez avec Jaishri à qui j'ai déjà eu l'occasion quelques
jours plus tôt d'exprimer toute mon estime pour sa façon de jouer du
nattuvangam. Arrivé à la loge, je suis accueilli par un Are you
Joël?
. Je ne suis pas sûr de m'en être complètement remis...
2014-01-03 16:10+0530 (சென்னை) — Culture — Musique — Danse — Danses indiennes — Culture indienne — Voyage en Inde XII
The Mylapore Fine Arts Club, Chennai — 2014-01-01 à 09:30
Lalgudi G.J.R. Krishnan, violon
Lalgudi Vijayalakshmi, violon
Trichy B. Harikumar, mridangam
V. Suresh, ghatam
Pour ce premier concert de l'année, j'ai probablement entendu ce qui se
fait de mieux en violon carnatique : les frère et sœur Lalgudi G. J. R.
Krishnan et Lalgudi Vijayalakshmi, disciples de leur père Lalgudi
Jayaraman. Le concert a été agréable, mais n'a pas atteint les sommets de
celui des joueuses de vînâ Padmavathy Ananthagopalan & Jayanthi
Kumaresh. Ils ont interprété de nombreuses compositions en Adi Tala (et
Rupaka Tala) de grands compositeurs (Tyagaraja, Muthuswami Dikshitar et
leur père). Leur concert a aussi comporté un Ragam Thanam Pallavi en Raga
Desh sur un cycle rythmique à neuf temps (XxxxxXoXo
). La première
ligne du Pallavi a été chantée par Vijayalakshmi avant que les
deux musiciens l'interprètent avec leurs violons. J'ai nettement préféré ses
improvisations à celles de son frère, moins émouvantes. Le concert s'est
conclu par un Tillana composé par leur guru.
⁂
Sri Krishna Gana Sabha, Kamakoti Gana Mandir Hall, Chennai — 2014-01-01 à 16:00
M.S. Ananthashree, danse bharatanatyam
J'ai passé l'après-midi et la soirée au Sri Krishna Gana Sabha. J'y ai d'abord vu M. S. Ananthashree qui si elle n'est pas la plus élégante des danseuses que j'aie vues a cependant une très bonne technique. Après une prière chantée à Ganesh, elle a interprété Sabai Anjali/Tirupavai (?) avec son costume qui ressemble davantage à une robe qu'aux costumes les plus courants qui comportent un pantalon. Elle y fait une offrande de fleurs à la sculpture de Nataraja présente sur scène puis en tant que jeune femme éprise de Krishna, elle adresse une prière à Narayana.
Son Varnam est en Rupaka Tala. Il met en scène l'héroïne et Thyagaraja Swamy (la forme de Shiva résidant à Tiruvottiyur, près de Chennai). Frappée par les flèches de Kama, elle brûle de la séparation alors qu'autour de la rivière, elle voit des couples d'oiseaux et d'antilopes, ainsi que des abeilles butinant des fleurs. Elle prépare soigneusement un collier de fleurs pour son bien aimé. La danseuse évoque ensuite les Arts en mentionnant le Dieu aux quatre visages, les quatre Vedas, le tambour, la parole, la beauté du son, le rythme (qu'elle bat avec les doigts). Les jatis de ce Varnam sont très complexes d'un point de vue rythmique.
La pièce suivante est un Padam (Rupaka tala) dans lequel une mère tente de détourner sa fille de Shiva dont elle est éprise. La raison est semble-t-il qu'elle veuille garder Shiva pour elle-même... Le récital s'est conclu avec un Tillana (Adi tala).
⁂
Sri Krishna Gana Sabha, Kamakoti Gana Mandir Hall, Chennai — 2014-01-01 à 17:30
Sweta Prachande, danse bharatanatyam
Le récital suivant a été merveilleux. La jeune danseuse Sweta Prachande a d'abord appris le bharatanatyam auprès de Sucheta Chapekar (la guru de ma prof) et comme elle me l'a dit après le spectacle elle s'est installée depuis plusieurs années à Chennai où elle continue sa formation avec Priyadarshini Govind.
Le chanteur souffre quelque peu de la comparaison avec la Dream Team de
musiciens qui l'entourent. Au violon, mon ami
Kalaiarasan, au
mridangam, le maître G. Vijayaraghavan et K. S.
Balakrishnan au nattuvangam. La première pièce est une magnifique évocation
de Shiva. La souplesse et le petit gabarit de la danseuse lui permettent de
rendre particulièrement impressionnante la pose de Shiva-Nataraja. Cette
pièce a été une des toutes meilleurs pièces de bharatanatyam que j'aie vues
au cours de ce séjour.
Le Varnam n'a pas été proportionnellement aussi riche en émotions que la première pièce, mais la danseuse y a très bien évoqué Shiva et la Déesse (dans son aspect guerrier), tandis que l'héroïne dévôte de Shiva cherchait à s'unir à lui. Pour accompagner cette danse, la musique était d'une rare beauté. Les jatis composés par G. Vijayaraghavan et dansés par Sweta Prachande étaient un régal autant pour les yeux que pour les oreilles. Dans les parties narratives, les frappes du mridangam étaient d'une rare pertinence. Une pause dans le Varnam a été rendue nécessaire pour que la danseuse puisse remettre un bijou d'oreille qui était tombé, ce qui a donné lieu à un délicieux petit solo rythmique. Après que l'on a vu l'héroïne se laver les cheveux à la rivière, le Varnam s'est conclu par une célébration joyeuse de la nature accompagnée de plusieurs jathis utilisant des notes solfiées (sargam).
Après un superbe solo du violoniste, la danseuse a interprété un Javali (Rupaka tala) dans laquelle l'héroïne est en colère contre un jeune homme au visage de lotus qui n'a pas été nommé. Le voit-elle aller avec une autre ? Plus loin, elle s'endort et rêve de s'unir avec lui dans un lieu rempli de fleurs, mais le rêve se transforme semble-t-il en cauchemar quand elle voit un serpent...
La danseuse interprète ensuite une pièce Tirakadi (?) sur une chanson tamoule en Adi Tala. Elle évoque l'amour maternel dans une atmosphère bucolique, alors que les abeilles butinent et que les oiseaux volent. Elle cueille des fruits pour son enfant, mais il pleure quand même. Il finit par s'endormir bercé par elle et la musique s'évanouit dans un superbe decrescendo.
Le récital se conclut par le Tillana évoquant Krishna en flûtiste composé en Raga Behag (Adi Tala) par Dr M. Balamuralikrishna. Ç'aurait été parfait si le chanteur ne s'était emmêlé les pinceaux dans les subtilités rythmiques de la composition et n'avait être recadré à plusieurs reprises par le nattuvanar.
(J'aurais bien aimé que la danseuse interprète une pièce chorégraphiée par Sucheta Chapekar...)
⁂
Sri Krishna Gana Sabha, Dr. Nalli Gana Vihar, Chennai — 2014-01-01 à 19:30
Zakir Hussain, danse bharatanatyam
Madhuram
Autant l'accompagnement musical du récital précédent était beau et pertinent, autant celui du récital du danseur Zakir Hussain a manqué de subtilité. Tous les détails narratifs étaient accompagnés de bruitages divers produits par le percussionniste. Par l'expression de son visage, le danseur avait un petit air de Charlie Chaplin. La scène était décorée d'élément vishnouïstes. La conque et le disque étaient figurés au fond de la scène où était aussi suspendue une flûte ornée d'une plume de paon. Des jarres (contenant du beurre) étaient suspendues côté jardin.
Une femme a annoncé ce programme Madhuram dans un discours en tamoul apparemment plein d'humour. Entre deux pièces, le danseur fera aussi un très long mais néanmoins éloquent discours en tamoul.
Après une offrande de fleurs, le danseur a développé des thèmes liés à l'enfrance de Krishna. On le voit soulever le mont Govardhana, manger du beurre en cachette, dompter le serpent Kaliya. On le voit aussi semble-t-il tuer Kamsa. Après une évocation de son rôle de cocher dans le Mahabharata, le programme se termine par une scène d'adoration joyeuse.
Une scène particulièrement comique peut-être comparée à un épisode de l'opéra Siegfried dans lequel Siegfried joue de la musique avec son cor après avoir lamentablement échoué à produire du beau son avec un roseau. De même, les premières tentatives de Krishna avec sa flûte n'étaient pas très concluantes, mais une fois qu'il est parvenu à en tirer de la musique, les créatures (oiseaux et antilopes) en sont tout émoustillés.
Agréable retour en rickshaw avec un chauffeur qui maîtrise mieux le hindi que l'anglais...
2014-01-02 14:40+0530 (சென்னை) — Culture — Musique — Danse — Danses indiennes — Culture indienne — Voyage en Inde XII
Sri Krishna Gana Sabha, Dr. Nalli Gana Vihar, Chennai — 2013-12-31 à 09:30
G. Vijayaraghavan, mridangam
K. S. Balakrishnan, nattuvangam
Lecture Demonstration: Rythms & vibrations in jathis
Comme l'avant-veille, je suis allé au Sri Krishna Gana Sabha pour assister à une lecture-demonstration. Celle-ci a été précédée du lancement d'un livre de Dr Kanak Rele sur le Mohiniyattam. C. V. Chandrashekhar a fait à cette occasion un discours d'éloge de la danseuse qu'il connaît depuis de nombreuses années.
La conférence a été magnifique. Le titre en était Rythms & vibrations in jathis. L'orateur est le maître du mridangam G. Vijayaraghavan, accompagné de K. S. Balakrishnan au nattuvangam. Après un discours en anglais qu'il avait fait l'effort de préparer, il a continué sa démonstration en tamoul. Il expliquait quelques notions, ce à quoi je ne comprenais rien, mais la démonstration qui suivait était suffisamment éloquente. Il commençait par faire une présentation orale d'un jathi (suite d'onomatopées rythmiques qui accompagnent des passages de danse pure dans un récital de bharatanatyam). Ensuite entraient en scène le danseur A. Lakshman et ses disciples (dans diverses configurations) qui exécutaient des pas de danse, le musicien utilisant son mridangam et les onomatopées rythmiques étant alors prononcées par son acolyte K. S. Balakrishnan qui utisaient aussi le nattuvangam. Concernant les syllabes utilisées, il a expliqué que l'on pouvait mélanger aux onomatopoées rythmiques le texte d'un vers, ou même n'utiliser que du texte, en particulier des mantras. De nombreux grands maîtres de danse ou danseurs étaient présents, il y avait notamment C. V. Chandrashekhar, Dr. Padma Subramanyam ou encore Anita Ratnam. Il y a eu quelques objections suivies d'un débat sur l'utilisation de mots ou de mantras dans les jathis. Les exemples qui ont suivi ont grandement mis en valeur la souplesse rythmique que s'autorise ce mridangiste. Les jathis qu'il interprète comportent des changements de tempos qui peuvent intervenir à divers endroits du cycle rythmique (les exemples donnés étant en Adi Tala ou sur un cycle voisin ne comportant que 7 temps, 3+4 au lieu de 4+4). Beaucoup d'accelerandos et de ritardandos ! Le temps paraît élastique quand il dirige ! Il est de l'avis que le mridangam doit avoir un rôle dans les émotions (bhava) que vont éprouver les spectateurs. Je crois bien qu'il y parvienne !
Priyadarshini Govind posera la question de la différence entre les anciens jathis et les nouveaux. Si j'ai bien compris le point-clef (dans les rares mots anglais qui surgissaient dans le flot de texte tamoul), la différence serait qu'autrefois on n'utilisait que des rythmes utilisant des nombres binaires. De nos jours, on s'autorise des découpages utilisant des nombres impairs. Le musicien reçoit un vibrant hommage de Padma Subramanyam qui explique aussi semble-t-il qu'elle a trouvé des inscriptions anciennes qui mentionnaient l'utilisation de nombres impairs et elle se félicitait que par sa recherche indépendante le musicien soit arrivé à la même conclusion !
Le programme ayant pris du retard à cause des embouteillages, je ne suis pas resté pour les démonstrations suivantes. Je me suis enfui en prenant bien garde à ne pas marcher sur les pieds des maîtres de danse...
⁂
Narada Gana Sabha, Sadguru Gnanananda Hall, Chennai — 2013-12-31 à 14:00
Uma B. Ramesh, danse bharatanatyam
J'aurais bien voulu revoir Radhica Giri que j'avais vue en 2009, mais quand le spectacle du Narada Gana Sabha a commencé, j'ai compris qu'il y avait eu un changement de programme puisque c'était Uma B. Ramesh qui dansait. Ce changement de programme était annoncé dans le journal The Hindu, mais je n'avais pas vérifié ce fait, et il ne faut pas se fier uniquement à ce journal pour se renseigner sur les spectacles, puisque certains des spectacles que j'ai vus n'y étaient pas référencés...
Le programme a comporté une prière chantée à Ganesh, suivi d'un Toreyamangalam évoquant Rama (reconnaissable à son arc) et Sita, Padmanabha (dans une pose étrangement pas fléchie du tout) et Krishna avec flûte et plume de paon. Les jathis sont superbes, puisque le mridangam et le nattuvangam sont joués par les conférenciers de la démonstration ci-dessus ! Cependant, je me lasse de l'expression de la danseuse, toujours identique.
Dans le Varnam, l'héroïne se languit de (Maha)Vishnu. S'il n'y avaient les merveilleux jathis, je me serais vraiment ennuyé. L'attitude de dévotion/admiration de l'héroïne est quasiment constante pendant tout le Varnam (probablement transmis par son guru C. V. Chandrashekhar). Je respecte la démarche, tout est exécuté de façon très propre, mais ce n'est vraiment pas le style de bharatanatyam que je cherche. Plutôt que de la danse, mon plaisir de spectateur vient bien davantage du magistral accompagnement musical non seulement du mridangam mais aussi du violon.
La pièce suivante en Khanda Chapu Talam (équivalent de Sultal) est un Padam évoquant les exploits du jeune Krishna (qui soulève le mont Govardhana et qui danse sur le serpent Kaliya) et ses bêtises (voler du beurre). Je retrouve cependant la même attitude qui me lasse dans ces chorégraphies, la danseuse ayant très souvent les bras dirigés vers l'avant.
La pièce suivante est un Kirtana (Rupakatala) de Bragha Bessell qu'a
déjà dansé Meenakshi Srinivasan quelques jours plus tôt.
La divinité qui était en procession était en fait Padmanabha (Vishnu). Je
comprends les faux indices qui m'avaient fait penser qu'il s'agissait de
Ganesh (une attitude particulière au début de la pièce et un bout de texte
qui semble être Ganapati
), mais je ne comprends comment j'aurai vu
manquer de la voir la posture typique de Padmanabha que l'on voit à fin,
c'est dire si je devais être fatigué à mon arrivée depuis l'Arabie
Saoudite...
Le récital s'est conclu par deux pièces en l'honneur de Vishnu (le thème de ce récital, visiblement) : Javali (à 7 temps) évoquant une héroïne amoureuse de celui qui a des yeux de lotus et Tillana évoquant Mahalakshmi et Mahavishnu.
⁂
Kartik Fine Arts, Bharatiya Vidya Bhavan - Main Hall, Chennai — 2013-12-31 à 16:30
Nivedita Gopinath, danse bharatanatyam
Je me rends ensuite au Bharatiya Vidya Bhavan pour y assister à trois spectacles à la suite. Les annonces se font en tamoul uniquement et sont extrêmement longues. La guru s'excusera auprès de moi d'avoir utilisé le tamoul quand je la féliciterai dans le hall à l'issue du spectacle, mais je suis davantage surpris par l'usage quasi-généralisé de l'anglais dans les annonces. La guru (Krishnakumari Narendran) raconte donc en tamoul l'histoire du Ramayana que sa disciple Nivedita Gopinath va interpréter. (Je ne connais pas le tamoul, mais je reconnais les noms propres...) La première pièce évoque la naissance de Rama et de ses frères, l'épreuve de l'arc de Shiva réussie par Rama. S'ensuit un hommage aux arts (4 Vedas, parole, vîna, tambour) et la pièce se conclut semble-t-il par le mariage de Rama et Sita.
Le style de cette danseuse est tout simplement extraordinaire, et il est remarquable également qu'une personnalité comme Padma Subramanyam y ait assisté ! La pièce est très vive, très contrastée et interprétée avec une joie de danser assez incomparable ; une forme de rusticité tout à l'opposé de ce que j'ai vu dans le récital précédent s'y fait remarquer également.
S'ensuit une pièce sur un thème dans le prolongement du prédécent puisqu'il y sera question du Sundarakhanda, le livre des merveilles du Ramayana racontant la visite du singe Hanuman à Lanka, où il rencontre Sita et lui explique qu'il a sauté par dessus l'océan. Sita lui donne un anneau avec lequel elle s'était attaché les cheveux (je ne me souvenais plus de ce dernier détail).
Je n'ai en revanche rien compris à la dernière pièce dansée, elle aussi précédée d'un éloquent discours en tamoul.
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Kartik Fine Arts, Bharatiya Vidya Bhavan - Main Hall, Chennai — 2013-12-31 à 18:00
A. Lakshman & disciples, danse bharatanatyam
Le récital d'une danseuse a été remplacé par ce programme Swati Maalika par le danseur A. Lakshman et huit danseuses au nombre de ses disciples. Le première pièce était un Pushpanjali suivi d'un shloka sur Padmanabha. La pose finale montrait le guru en Vishnu-Padmabha entouré de disciples dont deux figuraient les têtes du serpent et une autre Lakshmi lui massant les pieds. Les danseuses ont eu l'occasion de se mettre davantage en valeur dans les pièces suivantes, notamment le kriti Bhave Gopala très développé évoquant l'enfance de Krishna : les conditions complexes de sa naissance, son goût pour le beurre, ses talents de bouvier (et de dompteur de buffles ?), la danse sur le serpent Kaliya (à cinq têtes, représentées chacune par une danseuse). On le voit aussi voler les vêtements de jeunes filles se baignant à la rivière. Après une évocation du Rasalila, la pièce se termine avec Padmanabha accompagné de Lakshmi. La pièce suivante évoque la désse guerrière, puis A. Lakshman interprète un Javali dans lequel une fille demande à Krishna d'attendre qu'elle soit plus grande. Cet agréable programme se termine par un Tillana.
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Kartik Fine Arts, Bharatiya Vidya Bhavan - Main Hall, Chennai — 2013-12-31 à 19:30
Leela Samson & Spanda, danse bharatanatyam
Disha
Si le programme de neo-bharatham
d'Anita
Ratnam m'avait profondément déplu, celui conçu par Leela Samson avec
huit jeunes danseurs (autant d'hommes que de femmes) de son ensemble
Spanda était plus convaincant. S'ils venaient danser ce programme au
Théâtre de la Ville, ils y auraient certainement un certain succès. Les
mouvements des danseurs font tous partie du vocabulaire de base du
bharatanatyam. L'ancienne directrice de Kalakshetra les a utilisés pour
présenter une recherche du mouvement originel
développée sur trois
pièces. Je crois que le seul élément non abstrait a été une courte
évocation de Shiva-Nataraja. Tout le reste est de la danse pure utilisant
la géométrie des diagonales de la scène du Bharatiya Vidya Bhavan. Les
danseurs tournent lentement sur eux-mêmes sans changer de placement. Dans
une autre pièce, ils utilisent beaucoup de suites de mouvements (adavus).
Dans la dernière, j'ai l'impression de voir un serpent constitué par les
danseurs se déplacer comme dans l'archéo jeu vidéo où on joue un serpent
qui ne doit pas se mordre la queue. (Il est à noter que la musique
n'utilisait pas de tala, comme s'il n'y avait qu'un seul temps, subdivisé
en quatre doubles croches.)
S'ensuivent deux pièces d'Abhinaya, la première étant un solo de Leela Samson en hommage aux musiciens indiens morts au cours de la année 2013 finissante. La musique était un Thumri de Vasundhara Komkali. La deuxième était un Padam évoquant une jeune femme se languissant de Krishna.
Le programme s'est terminé par une vive pièce très rythmique de danse pure que j'ai trouvée un peu longue.
2014-01-01 14:25+0530 (சென்னை) — Culture — Musique — Danse — Danses indiennes — Culture indienne — Voyage en Inde XII
Narada Gana Sabha, Narada Gana Sabha - Mini Hall, Chennai — 2013-12-30 à 08:30
Padmavathy Ananthagopalan, vînâ
Jayanthi Kumaresh, vînâ
R. Ramesh, mridangam
Trichy Krishnaswamy, ghatam
J'ai passé toute la nuit à combattre des moustiques. Presque tous ceux que j'ai massacrés étaient déjà imbibés de sang... Je me suis rendu très tôt à la petite salle du Narada Gana Sabha. Une cérémonie religieuse était en train de se terminer. Tout le monde s'en allait ; j'étais donc le premier arrivé pour le concert de 8h30 de Jayanthi Kumaresh (déjà appréciée deux fois à Paris en 2009 et en 2012) et de son octogénaire guru Padmavathy Ananthagopalan qui est aussi sa tante.
Elles ont commencé par interpréter deux compositions assez courtes en Adi Tala. Les derniers cycles rythmiques des compositions sont utilisées pour des improvisations des percussionnistes. La partie principale du concert a été consacrée à un Ragam Thanam Pallavi (un vrai raga on ne peut plus développé), le premier que j'entends en musique instrumentale et un des tout premiers que j'entends (le premier était d'Aruna Sairam, et j'en ai entendu un, enregistré, dans le programme de danse d'Anita Ratnam). Ce type de pièce en trois parties est assez semblable à ce qui se fait dans la musique hindoustanie et dhrupad en particulier. Il ne s'agit pas de Rudravina comme dans le dhrupad, mais de Saraswativina. Sinon, la structure est la même. Elles ont commencé par un Alap. Les configurations évoluent. L'une peut développer son Alap tandis que l'autre (la disciple) reproduit les fins de phrases. Elles peuvent aussi laisser entendre le silence entre les phrases ou encore jouer à un jeu de questions et réponses. Le même type de combinaisons se reproduisent dans le Thanam, l'équivalent de Jor/Jhala en dhrupad. La pulsation entre en scène, mais les percussionnistes n'ont pas encore commencé à jouer. Enfin, la composition (Pallavi) intervient. Celle-ci est d'abord chantée par Jayanthi Kumaresh avant que les deux musiciennes l'interprètent, puis développent des improvisations. Parmi ces improvisations, on a pu entendre un jeu de questions de réponses entre Jayanthi Kumaresh et les percussionnistes (ceux-ci tentant de reproduire autant que possible le phrasé), et les deux percussionnistes se sont également livrés à un duo avant le retour de la composition en conclusion.
À part peut-être la brève apparition de Balamuralikrishna il y a quelques jours, aucun concert de musique carnatique ne m'a autant ému que celui-ci et c'est très certainement le meilleur concert de musique indienne instrumentale auquel j'aie assisté ! Le reste du public a manifestement beaucoup apprécié le concert aussi, une bonne moitié de spectateurs clappant le tala de façon énergique !
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Narada Gana Sabha, Sadguru Gnanananda Hall, Chennai — 2013-12-30 à 14:00
Rasika Kumar, danse bharatanatyam
Venant des États-Unis, disciple de Maithili Kumar et de C. V. Chandrashekhar, Rasika Kumar est une danseuse très grande par la taille. Après une prière, la danseuse a dansé une pièce intitulée Mallavi (?) suivie de Devistuti évoquant la Déesse sous plusieurs aspects : la connaissance via les 4 Vedas ou l'aspect guerrier (Mahishasuramardini). La pièce principale est un Varnam évoquant une femme qui est séparée de celui qu'elle a aimé dans le passé, Sundareshwara (la forme de Shiva résidant à Madurai). Les jatis sont très propres, très bien exécutés, la grande taille de la danseuse ne nuisant pas à la vitesse. Pourtant, je ne suis vraiment enthousiasmé par ce Varnam dont je crois pouvoir dire qu'il est dans le style Kalakshetra (comme celui interprété par C. V. Chandrashekhar). Les passages narratifs sont plutôt délicieux, comme lorsqu'elle repense aux moments où elle jouait de la musique avec son bien-aimé. La visite du temple de Madurai donne l'occasion à la danseuse de suggérer le hautbois indien (Nadaswaram), ce que je n'avais encore jamais vu faire. Ceci étant, les sentiments éprouvés par l'héroïne n'évoluent pas vraiment.
J'ai préféré le Padam chorégraphié par Bragha Bessell. Une jeune femme se pare pour accueillir Krishna, elle brûle d'amour, mais alors qu'elle l'invite chez elle, le chant du coq annonce le jour. Elle essaie bien de dire au coq de chanter un peu plus loin pour qu'on ne l'entende pas, mais il est trop tard.
Je garde du Tillana le souvenir de mouvements d'yeux très géométriques, assez semblables à ceux que l'on trouve dans les Alarippu.
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Kartik Fine Arts, Bharatiya Vidya Bhavan - Main Hall, Chennai — 2013-12-30 à 16:30
Hema Nandhini Raguraman, danse bharatanatyam
Je me rends pour la première fois au Bharatiya Vidya Bhavan, près du
temple de Mylapore. La salle a paraît-il été rénovée récemment, mais au
parterre, personne n'a pensé à mettre les fauteuils en pente. Même au
deuxième rang, la tête d'une personne assise devant peut perturber la vue
des pieds de la danseuse. La danseuse Hema Nandhini Raguraman vivant
Malaysie est très talenteuse, mais ses pièces ont été introduits de
commentaires beaucoup trop brefs pour que des spectateurs même un peu
habitués puissent vraiment comprendre où elle voulait en venir. Ce n'est
que vers la fin de son Varnam centré sur Shiva et Meenakshi, quand
le texte disait Adbhuta
que j'ai compris que c'était un
Navarasavarnam évoquant les neufs émotions classifiées. Après ce
qui m'a semblé être une évocation de Nilakantha (Celui qui a la gorge
bleue), il ne me restait plus qu'à apprécier le sentiment de Paix émanant
de la Déesse. (Le violoniste Kalaiarasan, qui jouait déjà dans le spectacle
mentionné précedemment, a été excellent !)
Après avoir interprété un Shringarapadam, la danseuse a dansé un Kirtana lui aussi consacré aux Navarasa (m'a-t-il semblé). Le placement de la danseuse sur scène était très géométrique comme si elle délimitait neuf cases. C'était très furtif, et sans une certaine habitude, vu l'absence d'annonce, je n'aurais vraiment rien compris. Le récital s'est conclu par un Tillana très technique et comportant quelques sauts (la longue tresse de cheveux de la danseuse vole dans toutes les directions...).
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Kartik Fine Arts, Bharatiya Vidya Bhavan - Main Hall, Chennai — 2013-12-30 à 18:00
Lavanya Ananth, danse bharatanatyam
J'avais été émerveillé les deux premières fois que j'ai vu Lavanya Ananth (en 2011 et en 2012. Si l'artiste a indiscutablement une personnalité, une très grande musicalité, un engagement et une présence scéniques, je n'ai trouvé ce récital que bon, alors que je m'attendais à de l'inoubliable. La faute en revient à la pièce principale du récital évoquant la forme de Shiva séjournant à Tanjore (Brihadeshwara). Les jatis étaient tous très élégants, mais les sentiments exprimés par l'héroïne ne m'ont pas semblé évoluer beaucoup au cours de la pièce, la jeune femme regarde au loin dans une attitude toujours identique qui m'a malheureusement un peu lassé.
La pièce suivante est Jagadotarana. Elle montre de façon délicieusement convaicante Yashoda en train de s'occuper du très jeune Krishna. Celui-ci ouvre la bouche et elle y voit l'univers tout entier. Il est aussi celui qui porte le mont Govardhana et ce sera un cocher dans le Mahabharata.
Je n'ai pas saisi tous les détails annoncés dans la pièce suivante (Abhinaya) dans laquelle une femme demande à Krishna de l'épouser comme il le lui avait promis quand ils étaient enfants.
La dernière pièce est en l'honneur de Surya (le Soleil). Aux différentes heures du jours sont successivement associées les divinités Brahma, Vishnu et Shiva. (Je n'ai pas bien reconnu Shiva, mais Vishnu et Shiva se distinguaient très bien.)
Un des grands points forts de ce spectacle était la présence du violoniste Kalaiarasan qui en était comme moi à son troisième spectacle de danse du jour ! S'il avait été excellent dans les deux spectacles précédents, il a été tout simplement génial dans le récital de Lavanya Ananth !!!
2014-01-01 13:04+0530 (சென்னை) — Culture — Musique — Danse — Danses indiennes — Culture indienne — Voyage en Inde XII
Sri Krishna Gana Sabha, Dr. Nalli Gana Vihar, Chennai — 2013-12-29 à 09:30
Sadanam Harikumar
Lecture Demonstration: Melapadam
Je ne l'ai pas reconnue tout de suite, mais la session de conférences tenue au Sri Krishna Gana Sabha est dirigée par Priyadarshini Govind. Je suis allé à cette lecture-demonstration parce que Sadanam Harikumar était annoncé comme étant un danseur et que le titre Melapadam contenait Padam (un type de pièces de pur Abhinaya). J'ai eu tout faux puisque l'orateur accompagné de deux percussionnistes (mridangam et tambour frappé par des baguettes) a expliqué que dans la kathakali (Kerala), après les pièces principales, on peut interpréter un Melapadam dans lequel le chanteur chante sur le raga de son choix le vingt-troisième Ashtapadi du Gita-Govinda. Ce chant est un intermède purement musical (comme j'en ai demandé la confirmation lors du temps réservé aux questions). Personne ne sait au juste comment cette tradition s'est installée. L'orateur tente d'innover en utilisant d'autres Ashtapadis. Le chant étant très beau, mais je n'ai pas réussi à me repérer dans le cycle rythmique à 10 temps très particulier utilisé et ce malgré le schéma descriptif tracé à la craie sur un tableau.
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Sri Krishna Gana Sabha, Dr. Nalli Gana Vihar, Chennai — 2013-12-29 à 10:25
Prashant Shah, danse kathak
Rukmini Vijayakumar, danse bharatanatyam et danse contemporaine
Lecture Demonstration
La deuxième lecture-demonstration était dansée. La danseuse
Rukmini Vijayakumar a commencé par présenter un extrait d'une pièce de
bharatanatyam dans le but de démontrer qu'il était possible d'inclure de
l'Abhinaya dans les passages rythmiques (jatis) qui sont des intermèdes de
danse pure dans les pièces narratives. J'ai troujours trouvé assez
saugrenue l'interruption du flot narratif que constituent les jatis. Dans
cette pièce dédiée à Shiva, la danseuse a présenté un bharatanatyam assez
spectaculaire, comportant des sauts, des pas
rotatifs exécutés sur
les genoux, des karanas et dans deux de ses jatis, elle a fait la
démonstration attendue, le premier montrant Shiva muni de ses attributs
(trident, peau de tigre, etc) et sous la forme de Nataraja (écrasant le
démon Apasmara avec son talon). Le deuxième jati évoquait l'aigle Garuda.
La pièce montrait aussi la forme androgyne Ardhanarishwara, Parvati
séduisant Shiva, ainsi que l'archer Kama lançant des flèches florales.
L'intégration d'Abhinaya dans les jatis a évidemment tout pour me plaire
(comme je l'ai apprécié chez Shantala Shivalingappa),
mais les maîtres de danse présents dans la salle ont paru dubitatifs... La
lecture-demonstration se poursuivait avec une interventon du
danseur de kathak Prashant Shah qui a parlé de ses collaborations à
l'étranger et il les a illustrées d'extraits vidéo. Le plus convaincant le
montrait en train d'éxécuter des pas très rythmiques avec une danseuse de
flamenco. Pendant que les problèmes techniques du vidéoprojecteur étaint
résolus, le danseur a essayé de nous faire des dictées rythmiques avec des
frappes de pieds. Tout le monde a été très vite largué...
Rukmini et Prashant ont ensuite interprété un duo mêlant kathak et danse contemporaine (la danseuse ayant appris plusieurs styles de danse). Les danseurs n'ayant répété que la veille, la pièce a été largement improvisée, mais elle m'a semblée extrêmement convaincante (davantage que certaines créations de l'Opéra de Paris, par exemple). Là encore, certains maîtres de danse sont perplexes, expriment la déception de n'avoir pas vu un duo kathak/bharatanatyam. Une question plus constructive sur la musique a été posée par C. V. Chandrashekhar. La musique était une piste d'un album d'Anoushka Shankar. La danseuse expliquait qu'il était très important de très bien connaître la musique pour avoir des repères et ainsi mener à bien le travail de préparation.
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Narada Gana Sabha, Sadguru Gnanananda Hall, Chennai — 2013-12-29 à 14:00
Bhavya Balasubramanian, danse bharatanatyam
À défaut d'être bouleversant d'un point de vue émotionnel, ce récital de la danseuse Bhavya Balasubramanian Ramachandan (résidant au Botswana) est une merveille dans l'art de la narration. Est-il possible de raconter une histoire par des gestes de façon plus lisible qu'elle ne l'a fait ? Le style de la danseuse inclut aussi des poses assez prolongées très esthétiques.
La danseuse est très gracieuse et sa danse inclut souvent une sorte d'ondulation allant des épaules jusqu'aux hanches qui me fait penser à Padma Subramanyan (une de ses gurus). Après un Pushpanjali, elle a dansé un Varnam (Adi Tala) dans lequel l'héroïne est amoureuse de Shiva. Il a trois yeux, le croissant de Lune, le serpent, un collier de rudraksha, des cendres, la peau de tigre, le feu et il est aussi Nataraja, le Seigneur de la danse. Frappée par les flèches de Kama, l'héroïne brûle de la souffrance de la séparation. Rien n'y fait, même après s'être aspergée d'eau, elle brûle toujours. Elle ne peut manger. S'ensuit une évocation du printemps : des gouttes de rosée issues de la lune, des abeilles qui butinent, des couples d'oiseaux, d'antilopes et même des serpents (ce qui ne manque pas d'effrayer l'héroïne). De son côté, elle est seule, et demande à son amie d'aller chercher Shiva. Celui-ci apparaît et on le voit réduire en cendres Kama qui avait perturbé son ascèse. Dans tout ce qu'elle fait, l'héroïne est déconcentrée par l'attente, l'espoir de voir Shiva. Ceci se produit pendant ses rituels religieux ou ses tâches ménagères. Ainsi, par exemple, en rêvassant un peu trop longtemps, elle fait brûler la nourriture qu'elle faisait cuire dans une marmite. On assiste ensuite à une adoration du lingam de Shiva, puis homme et femme sont réunis dans la divinité androgyne Ardhanarishwara. S'ensuit une célébration joyeuse qui culmine en la récapitulation de ce qui a précédé et en une évocation des Arts (musique et écriture).
La pièce d'Abhinaya suivante évoque la Déesse sous le nom de Tripurasundari. Au cours de cette pièce, la danseuse a inséré une magnifique narration de la naissance de Ganesh. Il est né de la seule volonté de Parvati, qui lui demande de garder sa maison et de ne laisser entrer quiconque sous aucun prétexte. Obéissant, Ganesh refuse l'entrée à Shiva qui lui tranche la tête. Voyant la détresse de Parvati, Shiva prend conscience de son erreur et s'en va. La première créature qu'il voit est un éléphant. Il lui coupe la tête qu'il emporte avec lui afin de réaliser une greffe d'organe. Le jeune homme ressuscite et prend l'apparence bienveillante de Ganesh. La pièce se conclut par l'évocation de la Déesse de la parole à laquelle sont associés les quatre Vedas.
Dans la pièce suivante Om Namo Narayana, la danseuse évoque des incarnations de Vishnu. Outre Narayana sur le serpent Shesha, il m'a semblé distinguer le sanglier Varaha et Krishna est apparu à la fin en flûtiste. En fait, la pièce développe surtout le destin de Narasimha, et ce de façon élaborée. Il est descendu sur terre en créature mi-homme mi-lion pour tuer un arrogant démon. Enfin, la pièce célèbre Vishnu dans une joyeuse adoration (bhakti).
Le récital s'est conclu par un magnifique Tillana dans lequel le style de la chorégraphe Padma Subramanyam transparait. Cette pièce illustre un vers énonçant en substance qu'un peu de Lasya suffit à rendre Devi heureuse et qu'un peu de Tandava contente Shiva. Les aspects féminins et masculins de la danse étaient ainsi harmonieusement confrontés dans cette pièce.
⁂
Sri Krishna Gana Sabha, Kamakoti Gana Mandir Hall, Chennai — 2013-12-29 à 16:00
Manasa Harini, danse bharatanatyam
La danseuse Manasa Harini est très jeune et talentueuse. La première pièce est un Pushpanjali en l'honneur de Ganesh, suivie d'un Shiva Kautwam chorégraphié semble-t-il par Chitra Visweswaram (je ne garantis rien, les annonces ayant été faites en tamoul). Le Varnam est centré sur la Déesse sous le nom de Meenakshi. Son aspect guerrier est mis en valeur. Shiva fait aussi quelques apparitions en Nataraja ou pour réduite Kama en cendres. Après quelques épisodes narratifs que je n'ai pas tous bien compris, la pièce se termine sur le sentiment de paix. La pièce suivante est un Kirtana de Purandaradasa évoquant l'espiègle enfant Krishna. Il mange de la cendre et quand il ouvre la bouche, Yashoda voit Narayana sur le serpent Shesha et est presque horrifiée par cette vision. La dernière pièce est très bien dansée. Elle comporte des sauts et évoque très joyeusement les Arts avec les thèmes de l'écriture, du tambour, du tala, de la vînâ et du sargam, mais d'un point de vue musical, il m'a semblé que flûtiste et violoniste ont massacré le Tillana de Balamuralikrishna (en Raga Behag me semble-t-il).
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Sri Krishna Gana Sabha, Kamakoti Gana Mandir Hall, Chennai — 2013-12-29 à 17:30
Purushothaman, Jayalalitha, danse bharatanatyam
Le jeune homme Purushothaman et la jeune femme Jayalalitha exécutent de pièces de leur guru. Les chorégraphies sont assez peu intéressantes. En particulier, dans le Varnam j'ai l'impression de voir et revoir toujours la même séquence, le personnage féminin dévoué à Shiva ne semblant nullement évoluer d'un point de vue émotionnel au cours de la pièce...
⁂
Sri Krishna Gana Sabha, Dr. Nalli Gana Vihar, Chennai — 2013-12-29 à 19:30
Dr. Padma Subramanyam, danse bharatanrityam
Padma Subramanyam a développé un style qui lui est propre appelé Bharatanrityam. Grâce à ce spectacle programmé en soirée par le Sri Krishna Gana Sabha, j'ai eu le privilège de la voir dans son style inimitable. Elle était accompagnée de six danseuses. La musique est on ne peut plus joyeuse, je n'imagine pas d'autre orchestration que la vînâ et surtout la flûte pour l'accompagner comme c'était le cas ce soir-là. La première pièce Sathgurudarshakham était semble-t-il un hommage au Sathguru (Gnanananda ?) qui donne son nom à la grande salle du Narada Gana Sabha. Le texte et la chorégraphie évoque la connaissance (Shruti, Smrithi, Purano), la démarche d'un renonçant, le bain, puis Shiva et semble-t-il Ganesh. Le style de Padma Subramanyam utilise peu de pas, l'essentiel se passe dans le haut du corps et surtout au niveau du visage, plein de bienveillance ou d'ironie.
La pièce suivante Gopalkumara évoque le jeune Krishna. Elle est dansée par trois jeunes disciples. La plus délicieuse image est celle de la représentantion de Krishna en bouvier, deux danseuses figurant les bœufs aux côtés de la troisième qui incarne Krishna...
La pièce principale, la plus d'eveloppée, évoquait Vishnu sous le nom de Padmanabha. Padma Subramanyam prend parfois cette position de Vishnu couché sur le serpent Shesha, mais ses jambes sont très peu fléchies. La conclusion de la pièce offre une superbe image représentant Padmanabha, une danseuse prenant la posture de Vishnu couché, une autre figurant Lakshmi tandis que quatre autres représentent différentes têtes du serpent Shesha.
La pièce suivante est un Ashtapadi dansé par Padma Subramanyam. Elle évoque l'amour de Radha pour Krishna.
La dernière pièce (dansée par toutes si je me souviens bien) utilise une traduction en tamoul du Bhaja Govindam d'Adi Shankara. La composition et la chorégraphie rendent la pièce bien plus joyeuse que les interprétations classiques de la version sanskrite. L'ironie est également plus apparente dans l'affirmation selon laquelle la connaissance est bien inutile en l'absence de l'amour pour Krishna.
2013-12-30 12:55+0530 (சென்னை) — Culture — Musique — Danse — Danses indiennes — Culture indienne — Voyage en Inde XII
Je commence à avoir mes petites habitudes à Chennai. Des Appams avec
lait de coco au petit déjeuner, une Lec-Dem le matin, le programme de danse
de 14h au Narada Gana Sabha à l'issue duquel je file pour assister à ceux
du Sri Krishna Gana Sabha. J'arrive à ne même plus stresser quand j'ai à
peine plus de vingt minutes devant moi pour aller d'une salle à une autre.
Pourtant, monter dans un rickshaw ouvre la porte à l'imprévu. Cela peut
être sordide : par exemple, je ne sais pas ce qui est le pire entre la vue
de ce mendiant ayant une plaie ouverte au pied et la réaction du
rickshaw-wallah réagissant par un cinglant Tricks!
. Pour contourner
les nombreux sens interdits, le chauffeur peut prendre les détours les plus
invraisemblables qui soient. Je suis tombé plusieurs fois sur des
chauffeurs qui ne connaissaient pas le Sri Krishna Gana Sabha. Ce fut
ennuyeux la toute première fois que j'y suis allé... mais comme j'ai appris
à connaître le chemin, je peux maintenant l'indiquer au chauffeur.
The Music Academy, Kasturi Srinivasan Hall, Chennai — 2013-12-28 à 08:05
Dr. Subas Pani
Lecture Demonstration: Music and mantras in Gita Govinda
Come les fois précédentes, le chairman de cette
lecture-demonstration est Dr. Pappu Venugopalarao, mais cette
fois-ci Sudha Ragunathan n'est pas présente. Le visage d'Archana qui chante
la prière est resté caché derrière l'ecran de l'ordinateur portable du
conférencier posé sur le pupitre. Il aura fallu qu'un spectateur signale le
problème pour que l'on puisse enfin voir le visage de Subas Pani. Sa
conférence sur le Gita-Govinda et la manière de le chanter est peu
intéressante. Ses opinions se font d'ailleurs démolir quand la parole est
donnée au public pour des questions et réponses. À ce jeu, le
chairman n'est pas en reste... Une personne présente dans la salle
a tenté de les réconcilier en disant que le chairman avait un
point de vue de scholar
tandis que l'orateur adoptait celui du
devotee
...
⁂
The Music Academy, T.T.K. Auditorium, Chennai — 2013-12-28 à 09:15
T.V. Sankaranarayanan, chant
Mysore M. Nagaraj, violon
Mannargudi A. Easwaran, mridangam
B. Shree Sundarkumar, kanjira
Après la conférence, je me dirige immédiatement vers la grande salle de la Music Academy pour le concert de T. V. Sankaranarayanan. Je ne suis pas certain d'avoir d'autre occasion d'assister à un concert à la Music Academy. J'ai choisi celui-ci parce que j'avais un trou dans mon emploi du temps et je pense avoir fait une bonne pioche !
Dans les compositions (utilisant des cycles rythmiques à 6, 7 ou 8
temps), le chant alterne entre T. V. Sankaranayanan et un autre chanteur,
plus jeune, qui l'accompagne. Les improvisations en Sargam sont
particulièrement enthousiasmantes. Les Alap le sont aussi. Comme
Balamuralikrishna, ce chanteur n'utilise pas les syllabes
habituellement utilisées par les chanteurs carnatiques, mais des mots ayant
un sens. Sans utiliser un vers tout entier, T. V. Sankaranayanana utilise
des mots qui trahissent certainement le courant religieux auquel il
appartient : Hari
, Narayana
, Govinda
, Rama
. Il
est impressionnant de voir la salle pleine malgré l'heure matinale se lever
d'un seul mouvement pour consacrer au chanteur expérimenté une
standing ovation !
⁂
En passant dans un quartier musulman, j'ai réussi à mettre la main sur un exemplaire du Musalman, le tout dernier journal au monde à être mis en forme à la main par des calligraphes ! J'ai bien eu peur que ce jounral en ourdou ait fermé puisqu'au 324 de la Triplicane High Road, il n'y avait rien qui ressemblât à un journal. J'ai suivi le sens des numéros décroissants qui correspond à l'ordre croissant de l'ancienne numérotation de la rue. Et là, autour du 324, je vois un marchant de journaux qui me dit que je suis habillé comme un nawab (ayant mis une sorte de sherwani). Il m'offre l'exemplaire du jour. Je passe devant le siège du journal que je prends en photo, mais ne sachant pas très bien ce que j'aurais pu dire si j'étais entré, j'en suis resté là.
⁂
Sri Krishna Gana Sabha, Kamakoti Gana Mandir Hall, Chennai — 2013-12-28 à 16:00
Vidhya Dinakanam, danse bharatanatyam
Excellent récital d'une jeune danseuse de bharatanatyam ! Les chorégraphies sont également magnifiques. La première pièce est un kirtana Ganesh Vandanam. Il s'agit d'une offrande de fleurs à Ganesh dont la danseuse met en valeur la trompe, les oreilles et le fait qu'il soit un scribe (selon certaines légendes, il aurait écrit le Mahabharata sous la dictée du sage Vyasa). Cette danse est très rythmée !
La pièce suivante est consacrée à la déesse Shakti, qui symbolise les quatre Vedas, qui est adorée par Brahma, Vishnu et Shiva. La pièce est extrêmement vive ! L'impression procurée par le trident et la peau de tigre n'en est que plus saisissante, et plus que tout, les yeux de la danseuse donnent à son regard une intensité sidérante.
La pièce principale du récital est un Varnam (chorégraphié le nattuvanar Sri Narendra Kumar) en l'honneur de Shiva (Om Namah Shivaya). Son chignon est très stylisé par ses deux mains que la danseuse maintient en hauteur de façon très prolongée ! Elle suggère aussi le serpent, Ganga, ses cheveux puissants, le tambour Damaru. La pièce met ensuite en scène la dévotion à Shiva par des offrande de fleurs, le fait de verser du lait sur le lingam et l'offrande de feu.
Le plus grand moment du Varnam est celui mettant en scène le jeune Markandeya, dévôt de Shiva. Il est attaqué par le dieu de la mort Yama qui est venu sur sa monture (un buffle assez rustique). Alors qu'il est sur le point d'être étranglé, Shiva intervient pour récompenser la dévotion de Markandeya. La divinité résidant à Chidambaram est ensuite montrée (Nataraja), ainsi que la rivière Ganga, et plus étrangement Vishnu sur le serpent Shesha (c'est tellement beau à voir que j'apprécie son apparition même si je ne comprends pas ce qu'il fait là !). Plus loin, Shiva est représenté assis, portant Damaru.
La séquence suivante évoque la nature : poissons, oiseaux, antilopes allant s'abreuver à la rivière. Le Varnam se conclut par une récapitulation de tout ce qui a été montré jusque là.
Intervient ensuit un Padam évoquant une héroïne séparée de Muruga. Si le travail de la danseuse sur les yeux était jusque là exceptionnel, on est passé dans une autre dimension quand je me suis rendu compte que d'authentiques larmes coulaient depuis l'œil droit de la danseuse...
Le récital continue avec une magnifique évocation d'Ardhanarishwara. Il me semble que la composition de Muthuswami Dikshitar est à six temps. Pendant certaines séquences de la pièce, la danseuse utilisait les trois premiers temps du cycle pour évoquer la composante masculine (Shiva) de la divinité androgyne et les trois derniers temps pour évoquer la composante féminine (Parvati).
Le récital s'est terminé par un éloge de Nandi (commençant par de la danse pure avant que n'intervienne le shloka).
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Sri Krishna Gana Sabha, Kamakoti Gana Mandir Hall, Chennai — 2013-12-28 à 17:30
Deepika Potarazu, danse kuchipudi
La danseuse de kuchipudi Deepika Potarazu est disciple de Vempati Chinna Satyam et de Vempati Ravishankar (nattuvanar). Il ne m'a pas beaucoup ému, mais j'ai trouvé ce récital délicieux. La position du dos de cette danseuse de kuchipudi me semble plus courbée que dans le bharatanatyam où il est censé rester droit. La première pièce est un éloge de Ganesh. La pièce principale est un Tarangam incluant le traditionnel numéro de danse sur plateau de laiton, très bien exécuté. Cette pièce évoque l'espiègle Krishna qui vole du beurre et fait d'autres bêtises qui suscitent des réprimandes mais aussi de l'admiration de la part de Yashoda et des autres femmes de Vrindavan. La représentation de Krishna en flûtiste inclue des mouvements de doigts sur la flûte (la plupart des danseuses le représentent avec des doigts immobiles). Sa position décontractée est soulignée par de délicats mouvements de hanches.
Le magnifique Padam qui suit est sur un thème voisin : l'héroïne demande à son amie de lui ramener Krishna (sous le nom de Venugopalan).
Le Tillana final m'a semblé un peu long et répétitif, malheureusement.
(Je remarque que toutes les entrées de la danseuse se sont faites par le côté jardin, près de l'orchestre.)
(Dans le maquillage de cette danseuse de kuchipudi et d'autres danseuses de bharatanatyam vues ces derniers jours, je remarque la présence d'un point suggérant un grain de beauté sous la commissure gauche des lèvres.)
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Sri Krishna Gana Sabha, Dr. Nalli Gana Vihar, Chennai — 2013-12-28 à 19:30
Anita Ratnam, danse neo-bharatam
Lamentable spectacle ! Comment une danseuse aussi talentueuse qu'Anita
Ratnam peut elle se fourvoyer ainsi dans un programme intitulé
Neelam et annoncé comme étant du Neo-bharatam
. Je dirais
plutôt Nullo-bharatam
. La pièce (qui utilise de la musique
enregistrée provenant de sources diverses) est centrée sur Vishnu et m'a
semblé bien déprimante, alors que son avatar Krishna inspire plutôt une
dévotion joyeuse, en principe. Je n'ai pas tellement envie de détailler mes
impressions, mais le plus grand défaut de cette pièce est qu'il y avait
très peu de danse, exécutée de façon très très lente. Je n'ai rien contre
la lenteur ou même l'illusion de l'immobilité quand le regard exprime
quelque chose, ce qui n'était pas le cas ici... En vitesse normale, il
devait y avoir pour dix minutes de danse maximum. L'autre gros défaut
résidait dans les atroces interludes de flûte (jouée en direct) entre les
quatre parties de la pièce. Toutefois, je retiens une plutôt bonne
impression de la dernière partie qui revenait sur des épisodes du Ramayana
(arc de Shiva, exil en forêt de Rama et Sita, celle-ci devant enlever ses
bijoux, la biche dorée, l'enlèvement, l'intervention de Jatayus, la
construction du pont, la flèche lancée par Rama pour tuer Ravana).
Cependant, on était davantage dans l'évocation plutôt que dans la
narration. Bref, ce spectacle a été une énorme déception pour moi.
2013-12-29 13:41+0530 (சென்னை) — Culture — Musique — Danse — Danses indiennes — Culture indienne — Voyage en Inde XII
Cette journée fut exceptionnelle ! Dès que j'ai eu l'idée de faire ce voyage il y a un an et demi, et plus tard quand j'ai réservé mes billets d'avion, j'ignorais qui chanterait ou danserait pendant les 12 jours que j'allais passer à Chennai. Pour ce qui est du chant, j'espérais avoir une chance d'entendre Dr M. Balamuralikrishna et en matière de danse, je rêvais de voir Rama Vaidyanathan. Tout est accompli.
Bharat Kalachar, Y.G.P. Auditorium, Chennai — 2013-12-27 à 10:30
Mohan Santhanam, chant
Mysore V. Srikanth, violon
Srimushnam Raja Rao, mridangam
S.V. Ramani, ghatam
Le matin, je suis allé écouter Mohan Santhanam parce qu'il fut le premier chanteur à me faire véritablement apprécier la musique carnatique (c'était en 2011). Ce concert ne m'a pas émerveillé, mais je l'ai trouvé réjouissant. Mohan Santhanam a chanté sept compositions précédées ou non d'un Alap. Elles utilisaient des cycles rythmiques variés que je reconnaîs et clappe de mieux en mieux : Adi Tala (8 temps, qui en paraît parfois 16 quand le tempo est lent), 5 temps (répartis comme dans le Sultal de la musique du Nord) et 7 temps (découpé en 2+5 contrairement à Tivratal). Un des ragas les plus développés (en Adi Tala) comportait une composition en l'honneur de Rama.
Je suis parti peu avant la fin du concert, après le duo rythmique entre le mridangam et le kanjira. Ceci, avant de me préparer pour le concert suivant pour lequel j'ai passé ma plus belle kurta.
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Sri Krishna Gana Sabha, Dr. Nalli Gana Vihar, Chennai — 2013-12-27 à 16:30
Dr. M. Balamuralikrishna, chant
Il n'a chanté que pendant 10 minutes, de 16h39 à 16h49, mais elles furent magiques. Quand j'avais réservé des places pour des spectacles en soirée, on m'avait dit de venir vers 14h pour le concert gratuit de Dr M. Balamuralikrishna, programmé de 16h30 à 17h30. J'étais un des tout premiers à arriver et j'ai ainsi pu m'installer au onzième rang, les dix premiers étant réservés aux invités. À 16h, la salle était pleine à craquer, des dizaines de personnes étant debout sur les côtés et d'autres regardant la retransmission proposée sur un écran en dehors de la salle.
Jusque là, on s'activait beaucoup sur la scène pour préparer cette
journée spéciale Classical to Global
. En particulier, un ensemble de
danseuses faisaient un petit raccord de leur performance un peu plus tard
dans l'après-midi.
Vers 16h, quelques discours se sont tenus et la session a été inaugurée par Sa Sainteté Sri Kanchi Kamakoti Peetathipathi Jagadguru Jayendra Saraswathi Swamigal qui a prononcé un discours en tamoul depuis la chaise surélevée qu'occupait cette homme âgé et fatigué.
L'Alap du chanteur de 83 ans a commencé. Je ne saurais le décrire au-delà de la simple observation qu'il a utilisé les syllabes d'un vers dans son improvisation. Je n'ai été nullement frustré que son concert n'ait duré que dix minutes. Les spectateurs avaient été avertis du fait qu'il ne chanterait qu'un Alap. C'est un sentiment de contentement que j'ai ressenti en voyant le vieil homme s'en aller en marchant avec difficulté. Si la voix est intacte, le corps est usé et je mesure le privilège que j'ai d'avoir entendu ce chanteur.
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Sri Krishna Gana Sabha, Dr. Nalli Gana Vihar, Chennai — 2013-12-27 à 17:00
Oystein Baadsvik, tuba
Numéro de cirque sans intérêt d'un tubiste norvégien repoussant les limites techniques du tuba. Si on voulait se moquer de la musique occidentale entre deux présentations des arts classiques indiens, on ne s'y prendrait pas autrement.
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Bharat Kalachar, Y.G.P. Auditorium, Chennai — 2013-12-27 à 19:00
Rama Vaidyanathan, danse bharatanatyam
J'ai vu beaucoup de danseuses de bharatanatyam, mais rien ne peut préparer le spectateur à la merveille de perfection dans tous les aspects de la danse qu'atteint la danseuse Rama Vaidyanathan ! Elle est extraordinaire !
Le récital a commencé par un Ragam du violon suivi d'une prière en l'honneur de Ganesh.
La première pièce est originale pour plusieurs raisons. La musique est celle d'un Alarippu. C'est la précision du rythme qui est mis en valeur, et au lieu de mettre en mouvement progressivement son corps comme on le fait habituellement dans les pièces ainsi nommées, la danseuse utilise cette musique pour évoquer la très précise géométrie de l'architecture des temples hindous. Ses mouvements sont très géométriques, très carrés. Sur les vidéos que j'avais vus d'elle, la qualité première de la danseuse me semblait être son expression et sa gestuelle souple et élégante. Ici, elle fait preuve de qualités opposées ! Dans la suite de la pièce, la danseuse évoque la déesse qui se trouve dans le sanctuaire, la représentant en Mahishasuramardini avec le trident, en cavalière, sous la forme de Kali ou de Sarasvati. Les mouvements se font progressivement de plus en plus gracieux alors que la musique s'est fait mélodieuse avec le shloka. Le sentiment de Paix domine la fin de la pièce alors qu'une dévôte offre des fleurs à la divinité dans une position d'adoration qui me semble proche de l'arabesque (tout comme dans le récital de Narthaki Nataraj). L'équilibre de la danseuse dans cette position est magnifique et la lenteur avec laquelle elle a interprété ce mouvement était très émouvant. Vers la fin de la pièce, la danseuse exécute une sorte de récapitulation des mouvements évocateurs présentés jusque là.
Dans son Varnam, Rama Vaidyanathan incarne une jeune femme éprise de Srinivasa (Vishnu). Le premier jati (passage rythmique) utilise une agréable combinaison de postures féminines et de mouvements habituels et j'ai particulièrement apprécié la façon de la danseuse de se transformer pour passer d'une posture à une autre. Ensuite, à une certaine heure de la journée (je reconnais les mouvements qui précise l'heure qu'il est, mais je ne sais pas encore lire l'heure...), la jeune femme se prépare. Elle se pare de colliers, bagues, bracelets, fleurs. Ensuite, alors que les abeilles butinent et qu'elle pense aux yeux de lotus de Srinivasa magnifiquement montrés par la danseuse, le feu brûle dans le cœur de l'héroïne. Le jati suivant est extrêmement gracieux. Un personnage féminin (l'amie de l'héroïne sans doute) semble parler au beau jeune homme qu'est Srinivasa. Elle lui dit qu'elle l'aime, mais lui ne veut pas. Il l'embête ensuite en lui lançant de l'eau (semble-t-il), mais elle ne veut pas jouer à ça, et puis elle se ravise, peut-être que si, en fait. Touchée par les flèches florales de Kama magnifiquement stylisées par la danseuse, les mains de la danseuse suggèrent l'union des deux personnages. Plus tard, pensive alors qu'elle observe un couple d'oiseaux délicieusement évoqué par Rama Vaidyanathan, elle pleure du fait de la séparation. Assise dans une position lascive, elle dort, mais elle ne le sait pas. Elle pense que Srinivasa lui prend la main, mais ce n'est qu'un rêve. La dernière séquence comporte de nombreux jatis accompagnés de swaras (notes solfiées) et une récapitulation des épisodes précédents.
La pièce suivante est sur musique composée par Balamuralikrishna ! La gopika est très sarcastique. Elle se barricade chez elle, refusant les fleurs que le flûtiste Krishna voudrait lui donner. Elle lui dit non. Elle sait bien qu'il en offre à toutes les filles. Va chez elles, pas chez moi !
La pièce suivante est ravissante de poésie. Elle développe la comparaison entre les sentiments amoureux et les couples d'oiseaux, un thème classique de la poésie indienne ancienne qui apparaîssait déjà dans le Varnam. L'héroïne dit au coucou de ne pas chanter coucou trop près d'elle parce que cela lui rappelle qu'elle est séparée de son amoureux. Pour représenter le couple de coucous, la danseuse utilise le mudra approprié et montre aussi de façon très poétique leurs délicats mouvements de becs quand elle leur donne à manger. Cela pourrait paraître kitsch exécuté par d'autres danseuses, mais par elle, c'était merveilleux. La pièce se termine par un signe d'espoir. Comme la monture de son amoureux est l'aigle Garuda (que la danseuse a montré de façon majestueuse !), l'héroïne peut voir cet oiseau comme un intermédiaire pour aller vers Lui.
La dernière pièce Shivoham est une superbe évocation de Shiva composé par le nattuvanar Karaikuddi Sivakumar (qui a aussi composé les jatis du Varnam). Elle évoque Ganga, Nataraja, la danse très Tandava de Shiva avec le tambour Damaru. Elle montre aussi le feu, le tigre, l'antilope qu'il porte, etc. Après une récapitulation de ces attributs, la pièce se finit de façon apaisée.
Parmi les qualités de la danseuse que je ne soupçonnais pas et dont elle a fait preuve pendant tout le récital, je retiens la beauté des courbes dans sa façon de passer d'une position à une autre, souvent en équilibre sur un pied.
J'étais sur un petit nuage en sortant de l'auditorium alors que je venais d'entendre la douce voix de Rama Vaidyanathan que j'étais venu féliciter. Elle m'a demandé si j'étais un danseur !?
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Vite, il est déjà temps de filer vers une autre salle de spectacle !
2013-12-28 15:20+0530 (சென்னை) — Culture — Musique — Danse — Danses indiennes — Culture indienne — Voyage en Inde XII
The Music Academy, Kasturi Srinivasan Hall, Chennai — 2013-12-26 à 08:05
Srikumar Karaikudi Subramanian
Lecture Demonstration: The structure and logic of gamakas - A computer synthesis approach
Jeudi matin, comme la veille, je suis allé assister à une Lec.-Dem. à la Music Academy. Le but de la conférence était d'expliquer comment synthétiser par ordinateur de la musique carnatique en respectant le système complexe d'ornementations (gamakas) qu'elle comporte. Plusieurs problèmes se présentent. Le premier est de savoir comment représenter conceptuellement ce qui se passe dans une ornementation. L'idée de l'orateur a été d'additionner deux composantes : une appelée Stage décrivant un mouvement mélodique global d'une note à une autre et une autre composante appelée Dance décrivant des oscillations de faible amplitude. L'autre problème est celui de déterminer une façon raisonnable d'ornementer une mélodie en s'appuyant sur un catalogue d'exemples pour un Raga donné. La réponse doit d'ailleurs dépendre de la vitesse à laquelle la musique est jouée.
Le public a été impressionné par les exemples de musique synthétique fournis (imitant le son de la vînâ). T. M. Krishna (entendu la veille) était impressionné pointait également les limites actuelles qu'il faudrait dépasser. Il y a eu une controverse amusante pour savoir si une mélodie particulière devait être notée Pa-ma-Ga-ma ou Pa-ma-Ga-Ga : le chant est tellement ornementé que l'on ne sait plus quelles notes on joue au juste !
⁂
Cela aurait peut-être pu arriver avec une autre danseuse, mais le fait est que mon intérêt pour la danse bharatanatyam a pris une autre dimension depuis le récital de Srithika Kasturi Rangan en février 2010. Je l'ai donc contactée il y a quelques jours afin de lui demander de me donner un cours, ce qu'elle a gentîment accepté. J'ai eu un peu de mal à trouver l'endroit parce que j'ai eu le malheur d'y aller en rickshaw. J'avais pourtant bien pensé à lui dire de ne pas prendre le flyover, mais je n'avais pas pensé aux sens interdits qui allaient nous bloquer. Si j'ai pu suivre jusqu'à un certain point où nous étions sur le plan que j'avais téléchargé sur mon portable, subitement à force de tourner dans tous les sens ni moi ni le chauffeur ne savions où aller... Arrivé sur place, les deux heures passées avec elle furent passionnantes.
⁂
Narada Gana Sabha, Sadguru Gnanananda Hall, Chennai — 2013-12-26 à 14:00
Narthaki Nataraj, danse bharatanatyam
Comme les jours précédents, j'ai assisté au programme de danse bharatanatyam du Narada Gana Sabha de 14h. Ce récital de Narthaki Nataraj a été superbe !
L'orchestre est composé du nattuvangam, du mridangam, du violon et de la flûte. Le chanteur ouvre le programme avec une prière chantée en l'honneur de Ganesh que j'entends pour la troisième fois de puis mon arrivée.
La première pièce dansée Suladhi est en trois parties. La première ressemble à une offrande de fleurs à Narayana (Vishnu) qui est superbement mis en valeur couché sur le serpent Shesha dans une longue pose qui est exécutée par la danseuse avec une souplesse que je n'ai ancore jamais vue et que pourraient lui envier des danseuses plus jeunes... La deuxième partie évoque Krishna-Keshava montré avec sa flûte, sa plume de paon dans les cheveux et jouant avec les gopis portant des jarres d'eau sur leur tête. La dernière partie narre de façon très fine le mariage de Sita et Rama après que ce dernier a brisé l'arc de Shiva.
Vient ensuite le Varnam. La structure de ces pièces élaborées m'apparaît de plus en plus claire à force d'assister à des récitals. En particulier, le chapitrage m'apparaît maintenant évident, chaque chapitre commençant par des grappes de pieds et des mouvements d'yeux exécutés au fond de la scène. Vient ensuite un jati (danse pure rythmique) qui est annoncé par l'invariable même suite d'onomatopées rythmiques (qui dépend sans doute du Tala cependant). Au cours du développement narratif qui suit, un deuxième jati est inséré, mais il est souvent exécuté sur des notes solfiées (Sargam) plutôt que sur des onomatopées rythmiques.
Ce Varnam évoquant Shiva sous sa forme résidant à Tanjore
(Brihadeeswarar) est ainsi divisé en sept parties. La première évoque Shiva
avec ses attributs habituels (chignon, peau de tigre, Ganga) et la danseuse
prend aussi la pose du Seigneur de la danse. La deuxième montre semble-t-il
Parvati tentant de séduire Shiva alors que celui-ci est en ascèse. Elle
évoque aussi les Arts : l'écriture, la musique, le rythme, le tambour. La
troisième est consacrée à la forme guerrière de la Déesse qui lui vaut le
nom de Mahishasuramardini. Peut-être était-il question aussi du jeune
Markandeya, mais ce fut trop furtif pour que j'en sois certain. La
quatrième comporte un jati en 12/8
, chacun des temps d'une suite de
4 étant subdivisé en trois. La partie narrative évoque la nature, des
couples d'oiseaux, des poissons, ce qui donne lui à un magnifique équilibre
prolongé de la danseuse dans une position qui n'est pas trop éloignée d'une
arabesque, le haut du corps et une jambe tendue étant alignées pour former
une ligne horizontale. La cinquième est centrée sur le plaisir esthétique
procuré par la danse (Nataraja) et la musique (Sarasvati). La sixième
évoque une femme désespérée par la séparation. La septième montre le
butinement des abeilles, une dévôte du Shiva (la position des mains
correspondant au lingam apparaît souvent) et curieusement il me semble
aussi que Krishna fait quelques apparitions en joueur de flûte...
J'ai beaucoup apprécié ce Varnam, mais j'aurais aimé le comprendre davantage et surtout en mieux saisir la cohérence globale... Précédées l'une d'un solo de flûte et l'autre d'un solo de violon, deux pièces de pur Abhinaya ont ensuite été présentés par la danseuse. La première montre une héroïne en train de décrire les qualités de son amoureux et en particulier ses yeux en forme de lotus. On la voit aussi se parer pour lui. J'ai particulièrement aimé la façon de représenter la jeune femme se mirant dans un miroir. Dans l'autre Padam, une jeune femme est abandonnée par sa famille, celui qu'elle aime, Muruga, est devenu tout pour elle. La chorégraphie met particulièrement en valeur la monture de Muruga : le paon. Après l'avoir refusée, Muruga finit par l'accepter.
Le récital s'est terminé par un Tillana évoquant Krishna dansant avec les gopis à Vrindavan, ainsi que Vishnu-Padmanabha couché sur le serpent Shesha.
⁂
Narada Gana Sabha, Sadguru Gnanananda Hall, Chennai — 2013-12-26 à 16:00
Hyderabad Brothers, chant
H.N. Bhaskar, violon
Tanjore Murugabhoopathy, mridangam
S.V. Ramani, ghatam
Je suis parti après avoir écouté les Hyderabad Brothers pendant une demi-heure. Ils sont très avares en Alap, et le chant n'étant pas très enthousiasmant (à part à la rigueur dans les sections de Sargam), j'ai fui. Avant de fuir, je m'étais éloigné d'une spectatrice qui clappant le tala faisait aussi tinter ses bracelets...
⁂
Brahma Gana Sabha, Sivagami Petachi Auditorium, Chennai — 2013-12-26 à 19:00
C.V. Chandrashekhar, danse bharatanatyam
Dans la soirée, je me dirige vers le Brahma Gana Sabha pour le récital de C. V. Chandrashekhar. Depuis ma place au balcon, je remarque la présence de Chitra Visweswaram dans le public. Peu avant, à la cantine (fameuse) de cette salle, je me retrouve par hasard nez à nez avec Jaishri que j'ai vue jouer admirablement bien du nattuvangam deux fois ces derniers jours et je m'empresse de la féliciter.
Après une prière, la première pièce dansée est une offrande de fleurs à Sri Ganapati (kriti de Thyagaraja) dont le danseur évoque du bras gauche la trompe et du droit les oreilles. Il met aussi très bien en valeur sa démarche de pachyderme. Il évoque ensuite les arts avec la vînâ et le tambour. (Je ne suis pas fan du violoniste portant des lunettes de soleil dont le violon sonne comme un hautbois indien !)
La pièce principale du récital est un Varnam chorégraphié par
Rukmini Devi, fondatrice de l'institution Kalakshetra. Comme ce style est
austère ! L'ensemble me semble très aride, et donc difficilement
intelligible. Le Varnam est centré sur Shiva. Au début, on voit une femme
portant un plateau préparer des rituels en l'honneur de Shiva (dont le
chignon est suggéré). Plus loin, on verra semble-t-il Rati l'épouse de Kama
supplier Shiva de ressusciter son époux que Shiva avait réduit en cendres.
Le texte chanté semble rarement en rapport avec ce qui est montré, puis que
le chanteur chante en boucle pendant de longues minutes Thyagaraja
Swami
alors que la danse de Shiva est évoquée. Après un retour à la
prière initiale, il me semble que la prière de Rati est exaucée puisque
l'on voit un beau jeune homme portant un arc... (Si cela se trouve, ce
Varnam n'avait aucun rapport avec Kama et Rati, mais ce que j'ai vu me
semble cohérent avec cette histoire.)
Si la chorégraphie est austère, l'expression du visage du danseur était très convaincante. Je n'ai pas parlé des jatis, mais ils étaient parfaitement exécutés, ce qui est impressionnant compte tenu de l'âge du danseur (78 ans !).
Deux Padam ont suivi. Le premier évoquait (sur un rythme à cinq temps) l'amour filial pour Muruga qui commence à marcher et faire des bêtises (comme voler le croissant de Lune de son père, etc). Le deuxième était sur un kriti de Purandaradasa : Yashoda demandait à Krishna de ne pas aller au-delà du seuil de la maison.
Le Tillana conclusif évoquait la déesse Annapurna de Varanasi. Lors de la salutation finale, le danseur s'est couché à plat ventre sur la scène !
2013-12-26 18:16+0530 (சென்னை) — Culture — Musique — Danse — Danses indiennes — Culture indienne — Voyage en Inde XII
Étant sorti au milieu d'un concert ennuyeux au possible, je trouve le temps de finir ce billet sur les spectacles vus hier :
The Music Academy, Kasturi Srinivasan Hall, Chennai — 2013-12-25 à 08:05
Ganesh & Kumaresh, violon
Lecture Demonstration: Creative possibilities in ragas with special focus on instruments
Après des appams en guise de petit-déjeuner, ma journée a commencé avec
une Lec.-Dem. à la Music Academy. Tous les matins y ont lieu des
conférences-démonstrations. À mon grand étonnement, la salle était pleine
et les enfants ont même été invités à monter sur scène autour du duo de
violonistes formé par Ganesh et Kumaresh. Le chairman qui dirige
la session est accompagné de la chanteuse Sudha Ragunathan (qui n'a pas pu chanter la veille...). Après une prière chantée
par une apprentie chanteuse carnatique, la conférence a commencé. La langue
utilisée est un curieux mélange d'anglais et de tamoul. Une des conclusions
des conférenciers est que la musique indienne a cette particularité d'être
non visuelle
: elle n'est que pur son et se transmet par voie orale.
Une de leurs opinions a déclenché une vive controverse. Ils affirment que
la musique pure a sa place en musique carnatique et qu'on peut composer de
la musique sans que ce soit la mise en musique d'un poème. Ils s'opposent à
l'idée que l'auditeur qui entend la musique instrumentale éprouverait les
sentiments exprimés dans le texte (même s'il n'est pas chanté !). Ils
donnent des exemples de mélodies sur lesquelles des poèmes différents sont
chantés et expliquent qu'ils ont eux-mêmes écrit des compositions
volontairement semblables à des compositions chantées préexistantes, mais
néanmoins différentes. Pour eux si une émotion est transmise par la musique
instrumentale, c'est seulement la vertu du Raga (mode musical), pas celle
du texte. Ayant l'honneur de conclure ces sessions,
Sudha Ragunathan s'opposera à eux, expliquant
qu'il y aurait bien un jour un poète pour mettre en texte sur leur musique.
Ils réclament de leur côté une plus grande considération de la part des
chanteurs qui concentrent sur eux 99.99% de l'attention en matière de
musique carnatique. Le sage chairman leur a gentîment suggéré
d'agree to disagree...
Une partie de leur conférence était dédiée à la façon d'innover en
musique carnatique en utilisant les possibilités spécifiques de chaque
instrument. Ils en ont fait la démonstration avec leurs violons et dans
leur explications ils suggéraient de façon amusante Pourquoi ne pas
jouer (à deux) simultanément des notes différentes sur un rythme
identique ?
. Ils ne vont pas jusqu'à suggérer de la polyphonie ou de
l'harmonie à l'occidentale, mais tout en restant dans le raga, une note et
un de ses harmoniques seront ressentis comme une seule note par les
auditeurs.
Je sais beaucoup de gré aux conférenciers d'avoir expliqué très clairement un point qui me confirme dans ma préférence pour la musique hindustani (et dhrupad en particulier) plutôt que pour la musique carnatique. Les instruments utilisés dans le Nord (sarod, sitar, sarangi, etc.) permettent de maintenir les cordes en vibration de façon prolongée, alors que les instruments du Sud (vînâ, flûte, etc) émettent des sons très brefs (comme le clavecin par rapport au piano). Ils pensent que cela a influencé la musique vocale du Nord et du Sud. (Ainsi, dans un Alap de musique carnatique, les notes défilent à toute vitesse alors que dans le chant dhrupad, on prend davantage son temps...)
⁂
Narada Gana Sabha, Sadguru Gnanananda Hall, Chennai — 2013-12-25 à 10:15
T.M. Krishna, chant
H.N. Bhaskar, violon
Karaikudi Mani, mridangam
Bangalore N. Amrit, kanjira
Alors que j'allais réserver un billet au Narada Gana Sabha, je me suis rendu compte du fait qu'allait y avoir lieu un concert du chanteur T. M. Krishna, un des plus connus. J'avais a priori prévu autre chose, mais j'ai préféré tenter ma chance dans la file d'attente des derniers minutards pour ce concert gratuit (comme le sont tous ceux de ce chanteur). Les spectateurs ayant retiré un passe gratuit sont entrés et à l'heure du début du concert, les autres ont pu s'installer aux rares places vacantes. Des spectateurs étaient même assis sur le tapis de scène autour de l'estrade.
J'ai apprécié ce concert de T. M. Krishna qui n'a pas chanté de courtes
compositions (l'exact contraire du saxophoniste Kadri
Gopalnath...). Les (cinq) ragas ont été assez développés et le Ragam
(équivalent de l'Alap) avait toujours un caractère méditatif. Pas de course
à la virtuosité gratuite. On a le temps d'entendre les ornementations
(gamakas). Le chanteur utilise le silence de façon pertinente et il laisse
régulièrement le violoniste tenir une note évanescente, ce qui est du
meilleur effet. Le chanteur a la particularité de s'exclamer très souvent
comme quelques spectateurs indiens le font parfois pour marquer leur
appréciation. Il gratifie ainsi parfois le violoniste ou les
percussionnistes de Shabash!
mais aussi et surtout de Ah-Ah!
, qu'il s'accorde souvent à lui même, ou peut-être simplement à la beauté
de la musique...
Concernant la forme prise par ses ragas, il commençait par un Ragam (complété par un Ragam du violon dans le quatrième raga). Les chanteurs carnatiques utilisent habituellement des syllabes spécifiques pour leurs improvisations (comme dans le dhrupad), mais dans certains ragas, T. M. Krishna a systématiquement utilisé le texte d'un poème. Il a en revanche omis la partie Thanam qui s'insère parfois entre le Ragam et la composition (Pallavi).
La troisième composition était semble-t-il dédiée à Shiva qui était nommé Chandrashekaran. Les notes solfiées (Sargam) interprétées dans ce raga ont donné lieu à un des points culminants de ce concert, le chanteur créant puis libérant une certaine tension musicale par un vertigineux crescendo étendu sur plusieurs cycles rythmiques.
Dans le quatrième raga, le cycle rythmique était un Adi Tala lent qui paraissent donc avoir 16 temps plutôt que 8. C'est dans ce raga que les deux percussionnistes, mridangam et kanjira (tambourin) se sont livrés à un duo rythmique. Ce très beau concert s'est conclu par un raga commençant par un Alap utilisant quelques syllabes du Gayatrimantra suivi d'une composition commençant par Vaishnabhajan.
⁂
Narada Gana Sabha, Sadguru Gnanananda Hall, Chennai — 2013-12-25 à 14:00
Vyshnavie Sainath, danse bharatanatyam
En début d'après-midi, je suis allé au Narada Gana Sabha pour assister à un récital de bharatanatyam de Vyshnavie Sainath, fille et disciple de Rajeswari Sainath. Ce programme est très original dans sa structure : il est entièrement consacré à la dévotion envers Vittala (un des noms de Vishnu répandu dans le Maharashtra) et la musique est composée de six Abhhangs, des chants dévotionnels spécifiques à la culture marathi (et que des chanteurs carnatiques comme Aruna Sairam ont introduit dans les concerts de musique carnatique). Outre un chanteur, l'orchestre comporte nattuvangam, mridangam, tabla, flûte et violon (Kalaiarasan !).
Je ne possède pas les repères culturels propres à la culture marathi pour apprécier tous les détails et la poésie de ce programme qui évoque le parcours spirituel d'une dévôte jusqu'au Moksha. La première partie était dansée sur une estrade au fond de la scène et était très lente, ce qui permettait d'apprécier le détail des mouvements. Dans la seconde partie, la dévôte pense au dieu résidant à Pandharippur. Non loin du temple passe une rivière. (Un magnifique karana exigeant une certaine souplesse a accompagné la fin de cette partie.) Dans une autre séquence, pensive au clair de lune, elle brûle de son absence. Plus loin, dans la forêt, alors que des oiseaux passent, elle guette des signes pouvant l'encourager dans son chemin vers Vittala. Arrivée à Vrindavan, elle entend la flûte de Krishna, mais elle ne le voit pas et pour l'atteindre, il lui faut traverser la rivière Yamuna. Après avoir traversé la rivière, Vittala apparaît enfin (la danseuse étant sortie un instant de la scène pour se parer d'un signe distinctif sans ambiguïté au niveau du front).
Si je ne suis pas resté concentré pendant tout le récital à cause de la fatigue, j'ai trouvé magnifique la toute dernière séquence (même si elle a été carrément hors style). Cette sixième partie évoque l'adoration (bhakti) vishnouïste de façon très impressionnante ! Cela commence par une offrande de fleurs (authentiques) sur toute la surface de la scène dans des mouvements joyeux faisant penser à ceux que l'on trouve dans les Tillana. De façon tout-à-fait exceptionnelle, des mouvements de hanches étaient incorporés à cette danse. Dans la partie centrale de cette partie, il y avait même une séquence qui étant ni plus ni moins de la danse kathak ! Les mouvements de hanches et la dévotion reprenaient ensuite de plus belle et progressivement la danse s'abandonnait complètement dans le rythme de plus en plus entraînant de la musique ! Épatant !
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Chennaiyil Thiruvaiyaru, Kamaraj Memorial Hall, Chennai — 2013-12-25 à 16:45
Begum Parveen Sultana, chant hindustani
Begum Parveen Sultana, chanteuse originaire de l'Assam, chantait au Kamaraj Memorial Hall, accompagnée d'un tabla et d'un harmonium. Plutôt que de laisser cette tâche à la jeune femme assise près d'elle, elle a joué elle-même du tampura. Le premier raga interprété a été Madhuvanti. Elle a commencé par un Alap, puis une sorte de continuation d'Alap accompagnée par le tabla (mais cela ne correspondait pas vraiment à l'idée que je me fais des sections Jor ou Jhala). J'ai été très content de reconnaître les notes du raga, en particulier le Ga Komal (très oscillant) et le Tivra Ma. Vinrent ensuite Raga Puriya Dhanashree, un Mira Bhajan, Raga Rajeshwari et un Bhajan sur le Raga Mishra Bhairavi. Je n'ai pas détesté ce concert, mais il ne m'a pas non plus passionné. Par exemple, dans le Raga Rajeshwari, j'ai aimé le bel Alap, tout comme la composition, mais celle-ci étant vraiment très courte, la litanie de l'harmonium qui la répétait sans cesse m'a passablement ennuyé et dans son improvisation sous la forme de Sargam, la chanteuse faisait à mon avis preuve d'une virtuosité excessive. Si on n'entend plus le nom des notes et si mon oreille ne me donne même pas une vague idée d'où elles sont situées, c'est que cela va peut-être un peu trop vite pour moi... (Il faut aussi souligner que la sonorisation mal réglée ne mettait pas vraiment en valeur le timbre de la voix de la chanteuse.)
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Chennaiyil Thiruvaiyaru, Kamaraj Memorial Hall, Chennai — 2013-12-25 à 19:30
Shobana, danse bharatanatyam
Spectacle consternant ! Tout d'abord, les spectateurs qui faisaient pourtant la queue bien avant l'ouverture des portes n'ont pas tous pu entrer avant le début du spectacle, non seulement dans la prière chantée mais aussi dans le premier numéro dansé. Si de mon côté j'ai pu rejoindre ma place rapidement, le passage incessant d'autres spectateurs dans mon champ de vision était très gênant. La première partie de ce spectacle ressemblait à un numéro de cirque, l'entrée en scène de l'actrice-danseuse Shobana déclenchant des applaudissements hystériques (bon, ok, à Paris, on fait pareil lors de l'entrée en scène des étoiles dans les grands ballets classiques). Elle interprète un numéro de danse pure. Une autre danseuse plus jeune et plus convaincante à mes yeux représente la danse de Krishna sur le serpent Kaliya et le jeu de sa flûte qui ensorcelle les gopis. Le Varnam interprété par Shobana ensuite est consternant. Je ne sais dans quelle friperie elle a dégoté son sari négligé ! Pour ce qui est de la danse, les mouvements expressifs étaient exagérés et la danseuse apparaissait trop souvent en lieu et place du personnage qu'elle devait interpréter, et ce pas uniquement quand elle s'arrêtait complètement de danser pour faire signe à des spectateurs de ne pas la filmer... Les jatis (mouvements rythmiques rapides) étaient beaucoup trop compliqués (et pas du tout musicaux, à se demander si le son et l'image étaient synchronisés). La sonorisation était affreuse. Le son des percussions couvrait complètement la voix de la chanteuse, ce qui m'empêchait de saisir quelques mots au passage pour essayer de comprendre l'histoire que ce fichu Varnam était censé raconter... Le pire était lors des fins systématiquement en crescendo des jatis. Ce mridangam me cassait littéralement les oreilles. Affreux...
Vînt ensuite Ashtapadi, une danse de groupe de six danseuses. Cinq d'entre d'elles figuraient les gopis qui entouraient la dernière, kitchissimement déguisée en Krishna avec une authentique plume de paon dans les cheveux... La première partie de cette pièce représentait la Rasa-danse, dans laquelle Krishna danse avec les gopis, chacune ayant l'impression de danser seule avec lui, toutes étant rendues amoureuses par l'intervention de l'archer Kama. La deuxième partie évoquait joliment la rivière Yamuna.
Après un intermède musical, Shobana est revenue interpréter un nouveau Varnam, nettement plus convaincant que le premier. Le costume bleu était plus chic que le premier (qui était plus ou moins beige), mais il n'était pas mis tout à fait correctement... Dans cette pièce, la danseuse a raconté plusieurs épisodes du Ramayana, mais comme je le disais ce matin à Srithika Kasturi Rangan, Shobana danse beaucoup moins bien qu'elle ! Parmi les épisodes, il y avait celui où Rama casse l'arc de Shiva pour épouser Sita (après que d'autres ont lamentalement échoué). Dans un autre, Lakshmana se moque de la démone Shurpanakha. On voit ensuite Sita réclamer qu'on lui rapporte l'antilope dorée qu'elle a aperçu ; il s'agissait d'une ruse de Ravana pour qu'il puisse enlever Sita alors que Rama et Lakshmana se sont éloignés d'elle. Captive, Sita donne son anneau à Hanuman pour que celui-ci puisse prouver à Rama qu'il a bien vu Sita. Enfin, Rama tue Ravana. C'était bien beau, cela a manifestement dû demander beaucoup de travail à la danseuse, mais après quelques minutes, j'ai compris pourquoi je ressentais un malaise en voyant Shobana rendre grotesques tous les personnages par son expression : cela peut paraître incroyable, mais c'est vraiment tout comme si les personnages étaient interprétés par Mr. Bean !
Le récital s'est conclu par un Tillana exécuté par Shobana et quelques autres danseuses.
Bref, amis rasikas, évitez à tout prix d'assister à des spectacles organisés par Chennaiyil Thiruvaiyaru ! (Je me rends compte que j'ai oublié de préciser que le fond de la scène comportait des écrans géants sur lesquels défilaient des signes publicitaires !)
2013-12-25 13:37+0530 (சென்னை) — Culture — Musique — Danse — Danses indiennes — Culture indienne — Voyage en Inde XII
Hier, je crois avoir faire l'expérience autant du meilleur que du pire de la Saison de Décembre...
Sri Krishna Gana Sabha, Dr. Nalli Gana Vihar, Chennai — 2013-12-24 à 07:00
Sengalipuram Brahmasri Vittaldas Jayakrishna Dikshithar Maharaj, Namasankirthanam
La journée commence plutôt bin avec du Namasankirthanam.
Quelques brâhmanes torses nus ont pris place sur la scène de la grande et
confortable salle du Sri Krishna Gana Sabha qui est très bien remplie
malgré l'heure matinale. Les musiciens incluent cinq percussionnistes (un
tabla, quatre mridangam, un ghatam), deux harmoniums, une vingtaine de
chanteurs dont le rôle sera d'accompagner le meilleur d'entre eux dans
cette cérémonie vishnouïste. Le maître est enguirlandé de fleurs plusieurs
fois et un ventilateur est placé juste derrière lui ! Des effigies grandeur
nature de quelques maîtres spirituels ont été placées sur le côté de la
scène. La première partie de ce programme qui durera environ deux heures
est chantée. Les vers évoquant quelques divinités sont prononcés par le
maître, puis repris par le chœur tandis que le public bat des mains en
rythme. Le chant est plutôt beau, et carrément sublime à un moment
particulier ayant suivi une prière à Ganesh : tous prononçaient le nom
Ram
de façon continue.
La deuxième partie avait l'air d'être une sorte de conférence illustrée de chant ou de chant commenté. Les commentaires étant en tamoul uniquement, j'ai trouvé le temps un peu long...
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Je me suis ensuite dirigé vers la station de trains de Mylapore pour descendre à Thiruvanmiyur afin d'acheter un billet pour un dance-drama à Kalakshetra. Je voulais voir Sabari Moksham qui raconte le troisième livre du Ramayana, mais tous les billets avaient déjà été vendus. En me promenant dans l'enclave de cette école de danse, j'aurai au moins pu apercevoir quelques classes de danse bharatanatyam. Je me demande comment les professeurs et élèves font pour s'y retrouver dans la mesure où la vigoureuse battue rythmique des professeurs frappant un morceau de bois s'entend depuis une distance plus grande que celle qui sépare les différents bungalows.
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Narada Gana Sabha, Sadguru Gnanananda Hall, Chennai — 2013-12-24 à 14:00
Priya Venkatraman, danse bharatanatyam
J'avais déjà vu Priya Venkataraman à Paris dans le
cadre d'un récital de danse bharatanatyam synchronisée
. Dans la
grande salle peu remplie du Narada Gana Sabha, elle donnait en début
d'après-midi un récital solo. Le chanteur Sri K. Hariprasad est le même que
lors du récital de Meenakshi Srinivasan de la veille (et
le percussionniste est le même que lors du récital de Sanjana Prasad, le
monde des musiciens de Chennai est petit !). La sonorisation étant mieux
réglée, j'apprécie bien davantage son chant. Il a commencé par la même
prière à Ganesh, puis a interprété un Pushpanjali qu'il a composé
lui-même en l'honneur de Ganesh. La danseuse ne m'enthousiasme pas. Tout
est exécuté très proprement, mais il y a quelque chose qui manque pour que
je sois complètement séduit. Le regard de la danseuse et son sourire
manquent de concentration. Je m'ennuie beaucoup pendant le Varnam
qui évoque le jeune Krishna. Dans l'évocation de jeux d'eau, j'ai toutefois
aimé la façon de représenter une jeune femme en train de se baigner dans la
Yamuna (pendant que Krishna lui chippe ses vêtements...).
Le chanteur interprète maqgnifiquement Ashtapadi (je présume qu'il s'agit du texte de Jayadeva). Radha souffre de la séparation et ne peut s'empêcher de penser à Lui : tout ce qu'elle voit lui rappelle Krishna.
Le récital s'est conclu par un Tillana dans lequel la danseuse évoquait un personnage féminin puis Shiva et Parvati.
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Sri Krishna Gana Sabha, Kamakoti Gana Mandir Hall, Chennai — 2013-12-24 à 16:00
Janane Sethunarayanan, danse bharatanatyam
Sinitha Purushothaman, danse bharatanatyam
Smrithi Krishnamurthy, danse bharatanatyam
Le grand frisson de la journée est venu d'un récital de trois disciples d'Anita Guha. Le nattuvanar est la même Jaishri (Ramanathan) que lors du récital de Meenakshi Srinivasan. Outre une chanteuse, l'orchestre comporte aussi un violon, une flûte et un mridangam.
Le récital commence par un Alarippu mettant en scène les trois danseuses. Leurs mouvements s'accélèrent progressivement alors qu'elles vont évoquer des thèmes shivaïtes. La belle image de fin pourrait être celle de Muruga accompagné de ses deux épouses, mais il ne s'agit que d'une conjecture de ma part.
Les trois danseuses ont ensuite interprété un magnifique Varnam. La première partie évoquait le jeu de séduction entre Shiva et Parvati, cette dernière obtenant les faveurs de Shiva par l'ascèse. Le dieu Kama est curieusement absent de cette chorégraphie. La deuxième partie évoquait la Déesse. Shakti a ainsi été représentée de façon très picturale par les trois danseuses alignées (chacune montrant des attributs particuliers), et fait original, elles se déplaçaient latéralement en formation ! L'aspect guerrier de la Déesse (Mahishasuramardini) était mis en valeur, mais la partie la plus magique du Varnam est venue de l'évocation de Sarasvati et surtout des Arts en général, via l'évocation de la beauté du son, la vînâ, le tambour, etc. Le plus beau moment a été l'évocation du Tala, que les danseuses suggéraient par des claps et surtout un magnifique Jati qui n'était accompagné que par le mridangam (et occasionnellement par les cymbales). Ni onomatopées rythmiques, ni chant ni violon ni flûte ! C'est un des jati les plus délicieux que j'aie vus ! Enfin, toujours dans l'évocation des Arts, les danseuses montraient les Navarasa, les neuf saveurs ou émotions classifiées. Au lieu de mettre en valeur chacune d'entre elles dans des épisodes successifs d'un Varnam comme cela se fait usuellement, les Rasa étaient montrés par les différentes danseuses dans une succession rapide. Par exemple, une danseuse prenait la forme de Shiva pour suggérer la Colère.
(Il est à noter que des bijoux ornant les cheveux d'une danseuse sont tombés sur la scène, la rendant quelque peu dangereuse à cause des parties pointues de ces bijoux. Les danseuses ont néanmoins réussi à éviter de se faire mal.)
Une autre merveilleuse pièce a suivi. La texte chanté était un Bhajan de Tulsidas. Les trois danseuses jouaient le rôle des trois épouses Kaushalya, Sumitra et Kaikeyi de Dasharata, père de Rama. S'il est relativement courant en bharatanatyam de représenter l'amour maternel de Yashoda pour Krishna, j'ai trouvé intéressant que l'objet de cet amour soit Rama.
Le récital s'est conclu par un Tillana évoquant un peu sommairement Vishnu sous le nom de Padmanabha.
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Chennaiyil Thiruvaiyaru, Kamaraj Memorial Hall, Chennai — 2013-12-24 à 19:30
Sudha Ragunathan, chant
Lakshman Shruti Orchestra
Imaginez que vous allez voir Parsifal et qu'une fois installé à
votre siège on vous dit que le Parsifal est malade et qu'on jouera des
chansons d'Annie Cordy en remplacement. C'est à peu près ce qui m'est
arrivé avec les dangereux escrocs de Chennaiyil Thiruvaiyaru. Avant
d'arriver, je me méfiais déjà de ce Sabha qui laisse à penser que c'est
tout comme si on avait confié la programmation d'une salle de musique
classique occidentale à TF1. Quand le rideau de scène s'est levé (très en
retard), des chaises étaient disposées pour un orchestre
et pas
vraiment pour un concert de musique carnatique. Certes, Sudha Ragunathan,
malade, ne pouvait pas chanter, mais le minimum aurait été de rembourser les
spectateurs (surtout que l'entrée était à 500 roupies minimum). On a
enguirlandé la chanteuse qui s'excusait de ne pas chanter et le réalisateur
K. Balachander dont je me demande bien ce qu'il faisait là, et puis des
chanteuses sont venus interpréter des chansons insipides. Je suis parti après
un peu plus de vingt minutes de supplice.
2013-12-24 13:07+0530 (சென்னை) — Culture — Musique — Danse — Danses indiennes — Culture indienne — Voyage en Inde XII
Je suis arrivé à Chennai lundi midi après un long trajet en avion via Riyadh en Arabie Saoudite. Bien qu'ayant eu plus de 7 heures de correspondance, j'ai failli rater le deuxième avion puisque la porte d'embarquement ne s'est jamais affichée sur les écrans et qu'elle ne correspondait pas à celle donnée lors de la correspondance. À bord, la nourriture est indienne et singulièrement plus épicée au départ de Riyadh que de Paris.
Sorti de l'aéroport, je n'ai vu aucun panneau indiquant la station de trains locaux Tirusulam. Après avoir marché un peu, j'ai demandé mon chemin. J'ai craint un moment que l'homme à qui je l'ai demandé ne m'aiguille vers un taxi, mais il allait aussi prendre un train pour rentrer chez lui et a été très sympathique, merci Kartik. Pour 5 roupies, je me suis donc retrouvé au centre-ville de Chennai en à peine un quart d'heure. Il m'a fallu davantage de temps pour m'extraire de la station Mambalam et me diriger vers mon hôtel en rickshaw. Cela peut sembler extravagant, mais il semble qu'il ne soit plus nécessaire de négocier le prix des courses : sans qu'on le leur demande, les chauffeurs mettent le compteur (numérique) en route !
Après être passé rapidement à la Music Academy et au Narada Gana Sabha pour prendre des renseignements, je me suis dirigé vers Bharat Kalachar pour acheter des billets. Cela a été un peu compliqué, le guichet qui devait ouvrir à 14 heures était fermé parce que la pause déjeuner n'etait pas encore finie. Je suis revenu une demi-heure plus tard, et toujours personne. Chaque personne que je voyais me disait que ce n'était pas possible, et, me voyant insister, elle me disait d'aller vers le portail bleu, où en insistant encore, on m'a dit de monter au troisième étage, etc, pour enfin revenir au point de départ, où après quelques minutes supplémentaires d'attente j'ai pu obtenir mes billets pour voir Meenakshi Srinivasan le soir-même ainsi que Rama Vaidyanathan (ouf, s'il y avait une raison pour mon voyage, la voir en faisait partie !).
Sri Krishna Gana Sabha, Kamakoti Gana Mandir Hall, Chennai — 2013-12-23 à 16:00
Sanjana Prasad, danse bharatanatyam
Après être tombé sur un rickshaw-wallah qui ne connaissait pas le Sri
Krishna Gana Sabha, j'arrive enfin à cette salle. Même si le guichet
n'était pas censé être ouvert (on m'avait dit au téléphone qu'il ouvrait à
16h30), j'arrive à obtenir des billets pour voir Padma Subramanyam (!) et
Anita Ratnam. Le concert de Dr. M. Balamuralikrishna prévu quelques jours
plus tard est Free
(comme j'aime la manière de cet homme de
prononcer ce mot), mais il faudra venir tôt...
Pas de problème en revanche pour entrer au Kamakoti Gana Mandir Hall du Krishna Gana Sabha où va danser Sanjana Prasad, disciple de Padmapriya Prakash (Dubaï). Le guru est au nattuvangam et l'orchestre composé d'une chanteuse (excellente), d'un mridangam et du meilleur violoniste accompagnateur de danse que le bharatanatyam connaisse : Kalaiarasan Ramanathan. Si je ne l'avais pas reconnu à son visage, j'aurais certainement reconnu son jeu singulier, comportant de nombreuses doubles cordes (comme je l'avais remarqué quand il accompagnait Lavanya Ananth). Le fait de l'avoir reconnu montre mon niveau d'addiction au bharatanatyam, mais ce qui est encore plus étonnant, c'est que le violoniste assurait avoir l'impression de m'avoir déjà vu quelque part quand nous avons échangé quelques mots à l'issue du récital !
Le récital a commencé par une introduction chantée. Les pièces de danse seront ensuite introduites en tamoul. Le première pièce peut être considérée comme un Pushpanjali. Elle commence par de la danse pure accompagnée d'onomatopées rythmiques. Même si au cours du récital, la très jeune danseuse (pas plus de 15 ans à mon avis) n'exécutera pas parfaitement les mouvements de danse pure (les bras ne sont pas toujours bien tendus, par exemple), j'apprécie la vivacité de ces jatis et elle s'avère étonnamment douée pour son âge pour l'Abhinaya. Elle évoque ainsi une offrande de fleurs à Ganesh (aux grandes oreilles), fils d'Uma. Des rituels de dévotion sont montrés, comme l'offrande de prasad et l'aarti. Elle a aussi comme il se doit salué son guru et la salle (qui était plutôt bien remplie).
La pièce principale du récital d'une heure était un Varnam en l'honneur de la Déesse. Elle est présentée sous la forme de la déesse guerrière Meenakshi, compagne de Shiva au regard foudroyant. Elle la représente en train de tuer le démon Mahishasura. Les jatis (passages rythmiques) insérés dans la pièce sont applaudis par le public. La danseuse à également rendu hommage à la déesse des arts en évoquant l'écriture, la pensée, le chant, la flûte et la vina. J'extrapole peut-être, mais il m'a semblé qu'elle évoquait également la syllabe Om vers la fin du Varnam qui prenait l'apparence d'un Tillana.
Après un Ragam du violon, la danseuse a interprété une adorable pièce d'hommage à Shiva, le texte chanté commençant par Karunarasa Kamakoti... Chandrashekara.
Shivastuti, une autre pièce dédiée à Shiva a suivi, évoquant Ganga, son chignon, la lune, le serpent (très impressionnant), le tigre. Les jatis prenaient une intéressante forme de jeu de questions et réponses entre le nattuvangam et la danseuse.
Le récital se terminait par un Tillana en l'honneur de Krishna (et Bhubaneshvari ?).
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Bharat Kalachar, Y.G.P. Auditorium, Chennai — 2013-12-23 à 19:00
Meenakshi Srinivasan, danse bharatanatyam
Après avoir dîné rapidement, je me suis dirigé vers Bharat Kalachar pour assister à la fin d'un récital de chant de Gayathri Venkatraghavan qui se concluait par le même Tillana (pas vraiment mieux chanté). J'étais là bien sûr plutôt pour assister au récital de danse bharatanatyam de Meenakshi Srinivasan (déjà appréciée lors de son passage au Musée Guimet). Elle était accompagnée d'un chanteur nommé Hariprasad, d'une violoniste (Shrilakshmi ?), de Jaishri (nattuvangam) et de Vedakrishnaran (mridangam).
La première pièce dansée après la prière à Ganesh est une magnifique évocation de Shiva. Est-il possible de danser le bharatanatyam plus gracieusement que ne le fait Meenakshi Srinivasan ? Une certaine dureté n'aurait pas nui dans l'évocation de la peau de tigre ou la virilité de la danse de Shiva, mais je ne vais pas bouder mon plaisir de la voir aller chercher sa main très loin derrière avec autant de grâce. La danseuse évoque merveilleusement bien le tambour Damaru ou encore la descente de la rivière Ganga. Il m'a semblé qu'elle a pris pendant quelques instants la forme androgyne d'Ardhanarishwara, ou encore celle du dévôt Markandeya attaqué par Yama. Elle a enfin évoqué les arts en suggérant le chant et le jeu du tambour.
J'aurais aimé adorer le Varnam féministe qu'elle a dansé, puisqu'il était centré sur le personnage de Sita, épouse modèle et pourtant rejetée par Rama à cause de l'influence de la rumeur publique (Sita ayant été captive du démon Ravana). Enceinte de jumeaux, elle se réfugie dans la forêt et se souvient des bons moments passés avec Rama. Il l'avait conquise en brisant larc de Shiva. S'il était très beau à regarder, je n'ai pas trouvé ce passage très convaincant. Ensuite, un jeu de balle était semble-t-il suggéré entre Sita et Rama (j'aimerais la référence au texte de Valmiki parce que je n'en ai aucun souvenir...). Mon manque de sommeil a eu raison de ma concentration pendant le reste de la pièce qui ne m'a pas donné l'impression de progresser d'un point de vue narratif. Les jatis étaient beaux, cependant.
La pièce suivante, chorégraphiée par Bragha Bessel, était semble-t-il un Padam. Deux jeunes femmes voient passer une procession au loin. Elles ne reconnaissent pas la divinité. Ce n'est pas Indra couvert de mille yeux, ni la Lune (Chandran), ni Shiva au troisième œil, ni Surya, ni le difforme Kubera. (L'énumération vient de la présentation, je ne les ai pas tous identifiés en observant la danse, et sans la présentation, je n'aurais reconnu que Shiva.) Sans préciser de qui il s'agissait, la présentation se concluait en disant qu'à la fin, elles reconnaissaient la divinité. En fait, à sa démarche de pachyderme et à ses grandes oreilles, il était évident pour moi dès le début que c'était Ganesh ! ce qui était confirmé à la fin. (En fait, pas du tout, cf. cette autre entrée.)
Le récital s'est conclu par un merveilleux Tillana en Raga Sindhu Bhairavi, et il s'agit semble-t-il du même que celui qui avait conclu son récital à Paris, cf. mon billet. Je ne vais pas répéter les louanges que j'avais faites alors. L'image que je regarde est celle de la façon qu'a eu la danseuse de se métamorphoser pour évoquer successivement Krishna et son amante : magnifique !
2013-12-22 05:19+0100 (Orsay) — Culture — Musique — Danse — Culture indienne — Voyage en Inde XII
Avant de filer à l'aéroport pour partir en Inde, voici le vite dit de décembre 2013 !
Théâtre du Châtelet — 2013-12-01
Orchestre national d'Île de France
Kaspar Zehnder, direction
L'Enlèvement au sérail, ouverture, KV 384 (Mozart)
Symphonie nº100 en sol majeur (Haydn)
Amjad Ali Khan, sarod
Anubrata Chatterjee, tabla
Raga Zila Kafi
Alexis Cardenas, violon supersoliste
Bernard Le Monnier, violon solo
Renaud Stahl, alto solo
Bernard Vandenbroucque, violoncelle
Hélène Giraud, flûte solo
Myriam Carrier, clarinette co-soliste
Frédéric Bouteille, basson co-soliste
Samaagam, concerto pour sarod et orchestre (Amjad Ali Khan)
Très beau concert de l'Orchestre national d'Île-de-France ! La
réjouissante première partie Mozart/Haydn aurait été pleinement
satisfaisante pour moi si je n'avais pas eu à supporter une famille de
tousseurs placée à côté de moi. Pour la deuxième partie, je me suis replacé
au siège le plus excentré de la corbeille du côté où allait prendre place
Ustad Amjad Ali Khan. Il a d'abord interprété avec le percussionniste une
composition sur le Raga Zila Kafi. Accompagné de l'orchestre, il a ensuite
interprété son concerto Samaagam. Le titre ne renvoie pas aux
notes Sa-Ma-Ga, mais au mot sanskrit समागम qui a semble-t-il à peu
près le même sens que संगम, à savoir confluence
(ce
titre a aussi été utilisé par Shantala Shivalingappa). Au
début, j'ai trouvé l'œuvre un peu artificielle dans la mesure où elle
utilise plusieurs ragas et qu'on passe de l'un à l'autre sans transition.
(Je dis ça, mais parmi les ragas apparaissant dans ce concerto je n'ai pas reconnu ceux que j'ai pourtant pratiqués comme Bhupali.) Ustad
Amjad Ali Khan (qui n'a pas seulement utilisé son sarod mais aussi un peu
chanté) n'est pas le seul soliste de ce concerto. Quelques musiciens de
l'orchestre ont également un rôle soliste et ils ont même eu la possibilité
d'improviser. Le violoncelliste m'a semblé particulièrement inspiré dans
cet exercice. La fin en apothéose du concerto m'a beaucoup plu !
Ce concert est disponible à la réécoute sur Arte Live Web.
⁂
Temple des Batignolles — 2013-12-06
Orchestre des Concerts Gais
Marc Korovitch, direction
Pierre Hamel, violon
Symphonie espagnole en ré mineur (Lalo)
Symphonie nº3 Rhénane (Schumann)
Magnifique concert de l'ensemble des Concerts gais. La Symphonie espagnole (en fait concerto pour violon) de Lalo a été une très belle découverte pour moi. J'en ai tout particulièrement apprécié le quatrième mouvement (lent). En deuxième partie, l'orchestre a interprété la Symphonie nº3 “Rhénane” de Schumann. Le deuxième mouvement Scherzo : Sehr mässig m'a semblé tout particulièrement délicieux.
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Salle Pleyel — 2013-12-07 à 16:00
Quatuor Hagen
Lukas Hagen, Rainer Schmidt, violons
Veronika Hagen, alto
Clemens Hagen, violoncelle
Quatuor à cordes nº1 (Beethoven)
Quatuor à cordes nº16 (Beethoven)
Quatuor à cordes nº7 “Razumovski” (Beethoven)
Salle Pleyel — 2013-12-07 à 20:00
Quatuor Hagen
Lukas Hagen, Rainer Schmidt, violons
Veronika Hagen, alto
Clemens Hagen, violoncelle
Quatuor à cordes nº3 (Beethoven)
Quatuor à cordes nº5 (Beethoven)
Quatuor à cordes nº12 (Beethoven)
Salle Pleyel — 2013-12-08 à 16:00
Quatuor Hagen
Lukas Hagen, Rainer Schmidt, violons
Veronika Hagen, alto
Clemens Hagen, violoncelle
Quatuor à cordes nº2 (Beethoven)
Quatuor à cordes nº4 (Beethoven)
Quatuor à cordes nº14 (Beethoven)
Ces trois concerts concluaient l'intégrale des quatuors à cordes de Beethoven par le quatuor Hagen (cf. le vite dit d'avril). L'ensemble est très engagé et la musique manifestement toujours très bien jouée. Parfois, on atteint une autre dimension, un miracle semble se produire ; c'est en tout cas le sentiment que j'ai eu en écoutant le Quatuor nº2 au début du dernier concert.
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Salle Pleyel — 2013-12-10
Orchestre Colonne
Laurent Petitgirard, direction
4... ou les saisons d'une vie (Dominique Probst)
Claire Désert, piano
Concerto pour piano en ut mineur, nº24, KV 491
Symphonie nº3 en mi bémol majeur Héroïque
(Beethoven)
J'ai aimé la pièce contemporaine de Dominique Probst évoquant les saisons et dédiée à sa mère âgée de 99 ans. J'ai apprécié le jeu de la pianiste Claire Désert (surtout dans son bis), mais le concerto mettait à mon avis surtout en valeur l'orchestre. (Un des thèmes du troisième mouvement me rappelait curieusement un des airs de La Flûte enchantée.) Après l'entr'acte, l'orchestre a donné une très belle interprétation de la Symphonie nº3 “Héroïque” de Beethoven. J'ai néanmoins eu une réserve sur le choix d'un tempo dangereusement lent peu avant la fin du quatrième mouvement.
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Opéra Garnier — 2013-12-11
Angelin Preljocaj, chorégraphie
Wolfgang Amadeus Mozart, musique (KV. 425, 546, 571, 449, 525, 251, 522, 425, 137, 250, 488)
Goran Vejvoda, création sonore
Thierry Leproust, décors
Hervé Pierre, costumes
Jacques Chatelet, lumières
Noémie Perloy, assistante du chorégraphe
Koen Kessels, direction musicale
Nicolas Le Riche, Aurélie Dupont
Simon Valastro, Adrien Bodet, Mallory Gaudion, Adrien Couvez, Jardiniers
Caroline Bance, Christelle Granier, Myriam Kamionka, Caroline Robert, Séverine Westermann, Laurène Levy, Charlotte Ranson, Miho Fuji
Guillaume Charlot, Alexis Renaud, Yann Saïz, Sébastien Berthaud, Yvon Demol, Alexandre Gasse, Erwan Leroux
Ballet de l'Opéra
Orchestre de chambre de Paris
Vessela Pelovska, piano
Le Parc
Je ne me suis pas enthousiasmé pour ce ballet de Preljocaj. Il s'agit néanmoins de la meilleure production de lui que j'aie vue. J'ai aimé le pastiche de manières françaises anciennes qui s'insinue dans la chorégaphie et plus encore l'adorable jeu de chaises musicales qui se déroule dans la première partie du ballet. Cette œuvre met aussi en valeur des danseurs qui sont habituellement cachés dans le corps de ballet. Toutefois, l'ensemble manque à mon goût de narration, de liant, de continuité. Heureusement, le pas de deux (quasi-)final entre Nicolas Le Riche et Aurélie Dupont procure le seul moment quelque peu émouvant du ballet, et ce notamment grâce au fameux porté tout en abandon qu'il contient. Globalement, ce ballet n'est pas très exaltant, malgré la bonne prestation de l'Orchestre de chambre de Paris dans la fosse.
La bonne nouvelle néanmoins, c'est que lors de sa prise de rôle quelques jours plus tard Alice Renavand a été nommée danseuse étoile, ce qui me semble tout-à-fait mérité.
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Salle Pleyel — 2013-12-12
Orchestre de Paris
Eiichi Chijiwa, violon solo
Philippe Aïche, direction
Alexander Toradze, piano
Concerto pour piano nº3 en ut majeur, op. 26 (Prokofiev)
Philippe Aïche, violon solo
Andris Poga, direction
Symphonie nº7 “Leningrad” en ut majeur, op. 60 (Chostakovitch)
Magnifique concert de l'Orchestre de Paris. Le chef Mikko Franck a été remplacé en première partie par le violon solo Philippe Aïche que j'ai aimé regarder depuis ma place à l'arrière-scène. Le chef assistant Andris Poga a dirigé avec enthousiasme la symphonie nº7 “Leningrad” de Chostakovitch. Cette symphonie, moins dépressive que d'autres symphonies du même compositeur, comporte un premier mouvement assez extravagant en termes d'orchestration. Dans sa partie centrale, un motif à cinq notes échangé initialement entre le basson (Giorgio Mandolesi !) et le hautbois se propage progressivement à tout l'orchestre comme dans le Boléro de Ravel tandis que la pulsation est maintenue par la caisse claire. J'ai été un peu moins passionné par la suite, et en particulier par le dernier mouvement, qui n'est pas sans quelques longueurs...
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Studio Sacha Guitry, Maison de Radio France — 2013-12-14
Maîtrise de Radio France
Daniel Hill, David Alexander, piano
Sofi Jeannin, direction
Three Carols pour voix élevées (Britten)
Chansons de bord — Tome I (extraits), Dutilleux
Three two-part songs (extrait) : The Ship of Rio (Britten)
A Dream of Snow (Peter Maxwell Davies)
Four Sea Interludes, op. 33a (Britten, arrangement d'Edwin Stein)
The Golden Vanity, op. 78 (Britten)
Très réjouissant concert de la maîtrise de Radio France à la salle Sacha Guitry de la maison ronde, autour des thèmes de Noël et de la mer. J'y ai découvert avec un grand plaisir The Golden Vanity, une histoire cruelle de marins anglais confronté à des pirates turcs (interprétée dans une traduction française). Que j'aime la façon de Britten de composer pour la voix humaine et d'ornementer le chant ! J'ai particulièrement aimé les glissandis du capitaine du Golden Vanity.
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Théâtre de l'Hôpital Bretonneau — 2013-12-14
Jyotika Rao, nattuvangam, chant
Matthias Labbe, mridangam, tabla
Sucheta Chapekar, chorégraphies
Anjeli, bharatanatyam
Pushpanjali (en l'honneur de Ganesh)
Camille, Anjeli, Christine, bharatanatyam
Alarippu
Christine, bharatanatyam (Sarasvati)
Anjeli, bharatanatyam (Lakshmi)
Camille, bharatanatyam (Durga)
Prastar (hommage à la Déesse)
Christine, Anjeli, bharatanatyam
Dashavatar
Solo de tabla
Camille, bharatanatyam
Mate Sarasvati
Marjorie, bharatanatyam (shloka)
Anjeli, Camille, bharatanatyam (jati)
Kasturitillakam
Christine, bharatanatyam
Abhinaya
Anjali, ?, Camille, Christine, bharatanatyam
Tillana
Jyotika, bharatanatyam
Abhinaya (adoration de Krishna)
Ma prof de danse bharatanatyam et ses élèves les plus avancées ont donné ce récital. Je ne vais pas revenir en détail sur chacune des pièces. J'en connaissais déjà certaines ; quelques unes prévues pour une seule danseuse ont été retravaillées pour plusieurs. J'ai ainsi aimé le placement des trois danseuses dans l'Alarippu ou encore l'attribution d'un aspect de la Déesse à chaque d'entre elles dans la pièce suivante.
J'avais déjà vu la pièce Dashavatar. En la revoyant, j'en ai beaucoup mieux compris les détails. Les incarnations de Vishnu étaient évoquées alternativement par une des deux danseuses. Chaque évocation était très brève, centrée sur une caractéristique propre à chacun des avatars. L'avatar le plus mis en valeur était Krishna. Il était en effet omis dans l'énumération et célébré en conclusion de la pièce de façon plus approfondie.
J'ai été extrêmement convaincu par la pièce d'Abhinaya interprétée avant le Tillana. L'héroïne jalouse a chassé son amoureux. Reviendra-t-il ? Il m'a semblé que la chorégraphie suggérait que cet amoureux pouvait être Krishna.
Dans le Tillana, j'ai été saisi d'émotion quand une des danseuses a représenté Vishnu sur le serpent Shesha, une des images que je préfère dans toute l'iconographie hindoue.
Le récital s'est terminé par une pièce de pure Abhinaya par Jyotika. Il était question de l'adoration de Krishna, Celui en lequel on aspire à se fondre. Le passage le plus émouvant à mon goût a été celui évoquant le rôle de Krishna dans la terrible scène du Mahābhārata dans laquelle Dushasana tente d'enlever le sari de Draupadi. Celle-ci ayant pris refuge en Krishna, son sari se rallonge miraculeusement au fur et à mesure que Dushasana tire dessus...
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Cité de la musique — 2013-12-19
Les Dissonances
Anna Göckel, violon
Julia Gallego, flûte
David Gaillard, alto
Louis Rodde, violoncelle
Vincent Alberola, clarinette
Florent Boffard, piano
Vortex Temporum, pour piano et cinq instruments (Grisey)
David Grimal, direction artistique, violon solo
Symphonie nº8 “Inachevée” (Schubert)
Allegretto de la Symphonie nº7 en la majeur (Beethoven)
J'avais manqué le concert Espaces acoustiques de l'Intercontemporain quelques jours plus tôt afin de me rendre au récital de bharatanatyam mentionné ci-dessus. Je savais alors qu'une autre opportunité d'entendre la musique de Grisey allait se présenter. J'ai saisi cette dernière et je ne l'ai pas regretté. J'avais en effet adoré Modulations en février dernier. Lors de ce concert des Dissonances, j'ai découvert Vortex Temporum. J'ai aimé le rythme joyeux instauré par les vents au début de l'œuvre. Ce qui m'a le plus exalté, ce fut le deuxième mouvement (censé évoquer les baleines ?). J'adore Haydn, mais pour ce qui est de les évoquer, je crois que je préfère Grisey !
Ah oui, après l'entr'acte, il y avait un deuxième demi-concert. J'entendais pour la première fois en concert la Symphonie nº8 “Inachevée” de Schubert dont je ne connaissais que le premier mouvement. Ce fut magnifique ! J'ai toutefois eu du mal à me concentrer au début du premier mouvement ; il m'a fallu attendre qu'une spectatrice ayant fait un malaise soit évacuée (c'est la troisième fois que cela m'arrive en quelques semaines...). Mention spéciale aux vents (et en particulier au clarinettiste), particulièrement beaux dans le deuxième mouvement. Après avoir interprété les premières mesures du troisième mouvement inachevé, l'orchestre a joué en bis l'Allegretto de la Septième symphonie de Beethoven ! (Ce que j'ai trouvé incongru, notamment parce qu'après mon équipée édimbourgeoise, j'ai du mal à entendre ce mouvement autrement qu'enchaîné au premier mouvement sans même un instant pour respirer...)
Ailleurs : Zvezdo.
Concert à réécouter sur Cité de la musique live.
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Opéra Bastille — 2013-12-20
Orchestre de l'Opéra national de Paris
Ballet de l'Opéra
Fayçal Karoui, direction musicale
Piotr Ilyitch Tchaikovski, musique
Rudolf Noureev, chorégraphie et mise en scène d'après Marius Petipa
Ezio Frigerio, décors
Franca Squarciapino, costumes
Vinicio Cheli, lumières
Myriam Ould-Braham, La Princess Aurore
Mathias Heymann, Le Prince Désiré
Nicolas Paul, Le Roi Florestan XIV
Christine Peltzer, La Reine
Marie-Solène Boulet, Le Fée des Lilas
Nolwenn Daniel, Carabosse
Pascal Aubin, Catalabutte
Fanny Gorse, Première variation
Sae Eun Park, Lydie Vareilhes, Deuxième variation
Laura Hecquet, Troisième variation
Charline Giezendanner, Quatrième variation
Sabrina Mallem, Cinquième variation
Pascal Aubin, Sixième variation
Héloïse Bourdon, Pierre-Arthur Raveau, Marie-Solène Boulet, Laura Hecquet, Hannah O'Neill, Pas de cinq des “Pierres précieuses”
Valentine Colasante, François Alu, Pas de deux de “L'Oiseau bleu”
Aubane Philbert, Daniel Stokes, Pas de deux du “Chat botté et de la Chatte blanche”
La Belle au bois dormant, ballet en un prologue et trois actes d'après le conte de Charles Perrault
Une très grande soirée de ballet ! Quelle merveille que cette Belle au bois dormant ! Le premier acte est absolument génial ! Je ne regrette pas d'avoir payé le prix fort pour pouvoir voir Myriam Ould-Braham dans le rôle d'Aurore. Elle était superbe dans cet acte, mettant en valeur la juvénilité de son personnage. Cet acte aussi narratif que divertissant donnait aussi à voir un réjouissant corps de ballet. Dans la série de six variations, je fus ravi de voir Charline Giezendanner dans une version réduite en temps de l'espièglerie qu'elle exprimait si bien à l'école de danse dans la captation de Coppélia de Pierre Lacotte.
Globalement, le deuxième acte est moins exaltant, mais il me renforce dans mon impression que ce ballet est comme un condensé de tout ce qui s'est fait de mieux dans le ballet classique puisqu'on y retrouve les dryades. Le moment le plus marquant de ce deuxième acte est la très longue variation du Prince Désiré interprété par Mathias Heymann. C'est très beau à regarder, mais il manque un petit quelque chose pour que le temps ne semble pas un peu long et que l'on reste tout-à-fait captivé.
Le troisième acte est un pur divertissement, mettant en valeur divers ensembles. Tous ont été magnifiques, que ce soit Héloïse Bourdon et Pierre-Arthur Raveau, ou encore Valentine Colasante et François Alu (ce dernier déclenchant de très vifs applaudissements), ou encore l'espiègle couple de chats (Aubane Philbert, Daniel Stokes). Pour moi, les plus grandes émotions sont toutefois venues de l'adage, des variations et la coda du couple principal !
Il faut aussi signaler l'excellentissime prestation de l'Orchestre de l'Opéra dirigé par Fayçal Karoui (qui avait déjà été superbe dans La Bayadère). Les solos du premier violon (s'agissait-il de Karin Ato ?) étaient tout simplement merveilleux !
2013-12-20 12:17+0200 (Orsay) — Culture — Musique — Danse — Danses indiennes — Culture indienne — Dhrupad
J'ai déjà eu l'occasion de revenir sur le spectacle Sangama de Shantala Shivalingappa ainsi que sur le passage à Paris de la Chidambaram Dance Company. Voici un bref récapitulatif des autres spectacles vus au cours du mois de novembre :
Cité de la musique — 2013-11-08
Ensemble Intercontemporain
Matthias Pintscher, direction musicale
Hidéki Nagano, piano
L'Asie d'après Tiepolo pour ensemble (Hugues Dufourt)
L'Origine du monde pour piano et ensemble (Hugues Dufourt)
Le Palais du silence, drammaturgia d'après Claude Debussy, Lucia Ronchetti (création)
Grégoire Simon, alto
Les Chardons d'après van Gogh pour alto et orchestre de chambre (Hugues Dufourt)
La musique de Hugues Dufourt m'a bien plu, mais je me serai bien contenté d'entendre une seule de ses œuvres, ce qui aurait évité que son style déclenche en moi une certaine lassitude. Sans m'émerveiller, la création de Lucia Ronchetti m'a semblé plutôt plaisante à écouter et si en musique contemporaine mon regard tend à prendre parfois le dessus sur mes oreilles, ce qu'il était donné à voir était plutôt esthétique, comme quand les musiciens à cordes ont recouvert leurs instruments d'un voile et ont frotté les cordes avec leur archet à travers ce voile. Les vents ont aussi soufflé dans des bouteilles. Trois percussionnistes s'activaient autour du piano. Un d'entre eux était même allongé sous l'instrument qu'il tapotait avec des baguettes. À la fin de l'œuvre, de façon tout à fait inattendue, le chef d'orchestre a utilisé les touches du piano !
Si la musique ne m'a pas déplu, je dois avouer que ce qui m'a le plus ému dans ce concert, ce fut le ballet des machinistes chargés des changements de configuration de chaises, pupitres, instruments, etc.
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Auditorium du Musée d'Orsay — 2013-11-14
Quatuor Takács
Edward Dusinberre, Károly Schranz, violons
Geraldine Walther, alto
András Fejér, violoncelle
Quatuor à cordes nº3, Sz. 85, Bartók
Quatuor nº2 “Lettres intimes”, Janáček
Quatuor nº1 en mi mineur ”De ma vie”, Smetana
Concert plutôt décevant. J'ai aimé le troisième quatuor de Bartók et au cours du concert j'ai particulièrement aimé le jeu du second violon, mais si l'interprétation du Quatuor “Lettres intimes” de Janáček a comporté quelques très beaux moments, je n'ai pas eu le même sentiment de miracle musical permanent que lorsque j'avais découvert cette œuvre avec David Grimal et quelques autres au Théâtre des Bouffes du Nord.
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Salle Pleyel — 2013-11-15
Anne Sofie von Otter, mezzo-soprano
Robert Getchell, ténor
David Lefort, ténor
Jean-Christophe Jacques, baryton
Geoffroy Buffière, basse
Orchestre philharmonique de Radio France
HK Gruber, direction
Les sept péchés capitaux (Weill)
Petite musique de Quat'sous (Weill)
Surabaya Johnny (Weill)
I am a stranger here myself (Weill)
Speak low (Weill)
The Saga of Jenny (Weill)
Très beau concert 100% Weill du Philharmonique de Radio France ! Je
retiens surtout de ce concert l'irrésistible chant d'Anne-Sophie von Otter
dans la partie la plus légère
du programme. Alors que je m'étais
replacé au tout premier rang après l'entr'acte, je ne m'attendais pas à
ressentir un tel émerveillement quand la chanteuse est venue interpréter
Surabaya Johnny et d'autres chansons. Son attitude scénique est en
phase avec les personnages qu'elle joue, mais elle me convainc surtout par
la beauté de son chant, magnifiquement ornementé.
Ailleurs : Bladsurb, Paris — Broadway, Palpatine.
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Mairie du vingtième arrondissement — 2013-11-17
Camille, élève de Jyotika Rao, bharatanatyam
Prestar (hommage à la Déesse)
Kasturitillakam
Au cours du festival du livre de l'Inde, quelques animations étaient proposées. Cela m'a permis de découvrir le style de Sucheta Chapekar, la guru de ma prof de bharatanatyam. Une de ses élèves les plus avancées présentait une pièce dans son style propre, Prestar, un hommage à la Déesse (sous trois formes : Sarasvati, Lakshmi, Durga). D'un point de vue musical, la particularité de ce style est d'utiliser non pas la musique carnatique mais la musique hindustani. Le tala utilisé était assez original (9 temps). Je retiens surtout la beauté des mouvements dans les shlokas.
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Mairie du vingtième arrondissement — 2013-11-17
Jérôme Cormier, chant dhrupad
Gérard Hababou, pakhawaj
Anne-Marie, Joël, Leïla, Michèle, chant dhrupad
Raga Bhupali
Un peu plus tard, j'ai participé avec d'autres élèves du cours de dhrupad de Jérôme Cormier à une présentation de ce style de chant, ou plutôt de la façon dont nous le pratiquons en cours. Nous avons chanté un Alap dans le Raga Bhupali, puis du Sargam ; nous essayions de reproduire les phrases qu'il chantait. Enfin, nous avons chanté une composition en Chautal (dont le premier des trois vers est Tane Talevare Tare), Jérôme Cormier improvisant seul pendant certains cycles rythmiques. (Sur la vidéo ci-dessous, on entend Ustad H. Sayeeduddin Dagar chanter le premier vers de cette composition.)
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Chez Malavika — 2013-11-22
Bithika Mistry, odissi
Mangalacharan (en l'honneur de Ganesh)
Mangalacharan (en l'honneur de Sarasvati)
Pallavi (Shringararasa)
Abhinaya (Gita-Govinda)
Megh-Pallavi
Dashavatar
Salutation à Ganesh
Récital de danse odissi en petit comité. La musique enregistrée sur CD a posé problème. D'une part, j'en ai trouvé l'orchestration un peu surchargée. D'autre part, au début du récital, au lieu de la musique d'un Mangalacharan en l'honneur de Sarasvati, c'est un Mangalacharan en l'honneur de Ganesh qui a retenti. La configuration des lieux ne permettant pas vraiment à la danseuse de couper court à la confusion, elle n'a pas eu d'autre choix que d'interpréter une pièce qu'elle n'avait pas prévu de danser ! De même, la piste Moksham n'était pas disponible ; le récital ne s'est donc pas conclu comme l'usage le veut. Mon impression sur ce récital est globalement assez mitigée. Si la jeune danseuse a d'indéniables qualités, je n'ai pas été très ému par ce récital, qui n'a pas laissé beaucoup de place au travail sur l'expression du visage. J'ai néanmoins apprécié la pièce Dashavatar qui évoque les incarnations de Vishnu.
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Salle Pleyel — 2013-11-24
Gidon Kremer, violon
Martha Argerich, piano
Sonate pour violon et piano nº5 (Mieczysław Weinberg)
Sonate pour violon et piano nº10 (Beethoven)
Sonate pour violon nº3 (Mieczysław Weinberg)
Sonate pour violon et piano nº8 (Beethoven)
J'ai beaucoup aimé le jeu de la pianiste Martha Argerich, que je voyais pour la première fois sur scène. J'ai un peu moins apprécié la prestation du violoniste Gidon Kremer dans la première partie du concert, mais la seconde a été magnifique. La sonate pour violon nº3 de Weinberg a été pour moi une très belle découverte.
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Salle Gaveau — 2013-11-26
Orchestre Colonne
Krystof Maratka, direction
Drupopisy, atelier d'instruments de musique populaire des pays Tchèques, Krystof Maratka (création)
Laurent Petitgirard, direction
Daniel Vagner, alto
Concerto pour alto (Bartók)
Récitatif de la Fantaisie chromatique (Bach, arrangement de Kodály)
Symphonie nº4 (Beethoven)
La création de Drupopisy de Maratka a beaucoup plu. Cette œuvre évoquant les pays tchèques de façons aussi variées qu'amusantes grâce à des mélodies d'apparences paysannes et de combinaisons inattendues d'instruments et de techniques non standard. Les musiciens des sections de cordes ont presqu'autant tapé du pied et des mains qu'utilisé leur archet !
Le concert pour alto de Bartók a été merveilleusement bien interprété par l'alto solo de l'orchestre, Daniel Vagner. Le deuxième mouvement était particulièrement émouvant. Tous mes efforts pour sécher mes larmes ont été ruiné par son interprétation en bis d'un arrangement de Bach par Kodály.
Si le périlleux troisième mouvement ne m'a pas tout à fait convaincu, j'ai toutefois été enthousiasmé par l'interprétation de la Quatrième symphonie de Beethoven par l'orchestre après l'entr'acte.
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Conservatoire de Paris, Salle d'art lyrique — 2013-11-27
Peter Lanckweerdt, Roméo
Jeanne Baudrier, Juliette
Pierre-Emmanuel Lauwers, Mercutio
François Aulibé, Tybalt
Fanny Alton, Audrey Boccara, Alice Cocagne, Hélène Davière, Marie Jolly, Dan Kim, Fatoumata Niang, Soa Ratsifandrihana, Julia Sanz, Nicole Stroh, Mathieu Durand, Sungyeop Kim, Gaëtan Lhirondelle, Damien Sengulen, danseurs comédiens
Naruko Tsuji, piano
Raphaël Pagnon, Julie Le Gac, altos
Junior Ballet
Musiciens du Conservatoire
Sergueï Prokofiev, musique
Vadim Borisovsky, arrangement pour piano et deux altos
Paul Chalmer, chorégraphie
Roméo et Juliette
J'ai été séduit par cette version de Roméo et Juliette réduite pour durer un peu plus d'une heure. Certains spectateurs semblaient déçus de n'avoir pas vu plus de danse. Il est vrai que la musique de Prokofiev (redoutablement réduite pour alto(s) et piano) a souvent servi d'interludes. Cela ne m'a pas gêné puisque j'étais venu en grande partie pour entendre cette musique. En dehors des solistes, les comédiens-danseurs du CNSMDP ne dansent pas (ou très très peu). Ils étaient néanmoins très convaincants dans leur expression et leur interprétation du texte. Si ce Roméo et Juliette est réduit en durée, l'histoire est présentée de façon cohérente. La danse est essentiellement réservée aux quatre solistes. J'ai particulièrement apprécié les interprètes des rôles de Juliette et de Mercutio. Les moments les plus remarquables à mon goûts sont intervenus lors des très beaux adages mettant en scène Roméo et Juliette.
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Auditorium du Musée d'Orsay — 2013-11-28
Quatuor Pražák
Pavel Hůla, violon, direction
Vlastimil Holek, violon
Josef Klusoň, alto
Michal Kaňka, violoncelle
Sérénade pour trio à cordes en do majeur, op. 10 (Ernö Dohnányi)
Quatuor à cordes nº6, Sz. 114, Bartók
Quatuor à cordes nº3 en si bémol majeur, op. 67 (Brahms)
Valse en ré majeur, op. 54 (Dvořák)
Je crois me souvenir que j'ai beaucoup apprécié ce concert. Parmi les musiciensi du quatuor Pražák j'ai particulièrement aimé le jeu de l'altiste Josef Klusoň. L'engagement des musiciens, notamment dans le Sixième quatuor de Bartók m'a plu. Cependant, l'image que je retiens de ce concert est l'atmosphère joyeuse du bis qu'ils ont donné : la Valse en ré majeur op. 54 de Dvořák. À cause du thème très envahissant de cette valse, comment peut-on se souvenir de ce qui a précédé ?
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Cité de la musique — 2013-11-30
Orchestre de chambre de Paris
Accentus
Toby Spence, ténor
Thomas Zehetmair, direction
Offertorium “Intende voci” (Schubert)
Julia Bauer, soprano
Alain Buet, basse
Le Christ au mont des Oliviers (Beethoven)
Si je suis content d'avoir découvert l'oratorio de Beethoven, je n'ai pas pris beaucoup de plaisir en assistant à ce concert. En particulier, je me suis longtemps demandé dans quelle langue chantait le ténor Toby Spence...
2013-12-18 10:30+0100 (Orsay) — Culture — Musique — Opéra — Danse — Culture indienne — Dhrupad
À propos des spectacles d'octobre 2013, j'ai déjà eu l'occasion de revenir sur Orfeo à la Cité de la musique et le récital de Vaibhav Arekar et Anuya Rane au Musée Guimet. Pour les autres spectacles, voici mon vite dit :
Salle Pleyel — 2013-10-01
Orchestre Colonne
Laurent Petitgirard, direction
Philippe Graffin, violon
Concerto pour violon et orchestre Le Violon rouge, John Corigliano
Marie-Claude Bantigny, violoncelle
Daniel Vagner, alto
Don Quichotte, variations fantastiques sur un thème à caractère chevaleresque (Strauss)
J'étais venu à ce concert pour entendre la violoncelliste Marie-Claude Bantigny dans Don Quichotte de Strauss. Elle a été magnifique, mais à l'alto, un certain Daniel Vagner, que j'entendais pour la première fois, tenait le rôle de Sancho Panza, et c'était tout simplement incroyable !
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Les 3 arts — 2013-10-02
Céline Wadier, chant dhrupad
Gérard Hababou, pakhawaj
Raga Todi
Raga Bhinna Shadja
J'assiste pour la première fois à un récital de chant dhrupad de ma prof, qui a interprété le Raga Todi en finissant par la composition Samhara Chalate (Dhamar) que j'ai déjà pratiquée avec elle et quelques autres. Les difficultés de ce raga font qu'il m'est pour le moment beaucoup plus plaisant de l'écouter en concert que d'essayer de le pratiquer ! Si j'ai apprécié la première partie de ce concert, la deuxième était a été merveilleusement belle. Trop pour que mes glandes lacrymales puissent le supporter... Quel plaisir de l'entendre dans ce très lumineux Raga Bhinna Shadja et deux compositions en Chautal puis en Sultal !
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Salle Colonne — 2013-10-06
Michel Bernier, clarinette
Marie-Claude Bantigny, violoncelle
Carole Villiaumey, piano
Trio pour clarinette, violoncelle et piano en la mineur, op. 114 (Brahms)
Pierre Hamel, violon
Nachtgesang pour piano clarinette, violon et violoncelle (Hersant)
Ching Yun Tu, violon
Mathieu Rolland, alto
Quintette pour clarinette et cordes en si mineur, op. 115 (Brahms)
Magnifique interprétation du Quintette pour clarinette et cordes de Brahms !
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Opéra Garnier — 2013-10-10
Frédéric Chopin, musique
John Neumeier, chorégraphie et mise en scène (1978)
Jürgen Rose, décors et costumes
Rolf Warter, lumières
Victor Hughes, assistant du chorégraphe
Claude de Vulpian, répétitions
James Tuggle, direction musicale
Emmanuel Strosser, piano
Frédéric Vaysse-Knitter, piano
Agnès Letestu, Marguerite Gautier
Stéphane Bullion, Armand Duval
Michaël Denard, Monsieur Duval
Nolwenn Daniel, Prudence Duverney
Laurent Novis, Le Duc
Christine Peltzer, Nanine, la servante de Marguerite
Simon Valastro, Le Comte de N
Frédéric Vaysse-Knitter, Un pianiste
Eve Grinsztajn, Manon Lescaut
Christophe Duquenne, Des Grieux
Léonore Baulac, Olympia
Nicolas Paul, Gaston Rieux
Ballet de l'Opéra
Orchestre de l'Opéra national de Paris
La dame aux camélias, ballet en un prologue et trois actes d'après le roman d'Alexandre Dumas fils
J'ai vu trois représentation de cette série de représentations de La Dame aux camélias de Neumeier (déjà vu en 2010). La scénographie est plus classique que dans mon souvenir et la musique de Chopin, à force d'être répétée, me paraît presqu'insupportable. Dans les rôles principaux, le couple Eleonora Abbagnato/Benjamin Pech n'était vraiment pas exaltant. Celui formé par Hervé Moreau et Aurélie Dupont au regard captivant d'autorité était au contraire bouleversant ! S'il m'a un peu moins touché, j'ai aussi apprécié celui formé par Agnès Letestu et Stéphane Bullion. Ce dernier était absolument déchaîné. Le temps d'un solo, j'ai eu l'impression que c'était Ivan Vasiliev qui virevoltait sur scène. J'ai eu malheureusement trop peu d'occasions de voir Agnès Letestu dans de grands ballets pour retenir d'elle de grands souvenirs et de grandes émotions alors qu'elle faisait ses adieux. Les saluts furent néanmoins émouvants, notamment du fait de la présence de José Martinez.
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Salle Pleyel — 2013-10-15
Russian National Orchestra
Mikhaïl Pletnev, direction
Le Retour de Lemminkäinen (Sibelius)
Gidon Kremer, violon
Concerto pour violon en ré mineur, op. 47 (Sibelius)
Symphonie nº2, Rachmaninov
Vocalise, Rachmaninov
Je ne suis vraiment pas fan du violoniste Gidon Kremer. Par contre, j'ai beaucoup aimé le Russian National Orchestra et dans le concerto pour violon de Sibelius, j'avoue avoir souvent préféré concentrer mon attention sur l'arrière-plan orchestral que sur le jeu du soliste.
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Salle Pleyel — 2013-10-26
Gewandhausorchester Leipzig
Riccardo Chailly, direction
Julian Rachlin, violon
Enrico Dindo, violoncelle
Double concerto pour violon et violoncelle, Brahms
Symphonie nº1, Brahms
Le programme de la Salle Pleyel de ce mois d'octobre permettait d'entendre de grands orchestres étrangers. Quelques jours plus tôt, j'ai entendu le Russian National Orchestra et plus tard j'entendrai le Budapest Festival Orchestra. Intercalé entre les deux, j'ai découvert le Gewandhausorchester Leipzig, dirigé par Riccardo Chailly. Je n'ai pas très bien compris les quelques huées qui furent semble-t-il destinées au violoniste Julian Rachlin, qui remplaçait Leonidas Kavakos, souffrant. J'ai pour ma part bien aimé le double concerto pour violon et violoncelle (Enrico Dindo), mais la partie la plus mémorable du concert est intervenue après l'entr'acte, avec une interprétation de la Première symphonie de Brahms qui m'a mis d'un rare état d'exaltation...
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Salle Pleyel — 2013-10-29
Budapest Festival Orchestra
Iván Fischer, direction
Threnos in memoriam Béla Bartók (Sándor Veress)
Maria João Pires, piano
Concerto pour piano nº4 (Beethoven)
Impromptu op. 142 nº2 (Schubert)
Symphonie nº8 (Dvořák)
Valse (Takemitsu)
Danse hongroise nº1 (Brahms)
Magnifique concert du Budapest Festival Orchestra. Le plus grand frisson de la soirée est venu avec l'interprétation de la Symphonie nº8 de Dvořák !
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Cité de la musique — 2013-10-30
Chamber Orchestra of Europe
Jaap van Zweden, direction
La Nuit transfigurée, op. 4, version pour orchestre à cordes (Schönberg)
Hilary Hahn, violon
Concerto pour violon, op. 14 (Barber)
Symphonie nº9 en mi bémol majeur, op. 70 (Chostakovitch)
Avec le Chamber Orchestra of Europe, on s'attend à de l'inoubliable (cf. ici ou là). Ce soir-là, ce ne fut que bon. Je n'ai pas aimé la direction de Jaap van Zweden dans La Nuit transfigurée. Aucun frisson autour de la mesure 100. Des nuances parfois excessivement piano. En effet, comme malheureusement presque toutes les salles de concert parisiennes, la Cité de la musique présente le défaut d'émettre un petit bruit de fond, même en l'absence de son émis par les musiciens ou les spectateurs. À partir du jour où je l'ai remarqué, j'ai commencé à le trouver insupportable pendant les silences orchestraux. C'est une chose que l'on entende un bruit de fond pendant les silences, mais c'en est une autre que ce bruit de fond couvre la musique des instruments à cordes comme ce fut le cas par moments.
Après avoir entendu récemment une autre interprétation de La Nuit transfigurée par les Berliner Philharmoniker dirigés par Simon Rattle, je mesure rétrospectivement le privilège que j'ai eu d'avoir découvert cette œuvre avec Pierre Boulez.
Le concerto pour violon de Barber interprété par l'orchestre et Hilary Hahn m'a paru plus convaincant et après l'entr'acte, la Symphonie nº9 de Chostakovitch le fut plus encore !
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Opéra Garnier — 2013-10-31
Saburo Teshigawara, chorégraphie, musique, scénographie, costumes et lumières
Tim Wright, Akira Oishi, éléments sonores
Daniel Burke / Illusion of Safety, musique additionnelle (Dissenting Voices, extrait de Water Seeks Its Own Level, Finite Material Context / Silent Record, 1994)
Rihoko Sato, assistante du chorégraphe
Sergio Pessanha, assistant lumières
Kazuomi Kurosawa, assistant technique
Aurélie Dupont, Jérémie Bélingard, Nicolas Le Riche
Darkness is hiding black horses (création)
Trisha Brown, chorégraphie (1979)
Robert Rauschenberg, photographies, scénographie et costumes
Beverly Emmons, lumières
Lisa Kraus, Carolyn Lucas, assistantes de la chorégraphe
Laurence Laffon, Caroline Robert
Letizia Galloni, Juliette Hilaire, Miho Fuji
Glacial Decoy
Chant traditionnel géorgien et madrigaux de Carlo Gesualdo (IV et XVII du livre VI), Claudio Monteverdi (extraits du IIe et IIIe livres)
Jiří Kylián, chorégraphie
Michael Simon, scénographie et lumières
Joke Visser, costumes
Patrick Delcroix, assistant du chorégraphe
Kees Tjebbes, assistant technique et réalisation lmières
Images en direct réalisées par le Service vidéo de l'Opéra
Maud Gnidzaz, soprano
Hannah Morrison, soprano
Lucile Richardot, contralto
Sean Clayton, ténor
Lisandro Abadie, baryton basse
Stéphanie Leclerq, contralto (chant grégorien)
Marcio Soares Holanda, ténor (chant grégorien)
Julien Neyer, baryton basse (chant grégorien)
Les Arts Florissants
Paul Agnew, direction musicale
Eleonora Abbagnato, Vincent Chaillet
Alice Renavand, Stéphane Bullion
Doux mensonges
Je me suis beaucoup ennuyé en regardant les deux premiers ballets. Certes, Nicolas Le Riche a dansé dans le ballet de Teshigawara, mais ce n'est pas en soi suffisant pour rendre une chorégraphie intéressante. La création de ce ballet a été très froidement accueillie par le public. Je n'ai pas du tout accroché à Glacial Decoy de Trisha Brown, mais pour sauver ce programme de ballet, il y avait heureusement Doux mensonges de Jiří Kylián dans lequel deux couples évoluent entre la scène et les sous-sols de Garnier, tandis que des chanteurs des Arts Florissants interprètent de magnifiques madrigaux.
2013-12-12 10:30+0100 (Orsay) — Culture — Musique — Danse — Danses indiennes — Culture indienne
La compagnie de danse “Chidambaram”, basée à Chennai, a passé quelques jours à Paris au mois de novembre. Cela m'a donné l'occasion de voir un programme pour un ensemble de six danseurs au musée Guimet et deux récitals au Centre Mandapa par une des danseuses de la compagnie (Arupa Lahiry) et sa directrice (Chitra Visweswaram).
Auditorium du Musée Guimet — 2013-11-16
Chidambaram Dance Company
Arupa Lahiry, Sai Santosh Radhakrishnan, Sharma Viswanath, Jai Quehaeni Reddy, Gayathri Rajaji, Divya Shruti, bharatanatyam
Chitra Visweswaram, chorégraphies
R. Visweswaram, G. N. Balasubramaniam, musique
Sukanya Ravindhar, nattuvangam
B. Srikanth, chant
Venkatasubramaniam, mridangam
R. Thiagarajan, flûte
Anubhuti
Trimurti — anjali
Keertanam — Saama Gaana Lole
Navarasa varnam
Abhinaya — Dasar Kreeti
Thillana
Ce programme intitulé Anubhuti était pour moi une première, parce que je n'avais jamais vu de pièces de bharatanatyam véritablement conçues pour un ensemble de danseurs. Après une introduction musicale mettant en valeur le flûtiste et le chanteur, la première pièce Anjali a commencé par un Ragam interprété par le flûtiste. Les danseurs (cinq danseuses et un danseur) sont ensuite entrés en scène. Ils ont commencé par un passage de danse pure synchronisée. L'originalité de la chorégraphie m'a semblé plus flagrante dans les passages évoquant les divinités de la Trimurti. Je n'ai pas reconnu celui consacré à Brahma, mais j'ai bien reconnu Vishnu couché sur le serpent Shesha et ai particulièrement apprécié le passage consacré à Shiva. Il apparaissait sous sa forme de Seigneur de la danse (Nataraja). Le danseur de la compagnie jouait son rôle tandis que les autres danseuses s'organisaient autour de lui de façon à créer une image saisissante. Une des danseuses était ainsi au sol et jouait le rôle du démon de l'ignorance Apasmara qui est écrasé par le pied droit de Nataraja. Une autre danseuse était située à la gauche de Shiva et représentait vraisemblablement Parvati.
La deuxième pièce était consacrée à la forme androgyne Ardhanarishwara (mi-Shiva mi-Parvati). Elle était conçue de façon cyclique, s'ouvrant et se refermant sur l'image de Sarasvati jouant de sa vînâ. La chorégraphie rend hommage à la musique en louant la beauté du son et en évoquant plusieurs instruments de musique comme la vînâ, la flûte et aussi semble-t-il le violon. Le cœur de la pièce évoque les aspects féminins et masculins d'Ardhanarishwara, évoqués respectivement par une danseuse et un danseur. Les attributs usuels de Shiva sont évoqués comme le serpent, le tambour Damaru et surtout la chevelure que la chorégraphe Chitra Visweswaram a une façon bien particulière de représenter par de vifs mouvements dyssymétriques.
La pièce principale du programme est un Navarasa varnam dont le thème principal est celui de la Déesse. Le titre Navarasa renvoie aux neuf saveurs ou sentiments mis en valeur dans les différents épisodes constituant ce Varnam : courage, amour, émerveillement, rire, dégoût, colère, peur, compassion, paix. Je suis particulièrement saisi pendant le premier passage de danse pure par la vigueur des frappes de pieds synchronisées des cinq danseurs présents sur scène à ce moment. La première partie narrative représente la courageuse déesse Meenakshi sous la forme d'une guerrière qui sait monter à cheval et décocher des flèches avec son arc. La deuxième évoque une femme (Parvati) brûlant d'amour pour Shiva dont la chorégraphie évoque son chignon tressé, les cendres dont il est couvert, ses marques horizontales sur le front ainsi que son tambour Damaru. Plus loin, alors que Parvati se comporte comme une servante auprès de lui, l'ascèse de Shiva est perturbée par une flèche d'amour lancée par Kama et il le réduit en cendres. Plus loin, le dieu de la mort tente d'étouffer le jeune Markandeya, lequel est sauvé par Shiva en récompense de sa dévotion (un épisode que j'avais déjà vu dans le récital de Janaki Rangarajan). Ces passages étaient particulièrement saisissants et l'utilisation de plusieurs danseurs pour représenter chacun des rôles était très convaincante. Je n'ai pas identifié tous les épisodes narratifs suivants, mais dans la suite j'ai particulièrement aimé l'évocation de Shiva sous le nom de Nilakantha (qui boit du poison pendant le barattage de la mer de lait), la représentation de l'adoration de la déesse et la fin apaisée de cette pièce.
La pièce principale de ce récital Navarasa varnam m'a semblé particulièrement réussie dans la mesure où l'impression produite par l'ensemble des danseurs était sans doute supérieure à celle qu'aurait pu produire chaque danseur individuellement. La pièce suivante mettait davantage en valeur les qualités individuelles de quatre danseuses. Des danseuses qui pouvaient paraître assez discrètes dans les ensembles précédents m'ont paru étonnamment à l'aise dans les solos narratifs constituant cette pièce. Le thème de cette pièce est Krishna. La musique de Purandara Dasa est connue, je suis certain d'avoir déjà entendu le refrain qui se transcrit plus ou moins en Shikavane Ivanu. Chacune des danseuses incarnait une femme confrontée à la nature divine de Krishna rendue malicieusement innocente dans la personne d'un enfant espiègle. La première le grondait parce qu'il lui demandait comment naissent les enfants. La deuxième se fait enlacer par lui alors qu'elle portait des jarres pleines d'eau. Une troisième se fait chiper du beurre qu'elle vient de baratter. La quatrième (interprétée par Arupa Lahiry) couche l'enfant, s'endort, rêve qu'elle passe la nuit avec lui et comprend à son réveil que son rêve a été influencé par Krishna dont elle tenait la main. À la fin de son solo, chaque danseuse venait se joindre aux précédentes sur la droite de la scène dans des postures suggérant la dévotion et l'émerveillement devant les qualités du jeune enfant Krishna.
Le récital s'est conclu par un Thillana interprété par les six danseurs de la compagnie. La délicieuse musique de cette pièce a été composée par le chanteur R. Visweswaram dont Chitra Visweswaram est la veuve. La présentation de la pièce évoque une fusion de la musique et de la danse. J'ai particulièrement apprécié le moment où il est fait hommage aux notes (Swaras) de la gamme, qui m'ont semblé comme incarnées par les différents danseurs.
Lors des saluts, Chitra Visweswaram qui avait assisté au spectacle depuis le premier rang est montée sur scène. Il fallait vraiment la voir lancer des fleurs à ses danseurs pour les féliciter. Les fleurs n'étaient pas réelles, elle utilisait le mudra Alapadma, mais d'une façon tellement énergique que l'illusion était parfaite.
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Centre Mandapa — 2013-11-18
Arupa Lahiry, bharatanatyam
Chitra Visweswaram, chorégraphies
Descente de Ganga
Varnam (Raga Charukesi) (composé par Lalgudi Jayaraman)
Padam
Tillana (Raga Rasikapriya) (composé par R. Visweswaram)
Une des danseuses qui m'avaient particulièrement impressionné lors du programme de la Chidambaram Dance Company dansait deux jours plus tard au Centre Mandapa. J'avais bien envie d'y aller, mais j'avais déjà prévu d'aller écouter Written on Skin à l'Opéra Comique. Quand je suis arrivé dans la salle, à une place aveugle sans l'opportunité de replacement qui s'était fait habituelle dans cette salle, j'ai passé un coup de fil au Centre Mandapa pour me réserver une place et j'ai filé.
Après une introduction musicale, la danseuse est venue interpréter une première pièce. C'est celle qui m'a le plus marqué. Je l'avais d'ailleurs déjà vue sur cette vidéo :
Grâce au texte chanté et à la chorégraphie, j'avais reconnu qu'il était question des trois dieux de la Trimurti (à partir de 4') : Brahma (Pitamaha : l'Aïeul, dont la chorégraphie dit qu'il a quatre têtes), Vishnu (sur le serpent Shesha) et Shiva. La chorégraphie évoque ensuite la rivière Ganga, mais j'ignorais la raison pour laquelle ces trois dieux lui étaient associés ici. C'est devenu plus clair quand la danseuse a introduit la pièce avant de l'interpréter. Brahma est celui qui verse l'eau de la Ganga, laquelle tombe sur le pied de Vishnu avant de se perdre dans la chevelure de Shiva. Elle paraît alors sous la forme d'une jeune femme qui prend le nom de Bhagirathi suite à l'ascèse de Bhagiratha (qui réclamait que les cendres des 60000 fils de Sagara soient purifiées). J'ignorais que parmi les légendes liées à la descente de Ganga sur terre, ils s'en trouvaient qui fissent intervenir non seulement Shiva, mais aussi Brahma et Vishnu. Cela fut pour moi une belle découverte.
La pièce principale du récital était un Varnam évoquant une jeune femme se languissant de Krishna aux yeux de lotus. Elle lui est dévouée, exécutant des rites d'adoration d'une statue le représentant qu'elle orne d'une guirlande de fleurs. Cependant, elle lui reproche de ne pas venir la voir. Elle brûle d'amour pour lui. Elle aime le son de sa flûte. La pièce semble se terminer par une évocation de la danse Rasalila dans laquelle les bouvières (gopis) dansent avec Krishna.
La pièce suivante a été un magnifique Padam, un des types de pièces de bharatanatyam que j'affectionne le plus. Comme le sentiment d'amour (Shringara rasa) a été magnifiquement mis en valeur dans cette pièce par la danseuse ! La jeune femme se souvient du moment où, autrefois, le jeune Muruga (Kartikeya) l'avait enlacée. Ayant épousé Valli et Deivayani, l'aurait-il oubliée ? La pièce de forme cyclique se termine comme elle avait commencée par l'image de la jeune femme rêvassant.
Ce très beau récital s'est terminé par le même Tillana que deux jours plus tôt, interprété par la seule Arupa Lahiry. La musique étant enregistrée, je soupçonne que la voix était celle du défunt R. Visweswaram, ce qui n'était pas pour me déplaire.
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Centre Mandapa — 2013-11-19
Chitra Visweswaram, bharatanatyam
Sukanya Ravindhar, nattuvangam
B. Srikanth, chant
Venkatasubramaniam, mridangam
R. Thiagarajan, flûte
Prière chantée
Ardhanarishwara
Theruvil Varanu
Ashtapati
(Scène de jalousie)
Jagadotarana
Le lendemain, un colis suspect bloque la station de RER B Orsay-Ville. Je me dirige à pieds vers la station suivante (Le Guichet) où j'entends que le trafic est coupé jusqu'à Lozère. Je continue jusqu'à cette station où je dois encore attendre assez longtemps avant de pouvoir monter dans un RER. Un collègue arrivera juste à temps pour le coup d'envoi du match France-Ukraine au Stade de France et de mon côté, grâce à la bonne heure de marge que j'avais prévu, je suis arrivé tout juste à 20h30 au Centre Mandapa après avoir couru depuis le métro, et le temps de saluer une de mes danseuses préférées dans le hall, puis Arupa Lahiry (qui avait dansé la veille), j'entrai dans la salle bien pleine. Je choisis donc de me déchausser et de m'asseoir sur le dernier coussin disponible tout devant.
Le spectacle commence par une prière chantée (à Ganesh ?). Malgré l'exiguïté de la scène, les musiciens de la Chidambaram Dance Company ont pris place sur la gauche de la scène. Je n'ai pas vu de micro, cela devait donc être une des premières fois que j'aie entendu de la musique carnatique non amplifiée.
Le programme de danse est entièrement constitué de pièces de pur Abhinaya : les pièces sont narratives et ne laissent aucune place à la danse pure ou à la virtuosité. Le costume de Chitra Visweswaram est un peu négligé (pas très bien repassé). Peu importe, ce qui compte, ce sont les émotions qu'elle va exprimer dans son programme.
La première pièce est centrée sur Ardhanarishwara, la forme androgyne mi-Shiva mi-Parvati. La danseuse évoque le tambour Damaru, le serpent, etc, pour la moitié Shiva et pour l'autre moitié, elle met surtout en valeur la féminité en utilisant l'attitude typique correspondante. La pièce met aussi en scène la déesse Sarasvati et des rites d'adoration des divinités.
Dans la deuxième pièce Theruvil varanu, une jeune femme est amoureuse de Shiva. Elle attend, elle pense qu'il va venir...
Pour moi, le moment le plus intense du récital est intervenu avec la troisième pièce intitulée Ashtapadi. Elle mettait en scène différentes phases que peut prendre l'amour d'une jeune femme (pour Krishna). La chorégraphie évoque le printemps, les abeilles qui butinent, des offrances de fleurs, l'ivresse procurée par le sentiment amoureux, mais aussi le désespoir de la séparation, le dégoût qu'elle engendre, et enfin d'heureuses retrouvailles avec Krishna, représenté en flûtiste. Cela a été une des pièces de bharatanatyam les plus émouvantes que j'aie eu l'occasion de voir.
La pièce suivante évoquait le sentiment de jalousie d'une femme qui observe avec mépris sa rivale qui aurait reçu de beaux vêtements de son amant.
Le récital s'est conclu avec Jagadotarana que Chitra Visweswaram a dansé assise sur un tabouret. Il m'est difficile de résumer cette pièce exaltant les sentiments maternels de Yashoda pour l'espiègle Krishna. Elle commençait par le sommeil de Krishna bercé par Yashoda. Divers épisodes de la vie du jeune garçon étaient ensuite évoqués, mais j'y ai été globalement moins réceptif, la narration n'étant pas assez lisible pour que je puisse la bien comprendre.
Le public n'a pas réussi à obtenir un bis de la danseuse, celle-ci expliquant qu'on ne pouvait plus rien danser après Jagadotarana...
2013-12-09 09:57+0100 (Orsay) — Culture — Musique — Opéra — Danse — Culture indienne — Dhrupad
Il n'arrive pas vraiment en avance, mais voici le vite dit de septembre, un mois au cours duquel outre les spectacles mentionnés ci-dessous j'ai aussi eu l'occasion de voir la magnifique danseuse Janaki Rangarajan :
Salle Pleyel — 2013-09-01
Berliner Philharmoniker
Sir Simon Rattle, direction
La Nuit transfigurée, op 4, version pour orchestre à cordes de 1943 (Schönberg)
Barbara Hannigan, soprano
Trois Fragments de Wozzeck, pour voix et orchestre (Berg)
Le Sacre du Printemps, édition révisée de 1947 (Stravinski)
Formidable concert ! Grâce à un ami, j'ai pu assister à ce concert de l'Orchestre Philharmonique de Berlin. Les solos des musiciens de l'orchestre étaient magnifiques, mais collectivement, l'ensemble n'était qu'excellent, alors qu'avec un orchestre de cette réputation, je m'attendais à ce que ce soit inoubliable. Je n'ai pas autant vibré pendant La Nuit transfigurée que lorsque j'avais vu Pierre Boulez la diriger. Tel moment palpitant (autour de la mesure 100) sous la direction de Boulez me paraissait tout plat avec Simon Rattle, comme s'il n'avait pas lu le Molto rit.. En revanche, quel plaisir d'entendre Barbara Hannigan interpréter Berg avec une telle beauté de chant, une aussi remarquable technique et une si grande conviction !
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Salle Pleyel — 2013-09-12
Philippe Aïche, violon solo
Orchestre de Paris
Paavo Järvi, direction
Orages, ouverture de concert pour orchestre, op. 93, Bechara El-Khoury
Janine Jansen, violon
Concerto pour violon nº2 (Prokofiev)
Mélodie (Tchaikovski)
Mari Eriksmoen, soprano
Max Emanuel Cencic, contre-ténor
Ludovic Tézier, baryton
Chœur de l'Orchestre de Paris
Lionel Sow, chef de chœur
Maîtrise de Paris
Patrick Marco, chef de chœur
Carmina Burana, “Cantiones profanae” pour soprano, ténor, baryton, chœur mixte, chœur d'enfants et orchestre, Carl Orff.
Comme je m'étais rendu compte du fait que je n'aurais sans doute pas d'autre occasion d'entendre Janine Jansen cette année, j'avais réservé une place pour ce concert un peu au dernier moment, et une opportunité d'assister à ce concert depuis le tout premier rang s'est présentée. Je n'ai pas été déçu ! Je ne saurais dire si je l'ai préférée à Lisa Batiashvili. Elles ont toutes les deux été magnifiques dans ce concerto nº2 de Prokofiev ! A priori, je me serais bien dispensé d'écouter Carmina Burana, mais j'ai bien fait de ne pas partir à l'entr'acte. L'orchestre et le chœur étaient en très bonne forme, mais mon plus grand plaisir est venu des solistes, Max Emanuel Cencic, Ludovic Tézier et surtout Mari Eriksmoen dont le chant d'extase, cette redoutable acrobatie vocale, m'a paru superbe.
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Opéra Garnier — 2013-09-19
Yann Beuron, Admète
Sophie Koch, Alceste
Jean-François Lapointe, Le Grand Prêtre d'Apollon
Franck Ferrari, Hercule
Stanislas de Barbeyrac, Evandre/Coryphée ténor
Marie-Adeline Henry, Coryphée soprano
Florian Sempey, Apollon/Un Héraut/Coryphée basse
François Lis, Une Divinité Infernale/L'Oracle
Manuel Nunez-Camelino, Coryphée Alto
Marc Minkowski, direction musicale
Olivier Py, mise en scène
Pierre-André Weitz, décors et costumes
Bertrand Killy, lumières
Pierre Dumoussaud, chef de chœur
Chœur et Orchestre des Musiciens du Louvre-Grenoble
Alceste, Gluck
Mise en scène sobre d'Olivier Py avec décors et costumes en noir et blanc. Les décors sont dessinés en direct à la craie par des artistes dont les noms ne sont scandaleusement pas mentionnés dans la feuille de distribution. Quelques très beaux moments choraux. Des musiciens du Louvre-Grenoble plutôt inspirés. De très bons chanteurs (notamment les quatre coryphées). Alors que ma place ne me permet pas d'apercevoir les surtitres, je m'étonne de comprendre presque tout le texte (racontant le mythe assez peu exaltant d'Alceste). Le point noir de la distribution est Sophie Koch, dont le français chanté est incompréhensible. (Même en me contorsionnant pour voir les surtitres, ce que je lis ne semble pas correspondre à ce que j'entends.)
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Cité de la musique — 2013-09-20
Alexandre Astier, écriture et interprétation
Jean-Christophe Hembert, mise en scène
Seymour Laval, scénographie, lumières
Anne-Gaëlle Daval, costumes
François Vatin, création son
Jean-Charles Simon, voix
Rémi Vander-Heym, régie lumières
François Vatin, régie son
Yannick Bourdelle, régie plateau
Thierry Cabecas, régie
Que Ma Joie Demeure !
J'ai été content d'assister à ce charmant spectacle musical d'Alexandre Astier autour de la vie de Bach. Malheureusement, j'avais eu l'occasion de visionner quelques extraits du spectacle et connaissais donc déjà pas mal de gags, ce qui gâche un peu le plaisir...
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Cité de la musique — 2013-09-27
Ensemble Intercontemporain
Matthias Pintscher, direction musicale
Fuga (ricercata) a 6 voci, extrait de L'Offrande musicale, BWV 1079, Johann Sebastian Bach/Anton Webern
Claire Booth, soprano
Gordon Gietz, ténor
Gilbert Nouno, Carl Faia, réalisation informatique musicale IRCAM
Franck Rossi, ingénieur du son IRCAM
Two Interludes and a Scene for an Opera (Jonathan Harvey)
Pierre Strauch, violoncelle
Sonate pour violoncelle seul (Bernd Alois Zimmermann)
Bereshit (Matthias Pintscher)
Je garde deux souvenirs de ce concert. Le premier concerne les extraits d'un opéra de Jonathan Harvey intitulé Wagner Dream et inspiré par le projet de Wagner de composer un opéra Vainqueurs sur un thème bouddhiste. À la scène peu exaltante faisant intervenir Prakriti et Ananda j'ai nettement préféré les interludes orchestraux qui l'entouraient. L'autre souvenir est celle de la Sonate pour violoncelle seul de B. A. Zimmermann. J'y ai rencontré une des limites de mes possibilités d'écoute de la musique contemporaine. En la voyant, j'ai eu l'impression d'assister à une séance de torture de violoncelle par Pierre Strauch (qui n'utilisait pas son instrument design habituel). Mon écoute était complètement perturbée par cette vision. Quand j'ai écouté l'enregistrement sonore lors d'une diffusion sur France Musique, l'œuvre et l'interprétation m'ont paru bien plus agréable à écouter...
Ailleurs : Bladsurb.
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Théâtre des Champs-Élysées — 2013-09-29
Emmanuel Pahud, flûte
Maja Avramovic, violon
Joaquín Riquelme García, alto
Stefan Koncz, violoncelle
Quatuor avec flûte en ut majeur, KV 285B, Mozart
Sonata a quattro nº2 en la majeur, Rossini
Quatuor avec flûte en sol majeur, KV 285A, Mozart
Sonata a quattro nº1 en sol majeur, Rossini
Quatuor avec flûte en ré majeur, KV 285, Mozart
Ravissant concert de musiciens berlinois autour du flûtiste Emmanuel Pahud ! La grande découverte de ce concert a été pour moi celle du violoncelliste Stefan Koncz (qui a fait l'objet d'une chouchouscopie du Klariscope). Avec ses merveilleux et variés pizz. et son entente avec les autres musiciens, il a contribué à faire de la Sonata a quattro nº2 de Rossini le point culminant de ce concert.
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Chez Véronique — 2013-09-29
Nirmalya Dey, chant dhrupad
Céline Wadier, tampura, chant dhrupad
Gérard Hababou, pakhawaj
Raga Multani
Raga Malkauns
Nirmalya Dey, un des tout meilleurs chanteurs de dhrupad était présent à Paris pour un concert donné dans un appartement où une foule de spectateurs s'étaient rassemblés (soit une petite cinquantaine). Quelques jours avant, j'ai eu la chance de pouvoir prendre un cours particulier avec lui sur le Raga Puriya (et ce ne sera sans doute pas le dernier...). J'ai tout particulièrement aimé ses Alap. Quand j'écoute de la musique classique occidentale, même sans avoir une connaissance préalable de l'œuvre jouée, il m'arrive très souvent de m'attendre à ce qui se passe quelque chose d'assez précis, comme la reprise d'une phrase, une montée ou une baisse de tension ou plus simplement la fin d'un morceau ; dans les secondes qui suivent, je suis soit flatté quand la prédiction s'avère juste soit surpris quand le compositeur avait prévu autre chose. Je commence à avoir entendu et pratiqué assez le chant dhrupad pour commencer à avoir de telles attentes, même dans les sections improvisées qui constituent un Alap. J'ai ainsi eu le sentiment que Nirmalya Dey cherchait parfois à créer une attente chez l'auditeur, notamment dans sa façon de jouer les notes proches des notes très stables comme Sa (tonique) ou Pa (dominante). Le premier Raga (Multani) comportait un Tivra Ma et un Shuddh Ni (respectivement un demi-ton en dessous du Pa et du Sa). Dans son exploration du Raga, le chanteur est resté plusieurs fois de façon prolongée sur ces notes qui ne sont pas les plus consonnantes, créant une tension qu'il pouvait libérer en finissant sa phrase avec la note très consonnante voisine ou au contraire prolonger en redescendant sur des notes plus basses avant de prochains assauts. J'ai pris un certain plaisir à voir mes attentes surprises ou au contraire contrariées.
Je crois me souvenir que la composition sur la Raga Multani était en Chautal (12 temps). Ce même Tala était utilisé dans la première composition sur le Raga Malkauns, que je n'ai pas reconnu avant que le chanteur ne commence une deuxième composition Shankara Girija Pati (Sultal, 5 ou 10 temps suivant comment on compte...) que je connaissais pour l'avoir un tout petit peu pratiquée.
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Opéra Bastille — 2013-09-30
Ricarda Merbeth, Emilia Marty
Atilla Kiss-B, Albert Gregor
Vincent Le Texier, Jaroslav Prus
Jochen Schmeckenbecher, Dr Kolenaty
Andreas Conrad, Vitek
Andrea Hill, Krista
Ladislav Elgr, Janek
Ryland Davies, Hauk-Sendorf
Susanna Mälkki, direction musicale
Krzyzstof Warlikowski, mise en scène
Małgorzata Szczęśniak, décors et costumes
Denis Guéguin, vidéo
Felice Ross, lumières
Miron Hakenbeck, dramaturgie
Alessandro Di Stefano, chef du chœur
Orchestre et Chœur de l'Opéra national de Paris
Věc Makropoulos, Janáček
Le livret de cette Affaire Makropoulos m'a paru assez confus. La belle mise en scène de Krzyzstof Warlikowski qui transpose ce cas dans le monde du cinéma n'aide pas vraiment à caractériser les différents personnages secondaires. Je m'attendais à apprécier la musique puisqu'il s'agit d'un opéra de Janáček, mais je ne pensais pas prendre un tel plaisir à l'écoute de l'Orchestre de l'Opéra. Mille mercis à Susanna Mälkki pour son exaltante direction musicale !
2013-12-01 11:18+0100 (Orsay) — Culture — Musique — Danse — Danses indiennes — Culture indienne — Voyage en Inde XII — Planning
Et puis, le 22 décembre, j'embarque sur un avion pour Riyadh (Arabie saoudite) puis un autre qui devrait arriver à Chennai (Inde) au cours de la matinée du lundi 23. Ce n'est pas pour faire du tourisme que j'entreprend ce douzième voyage en Inde, mais pour assister à des spectacles ayant lieu dans le cadre de la December Season.
La December Season est un des deux plus grands festivals artistiques au monde. Avant d'aller à Edinburgh cet été, je pensais que c'était le plus grand. À mon avis, il y a débat parce que le festival “Fringe” d'Edinburgh aurait abrité 2695 spectacles en 2012, alors que sur le site Kutcheris, au moment où j'écris ce message, plus de 2800 spectacles sont recensés !
La Saison de Chennai est un festival de musique et de danse consacré quasi-exclusivement aux styles du Sud de l'Inde : danse bharatanatyam et musique carnatique (chant principalement). Quand j'ai réservé mes billets d'avion et mon hôtel près de la stratégique T.T.K. Road (entre T. Nagar et Mylapore), je n'avais aucune idée des artistes qui chanteraient ou danseraient pendant mon séjour. J'avais néanmoins deux grands espoirs. Le premier et le plus urgent est d'entendre Dr M. Balamuralikrishna (83 ans), un des plus importants chanteurs carnatiques ; il est l'inventeur de nouveaux ragas, comme on peut le voir sur cette vidéo dans laquelle il chante un raga à trois notes (Sa-Ga-Pa) !
Parmi les danseuses de bharatanatyam que je n'ai pas encore vues, s'il n'y en a qu'une seule dont je rêve de voir un récital, c'est Rama Vaidyanathan :
Les principaux organisateurs de spectacles (sabhas) ont annoncé leurs programmes ces derniers jours. Je me retrouve ainsi avec une liste de 1138 spectacles devant se tenir pendant les 12 jours de mon séjour à Chennai ; en effet, plusieurs sabhas, comme Bharat Kalachar, Krishna Gana Sabha, Narada Gana Sabha, Music Academy ou Chennaiyil Thiruvaiyaru, proposent des programmes de musique et de danse s'étendant souvent du matin au soir ! Je n'ai pas encore fini de me perdre dans l'exploration de ces programmes, mais je sais par avance que je vais me régaler, puisque si je me débrouille bien, je devrais pouvoir entendre Dr M. Balamuralikrishna, Mohan Santhanam, Sudha Raghunathan, Jayanthi Kumaresh, etc, et voir danser Rama Vaidyanathan, Meenakshi Srinivasan, C. V. Chandrashekhar, Alarmel Valli, Padma Subramanyam, etc. Peut-être ferai-je une expédition à Thiruvanmiyur au Sud de Chennai pour voir un Dance Drama par les danseurs de la fondation Kalakshetra ?
2013-11-07 12:25+0100 (Orsay) — Culture — Musique — Opéra — Danse — Culture indienne — Planning
Voici mon programme de spectacles pour le mois de novembre :
2013-11-01 06:30+0100 (Orsay) — Culture — Musique — Danse — Danses indiennes — Culture indienne
Auditorium du Musée Guimet — 2013-10-19
Vaibhav Arekar, Anuya Rane, bharatanatyam, nattuvangam
Arun Gopinath, chant
Kiran Gopinath, mridangam
Smt. Kamala, violon
Shankara Shiva Shankara
Danse de Shiva
Bhakti
Shakti
Narmade Hara Hara
Ce spectacle de bharatanatyam a commencé par une intervention du
chanteur qui a interprété une composition sur le Tala Adi (8 temps)
précédée du Ragam (une brève introduction au mode musical). La première
pièce de danse (introduite cette fois-ci par un Ragam du violon) était
intitulée Shankara Shiva Shankara et mettait en scène les deux
danseurs qui ont évoqué certaines aspects de Shiva. On observe des éléments
très classique (le croissant de Lune, la déesse Ganga jaillissant de son
chignon) et des épithètes un peu plus rares sont aussi illustrés :
Nilakantha (la gorge bleue), Pashupati (le gardien du troupeau). Cette
évocation est suivie d'un moment de danse pure assez élaboré, dont la
vitesse s'est progressivement accélérée et qui a comporté une offrande de
fleurs d'autant plus symbolique que la divinité n'était pas représentée sur
scène par une sculpture. J'ai beaucoup apprécié cette pièce qui associait
de façon intelligente les deux danseurs. Dans les passages de danse pure,
s'il est essentiellement agi de danse synchronisée
, il m'a semblé
déceler une certaine originalité dans le placement des deux danseurs.
Cette première pièce m'a mis dans de très bonnes dispositions pour la suite, je pensais même que j'étais sur le point de faire l'expérience d'une conception du bharatanatyam qui réponde à mes envies, mais mes espoirs de voir ces deux danseurs interpréter ensemble des pièces narratives élaborées ont été vains puisque la danse n'a plus comporté que des solos...
Vaibhav Arekar s'installe à sa place avec les musiciens pour diriger la suite du récital avec les cymbales (nattuvangam) tandis qu'Anuya Rane, s'exprimant dans un délicieux français, présente les pièces qu'elle va interpréter. Sa première pièce est une Danse de Shiva. C'est un type de pièce que j'affectionne tout particulièrement. Elle met en valeur l'aspect viril de la danse, la danseuse étant comme possédée par le Seigneur de la danse Nataraja. De tout le récital, c'est la pièce qui m'a le plus marqué. La danseuse a évoqué le serpent enroulé autour du cou de Shiva, son croissant de Lune, son tambour Damaru, la déesse Ganga. La danseuse a bien sûr utilisé la pose caractéristique du Seigneur de danse Nataraja. Vers la fin de la pièce, elle a également évoqué les arts en suggérant une vînâ et un tambour, ainsi que Vishnu et Brahma qui sont associés dans la représentation classique de Vishnu-Padmanabha, magnifiquement mise en valeur par la danseuse.
La pièce suivante est aussi dédiée à Shiva. Elle est résolument narrative. Dans ce type de pièce appelé Nindastuti, la dévôte n'est pas représentée comme étant amoureuse de la divinité, mais elle apparaît comme une amie de la divinité et elle en fait l'éloge d'une façon ironique. Placée devant une image du dieu pour lequel elle accomplit quelques rites (aarti), elle raille son indifférence, se moque du fait que sa monture soit un taureau (Nandi) plutôt qu'un char tiré par des chevaux. Il ne possède pas la Lune toute entière, mais seulement un croissant. Dans sa pose Nataraja, il ne trouve même pas d'endroit pour poser son deuxième pied ! J'ai apprécié cette délicieuse pièce qui a mis en valeur les qualités d'expression de la danseuse.
La dernière pièce interprétée par Anuya Rane était consacrée à Shakti, le principe féminin qui peut prendre plusieurs formes, dont Uma/Parvati, Sarasvati, Lakshmi, Durga/Kali. Je retiens notamment la forme terrifiante de Kali et l'évocation de la victoire de Durga sur Mahishasur qui lui vaut le nom de Mahishasuramardini, une scène qui est représentée dans les grottes sculptées de Mahabalipuram :
Le moment le plus intense de la narration de cet exploit de Durga est celui où elle utilise son trident pour venir à bout du démon. Ce fut d'autant plus impressionnant pour moi que j'étais assis au premier rang et qu'elle a maintenu les yeux grand ouverts pendant de longues secondes en regardant précisément dans ma direction.
Après ces trois solos dansés par Anuya Rane, le chanteur et le
percussionniste se sont livrés à un délicieux jeu de questions et réponses
sur un cycle rythmique à 8 temps (Adi Tala). Les deux danseurs ont ensuite
échangé leurs rôles et Vaibhav Arekar a interprété la pièce principale de
ce récital : Narmade Hara Hara. Elle évoque la longue
circumambulation des pèlerins autour de la rivière Narmada : ils commencent
du côté de Bharuch au Gujarat sur la rive Nord, puis remontent jusqu'aux
sources de la rivière, et progressant en laissant toujours la rivière sur
leur droite, ils peuvent redescendre jusqu'à son embouchure, revenant ainsi
à leur point de départ (mais sur l'autre rive). Les différentes séquences
de cette pièce racontent diverses histoires liées à la rivière et au
parcours des pèlerins. Cela commence tout naturellement par le mythe de la
naissance de la rivière, fruit des gouttes de sueur du danseur cosmique
Shiva-Nataraja (qui est donc évoqué pour la troisième fois au cours de ce
programme !). Cette évocation fut un véritable régal ! Vaibhav Arekar ne
fait pas ses frappes de pieds à moitié ! On voit ensuite les pèlerins
effectuer des rites en l'honneur de la rivière au début de leur pèlerinage.
En remontant aux sources de la Narmada, ils seront plus tard témoins d'un
miracle : les chutes d'eau font prendre aux rochers la forme de
lingams. J'ai oublié le lien de la légende suivante avec la
Narmada, mais le danseur a évoqué le démon Bhasmasura qui avait obtenu par
ses austérités le privilège de transformer en cendres quiconque il
toucherait. Les dieux utilisèrent une ruse pour l'éliminer. Ainsi,
l'enchanteresse Mohini intervint et lui demanda de reproduire les
mouvements de danse qu'elle ferait, ce qu'il accepta sans se méfier, mais
il mourut quand, reproduisant la chorégraphie de Mohini, il dut toucher son
propre front. Quand les pèlerins passent près de l'hermitage d'Anasuya, la
légende de cette femme est évoquée : les trois dieux de la Trinité hindoue
vinrent lui demander de leur servir un repas toute nue, ce qu'elle ne put
qu'accepter, mais elle les transforma préalablement en de très jeunes
enfants. La fin de la pièce comportait un message politique déplorant la
construction du grand barrage venant troubler le cours naturel de la
Narmada. J'ai trouvé très intéressante cette pièce au sujet tout à fait
original. Cependant, si le danseur a été exceptionnel dans certains
passages narratifs ou évocateurs, d'autres m'ont moins convaincu (parfois,
il n'était même pas évident pour moi de savoir s'il représentait un
personnage féminin ou masculin). J'ai aussi été troublé par une certaine
perplexité à propos de la structure de la pièce. Celle-ci était constituée
d'une alternance entre récitatifs
et passages dansés. Pendant ces
récitatifs, le danseur exécutait des mouvements plus proches du théâtre que
de la danse tandis qu'Anuya Rane racontait l'histoire correspondant à ce
que nous montrait le danseur. La fonction de ces récitatifs n'était pas
très claire. Parfois, il s'agissait d'une explication de ce qui allait être
développé dans la danse, et parfois, et à vrai dire le plus souvent, la
narration était concentrée dans ces récitatifs et la danse perdait son
caractère narratif et se transformait en surplace émotionnel à la manière
des airs d'opéra baroque... Néanmoins, ce fut une très belle pièce de
bharatanatyam !
2013-10-31 14:15+0100 (Orsay) — Culture — Musique — Opéra — Danse — Danses indiennes — Culture indienne
Cité de la musique — 2013-10-05
Françoise Lasserre, direction musicale et conception du projet
François Rancillac, mise en scène
Sabine Siegwalt, dramaturgie, scénographie et costumes avec la collaboration de Parvesh & Jai
Charlotte Delaporte, assistanat de la mise en scène et travail du mouvement
Dominique Fortin, lumière
Baptiste Chapelot, direction technique
Madhup Mudgal, composition du prélude
Arushi Mudgal, danse odissi
Dávid Szigetvári, Orfeo
Claire Lefilliâtre, Musica, Messagiera
Nitya Urbanna Vaz, Euridice
Dagmar Saskova, Ninfa
Aude Priya, Proserpina
Jean-Christophe Clair, Speranza, Pastore, Spirito
Jan Van Elsacker, Pastore, Spirito
Johannes Weiss, Pastore, Spirito
Hugo Oliveira, Caronte, Pastore, Spirito
Geoffroy Buffière, Plutone
Akadémia
Laurent Stewart, clavecin
Emmanuel Mandrin, orgue
Thomas Dunford, archiluth, guitare
Quito Gato, théorbe, guitare
Flora Papadopoulos, harpe triple
Lucas Peres, lirone
Sylvia Abramowicz, ténor de viole
Sylvie Moquet, basse de viole
Yuka Saïto, basse de viole
Matthieu Lusson, violone
Flavio Losco, Jose Manuel Navarro, violons
Etienne Mangot, violoncelle
Frithjof Smith, Josue Melendez, cornets
Claire Michon, Michel Quagliozzi, flûtes
Thierry Gomar, percussion
Murad Ali, sarangi
Sanjeev & Ashwani Shankar, shehnai
Mithilesh Jha, tabla
Mohan Shyam Sharma, pakhawaj
Michel & Marie-Thérèse Guay, tanpura
Neemrana Vocal Ensemble
Nadya Balyan, chef de chœur
Sparsh Bajpal, Priyanka Mukherjee, Ashwani Parameshwar, Ramya Roy, sopranos
Nadya Balyan, Isabelle Faure Jaitly, altos
Prabhat Chandola, ténor
Bhanu Sharma, basse
Antoine Redon, producteur exécutif pour la Fondation Neemrana
Valérie Déal, régie surtitrage
Orfeo par-delà le Gange (Monteverdi)
Depuis son passage au Musée Guimet il y a un an, j'avais bien retenu le nom de la danseuse Arushi Mudgal. Ainsi, lors de la sortie de la brochure 2013/2014 de la Cité de la musique, quand je vis qu'elle participerait avec d'autres artistes indiens à une production de l'opéra Orfeo de Monterverdi, j'incluai immédiatement ce spectacle à mon abonnement.
Le spectacle a commencé par un prélude magnifiquement dansé par Arushi Mudgal sur une musique de son père Madhup Mudgal. Sa danse était au début très lente, comme souvent dans le style odissi, ce qui permet de bien apprécier les moindres mouvements de mains, et puis elle s'est accélérée tandis que la danseuse se transformait en Shiva-Nataraja, le danseur cosmique dont les pas sont rythmés par son tambour Damaru. Cette danse très virile valait à elle seule le déplacement ! La raison de cette évocation de Shiva dans ce spectacle intitulé Orfeo par-delà le Gange était évidemment qu'il joue un rôle majeur dans la descente de la déesse Ganga sur terre, puisqu'après avoir été emprisonnée dans la chevelure de Shiva, Ganga peut finalement jaillir. Après que la danseuse a représenté cette descente de Ganga, l'action s'est déplacée au bord de la rivière. La danseuse évoque alors des rites effectués par les dévôts comme l'offrande de feu (aarti). Après avoir évoqué les divers personnages impliqués, la danseuse prend résolument la forme d'un personnage féminin, celui qu'elle incarnera jusqu'à la fin du spectacle. La fin de ce prélude (dont la danse est très étrangement influencée par la danse kathak) est marquée par l'intrusion du personnage d'Orfeo, qui, habillé en costume européen, comme venu d'un autre univers, enlace impulsivement cette Eurydice indienne sans son consentement.
La musique indienne laisse alors la place à la musique de Monteverdi (sans la fanfare qui aurait quelque peu cassé l'ambiance). Je suis alors très impressionné par l'ensemble Akadémia dirigé par Françoise Lasserre, et plus encore par la chanteuse Claire Lefilliâtre qui incarne le rôle de la Musique. Que son chant est beau et délicieusement ornementé...
J'ai trouvé la mise en scène sans artifice très bien menée. Le projet
prend tout son sens dans la deuxième partie du spectacle quand Orphée
descend aux Enfers. Sur sa route, il rencontre Charon, qui est habillé en
brâhmane et porte les marques sectaires shivaïtes. Les spectateurs des
premiers rangs peuvent humer d'abondantes vapeurs d'encens. L'entrée au
royaume de Pluton se fait sur une musique rituelle des temples d'Inde
(jouée par deux shehnai, la variante nord-indienne du
nadaswaram). Orphée entre en fait dans un temple de Shiva et la
divinité est conforme à l'iconographie traditionnelle : il porte bien sûr
un chignon tressé, un serpent est enroulé autour de son cou et son
apparence est aussi conforme à l'épithète de Nilakantha (celui qui a la
gorge bleue, référence au mythe du barattage
de la mer de lait). De façon plus étrange, ses mains sont aussi peintes
en bleu et il semble qu'il porte un cordon sacré réservé aux deux fois
nés
(comme les brâhmanes).
Ne connaissant pas très bien l'œuvre de Monteverdi, j'ai été très étonné par le caractère secondaire du rôle d'Eurydice. Elle doit avoir au plus deux ou trois répliques ! Alors que dans la version de Gluck, elle est en quelque sorte co-responsable avec Orphée de l'issue fatale (dans la version sans happy ending), puisqu'en disant à Orphée à quel point elle est désespérée de ne pas le voir tourner son regard vers elle, elle l'incite à enfreindre la condition qu'il devait respecter pour retrouver Eurydice. Chez Monteverdi, Eurydice est muette et Orphée est seul responsable de sa triste fin, emporté par les furies, avant que les musiciens de l'ensemble Akadémia ne soient rejoints par le son des tampuras indiens.
Du point de vue vocal, ma plus forte impression est venue comme je l'ai dit plus haut de Claire Lefilliâtre, et aussi de l'interprète du rôle d'Orfeo (Dávid Szigetvári), mais les autres chanteurs (qu'ils soient solistes ou du Neemrana Vocal Ensemble) ont également fait de très belles prestations.
Ailleurs : Bladsurb.
2013-10-19 13:30+0200 (Orsay) — Culture — Musique — Opéra — Danse — Danses indiennes — Culture indienne
J'ai déjà eu l'occasion de revenir sur des spectacles de juin et juillet vus à Budapest (Blanche Neige, Hámos Júlia, Isabelle Druet, Parsifal, Die Meistersinger von Nürnberg), à Montpellier, Salzburg ou München, mais quelques autres n'avaient pas encore fait l'objet d'un compte-rendu, fût-il succint. Il n'est jamais trop tard...
Salle Pleyel — 2013-06-02
Orchestre Colonne
Laurent Petitgirard, direction
Der Freischütz, ouverture (Weber)
Le Chasseur Maudit (Franck)
Guillaume Tell, ouverture (Rossini), extraits
Un charmant et court concert dans lequel de très jeunes spectateurs furent invités à diriger des extraits de l'ouverture de Guillaume Tell de Rossini. Cela valait surtout le déplacement pour Le Chasseur Maudit de César Franck ; sinon, je ne me serais pas levé aussi tôt un dimanche matin !
⁂
59 Rivoli — 2013-06-02
Célinn et l'Arbre des Songes
Ce concert avait lieu dans un endroit inattendu, le 59 Rivoli, un squat d'artistes légalisé. J'y étais allé pour écouter l'octuor Célinn et l'Arbre des Songes dont fait partie ma prof de chant dhrupad. Le programme était entièrement constitué de compositions de chant dhrupad arrangées par Pierre Tereygeol. L'écoute fut aussi plaisante qu'étonnante. Le plus surprenant fut pour moi l'utilisation des instruments à vents dans la composition Paravati en Raga Puriya (cf. les extraits chantés Nirmalya Dey).
⁂
Opéra Garnier — 2013-06-03
Vello Pähn, direction musicale
Orchestre de l'Opéra national de Paris
Ballet de l'Opéra
Igor Stravinski, musique (Suite pour orchestre, 1919)
Maurice Béjart, chorégraphie
Costumes d'après les maquettes de Joëlle Roustan
Roger Bernard, lumières
Mathias Heymann, L'Oiseau de feu
Allister Madin, L'Oiseau Phenix
L'Oiseau de feu
Claude Debussy, musique (Prélude à l'Après-midi d'un faune, 1894)
Vaslav Nijinski, chorégraphie (1912) réglée par Ghislaine Thesmar
Léon Bakst, décors et costumes
Jérémie Bélingard, Le faune
Eve Grinsztajn, La nymphe
L'Après-midi d'un faune
Claude Debussy, musique (Prélude à l'Après-midi d'un faune)
Jerome Robbins, chorégraphie (1953) réglée par Jean-Pierre Frohlich
Jean Rosenthal, décor et lumières
Irene Sharaff, costumes
Perry Silvey, réalisation lumières
Myriam Ould-Braham, Mathias Heymann
Afternoon of a Faun
Maurice Ravel, musique (1928)
Sidi Larbi Cherkaoui, Damien Jalet, Marina Abramovič, conception
Sidi Larbi Cherkaoui, Damien Jalet, chorégraphie
Marina Abramovič, scénographie
Riccardo Tisci, costumes
Urs Schonebaum, lumières
James O'Hara, Emilios Arapoglu, assistants des chorégraphes
Aurélie Dupont, Marie-Agnès Gillot, Alice Renavand, Muriel Zusperreguy, Letizia Galloni
James O'Hara, Vincent Chaillet, Marc Moreau, Alexandre Gasse, Daniel Stokes, Adrien Couvez
Boléro
Il aura fallu que je voie trois fois ce programme de ballets pour trouver la distribution idéale. Les conditions idéales sont réunies le soir de la dernière. Tout d'abord, l'orchestre est en très grande forme, ce qui n'a pas été le cas tous les soirs. Dans L'Oiseau de feu de Béjart, Mathias Heymann a été tout simplement extraordinaire le soir de cette dernière représentation. Dans le corps de ballet, François Alu se distinguait aussi, comme à chacune de ses apparitions...
Jérémie Bélingard dansait dans L'Après-midi d'un faune de Nijinski. Son interprétation fut sans doute plus terre à terre que celle de Nicolas Le Riche, mais je l'ai préférée.
Alors qu'Afternoon of a Faun de Jerome Robbins m'avait paru inintéressant et ennuyeux au possible avec d'autres interprètes, Myriam Ould-Braham et Mathias Heymann en ont livré une interprétation passionnante ! Myriam Ould-Braham utilise ses cheveux d'une façon très sensuelle et certaines ondulations de pieds suggèrent un décor aquatique au jeu du faune et de la nymphe.
Pour finir, je n'ai pas été passionné par le Boléro de Sidi Larbi Cherkaoui et Damien Jalet. Les costumes et le maquillage transformaient les danseurs en des créatures indifférenciées, anonymes. Aucune progression dans la tension à l'approche de la fin de la musique. C'était cela dit assez joli à regarder, surtout grâce à la scénographie de Marina Abramovič comportant un grand miroir permettant d'avoir une vue de dessus de la scène et ainsi d'apprécier les mouvements de rotation. Lors de cette dernière cependant, beaucoup de balletomanes présents n'ont eu d'yeux que pour James O'Hara (qui remplaçait Jérémie Bélingard dans ce ballet). Alors que les autres danseurs pouvaient parfois donner l'impression de retenir leurs mouvements, James O'Hara semblait s'abandonner complètement dans la danse, rendant la chorégraphie bien plus convaincante !
⁂
Salle Pleyel — 2013-06-06
Philippe Aïche, violon solo
Orchestre de Paris
Yutaka Sado, direction
Divertissement pour orchestre de chambre (Ibert)
Boris Berezovsky, piano
Variations sur un thème de Paganini, pour piano et orchestre, op. 43 (Rachmaninov)
Chœur de l'Orchestre de Paris
Lionel Sow, chef de chœur
Luisa Miller (Ouverture), Verdi
I Lombardi alla Prima Crociata (Gerusalem!, O Signore, dal tetto natio), Verdi
Ernani (Esultiamo), Verdi
Il Trovatore (Le fosche notturne spoglie), Verdi
Nabucco (Ouverture, Gli arredi festivi, Va, pensiaro, sull'ali dorate), Verdi
Aida (Marche des trompettes), Verdi
Ce fut un très beau concert ! Un chef survolté (Yutaka Sado), un
pianiste superlatif (Boris Berezovsky), de très beaux chœurs de Verdi, et
pour conclure le concert, un renfort de six trompettes (à la forme
inhabituelle) pour le bis attendu : la Marche des Trompettes
d'Aïda.
⁂
Théâtre des Champs-Élysées — 2013-06-08
Erin Wall, soprano
Mark Padmore, ténor
Hanno Müller-Brachmann , baryton
Maîtrise de Radio France
Sofi Jeannin, chef de chœur
Chœur Symphonique de Birmingham
Simon Halsey, chef de chœur
Orchestre Symphonique de Birmingham
Andris Nelsons, direction
War Requiem, Britten
J'ai pris un énorme plaisir à découvrir ce War Requiem de Britten, dirigé par Andris Nelsons, un chef dont j'avais déjà eu l'occasion d'apprécier le travail dans Tristan et Isolde. J'ai apprécié les délicieuses dissonances présentes dans cette œuvre qui me donnait l'impression d'être parfois modale, parfois chromatique. La qualité du texte (et de ses interprètes, notamment Mark Padmore) est aussi à souligner...
⁂
Salle Pleyel — 2013-06-18
Jerusalem Quartet
Alexander Pavlovsky, violon
Sergei Bresler, violon
Ori Kam, alto
Kyril Zlotnikov, violoncelle
Quatuor à cordes nº1 en ut mineur, op. 51 nº1 (Brahms)
Amihai Grosz, alto
Quintette à cordes nº1 en fa majeur, op. 88 (Brahms)
Quatuor à cordes nº3 en si bémol majeur, op. 67 (Brahms)
Salle Pleyel — 2013-06-19
Jerusalem Quartet
Alexander Pavlovsky, violon
Sergei Bresler, violon
Ori Kam, alto
Kyril Zlotnikov, violoncelle
Quatuor à cordes nº2 en la mineur, op. 51 nº2 (Brahms)
Amihai Grosz, alto
Ohad Ben Ari, piano
Sonate pour alto et piano nº1 en fa mineur, op. 120 nº1 (Brahms)
Quintette à cordes nº2 en sol majeur, op. 111 (Brahms)
Ces deux concerts du Jerusalem Quartet concluaient une série de huit concerts de musique de chambre de Brahms (cf. épisodes précédents #1/#2 #3/#4 et #5/#6). De ces deux concerts, je retiens surtout sa magnifique conclusion avec le quintette à cordes nº2. Je retiens également l'indécence quasi-pornographique que peut revêtir l'interprétation d'une corde à vide par un violoncelliste.
⁂
Théâtre des Champs-Élysées — 2013-06-20
Anna Caterina Antonacci, Pénélope
Roberto Alagna, Ulysse
Vincent Le Texier, Eumée
Edwin Crossley-Mercer, Eurymaque
Marina de Liso, Euryclée
Julien Behr, Antinoüs
Sophie Pondjiclis, Cléone
Jérémy Duffau, Léodès
Khatouna Gadelia, Mélantho
Marc Labonette, Ctésippe
Antonin Rondepierre, Le Pâtre
Chœur Lamoureux
Patrick Marco, chef de chœur
Orchestre Lamoureux
Fayçal Karoui, direction
Pénélope, Fauré
Effet Alagna oblige, le Théâtre des Champs-Élysées était très plein. Cependant, si Roberto Alagna (Ulysse) m'a fait une très bonne impression dans cette œuvre très wagnérienne de Fauré, l'héroïne de la soirée a indiscutablement été Anna Caterina Antonacci (Pénélope).
⁂
Gare au Théâtre, Vitry-sur-Seine — 2013-06-22
Chœur et orchestre du Balkansambl
Sophie Ménissier, chorégraphie
Khizim (Danses d'inspirations tsiganes)
Elise Kusmeruck, violon
À un jet de pierre de la gare de Vitry-sur-Seine se trouve une salle de
spectacle où se tenait ce jour-là une journée tzigane. J'ai ainsi pu
entendre avec plaisir le Chœur et orchestre du Balkansambl interpréter des
chansons dans des langues qui ne sont pas vues d'un très bon œil en ce pays
par les gouvernements récents... Un groupe de danseuses se sont jointes par
la suite à l'ensemble pour interpréter Khizim, un ballet que j'ai
trouvé extrêmement bien conçu et interprété. La mise en scène était
remarquable. Je n'avais vraiment pas l'impression d'assister à un spectacle
amateur
! Le ballet comportait des ensembles dans lesquels étaient
insérés des solos de danseuses évoquant des destins individuels de femmes.
Le récital de la violoniste Elise Kusmeruck m'a un peu moins intéressé dans
la mesure où la plupart des morceaux joués avec quelques autres musiciens,
s'ils étaient très rapides et indéniablement virtuoses, étaient aussi un
peu trop répétitifs à mon goût.
⁂
Centre Jean Bosco — 2013-06-30
Élèves de Jyotika Rao, bharatanatyam
Invocation de Saraswati, Durga et Lakshmi
Alarippu
Saraswati Kautwam
Shiva Kautwam
Shabdam
Rangadwara
Toreyamangalam (?)
Tillana
J'ai assisté au spectacle de fin d'année des élèves de la prof de bharatanatyam de l'association où je prends des cours de dhrupad (et où je prends aussi des cours de bharatanatyam depuis la semaine dernière...). Le programme avait la structure formelle d'un récital. Avant chaque pièce, pour permettre aux spectateurs d'en comprendre le sens, une danseuse montrait les mouvements les plus significatifs. La plupart des chorégraphies étaient exécutées de façon synchronisées par deux danseuses. Le programme comportait aussi un Alarippu en l'honneur de Ganesh exécuté par trois très jeunes danseuses, et deux solos : un Saraswati Kautwam qui était dansé sur un rythme particulièrement vif et une pièce narrative élaborée apparemment intitulée Shabnam évoquant les espiègleries de Krishna. Dans cette pièce, j'ai particulièrement apprécié la façon de représenter Vishnu sous le nom de Padmanabha, c'est-à-dire qu'alors qu'il est couché, de son nombril émerge un lotus sur lequel Brahma est assis. Même si elle n'a pas dansé de pièce narrative, j'ai revu avec grand plaisir l'élève la plus avancée qui m'avait tant impressionné il y a quelques mois. Que j'ai hâte qu'il lui soit donné la possibilité de donner un récital !
⁂
Opéra Bastille — 2013-07-04
Carolyn Carlson, chorégraphie
Olivier Debré, décors et costumes
René Aubry, musique
Patrice Besombes, lumières
Colette Malye, assistante de la chorégraphe
Ballet de l'Opéra
Émilie Cozette, Hervé Moreau
Signes
Assister à ce ballet à été un supplice pour moi. La musique et la chorégraphie répétitives m'ont beaucoup ennuyé. Même le tableau Les couleurs de Maduraï m'a déplu... Je n'ai pas vraiment vu le rapport avec cette ville d'Inde.
⁂
Centre d'animation de la Place des Fêtes — 2013-07-05
Élèves de l'association Triloka, bharatanatyam
Kalaimmamani MK Saroja, chorégraphies
Smt. Lavanya Ananth, chorégraphies
Subramanyam Kautwam (chorégraphie de MK Saroja)
Nritanjali (chorégraphie de Lavanya Ananth)
Shiva Kirtanam (chorégraphie de Lavanya Ananth)
Varnam (chorégraphie de MK Saroja)
Madhura Ashtakam (chorégraphie de Lavanya Ananth)
Ambashtuti (chorégraphie de Lavanya Ananth)
Tillana (chorégraphie de MK Saroja)
Il s'agissait du spectacle de fin d'année des élèves de bharatanatyam de Shalini (association Triloka). Les chorégraphies étaient de Smt. MK Saroja ou de Lavanya Ananth. Presque toutes les pièces étaient dansées de façon synchronisée par un ensemble de danseuses d'effectif variable. Beaucoup de pièces de danse pure, mais aussi quelques pièces évoquant certaines divinités. La multiplicité des danseuses n'est exploitée d'un point narrative que dans certains passages du Varnam et en particulier dans sa fin qui m'a beaucoup ému : l'union de Shiva et Meenakshi est célébrée tandis que Vishnu, placé en retrait avec deux spectateurs assiste à la scène. Le niveau des danseuses était globalement bon, voire très bon, mais dans les ensembles, une d'entre elles m'a sidéré par la beauté, l'exactitude et la vérité de ses mouvements. Quand elle mimait les mouvements de prêtres lors de l'aarti (offrande du feu), j'avais vraiment l'impression d'y être !
⁂
Place Stalingrad — 2013-07-07
Vasantha, “bharatanatyam”
Sharmila Sharma, kathak
Tulika Srivatsava, odissi
Revati, odissi
La société internationale pour la conscience de Krishna organisait un simulacre de la fête de Rath Yatra (qui se déroule à Puri, dans l'état indien d'Odisha). Place Stalingrad, en attendant que le char arrive, une petite scène était installée. La partie “bharatanatyam” ne méritait pas ce nom, puisque c'était plutôt du Bollywood... La danse kathak était plus convaincante. Des deux danseuses d'odissi, j'ai préféré la deuxième interprète, Revati, extrêmement gracieuse dans cette danse dont la lenteur permet d'apprécier les moindres détails des mouvements.
⁂
Opéra Garnier — 2013-07-15
Pierre Lacotte, adaptation et chorégraphie
Jean-Madeleine Schneitzhoeffer, musique
Ludwig Wilhelm Maurer, musique du pas de trois de l'acte I
Adolphe Nourrit, livret
Marie-Claire Musson, décors d'après Pierre Ciceri
Michel Fresnay, costumes d'après Eugène Lami
Philippe Hui, direction musicale
Amandine Albisson, La Sylphide
Florian Magnenet, James
Valentine Colasante, Effie
Stéphane Phavorin, La Sorcière
Mickaël Lafon, Gurn
Natacha Gilles, La Mère d'Effie
Laurène Levy, Marc Moreau, Pas de deux des Écossais
Laurène Lévy, Laura Hecquet, Marie-Solène Boulet, Trois Sylphides
Ballet de l'Opéra
Orchestre de l'Opéra national de Paris
La Sylphide, ballet en deux actes d'après Philippe Taglioni
Pour moi, la Sylphide, c'est Amandine Albisson. Bien sûr, j'ai été très impressionné par Evgenia Obraztsova (et moins par Mélanie Hurel et Ludmila Pagliero). Le premier acte de ce ballet me plait toujours autant (j'aurai assisté au total à cinq représentations de la série !). Avec d'autres interprètes qu'elle, le deuxième acte (blanc) a eu tendance à m'ennuyer du fait de se narration plus ténue, mais Amandine Albisson, par ses qualités d'expression m'a autant passionné dans ce deuxième acte.
La représentation du 15 juin était la dernière de Stéphane Phavorin en
tant que premier danseur de l'Opéra. Il a encore une fois été magnifique
dans le rôle de la Sorcière. Ayant eu la possibilité de prendre une place
dans la loge de l'Impératrice
, je lui lancé un bouquet lors des
saluts enthousiastes du public à son égard. J'avoue que je ne suis pas
mécontent qu'il ait donné ce bouquet à Amandine Albisson...
Stéphane Phavorin ©Isabelle Aubert
Amandine Albisson, Stéphane Phavorin, Florian Magnenet ©Isabelle Aubert
Merci à la photographe !
Ailleurs : Les Balletonautes.
⁂
Centre Mandapa — 2013-07-18
Hakilée Tula, kathak
Magali-Uma, bharatanatyam
Guruvandana (chorégraphie de Jai Kishan Maharaj)
Nritta Tintal Vilambit
Louange à Murugan (chorégraphie de MK Saroja)
Alarippu (chorégraphie de Vidya et MK Saroja)
Ardhanarishwara
Ambashtuti (chorégraphie de MK Saroja)
Thumri
Nritta Tintal
Ce programme associait de façon curieuse deux danseuses de styles très différents : bharatanatyam et kathak. De la partie bharatanatyam, je retiens surtout un passage extrêmement impressionnant dans le premier jati d'Ambashtuti (une telle vigueur est du jamais vu pour moi) ; le deuxième jati était au contraire dans un genre plus gracieux. De la partie kathak, je retiens le Tumri évoquant le réveil de Radha ayant le sentiment d'être délaissée par Krishna, un thème souvent traité dans le bharatanatyam et que je voyais pour la première fois mis en scène dans la danse kathak.
⁂
Théâtre des Bouffes du Nord — 2013-07-24
Vincent Planès, piano
Roger Padullès, Tamino
Dima Bawab, Pamina
Malia Bendi Merad, La Reine de la Nuit
Betsabée Haas, Papagena
Thomas Dolié, Papageno
Vincet Pavesi, Sarastro
Alex Mansoori, Monostatos
Abdou Ouologuem, magicien
Jean Dauriac, figuration
Peter Brook, mise en scène
Peter Brook, Franck Krawczyk, Marie-Hélène Estienne, adaptation
Christophe Capacci, conseiller artistique
Philippe Vialatte, lumières
Une Flûte Enchantée, librement adaptée d'après la partition de Mozart et le livret de Emanuel Schikaneder
J'avais été émerveillé par le travail de Peter Brook quand j'avais assisté à la création de sa Flûte enchantée en 2010. En en faisant l'expérience à nouveau avec une distribution différente, j'ai passé un très bon moment, mais je n'ai pas été autant ému que lors de la première. La surprise engendrée par certains choix du metteur en scène ne fonctionne plus aussi bien avec moi, malheureusement, et ce indépendamment de la qualité des interprètes.
2013-10-03 12:47+0200 (Orsay) — Culture — Musique — Opéra — Danse — Culture indienne — Planning
Voici mon programme de spectacles pour le mois d'octobre :
2013-09-22 16:51+0200 (Orsay) — Culture — Musique — Danse — Danses indiennes — Culture indienne
Auditorium du Musée Guimet — 2013-09-21
Janaki Rangarajan, bharatanatyam, chorégraphies
Smt. Nandini Sharma Narayanan, chant
Vedakrishnaram, mridangam
Prasanna Kumar, nattuvangam
Kandadevi Vijay Raghavan, violon
Samviksana — une exploration
Alarippu
Shivoham
Varnam
Kuruyadunandana
Tillana
Samedi, pendant que les balletomanes parisiens assistaient à la première de la reprise de La Dame aux camélias à l'Opéra de Paris, j'allais à l'auditorium du Musée Guimet pour la deuxième représentation du récital de bharatanatyam de Janaki Rangarajan, intitulé Samviksana — une exploration. En visionnant des extraits du DVD Rasaanubhavan, je me disais que si elle dansait comme sur la vidéo, elle entrerait certainement dans le club très fermé de mes danseuses de bharatanatyam préférées. Cela n'a pas loupé, bien qu'elle ait dansé des pièces toutes différentes.
Le récital a commencé par un Alarippu, une pièce de danse pure dans laquelle les mouvements de la danseuse se sont faits progressivement de plus en plus rapides, suivie de Shivoham, une chorégraphie accompagnant un texte philosophique non-dualiste d'Adi Shankara ; si le sens du texte ne m'est pas complètement étranger, son expression chorégraphique m'a quelque peu échappé.
Je n'ai en revanche pas eu de problème pour comprendre le sens du Varnam, la pièce principale du récital. La musique est de Ponnayya Pillai (XIXe siècle) et la chorégraphie est de la danseuse. Comme beaucoup de Varnam, celui-ci représente une héroïne (nayika) qui se languit d'une divinité, en l'occurrence Shiva, sous le nom de Brihadesvara, lequel réside dans le grand temple de Tanjore :
Le Varnam est divisé en plusieurs séquences. Au début de chacune d'entre elles, la danseuse règle son tempo avec des frappes de pieds et des mouvements d'yeux. Ceci est la préparation pour un jati, une suite de pas de danse pure accompagnée ici soit par des onomatopées rythmiques soit par des swaras, c'est-à-dire des notes dont le nom (Sa, Re, Ga, Ma, Pa, Dha, Ni) est prononcé par la chanteuse. J'apprécie tout particulièrement la transition intervenant à la fin des jatis où le rythme s'efface en faveur de la mélodie. En Inde, le public applaudit souvent les jatis, ce qui gâche le plaisir musical que devrait me procurer cette transition. Quand la mélodie du violon et du chant reprend le dessus, on passe de la danse pure à la danse narrative, la composante de la danse que je préfère (qu'il s'agisse de danses indiennes ou non...).
Les parties narratives étaient de deux sortes. Les plus nombreuses évoquaient les sentiments de la nayika. Tantôt dévôte, elle éxecute des rituels shivaïtes (magnifiquement accompagnés par le son du violon), tantôt amoureuse, elle supplie Shiva de la rejoindre. L'amour est évoqué par l'éclosion de lotus, le butinement des abeilles, et semble-t-il l'évocation de couples d'oiseaux. Les qualités d'expression de la danseuse sont un véritable délice (et ce d'autant plus que j'avais pu prendre place au premier rang). Totalement submergée par ses sentiments, ardente, elle souffre de l'absence de Shiva. Sa nourriture perd tout son goût et lui paraît insupportable. Plus tard, on la voit se faire belle puis être exaucée. Dans les dernières scènes, à nouveau seule, sa tristesse relative sera associée à l'expression d'un certain contentement.
Les quelques scènes qui n'étaient pas centrées sur les sentiments de l'héroïne évoquaient des exploits de Shiva. Le plus impressionnant racontait une légende associant le sage Markandeya, le dieu de la mort Yama et Shiva. La littérature sanskrite évoque Yama comme étant armé d'un lacet dont il se sert pour retirer la vie. La danseuse a ainsi représenté Yama arrivant par la droite de la scène, elle a mis en valeur son terrifiant lacet qu'il a lancé vers le côté opposé, où le jeune Markandeya a été représenté en train de se débattre avec le lacet fermement enroulé autour du cou. Shiva est alors intervenu pour le sauver en récompense de sa dévotion. (Il faut remercier la voix-off Isabelle Anna d'avoir dit quelques mots à ce propos dans sa présentation du Varnam : ce qui m'a semblé limpide m'aurait sans doute paru incompréhensible sans cette explication préalable.) Dans une autre scène, il m'a semblé (mais je peux me tromper) que la danseuse évoquait le rôle de Shiva dans le mythe du barratage de la mer de lait qui lui vaut le nom de Nilakantha (celui qui a la gorge bleue) : quand il avale le poison qui allait détruive l'univers, celui-ci s'arrête au niveau du cou et lui laisse une marque bleue. D'autres attributs de Shiva ont aussi été représentés, comme la peau de tigre ou le troisième œil pouvant réduire ses ennemis en cendres.
Je n'ai pas compté le nombre de passages narratifs dans ce Varnam très élaboré : il y en a eu tellement ! Bien que centré sur la situation classique de la nayika se languissant d'une divinité, la palette de couleurs émotionnelle (rasas) utilisée dans ce Varnam est très riche ! Les jatis ont également été très nombreux. Ces passages rythmiques ont été très variés et exécutés avec une grande musicalité. Leur virtuosité, réelle, n'était pas écrasante puisque chacun de ces jatis était plutôt bref. L'ensemble m'a paru très harmonieux, entre la vivacité des mouvements des bras et des frappes de pieds (particulièrement appuyées dans les postures plus masculines) et l'insertion tout en fluidité de poses très courbes. Rarement un Varnam ne m'aura autant émerveillé et ému...
La pièce suivante Kuruyadunandana est narrative. Le texte est tiré du dernier chant du Gîta-Govinda de Jayadeva évoquant les amours Radha et Krishna. Pendant presque toute la durée de la pièce, Radha est assise ou allongée de façon lascive sur la scène. Le travail de la danseuse dans l'expression, jusque dans les moindres détails, est superbe, comme lorsqu'un sourcil de Krishna est animé d'un mouvement quand il aide Radha à se maquiller, à tresser ses cheveux ou à les arranger en chignon.
Le récital se termine avec un Tillana qui m'a semblé assez original. D'une part, les syllabes utilisées par la chanteuse sont les noms des notes de la gamme indienne, ce qui est inhabituel dans ce type de pièces, et d'autre part, la gestuelle de la danseuse et ses mouvements dans l'espèce scénique me semblent aussi sortir de l'ordinaire. La pièce se conclut sur un mantra suivi de la syllabe Om.
L'accueil du public ayant été très chaleureux, la danseuse a prononcé quelques mots, exprimant à quel point elle aimait Paris et son public. La prochaine fois, elle essaierait de le dire en français, même si elle ne se sent pas assez intelligente pour cela (elle est pourtant docteure en génétique moléculaire). Enfin, elle a dansé une pièce supplémentaire de danse pure accompagnée des onomatopées rythmiques du nattuvanar.
Ailleurs : Danzine.
2013-09-12 12:15+0200 (Orsay) — Culture — Musique — Opéra — Danse — Culture indienne — Planning
Voici mon programme de spectacles pour ce début de saison 2013/2014 :
2013-08-31 21:55+0200 (Orsay) — Culture — Musique — Thé — Photographies
De toutes les villes que j'ai visitées cet été pour des festivals, Édimbourg est celle que j'ai préférée, et pas seulement parce que j'y ai assisté au plus beau concert de ma vie et à une belle sélection de ballets. Certes, il faut souvent y supporter un léger crachin, mais le soleil parvient régulièrement à se glisser entre deux nuages :
La ville se déploie autour d'une citadelle :
La présence d'un tel relief induit alentour de fortes pentes qui font d'Édimbourg un dédale véritablement tridimensionnel comportant un nombre invraisemblable de ponts, tunnels, passages, chemins escarpés, escaliers, etc. La latitude et la longitude d'un point sont des informations insuffisantes pour s'y rendre, encore faut-il savoir à quelle altitude on souhaite aller. Voici par exemple la vue quasi-eschérienne que j'avais depuis la cuisine de l'appartement de cité universitaire où je louais une chambre :
Si l'idée de retrouver dix ans après l'exiguïté des chambres d'étudiants ne me réjouissait pas follement, j'ai eu des raisons de ne pas regretter ce choix. L'accueil de la résidence dépendant de l'université était en effet des plus agréables. En moins de deux, on me réglait un problème de WiFi ; en France, je n'ose imaginer le nombre de règles qui auraient fait obstacle à la résolution de ce problème. La cuisine de l'appartement m'a permis de faire de petites économies sur la nourriture. Si j'avais déjà pris un Strawberry Gâteau chez Patisserie Valerie pendant l'après-midi, pour le dîner, je pouvais bien me contenter d'un yaourt acheté chez le penjabi ou pakistanais du coin (où j'ai aussi acheté des journaux en ourdou), précédé d'une tarte à £1.10 de chez Piemaker, n'est-ce pas ? et ce d'autant plus que mes déjeuners ont eu tendance à être copieux, que ce soit avec le biryani de la Mosque Kitchen, le buffet du restaurant Red Fort ou les nouilles à la sauce de curry thaï rouge du Red-Box Noodle Bar. (J'ai évidemment testé aussi les produits locaux, comme la panse de brebis farcie, le fameux haggis.)
Avant de venir en Écosse, j'avais noté l'adresse d'une bonne boutique de thé, et j'ai profité d'avoir une cuisine à disposition pour m'en préparer :
Ceci n'est pas un zhong.
L'idéal pour préparer un tel thé wulong torréfié serait a
priori d'utiliser une petite théière, mais je
n'avais ni théière ni zhong. Toutefois, j'ai
découvert dans ma
cuisine à Édimbourg qu'avec deux tasses et une
cuiller à soupe, on pouvait faire aussi bien. Pour préparer mon thé, je
plaçais quelques feuilles dans une tasse, puis versais de l'eau chaude. Si
j'avais eu un zhong, j'aurais rémué les feuilles avec le
couvercle. J'ai ici tout simplement utilisé une cuiller à soupe, et quand
le thé a infusé, j'ai versé le liquide dans une deuxième tasse en faisant
jouer à la cuiller le rôle d'un filtre. Après avoir bu cette première
infusion, je pouvais recommencer l'opération plusieurs fois. (Il était
nécessaire de transvaser le thé dans un deuxième récipient, car en raison
de l'utilisation d'eau bouillante le thé serait devenu trop fort et
certainement amer s'il avait infusé jusqu'à ce que le liquide atteignît une
température permettant de le boire. Dans le cas d'un thé vert, j'aurais
utilisé de l'eau moins chaude ; il n'aurait alors pas été absolument
nécessaire de transvaser le thé, mais l'opération de filtrage de l'eau
grâce au couvercle d'un zhong aurait été bien plus délicate à
réaliser avec une simple cuiller !)
Dans la rue règne une certaine effervescence. Le soir, des feux d'artifices éclatent au-dessus du château. En journée, plein de jeunes gens se promènent avec des looks tout-à-fait improbables. La seule explication que j'aie trouvé est qu'il s'agissait de comédiens de petites productions qui s'étaient habillés et maquillés dans leur chambre avant d'aller se produire sur une des très nombreuses scènes du festival off (Fringe) dont le numéro d'inscription est inscrit sur les enseignes (Fringe Venue #123). Dans leurs costumes, ils abordent les passants pour leur suggérer d'aller les voir. Des flyers sont distribués. Toutes sortes de manières de retenir l'attention sont utilisées. Parfois, le spectacle consiste simplement en ces petites animations de rue. À l'exception d'un charmant petit concert de musique de chambre (voir ci-dessous), je n'ai pas eu le temps d'assister à des spectacles du Fringe. J'ai pourtant essayé. Je me suis retrouvé sur le seuil d'une arrière-salle d'un bar dans la cour duquel les clients regardaient un match (de rugby ?) sur grand écran. La salle avait l'air de faire 10-15 m² tout au plus. C'était manifestement un one-man-show. La salle était pleine, mais je n'ai pas réussi à savoir si la comédie pour laquelle on m'avait donné un flyer était déjà commencée quand je suis arrivé, ou si le show précédent était en train de faire des prolongations. (D'après cette page, treize spectacles se succédaient pendant toute la jounée et une partie de la nuit ! Celui que j'avais la possibilité de voir s'intitulait The Other Half of Next Year's Show et façon amusante le flyer ne montrait que la moitié gauche du titre The Other Half...)
Grand Gallery, National Museum of Scotland, Edinburgh — 2013-08-18
Arunda Trio
Sarah Cruickshank, hautbois
Jenny Stephenson, clarinette
Anna Mary Lynch, basson
Divertimento (Mozart)
Extraits de Carmen (Aragonaise, Seguedille, Danse bohême), Bizet
Largo al factotum, extrait du Barbier de Séville, Rossini
La Petite Pâtisserie (La Tarte aux Pommes, Trois croissants au beurre), Jacques Leclair
Valse de mariage (Shin-Itchiro Yokoyama)
Libiamo, extrait de La Traviata, (Verdi)
Ce moment musical avec le trio d'instruments à vent Arunda Trio a eu lieu dans la Grand Gallery du Musée national d'Écosse. Il me fut assez agréable d'écouter certains transcriptions (pas inintéressantes, même pour les extraits de Carmen !) et de découvrir l'existence d'œuvres étrangement intitulées La Tarte aux Pommes ou Trois croissants au beurre (Jacques Leclair). Malgré les conditions d'écoute assez peu favorables, j'ai tout particulièrement aimé le son de la hautboïste.
⁂
The Queen's Hall, Edinburgh — 2013-08-19
Dorothea Röschmann, soprano
Malcolm Martineau, piano
Liederkreis, op. 39, Schumann
Mörike Lieder (Gesang Weylas, An eine Äolsharfe, Erstes Liebeslied eines Mädchens, Denk es, O Seele, Im Frühling, Begegnung), Wolf
Sieben früher Lieder (Nacht, Schilflied, Die Nachtigall, Traumgekrönt, Im Zimmer, Liebesode, Sommertage), Berg
Nur wer die Sehnsucht kennt, Schubert
Le dernier spectacle que j'aie vue à Édimbourg a été un concert. La soprano Dorothea Röschmann que j'avais déjà entendue à Salzburg dans Les Saisons chante des Lieder accompagnée par le pianiste Malcolm Martineau. Le public a ovationné la chanteuse, mais je n'ai pour ma part pas vraiment été passionné par ce concert. Je l'avais choisi en raison de la présence de Lieder de Wolf. Ceux-ci m'ont semblé bien plus vivants que les délétères Lieder du cycle Liederkreis de Schumann. La soprano a curieusement interprété le dernier vers Hüte dich, sei wach und munter! de Zwielicht. Au lieu de chanter cette phrase qui plonge dans les graves, elle l'a parlée (et même plutôt criée), ce qui n'est pas vraiment une esthétique que j'aurais envie de privilégier en tant qu'auditeur. Si j'ai aimé le jeu du pianiste Malcolm Martineau dans les Lieder de Wolf et Berg, la voix assez peu articulée de la chanteuse ne m'a pas convaincu. Je me suis réconcilié avec elle dans le bis Nur wer die Sehnsucht kennt de Schubert, mais c'était déjà la fin du concert.
⁂
Après ce concert, avant de prendre un bus pour l'aéroport, je suis allé visiter une exposition à la Talbot Rice Gallery (cf. la fin de ce billet sur les concerts du Chamber Orchestra of Europe), à laquelle on peut accéder depuis la cour de l'Université d'Édimbourg :
On ne saurait faire un billet sur l'Écosse sans mentionner la présence de quelques kilts et cornemuses :
Je ne sais pas si j'irai à des festivals de musique pendant l'été 2014, mais le cas échéant, ce sera plutôt Édimbourg que Salzbourg.
Mes autres photos d'Édimbourg sont là.
2013-08-22 21:34+0200 (Orsay) — Culture — Musique — Danse
Le Scottish Ballet a présenté un ensemble de programmes intitulé Dance Odysseys dans le cadre du festival d'Edinburgh. J'ai assisté à quelques uns de ces spectacles (tous ceux programmés le samedi 17 août). Si la compagnie a à son répertoire des ballets classiques, l'accent était résolument mis sur la dance contemporaine et plus particulièrement sur des ballets nécessitant peu de moyens scénographiques et peu de danseurs. Le nouveau directeur artistique de la compagnie Christopher Hampson a été très présent, et ce de façon autant utile qu'agréable.
On Stage Studio, Festival Theatre, Edinburgh — 2013-08-17 à 12:00
“Contemporary Classics”
Scottish Ballet
Christophe Bruce, chorégraphie et costumes
Kenji Bunch, musique (Swing Shift)
Shift
Twyla Tharp, chorégraphie
Gabrielle Malone, Andrew Robinson, mise en scène
Kermit Love, costumes
Jennifer Tipton, lumières
The Fugue
Jiří Kylián, chorégraphie, décor
Natasa Novotna, mise en scène
Dirk Haubrich, musique
Joke Visser, constumes
Kees Tjebbes, lumières
14'20"
James Cousins, chorégraphie
Ben Frost, musique (O God Protect Me)
Jealousy
Luke Ahmet, Daniel Davidson, Constance Devernay, Laura Kinross, Sophie Laplane, Andrew Peasgood, Owen Thorne, Katie Webb
Ce programme, comme presque tous les autres, avait lieu sur le On Stage Studio. Ceci signifie que les spectateurs ont eu l'occasion de visiter les coulisses du théâtre avant de s'asseoir sur les gradins provisoires installés à l'arrière de la grande scène du Festival Theatre. L'espace scénique utilisé par les danseurs s'étend du rideau de scène (baissé) jusqu'à ces gradins. Étant arrivé parmi les premiers, j'ai pu m'installer dans les tout premiers rangs et bénéficier ainsi d'une proximité rare avec des danseurs. Le public édimbourgeois est d'ailleurs tout-à-fait charmant. On se sent immédiatement à l'aise.
Le programme est intitulé Contemporary Classics. Y sont donc
présentés des ballets contemporains qui sont devenus des classiques. Le duo
de Kylián intitulé 27'52" (déjà vu au TCE) était
présenté ici sous une forme réduite 14'20" qui m'a moins
enthousiasmé que le film Silent cries qui a été projeté et qui
montrait Sabine Kupferberg danser sur le Prélude à l'après-midi d'un
faune de Debussy dirigé par Bernard Haitink. Le programme avait
commencé par Shift de Christophe Bruce. En le voyant, j'ignorais
que ce mot pouvait renvoyer à l'organisation du travail en trois
huit
, comme cela fut discuté pendant de l'après-midi au cours d'une
conversation entre Chistopher Hampson et Jane Pritchard. Le ballet
représente trois couples de danseurs que l'on voit exécuter des mouvements
assez répétitifs et mécaniques. Sont-ils en train de tourner des poignées,
des robinets ou de serrer des boulons ? C'est en tout cas très dynamique,
constitue une bonne entrée en matière, et la danseuse Katie Webb s'y
distingue particulièrement. (Le programme assez mal fichu du Scottish
Ballet présente néanmoins l'intérêt de comporter un trombinoscope des
danseurs de la compagnie !)
Au cours de la journée, le ballet qui m'a le plus ému a certainement été The Fugue de Twyla Tharp (une femme, comme 50% des chorégraphes programmés ce jour-là !). Ce ballet est une merveille ! Il est pourtant situé à l'extrême inverse de mes goûts puisqu'il ne raconte absolument pas d'histoire : il s'agit de danse pure. Le ballet met en scène trois danseurs (ici deux femmes et un homme), portant tous le même costume constitué d'un pantalon gris et d'une chemise blanchâtre. Avant de voir ce ballet, je ne connaissais que le titre The Fugue dont j'ignorais qu'il n'avait d'autre sens en anglais que le sens qu'on lui donne en musique. Il m'est pourtant apparu comme évident dès le début du ballet que la chorégraphe faisait jouer aux danseurs le rôle de chacune des voix d'une fugue. Ce ballet se joue sans musique : les seuls sons que l'on entend viennent des frappes de pieds des danseurs et de leurs bruits corporels, la scène étant amplifiée par la présence de quelques micros placés au bord. Les mouvements d'un danseur trouvent ainsi écho dans ceux d'un deuxième puis d'un troisième et certaines variations et transformations s'opèrent, comme par exemple des retards d'une voix sur une autre qui produisent des effets rythmiques assez intéressants. Certains mouvements peuvent également s'inverser. Les danseurs ne se touchent pas, sauf lors d'un contact du bout du doigt entre deux interprètes qui apparaît alors extrêmement intense. Rien que pour ce ballet, je suis très heureux d'avoir assisté cette journée marathon au Festival Theatre !
Alors que la représentation était en principe terminée, une voix a annoncé que nous pourrions suivre les indications du personnel du théâtre pour nous rendre à l'endroit où le spectacle allait continuer. J'aime bien ce genre de surprise ! Après un détour par les coulisses, les spectateurs peuvent s'asseoir sur la moquette du Foyer du thêatre pour voir une représentation du duo Jealousy de James Cousins. J'y reviendrai plus bas parce que ce ballet a aussi été représenté dans le programme Duets.
⁂
En début d'après-midi, j'ai assisté au même endroit à une projection du ballet The Green Table créé en 1932. Le film (noir et blanc) tourné dans les années 1960 montre le Folkwang Ballet interpréter cette œuvre de Kurt Jooss. Dans la première scène, des hommes sont autour d'une table. Ils portent des masques qui suggèrent qu'ils appartiennent à des pays différents. Leurs relations d'abord obséquieusement cordiales se tendent très sérieusement. Les scènes suivantes représentent diverses étapes d'une guerre. Un danseur y représente l'allégorie de la Mort. (Et parmi les danseuses, on peut reconnaître la jeune Pina Bausch.)
Si j'ai été content de voir cette Table verte, j'ai dû lutter pour rester éveillé pendant la projection du Portrait of Mary Wigman, étourdi que j'étais par la mauvaise qualité des images et l'absence de commentaire pertinent sur l'apport de Mary Wigman.
⁂
On Stage Studio, Festival Theatre, Edinburgh — 2013-08-17 à 17:00
“Duets”
Scottish Ballet
Peter Darrell, chorégraphie
Cheri & David Earl, musique (Brian Prentice, piano)
Philip Prowse, costumes
Cheri
James Cousins, chorégraphie
Ben Frost, musique (O God Protect Me)
Jealousy
Peter Darrell, chorégraphie, costumes
Gustav Mahler, musique (Fünf Rückert-Lieder)
Fünf Rückert-Lieder (Ich atmet'einen linden Duft, Ich bin der Welt abhanden gekommen)
Sophie Laplane, chorégraphie
Susumu Yokota, musique (Circular, extrait de Magic Thread)
Oxymore
Helen Pickett, chorégraphie
Rachmaninov, musique (Prélude, op. 23 nº4)
Trace
James Cousins, chorégraphie
Ben Frost, musique (O God Protect Me)
Kristen McNally, chorégraphie
Jonny Greenwood, musique (Split Sabre, Sweetness of Freddy, extraits de The Master)
Ennio Morricone, musique (March of the Beggars extrait de Film Music)
Nick Cave, musique (Martha's Dream extrait de The Proposition)
Foibles
Daniel Davidson, Bethany Kingsley-Garner, Brenda Lee Grech, Sophie Martin, Luciana Ravizzi, Nicholas Shoesmith, Owen Thorne, Katie Webb, Victor Zarallo
Après un bon café, j'étais prêt pour les duos programmés au On Stage Studio. Si Peter Darrell a été à l'origine de la création de la compagnie de danse qu'est le Scottish Ballet, je ne sais pas si c'était une bonne idée de programmer ses ballets, surtout à l'état de courts extraits présentés en dehors de tout contexte narratif. Certes, ces extraits se distinguent de la plupart des autres ballets de la journée puisque la technique est classique (danseuses sur pointes ou demi-pointes), mais je n'ai absolument pas été ému pendant le court pas de deux Cheri (dans lequel les danseurs ont frôlé l'accident), et ce d'autant plus que la musique enregistrée était jouée sur un piano manifestement désaccordé. Les deux extraits des Five Rückert Songs m'ont paru très ennuyeux. Le deuxième (nº4), qui n'était d'ailleurs pas un duo, tenait à la rigueur la route grâce à la conviction de la danseuse.
Entre ces deux pièces était présenté Jealousy de James Cousins. Dans ce duo, un homme est obsédé par une femme qu'il porte littéralement pendant toute la durée du ballet. La danseuse ne touche absolument jamais le sol ! Quand elle se tient sur ses pieds, ceux-ci sont posés d'une manière ou d'une autre sur le corps du danseur. La musique ou plutôt l'accompagnement sonore de la pièce peut suggérer que le danseur est en train d'être soumis à des appareils d'imagerie médicale en trois dimensions qui révèlent la présence féminine dans son esprit. Ce ballet a été une très bonne surprise pour moi, et ce d'autant plus que je l'ai vu deux fois. J'ai été légèrement plus convaincu par les interprètes vus en bonus à la fin du programme Contemporary Classics. Le rôle féminin était alors me semble-t-il interprété par Brenda Lee Grech.
C'est cette même danseuse qui fait des étincelles dans Oxymore de Sophie Laplane ; elle éclipse complètement son partenaire qui exécute des mouvements semblables. L'atmosphère me fait penser à celle de In the middle, somewhat elevated de William Forsythe et les mouvements me rappellent Signes de Carolyn Carlson. Cependant, contrairement à Signes, Oxymore est suffisamment court et drôle pour que je ne m'ennuie pas.
La chorégraphie de Trace de Helen Pickett m'a plutôt plu. Le
bas du corps des danseurs adopte des mouvements et positions classiques,
mais le haut du corps est animé de mouvements plus contemporains
.
Cependant, le costume ridicule de la très convaincante danseuse Katie Webb
gâche un peu tout...
La représentation se termine par le ballet Foibles de Kristen McNally interprété par quelques danseurs dans le foyer du théâtre. Le ballet a semble-t-il été commandé tout spécialement pour le festival. Si le voir n'a en rien été désagréable, et ce d'autant plus que la formidable danseuse Brenda Lee Grech avait le rôle le plus important, l'ensemble incohérent ne m'a semblé être qu'un délire surréaliste.
⁂
Festival Theatre, Edinburgh — 2013-08-17 à 20:00
Scottish Ballet
Glen Tetley, chorégraphie
Bronwen Curry, mise en scène
Arnold Schönberg, musique
Rouben Ter-Arutunian, décors et costumes
John B. Read, lumières
Allison Bell, soprano
RCS MusicLab
Mieko Kanno, violon, alto
David Sloan, violoncelle
Isabelle Hübener, flûte, piccolo
Calum Robertson, clarinette basse
Kristi Kapten, piano
Gordon Bragg, direction musicale
Luke Ahmet, Pierrot
Bethany Kingsley-Garner, Columbine
Owen Thorne, Brighella
Pierrot Lunaire
Cela s'est joué à peu de choses, mais mon placement m'a permis de voir les pieds des danseurs :
Je connais trop mal Pierrot lunaire pour apprécier l'adéquation entre le texte et la chorégraphie de ce ballet de Glen Tetley qui était remonté pour cette unique soirée. Le décor est constitué d'un échafaudage blanc qui est placé au centre de la scène et sur lequel les trois personnages (Pierrot, Columbine, Brighella) peuvent grimper (à leurs risques et périls : j'espère qu'aucun danseur n'a été blessé en interprétant ou en répétant ce ballet...). Drôle par moments, la chorégraphie ne m'a pas ennuyé, mais elle ne m'a pas excessivement passionné non plus. Ce qui m'a semblé magnifique en revanche, c'est l'interprétation musicale de l'œuvre de Schönberg par le RCS MusicLab. C'est assurément le plus beau Pierrot lunaire que j'aie entendu ! (J'ai d'ailleurs saisi une opportunité de le dire aux jeunes musiciens qui étaient rassemblé dans le hall un peu plus tard dans la soirée.) La pianiste était fantastique, tout comme la flûtiste. Je n'imaginais pas qu'il était possible de faire sonner un piccolo comme elle le faisait ! Le violoncelliste était merveilleux aussi... Bref, ils étaient tous excellents et défendaient cette musique avec une très grande conviction. La soprano Allison Bell a aussi beaucoup contribué à cette réussite. Son Sprechtgesang était résolument plus chanté que parlé, et je crois que c'est ainsi que je préfère entendre ce cycle ! Quelle beauté !
⁂
On Stage Studio, Festival Theatre, Edinburgh — 2013-08-17 à 21:45
Scottish Dance Theatre
Fleur Darkin, chorégraphie
Plastikman, musique (In Side, Locomotion)
Moritz von Oswald Trio, musique (Pattern 3)
Four Tet, musique (Wing Body Wing)
Ricardo Villalobos, musique (Easy Lee)
Hayley Scanlan, costumes
Lucy Carter, lumières
Glyn Perrin, conception sonore
Eve Ganneau, Fhunyue Gao, Manon Greiner, Jori Kerremans, Frank Koenen, Matthew Robinson, Audrey Rogero, Natalie Trewinnard, Quang Kien Van, Lewis Wilkins
SisGO
Pour ce dernier programme de la soirée, les danseurs ne sont pas du Scottish Ballet mais du Scottish Dance Theater, une compagnie spécialisée dans la danse contemporaine. Comme pour les autres spectacles programmés au On Stage Studio, avant de se diriger en file indienne vers les coulisses pour monter sur la scène, les spectateurs doivent se rassembler près d'une porte dans un coin de la salle. Avant le début de ce spectacle de Fleur Darkin intitulé SisGo (et qui ressemble étrangement à un précédent intitulé DisGo), on nous a demandé d'y laisser nos affaires et d'enlever nos chaussettes pour en mettre d'autre de couleur blanche.
Après le passage par les coulisses, nous ne sommes pas dirigés vers les gradins, mais vers la scène qui est délimitée par des néons. Les danseurs se mettent en mouvement entre les spectateurs, qui étaient parfois invités à réagir. Un peu sceptique au début, j'ai progressivement apprécié cette expérience. Cela dit, l'interaction danseurs-spectateurs a ses limites qu'un spectateur louche n'a pas vraiment saisi : il s'est fait vider assez rapidement... Ce spectacle est aussi un exercice de manipulation de foule. À certains moments, la chorégraphie prévoit que les spectateurs initialement placés sans ordre s'organisent dans des configurations particulières. Pour cela, quelques indications implicites venant des danseurs et de l'utilisation de quelques accessoires comme du scotch ou des cordes aidaient, mais auraient été insuffisantes sans l'aide d'un certain nombre de spectateurs complices qui participaient aussi à quelques chorégraphies d'ensemble. Bref, il ne suffisait pas de regarder qui portait des chaussettes blanches pour distinguer les spectateurs des autres. Au début, j'ai eu le sentiment que le ratio spectateurs/danseurs était un peu trop grand, mais quand la pièce s'est développée, j'ai eu l'impression qu'il se passait toujours quelque chose où qu'on soit. En tout cas, je ne me suis pour ma part pas du tout ennuyé. L'expérience était amusante et parfois exaltante tant il est impressionnant de voir des danseurs exécuter certaines figures à quelques centimètres de distance !
Quand ce spectacle participatif
s'est terminé, le rideau de scène
s'est relevé, ce qui a donné aux spectateurs une très belle vue sur la
salle depuis la scène. J'ai découvert plus tard que cela ne faisait pas
partie du spectacle : c'était une intervention des pompiers suite à une
fausse-alerte incendie...
2013-08-21 15:46+0200 (Orsay) — Culture — Musique — Expositions
Je viens de passer quelques jours à Édimbourg et j'en reviens enchanté ! Je reviendrai plus tard sur certains aspects de cette ville qui m'a beaucoup plu ; je me contenterai ici d'évoquer la raison première de mon séjour en Écosse : les deux concerts du Chamber Orchestra of Europe au Usher Hall.
A priori, les deux concerts avaient un très haut potentiel. J'en attendais évidemment beaucoup ! Bien sûr, j'attendais ces opportunités d'entendre la violoniste Lorenza Borrani en soliste comme un concert dijonnais m'en avait donné l'envie. Je concevais que dirigées par Yannick Nézet-Séguin, les Métamorphoses de Strauss auraient plus de relief que lorsque Semyon Bychkov avait dirigé le COE dans cette œuvre il y a quelques mois. Je me réjouissais aussi d'entendre les troisième et septième symphonies de Beethoven. Mes attentes n'étaient-elles pas trop hautes au point que je risquais d'être déçu ?
Ce fut tout le contraire. Ces deux concerts m'ont satisfait au-delà de toutes mes espérances ! En termes d'émotions fortes, si j'osais faire une comparaison inspirée de la haute densité de restaurants indo-pakistains et asiatiques à Édimbourg, je dirais que cela a été du même niveau d'intensité que peut l'être la dégustation d'un thai red curry. Au déluge de larmes qui s'écoulait de mes yeux et aux palpatitations et tremblements extatiques dont j'étais saisi parfois, un observateur aurait pu penser que je me trouvais mal, mais au contraire, je ne m'étais jamais senti aussi bien... En termes d'expériences préalables de concerts, je ne peux comparer ce plaisir qu'à celui ressenti lors de l'écoute de la Symphonie Pastorale par le COE dirigé par Bernard Haitink (et tout particulièrement le deuxième mouvement au bord du ruisseau). À Édimbourg, ce plaisir d'auditeur a été plus intense encore et s'est étendu sur la quasi-totalité des deux fois deux heures de programme.
Usher Hall, Edinburgh — 2013-08-16
Chamber Orchestra of Europe
Yannick Nézet-Séguin, direction
Métamorphoses, Richard Strauss
Kay Frömbgen, hautbois
Matthew Wilkie, basson
Lorenza Borrani, violon
William Conway, violoncelle
Symphonie concertante en si bémol majeur pour hautbois, basson, violon et violoncelle, Hob.I/105 (Haydn)
Symphonie nº3 en mi bémol majeur Héroïque
(Beethoven)
Je suis confortablement installé au deuxième rang au centre du parterre du Usher Hall pour assister au premier concert. Le programme commence par les Métamorphoses de Strauss, que j'entends pour la troisième fois en concert. Les deux auditions précédentes ne m'avaient pas complètement convaincu, mais cette fois-ci, j'ai été captivé par ce que j'entendais. Dans le détail, j'aime l'introduction du thème du deuxième mouvement de la Troisième Symphonie de Beethoven par les altos. Je me régale aussi avec les pizz. de la première contrebasse (Enno Senft) et des phrasés de la deuxième (Lutz Schumacher). Davantage que des individualités, j'ai adoré la musique produite par tous les musiciens ensemble. J'avais déjà connu une telle sensation d'entendre des musiciens comme chantant ensemble avec les solistes des Berliner Philharmoniker, mais au lieu de six parties, il y en avait là vingt-trois ! Je n'entendais bien sûr pas vingt-trois voix dans ma tête, mais j'avais bien souvent le sentiment d'en distinguer au moins quatre sans effort particulier, tout naturellement. Les interactions entre toutes ces voix m'ont procuré beaucoup de plaisir. Je retiens particulièrement celles entre Lorenza Borrani (violon 1) et Tomas Djupsjöbacka (violoncelle 4) qui se répondaient très harmonieusement, tandis que j'admirais la conviction et la vigueur des coups d'archets de Jérôme Fruchart (violoncelle 5). Cette interprétation a pour moi relevé du prodige !
Parmi les œuvres présentées au cours des deux concerts, celle que
j'attendais le plus était la Symphonie concertante de Haydn pour hautbois,
basson, violon et violoncelle (comme pour toutes les œuvres concertantes
présentées dans ces deux concerts, les solistes étaient issus de l'orchestre).
Le lendemain, avant un spectacle de danse, je discutais avec un Écossais
qui avait assisté au concert et la première phrase qu'il me dit visait à
souligner le seul défaut de ce concert. Quand je lui expliquais que cela
avait été le meilleur concert de ma vie, il admettait volontiers I
thought it was excellent!
. Mon interlocuteur n'avait pas tort, il est
indéniable que le violoncelliste William Conway a eu par moments des soucis
avec une de ses cordes les plus aiguës, comme si le son s'éteignait et
perdait toute brillance. Cependant, cela ne m'a nullement empêché
d'apprécier l'écoute de ce chef-d'œuvre de Haydn. J'ai aimé l'humour du
compositeur qui s'exprime notamment dans certaines interventions du basson
(Matthew Wilkie). La façon dont Lorenza Borrani interprète certains points
d'orgue est tout autant délicieuse. J'ai aimé les interactions entre les
quatre solistes entre eux, notamment entre le hautbois (Kay Frömbgen) et le
violon (Lorenza Borrani). Dans la cadence située dans le premier mouvement,
le chef Yannick Nézet-Séguin s'efface, accordant une entière confiance aux
musiciens. Dans le deuxième mouvement, je suis ému par le jeu du
violoncelliste William Conway. Je trouve presqu'indécent d'avoir le
privilège d'entendre le son délicieusement gras de sa corde de do (la plus
grave). Le troisième mouvement me réjouit énormément. Les timbales et les
cors s'y rappellent au bon souvenir des spectateurs. Les cordes (dont Lily
Francis occupe pendant cette œuvre le rôle de premier violon) produisent le
son vrlach
caractéristique du COE. Les solistes, et parmi eux
Lorenza Borrani tout particulièrement, font preuve d'une éclatante
virtuosité !
Pour interpréter la Symphonie nº3 “Héroïque” de Beethoven, les seconds violons ont échangé leur place à côté des premiers avec les violoncelles pour se retrouver à droite du chef d'orchestre, et cela s'entend ! Au début du deuxième mouvement, alors que les violoncelles jouent le thème déjà entendu plus tôt dans les Métamorphoses de Strauss, sans les voir, je me rends compte du fait que les contrebasses sont placées derrière violoncelles, ce qui rend plus impressionnant encore ce passage mettant en valeur les instruments à cordes les plus graves. Les deux derniers mouvements me mettent dans un rare état d'euphorie. Le placement des violons à gauche et à droite du chef signalé plus haut se révèle particulièrement judicieux dans le troisième mouvement (Scherzo) dans lequel le somptueux son du cor se fait entendre. Le moment le plus exaltant de l'interprétation de cette œuvre (et même des deux concerts) sera pour moi un certain passage vers le milieu du quatrième mouvement dans lequel le chef a fait jouer l'orchestre à un tempo de fou furieux et avec des accents tels que ce passage prenait un merveilleux air de musique populaire. Irrésistible !
L'accueil du public édimbourgeois a été très chaleureux ; certains
musiciens étaient manifestement très émus... En sortant, j'entends des
spectatrices s'exclamer Oh gosh, it was sooo good!
.
Ailleurs : Seen and Heard, Hilde Metzger.
⁂
Usher Hall, Edinburgh — 2013-08-18
Chamber Orchestra of Europe
Yannick Nézet-Séguin, direction
Romain Guyot, clarinette
Matthew Wilkie, basson
Duett-Concertino, Richard Strauss
Lorenza Borrani, violon
Pascal Siffert, alto
Symphonie concertante en mi bémol majeur pour violon et alto, KV 364 (Mozart)
Symphonie nº7 en la majeur (Beethoven)
J'avais choisi un placement à l'arrière-scène pour ce concert afin de profiter au maximum de la Septième symphonie de Beethoven. En réservant ma place, j'ignorais que le rang F serait en fait le premier rang. Voici ce que je voyais depuis ma place :
La salle est pour ainsi dire pleine. Les spectateurs réservent un très bon accueil aux musiciens, qui sont applaudis jusqu'à ce que le dernier se soit assis. Ceci vaudra une entrée un peu gaguesque à une second violon arrivée un tout petit peu après les autres et qui aura ainsi le privilège de recevoir des applaudissements qui lui furent tout spécialement destinés.
Lors de l'écoute du Duett-Concertino de Strauss, j'ai adoré le début de l'œuvre qui met en scène un sextuor à cordes (composé sauf erreur de ma part de deux violons, deux altos, un violoncelle et une contrebasse). S'y insère la ma-gni-fique clarinette de Romain Guyot. Plus tard, ce sera le basson de Matthew Wilkie. Bien que je ne l'aie alors vu que de dos, ses solos m'ont beaucoup impressionné, surtout dans le deuxième mouvement de l'œuvre. Cependant, l'œuvre est celle qui m'a le moins passionné dans ces deux concerts du COE. Elle est indéniablement très agréable à écouter, mais elle a davantage le goût d'une bonne friandise que d'un curry thaïlandais.
La Symphonie concertante pour violon et alto de Mozart a été pour moi un merveilleux moment ! Le placement des premiers et seconds violons de part et d'autre du chef se révèle encore une fois très opportun. Depuis ma place, je peux apprécier la gestuelle de Yannick Nézet-Séguin, qui ne se limite d'ailleurs pas à des mouvements de bras. Son expression faciale est assez étonnante, aussi ; aurait-il fait du kathakali dans une vie antérieure ? Il dirige parfois en n'utilisant que ses sourcils ! Cela fonctionne très bien en tout cas. Au cours du premier mouvement, je le vois à un moment donné esquisser la battue d'une mesure 4/4 avec un micro-geste de la main à peine perceptible. Je me cramponne alors à mon siège parce que je devine qu'il prépare quelque chose... à savoir un crescendo fulgurant ! L'orchestre a bien sûr été formidable. Les cordes avaient bien entendu le son ©COE. Le hautbois et les cors n'étaient pas au premier plan de l'action dans les deux premiers mouvements, mais ils devaient néanmoins faire preuve d'une endurante présence en arrière-plan (pédale). Dans le troisième mouvement, ils étaient davantage mis en valeur et le public les a beaucoup applaudis. Toutefois, les héros de cette œuvre étaient bien sûr Lorenza Borrani (violon) et Pascal Siffert (alto) dont l'entente a été parfaite. J'ai été vraiment très impressionné par l'altiste Pascal Siffert que j'entendais pour la première fois comme soliste.
La série de concerts s'est achevée avec la Septième Symphonie de Beethoven. Comme la veille, Yannick Nézet-Séguin dirige Beethoven sans partition. Si son style de direction est toujours très physique, par rapport à mes souvenirs de concerts passés (Ravel, Schumann), j'ai le sentiment qu'il tend vers une certaine économie de gestes. Sans doute très en confiance avec les musiciens du COE, il se dispense très souvent de battre la mesure. Si les gestes sont moins nombreux, ils sont néanmoins affûtés et intenses, sauf quand il s'amuse à prendre des poses maniérées en se dirigeant vers les vents lors de certaines phrases.
Dans cette interprétation magnifique de la Symphonie nº7, le moment le plus intense vint pour moi de l'idée de génie du chef d'enchaîner les deux premiers mouvements. Dans l'Allegretto, j'ai bien sûr aimé le début mettant en scène les instruments à cordes, mais je me suis encore davantage régalé quand Romain Guyot est entré avec sa clarinette tandis que la pulsation des cordes passait à l'arrière-plan. Dans le troisième mouvement, comme lors d'une écoute précédente, j'ai aimé le passage qui me rappelle toujours le motif de la Fonte de l'Acier de Siegfried. Si l'orchestre était bien entendu déchaîné dans les deux derniers mouvements, j'ai été tout particulièrement impressionné par le timbalier et par le flûtiste Pirmin Grehl (que je n'avais encore jamais vu avec le COE).
Le public a réservé un véritable triomphe à l'orchestre. Ce n'est pas la première fois que j'assiste à une standing ovation, mais je pense que c'est la première fois que j'en vois une qui est manifestement destinée à un orchestre dans son ensemble. Comme la veille, Yannick Nézet-Séguin met un terme au concert en faisant ostensiblement le geste qu'il est temps d'aller boire un coup.
Ailleurs : The Scotsman, The Telegraph, Hilde Metzger.
Je n'ai pris d'alcool ce soir-là, j'ai pourtant bien essayé à l'entr'acte, mais alors que je commandais un verre de blanc, la serveuse du Usher Hall me répondit dans un français parfait que la cloche sonnait et que je n'aurais pas le temps de le boire avant le début de la deuxième partie.
La fin théorique du concert était de 21h20, ce qui me laissait en principe largement le temps de rejoindre The Hub pour le concert suivant, mais comme il était 21h41, il me fallait me presser. L'accès à l'arrière-scène se faisant par un escalier donnant sur les coulisses, en filant, j'ai surpris une violoniste séchant les larmes nées de l'émotion de ce merveilleux accomplissement artistique et de l'accueil du public.
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The Hub, Edinburgh — 2013-08-18
Pierre-Laurent Aimard, piano
Játékok (extraits), Kurtág
Marco Stroppa, électronique
Traiettoria (Traiettoria... deviata, Dialoghi, Contrastri), Marco Stroppa
En venant à Usher Hall, j'étais passé par The Hub pour estimer la distance entre les deux salles. Sans traîner, j'avais mis 10' pour faire la descente. Si je voulais arriver à l'heure, il me fallait presser le pas pour faire la montée. J'ai même couru, et au bout de 5'58", j'étais arrivé au Hub à 21h47, largement à temps pour assister au concert de Pierre-Laurent Aimard. Ce concert a eu lieu dans une salle carrée à l'étage du Hub :
La centaine de spectateurs est installée tout autour de l'estrade où se trouve le piano. J'avais décidé d'aller à ce concert en raison de la présence des Játékok de Kurtág. S'il m'a semblé réussir à entrer dans certaines des miniatures, je n'y ai pas ressenti la même émotion que lors du récital de Márta et György Kurtág à la Cité de la musique ou à l'écoute du simple Perpetuum mobile (objet trouvé) par la jeune Hámos Júlia à Budapest. Encore sous le choc émotionnel du concert de COE, j'avoue avoir écouté Kurtág comme s'il s'agissait d'une agréable musique de relaxation... La transition entre Kurtág et Stroppa m'a semblé toute naturelle, ce que je n'aurais pas imaginé a priori. J'avais assisté avec un certain plaisir à la création de l'opéra Re Orso de ce compositeur. Le piano de Pierre-Laurent Aimard se fait très souvent très percussif. Depuis une console, Marco Stroppa transforme le son qui est spatialisé grâce à un ensemble d'enceintes placées en hauteur le long des murs de la salle carrée. Alors que l'obscurité est presque totale, c'est à un voyage dans un univers psychélique que le compositeur et le pianiste invitent les auditeurs. Cela me fait penser à ce que Varèse aurait peut-être fait s'il avait disposé d'une technologie plus avancée.
Ce concert trouvera en moi un certain écho avec l'exposition Transmitted Live: Nam June Paik Resounds que je verrai le lendemain à la Talbot Rice Gallery. L'artiste coréen semble comme Varèse un précurseur dans son domaine, ici l'art vidéo. Vues quelques décennies plus tard, certaines œuvres expérimentales peuvent donner l'impression d'avoir dépassé la date limite de consommation. Cependant, l'accent particulier mis sur le lien entre Nam June Paik et d'autres arts m'a rendu l'exposition intéressante, notamment par le lien avec John Cage, Merce Cunningham ou Beethoven.
2013-08-13 21:03+0200 (Orsay) — Culture — Musique — Opéra
La solution la plus économique pour me rendre à Salzburg était de prendre l'avion pour Munich puis le train. La ville m'a beaucoup plu. On y trouve des hôtels et des restaurants à des prix tout à fait raisonnables. Je ne suis pas allé dans des grands restaurants, mais vu la qualité de ce que j'ai mangé dans certaines échoppes, je crois pouvoir dire qu'on mange bien dans cette ville. La gare de Munich (Hauptbahnhof), avec ses nombreux petits restaurants et stands, est particulièrement impressionnante de ce point de vue là.
Pour ce qui est du tourisme, la perspective d'assister à des opéras depuis des places debout ne m'a pas incité à faire de longues marches. Je me suis contenté de la Maximiliamstraße :
Regierung von Oberbayern, Munich
Le seul monument pour lequel j'aie pris un billet payant a été la Résidence de Munich, située tout près de l'Opéra d'État de Bavière. Je n'ai pas pu visiter qu'un nombre limité des salles, sans que je comprenne très bien si les autres étaient en travaux ou si leur accès était fermé en fin de journée (j'étais pourtant entré deux heures avant la fermeture). L'endroit est sidérant de beauté. J'avais hésité à prendre un billet combiné pour le Trésor, mais je ne l'ai pas regretté, parce que je n'ai jamais vu autant d'objets aussi richement ouvragés, même dans les palais et temples les plus extravagants de l'Inde !
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Bayerische Staatsoper, Munich — 2013-07-26
Alexander Tsymbalyuk, Boris Godunow
Yulia Sokolik, Fjodor
Anna Virovlansky, Xenia
Heike Grötzinger, Xenias Amme
Gerhard Siegel, Fürst Schuiskij
Igor Golovatenko, Andrej Schtschelkalow
Anatoli Kotscherga, Pimen
Sergey Skorokhodov, Grigorij Otrepjew
Vladimir Matorin, Warlaam
Ulrich Reß, Missaïl
Margarita Nekrasova, Schenkwirtin
Kevin Conners, Gottesnarr
Goran Jurić, Nikititsch
Joshua Stewart, Leibbojar
Tareq Nazmi, Mitjucha
Christian Rieger, Hauptmann der Streifenwache
Kent Nagano, direction musicale
Calixto Bieito, mise en scène
Rebecca Ringst, décors
Ingo Krügler, costumes
Michael Bauer, lumières
Sören Eckhoff, chef des chœurs
Andrea Schönhofer, dramaturgie
Bayerisches Staatsorchester
Chor, Extrachor der Bayerischen Staatsorchester
Kinderchor der Bayerischen Staatsorchester
Statisterie der Bayerischen Staatsorchester
Boris Godunow, Oper in vier Teilen (7 Bilder), Erste Fassung „Ur-Boris“, Moussorgsky.
Quelques jours avant de venir à Munich, j'avais revu avec plaisir La Flûte enchantée mise en scène par Peter Brook, une production que j'avais beaucoup aimée en 2010 et dont les décors se réduisent à quelques tiges de bambous. Le lendemain, je verrai à Salzburg une production très traditionnelle de Lucio Silla, puis une production un peu moins traditionnelle de Falstaff. Ces mises en scènes représentent des styles très variés, mais pour le lyricomane parisien, le travail de Calixto Bieito est encore au-delà, en dehors du monde connu. Visuellement, ça décoiffe, mais la production ne m'a pas franchement convaincu.
De même que La Khovantchina programmée au début de l'année 2013 à l'Opéra Bastille, Boris Godounov est un opéra de Moussorgsky sur un sujet historique. Comme l'a expliqué la dramaturge Andrea Schönhofer dans la présentation de l'opéra qui a été faite quelques dizaines de minutes avant le début de la réprésentation, on jouait la version d'origine „Ur-Boris“, en sept scènes, resserrée autour du personnage de Boris Godounov (mais dans laquelle l'usurpateur Grigori apparaît dans deux scènes consécutives pour ne plus revenir, me donnant une impression de l'ensemble comme étant une suite de tableaux dans lesquels je ne saisis pas la cohérence). Le synopsis de l'opéra a été rappelé lors de cette présentation. Je l'avais parcouru avant de venir (sans saisir complètement quelles scènes seraient omises dans cette version). Pendant la représentation, un placement pas idéal à une place debout, la fatigue de cette station, la difficulté à apercevoir les surtitres (et à les comprendre, le cas échéant), toutes ces conditions d'écoute ne favorisaient pas ma compréhension de ce qui se passait. Le moins que je puisse dire est que la mise en scène n'était pas de nature à m'aider. C'est anecdotique, mais par exemple un personnage de garçon a été doublement travesti (rôle masculin interprété par une femme portant des vêtements féminins) et l'interprête du rôle principal change radicalement de coiffure pour la scène finale (et du coup, avec le cerveau ramolli par la chaleur, je ne l'ai pas reconnu ; enfin, si, j'ai bien compris que c'était Boris Godounov, mais je me demandais rétrospectivement où il s'était caché dans les scènes précédentes). Parmi les images intéressantes, je retiens néanmoins la représentation de la manipulation de la foule, qui après avoir brandi des panneaux à l'effigie de Poutine, Sarkozy et d'autres se met à soutenir Godounov.
Alors que j'avais beaucoup aimé La Khovantchina, principalement en raison des magnifiques chœurs, je n'ai pas été émerveillé par la musique. Si certains passages et quelques thèmes récurrents sont saisissants ou beaux (comme le solo introductif du cor anglais), la musique m'a paru assez statique, comme une atmosphère se développant dans un lent surplace. Dans cet opéra, si l'on fait exception de quelques moments fugitifs, le chant en russe m'a paru assez peu gracieux.
J'ai presque regretté d'avoir pris une place payante pour cet opéra que j'ai vu dans de mauvaises conditions, puisque j'aurais pu y assister peut-être pas confortablement, mais néanmoins assis sur la Max-Joseph-Platz où la représentation était diffusée sur grand écran dans le cadre de l'opération Oper für alle. Ceci dit, rien ne remplace le spectacle vivant...
Les chanteurs et le chef sont venus saluer ce public nombreux en descendant sur les marches de l'Opéra :
Il est possible de visionner cette production sur le site de la Radio bavaroise.
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Cuviliés-Theater, Munich — 2013-07-30
Schumann Quartett (München)
Barbara Burgdorf, violon
Traudi Pauer, violon
Stephan Finkentey, alto
Olivier Göske, violoncelle
Quatuor à cordes nº9 en ré mineur, op. 34 nº2 (Dvořák)
Quatuor à cordes nº1 en ré majeur, op. 25 (Britten)
Quatuor à cordes nº3 en si bémol majeur, op. 67 (Brahms)
Ce concert de musique de chambre avait lieu dans le Cuviliés-Theater,
qui appartient au vaste ensemble de bâtiments constituant la Résidence. Il
peut d'ailleurs se visiter pendant la journée. Cela dit, la meilleure façon
de visiter une salle de spectacles est d'aller, justement, y assister à un
spectacle. J'ignore pourquoi le site Internet de l'Opéra de Bavière ne m'a
pas proposé d'imprimer moi-même mon billet. Je ne savais pas très bien où
le récupérer, alors je suis allé à tout hasard à la billeterie de l'Opéra.
Habitué aux habitudes françaises, en demandant à la guichetière si je
pouvais retirer mon billet, je m'attendais à me faire réprimander, mais
j'entendis quelque chose comme Ja, natürlich!
. J'en profitais pour
lui demander par où on entrait au Cuviliés-Theater. En passant par
l'Odeonplatz, après avoir marché dans une grande allée, devant le plus
grand trompe-l'œil que j'aie vue, puis contourné l'entrée vers une grande
cour où aurait lieu simultanément un concert en plein air, j'ai pu accéder
à un couloir donnant accès au foyer du Théâtre, apparemment plus grand que
la salle elle-même ! C'est un charmant petit théâtre à l'italienne :
Bien qu'excentré, mon placement me permet de voir tous les musiciens
alors que la japonaise assise en première partie à côté de moi ne voyait
strictement rien (elle est partie à l'entr'acte, alors qu'elle prétendait
préférer sa place just for hearing
à la place vacante au premier
rang de la loge que je lui suggérais d'occuper...).
Tous les musiciens de ce quatuor Schumann (München) à l'exception du violoncelliste appartiennent à l'Orchestre de l'Opéra d'État de Bavière et sont chefs de pupitres des premiers violons, des seconds et des altos. Je n'ai été que moyennement convaincu par l'interprétation du quatuor de Dvořák, notamment à cause des pizz. tous pareils du violoncelliste dans le troisième mouvement. Après l'entr'acte, j'ai apprécié le quatuor de Brahms (avec une très belle présence de l'alto dans les deux derniers mouvements), mais c'était sans commune mesure avec le plaisir que m'a procuré le quatuor nº1 de Britten, joué avec beaucoup d'engagement par les musiciens. C'est la présence de ce compositeur au programme qui m'avait décidé à acheter une place pour ce concert. Je m'attendais à ce que cela soit bien, mais pas que mon plaisir fût à ce point élevé que la petite demi-heure aura été pour moi très largement le point culminant émotionnel de l'ensemble des concerts auxquels j'ai assisté pendant cette semaine à Munich et Salzburg.
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Bayerische Staatsoper, Munich — 2013-07-31
Thomas Hampson, Amfortas
Ante Jerkunica, Titurel
Kwangchul Youn, Gurnemanz
Christopher Ventris, Parsifal
Evgeny Nikitin, Klingsor
Petra Lang, Kundry
Kevin Conners, Erster Gralsritter
Tareq Nazmi, Zweiter Gralsritter
Solist der Tölzer Knabenchors, Erster Knappe
Solist der Tölzer Knabenchors, Zweiter Knappe
Ulrich Reß, Dritter Knappe
Kenneth Roberson, Vierter Knappe
Anna Virovlansky, Golda Schultz, Tara Erraught, Evgeniya Sotnikova, Angela Brower, Heike Grötzinger, Klingsors Zaubermädchen
Kent Nagano, direction musicale
Peter Konwitschny, mise en scène
Johannes Leiacker, décors et costumes
Peter Halbsgrut, lumières
Werner Hintze, dramaturgie
Sören Eckhoff, chef des chœurs
Bayerisches Staatsorchester
Chor und Kinderchor der Bayerischen Staatsorchester
Parsifal, Wagner
On pourra voir sur la photographie ci-dessous que je ne voyais vraiment pas grand'chose de la scène depuis ma place debout, même si quelques abandons de spectateurs au premier entr'acte m'ont permis de me recentrer un peu :
À part quelques détails parmi lesquels la mutilation visible de Klingsor ou la scène des filles-fleurs, c'est donc comme si je n'avais rien vu de ce Parsifal ! L'orchestre m'a plu, comme il y a deux ans, surtout dans les deux derniers actes, mais mon plaisir d'auditeur n'a pas été aussi grand qu'avec l'Orchestre de la Radio hongroise et ses extraordinaires contrebasses entendues un mois plus tôt à Budapest. À part un Amfortas pas au meilleur de sa forme (Thomas Hampson), la distribution est très solide. Dans le rôle de Gurnemanz dans lequel Matti Salminen était un peu limite à Budapest, Kwangchul Youn est absolument ma-gni-fique.
Mon placement ne m'a pas permis d'apprécier véritablement la mise en scène de Peter Konwitschny, mais j'ai été néanmoins ému par l'image de colombe blanche descendue des cintres à la fin de l'opéra. Le moment le plus émouvant de cette représentation fut toutefois l'adieu très chaleureux du public munichois à Kent Nagano, qui quitte son poste de chef d'orchestre principal.
2013-08-07 13:02+0200 (Orsay) — Culture — Musique — Danse — Cinéma — Planning
Après Budapest en juin, Montpellier, Salzburg et Munich en juillet, je vais me diriger en août vers Édimbourg pour assister à un nouveau festival de musique.
La raison première de ce séjour réside dans les deux concerts donnés par le Chamber Orchestra of Europe (COE) qui sera dirigé par Yannick Nézet-Séguin :
le mauvais Schu-). Concernant l'Héroïque, je ne l'ai pas entendue par le COE/Haitink (cf. le billet hilarant de Klari), mais je l'ai entendue récemment par l'Orchestre national de France dirigé par Haitink. (Si Yannick Nézet-Séguin dirige un jour l'ONF dans cette œuvre, je ne manquerai évidemment pas d'y aller car je pourrai alors réaliser la somme amalgamée de COE/Nézet-Séguin et ONF/Haitink le long de ONF/Nézet-Séguin pour obtenir COE/Haitink et compléter le diagramme ?) Entre les Métamorphoses et l'Héroïque s'insère dans le programme la véritable raison de ma venue à Edinburgh : la Symphonie concertante de Haydn pour violon, violoncelle, hautbois et basson. Je n'ai jamais entendu le COE dans Haydn, mais je crois que c'est une combinaison orchestre/compositeur/chef qui peut faire monter le frissonomètre très haut, et ce d'autant plus que les quatre solistes sont issus de l'orchestre : comme un concert à Dijon en mars m'en avait donné l'envie, je pourrai entendre la violoniste Lorenza Borrani en soliste !
J'avais déjà acheté ces deux places quand je me suis rendu compte que le Festival d'Edinburgh était en quelque sorte pluridisciplinaire : arts visuels, théâtre, danse, musique, opéra. Après avoir longtemps tergiversé, j'ai choisi d'intercaler entre les deux concerts du COE un marathon de danse (contemporaine) proposé par le Scottish Ballet :
(Il est à noter qu'une proportion significative des ballets programmés ont été chorégraphiés par des femmes, ce qui change de Paris...)
2013-08-04 12:43+0200 (Orsay) — Culture — Musique — Opéra — Danse
Contrairement à ce que l'on pourrait imaginer, la ville de Salzburg n'est pas hors de prix. Il est vrai que lorsque l'on pénètre dans le Großes Festspielhaus ou le Haus für Mozart, on a l'impression de faire la montée des marches au festival de Cannes, les hommes ayant presque tous veste et nœud papillon ou cravate et les dames des robes de soirée, qui en comparaison font d'une soirée de gala à l'Opéra de Paris une petite fête paysanne. Ce qui est vrai en revanche, c'est que la ville est obsédée par le jeune prodige Mozart qui y est né ; le physicien Christian Doppler aussi, mais cela se voit moins quand on parcourt les ruelles de la vieille ville. Il serait intéressant de connaître la proportion des visiteurs estivaux de Salzburg qui fréquentent le festival. La veille ville est en effet infestée de touristes, et à supposer que le commerce y soit prospère, ceux-ci semblent plus intéressés par les chocolats Mozart et autres produits dérivés que par la musique de Mozart. Cela dit, j'ai aussi mangé ma dose de ces chocolats et pus opportunément acheter juste avant qu'il pleuve un parapluie décoré de partitions.
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Haus für Mozart, Salzburg — 2013-07-27
Rolando Villazón, Lucio Silla
Olga Peretyatko, Giunia
Marianne Crebassa, Cecilio
Inga Kalna, Lucio Cinna
Eva Liebau, Celia
Francesco Corti, clavecin
Marie McDunnough, Julia Sedwick, Cynthia Smithers, Magdalena Vasko, Jones Henry, Kevin Kong, Jeremy Nasmith, Jack Rennie, Edward Tracz, danseurs
Marc Minkowski, direction musicale
Marshall Pynkoski, mise en scène
Antoine Fontaine, décors et costumes
Jeannette Zingg, chorégraphie
Hervé Gary, lumières
Aloïs Glaßner, chef de chœur
Les Musiciens du Louvre-Grenoble
Salzburger Bachchor
Lucio Silla, KV 135 (Mozart)
La plus grande satisfaction de ce festival, aussi haute qu'inattendue a été pour moi cette représentation de Lucio Silla, la première de la reprise de cette production déjà jouée lors de la Mozartwoche en février 2013.
La production est traditionnelle. Le décor unique représente une sorte d'atrium me semble être un décor générique qui pourrait servir à représenter n'importe quel opéra. Les costumes sont d'époque, ce qui ne signifie pas que les chanteurs portent des costumes plaçant l'action à Rome au premier siècle avant Jésus-Christ (comme le fait timidement le décor), mais plutôt en Europe il y a quelques siècles de cela (peut-être du temps de Mozart ?). La dizaine de danseurs apporte une décoration supplémentaire à ce tableau. Au milieu de l'avant-scène est disposée une petite rallonge de scène souvent utilisée par les chanteurs ; ils peuvent ainsi être certains d'être bien au milieu de la scène pour chanter leurs airs. Malgré tous les aspects traditionnels de cette production, je trouve qu'elle est réussie. En effet, les sonorités produites par l'orchestre sont merveilleuses. Le caractère très engagé des Musiciens du Louvre-Grenoble dirigés par Marc Minkowski assorti à la bonne acoustique de la salle rend tellement vivante cette musique. Je n'imaginais pas prendre autant de plaisir à l'écoute d'un opéra de jeunesse de Mozart (disons avant Idomeneo), et ce d'autant plus que l'histoire se finit par un happy ending invraisemblable comme souvent chez le jeune Mozart : pour laisser une trace heureuse dans l'Histoire, Lucio Silla fait volte-face en décidant de rendre tout le monde heureux. Par ailleurs, j'ignore si le livret y fait référence, mais la mise en scène suggère une relation incestueuse entre Lucio Silla et sa sœur Celia.
La distribution vocale est sans faille ! Des quatre chanteuses (dont deux travesties), celle qui remporte le plus de suffrage est évidemment Marianne Crebassa dans le rôle de Cecilio. Elle fait d'ailleurs une forte impression dans la scène d'escrime magnifiquement chorégraphiée, et j'ai particulièrement aimé l'air qu'elle a chanté accompagnée de seulement quatre musiciens constituant un quatuor à cordes. Si Rollando Villazón ne m'a semblé qu'à moitié convaincant dans les deux premiers actes, il a fait des merveilles dans le troisième !
Ailleurs : il tenero momento.
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Mozarteum, Salzburg — 2013-07-28
Gereon Kleiner, orgue
Mozarteumorchester Salzburg
Ádám Fischer, direction
Sonate d'église pour orchestre et orgue en do majeur, KV 278 (Mozart)
Jörg Widmann, clarinette
Concerto pour clarinette en la majeur, KV 622 (Mozart)
Sonate d'église pour orgue et orchestre en do majeur, KV 329 (Mozart)
Symphonie nº6 Pastorale (Beethoven)
Le dimanche matin avait lieu une Mozart-Matinee au Mozarteum. En première partie, entre deux sonates d'église anecdotiques de Mozart (avec un orgue inaudible dans la première), le programme comportait le concerto pour clarinette en la majeur. Si l'orchestre m'a paru très convaincant et très engagé, le clarinettiste Jörg Widmann ne m'a pas autant plu que Romain Guyot dont l'interprétation à Dijon m'avait semblée plus incarnée. Le musicien a fait le choix de jouer peu d'ornementations (voire pas du tout) et ses notes aiguës passaient souvent difficilement. Bref, si l'écoute de cette œuvre ne m'a pas paru désagréable, elle ne m'a pas mis en transe.
Après l'entr'acte, l'orchestre a joué tout autre chose : la Symphonie Pastorale de Beethoven. On n'a à mon avis pas atteint les sommets de l'interprétation du Chamber Orchestra of Europe dirigé par Bernard Haitink, pourtant quelle belle interprétation que celle qu'ont donné ces musiciens déchaînés sous la direction d'Ádám Fischer (qui dirige cette œuvre de mémoire) ! Mon placement dans la salle ne me permettait de voir que la moitié droite de l'orchestre, mais fort heureusement le timbalier était en plein milieu de mon champ de vision. Dans le quatrième mouvement, je n'ai regardé que lui. Après avoir mis ses lunettes précautionneusement, il a paisiblement attendu le moment de son entrée pour déclencher un orage inouï !
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Großes Festspielhaus, Salzburg — 2013-07-28
Dorothea Röschmann, soprano
Michael Schade, soprano
Florian Boesch, basse
Wiener Philharmoniker
Konzertvereinigung Wiener Staatsopernchor
Nikolaus Harnoncourt, direction
Ernst Raffelsberger, chef de chœur
Die Jahreszeiten, Joseph Haydn
La raison de ma venue à Salzburg était ce concert dans lequel Nikolaus Harnoncourt allait diriger les Wiener Philharmoniker dans Les Saisons de Haydn. Je m'attendais à ce que de concert salzbourgeois fût très bon, voire extraordinaire, mais je n'imaginais pas un seul instant en ressortir avec un sentiment d'amère déception. Heureusement, j'aimais déjà Haydn avant d'entrer dans le Großes Festspielhaus, et tout particulièrement Les Saisons dont je garde un souvenir émerveillé de l'interprétation de John Elliot Gardiner à Pleyel il y a quatre ans. En effet, sinon, ce concert m'aurait dégoûté de Haydn...
Les problèmes sont apparus dès la toute première mesure de l'œuvre. Les musiciens ne jouaient tout simplement pas ensemble. Les violents coups de timbales étaient un bon gros quart de seconde en avance sur les cordes. Ensuite, le volume sonore des Wiener Philharmoniker a pratiquement toujours été très faible. Dans ces conditions, les si délicieux passages dans lesquels Haydn fait imiter les sons des animaux par l'orchestre ne pouvaient guère se distinguer. Le seul passage de ce genre dont je me souvienne est celui évoquant le son des abeilles. Quand le volume sonore augmentait, comme dans l'orage intervenant dans l'Été, c'était avec une brusquerie assez déplaisante. Dans l'accompagnement des récitatifs, si j'ai apprécié le musicien jouant du pianoforte, celui qui officiait au violoncelle m'a paru produire des sons insipides, alors que j'ai souvent eu l'occasion de m'extasier devant le talent des violoncellistes ou gambistes accompagnant des récitatifs (Nils Wiebolt et Atsushi Sakaï sont les premiers noms qui me viennent à l'esprit). Ce n'était pas du tout, mais alors pas du tout baroquisant. Si les chanteurs n'ont globalement pas démérité, comme les musiciens des Wiener Philharmoniker, ils ont exécuté l'œuvre de façon très austère, complètement désincarnée, sans vie. Les trois rôles ont pourtant des noms ! Ils s'appellent Hanne, Lukas et Simon...
Si certains musiciens de l'orchestre se sont parfois brillamment distingués (les cornistes semblent appartenir à un autre monde !), mon unique satisfaction est venue du chœur de l'Opéra d'État de Vienne. La seule des quatre parties de l'œuvre qui m'aient un peu plu a en effet été l'Automne, et cela tient surtout au chœur qui a égaillé l'ambiance par son interprétation de la chanson à boire à la fin de cette partie.
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Haus für Mozart, Salzburg — 2013-07-29
Ambrogio Maestri, Sir John Falstaff
Fiorenza Cedolins, Mrs. Alice Ford
Massimo Cavalletti, Ford
Eleonora Buratto, Nannetta
Elisabeth Kulman, Mrs. Quickly
Stephanie Houtzeel, Mrs. Meg Page
Javier Camarena, Fenton
Luca Casalin, Dott. Cajus
Gianluca Sorrentino, Bardolfo
Davide Fersini, Pistola
Zubin Mehta, direction musicale
Damiano Michieletto, mise en scène
Paolo Fantin, décors
Carla Teti, costumes
Alessandro Carletti, lumières
rocafilm, vidéo
Christian Arseni, chef de chœur
Walter Zeh, chef de chœur
Wiener Philharmoniker
Philharmonia Chor Wien
Falstaff (Verdi)
Cette représentation de Falstaff m'a paru fort agréable. Sans être éblouissants collectivement, les Wiener Philharmoniker sonnent bien mieux que la veille ! Les solos des musiciens de l'orchestre sont très souvent délicieux. Dans les ensembles, les qualités individuelles des musiciens ont toutefois tendance à se perdre, notamment quand à la fin de certains passages le chef Zubin Mehta lâche les décibels...
La production, sans être géniale, est tout à fait plaisante. Le concept est semble-t-il de représenter le compositeur Verdi vieillissant, écrivant son dernier opéra comme si c'était pour lui un cauchemar dans lequel il est identifié au personnage de Shakespeare. Ce personnage prenant le temps de ce rêve la place de Falstaff pourrait aussi bien être plus simplement un musicien retraité anonyme hanté par Verdi, ce n'est pas tout à fait clair pour moi.
Tandis que les spectateurs prennent place dans la salle, des images de la Casa Verdi contemporaine sont montrées en plan fixe comme pour en souligner la monotonie. Au lever du rideau, on entre dans l'institution, qui est une maison de retraite pour musiciens. Alors qu'en principe cet opéra de Verdi commence sans préambule, on voit ici un pianiste jouer pour les pensionnaires des morceaux de musique dans lesquels on peut reconnaître des extraits d'opéra de Verdi. Cette musique va en quelque sorte infuser dans l'esprit du personnage, qui va, selon l'interprétation, revivre l'histoire de Falstaff ou composer l'opéra que l'on est en train de voir. Le côté onirique de cette vision permet de ne pas traiter de façon littérale certaines scènes, en particulier dans la fameuse scène où le panier dans lequel Falstaff s'est caché est en principe jeté dans la Tamise.
Sans être éblouissants, les chanteurs m'ont paru plutôt bons. Toutefois, je garde un meilleur souvenir des interprètes des rôles féminins de la seule autre représentation de Falstaff à laquelle j'aie assisté (au TCE en 2008). J'ai beaucoup aimé le ténor Javier Camarena dans le rôle de Fenton, et dans celui de Falstaff, Ambrogio Maestri m'a paru meilleur chanteur qu'Alessandro Corbelli que j'avais vu dans ce rôle en 2008.
Ailleurs : Paris — Broadway.
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Les autres photographies que j'ai faites à Salzburg et à Munich sont ici.
2013-07-25 15:17+0200 (Orsay) — Culture — Musique
J'ai passé le week-end dernier à Montpellier pour assister à quelques concerts du Festival de Radio France. J'en ressors très satisfait du déplacement.
idZinc, Paris-Montpellier — 2013-07-20
Sacha Pillois
De façon inattendue, mon premier concert du week-end a été dans le train
Paris-Montpellier. Le chanteur Sacha Pillois et quelques musiciens
l'accompagnant jouaient en effet au bar du train (idZinc
). Malgré
les coupures de jus de la sonorisation (eh oui, même dans un espace aussi
exigu, il faut de la sonorisation, sinon la basse et la guitare ne
produisent aucun son), le moment fut agréable, notamment grâce aux solos du
trompettiste.
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Salle Pasteur, Le Corum, Montpellier — 2013-07-20
Michael Barenboim, violon
Natalia Pegarkova, piano
Sonate pour violon et piano en la bémol mineur, Janáček
Duo conternant pour violon et piano, Stravinski
Sonate pour violon et piano en mi mineur, op. 82, Elgar
Salut d'amour, Elgar
Mon deuxième concert de samedi était un concert de musique de chambre ayant lieu dans la salle Pasteur du Corum. Les sièges, que dis-je, les fauteuils de cette salle sont extrêmement confortables. Alors que la jauge est d'environ 750 places, la salle est presque pleine. Certes, le concert était gratuit, mais je ne m'attendais pas à ce que le public montpelliérain vînt aussi nombreux à un concert de musique de chambre. D'ailleurs, ce public est semble-t-il plus attentif que le public parisien... Il est aussi à noter qu'il n'y eut aucun applaudissement intempestif entre les mouvements des œuvres.
Les deux jeunes musiciens sont le violoniste Michael Barenboim (fils de Daniel Barenboim) et son épouse, la pianiste Natalia Pegarkova. La première œuvre au programme est la sonate pour violon et piano de Janáček que j'avais déjà entendue en 2012 par David Grimal et Alain Planès au cours d'un mémorable concert. J'ai joyeusement détesté leur interprétation du premier mouvement. Et puis, dans les trois mouvements suivants, les musiciens, plus à l'aise, m'ont paru bien plus convaincants.
L'œuvre suivante, le Duo concertant de Stravinski, fut pour moi
une très belle découverte. Pourtant, mon a priori était plutôt négatif
puisque le compositeur se réfère à l'Antiquité dans les titres de certains
mouvements (Églogue
) et le programme du concert le cite ainsi :
Le thème que je m'étais proposé évolue au long de cinq mouvements qui
forment un tout intégral et, pour ainsi dire, un parallèle musical de
l'antique poésie pastorale
. À l'écoute, je n'ai pas vraiment eu
l'impression d'encore une œuvre archaïsante, bien au contraire !
En revanche, pendant la sonate d'Elgar, le confort douillet de mon fauteuil a complètement éclipsé mon intérêt musical...
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Cathédrale Saint-Pierre, Montpellier — 2013-07-20
Maîtrise de Radio France
Les Musiciens de Saint-Julien
François Lazarevitch, direction, flûtes, cornemuses
Simone Sorini, ténor et luth
Angélique Mauillon, harpe
Nicolas Sansarlat, vièle à archet, rebec, bombarde à clef
François Joubert-Caillet, vièle à archet
Enea Sorini, baryton et percussions
Sofi Jeannin, direction
Le Livre Vermeil de Montserrat / Cantigas de Santa Maria
O virgo splendens
Stella splendens
Laudemus Virginem
Cantiga 302 : A Madre de Jhesu-Cristo
Cantiga 113 : Por razon tenuo d'abedecer
Imperayritz de la ciutat joyosa
Cuncti simus concanentes
Mariam, matrem birginem, attolite
Cantiga 57 : Mui grandes noit e dia
Los set gotxs
Cantiga 48 : Tanto son da Groriosa
Polorum Regina
Ad mortem festinamus
Mon troisième concert du dimanche a eu lieu dans la cathédrale Saint-Pierre. La musique chantée par la Maîtrise de Radio France dirigée par Sofi Jeannin est centrée sur Le Livre Vermeil de Montserrat, un ouvrage du XIVe siècle contenant quelques compositions musicales. À ces morceaux ont été associés des Cantigas mariaux.
Les premières minutes du concert m'ont paru merveilleuses. Les jeunes chanteurs précédés de la chef sont arrivés par l'arrière de la cathédrale et se sont placés dans les allées, tout près de l'endroit reculé où je me trouvais. Ils ont commencé à chanter O virgo splendens (sans accompagnement instrumental). La superposition des voix alors toutes proches de mes oreilles était vraiment ma-gni-fique. Quand les chanteurs se sont avancés vers la scène et ont chanté les autres chœurs (accompagnés ou non des musiciens), mon plaisir a beaucoup baissé. Ce n'est pas la faute des interprètes, mais l'acoustique de la salle qui était somptueuse pendant le premier chœur est devenue nettement moins favorable quand les chanteurs ont pris place à l'autre extrémité de l'église... Sans être insupportable, l'acoustique réverbérante a comme passé au mixeur le délicieux mille-feuille vocal. Le problème se posait aussi avec les instruments tous plus originaux les uns que les autres qui étaient utilisés (une mention spéciale pour la double flûte utilisée par François Lazarevitch).
Bref, ce ne fut qu'un plutôt bon moment à passer alors cela aurait pu être pour moi un concert extraordinaire si mes sensations pendant le O virgo splendens s'étaient maintenues jusqu'au bout. Parmi les numéros musicaux, malgré les conditions d'écoute peu favorables, je retiens néanmoins le très beau Polorum Regina.
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Opéra Berlioz, Le Corum, Montpellier — 2013-07-21
Orchestre national de France
Bernard Haitink, direction
Concerto pour orchestre, BB 123 (Bartók)
Symphonie nº3 Héroïque
(Beethoven)
Ce concert de l'Orchestre national de France dirigé par Bernard Haitink était la raison principale de ma venue à Montpellier. J'avais réservé pour la modique somme de 10€ une place dans une sixième loge de face de l'Opéra Berlioz, la grande salle du Corum. Ce type de places est à déconseiller aux personnes sujettes aux vertiges.
Le Concerto pour orchestre de Bartók joué en première partie de concert n'a pas été aussi fantastique que celui de l'orchestre symphonique des chemins de fers hongrois, mais il n'a en rien manqué de fougue. Dans ce domaine, une musicienne se distingue, même vue depuis mon haut poste d'observation : la contrebassiste solo, déjà repérée lors d'un précédent concert. Les passages faisant penser à la musique populaire étaient aussi très convaincants.
Après l'entr'acte, l'orchestre a joué superbement la Troisième symphonie “Héroïque” de Beethoven que j'avais pas entendue en concert depuis cinq ans. L'interprétation du premier mouvement m'a immédiatement paru particulièrement remarquable. Les cordes assumant parfaitement de jouer avec un son un peu rugueux, les musiciens avaient conservé la même fougue qu'ils avaient dans le finale du Concerto de Bartók. Je n'ai plus quitté ce petit nuage sur lequel m'a transporté cette musique et parmi d'autres réjouissances, je me suis délecté des crescendos parfaitement négociés et de détails insoupçonnés de cette symphonie.
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Salle Pasteur, Le Corum, Montpellier — 2013-07-22
Narek Hakhnazaryan, violoncelle
Marianna Shirinyan, piano
Fantasiestücke pour violoncelle et piano, op. 73, Schumann
Élégie pour violoncelle et piano en ut mineur, op. 24, Fauré
Sonate pour violoncelle et piano en ré mineur, op. 24, Chostakovitch
Lamentatio pour violoncelle solo, Giovanni Sollima
Nocturne pour violoncelle et piano en ut dièse mineur, op. 19 nº4, Tchaikovski
Pezzo capriccioso pour violoncelle et piano en si mineur, op. 63, Tchaikovski
Variations sur une seule corde sur un thème de Rossini (Dal tuo stellato soglio, extrait de Mosè in Egitto), Paganini
Vocalise, Rachmaninov
Quel magnifique musicien que ce jeune violoncelliste Narek Hakhnazaryan ! Schumann n'était peut-être pas le meilleur choix de compositeur pour commencer le programme. En tout cas, après cet échauffement, il a fait preuve de l'étendue de son talent dans le reste du programme, au point de déclencher une standing ovation à l'issue du concert. L'œuvre la plus enthousiasmante, s'il ne devait y en avoir qu'une, a été pour moi la Sonate pour violoncelle et piano en ré mineur de Chostakovitch dans laquelle j'ai autant aimé le jeu de la pianiste Marianna Shirinyan que celui du violoncelliste, dont la partie comportait des glissandos et des harmoniques, en particulier dans l'impressionnant deuxième mouvement !
La Lamentatio pour violoncelle solo du compositeur vivant Giovanni Sollima alternait des passages lents de lamentation accompagnés de la voix du musicien et des passages d'une virtosité extrême (beaucoup de pizz. de la main gauche).
J'ai beaucoup aimé aussi les variations pour une corde de Paganini sur un thème de Rossini. Dans cette transcription pour violoncelle jouée en bis, le musicien n'utilisait que la corde de la !
2013-07-14 18:17+0200 (Orsay) — Culture — Musique — Danse
Opéra Garnier — 2013-07-02
Pierre Lacotte, adaptation et chorégraphie
Jean-Madeleine Schneitzhoeffer, musique
Ludwig Wilhelm Maurer, musique du pas de trois de l'acte I
Adolphe Nourrit, livret
Marie-Claire Musson, décors d'après Pierre Ciceri
Michel Fresnay, costumes d'après Eugène Lami
Philippe Hui, direction musicale
Evgenia Obraztsova, La Sylphide
Mathias Heymann, James
Muriel Zusperreguy, Effie
Stéphane Phavorin, La Sorcière
Alexandre Gasse, Gurn
Natacha Gilles, La Mère d'Effie
Éléonore Guérineau, Allister Madin, Pas de deux des Écossais
Caroline Robert, Séverine Westermann, Lydie Vareilhes, Trois Sylphides
Ballet de l'Opéra
Orchestre de l'Opéra national de Paris
La Sylphide, ballet en deux actes d'après Philippe Taglioni
Avant cette série de représentations de La Sylphide à l'Opéra Garnier, je n'avais jamais vu ce ballet. J'avais cependant un a priori positif sur le travail du chorégraphe Pierre Lacotte grâce aux excellents souvenirs de sa version de Coppélia.
Le premier acte de sa Sylphide est le parfait représentant de
ce que j'apprécie le plus dans la danse classique, et dans la danse en
général ! Quel délicieux acte ! Cet acte est résolument narratif. La
narration est extrêmement lisible. Plutôt que de s'y insérer sans
transition, les danses du corps de ballet participent pleinement à cette
narration. À la fin de cet acte, James poursuit dans la forêt la Sylphide
qui vient de lui chiper sa bague de fiançailles. Il s'est laissé séduire
par cette créature aux ailes décorées d'une plume de paon alors qu'il était
sur le point de se marier avec Effie. La part narrative du deuxième acte
est beaucoup plus réduite. James offre à la Sylphide un voile qui a été
préparé par la sorcière. Comme l'indiquait la pantomime de la sorcière, ce
voile est censé faire perdre ses ailes à la Sylphide, ce qui doit la
rapprocher de James. Ce qu'il ne sait pas, c'est que ce voile lui fera
aussi perdre la vie. Pour le reste, il s'agit essentiellement d'un acte
blanc
évoquant sans réelle narration les sylphides en train de se
divertir joyeusement avec James jusqu'à ce qu'il commette l'irréparable.
Malgré la belle scénographie qui fait voler les sylphides dans les airs,
les qualités du corps de ballet et les variations virtuoses de James et de
la Sylphide, j'avoue m'être parfois ennuyé. J'ai eu l'occasion de voir
danser quatre interprètes différentes du rôle-titre (Evgenia Obraztsova,
Ludmila Pagliero, Amandine Albisson, Mélanie Hurel). Une seule de ces
quatre interprètes m'a ôté toute sensation d'ennui dans cet acte : c'est
Amandine Albisson, dont j'ai trouvé remarquable le travail sur l'expression
dans ce deuxième acte, autant dans les passages tendres et amoureux avec
James que dans la scène de sa mort, magnifiquement interprétée.
Evgenia Obraztsova, Mathias Heymann
Dans le premier acte, comment ne pas être ébloui par la danseuse Evgenia Obraztsova ! L'espiègle séduction de son personnage se traduit jusque dans les moindres mouvements de la ballerine du Bolchoï. Depuis son retour en avril dernier après une lourde blessure, Mathias Heymann semble avoir pris une autre dimension. Bien sûr, il est toujours aussi impressionnant dans ses sauts, mais il m'a aussi semblé très convaincant dans l'expression. Ils étaient associés dans l'émouvant pas de trois du premier acte à Muriel Zusperreguy (Effie), que j'ai trouvée formidable dans ce rôle. J'aimerais que cette première danseuse ait davantage de possibilité d'incarner de plus grands rôles... Un autre soir où elle était associée à Emmanuel Thibault, ils étaient tous les deux irrésistibles dans le pas de deux des Écossais !
Une partie importante de la narration repose sur le talent de l'interprète de la sorcière. Dans ce rôle, Stéphane Phavorin a encore une fois montré ses qualités dans la pantomime. Il a rendu la narration tellement claire que c'est comme s'il parlait. Il fera apparemment ses adieux à la scène de l'Opéra ce lundi 15 juillet...
S'agissant enfin de la musique de Jean Schneitzhoeffer, un compositeur dont je n'avais jamais entendu parler, j'avoue avoir pris un certain plaisir à l'écouter, et ce tout particulièrement le 11 juillet, un soir où le premier violon de l'orchestre dirigé par Philippe Hui était semble-t-il Éric Lacrouts. Certes, il y eut quelques couacs, mais à certains moments, les nuances de l'interprétation semblaient parfaitement en phase avec les interventions des personnages. Le cor et les vents (notamment la clarinette) étaient magnifiques. Si le prélude de La Sylphide m'a fait penser à un passage de la Symphonie pastorale de Beethoven, j'ai aussi aimé les numéros musicaux rappelant parfois le style de Rameau et plus souvent celui de Rossini.
Voici un lien vers mes autres photographies des saluts de la représentation du 2 juillet.
Ailleurs : Blog à petits pas, Danses avec la plume, Bella Figura.
2013-07-11 12:20+0200 (Orsay) — Culture — Musique — Opéra — Budapest
Bartók Béla Nemzeti Hangversenyterem, Művészetek Palotája, Budapest — 2013-06-15
James Rutherford, Hans Sachs
Eric F. Halfvarson, Veit Pogner
William Saetre, Kunz Vogelgesang
Domonkos Blazsó, Konrad Nachtigall
Bo Skovhus, Sixtus Beckmesser
Miklós Sebestyén, Fritz Kothner
István Horváth, Balthasar Zorn
Csapó József, Ulrich Esslinger
Lars-Olivier Rühl, Augustin Moser
Piotr Prochera, Hermann Ortel
Ferenc Cserhalmi, Hans Schwarz
Zoltán Nagy, Hans Foltz
Kaus Florian Vogt, Walther von Stolzing
Uwe Stickert, David
Annette Dasch, Eva
Gudrun Pelker, Magdalena
Dömötör Pintér, Un veilleur de nuit
Ádám Fischer, direction musicale
Michael Schulz, mise en scène
Dirk Becker, décors
Renée Listerdal, costumes
Sylvie Gabor, assistant à la mise en scène
Magyar Rádió Szimfonikusok és Énekkar
Csaba Somos, chef de chœur
Nemzeti Énekkar
Mátyás Antal, chef de chœur
Die Meistersinger von Nürnberg, Wagner
J'ai du mal à concevoir comment cette représentation des Maîtres chanteurs de Nuremberg aurait pu être meilleure ! Que l'opéra soit donné dans une salle de concert plutôt qu'un théâtre impose certes des restrictions sur la scénographie, mais la qualité musicale a été telle qu'on se contente bien volontiers d'une plate-forme carrée occupant le tiers central de la scène dont le fond représente au début de l'ouvrage un retable qui est découvert alors que l'on célèbre une messe dans l'église Sainte-Catherine. Une réunion des Maîtres chanteurs y a lieu ensuite. Walther échoue à se faire admettre parmi les Maîtres, ce qui devait lui permettre de participer au concours du lendemain dont le gagnant remportera la main d'Eva, la jeune femme dont il vient de tomber amoureux et que convoite aussi le ridicule Beckmesser. L'opéra se finissant bien, il parviendra néanmoins à gagner le concours. Il sera en cela aidé par le cordonnier Hans Sachs qui lui apprendra comment concilier l'originalité de son chant et le respect de la tradition musicale dont les Maîtres sont les gardiens.
Au début de la représentation, une voix avait annoncé en hongrois et en
allemand que l'interprète de Beckmesser (Bo Skovhus) était handicapé en
raison d'une opération chirurgicale récente. Il a ainsi joué son rôle avec
une béquille. Si cette béquille n'avait pas été prévue par la mise en
scène, il aurait fallu de toute évidence l'ajouter tant le chanteur en a fait
un usage à mourir de rire ; même un mois plus tard, je ne m'en suis
toujours pas remis. La mise en scène comportait une mise en abyme dans la
mesure où le thème musical de l'opéra était illustré sur scène par des
pupitres et des partitions vocales que les chanteurs tenaient parfois entre
leurs mains. Dans son numéro comique, Beckmesser moquait parfois la musique
de Wagner, au point qu'il arracha de façon provocante quelques pages de la
partition sur laquelle on pouvait lire Wagner
...
Les prestations vocales de tous les chanteurs ont été superbes. Pendant le premier acte, j'ai bien eu quelques réserves sur la voix de Klaus Florian Vogt (Walther) en raison de son timbre (une pure question de goût, cohérente avec une impression passée), mais il a tellement bien chanté dans les actes suivants qu'à la fin de la représentation, j'étais conquis par ce chanteur ! J'ai aussi aimé Annette Dasch (Eva). James Rutherford a été relativement endurant dans le rôle très exigeant de Hans Sachs. Le reste de la distribution était excellent, et ce jusqu'au rôle plus modeste du veilleur de nuit dans lequel Dömötör Pintér a fait des merveilles (et il joue aussi du trombone !).
C'était la première fois que j'entendais cet opéra, joyeux et drôle. Les cordes de l'orchestre de la Radio hongroise jouent de façon très différente, beaucoup plus en douceur que lorsqu'ils jouent le Ring ou Parsifal. Je me suis particulièrement délecté par les changements d'atmosphères musicales qui se sont succédées lorsqu'un des personnages fait à Walther le catalogue des modes musicaux reconnus par les Maîtres chanteurs. Les noms quelques peu ridicules de ces modes se retrouvent immédiatement suggérés par la musique. Cependant, les actes qui m'ont fait la plus grande impression sont les deuxième et troisième. Je ne m'attendais pas à un tel echantement ! Toutefois, si les chœurs étaient magnifiques, j'ai malheureusement quelques notions d'allemand et je n'ai pu m'empêcher d'éprouver un léger sentiment de malaise lors du finale exaltant l'Art allemand.
Ailleurs : Paris — Broadway.
⁂
Avant chaque acte, les cuivres de l'orchestre interprétaient un motif extrait de l'opéra pour rappeler aux spectateurs de reprendre place. Ils le font en général depuis une terrasse puis de la passerelle ci-dessus. Avant le dernier acte des Maîtres chanteurs, ces musiciens se font fait remarquer de façon amusante en jouant la fanfare depuis un escalator en marche !
2013-07-05 17:42+0200 (Orsay) — Culture — Musique — Opéra — Danse — Théâtre — Culture indienne
Cité de la musique — 2013-05-13
Akiko Suwanai, violon
Henri Demarquette, violoncelle
Michel Portal, clarinette
Michel Dalberto , piano C. Bechstein
Nocturne, pour violoncelle et piano (André Jolivet)
Noël nouvelet, Crudelis Herodes, pour piano (Daniel-Lesur)
Comme un souvenir, pour clarinette, Michel Portal
Les Chants de Kervéléan nº3 et nº6, pour piano (Charles Koechlin)
Sonate op. 50, pour violon et violoncelle (Marcel Mihalovici)
Quatuor pour la fin du Temps, Olivier Messiaen
Des œuvres composées pendant la deuxième guerre mondiale étaient au programme de ce concert réunissant de grands interprètes de musique de chambre. J'ai aimé le Nocturne d'André Jolivet qui m'a permis d'entendre pour la première fois le violoncelliste Henri Demarquette. Le son cristallin du piano utilisé par Michel Dalberto m'a beaucoup plu dans les œuvres de Daniel-Lesur qu'il a jouées ensuite. Le clarinettiste Michel Portal, que je n'avais jusque là jamais entendu, a ensuite improvisé en intégrant des souvenirs de jeunesse dans lesquels on pouvait reconnaître un peu de Bach. Je me suis désespérement ennuyé à l'écoute des Chants de Kervéléan de Koechlin. Le point culminant de cette première partie de concert a été atteinte avec la sonate pour violon et violoncelle de Marcel Mihalovici.
Avant la reprise du concert après l'entr'acte, François Henrot, fils d'un codétenu d'Olivier Messiaen à Görlitz, a sobrement évoqué les conditions de la création du Quatuor pour la fin du Temps dans le camp de prisonniers. L'œuvre en huit mouvements utilise diverses configurations de musiciens. Les mouvements se suivent et me procurent des émotions diverses. Michel Portal interprète d'une façon assez sombre l'Abîme des oiseaux. Plus loin, certaines notes du piano au milieu de la Danse de la fureur, pour les sept trompettes me rappellent très étrangement le thème de Darth Vader. Le pianiste ne joue d'ailleurs pas à moitié les passages les plus percussifs de l'œuvre ! L'atmosphère fut toute différente pendant le dernier mouvement. Le temps s'est comme suspendu à l'écoute de la violoniste Akiko Suwanai et du pianiste Michel Dalberto. Quel plaisir intense ce fut d'écouter cette Louange à l'Immortalité de Jésus !
Ailleurs : Bladsurb.
⁂
Cité de la musique — 2013-05-14
Chamber Orchestra of Europe
Semyon Bychkov, direction musicale
Métamorphoses, Richard Strauss
Lisa Batiashvili, violon
Concerto pour violon nº2 (Prokofiev)
Valse (Chostakovitch)
Symphonie nº41 en ut majeur “Jupiter”, KV 551 (Mozart)
Ce n'est pas le meilleur concert du Chamber Orchestra of Europe auquel j'aie assisté. Contrairement à ma première audition de cette œuvre, cette interprération des Métamorphoses de Richard Strauss m'a procuré un certain plaisir, mais j'ai le sentiment que cela aurait pu être mieux, l'engagement habituel du COE ne semblant présent que par moments. (J'espère que ce sera mieux à Edimbourg quand cette œuvre, associée de façon intéressante à la Troisième Symphonie de Beethoven, sera dirigée par Yannick Nézet-Séguin.) En revanche, je n'ai aucune réserve sur le Concerto pour violon nº2 de Prokofiev interprété par Lisa Batiashvili ! Absolument magnifique ! Après l'entr'acte, je me suis malheureusement ennuyé à l'écoute de la 41e symphonie de Mozart “Jupiter”. Dirigeant sans partition, le chef Semyon Bychkov me donnait parfois curieusement l'impression d'être en retard sur l'orchestre. J'admire cependant le professionnalisme d'un des violonistes de l'orchestre qui après que sa partition se fut volatilisée suite à une tourne périlleuse parvint néanmoins à jouer de mémoire la fugue placée à la fin de la symphonie !
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Auditorium du Musée Guimet — 2013-05-17
Shahid Parvez Khan, sitar
Nihar Mehta, tabla
Ce concert de Shahid Parvez Khan fut très différent de celui qu'il avait donné au Théâtre de la Ville en 2011. Celui-ci a été en quelque sorte plus extraverti. Sans prendre beaucoup de temps pour développer le raga (dont il n'a d'ailleurs pas annoncé le nom), il s'est lancé très rapidement dans de très virtuoses improvisations. J'aime moins, mais cela a néanmoins été un concert très agréable.
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Opéra Bastille — 2013-05-18
Torsten Kerl, Siegfried
Evgeny Nikitin, Gunther
Peter Sidhom, Alberich
Hans-Peter König, Hagen
Petra Lang, Brünnhilde
Edith Haller, Gutrune, Dritte Norn
Sophie Koch, Waltraute, Zweiter Norn
Wiebke Lehmkuhl, Erste Norn, Flosshilde
Caroline Stein, Woglinde
Louise Callinan, Wellgunde
Philippe Jordan, direction musicale
Günter Krämer, mise en scène
Jürgen Bäckmann, décors
Falk Bauer, costumes
Diego Leetz, lumières
Otto Pichler, chorégraphie
Stefan Bischoff, création images vidéo
Patrick Marie Aubert, chef du chœur
Orchestre et Chœur de l'Opéra national de Paris
Götterdämmerung, Wagner (répétition générale)
Grâce à Olivier, j'ai pu assister à la répétition générale du Crépuscule des Dieux à l'Opéra Bastille dans la production que je n'avais pas vraiment aimée il y a deux ans. Si quelques couacs se faisaient entendre dans l'orchestre (ce n'était qu'une répétition), j'ai passé un moment plutôt agréable. Cela dit, il n'y a désespérement pas de théâtre dans cette mise en scène. Je n'en ai vu que dans le deuxième acte, et ce uniquement dans le personnage de Brünnhilde auquel Petra Lang est parvenue à donner vie.
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Théâtre des Champs-Élysées — 2013-05-21
Orchestre de chambre de Paris
François Leleux, direction, hautbois
Music of Gaity dal "Fitzwilliam Virginal Book" (Maderna)
Deborah Nemtanu, violon et direction
Concerto pour violon nº5 en la majeur, KV 219 (Mozart)
Introduction, thème et variations pour hautbois et orchestre op. 102 (Hummel)
Symphonie nº4 “Tragique” en ut mineur (Schubert)
Plus d'un mois après ce concert, j'en retiens deux choses. Premièrement,
comme les Parisiens sont chanceux de pouvoir entendre à quelques jours
d'intervalle des violonistes aussi incroyables que Leonidas Kavakos, Lisa
Batiashvili ou Akiko Suwanai ; ce soir-là, il fallait si j'ose dire se
contenter
de Deborah Nemtanu, dont j'ai aimé l'interprétation du
Concerto pour violon nº5 de Mozart. Deuxièmement, si François Leleux est un
fabuleux hautboïste, c'est également un superbe chef d'orchestre. Suivant
les chefs invités à diriger l'Orchestre de chambre de Paris, j'ai eu des
impressions toutes différentes, parfois très négatives, parfois très
positives. Pendant la Symphonie nº4 de Schubert, c'était pour le
meilleur que le chef et l'orchestre étaient réunis.
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Cité de la musique — 2013-05-23
Les Dissonances
Xavier Phillips, violoncelle
Trois strophes sur le nom de Sacher pour violoncelle solo (Dutilleux)
David Grimal, direction artistique, violon solo
David Gaillard, alto solo
Variations on a Theme of Frank Bridge op. 10 (Britten)
Lachrymae, Réflexions sur un chant de Dowland op. 48a (Britten)
Adagio pour cordes op. 11 (Barber)
Sérénade pour violon, cordes, harpe et percussions (Bernstein)
Si j'ai été heureux d'entendre l'altiste David Gaillard jouer Britten et de voir l'orchestre des Dissonances dans la Sérénade pour violon, cordes, harpe et percussions de Bernstein, je retiens surtout le souvenir de l'émerveillement procuré par le violoncelliste Xavier Phillips qui a fabuleusement défendu les Trois strophes sur le nom de Sacher de Dutilleux, une œuvre insérée au programme pour rendre hommage au compositeur décédé la veille.
Ailleurs : Bladsurb.
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Centre Mandapa — 2013-05-24
Nancy Boissel, Estelle Guihard
Sowri Rajan/David Ramsamy, ghatam, morsing
Estelle Guihard, mise en scène
Marie de La Bellière, accessoires, régie
L'Homme Semence, d'après le texte de Violette Ailhaud
Après la répression faisant suite au soulèvement républicain contre le coup d'état de Napoléon III, tous les hommes d'un village du Sud de la France ont disparu. Les femmes se retrouvent seules. Elles décident d'un pacte : le prochain homme qui entrera au village serait le mari de toutes, l'homme semence. Au bout de deux ans, un homme s'approche. Violette Aillhaud est la femme qu'il a regardée en premier.
Cette pièce de théâtre met en scène la narratrice, jouée par Estelle Guihard. Certains actes et émotions du personnage sont illustrés par les mouvements de Nancy Boissel (dont j'ai déjà pu apprécier les qualités de danseuse de bharatanatyam). Une musique utilisant des instruments du Sud de l'Inde fournit une atmosphère sonore à cette pièce : le ghatam (une sorte de cruche) et le morsing (guimbarde).
Je vais très rarement au théâtre, mais j'ai beaucoup aimé cette pièce. Les accessoires et costumes sont sobres, mais sont utilisés d'une façon très juste. Le moment qui m'a le plus passionné fut le solo de danse de Nancy Boissel sur le thème de l'Amour au moment où la narratrice et l'homme sont unis. Ce passage empruntait à la danse bharatanatyam non seulement des gestes mais aussi une manière d'aborder ce thème, et pourtant les mouvements utilisés étaient parmi les plus universellement compréhensibles qui soient. Ce solo fut pour moi un superbe moment de danse, aussi émouvant qu'intéressant.
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Opéra Comique — 2013-05-28
Ensemble Ictus
Georges-Elie Octors, direction musicale
Prélude à l'après-midi d'un faune (Debussy, arrangement de Benno Sachs pour douze instruments, accompagné du film de Thierry De Mey, Prélude à la Mer, avec Cynthia Loemij et Mark Lorimer, dans une chorégraphie d'Anne Teresa De Keersmaeker)
Valse³, une cour impérale vers 1885, d'après La Valse de Maurice Ravel (Frédéric Verrières)
Marianne Pousseur, soprano
François Deppe, direction musicale
Pierrot lunaire, pour voix et cinq instruments, op. 21, Schönberg
Ce concert a été pour moi une déception. Le Prélude à l'après-midi d'un faune m'a procuré moins de plaisir que ne l'a fait un orchestre amateur, et ce alors-même que l'interprétation de l'ensemble Ictus était associée à la projection d'un film montrant la chorégraphie d'Anna Teresa De Keersmaeker (qui ne m'a pas du tout passionné). Si j'avais aimé The Second Woman de Frédéric Verrières, j'ai vraiment eu l'impression que sa Valse³ d'après Ravel était une vaste plaisanterie... En deuxième partie, j'ai cependant apprécié Marianne Pousseur dans Pierrot lunaire de Schönberg (et cela aurait été encore mieux si le concert avait été surtitré).
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Théâtre des Champs-Élysées — 2013-05-30
Ballet et Orchestre du Théâtre Mariinsky
Valery Gergiev, direction musicale
Vaslav Nijinsky, chorégraphie (1913)
Millicent Hodson, Kenneth Archer, reconstitution de la chorégraphie, des décors et des costumes
Le Sacre du Printemps, Stravinski
Sasha Waltz, chorégraphie (2013)
Bernd Skodzig, costumes
Pia Maier Schriever, Sasha Waltz, décors
Thilo Reuther, lumières
Le Sacre du Printemps, Stravinski
Ce spectacle du Ballet du Théâtre Mariinsky comportait deux versions du Sacre de Printemps. La première est une tentative de reconstitution de la version d'origine de Nijinsky par Millicent Hodson et Kenneth Archer. L'animateur du Forum Dansomanie, Haydn signalait sur Twitter que lors d'une conférence au Théâtre des Champs-Élysées, les chorégraphes expliquaient qu'il ne restait rien de la chorégraphie de Nijinsky et qu'ils revendiquaient l'entière paternité de la chorégraphie présentée... En tout cas, je dois avouer m'être ennuyé pendant la réprésentation de ce ballet. J'ai été bien davantage intéressé par la version de Sasha Waltz présentée après l'entr'acte, quoiqu'en la visionnant on ne peut s'empêcher de remarquer les références à la version de Pina Bausch.
2013-07-01 14:37+0200 (Orsay) — Culture — Musique — Opéra — Danse — Culture indienne — Planning
Cet été, très exceptionnellement, je ne voyagerai pas en Inde. À la place, je visiterai quelques villes où se déroulent des festivals de musique. J'ai d'ailleurs déjà commencé en juin avec les journées Wagner à Budapest. J'irai ainsi à Montpellier pour le festival de Radio France, puis à Salzbourg en passant par Munich, et enfin à Edimbourg, mais ce sera déjà le mois d'août. Voici donc le programme inhabituellement chargé de mon mois de juillet :
2013-06-20 17:59+0200 (Orsay) — Culture — Musique — Opéra — Budapest
Bartók Béla Nemzeti Hangversenyterem, Művészetek Palotája, Budapest — 2013-06-14
Lauri Vasar, Amfortas
Kolos Kováts, Titurel
Matti Salminen, Gurnemanz
Christian Franz, Parsifal
Hartmut Welker, Klingsor
Petra Lang, Kundry
Péter Kiss, Premier chevalier
Ákos Ambrus, Second chevalier
Solistes du Chœur de garçons de Tölz, Premier et deuxième écuyer
István Horváth, Troisième écuyer
Zoltán Megyesi, Quatrième écuyer
Zita Váradi, Cecilia Lloyd, Krisztina Simon, Mónika González, Eszter Wierdl, Éva Várhelyi, Filles-fleurs
Atala Schöck, Une voix du ciel
Bálint Krúdy, Parsifal enfant
Fischer Ádám, direction musicale
Alexandra Szemerédy, Magdolna Parditka, mise en scène, décors et costumes
Károly Györgyfalvay, lumières
Magyar Rádió Szimfonikus Zenekar és Énekkar
Csaba Somos, chef de chœur
Magyar Rádió Gyermekkórus
Dr. Lászlo Matos, chef de chœur
Sándor Kabdebó, co-chef de chœur
Nemzeti Énekkar
Mátyás Antal, chef de chœur
Parsifal, Wagner
Quel plaisir de retrouver l'Orchestre de la Radio hongroise ! Le premier contact a lieu avec les cuivres, qui comme à Bayreuth interprètent quelques minutes avant chaque acte un motif de l'opéra représenté pour rappeler aux spectateurs de se diriger vers leurs places. Une fois installé à ma place, je reconnais quelques uns des musiciens aperçus il y a un an : le corniste, quelques contrebassistes, quelques violoncelles parmi lesquels le soliste barbu, etc. Dirigées par Ádám Fischer, les cordes et plus particulièrement les contrebasses et les violoncelles ont conservé leur inimitable son ! Avec quelle férocité ceux-ci poussent ou tirent sur leur archet, à tel point que certains doivent remettre régulièrement de la colophane pendant les actes ! Certains motifs joués en arrière-plan par les instruments à cordes les plus graves qui auraient sinon risqué d'être occultés dans les ensembles n'en ressortent que mieux. Les vents, et plus particulièrement la clarinette et le hautbois, m'ont paru sublimes dans le troisième acte !
La mise en scène de Alexandra Szemerédy et Magdolna Parditka est d'une sobriété extrême. La scène est initialement toute noire, puis après l'arrivée de Parsifal, la moitié droite deviendra blanche quand le tissu noir qui couvrait cette partie de la scène sera ingénieusement tiré depuis les coulisses. Le blanc règnera sur toute la scène quand Gurnemanz aura pris conscience que Parsifal est le nouveau roi. La duplicité du rôle de Kundry est soulignée par son costume blanc dans les premier et troisième actes tandis qu'elle sera en noir puis en rouge quand, sous l'emprise de Klingsor, elle tentera de séduire Parsifal au deuxième acte. En dehors de la scène des filles-fleurs fort bien réglée, la mise en scène a été assez statique, mais ce ne fut guère un problème compte tenu des merveilles qui sortent de la fosse. Si les solistes ont globalement plus que bien chanté, j'ai été particulièrement saisi dans les premier et troisième actes par les magnifiques chœurs qui avaient pris place sur scène et aux deux étages d'arrière-scène ! L'ensemble était très impressionnant !
Ailleurs : Paris — Broadway.
2013-06-19 10:24+0200 (Orsay) — Culture — Musique — Budapest
Liszt Ferenc Kamaterem Concert Hall, Budapest — 2013-06-15
Hámos Júlia, piano
Toccata en ut mineur, BWV 911 (Bach)
Variations pour piano seul en fa mineur, Hob.XVII/6 (Haydn)
Humoresque, op. 20 (Schumann)
Sonate nº9 (Scriabine)
Perpetuum mobile (objet trouvé), Kurtág
Samedi matin, je me suis rendu au musée-mémorial Franz Liszt où j'avais déjà eu l'occasion d'assister à un concert mémorable il y a un an. Une des pièces ouvertes au public héberge actuellement une petite exposition sur Wagner. Avant de la visiter, j'ai assisté à un récital de piano dans la salle de musique de chambre.
La jeune Júlia Hámos a commencé son programme par un Bach trop violent et fougueux pour me plaire. Ses variations en fa mineur de Haydn étaient meilleurs, mais elles ne sauraient évidemment rivaliser avec l'interprétation d'Emanuel Ax l'année dernière. La suite du programme était plus convaincante : Schumann, et surtout Scriabine. Avant de jouer son bis, la pianiste a parlé un moment de György Kurtág en hongrois, expliquant, semble-t-il, l'importance de ses pièces pédagogiques. L'interprétation de ce Perpetuum mobile (objet trouvé) fut, comme toujours avec Kurtág, très brève (moins de deux minutes), mais ce fut pour moi indiscutablement le sommet émotionnel de mon week-end de concerts, pourtant bien rempli ! Rien que pour ces glissandis de piano, je suis content d'être venu à Budapest. Ce qui est amusant, c'est que l'avant-veille de ce concert, j'avais acheté le premier volume des Játékok dans lequel figure la partition de ce bis !
⁂
Fesztivál Színház, Művészetek Palotája, Budapest — 2013-06-16
Isabelle Druet, mezzo-soprano
Anne Le Bozec, piano
Shakespeare-dalok
Ophelia halála, op. 18/2 (Berlioz)
Ophélia-dalok, WoO 22 (Brahms)
Ophélia halála, op. 9 (Saint-Saëns)
Shakespeare-dalok, op. 24 - 4 dal (Castelnuovo-Tedesco)
Szerenád (Schubert)
Szilviához (Schubert)
A bolond búcsúdala, op. 127/5 (Schumann)
Zuboly dala (Wolf)
Vízkereszt, op. 60 - 2 dal (Sibelius)
Shakespeare-dalok, op. 28/1-3 (Chausson)
A bohóc dala, op. 29/1 (Korngold)
Erzsébet-kori dalok (nº3, nº1), Ivor Gurney
Shakespeare-dalok, op. 31/4 (Korngold)
Fancy (Poulenc)
Chanson de Shylock (Fauré)
Dimanche, je suis retourné au Palais des Arts pour assister à un récital de mélodies franco-germano-anglo-finlandaises de la mezzo-soprano Isabelle Druet qui était accompagnée de la pianiste Anne Le Bozec. Le concert a eu lieu dans le Fesztivál Színház, le petit amphithéâtre du Palais des Arts, qui était très clairsemé (à peine une quarantaine de spectateurs). Néanmoins, cela n'a pas nui à la qualité de ce concert. Le point culminant a été atteint lors de la toute première mélodie de Berlioz sur Ophélie (le thème du concert était Shakespeare). Quelle diction ! Je n'ai jamais entendu un français chanté aussi intelligible ! Le sens du poème d'Ernest Legouvé d'après Shakespeare était tout à fait limpide. Les mêmes vers étaient d'ailleurs utilisés dans la mélodie de Saint-Saëns chantée quelques minutes plus tard. Je ne ferai pas l'inventaire de mes impressions chacune des mélodies au programme, je retiendrai seulement le nom de Castelnuovo-Tedesco, dont les parties de piano des quatre chansons au programme m'ont particulièrement plu.
2013-06-18 09:59+0200 (Orsay) — Culture — Musique — Danse — Budapest
Magyar Állami Operaház, Budapest — 2013-06-13
Boros Ildikó, Hófehérke
Pazár Krisztina, Mostoha
Oláh Zoltán, Királyfi
Cserta József, Vadász
Bajári Levente, Banya
Balogh Béla, Tudor
Nagyszentpéteri Miklós, Vidor
Katona Bálint, Szende
Hommer Csaba, Szundi
Várkonyi Zoltán, Hapci
Solti Csaba, Morgó
Szegő András, Kuka
Bedő Dorisz, Riedl Ágnes, Vdovicheva Tatjana, Szörnyecskék
Csányi Valária, direction musicale
Kocsák Tibor, musique
Ifj. Harangozó Gyula, adaptation du conte des frères Grimm, chorégraphie et mise en scène
Rujsz Edit, assistante de la chorégraphe
Rujsz Edit, Fajth Blanka, maîtres de ballet, répétitions
Kemény Gábor, Bíró Rudolf, orchestration
Kentaur, décors
Rita Velich, costumes
Hófehérke és a 7 törpe, Táncjáték két felvonásban.
J'étais tellement pressé de sortir de l'aéroport de Budapest pour
rejoindre la ville que j'ai oublié de récupérer ma valise sur le tapis
roulant. On m'a heureusement permis de rebrousser chemin très rapidement,
et arrivé à l'appartement que je louais, j'ai eu le temps de faire des
provisions pour le week-end, acheter un CD Bartók de l'extraordinaire chœur Cantemus et le premier
volume des Játekok de György Kurtág avant de me rendre au Magyar Állami
Operaház pour assister à une représentation du ballet Hófehérke és a 7
törpe (Blanche-Neige et les Sept Nains). Je suis ressorti
assez enchanté par ce programme de ballet, particulièrement bien pensé pour
les enfants, jusques aux figurines autocollantes des personnages du ballet
apparaissant dans le programme vendu pour la modique somme de 700 forints
(moins de 3€). Faisant penser à Prokofiev (en moins bien), la musique de
Tibor Kocsák est plutôt plaisante à l'écoute et comporte quelques moments
spectaculaires. Elle inclut des motifs très reconnaissables comme
celui des Sept Nains, dont le public, à force de l'entendre, marque le
rythme en battant des mains. Certains passages me donnent une étrange
impression de déja entendu
, sans que je puisse identifier les thèmes
d'origine dont le compositeur s'est inspiré pour élaborer ses propres
développements. L'orchestre dirigé par Valária Csányi m'a fait une bonne
impression.
La chorégraphie de Gyula Harangozó n'est pas très exaltante : la danse est pour ainsi dire réservée aux personnages féminins, tous les deux interprétés de façon convaincante : Blanche-Neige (Ildikó Boros) et la marâtre (Krisztina Pazár). Le Prince (Zoltán Oláh) danse bien un peu avec elles, mais le rôle est assez décoratif. Le Chasseur (József Cserta) danse beaucoup, mais ses pas et sauts sont peu variés et les sentiments ambigus du personnages me resteront assez obscurs jusqu'au bout. Un danseur fait cependant des étincelles, c'est András Szegő qui interprète le rôle de Kuka (Simplet), le seul des nains dont le rôle ne se réduise pas à de la pantomime. Le moment le plus délicieux du ballet est sans doute celui où le Prince, alors qu'il danse avec la marâtre, aperçoit Blanche-Neige et ne regarde plus qu'elle tout en évitant d'éveiller les soupçons de la marâtre.
La grande qualité de ce ballet réside dans sa composante narrative, magnifiée par une extraordinaire scénographie utilisant de nombreux décors !
2013-06-09 15:20+0200 (Orsay) — Culture — Musique
Temple des Batignolles — 2013-05-31
Orchestre des Concerts Gais
Julien Vanhoutte, direction
Ouverture de La Fiancée du Tsar (Rimski-Korsakov)
Pelléas et Mélisande, suite pour orchestre (Prélude, Fileuse, Sicilienne, Mort de Mélisande), Fauré
Prélude à l'après-midi d'un faune (Debussy)
Marlène Rivière, violoncelle
Concerto pour violoncelle nº1 en la mineur, op. 33 (Saint-Saëns)
Sarabande de la Suite nº2 en ré mineur pour violoncelle, BWV 1008
Finlandia (Sibelius)
Dans mon premier billet sur l'Orchestre des Concerts gais, je soulignais que l'on allait pas écouter un orchestre amateur dans le même état d'esprit que l'on va assister à un concert d'un orchestre professionnel. Que quelques membres de l'orchestre ne me soient pas inconnus ne fait évidement qu'augmenter la sympathie qu'il m'inspire, mais cette bienveillance a priori ne saurait expliquer à elle seule le plaisir que j'ai eu à écouter cet orchestre quand il m'a fait découvrir Bruckner ou m'a émerveillé avec Tchaikovski et Haydn.
Il faut en effet se rendre à l'évidence. Pour une œuvre donnée, cet orchestre peut me procurer plus de plaisir que certains orchestre professionnels... La première étude de cas a été fournie par la Symphonie nº104 de Haydn. J'ai entendu il y a quelques semaines un orchestre professionnel la jouer d'une façon juste assez satisfaisante pour que je ne me retrouve pas dans un état de désolation avancé à l'issue d'un concert jusque là soporifique. Cette même symphonie avait été jouée par l'Orchestre des Concerts gais de façon très enthousiasmante il y a six mois dans un concert remarquable du début à la fin.
Mai a été pour moi le mois Prélude à l'après-midi d'un faune. Entre mai et début juin, j'ai ainsi vu trois fois le programme de ballet donné à l'Opéra Garnier, un programme comprenant deux chorégraphies sur cette œuvre de Debussy. Cela fait six auditions du Prélude auxquelles il faut ajouter une version réduite pour douze instruments interprétée par l'ensemble Ictus à l'Opéra Comique. Dans cette œuvre, l'Orchestre de l'Opéra peut être magique certains soirs, mais d'autres fois cela peut être moins bien. Le flûtiste de l'Orchestre des Concerts gais m'a procuré bien davantage de plaisir que l'un des deux flûtistes de l'Opéra ! Pour ce qui est de l'Orchestre des Concerts gais dans son ensemble, son interprétation du Prélude m'a semblé bien plus habitée que ce que j'ai entendu à l'Opéra Comique (dans une version certes réduite). Je m'attendais à ce que ce soit bien, mais ce fut tout simplement fabuleux ! Bravo aux musiciens et à leur chef Julien Vanhoutte !
Avant le Prélude à l'après-midi d'un faune, le concert avait commencé par la redoutable Ouverture de La Fiancée du Tsar de Rimski-Korsakov, fort bien négociée. Avait suivi la suite pour orchestre Pelléas et Mélisande de Fauré, une œuvre dont seules mes archives me rappellent que je l'avais déjà entendue en 2009 dans le ballet Émeraudes de Balanchine. Cela a donc été tout comme si je découvrais cette suite de Fauré, que j'ai trouvée très belle et qui m'a beaucoup ému. Étrangement, ce qui m'a le plus émerveillé dans cette œuvre, ce fut la présence de la clarinette, qui est bien sûr parfois à l'avant-plan comme à la fin du premier mouvement, mais qui, à l'arrière-plan, contribue à l'atmosphère sonore d'une façon tout aussi importante.
Le programme se poursuivait avec le concerto pour violoncelle nº1 de Saint-Saëns. J'ai apprécié la complémentarité entre le violoncelle et l'orchestre. Soit horizontalement, en se refilant un thème tourbillonnant comme dans le début, soit verticalement en jouant des parties très différentes comme dans la partie centrale où les cordes semblent faire des pas de danse en sautillant dans l'herbe tandis que le son du violoncelle fait parfois penser au bourdonnement d'une abeille. J'ai aimé entendre la violoncelliste Marlène Rivière aussi bien dans les passages les plus virtuoses que dans les moments les plus expressifs.
Le concert s'est terminé par deux bis : un beau Bach par la violoncelliste et une impressionnante Finlandia de Sibelius, que quelques spectateurs descendant la rue de Rome en sortant du concert avaient quelque mal à se sortir de la tête...
2013-06-01 08:13+0200 (Orsay) — Culture — Musique — Opéra — Danse — Mathématiques — Planning
Voici mon programme pour le mois de juin :
2013-04-08 23:38+0200 (Orsay) — Culture — Musique — Opéra — Danse — Culture indienne
J'ai déjà eu l'occasion de revenir sur les concerts des Solistes des Berliner Philharmoniker. Les fabuleux concerts de l'Orchestre de Paris avec Leonidas Kavakos (concerto de Sibelius) feront l'objet d'un prochain billet. En attendant, voici le vite dit d'avril, récapitulant mes impressions sur les autres spectacles vus au cours du mois :
Théâtre des Champs-Élysées — 2013-04-04
Luc Héry, violon solo
Orchestre national de France
David Afkham, direction
Atmosphères, György Ligeti
Till Fellner, piano
Concerto pour piano nº3 et ut mineur op 37 (Beethoven)
Roméo et Juliette, extraits (Prokofiev)
Mes dernières expériences de spectateur avec l'Orchestre National de France dataient d'il y a deux ans et étaient très contrastées. Ce concert m'a réconcilié avec cet orchestre et permis d'entendre Maria Chorokoliyska, la merveilleuse contrebassiste solo de l'orchestre dont l'engagement est impressionnant. Elle me consolerait presque de la retraite prise par Bernard Cazauran de l'Orchestre de Paris. Si j'ai pu la voir, c'est en raison des bruyants scolaires qui m'ont gâché l'audition de Atmosphères de Ligeti : entre deux œuvres, le temps que le piano soit installé, je me suis replacé du côté opposé ce qui me permit de voir les contrebasses, et de ne pas en détourner mon regard, mon cou douloureux étant immobilisé par un torticolis...
Je me suis amusé de ce que le troisième concerto pour piano de Beeethoven commence par les trois mêmes notes que le thème de l'Offrande musicale (do-mi♭-sol). L'orchestre était tellement agréable à écouter que j'ai été surpris par l'entrée du piano... Les extraits de Roméo et Juliette de Prokofiev furent irrésistible ! Le chef David Afkham s'est même offert la fantaisie de se recoiffer pendant La Mort de Tybalt.
Le concert était précédée d'une Appoggiature
animée par Clément
Lebrun et agrémentée d'extraits musicaux joués par les musiciens de
l'orchestre. Il est suffisamment rare que l'on parle de musique (et pas
uniquement des musiciens) pendant les exposés musicologiques précédant
certains concerts pour que ce soit signalé.
⁂
Amphithéâtre de la Cité de la musique — 2013-04-06
Blandine Rannou, clavecin
Variations Goldberg, BWV 988, Johann Sebastian Bach.
J'ai été très déçu par ce concert. L'Aria des Variations
Goldberg m'a paru tellement interminable que je me demandais si
l'interprète cherchait à battre un record de lenteur. L'interprétation de
Blandine Rannou a en effet duré un peu moins d'une heure quarante (à
comparer aux 1h18 de Pierre Hantaï, 1h24 d'Evgeni Koroliov et aux 37
minutes de Glenn Gould en 1959). D'une part, la lenteur n'aide pas à
maintenir l'attention des spectateurs (j'ai faibli autour de la vingtième
des trente variations) ; d'autre part, plus on joue lentement plus les
couacs se font entendre distinctement. Il y en a eu un certain nombre... Le
plus frappant est intervenu au début de la 14e variation : après
une ou deux mesures, l'interprète est tout simplement revenue au début. Si
j'ai pris assez peu de plaisir pendant ce concert, j'ai toutefois trouvé
que la 23e variation avait été jouée de façon vraiment
remarquable. Étrangement, un spectateur a lancé un Bravo
à la fin de
la 25e ; pensait-il que le concert était terminé ? À partir de
ce moment-là, des spectateurs inquiets de la durée imprévue du concert ont
commencé à s'enfuir un peu bruyamment pour rejoindre l'autre salle de la
Cité de la musique où le concert suivant du Marathon Bach allait
commencer...
⁂
Centre Mandapa — 2013-04-11
Aurélie Oudiette, danse kathak
Pandit Jaikishan Maharaj, Isabelle Anna, chorégraphies
J'ai décidé au dernier moment d'aller voir ce récital d'Aurélie Oudiette
et je ne l'ai pas regretté ! Depuis un récital d'Isabelle
Anna et Anuj Mishra, j'espérais voir un récital de kathak résolument
tourné vers la narration, une composante de la danse privilégiée par les
interprètes féminines. Cet espoir a été exaucé. La première pièce
Vandaran Shantha Vishnu représentait Vishnu et Lakshmi et
comportait certainement le plus beau visuel du récital avec la
représentation de Vishnu couché sur le serpent Shesha, l'accent était
particulièrement mis sur l'épithète Padmanabha
indiquant que de son
nombril émerge un lotus (sur lequel se tient Brahma). Les mouvements
ondulatoires des mains qui semblent assez utilisés dans la danse pure en
kathak trouvent ici une merveilleuse expression quand il s'agit d'évoquer
le cordon ombilical ou la tige de ce lotus. Cette pièce comme la plupart
des autres était enchaînée à des passages de danse pure sur une musique
rythmique (parfois solfiée) sur des cycles variés (Tîntal, Japtal,
Chautal). La pièce suivante a évoqué Krishna (tenant le mont Govardhana à
la force d'un seul doigt ou portant le disque). Un changement de costume
est intervenu avant la deuxième partie du récital d'inspiration moghole,
plus tournée vers la séduction que les thèmes sacrés. Une pièce mettra
ainsi en scène une courtisane, une autre évoquera les amours de Krishna et
Radha et enfin une troisième évoquera une femme espiègle et séductrice qui
insupporte son mari en faisant tinter ses bracelets. Le récital s'est
terminé avec une pièce de danse pure dans laquelle Isabelle Anna prononçait
les syllabes rythmiques sur lesquelles les mouvements de la danseuse
s'appuyaient. Le cycle rythmique était Chautal (12 temps). Si les temps forts
étaient au début marqués de façon très nette, avec une virtuosité d'autant
plus grande que l'on s'approchait de la fin des cycles rythmiques, les
développements successifs ont mis en lumière des variations très complexes
et nettement moins évidentes à suivre !
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Salle Pleyel — 2013-04-13
Quatuor Hagen
Lukas Hagen, Rainer Schmidt, violons
Veronika Hagen, alto
Clemens Hagen, violoncelle
Quatuor à cordes nº15 (Beethoven)
Quatuor à cordes nº8 “Razumovski” (Beethoven)
Salle Pleyel — 2013-04-14
Quatuor Hagen
Lukas Hagen, Rainer Schmidt, violons
Veronika Hagen, alto
Clemens Hagen, violoncelle
Quatuor à cordes nº11 “Quartetto serioso” (Beethoven)
Quatuor à cordes nº10 “Les Harpes” (Beethoven)
Quatuor à cordes nº6 (Beethoven)
Salle Pleyel — 2013-04-14
Quatuor Hagen
Lukas Hagen, Rainer Schmidt, violons
Veronika Hagen, alto
Clemens Hagen, violoncelle
Quatuor à cordes nº9 “Razumovski” (Beethoven)
Quatuor à cordes nº13 (Beethoven)
Grande Fugue, op. 133 (Beethoven)
J'ai assisté à ces trois premiers concerts de l'intégrale Beethoven par le quatuor Hagen. J'en ressors émerveillé par la variété de la production du compositeur en la matière. Le quatuor Hagen m'a tout particulèrement ému pendant les mouvements lents, comme la première moitié Adagio du quatrième mouvement du Quatuor nº6 ou le Molto Adagio du Quatuor nº8 “Razumovski”. Lors du premier concert, j'ai été bluffé par l'unité du quatuor que je n'ai plus vraiment regardé, mais seulement écouté comme s'il s'agissait d'un unique instrument.
Une partie public s'est montré particulèrement grossière lors du concert du samedi soir. Les tousseurs sont une plaie. On peut presque s'estimer heureux quand les toux se concentrent entre les mouvements ; c'est un moindre mal. Cependant, il est inacceptable qu'à la fin d'un mouvement lent les hordes de toux se déclenchent sur le silence de fin alors que les archets des musiciens sont encore en contact avec les cordes... Le concert du dimanche matin s'est passé dans de bonnes conditions, mais la première moitié de celui de l'après-midi m'a été rendue insupportable par les ronflements du spectateur situé derrière moi, et ce pendant toute la durée du quatuor nº9 “Razumovski”. Replacé à l'arrière-scène pour le quatuor nº13, j'ai pour la première fois entendu le bruit de fond de la salle Pleyel. C'est un bruit irrégulier assez déplaisant (ventilation, canalisations, appareils électronico-mécaniques ?). D'après mes expérimentations plus récentes en Salle Pleyel, cela ne s'entend que depuis l'arrière-scène pendant les passages les plus doux.
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Opéra Garnier — 2013-04-14
Jochen Schmeckenbecher, Peter
Irmgard Vilsmaier, Gertrud
Daniela Sindram, Hänsel
Anne-Catherine Gillet, Gretel
Anja Silja, Die Knusperhexe
Elodie Hache, Sandmännchen
Olga Seliverstova, Taumännchen
Claus Peter Flor, direction musicale
Mariame Clément, mise en scène
Julia Hansen, décors et costumes
Philippe Berthomé, éclairages
Mathieu Guilhaumon, chorégraphie
Orchestre de l'Opéra national de Paris
Maîtrise des Hauts-de-Seine, Chœur d'enfants de l'Opéra national de Paris
Hänsel und Gretel, Humperdinck
La musique de Humperdinck sauve cette soirée. Le compositeur a manifestement bien écouté Wagner dont quelques effets orchestraux sont réutilisés dans Hänsel et Gretel. Parfois, j'ai presque eu l'impression d'entendre des citations de Wagner. Le problème de cette production est que les conceptrices du spectacle n'ont pas tenu du compte du fait que l'Opéra Garnier était un théâtre à l'italienne. N'ayant vu que les deux-tiers de gauche de la scène, il m'a néanmoins semblé que la mise en scène de Mariame Clément fait des aventures des deux enfants un rêve dans lequel leur mère (ou belle-mère ?) apparaît en sorcière. Pourquoi pas, mais visuellement sans être affreux, tout est assez laid et la réalisation n'est pas très convaincante. Les chanteurs, comédiens et figurants (doublant ou triplant les personnages) sont comme enfermés dans les compartiments du décor à deux étages. La seule scène que j'ai trouvée assez bien faite a été celle où Hänsel et Gretel commencent à manger la maison en pain d'épices de la sorcière, mais j'ai ressenti comme un décalage entre l'intellectualisation de l'histoire sous forme de rêve et le style un peu naïf de certains décors ou costumes. Bref, tout cela n'est pas très enthousiasmant...
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Salle Pleyel — 2013-04-16
Orchestre Colonne
Laurent Petitgirard, direction
Traverses (Prodromidès)
Viktoria Kogan, direction
Variations sur un thème de Paganini (Rachmaninov)
Symphonie nº5 (Tchaikovski)
Encore un magnifique concert de l'Orchestre Colonne. L'œuvre contemporaine, choisie avec goût comme toujours avec cet orchestre, était de Prodrominès. Elle alterne passages de tension et passages de relâchement. J'apprécie ensuite l'étendue du talent de la pianiste Viktoria Kogan dans les Variations sur un thème de Paganini de Rachmaninov. Après l'entr'acte, l'orchestre s'est déchaîné dans la Cinquième symphonie de Tchaikovski dont j'ai particulièrement apprécié les trois derniers mouvements. Pendant tout le concert, un musicien de l'orchestre m'a sidéré : un grand bravo au clarinettiste !
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Opéra Garnier — 2013-04-17
Élèves de l'école de danse de l'Opéra
Orchestre des Lauréats du Conservatoire
Marius Stieghorst, direction musicale
Jean-Philippe Rameau, musique (extrait des Indes Galantes, 1735)
Béatrice Massin, Nicolas Paul, chorégraphie
Olivier Bériot, costumes
Madjid Hakimi, lumières
Valentin Chou
D'ores et déjà
Charles Gounod, musique (extrait de l'acte V de Faust, 1859)
Claude Bessy, chorégraphie d'après Léo Staats
Madjid Hakimi, lumières
Roxane Stojanov, Hélène
Nine Seropian, Cléopâtre
Awa Joannais, Phrynée
Camille Bon, Aspasie
Clara Spitz, Laïs
La Nuit de Walpurgis
Maurice Pacher, musique
Jacques Garnier, chorégraphie (1979) réglée par Wilfried Romoli
Christian Pacher, accordéon diatonique
Gérard Baraton, accordéon chromatique
Marin Delavaud, Julien Guillemard, Pablo Legasa
Aunis
Gioacchino Rossini, musique (Sonate nº1 en sol majeur, extraits des Sonates nº3 en do majeur, nº4 en si bémol majeur, nº5 en mi bémol majeur pour cordes, 1804)
Jean-Guillaume Bart, chorégraphie (2000)
Philippe Binot, costumes
François-Éric Valentin, lumières
Péchés de jeunesse
Plutôt que des ballets narratifs comme Coppélia ou Piège de
lumière présentés ces dernières années par les élèves de l'école
de danse dans des programmes comportant aussi des pièces moins classiques
ou néo-classiques, on n'aura vu dans ce programme que des pièces de
danse pure
, certes fort bien exécutées, mais qui me laissent
globalement assez indifférent. D'ores et déjà est une pièce pour
garçons : comme exercice d'appropriation du langage de la danse baroque
pour les élèves, elle est intéressante, mais en tant que ballet présenté
dans un spectacle, elle manque singulièrement de consistance... Les filles
s'illustrent par le placement et quelques variations dans La Nuit de
Walpurgis. Seul Aunis me convainc par l'engagement des trois
danseurs et des deux accordéonistes dans cette pièce très vive. Malgré tout
le bien que je pense de Jean-Guillaume Bart en tant que chorégraphe pour la
La Source, je n'ai pas été excessivement
enthousiasmé par les balanchiniens Péchés de jeunesse. On y voit
des couples de danseurs, qui s'illustrent dans des pas de deux comportant
des portés, mais il ne suffit pas qu'un homme et une femme se rencontrent
pour qu'un ballet raconte une histoire...
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Salle Pleyel — 2013-04-18
Académie du Chœur de l'Orchestre de Paris
Lionel Sow, direction
Margot Modier, piano
Pauline Amar, Charlotte Bozzi, Sterenn Gourlaouen, Lauriane Launay, Anne-Sophie Petit, Juliette Rennuit, Marion Trigo, Louise Vanderlynden, sopranos
Lola Dauthieux, Julie Nemer, Sarah-Léna Winterberg, altos
Maxence Douez, ténor
Timothée Sonnier, basse
Spanisches Liederspiel, op. 74, nº1, nº3, nº8(Schumann)
Drei sweistimmige Lieder, op. 43 (Schumann)
Zwölf Gedichte aus “Liebesfrühling” (Rückert) (Schumann)
Lieder-Album für die Jugend, op. 79, nº9, nº15, nº18, nº20, nº24 (Schumann)
Drei Lieder, op. 114, nº2 (Schumann)
Sommerruh, WoO7 (Schumann)
Mädchenlieder, op. 103 (Schumann)
Drei Gedichte nach Emanuel Geibel, op. 29, nº1, nº2 (Schumann)
En prélude au concert de l'Orchestre de Paris avait lieu le premier concert de l'Académie du Chœur de l'Orchestre de Paris dirigé par Lionel Sow. Bien que le programme fût 100% Schumann, une publicité plus importante n'aurait pas été superflue puisqu'à peine une cinquantaine de spectateurs ont assisté à ce beau concert de 12 chanteuses et 2 chanteurs.
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Salle Pleyel — 2013-04-18
Philippe Aïche, violon solo
Orchestre de Paris
Alondra de la Parra, direction
Capriccio espagnol, suite pour orchestre, op. 34 (Rimski-Korsakov)
Nikolaï Lugansky, piano
Concerto pour piano nº2 en fa mineur, op. 21 (Chopin)
Le Tricorne, suites orchestrales nº1 et nº2 (Manuel de Falla)
Danzón nº2 (Arturo Márquez)
Quelle idée saugrenue d'insérer un concerto de Chopin dans un tel programme ! Si j'ai aimé le deuxième mouvement du concerto, par le jeu varié de Lugansky et le doux accompagnement de l'orchestre, l'intérêt principal du concert venait des œuvres hispanisantes ou mexicaines. L'orchestre est dirigé par la jeune chef Alondra de la Parra. S'il n'y a rien de remarquable à ce que sa main droite batte régulièrement la mesure, il est plus singulier pour un chef que l'ensemble de son être paraisse à ce point animé par la musique que ses manifestations extérieures ne semblent qu'un prolongement d'une animation plus intérieure. La chef danse sur son estrade ! Si elle faisait du bharatanatyam, je dirais qu'elle est aussi douée en danse pure qu'en abhinaya, l'art de l'expression (dans lequel excelle aussi le chef Andris Nelsons). Quel regard ! Dans la deuxième partie du programme, l'orchestre se déchaîne, d'abord dans Le Tricorne, et surtout dans l'irrésistible Danzón nº2 d'Arturo Márquez.
Ailleurs : Paris — Broadway, Andante con anima, Palpatine.
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Opéra Bastille — 2013-04-19
Gustav Mahler, musique
John Neumeier, chorégraphie, décor et lumières (1975)
Kevin Haigen, Victor Hughes, assistants du chorégraphe
Madjid Hakimi, réalisation lumières
Orchestre et Chœur de l'Opéra national de Paris
Simon Hewett, direction musicale
Aline Martin, mezzo soprano
Alessandro Di Stefano, chef de chœur
Maîtrise des Hauts-de-Seine, Chœur d'enfants de l'Opéra national de Paris
Mathieu Ganio, Laëtitia Pujol
Vincent Chaillet, Alessio Carbone, Cyril Mitilian, Fabien Révillion, Florian Magnenet, Vincent Cordier
Charline Giezendanner, Muriel Zusperreguy, Eve Grinsztajn, Laura Hecquet, Nolwenn Daniel
Troisième Symphonie de Gustav Mahler
Il a fallu attendre le dernier tableau Ce que me conte l'amour pour j'apprécie véritablement ce spectacle grâce au superbe pas de deux entre Mathieu Ganio et Laëtitia Pujol. Alors que j'étais installé au fond du deuxième balcon, j'ai vu vers 19h29 un groupe de scolaires entrer. La très intelligente régie de l'Opéra a bien sûr coupé les lumières pour les empêcher de trouver leur place. Cela a complètement pourri les premières minutes du premier mouvement de la Troisième symphonie de Mahler, lequel a des proportions inquiétantes. Je n'ai pas accroché à cette musique. Je suis en effet écartelé entre diverses sensations contradictoires et simultanées : une oreille me signale une danse joyeuse, une autre des gloussements des instruments à vents, tandis qu'une marche militaire tente d'entraîner le corps entier dans une agitation martiale. Je n'avais pas vu l'entrée au répertoire de ce ballet de Neumeier en 2009, mais si je n'ai pas été émerveillé par ce ballet, j'ai trouvé que l'œuvre était bien montée, avec des danseurs qui semblent totalement investi dans leurs rôles abstraits. Parmi eux, Charline Giezendanner m'a paru particulièrement convaincante.
On dit parfois que le silence à la fin de Mozart est aussi de Mozart. Ce soir, le silence à la fin de Mahler n'était pas de Mahler. Même l'accord final ne lui appartenait plus. Je ne comprends pas qu'une proportion aussi importante du public soit aussi peu respectueuse de la musique pour applaudir un rideau en train de descendre...
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Salle Pleyel — 2013-04-24
Académie de l'Orchestre de Paris
Ambroisine Bré, mezzo-soprano
Chloé Dufossez, flûte
Olivier Marger ou Aurélien Pascal, violoncelle
Mayoko Surayya Salloum, piano
Trois chansons madécasses pour flûte, mezzo, violoncelle et piano (Ravel)
Khoa-Nam Nguyen, Lev Bogino, violons
Issey Nadaud, alto
Rémi Carlon, violoncelle
Quatuor à cordes en la mineur, 1889 (Sibelius)
Salle Pleyel — 2013-04-25
Académie de l'Orchestre de Paris
Quatuor Tosca
Constance Ronzatti, Marc Desjardins, violons
Marine Gandon, alto
Armance Quéro, violoncelle
Quatuor à cordes en la mineur, op. 51 nº2 (Brahms)
Avant d'assister aux deux représentations du programme Ravel/Sibelius/Brahms de l'Orchestre de Paris, je suis allé aux deux courts concerts donnés en prélude mercredi et jeudi. J'ai été très convaincu de l'interprétation des chansons madécasses de Ravel dont le texte, à défaut d'être complètement intelligible, l'était davantage que lorsque j'avais entendu pour la première fois cette œuvre il y a quelques mois. Le violoncelliste m'a beaucoup plu, mais son nom me restera inconnu, puisque comme la semaine précédente, il y a des coquilles dans la fiche de distribution. Les jeunes musiciens interprétant le quatuor de Sibelius étaient convaincants, mais dans l'ensemble j'avais l'impression d'entendre trop le premier violon et le violoncelle au détriment du second violon et de l'alto qui avaient un très beau son. Le quatuor Tosca (qui n'était exceptionnellement féminin qu'aux trois quarts) est plus avancé et m'a fait passer un très bon moment, en particulier dans les premier et quatrième mouvements du quatuor à cordes op. 51 nº2 de Brahms.
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Théâtre des Champs-Élysées — 2013-04-26
Orchestre de chambre de Paris
Ivor Bolton, direction
Divertissement en fa majeur nº10 (Mozart)
Gidon Kremer, violon
Polonaise pour violon et orchestre en si bémol majeur (Schubert)
Konzertstück pour violon et orchestre en ré majeur (Schubert)
Maria Fedotova, flûte
Impromptu pour flûte, violon et orchestre à cordes (Sofia Gubaidulina/Schubert)
Andante et Rondo pour flûte et orchestre en ut majeur (Mozart)
Symphonie nº104 en ré majeur (Haydn)
Ce concert aurait été épouvantablement ennuyeux s'il n'y avait eu avant l'entr'acte l'adaptation pour flûte, violon et orchestre à cordes par la compositrice Sofia Gubaidulina de l'Impromptu en la bémol mineur op. 90 nº4 de Schubert et en fin de programme la symphonie nº104 de Haydn. J'ai beaucoup aimé la flûtiste Maria Fedotova qui passait parfois à la flûte alto dans l'œuvre de Gubaidulina/Schubert. La transcription de la première phrase pour la flûte plutôt que tout autre instrument me rappelait de façon amusante la Badinerie de Bach. Dans la symphonie nº104 de Haydn, j'ai aimé retrouver certains détails auxquels j'avais déjà goûté, mais d'autres ont été un peu noyés dans le volume orchestral. L'orchestre jusque là apathique jouait vraiment. J'eusse aimé qu'ils jouassent comme ça pendant tout le concert et de façon plus engagée encore dans cette symphonie, puisque cette nouvelle audition ne m'a pas procuré un plaisir plus grand qu'avec l'Orchestre des Concerts Gais. Cela faisait quatre ans que je n'avais pas vu le chef Ivor Bolton. Je vais sans doute attendre encore quelques années avant de retenter l'expérience...
2013-05-03 21:32+0200 (Orsay) — Culture — Musique — Danse — Culture indienne — Planning
Voici mon programme de spectacles pour le mois de mai :
2013-04-28 21:36+0200 (Orsay) — Culture — Musique
Salle Pleyel — 2013-04-20
Solistes des Berliner Philharmoniker
Olaf Maninger, violoncelle
Sunwook Kim, piano
Sonate pour violoncelle et piano nº1 en mi bémol, op. 38 (Brahms)
Guy Braunstein, violon
Amihai Grosz, alto
Zvi Plesser, violoncelle
Sunwook Kim, piano
Quatuor pour piano et cordes nº3 en ut mineur, op. 60 (Brahms)
Guy Braunstein, violon
Christoph Streuli, violon
Amihai Grosz, alto
Zvi Plesser, violoncelle
Wenzel Fuchs, clarinette
Quintette pour clarinette et cordes en si mineur, op. 115 (Brahms)
Salle Pleyel — 2013-04-21
Solistes des Berliner Philharmoniker
Wenzel Fuchs, clarinette
Zvi Plesser, violoncelle
Alexei Volodin, piano
Trio pour clarinette, violoncelle et piano en la mineur, op. 114 (Brahms)
Guy Braunstein, violon
Alexei Volodin, piano
Sonate pour violon et piano nº2 en la majeur, op. 100 (Brahms)
Guy Braunstein, violon
Amihai Grosz, alto
Olaf Maninger, violoncelle
Alexei Volodin, piano
Quatuor pour piano et cordes nº2 en la majeur, op. 26 (Brahms)
Ces deux concerts faisant partie de l'intégrale berlinoise de la musique de chambre de Brahms étaient les derniers bénéficiant de la participation du violoniste Guy Braunstein (cf. mes billets sur les épisodes #1 & #2 et #3 & #4).
Dans ces deux concerts, je retiens deux moments forts. Le premier a été l'interprétation du quintette pour clarinette et cordes à la fin du premier concert. Cette interprétation m'a semblé avoir plus de relief que celle entendue il y a quelques semaines à la Cité de la musique. Cette fois-ci, j'ai été passionné parce que j'entendais depuis le tout début (et la première intervention du clarinettiste Wenzel Fuchs...) jusqu'à la fin. J'ai particulièrement apprécié la façon qu'ont eu les musiciens très engagés d'accentuer un passage du quatrième mouvement Con moto en assumant complètement ses airs de musique populaire, et donc en frappant assez franchement leurs pieds contre le sol.
L'autre grand moment a été pour moi l'interprétation du quatuor avec piano nº2 joué à la fin du deuxième concert du week-end. Pour écouter cette œuvre, j'avais fui l'arrière-scène et la proximité d'une chaussure féminine qui se frottait trop souvent au plancher pour rejoindre le tout premier rang à peu près au niveau de l'ourlet du pantalon du violoniste. L'audition de cette œuvre me procura un immense plaisir ! Le deuxième mouvement Poco adagio fut pour moi et mes glandes lacrymales d'une beauté insoutenable. Dans le quatrième, j'ai aimé le duo amoureux auquel se livraient le violoniste Guy Braunstein et l'altiste Amihai Grosz qui se faisaient face, un duo arbitré par le regard bienveillant du violoncelliste Olaf Maninger qui était au centre, entre eux et l'excellent pianiste Alexei Volodin.
Ailleurs : Paris — Broadway.
2013-04-07 16:32+0200 (Orsay) — Culture — Musique — Danse — Danses indiennes — Culture indienne
Centre d'animation de la Place des Fêtes — 2013-04-05
Surya & Vanishree, bharatanatyam
Kalaimmamani MK Saroja, chorégraphies
Muthuswamy Pillai, chorégraphie de Jatiswaram Mallika
Sangeeta Isvaran, chorégraphie de Bho Shambho
Vidya, adaptation des chorégraphies pour duo
Geneviève Motard, lecture des textes
Subramanyam Kautwam
Mathura Mathura
Jatiswaram Mallika
Netrandi Neretille
Bho Shambho
Yen Palli Kondir
Tillana Mohana
N'étant pas disponible pour la deuxième représentation de ce programme prévue au Centre Mandapa le 20 avril, j'ai fait la connaissance des escalators géants de la Place des Fêtes pour voir ce duo de bharatanatyam au Centre d'animation voisin. La présentation de ce spectacle est très soignée. Chaque pièce est introduite par une lecture convaincante des textes poétiques qui seront illustrés sur scène. Le nom des chorégraphe est aussi donné. Toutes ces informations sont d'ailleurs dans la feuille distribuée à l'entrée. Sur le papier, le programme était vraiment très alléchant. Je m'attendais à être bouleversé, mais je n'ai trouvé ce spectacle que bon. En effet, comme pour le spectacle de Priya Venkataraman vu il y a quelques jours, les deux danseuses Surya et Vanishree ne dansent ensemble pour ainsi dire que dans les pièces de danse pure ; le duo introductif Subramanyam Kautwam était le seul duo comportant une part narrative. Les chorégraphies prévues pour une danseuse soliste ont été adaptées pour un duo par Vidya. Ce travail d'adaptation est néanmoins assez intéressant. Le plus souvent, les deux danseuses exécutent les mêmes mouvements, mais le duo explore diverses combinaisons de symétries. Parfois, elles sont côte à côte et exécutent exactement les mêmes mouvements, parfois c'est comme s'il y avait un miroir au milieu de la scène. D'autres fois, l'une est de face tandis que l'autre est de dos. Les symétries sont parfois pensées dans le temps plutôt que dans l'espace, une danseuse exécutant les mêmes mouvements que l'autre avec un retard volontaire, comme en écho. Ces pièces de danse pure sont rafraîchissantes et les mouvements des bras et des mains, très affutés, sont parfaitement synchronisés avec la musique.
Je n'ai pas été totalement convaincu par les pièces ayant une composante narrative. Les chorégraphies font davantage allusion à des épithètes caractérisant les divinités qu'elles ne racontent une histoire ayant une certaine unité. Les strophes choisies évoquent en un nombre réduit de mots de nombreux faits associés à une divinité. D'une part certains vers sont répétées ce qui induit des répétitions (avec des variations) dans la chorégraphie, et d'autre part il est difficile à la danseuse de représenter tout ce que dit le texte de façon convaincante. J'ai eu le sentiment que beaucoup d'éléments narratifs étaient présents de façon trop furtive dans les chorégraphies. Alors que je connais très bien les histoires qui étaient racontées, bien souvent je n'étais pas tout à fait sûr de savoir où on en était... Ces difficultés, qui viennent à mon avis davantage des chorégraphies que des interprètes, se posaient moins dans les pièces dansées par Vanishree que dans celles dansées par Surya (Netrandi Neretille mettant en scène les amours de Murugan et Yen Palli Kondir évoquant Vishnu par l'image du dieu couché sur le serpent Ananta et par les exploits de son avatar Rama). Dans Mathura Mathura dansé par Vanishree, j'ai aimé l'apparition de l'archer Kama, le dieu de l'amour qui était nommé Madana dans le texte chanté. J'ai été tout étonné de reconnaître les gestes de mains qui signifient que les yeux de Krishna sont la soleil et la lune. Parmi les originalités de la chorégraphie ou de son interprétation, j'ai apprécié que la danseuse approfondisse la pose traditionnelle représentant Krishna comme flûtiste. Je crois en effet que c'est la première fois que je vois une danseuse agiter délicatement ses doigts pour mieux signifier que Krishna joue d'une flûte.
La pièce la plus convaincante du récital était à mon avis Bho Shambho, dansée par Vanishree. Je suis toujours ravi d'entendre cette musique en hommage à Shiva dans un récital de bharatanatyam. Je pense avoir déjà vu des chorégraphies et interprétations illustrant de façon plus frappante l'aspect viril de cette divinité. Toutefois, je me suis délecté des passages évoquant son tambour Damaru, son œil foudroyant, la descente de la déesse fluviale Ganga, etc. La fin de la pièce dans laquelle la danseuse tourne rapidement sur elle-même en récapitulant les divers aspects de Shiva était très impressionnante.
2013-04-04 00:07+0200 (Orsay) — Culture — Musique — Danse — Culture indienne — Planning
Voici mon programme de spectacles pour le mois d'avril :
2013-04-01 16:06+0100 (Orsay) — Culture — Musique — Opéra — Danse
Au cours du mois de mars j'ai déjà eu l'occasion de développer mes impressions sur le concert de Romain Guyot et du Chamber Orchestra of Europe, sur leur Don Giovanni et sur le programme de bharatanatyam de Priya Venkataraman. Pour les autres spectacles vus au cours du mois, voici le vite dit de mars :
Opéra Garnier — 2013-03-06
Hommage à Rudolf Noureev
Orchestre Colonne
Fayçal Karoui, direction musicale
Polonaise, extraite de l'acte I du Lac des cygnes (Tchaikovsky)
Ballet de l'Opéra
Les Élèves de l'École de Danse
Piotr Ilyitch Tchaikovski, musique
Rudolf Noureev, chorégraphie (1985)
Nicholas Georgiadis, costumes
Myriam Ould-Braham, Christophe Duquenne
Casse-Noisette (La marche des enfatns, extrait de l'acte I, deuxième tableau, Pas de deux extrait de l'acte I, cinquième tableau)
Piotr Ilyitch Tchaikovski, musique
Rudolf Noureev, chorégraphie (1989) d'après Marius Petipa
Franca Squarciapino, costumes
Aurélie Dupont, Audric Bezard, Vincent Chaillet, Stéphane Phavorin, Yann Saïz
La Belle au Bois dormant (Adage à la Rose, Pas de cinq extrait de l'acte I)
Sergueï Prokofiev, musique
Rudolf Noureev, adaptation et chorégraphie (1986) d'après Marius Petipa
Hanae Mori, costumes
Marie-Agnès Gillot, Florian Magnenet
Cendrillon (Pas de deux extrait de l'acte II)
Ludwig Minkus, musique
John Lanchberry, arrangements
Rudolf Noureev, chorégraphie (1981)
Elena Rivkina, costumes
Ève Grinsztajn, Vincent Chaillet (Fandango)
Ludmila Pagliero, Karl Paquette (Pas de deux)
Don Quichotte
Alexandre Glazounov, musique
Rudolf Noureev, chorégraphie (1983) d'après Marius Petipa
Nicholas Georgiadis, costume
Isabelle Ciaravola
Raymonda (Variation de Raymonda extrait de l'acte III)
Piotr Ilyitch Tchaikovski, musique
Rudolf Noureev, chorégraphie (1984) d'après Marius Petipa et Lev Ivanov
Franca Squarciapino, costumes
Émilie Cozette, Hervé Moreau (Adage du pas de deux extrait de l'acte II)
Dorothée Gilbert, Mathieu Ganio, Benjamin Pech (Pas de trois)
Le Lac des Cygnes
Sergueï Prokofiev, musique
Rudolf Noureev, chorégraphie (1984)
Ezio Frigerio, Mauro Pagano, costumes
Laëtitia Pujol, Nicolas Le Riche
Roméo et Juliette (Pas de deux extrait de l'acte I)
Piotr Ilyitch Tchaikovski, musique
Rudolf Noureev, chorégraphie (1979)
Nicholas Georgiadis, costume
Mathias Heymann
Manfred (Variation du Poète extrait du quatrième tableau)
Ludwig Minkus, musique
John Lanchberry, arrangements
Rudolf Noureev, chorégraphie (1992) d'après Marius Petipa
Franca Squarciapino, costumes
Agnès Letestu, Stéphane Bullion
La Bayadère (Les Ombres, extraits de l'acte III)
Il m'est difficile de commenter ce spectacle de danse puisque mon placement ne me permettait de voir qu'une petite moitié de la scène. Ce que j'ai vu m'a peu enthousiasmé. Je crois que j'aime trop la danse narrative pour être intéressé par ces extraits sortis de tout contexte dramatique. Avant l'entr'acte, je ne suis guère intéressé que par les extraits de Don Quichotte, qui à défaut d'émouvoir émerveillent par la vivacité des danseurs, notamment Ève Grinsztajn, et Ludmila Pagliero. Après l'entr'acte, il faudra que Nicolas Le Riche (Roméo) et Laëtitia Pujol (Juliette) entrent en scène pour que je me passionne pour ce qui se passait sur scène. Une ovation méritée pour eux, tout comme pour Mathias Heymann que le public était heureux de revoir, enfin ! La présence de l'acte des Ombres de La Bayadère au programme m'avait fait adopter une tenue toute indienne pour cette soirée de gala. Vu de biais, la descente des trente-deux ballerines perd quelque peu de ses vertus géométriques, mais ce fut un passage émouvant tout comme le pas de deux entre Agnès Letestu et Stéphane Bullion.
Dans l'Orchestre Colonne, j'ai particulièrement aimé les interventions conjointes des harpes et des flûtes. J'ai aussi entendu un superbe solo de violoncelle. L'interprète n'étant pas dans mon chant de vision, je me suis mis sur la pointe des pieds pour l'apercevoir, et bien sûr il s'agissait de la violoncelliste que j'avais tant appréciée lors d'un précédent concert Colonne.
⁂
Salle Pleyel — 2013-03-15
London Symphony Orchestra
Frank Strobel, direction
Jurassic Park (Thème) (John Williams)
Les Dents de la mer (Suite) : Thème du requin, En mer et Fugue de la cage du requin (John Williams)
La Liste de Schindler : Nº2 Ville juive, Nº1 Thème (John Williams)
Indiana Jones et le Royaume du crâne de cristal (Suite) : Extraits nº1, 3, 4 (John Williams)
Les Aventuriers de l'arche perdue : La Marche des aventuriers (John Williams)
Hook : Vol vers le Pays imaginaire (John Williams)
La Guerre des mondes : La Fuite de la ville, Épilogue (John Williams)
Rencontres du troisième type (Extraits) (John Williams)
L'Empire du soleil : La nouvelle vie de Jim (John Williams)
Le Terminal : L'Histoire de Viktor Navorski (John Williams)
E. T. : Aventures sur terre (John Williams)
Munich (John Williams)
1941 (John Williams)
Star Wars Theme (John Williams)
Les musiques de films de John Williams de la première partie de ce concert du London Symphony Orchestra m'étaient familières, et m'ont procuré le sentiment de retomber en enfance. Le Thème du requin des Dents de la mer était particulièrement impressionnant, et la fugue particulièrement délectable, tout comme, plus loin les apparitions d'abord fugitives puis indiscutablement spectaculaires du thème d'Indiana Jones. Avec la deuxième partie, je découvre des titres de films de Spielberg que je ne connaissais pas. Si tous les extraits vidéo montrés pendant le concert ne m'incitent pas à visionner ces films (surtout 1941, joué en bis), les musiques m'ont toutes beaucoup plu. Je n'osais trop y croire puisque le thème du concert était Williams/Spielberg et non Williams/Lucas, mais en troisième bis, l'orchestre a joué la musique de Star Wars pour le plus grand plaisir de tous les auditeurs !
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Opéra Comique — 2013-03-17
Pascal Rophé, direction musicale
Ludovic Lagarde, mise en scène
Antoine Vasseur, décors
Fanny Brouste, costumes
Sébastien Michaud, lumières
Lidwine Prolonge, vidéo
Élodie Dauguet, assistante décors
Julian Janeczko, assistant vidéo
Christophe Manien, assistant chef d'orchestre
Anna Caterina Antonacci, Contessa Susanna, Elle
Vittorio Prato, Conte Gil
Bruno Danjoux, Sante
Orchestre Philharmonique du Luxembourg
Il Segreto di Susanna, Ermanno Wolf-Ferrari
La Voix humaine, Francis Poulenc
À l'écoute de l'ouverture du Secret de Susanne, je me suis
dit : Non, ce n'est pas possible, Minkus a écrit un opéra. Au
secours !
. Par la suite, la façon de mettre le texte en musique me fait
davantage penser à Puccini. À défaut d'être bouleversante, la musique me
semble luxueusement bien jouée par l'Orchestre Philharmonique du Luxembourg
dont j'ai tout particulièrement apprécié les instruments à vents.
L'histoire de cet opéra est inintéressante au possible. Un opéra de
boulevard... Le secret de Susanne est qu'elle fume, son mari s'imagine
qu'elle le trompe avec un homme, car seul un homme pourrait fumer,
pense-t-il. Toutefois, autant le texte que la mise en scène laissent une
part de doute sur le rôle du valet, ne partage-t-il avec Susanna que son
addiction pour le tabac ? Le rôle du mari est très bien chanté par le
baryton Vittorio Prato.
Anna Caterina Antonacci est l'artiste lyrique que j'ai vue le plus souvent en concert. Quatorze fois ! La première fois était il y a presque dix ans dans Agrippina de Händel au Théâtre des Champs-Élysées. Ces dernières années, mes expériences d'auditeurs la concernant ont été contrastées (pour le meilleur et pour le pire). Mes dernières impressions sur Les Troyens était mitigées. Dans la salle à taille plus humaine de l'Opéra Comique, j'ai l'impression de la retrouver en pleine possession de ses moyens ! Quand la chanteuse bascule en français pour La Voix humaine de Poulenc après l'entr'acte, elle achève de me convaincre. Jamais je ne l'ai entendue chanter un texte français de façon aussi intelligible. Il n'était plus nécessaire de lire surtitres pour se laisser émouvoir par l'évolution du drame jusqu'à sa conclusion avec la terminaison de la conversation téléphonique de l'héroïne.
Tout comme dans la production d'Orphée et Eurydice que j'avais vue à la MC93 Bobigny, le décor représente un appartement moderne dont on peut voir l'héroïne parcourir les différentes pièces puisque le décor peut tourner sur lui-même. Voilà à peu près l'unique idée que j'aie distinguée dans la mise en scène...
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Salle Pleyel — 2013-03-18
Klangforum Wien
Neue Vocalsolisten Stuttgart
Tito Ceccherini, direction
Daniele Pollini, piano
Carnaval nº10 Lascia vibrare (Salvatore Sciarrino)
Carnaval nº11 Stanze della pioggia (Salvatore Sciarrino)
Carnaval nº12 Liuto senza corde (Salvatore Sciarrino)
Maurizio Pollini, piano
Sonate pour piano nº30 en mi majeur op. 109 (Beethoven)
Sonate pour piano nº31 en la bémol majeur op. 110 (Beethoven)
Sonate pour piano nº32 en ut mineur op. 111 (Beethoven)
Ne raffolant pas des récitals pour piano, j'ai trouvé bienvenue la forme de ce concert. En première partie, un orchestre a joué trois œuvres de musique de chambre contemporaines de Salvatore Sciarrino. La première m'a beaucoup plu du fait de l'utilisation d'un chœur de quelques chanteurs solistes dont les voix se mêlent très harmonieusement. Quelle justesse ! La musique repose sur l'utilisation de glissandi par les instruments qui le permettent (les violoncelles, les trombones, les voix). Quoique le matériau musical y soit un peu trop délayé à mon goût, j'apprécie les idées développées dans le deuxième morceau, purement instrumental. Un thème très reconnaissable de quatre notes (dont les deux dernières sont liées dans un glissando) revient fréquemment au violoncelle. J'aime la direction très claire de Tito Ceccherini (dont la tête me disait quelque chose, et pour cause : il dirigeait Reigen il y a quelques semaines de cela). Toutefois, le volume sonore produit par l'effectif orchestral très réduit aurait pu trouver meilleur écrin que la volumineuse Salle Pleyel. Les petits bruits des spectateurs (sans même parler des toux) perturbent quelque peu l'audition de cette œuvre.
La deuxième partie du concert m'a donné à entendre le pianiste Maurizio Pollini dans les sonates nº30, 31 et 32 de Beethoven. Je n'avais jamais entendu de sonates de Beethoven en concert. Ce fut pour moi une expérience très réjouissante. Que j'aime la façon dont ce pianiste fait ressortir la pulsation de cette musique !
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Salle Pleyel — 2013-03-19
Orchestre Philharmonique de l'Oural
Dmitri Liss, direction
Suite pour orchestre nº3 (Tchaikovski)
Chœur Symphonique de l'Oural
Yana Ivanilova, soprano
Alexander Timchenko, ténor
Pavel Baransky, basse
Les Cloches, op. 35 (Rachmaninov)
J'avais choisi ce concert de l'Orchestre Philharmonique de l'Oural parce que La Nuit sur le mont Chauve de Moussorgsky était programmée. Le programme du concert a été chamboulé. Je découvre la Suite pour orchestre nº3 de Tchaikovski, qui à défaut de me bouleverser maintient mon intérêt du fait de sa forme très variée : une atmosphère pastorale au tout début, la mise en valeur des altos et du cor anglais, une superbe fugue et une fin hydravionesque très bien amenée (un mix entre l'Arlésienne de Bizet et la Polonaise d'Eugène Onéguine du même Tchaikovski).
Le concert n'était pas surtitré, j'ignore le sens du texte russe (traduit d'une œuvre d'Edgar Allan Poe) que le chœur et les solistes ont chanté après l'entr'acte. Cela n'a pas nui à mon plaisir d'écouter la musique des Cloches de Rachmaninov comme s'il s'agissait d'une mystérieuse féerie musicale. Cela valait le déplacement ne serait-ce que pour les interventions du cor anglais en arrière-plan dans la partie chantée par la basse.
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Salle Pleyel — 2013-03-21
Philippe Aïche, violon solo
Orchestre de Paris
Paavo Järvi, direction
Symphonie nº1 (Dutilleux)
Concerto pour violon nº2 (Bartók)
Gil Shaham, violon
Gavotte en rondeau de la Partita nº3 en mi majeur, BWV 1006, Bach
Symphonie nº1 en ut majeur, opus 21 (Beethoven)
Je ne m'attendais pas à ce que la Première Symphonie de Beethoven soit
le point culminant de ce concert ! Pourtant, le chef Paavo Järvi
(exceptionnellement sans partition) et l'orchestre de Paris étaient
réjouissants comme jamais. L'enthousiasme unanime de tous les musiciens ne
faisait nullement obstacle à l'appréciation des joyeux détails
d'orchestration de cette œuvre. Avant cela, le concert avait déjà fort bien
commencé avec la Première Symphonie de Dutilleux. Les partitions que
j'apercevais depuis ma place comportaient de nombreuses ratures,
corrections et annotations, comme un REGARDEZ Cymb
manuscrit écrit
en gros sur celles des percussionnistes. Dans le concerto pour violon nº2
de Bartók, dans lequel j'ai quelques difficultés à percevoir une structure,
le violoniste Gil Shaham a été très convaincant...
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Opéra Comique — 2013-03-22
Kate McGarry, Desdémone
Bunny Sigler, Othello
Jacques Bonnaffé, Iago
Uri Caine, piano
Achille Succi, clarinette
Darryl Hall, basse
Nguyên Lê, guitare
Alain Venkenhove, trompette
Nicolas Geremus, violon
Sangoma Everett, batterie
Le Syndrome d'Othello
Après avoir assisté à cette représentation du Syndrome
d'Othello, je crois pouvoir dire que le jazz n'est pas exactement fait
pour moi... Du point de vue narratif, ce spectacle inspiré par
Otello de Verdi est très décevant. Le texte chanté par Bunny
Sigler (Othello) et Kate McGarry (Desdémone) semble sans rapport évident
avec l'histoire qui ne semble qu'un prétexte. Je dis semble
parce
que le concert n'était pas surtitré. Le texte parlé ou slammé en français
par Jacques Bonnaffé (Iago), s'il était parfois assez drôle et décalé,
était trop souvent complètement incompréhensible, sa voix étant couverte
par le petit orchestre qui produisait un son du tonnerre (pourquoi donc
amplifier les musiciens ? pendant les premières minutes du spectacle j'ai
cru que mes oreilles allaient exploser !). Comme spectacle dénué de sens,
ce Syndrome d'Othello est toutefois loin d'être déplaisant, les
musiciens semblant très bons, le pianiste Uri Caine, le trompettiste Alain
Venkenhove et le guitariste Nguyên Lê étant particulièrement
impressionnants. Je n'ai pas perçu toutes les références dans la musique,
mais j'aurai au moins reconnu une référence incongrue à En passant par
la Lorraine (avec mes sabots...). Un passage particulièrement beau
utilisait une musique arabisante comportant quelques glissandi jouée par le
violoniste Nicolas Geremus. On trouve même un morceau atonal pendant la
scène du meurtre, au cours de laquelle les protagonistes ne sont pas sur
scène. En revanche, le public des premiers rangs dont je faisais partie
aura eu tout le loisir d'admirer l'interminable suicide d'Othello, pour
lequel le showman Bunny Sigler a curieusement passé un
achkan (dans les mêmes style et coloris que ce que je portais pour
le Gala Noureev...).
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Opéra Garnier — 2013-03-27
Yannis Pouspourikas, direction musicale
Orchestre Colonne
Ballet de l'Opéra
Jacques Prévert, argument
Joseph Kosma, musique originale
Roland Petit, chorégraphie (1945) réglée par Luigi Bonino
Pablo Picasso, rideau de scène
Brassaï, décors
Mayo, costumes
Jean-Michel Désiré, lumières
Jan Broeckx, assistant du chorégraphe
Amandine Albisson, La plus belle fille du monde
Alexandre Gasse, Le jeune homme
Stéphane Phavorin, Le destin
Hugo Vigliotti, Le bossu
Peggy Dursort, La fleuriste
Claire Gandolfi, Jennifer Visocchi, Les filles
Samuel Murez, Le lanceur de tracts
Sophie Mayoux, Antonio Conforti, Carola Puddu, Milo Avêque, Les enfants qui s'aiment
Florent Mélac, Alexis Saramite, Axel Alvarez, Niccolo Balossini, Les garçons
Pascal Aubin, Le chanteur
Anthony Millet, L'accordéoniste
Le Rendez-vous
Jean Anouilh, Georges Neveux, argument
Henri Dutilleux, musique originale
Roland Petit, chorégraphie (1953)
Carzou, décors et costumes
Jean-Michel Désiré, lumières
Jean-Philippe Halnaut, répétitions
Émilie Cozette, La jeune fille
Stéphane Bullion, Le loup
Sabrina Mallem, La Bohémienne
Christophe Duquenne, La jeune homme
Alexis Saramite, Le montreur de bêtes
Natacha Gilles, La mère
Le Loup
D'après la nouvelle de Prosper Mérimée
Georges Bizet, musique arrangée par G. Tommy Desserre
Roland Petit, chorégraphie (1946) réglée par Luigi BOnino
Antoni Clavé, décors et costumes
Jean-Michel Désiré, lumières
Jean-Philippe Halnaut, répétitions
Eleonora Abbagnato, Carmen
Nicolas Le Riche, Don José
Audric Bezard, Escamillo
Valentine Colasante, François Alu, Mathieu Botto, Les Chefs des brigands
Carmen
Les héros de la soirée sont l'Orchestre Colonne et Eleonora Abbagnato, merveilleuse interprète du rôle de Carmen, nommée étoile à l'issue de la représentation. Le ballet Le Rendez-vous est tellement insipide que mon attention est totalement concentrée sur la fosse d'orchestre. Au cours de la soirée, les musiciens ont paru très engagés et les solistes se sont brillamment illustrés (notamment les vents, la trompette et le superbe premier violon, Sébastien Surel, identifié par Klari). Dans Le Loup, entre deux coups d'œil vers la fosse d'orchestre, je regardais ce qui se passait sur scène (et cela piquait un peu les yeux). On passe un bon moment grâce à Sabrina Mallem (La Bohémienne) et Sébastien Bullion (Le Loup). Je sais que le pas de deux entre le Loup et la jeune fille peut être plus émouvant, je me rappelle avoir vu Laëtitia Pujol dans ce rôle... mais j'avoue avoir été presqu'ému par Émilie Cozette.
J'ai adoré le ballet Carmen que je n'avais pas encore vu. Pour ce qui est de la danse, il est très supérieur à mon goût aux deux ballets présentés avant l'entr'acte. Si Nicolas Le Riche (Don José) et Audric Bezard (Escamillo) ont été superbes dans les rôles masculins, c'est bien sûr Eleonora Abbagnato (Carmen) qui m'a fait apprécier ce ballet ! Quelle présence ! Je ne retiens pas le bruit de ses pointes frappant le sol, plutôt le râle qui se fait entendre dans ses pas de deux avec Nicolas Le Riche. Pour une argumentation plus construite, il faut lire le billet chez Impression danse. J'ai rarement été autant ému par la représentation d'un ballet à l'Opéra ! J'ai été très heureux qu'Eleonora Abbagnato soit nommée danseuse étoile à l'issue de la représentation.
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Salle Pleyel — 2013-03-30
Orchestre national d'Île de France
Ann-Estelle Médouze, violon supersoliste
Enrique Mazzola, direction
Nicolas Southon, présentation
Ouverture des Maîtres chanteurs de Nuremberg (Wagner)
Murmures de la forêt (extrait de Siegfried) (Wagner)
Nora Gubisch, mezzo-soprano
Wesendonck Lieder (Wagner)
Voyage de Siegfried sur le Rhin (extrait du Crépuscule des Dieux (Wagner)
Prélude de Tristan et Isolde (Wagner)
Ouverture de Tannhäuser (Wagner)
Ce n'est pas vraiment le meilleur Wagner que j'aie entendu, mais cela n'a pas excessivement gâché mon plaisir d'auditeur, n'ayant pas plus d'une ou deux occasions par an d'entendre ce type de programmes. L'Orchestre national d'Île de France était très beau dans les passages délicats (superbes oiseaux dans les murmures de la forêt), mais nettement moins clair dans les fortissimi, notamment vers la fin de l'ouverture de Tannhäuser qui semblait assez délicate à négocier pour les cordes. Dans cette ouverture, je retiens toutefois une belle superposition entre le chœur des pélerins par les cuivres et le Vénusberg par les cordes. (Était-il vraiment nécessaire d'inclure des mini-conférences sur Wagner pendant ce concert ? Surtout si c'était pour entendre des bêtises à propos de la création parisienne de Tannhäuser...) Je n'ai pas été très ému par Nora Gubisch dans les Wesendonck Lieder ; il est difficile de me faire oublier Nina Stemme...
2013-03-31 21:41+0200 (Orsay) — Culture — Musique — Danse — Danses indiennes — Culture indienne
Espace Reuilly — 2013-03-31
Priya Venkataram et ses danseurs, bharatanatyam
Malari
Vidyadhara
Ashtapati
Anandanatanaprakash
Tillana
J'ai assisté pour la première fois à un spectacle de ballet de danse bharatanatyam, organisé par l'Ambassade de l'Inde, qui a réussi à rassembler plus de deux cents personnes à l'Espace Reuilly. Le nombre de saris et de shalwar-kameez dans le public donnerait presque l'illusion que le spectacle a lieu en Inde.
Habituellement, un spectacle de bharatanatyam est le récital d'une danseuse unique. Idéalement, la présence de plusieurs interprètes devrait permettre de faire incarner chaque personnage par un interprète différent, au lieu qu'une unique danseuse passe d'un personnage à un autre en permanence. J'ai une méfiance a priori pour les spectacles de danse indienne mettant en scène plusieurs danseurs ou danseuses en raison de la difficulté de réunir des danseurs et danseuses dont le talent soit aussi homogène qu'excellent, et non seulement dans la danse pure comme ce sera le cas dans le programme de cet après-midi mais aussi dans l'art de l'expression et de la narration...
Le spectacle présenté par le groupe de trois danseurs et quatre danseuses (parmi lesquelles Priya Venkataraman) m'a à la fois satisfait et déçu. La seule pièce véritablement narrative a été la troisième Ashtapati qui présente la coquette Radha éprise de Krishna, mais c'est un solo ! Mes espoirs de voir la multiplicité des interprètes utilisée pour soutenir la narration sont décus. À peine entrée en scène dans une pose typiquement féminine, Priya Venkataraman se métamorphose en Krishna...
Dans les autres pièces, les danseurs font essentiellement ce que l'on appelle de la danse pure, sur une musique essentiellement rythmique. La première pièce Malari et la quatrième Anandanatanaprakash évoquent des thèmes shivaïtes sans être tout à fait narratives. Les mouvements des danseurs et danseuses sont synchronisés ou asymétriques et leur placement sur scène est précis. Cela me rappelle parfois des scènes du corps de ballet de l'Opéra de Paris... Les danseuses mettent l'accent sur les poses typiquement féminines, ce que ne font pas les danseurs dont la danse aurait sans doute pu être plus masculine pour la représentation de Shiva.
Dans ce qu'ils font, les sept danseurs et danseuses sont très convaincants, quoique cela reste de la danse pure et que les mudras ne soient pas toujours exécutés de la même façon par les différents interprètes, tel doigt étant tendu chez l'une et replié chez l'autre. La fin de la première pièce est particulièrement saisissante : sur une musique dont la partie vocale est un shloka, un danseur et une danseuse représentent de très belle façon le couple Shiva-Parvati.
À mon avis, la plus belle pièce de ce programme a été la quatrième intitulée Anandanatanaprakash (?). Il y est encore question de Shiva, mais d'une façon un peu plus approfondie. J'ai l'habitude de voir les divers attributs de Shiva représentés par une seule danseuse. Dans ce programme, les différents aspects (le chignon tressé, son regard foudroyant, son tambour, sa danse, le croissant de lune, etc) peuvent prendre la forme de tableaux humains élaborés. Le plus beau à mon goût est celui qui représente la descente de la rivière Ganga. Trois danseuses sont sur scène. La première représente Ganga sautant du chignon de Shiva, tandis que les deux autres représentent l'écoulement de la rivière depuis les montagnes jusqu'à la plaine. Le texte chanté de la musique enregistrée et les interprètes ont également montré Shiva comme Seigneur des Arts : la poésie, la musique, la danse, la sculpture. Je me serais presque cru dans Apollon musagète.
Comme la deuxième pièce Vidyadhara qui comportait de la danse pure par différentes combinaisons de danseurs sur des musiques aux cycles rythmiques différents, la dernière pièce est un Tillana assez développé mettant en valeur les qualités individuelles et collectives des danseurs dans des mouvements rythmiques sans sens apparent. Il a fallu attendre la fin de ce Tillana pour voir une brève évocation de Krishna sur une musique mélodique dans laquelle le chanteur prononçait le nom des notes (Sargam).
Ce fut un fort beau spectacle (un peu court, à peine plus d'une heure et demie, entr'acte compris), mais j'attends davantage d'émotions d'un programme de bharatanatyam...
2013-03-27 15:08+0100 (Orsay) — Culture — Musique — Opéra
Auditorium de Dijon — 2013-03-24
Edwin Crossley-Mercer, Don Giovanni
Josef Wagner, Leporello
Diana Higbee, Donna Anna
Michael Smallwood, Don Ottavio
Timo Riihonen, Le Commandeur
Ruxandra Donose, Donna Elvira
Camille Poul, Zerlina
Damien Pass, Masetto
Marie Buffet, Suivante de Donna Elvira
Bertille Lucarain, Charlotte Mignot, Figurantes
Élèves du Pôle d'Enseignement Supérieur de la Musique de Bourgogne, bandas
Élèves du Conservatoire à Rayonnement Régional de Dijon, danseurs
Gérard Korsten, direction musicale
Jean-Yves Ruf, mise en scène
Anaïs de Courson, collaboration à la mise en scène
Laure Pichat, scénographie
Claudia Jenatsch, costumes
Christian Dubet, lumières
Caroline Marcadé, chorégraphie
Cécile Kretschmar, maquillage, masques et coiffures
Lucie Hermand, assistanat aux costumes
Yvon Repérant, chef de chant, claveciniste continuiste
Mihály Zeke, chef de chœur
Maurizio Prosperi, pianiste répétiteur
Thierry Aveline, CUTFX, vidéo
Atelier Prelud, Ateliers de l'Opéra de Dijon, réalisation des décors
Atelier Caraco Canezou, Ateliers de l'Opéra de Dijon, réalisation des costumes
Thomas and Neel, création des surtitres
Bärenreiter, éditeur des partitions
Chamber Orchestra of Europe
Chœur de l'Opéra de Dijon
Don Giovanni (version de Prague), Mozart
J'ai assisté dimanche à mon quatrième Don Giovanni. J'avais adoré cette œuvre lorsque je l'avais découverte au TCE en 2010. En 2012 à l'Opéra Bastille, j'avais apprécié la mise en scène de Michael Haneke malgré la pesanteur de l'interprétation musicale. Il y a quelques semaines à Budapest, mon plaisir est davantage venu de ma visite du Magyar Állami Operaház que de la représentation de cet opéra, quoiqu'il me parût alors très bien chanté.
Dimanche après-midi avait lieu à Dijon la deuxième représentation d'une nouvelle production de Don Giovanni. Dès l'ouverture, on sent que c'est le Chamber Orchestra of Europe qui est dans la fosse, dirigé par Gérard Korsten. Néanmoins, il est à noter qu'il y avait un travail sur le son des cordes pour que cela sonne un peu baroque. Bien souvent, je me surprenais à entendre des détails de phrasés très finement ciselés !
Tous les chanteurs m'ont paru très bons. J'ai a-do-ré Edwin Crossley-Mercer en Don Giovanni. Les autres chanteurs masculins m'ont tous semblé très convaincants. Michael Smallwood dont le rôle de Don Ottavio reste assez discret pendant le premier acte se révèle au deuxième acte dans le magnifique air Il mio tesoro infanto ! Du côté des dames, mes plus grandes émotions sont venues de Diana Higbee (Donna Anna), dont les airs m'ont beaucoup ému. J'ai aimé Camille Poul dans l'adorable rôle de Zerlina. Il y avait une sorte de fragilité dans la voix de Ruxandra Donose, mais plutôt qu'elles soient dissimulées, il n'était à mon avis pas malvenu que les fêlures du personnage d'Elvira se manifestent ainsi. Voilà une très belle équipe de chanteurs assez jeunes : Damien Pass (Masetto) était à l'Atelier Lyrique de l'Opéra de Paris il y a à peine deux ans...
À part les premières minutes de l'opéra qui se passent devant le rideau de scène, l'action est située sur un décor de verdure en pente irrégulière. Cela fait un peu peur au premier coup d'œil, mais cet espace est très habilement occupé par la mise en scène et il paraît tout à fait approprié pour la fête paysanne en l'honneur de Zerlina et Masetto. Les mouvements des membres du chœur tout comme ceux des solistes s'opèrent de façon très fluide et naturelle, ce qui conforte l'impression que l'action de Don Giovanni est sans aucun temps mort : un numéro musical est à peine terminé que le suivant arrive comme un prolongement naturel du précédent, autant pour les oreilles que pour les yeux.
Dans la mise en scène, j'ai particulièrement aimé certains détails qui
éclairent le texte qui est chanté. Ainsi, pendant l'air du catalogue
que Leporello chante à Elvira, il dit de son maître que sa passion
prédominante, c'est la jeune débutante
. À ce moment-là, par ses
mouvements candides, la jeune suivante d'Elvira attire l'attention du
spectateur, en une sorte de prémonition de ce qui se passera au second
acte.
L'idée que le metteur en scène Jean-Yves Ruf explique dans sa note d'intention est de faire de Don Giovanni un personnage errant. Vu le décor utilisé, il apparaît donc tout naturel que le Commandeur soit invité à un dîner sur l'herbe... Les dernières scènes de l'opéra étaient magnifiquement éclairées. Avant cette invitation à dîner, le cortège funèbre du Commandeur était passé avec un grand encensoir. Si les vapeurs d'encens ont indisposé quelques spectateurs des premiers rangs, elles ont surtout contribué à créer une pénombre vaporeuse de toute beauté pour l'apparition du Commandeur sur son piédestal pour sa mise en garde à Don Giovanni.
Pour la mort de Don Giovanni, si l'on excepte le rouge sang projeté sur la chemise blanche du malheureux, la mise en scène a été plutôt sobre. En effet, la partie spectaculaire était tout naturellement confiée à l'orchestre qui se l'est appropriée avec le talent qu'on lui connaît ! Quand le Commandeur est censé frapper à la porte de Don Giovanni, on entend un terrifiant son de cordes. Ceci prépare les oreilles du spectateur aux retrouvrailles avec les rugissants coups de timbales déjà entendus dans l'ouverture. Cet accompagnement musical tout Cihohiësque de l'intervention du Commandeur contribue à faire de ce passage une des scènes d'opéra les plus impressionnantes auxquelles j'aie eu l'occasion d'assister !
Le moins que l'on puisse dire est que je ne regrette pas le déplacement à Dijon pour cette représentation de Don Giovanni et le concert de la veille !
Cette production va faire l'objet d'une captation qui sera diffusée sur medici.tv à partir du 30 mars avant de sortir en DVD...
2013-03-26 11:09+0100 (Orsay) — Culture — Musique
Auditorium de Dijon — 2013-03-23
Chamber Orchestra of Europe
Lorenza Borrani, direction musicale
Romain Guyot, clarinette
Concerto pour orchestre à cordes (Bernd Aloïs Zimmermann)
Concerto pour clarinette en la majeur, KV 622 (Mozart)
Suite en sol majeur pour orchestre à cordes (Schönberg)
Symphonie nº5 en si bémol majeur (Schubert)
Le Chamber Orchestra of Europe est indiscutablement un orchestre qui mérite que l'on prenne un avion ou un train pour aller l'écouter. Les musiciens doivent prendre des avions et des trains, descendre dans des hôtels, alors pourquoi pas les spectateurs ?
La première œuvre du programme présenté à l'Auditorium de Dijon entre deux représentations de Don Giovanni est de B. A. Zimmermann, un compositeur du vingtième siècle dont je n'ai jusque là entendu aucune œuvre. Je suis ému par l'atmosphère toute intériorisée créée par les deux premiers mouvements de son concerto pour orchestre à cordes dans lesquels se développe un contrepoint réparti entre les différents groupes d'instruments et les solistes. Le rythme prend nettement le dessus dans le troisième mouvement bartóko-stravinskien. C'est violent comme Le Sacre du Printemps et les magnifiques solos du premier violon Lorenza Borrani rappellent Bartók, par exemple.
Que dire du concerto pour clarinette de Mozart interprété par Romain
Guyot ? Il s'agit pour moi d'un de ces moments exceptionnels comme ceux que
j'avais décrits dans un billet intitulé Pourquoi donc
continuer à aller inlassablement assister à des spectacles ? ou Ádám Banda
à la Cité de la musique
ou pour revenir à ma première rencontre
avec le COE, leur extraordinaire Symphonie Pastorale
de Beethoven. Je n'avais pas bu la moindre goutte d'alcool avant de
venir, et pourtant l'écoute de ce concerto m'a littéralement rendu ivre de
plaisir. Dans les deux premiers mouvements, j'ai été avant tout captivé par
la clarinette de Romain Guyot et la façon dont il faisait dialoguer sa
clarinette avec elle-même en la tournant à gauche pour la voix aiguë et à
droite pour la voix grave ! Au début de l'Adagio, Romain Guyot
venait à peine de jouer le thème que mes yeux débordaient de larmes. Ne
sentant plus ma respiration, le temps me semblait comme suspendu. Dans le
troisième mouvement, j'ai davantage écouté l'orchestre qui m'a semblé
particulièrement fabuleux. Si la combinaison soliste/orchestre était
merveilleuse, il faut également souligner le qualité de l'écoute du public
et l'excellente acoustique de la salle. Le silence du public était absolu
avant et après l'Adagio ! Dans d'autres salles aux acoustiques
réputées comme la Cité de la musique, le public a beau être silencieux
avant le début d'un mouvement, j'ai toujours la sensation d'entendre un
léger bruit de fond que je trouve assez déplaisant. Dans l'auditorium de
Dijon, j'ai eu l'impression d'entendre un silence comme je n'en ai connu
que la nuit sur des collines isolées de la
Forêt-Noire. À vrai dire, même quand les spectateurs applaudissent en
cadence pour réclamer un bis, cela se sent que l'acoustique du lieu est
exceptionnelle...
Après l'entr'acte, remis de mes émotions, l'orchestre joue la Suite en sol majeur pour orchestre à cordes de Schönberg. Un des bienfaits de la programmation de cette œuvre (et du concerto de Zimmermann aussi) est de donner un avant-goût très appétissant de ce que pourra être une interprétation de La Nuit transfigurée par le Chamber Orchestra of Europe. Cette œuvre-ci est joyeusement austère. Quand elle se fait espiègle, on ne peut pas complètement oublier l'austérité (tonale cependant) de la musique, et le discours musical dont le découpage en mouvements constrastés fait retomber la tension ne me permet pas d'atteindre les mêmes niveaux d'intensité émotionnelle que La Nuit transfigurée. Une belle découverte, cependant. Et une fin délicieusement caractéristique du syndrome de l'hydravion. Eh oui, même Schönberg !
Au début de mon écoute de la Symphonie nº5 de Schubert, j'ai eu comme l'impression d'entendre une symphonie de Mozart. Je me délecte des interventions du hautboïste Kai Frömbgen et de la flûtiste Clara Andrada de la Calle qui semble prendre beaucoup de plaisir à écouter l'orchestre quand elle ne joue pas ! Si j'ai aimé le joyeux premier mouvement, les deux suivants m'ont paru plus austères, peut-être trop rigoureusement structurés à mon goût (cela manque de surprises). Cela dit, le quatrième et dernier mouvement, vu la façon vivifiante dont il a été interprété, je l'ai adoré !
Tout cela m'a furieusement donné envie d'aller à Edimbourg en août. Acheté un billet pour la Symphonie concertante de Haydn pour violon, violoncelle, hautbois et basson dirigée par Yannick Nézet-Séguin avec un beau quatuor de solistes made in COE. Je réfléchirai après...
2013-03-10 22:42+0100 (Orsay) — Culture — Musique
Entre la Salle Pleyel et la Cité de la Musique, les concertivores parisiens ont eu il y a dix jours quatre occasions d'entendre les musiciens berlinois. Les tarifs de l'Orchestre Philharmonique de Berlin à Pleyel étant un peu élevés ― un jour™ j'irai les écouter à Berlin ― je me suis contenté des deux derniers concerts donnés à la Cité de la musique :
Cité de la musique — 2013-03-01
Emmanuel Pahud, flûte
Paul Meyer, clarinette
Marie-Pierre Langlamet, harpe
Daishin Kashimoto, violon
Maja Avramović, violon
Amihai Grosz, alto
Raphaël Pidoux, violoncelle
Introduction et Allegro (Ravel)
Prélude à l'après-midi d'un faune (Debussy, arrangement de Fabrice Pierre)
Sonate pour flûte, alto et harpe (Debussy)
Quintette pour clarinette et cordes (Brahms)
L'effectif de musiciens pour ce concert de musique de chambre était assez original. À cinq musiciens issus du Philharmonique de Berlin se sont joints le clarinettiste Paul Meyer et le violoncelliste Raphäel Pidoux, ce qui donne un quatuor à cordes augmenté d'une harpe, d'une flûte et d'une clarinette. Si l'œuvre de Ravel jouée en premier m'a plu, j'ai surtout adoré l'interprétation de la réduction du Prélude à l'après-midi d'une faune de Debussy, une réduction pour huit instruments, la harpiste jouant aussi à quelques occasions d'un mini-instrument à percussions dont j'ignore le nom. C'était la première fois que j'entendais le flûtiste Emmanuel Pahud en concert, cela fait un certain effet...
L'œuvre jouée ensuite, la sonate pour flûte, alto et harpe de Debussy ne m'a pas passionné, mais je me suis délecté du jeu de l'altiste Amihai Grosz. J'ai le sentiment de n'avoir écouté que lui pendant ce trio...
Écouter le quintette de Brahms m'a été très agréable, mais je n'ai pas subi exactement le même choc que lors de mes expériences précédentes avec les Berlinois avec les sextuors nº1 et nº2.
Ce concert sera diffusé sur France Musique le 15 mars à 14h.
Ailleurs : Klari.
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Cité de la musique — 2013-03-02
Guy Braunstein, violon
Ramón Ortega Quero, hautbois
Philharmonische Camerata Berlin
Concerto pour hautbois (BWV 1056)
Concerto pour violon (BWV 1041)
Concerto pour hautbois (BWV 1053)
Concerto pour violon (BWV 1042)
Concerto pour hautbois et violon (BWV 1060)
Quelle belle idée de programmer ces concertos de Bach ! J'ai en effet eu très peu d'occasions d'entendre des concertos de Bach en concert. La plupart des rares souvenirs que je leur associe me rappellent des concerts des jeunes musiciens amateurs d'un ensemble nommé Concert Latin, sans lesquels je ne serais sans doute pas concertivore aujourd'hui. Une pensée particulière aussi pour la soliste pas plus haute que trois pommes qui, si je me souviens bien, jouait le concerto pour deux violons (BWV 1043) dans l'Église Notre Dame de Toute Joie à Grigny en 2004.
La Philharmonische Camerata Berlin est en théorie un sous-ensemble des Berliner Philharmoniker ; elle comportait semble-t-il ce soir-là quelques musiciens supplémentaires. Les deux solistes choisis sont Guy Braunstein (violon) et Ramón Ortega Quero (hautbois). Le contraste entre les deux solistes est très net !
J'ai eu pour ma part une certaine préférence pour la façon de jouer du hautboïste Ramón Ortega Quero, dont l'attitude m'évoquait une certaine humilité. J'ignore comment il fait pour respirer, mais par moment, je me disais à l'écoute de certaines très longues phrases qu'il devait y avoir quelque prodige derrière une telle capacité pulmonaire. Toutefois, le musicien n'était rendu que plus humain à mes yeux par le fait que le volume sonore de son instrument me paraissait moins important quand il le dirigeait vers le côté (un effet que je n'ai pas encore observé avec le divin François Leleux...). Avant de venir à ce concert, j'espérais avidement me régaler à l'écoute du concerto pour hautbois (reconstitué) BWV 1053. Le moins que je puisse dire est que je n'ai pas été déçu !
Je ne sais pas s'il faut se risquer à décrire l'interprétation du violoniste Guy Braunstein dans les deux premiers concertos pour violon (BWV 1041 et 1042), car en souligner les qualités signifie aussi en pointer les défauts. Le musicien ne joue pas à moitié ! La prise de risque semble totale ! Je n'ai jamais vu un musicien jouer Bach de façon aussi engagée et captivante ! Je ne lui ferai donc pas le reproche d'avoir souvent été un peu border-line et parfois un peu au-delà. Ma béatitude et ma bonne humeur associée à l'écoute de cette musique étaient trop fortes pour être réellement perturbées par les imperfections entendues... Les mouvements lents de ces deux concertos étaient en effet magnifiques !
N'ayant eu que très peu d'occasions d'entendre en concert ces deux concertos pour violon, j'ai été étonné et à vrai dire agréablement surpris que Guy Braunstein joue la partie des premiers violons quand il n'avait pas à jouer de solos. Ce faisant, au début du concerto BWV 1041, il tournait le dos aux spectateurs, comme pour soustraire religieusement son ego afin de mieux le fondre dans l'ensemble orchestral. Après avoir jeté un coup d'œil aux partitions sur IMSLP, il semblerait que, dans l'édition consultée au moins, le soliste n'ait pas vocation à se reposer entre deux interventions mais à jouer à l'unisson des premiers violons. Cela modifie quelque peu ma façon de penser à ces œuvres. Bach a écrit des concertos pour orchestre (les Brandebourgeois) dans lesquels il n'y a pas un instrument qui domine particulièrement (si on laisse de côté peut-être la folle cadence de clavecin du Cinquième ; cf. cet enregistrement à partir de 5'55" environ). Sur la seule foi de ce que me faisaient entendre mes enregistrements de ces œuvres, je concevais ces deux concertos pour violon comme des concertos au sens plus moderne du terme, avec un instrument soliste dialoguant avec l'orchestre. Les avoir entendus et surtout vus ce soir-là me les feraient presque reconsidérer comme des concertos pour orchestre dans lequel il se trouverait que le premier violon se distinguerait des autres lors de solos élaborés (un procédé qui est très courant dans les œuvres orchestrales, n'est-ce pas ?).
Le concert s'est conclu avec le concerto pour violon et hautbois BWV 1060 dont les thèmes n'ont pas arrêté de me tourner dans la tête pendant quelques heures après le concert. Plutôt qu'une confrontation entre les deux solistes qui était à mon avis à craindre vu la différence entre leurs styles d'interprétation, les deux musiciens se sont pour ainsi dire livrés à un dialogue amoureux. Il fallait voir les mimiques attendries de Guy Braunstein dans le somptueux mouvement lent dans lequel il donnait la réplique au hautboïste Ramón Ortega Quero...
Ailleurs : Bladsurb.
2013-03-01 12:33+0100 (Orsay) — Culture — Musique — Opéra — Danse
Le mois de février vient de se terminer. Pour le concertivore que je
suis, cela a été un mois fou. Après l'équipée budapestoire du début du mois
(Mozart, Bizet, Bartók-Maraton), j'ai maintenu un rythme
de spectacle soutenu. Au total, j'aurai assisté à 31 spectacles en 28
jours... J'ai déjà fait un billet sur Nala et
Dayamanti au Quai Branly. Pour dix-sept qui restent, je vais
tenter de revenir au genre des microniquettes
déjà apparu ici en novembre dernier.
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Salle Pleyel — 2013-02-05
Orchestre Colonne
Laurent Petitgirard, direction
Le Chasseur Maudit (Franck)
Gary Hoffmann, violoncelle
Concerto pour violoncelle (Petitgirard)
Symphonie nº1 (Chostakovitch)
Ce concert du Colonne était magnifique ! Le deuxième balcon étant vide, je ne me suis pas fait prier pour descendre à l'orchestre. Tout m'a plu dans ce programme. Les cuivres de l'orchestre étaient superbes dans Le Chasseur Maudit de Franck. Dans le concerto pour violoncelle du chef d'orchestre Laurent Petitgirard, je me suis délecté du duo du début du deuxième mouvement entre le concertiste Gary Hoffmann et la for-mi-da-ble violoncelliste solo de l'orchestre. J'ai donc été plus que ravi que ce deuxième mouvement ait été rejoué en bis ! La Symphonie nº1 de Chostakovitch m'a procuré beaucoup de plaisir. Il serait impossible d'énumérer tous les solos que j'ai aimé, tous les instruments ayant l'occasion de se mettre en valeur au cours de la symphonie. Je les ai tous adorés !
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Salle Pleyel — 2013-02-07
Roland Daugareil, violon solo
Orchestre de Paris
Juraj Valčuha, direction
Danses de Galánta (Galánti táncok), Zoltán Kodály
Yuja Wang, piano
Concerto pour piano nº2 en sol mineur, op. 16 (Prokofiev)
Toccata en ré mineur (Prokofiev)
Variations sur un thème de Carmen (Vladimir Horowitz)
Die Seejungfrau, poème musical (Zemlinsky)
J'ai aimé découvrir les Danses de Galánta de Kodály (où se distinguait le clarinettiste Philippe Berrod !). Je suis resté indifférent (pour ne pas dire somnolent) au concerto pour piano nº2 de Prokofiev interprété par Yuja Wang, qui a fait preuve d'une aussi sidérante que vaine virtuosité dans un bis adapté de Carmen dans lequel Bizet devenait méconnaissable. La Petite Sirène de Zemlinsky (dont j'ai récemment adoré Der Zwerg à l'Opéra Garnier) alterne des moments délicatement aquatiques à la harpe et des tutti cuivrés assourdissants.
À la lecture des autres billets sur la blogosphère, on pourra constater que je partage l'avis des filles : Grignotages, Klari, Andante con anima, Palpatine.
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Théâtre des Champs-Élysées — 2013-02-08
Joyce DiDonato, Ariodante
Il Complesso Barocco
Dmitry Sinkovsky, premier violon et direction
Air d'Orontea Intorno all'idol mio extrait d'Orontea (Antonio Cesti)
Sinfonia (Presto, Grave, Presto) extrait de Tolomeo ed Alessandro (Domenico Scarlatti)
Air d'Ottavia Disprezzata regina extrait de L'incoronazione di Poppea (Claudio Monteverdi)
Air d'Irene Sposa, son disprezzata extrait de Merope (Geminiano Giacomelli)
Concerto pour violon et cordes RV 242 per Pisendel
(Antonio Vivaldi)
Air de Berenice Da torbida procella extrait de Berenice (Giuseppe Maria Orlandini)
Air de Cleopatra Morte col fiero aspetto extrait de Antonio e Cleopatra (Johann Adolf Hasse)
Air de Cleopatra Piangerò la sorte mia extrait de Giulio Cesare in Egitto (Händel)
Passacaglia extraite de Radamisto HWV 12a (Händel)
Air d'Ifigenia Madre diletta, abbraciami extrait de Ifigenia in Aulide (Giovanni Porta)
Musique de ballet extraite d'Armide (Christoph Gluck)
Air de Rossane Brilla nell'alma extrait de Alessandro (Händel)
Air de Fredegunda Lasciami piangere extrait de Galsuinde (Kaiser)
Air de Berenice Col versar, barbaro, il sangue extrait de Berenice (Giuseppe Maria Orlandini)
Joyce ! Ah, Joyce ! Quel plaisir de l'entendre, dans un répertoire
baroque qui alterne des airs lyriques
et d'autres qui ne sont pas
très éloignés du récitatif. L'orchestre qui l'accompagne, Il Complesso
Barocco, semble métamorphosé par la direction du premier violon Dmitry
Sinkovsky.
Ailleurs : Palpatine.
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Cité de la musique — 2013-02-09
Les Dissonances
Symphonie de chambre nº1 op. 9 (Schönberg)
David Grimal, Hans-Peter Hofmann, violon
Hélène Clément, Natasha Tchitch, alto
Christophe Morin, Maja Bogdanović, violoncelle
Sextuor à cordes nº1 en si bémol majeur, op. 18 (Brahms)
Symphonie nº4 op. 98 en mi mineur (Brahms)
Dix jours après ce concert, je n'ai aucun souvenir de la Symphonie de chambre nº1 de Schönberg. J'aurais sans doute trouvé très bien le sextuor nº1 de Brahms si je n'avais pas déjà entendu quelques musiciens berlinois l'interpréter en début de saison. Je ne sais pas par quel mystère les berlinois magnifiaient cette partition qui cette fois-ci n'a pas produit sur moi le même insoutenable émerveillement. Après l'entr'acte, j'ai en revanche adoré la quatrième symphonie de Brahms !
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Théâtre des Champs-Élysées — 2013-02-10
Ensemble Intercontemporain
Matthias Pintscher, direction musicale
Huit miniatures instrumentales (Stravinski)
Concertino pour douze instruments (Stravinski)
Margriet van Reisen, mezzo-soprano
Le Marteau sans maître, pour voix d'alto et six instruments (Boulez)
Octandre, pour huit instruments (Varèse)
Déserts, pour orchestre et bande magnétique (Varèse)
Les Stravinski m'ont plu. Je me suis ennuyé pendant le Boulez. Je suis content d'être resté pour les Varèse. Octandre n'est certainement pas l'œuvre la plus dérangeante de Varèse. Son côté hors-système est plus flagrant dans Déserts pour orchestre et bande magnétique. Je ne vais pas discuter l'interprétation de l'orchestre, mais celle de la bande magnétique : on a beau dire que c'est un son fixé sur un support, le rendu peut être très différent d'une fois à l'autre. En 2009, les basses fréquences m'avaient donné la nausée. Cette fois-ci, je n'ai pas eu envie de vomir. Zut, je pensais que ce concert serait un peu plus déstabilisant !
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Théâtre des Champs-Élysées — 2013-02-11
Nikolaï Lugansky, piano
Dans les brumes, Janáček
Quatre impromptus op. 142 (Schubert)
Sonate nº1 en ré mineur op. 28 (Rachmaninov)
Ma raison d'aller à ce concert était la présence de Dans les brumes de Janáček. J'espérais me régaler autant que lorsque j'avais entendu pour la première fois cette œuvre interprétée par Alain Planès en janvier 2012 ; le plaisir d'écouter à nouveau ce pianiste dans cette œuvre avait d'ailleurs été renouvelé à la Cité de la musique à la mi-janvier 2013. Lugansky a certainement fait ce qu'il voulait faire. Il y avait sans doute plus de fausses notes dans les interprétations de Planès, mais les tempi excessivement lents et les phrasés hachés de Lugansky m'ont donné l'impression d'une déconstruction de l'œuvre, qui perdait à mon sens toute poésie. Pour moi, cela a été vingt minutes de souffrance. On pourra dire que Lugansky a livré une interprétation toute personnelle de l'œuvre de Janáček... Si mon attention était maximale pendant ce Janáček, j'ai sombré dans les impromptus de Schubert, qui avaient pourtant l'air d'être très bien joués. Ne me sentant pas prêt à affronter la première sonate de Rachmaninov et les nombreux bis subséquents, je suis exceptionnellement parti à l'entr'acte...
Ailleurs : Frederick Casadesus.
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Salle Pleyel — 2013-02-12
Freiburger Barockorchester
Sunhae Im, Bellezza
Julia Lezhneva, Piacere
Christophe Dumaux, Disinganno
Jeremy Ovenden, Tempo
René Jacobs, direction
Il Trionfo del Tempo e del Disinganno (version italienne de 1707), Händel
Il Trionfo del Tempo e del Disinganno est censé être un oratorio, mais il s'agit pour ainsi dire d'un opéra dans lequel la Beauté personnifiée finit par se désintéresser du Plaisir pour se tourner vers le Temps et la Désillusion. Dans les airs da capo du Plaisir, je me délecte des ornementations dans le chant de l'adorable Julia Lezhneva. Les solos du premier violon sont fabuleux. La façon dont certaines phrases musicales allant de l'aigu au grave passent sans discontinuité apparente des violons aux violoncelles est sidérante. Les couleurs sonores apportées à l'orchestre par les flûtes à bec sont ravissantes. Que j'aime que la musique baroque soit jouée avec un tel engagement ! Bref, quel merveilleux orchestre baroque que ce Freiburger Barockorchester que je n'avais pas entendu depuis 2005 !
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Conservatoire de Paris, Salle d'art lyrique — 2013-02-13
Orchestre du Conservatoire de Paris
Tito Ceccherini, direction
Alexandre Cravero, assistante à la direction
Marie Soubestre, La prostituée (soprano)
Alban Dugourt, Le soldat (ténor)
Catherine Trottmann, La femme de chambre (mezzo-soprano)
Enguerand de Hys, Le jeune homme (ténor)
Laura Holm, La jeune femme (soprano)
Aurélien Gasse, Le mari (baryton)
Charlotte Schumann, La grisette (mezzo-soprano)
Jean-Jacques L'Anthoen, Le poète (ténor)
Marie-Laure Garnier, La cantatrice (soprano)
Roman Dayez, Le comte (baryton)
Yoan Hereau, Lutxi Nesprias, Fanny Prandi, Thomas Tacquet-Fabre, chefs de chant
Marguerite Borie, mise en scène
Darren Ross, chorégraphie et assistant à la mise en scène
Laurent Castaingt, scénographie et conception lumière
Myriam Dogbé, assistante à la scénographie
Pieter Coene, costumes
Sonia Bosc, assistante aux costumes
Héloïse Grandu, habilleuse
Isabelle Lemeilleur, maquilleuse
Naty Meneau, maquilleuse/coiffeuse
Jean-Pierre Le Gallic, Patrick Buisson, régie générale
Mathilde Lemoine, Magid Mahdi, régie plateau
Bruno Bescheron, Guillaume Fesneau, régie lumière
Stéphane Darmon, régie de scène
Nathalie Berthier, Yann Divet, régie orchestre
Reigen, opéra en dix scènes sur un livret de Luc Bondy d'après Der Reigen, pièce de théâtre d'Arthur Schnitzler, Philippe Boesmans (version de chambre de Fabrizio Cassol).
Mes impressions sur cette représentation d'opéra adaptée de la pièce de Schnitzler sont sur le Biblioblog.
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Opéra Garnier — 2013-02-15
Maki Ishii, musique (1985)
Jiří Kylián, chorégraphie (1988)
Michael Simon, scénographie et lumières
Ferial Simon, Joke Visser, costumes
Patrick Delcroix, Elke Schepers, assistants du chorégraphe
Kees Tjebbes, assistant technique et réalisation lumières
Michael De Roo, direction musicale
Alice Renavand, Kaguyahime
Hervé Moreau, Mikado
Muriel Zusperreguy, Amandine Albisson, Caroline Robert, Laurène Levy, Charlotte Ranson, Villageoises
Alessio Carbone, Vincent Chaillet, Aurélien Houette, Sébastien Bertaud, Adrien Couvez, Villageois
Caroline Bance, Eléonore Guérineau, Christelle Granier, Séverine Westermann, Juliette Hilaire, Allister Madin, Marc Moreau, Daniel Stokes, Mathieu Botto, Yvon Demol, Les Citadins
Julien Meyzindi, Alexis Renaud, Les compagnons du Mikado
Ballet de l'Opéra
Kodō, Gagaku et ensemble de percussions invité
Kaguyahime
Malgré une musique et une scénographie superbe, ce ballet qui m'avait tellement plu en 2010 m'a laissé sur ma faim. Certes, la scène de la guerre au début de la deuxième partie est très impressionnante, j'ai bien sûr aimé retrouver Alice Renavand dans le rôle-titre et j'ai pris beaucoup de plaisir à voir danser Amandine Albisson et Aurélien Houette dans des rôles de villageois. Mais, ce ballet me semble insatisfaisant du point de vue narratif. Si on n'a pas (re)lu le synopsis détaillé, le ballet est tout simplement incompréhensible (je n'ai d'ailleurs toujours pas saisi pourquoi il y a deux scènes de castagne, une avant et une après l'entr'acte). Il n'aurait pas été superflu d'ajouter un peu de pantomime pour donner un sens à ce qui se passait sur scène. Bien malin celui qui comprendrait ce que sont les épreuves impossibles imposées par Kaguyahime à ses cinq prétendants...
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Cité de la musique — 2013-02-16
Ensemble Intercontemporain
Alejo Pérez, direction musicale
Modulations (Gérard Grisey)
Hae-Sun Kang, violon
Vita Nova (Sérénades) (Brice Pauset)
Dérive 1 (Pierre Boulez)
Christina Daletska, alto
Gesänge-Gedanken mit Friedrich Nietzsche (Philippe Manoury)
Il y a quelques mois, lors d'un autre concert de l'Intercontemporain, j'avais trouvé merveilleuse la composition #9 de Mauro Lanza. En sortant, Bladsurb m'avait expliqué que c'était de la musique spectrale. En entendant Modulations de Gérard Grisey lors de ce concert, je crois pouvoir dire que j'aime beaucoup cette forme de musique contemporaine. Dans un envoûtant sur-place apparent, le temps semble comme s'arrêter et permet à l'auditeur de s'immerger dans ce son, qui néanmoins se développe et présente de multiples facettes. La retombée sur terre avec la composition de Brice Pauset fut brutale... Après l'entr'acte, j'ai à peine eu le temps de renter dans Dérive 1 de Boulez que l'œuvre était déjà terminée. Pour conclure ce concert, il y avait la première audition en France de Gesänge-Gedanken mit Friedrich Nietzsche de Philippe Manoury au cours de laquelle j'ai été captivé par le chant de Christina Daletska, qui semble n'avoir que des qualités.
Ailleurs : Bladsurb.
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Salle Pleyel — 2013-02-21
Roland Daugareil, violon solo
Orchestre de Paris
Ingo Metzmacher, direction
Emanuel Ax, piano
Concerto pour piano nº17 en sol majeur, KV 453 (Mozart)
Impromptu op. 142 nº2 (Schubert)
Chen Reiss, soprano
Renata Pokupić, mezzo-soprano
Werner Güra, ténor
Johannes Weisser, basse
Chœur de l'Orchestre de Paris
Lionel Sow, chef de chœur
Messe nº3 en fa mineur (Bruckner)
J'avais déjà eu l'occasion d'être émerveillé par le jeu du pianiste Emanuel Ax dans un programme Mozart/Haydn avec l'Orchestre de chambre de Paris. Je me suis régalé en écoutant le concerto pour piano nº17. Je pensais qu'Ingo Metzmacher était un chef spécialisé dans la musique contemporaine (cf. le programme d'un autre concert avec l'Orchestre de Paris en juin 2012). Apercevant son profil gauche depuis ma place, je constate qu'il est manifestement heureux de diriger ce concerto de Mozart. (Le bis du pianiste était superbe, je suis cependant un peu déçu qu'il ait joué le même que lors du concert avec l'Orchestre de chambre de Paris...)
J'étais en théorie placé au fond de l'orchestre, mais je m'étais replacé au rang BB pour être près du pianiste. J'y suis resté pour écouter la Messe nº3 de Bruckner. J'ai donc pour ainsi dire eu le nez dans la partition des premiers violons (les seconds étant à droite du chef). L'effort demandé est impressionnant : des pages et des pages de gammes, avec pratiquement que des doubles-croches ! À force d'entendre continuellement TitatatatatatataTitatatatatataTi... j'en viens à me dire que John Adams et Philip Glass n'ont pas inventé grand'chose. Bien sûr, à l'écoute des autres parties, cet aspect répétitif de la musique disparaît et cette composition comporte quelques merveilles comme le passage très impressionnant du Credo évoquant la Résurrection.
Ailleurs : Paris — Broadway, Palpatine.
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Salle Pleyel — 2013-02-22
Colin Currie, percussions
Pierre-Laurent Aimard, piano
Orchestre philharmonique de Radio France
Jukka-Pekka Saraste, direction
Two Controversies and a Conversation : Concerto pour piano, percussions et orchestre de chambre (Elliot Carter)
Mouvements pour piano et orchestre (Stravinski)
Suite de danses (Bartók)
Sinfonietta (Janáček)
Ce concert démontre que s'agissant de musique, il ne faut pas avoir peur du vingtième siècle ! Une de mes raisons de venir à ce concert était la présence du pianiste Pierre-Laurent Aimard que je n'avais encore jamais entendu en concert. Dix minutes d'Elliot Carter et 8 minutes de Stravinski, c'est malheureusement un peu trop court. En règle générale je pense que la musique gagne à être écoutée et vue dans une salle de concert. La pièce d'Elliot Carter ouvrant le programme fait à mon avis exception. Je suis trop distrait par ce que je vois pour rester attentif à la musique. Les très nombreux et sportifs mouvements du percussionniste entre ses différents instruments (marimba, gongs, etc.) détournent mon attention. L'aspect visuellement haché de phrases musicales réparties entre différents groupes d'instruments m'empêche aussi de véritablement écouter les Mouvements pour piano et orchestre de Stravinski, que j'apprécie aussi davantage à la réécoute...
Après l'entr'acte, l'Orchestre Philharmonique de Radio France interprète la Suite de danses de Bartók. Je les avais déjà entendues à Budapest par le Nemzeti Filharmonikusok (les Philharmoniqueux nationaux) pendant le Bartók-Maraton. Le contraste avec les autres merveilles jouées pendant le Marathon ne m'avaient fait trouver ce concert que très bon. Ayant entendu cette fois-ci cette suite de danses dans un autre contexte. j'ai été tout à fait convaincu par la vigoureuse interprétation du Philhar' dirigé le chef Jukka-Pekka Saraste que j'avais déjà apprécié dans un programme Britten/Chostakovitch. J'apprécie évidemment les glissandos des trombones dans l'Allegro molto, mais je savoure aussi tout particulièrement l'Allegro vivace, une danse paysanne très arabisante !
J'ai été tout autant convaincu par le Sinfonietta de Janáček. Je ne sais pas au juste ce que cette œuvre raconte, mais il est évident à l'écoute que cette œuvre est narrative !
Ce concert est disponible à la réécoute sur Cité de la musique live.
Ailleurs : Paris — Broadway.
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Salle Cortot — 2013-02-23
Marc Duprez, violon
Hélène Lequeux-Duchesne, violon
Joël Soultanian, alto
Sarah Veilhan, violoncelle
Bernard Chapron, flûte
Canon à deux, Ricercar à trois, Canon à quatre, Canon perpetuus per giusti intervalli extraits de L'Offrande musicale (BWV 1079), Bach
Quatuor à cordes nº1 en ut majeur op. 49 (Chostakovitch)
Six Épigraphes antiques (Debussy), transcription pour flûte et trio à cordes de Bernard Chapron
Quatuor pour flûte et cordes en ré mineur, KV 285 (Mozart)
Charmant concert de musique de chambre au programme varié ! Parmi les extraits de L'Offrande musicale qui ont été joués, j'ai adoré le Ricercar à trois, grâce au thème de L'Offrande musicale dont les apparitions et réapparitions m'ont semblé limpides. J'ai encore une fois été charmé par le jeu de la violoncelliste Sarah Veilhan, qui a livré de beaux pizz. fins et délicats dans le Quatuor nº1 de Chostakovitch et qui a fort joliment alterné archets et pizz. dans la cinquième des Épigraphes antiques de Debussy, la plus convaincante à mon goût. La plus belle découverte de ce concert a été pour moi celle du remarquable altiste Joël Soultanian dont le solo au début du deuxième mouvement du Quatuor nº1 de Chostakovitch m'a beaucoup ému.
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Opéra Comique — 2013-02-23
Orchestre philharmonique de Radio France
Hélène Collerette, violon solo et direction
Magali Mosnier, flûte
Concerto pour flûte nº1 en sol majeur, KV 313 (Mozart)
Sérénade nº6 en ré majeur, Serenata notturna, KV 239 (Mozart)
Xavier de Maistre, harpe
Concerto pour flûte et harpe, KV 299 (Mozart)
Merci à Hugo d'avoir attiré mon attention sur ce réjouissant programme Mozart dirigé par Hélène Collerette ! Si les deux sous-ensembles du Philhar' entendus lors de ce concert et celui de la veille sont disjoints ou presque, ils m'ont tous les deux comblé de plaisir ; je note d'aller écouter plus souvent cet orchestre l'année prochaine...
Si j'ai aimé le concerto pour flûte et le concerto pour flûte et harpe, le point culminant de ce concert aura été pour moi la Serenata notturna. Les musiciens semblent prendre autant de plaisir que les spectateurs, très attentifs. Le satisfaction est d'autant plus grande dans le dernier mouvement où des mini-cadences semblent avoir été insérées pour chacun des solistes de cette œuvre (deux violons, un alto, une contrebasse et les timbales). D'après l'enregistrement de cette œuvre dont je dispose, ces solos ne semblent pas prévus par la partition, mais quand bien même certains solos m'ont paru d'un style assez peu mozartien (j'ai même pensé à Boulez !), c'était du meilleur effet !
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Théâtre des Champs-Élysées — 2013-02-26
Orchestre de chambre de Paris
Marina Chamot-Leguay, direction et flûte
Suite nº2 en si mineur, BWV 1067.
John Nelson, direction
Italo Marchini, assistant
Le jeune chœur de Paris
Henri Chalet, chef de chœur
Credo, pour chœur et orchestre (James MacMillan)
Omo Bello, soprano
Marianne Crebassa, mezzo-soprano
Claudia Huckle, alto
Pascal Charbonneau, ténor
Matthew Brook, basse
Magnificat, BWV 243, Johann Sebastian Bach.
La suite pour orchestre “Sonnerie de téléphone” de Bach était malheureusement ratée. Malgré l'effectif orchestral réduit utilisé pour cette œuvre, le son de la flûte (en bois) était inaudible, presque complètement couvert par celui des autres instruments. Ma tristesse est aussi grande que l'estime que je porte à la flûtiste.
Le Credo de MacMillan ne m'a pas autant enchanté que son concerto pour hautbois, interprété en janvier par cet orchestre et François Leleux. J'ai un peu l'impression d'avoir entendu une œuvre pour chœur et une œuvre pour orchestre, mais pas vraiment une œuvre pour chœur et orchestre, comme si les parties chorales et des parties orchestrales s'ignoraient l'une l'autre. L'écriture vocale est archaïsante (oh, des intervalles entre voix du chœur qui sonnent juste), ce qui ne messied point s'agissant d'une œuvre religieuse. Les parties orchestrales sont un peu plus tourmentées, mais j'apprécie tout particulièrement les accords doucement dissonants entre les différents pupitres de cordes (on diraît un tampura mal réglé !). Ayant eu du mal à discerner le texte prononcé par le chœur, je n'ai même pas reconnu le moment où celui-ci dit Et resurrexit..., un passage sans doute totalement dénué d'effet, contrairement à Bruckner dans sa Messe nº3 mentionnée plus haut.
L'interprétation de ce Credo a été perturbée par la présence dans la salle d'un bébé qui a commenté les deux premiers mouvements avec les quelques syllabes à sa disposition. Le troisième mouvement a même été interrompu après quelques secondes. Le chef s'est tourné silencieusement vers le côté, quelques spectateurs ont inventivé contre les parents dudit bébé, les exhortant à sortir (en vain...).
Après l'entr'acte, l'orchestre, le chœur et cinq chanteurs solistes sont venus interpréter le Magnificat de Bach, que je n'avais pas entendu en concert depuis 2007. Cette interprétation réjouissante de la musique de Bach m'a vraiment convaincu. Outre les chanteurs presque tous excellents, j'ai aimé les solos de hautbois, le duo de flûtes, l'organiste, le chœur, le phrasé intéressant choisi par les cordes dans le Deposuit potentes, etc.
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Cité de la musique — 2013-02-27
Philippe Aïche, violon solo
Orchestre de Paris
Paavo Järvi, direction
Symphonie nº86 (Haydn)
Piotr Anderszewski, piano
Symphonie nº4 (Szymanowski)
Sérénade nº1 (Brahms)
Il faudrait que l'Orchestre de Paris joue plus souvent à la Cité de la Musique. C'était une orgie sonore ! J'ai adoré les trois œuvres. La Symphonie nº4 de Szymanowsky m'a paru cette fois-ci bien plus équilibrée que lorsqu'elle avait été interprétée en décembre par le LSO. La Sérénade nº1 de Brahms est une très belle friandise qui commence espièglement dans une atmosphère très paysanne. Pendant tout le concert, le bassoniste Giorgio Mandolesi a fait honneur à sa réputation !
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Église Saint-Eustache — 2013-02-28
Orchestre Colonne
Marc Korovitch, direction
Fabienne Conrad, soprano
Nicolas Lépolard, baryton
Chœur de l'orchestre Colonne
Francis Bardot, chef de chœur
Am Saum ses Gedankens (Gualtiero Dazzi)
Ein deutsches Requiem (Brahms)
Je ne suis pas très friand a priori des concerts dans les églises. Le placement est souvent libre ; il faut donc penser à arriver un peu en avance. Les chaises sont inconfortables et trop rapprochées les unes des autres. Il fait froid (ou trop chaud si on est assis sur le chauffage...). Les musiciens ne sont pas sur une scène surélevée, donc on ne les voit pas et en outre, le son qu'ils produisent est transformé par la durée de réverbération invraisemblablement longue de ces édifices (cf. le cas de la basilique Sainte-Clotilde).
Le concert a commencé par Am Saum des Gedankens de Gualtiero
Dazzi. Contrairement au Credo de MacMillan entendu l'avant-veille de ce concert, je ne ressens
pas ici de grand écart entre les parties vocales et les parties
orchestrales de cette œuvre contemporaine. J'apprécie l'atmosphère créée
par l'orchestre par différents procédés, comme de longues notes tenues ;
cela m'a parfois fait un peu penser au style spectral (voir plus haut à propos de Modulations de
Grisey). Dans cette œuvre pour orchestre, chœur et voix féminine, mes plus
fortes émotions sont venues des interventions de la soprano Fabienne
Conrad. Certes, il m'a semblé qu'il y avait beaucoup de vibrato dans sa
voix au tout début, mais que ses phrasés étaient beaux ! J'ai ainsi
beaucoup aimé sa façon de chanter une fin de phrase sur le texte den
Stern in die Nacht
. Le clou du spectacle résidait dans l'ondulation
presque dhrupadisante sur les deux syllabes d'un unique
mot vers la fin de l'œuvre, était-ce sur le mot immer
dans le poème
Die Pappel ? Merveilleux !
J'appréhendais de réétendre Ein deutsches Requiem de Brahms. Je l'ai entendu deux fois : en 2006 par le COGE et en 2009 par le Philharmonique de Radio France. À chaque fois, je m'étais ennuyé au point que je m'étais peut-être même assoupi. Je garde aussi en mémoire le souvenir de passages qui m'avaient semblé un peu pompeux.
L'Orchestre et le Chœur Colonne sont dirigés par Marc Korovitch, que j'ai déjà pu apprécier comme chef de l'Orchestre des concerts gais. Amenés comme ils l'ont été, sans affectation, les passages qui joués par d'autres m'avaient parus pompeux m'ont semblé venir tout naturellement dans le flux musical. L'acoustique de l'église valorise tout particulièrement le chœur qui explore une large gamme de nuances. Le premier mouvement Selig... m'a bouleversé. J'ai rarement autant pleuré pendant un concert ! Après un deuxième mouvement tout aussi riche en émotions, j'ai pu retrouver une certaine contenance et écouter la suite de l'œuvre d'un air ravi que je n'ai même pas pensé à quitter quand je me suis pris un gros coup de coude involontaire de la part de la spectatrice située à ma gauche...
2013-03-01 10:28+0100 (Orsay) — Culture — Musique — Opéra — Danse — Planning
Après un mois de février très chargé en spectacles, mon mois de mars sera un peu plus raisonnable.
2013-02-11 13:25+0100 (Orsay) — Culture — Musique — Danse — Théâtre — Culture indienne
Théâtre Claude Lévi-Strauss du Musée du Quai Branly — 2013-02-10
Shizuoka Performing Arts Center
Satoshi Miyagi, auteur et mise en scène
Azumi Kubota, co-auteur
Hiroko Tanakawa, composition
Jumpei Kizu, scénographie
Koji Osako, lumières
Koji Makishima, son
Kayo Takahashi, costumes
Eri Fukasawa, accessoires
Kyoko Kajita, coiffure et maquillage
Masaki Nakano, assistant à la mise en scène
Yoshiji Yokoyama, dramaturgie
Yukio Kato, Fuyuko Moriyama, Yuki Nakamura, Yuzu Sato, Yoichi Wakamiya, Ryo Yoshimi, musiciens
Ayako Terauchi, chef d'orchestre
Kazunori Abe, narrateur
Micari, Damayanti
Kouichi Ohtaka, Nala
Yoneji Ouchi, Varshuneya
Naomi Akamatsu, Kesini
Yudai Makiyama, Pushkar
Hisashi Yokoyama, Kali
Tsuyoshi Kijima, Bhima/chasseur
Miki Takii, Impératrice douairière
Moemi Ishii, Sunanda
Yuya Daidomumon, Rituparna
Yoji Izumi, Sudeva
Yuumi Sakakibara / Momoyo Tateno, Indra
Yu Sakurauchi / Miki Takii, Agni
Miyuki Yamamoto / Asuka Fuse, Varuna
Kotoko Kiuchi / Maki Honda, Yama
Maki Honda / Yuumi Sakakibara, Karkotaka
Mahabharata, épisode du roi Nala
J'ai assisté ce dimanche à la dernière représentation au Quai Branly de Mahabharata par la compagnie japonaise Shizuoka Performing Arts Center inspirée par le théâtre kabuki (je n'y connais rien, mais c'est ce qui est annoncé...). (Quelques autres représentations sont programmées en province.)
Le spectacle de 1h45 ne raconte pas exactement l'épopée du Mahābhārata puisqu'il se concentre sur un conte qui est raconté à quatre des frères Pāṇḍava dans le troisième livre de l'épopée. Lors de l'exil des Pāṇḍava en forêt, ils rencontrent en effet des sages qui leur racontent des histoires qui évoquent des personnages qui peuvent leur servir d'exemples ou de modèles pour leur conduite future. Une de ces histoires est celle de Nala et Damayantī, racontée par le sage Bṛhadásva.
Quelques jours avant d'assister à ce spectacle, je ne me souvenais que des grandes lignes de ce conte. C'est une histoire d'amour qui finit bien. Elle commence par une romance qui naît sans que Nala et Damayantī se soient rencontrés. Le simple fait d'entendre l'éloge de l'autre suffit à faire naître l'amour. Les deux s'échangent des messages par l'intermédiaire d'un cygne comme sur cette représentation fameuse du peintre Raja Ravi Varma :
Comme il était de coutume au temps des épopées, la princesse Damayantī
(fille d'un certain Bhīma, homonyme d'un des Pāṇḍava) doit choisir
son époux au cours d'un cérémonie appelée svayaṃvara dans laquelle
quatre dieux figurent au nombre des prétendants : Indra, Agni, Varuna,
Yama. Bien sûr, la princesse sait d'avance quel homme elle veut épouser,
mais les quatre dieux prennent tous l'apparence de Nala. Damayantī parvient
à désigner son bien-aimé parce que c'était le seul qui transpirait et dont
les pieds touchait le sol. Loin d'être en colère, les dieux bénissent cette
union et donnent quelques pouvoirs surnaturels à Nala. Le couple vit
heureux et engendre deux enfants. Le démon Kali était arrivé en
retard au svayaṃvara et décide de leur nuire. Pour cela, il fait
alliance avec le frère de Nala, Puṣkara qui veut prendre la place de son
frère à la tête du royaume. Comme dans le récit principal du
Mahābhārata, cela se joue dans une partie de dés. Nala, qui à
partir de là est possédé par le démon Kali, perd tout. Il doit partir en
exil avec Damayantī qui a confié ses enfants à ses parents. Nala perd le
dernier vêtement qui lui reste en essayant de capturer un oiseau. Tout
honteux, il abandonne Damayantī dans la forêt après avoir déchiré un pan de
son sari pour se couvrir.
Après avoir été mordu par le serpent Karkoṭaka qu'il avait pourtant délivré du feu, Nala est temporairement transformé en un être difforme nommé Bāhuka. Comme il est expert en chevaux, il se fait engager comme cocher par le roi Ṛtuparṇa.
De son côté, Damayantī se retrouver seule dans la forêt. Alors qu'elle est sur le point de se faire dévorer par un python, un chasseur la sauve, mais celui-ci devenant trop entreprenant avec elle, elle lui lance une malédiction et le chasseur meurt sur le champ. Plus tard, elle rencontre une caravane de marchands qui va être victime d'une attaque d'eléphants sauvages. Les caravaniers tiennent Damayantī pour responsable. Elle doit fuir. Elle finit par arriver dans un royaume dont la reine l'engage pour s'occuper de la princesse Sunandā. Un jour, un visiteur reconnaît Damayantī qui peut retourner chez ses parents. Bhīma, le père de Damayantī envoie des messagers à la recherche de Nala. Nala-Bāhuka entendra le message envoyé par Bhīma et y apportera une réponse qui sera rapportée à Damayantī.
Dès lors, Damayantī établit un plan pour retrouver Nala. Elle fait envoyer un message à Ṛtuparṇa (et à lui seul) annonçant qu'aura lieu le lendemain un deuxième svayaṃvara. La distance entre les deux royaumes est en principe trop grande pour qu'il puisse s'y rendre en si peu de temps. Cela n'est possible que si Ṛtuparṇa est conduit par un cocher de la valeur de Nala. C'est ce qui se produit. Dans des circonstances rocambolesques, le roi Ṛtuparṇa (expert en dénombrement et au jeu de dés) échange son savoir avec celui de Nala dans l'art de la conduite des chevaux. Le char arrive à temps, ce qui est un premier signe du retour de Nala pour Damayantī qui entend ensuite sa servante Keśini lui parler des pouvoirs surnaturels de Bāhuka (les portes s'agrandissent pour le laisser passer, etc.). Elle est définitivement convaincue quand elle goûte à un plat que Bāhuka a préparé.
La fin heureuse est proche. Nala peut mettre un terme à sa difformité physique en se parant d'un vêtement magique que lui avait donné le serpent Karkoṭaka. Comme il est devenu expert en dés, Nala peut récupérer le royaume que lui avait pris Puṣkara auquel il pardonne ses méfaits.
J'ai bien fait de relire les détails de cette histoire telle que la raconte la sanskritiste Madeleine Biardeau dans son édition en deux volumes du Mahābhāratā puisque la version bande-dessinée de l'éditeur Amar Chitra Katha aurait été insuffisante pour me préparer à cette représentation de la troupe japonaise : les moindres détails de cette histoire ont été préservés dans le travail d'adaptation, y compris certains que j'avais eu le temps d'oublier entre ma lecture de samedi et la représentation de dimanche...
J'ai juste été un peu déçu que la narration du spectacle commence avec le svayaṃvara. J'aurais en effet bien aimé voir le cygne intervenir comme messager entre Nala et Damayantī. Le rôle des dieux dans le svayaṃvara a aussi été réduit dans le spectacle puisqu'on ne nous dit pas qu'il ont essayé de troubler le choix de Damayantī en prenant la forme de Nala. Cette déception n'est finalement pas grand'chose. Je me suis délecté d'autres détails, comme la scène où Damayantī se fait reconnaître par un visiteur, la preuve de son identité étant apportée par la présence d'un grain de beauté sur le front qui ne devient visible qu'après qu'on en a enlevé la poussière ; c'est aussi à ce moment-là que la reine du royaume où Damayantī a été recueillie prend conscience qu'elle est sa nièce.
Davantage que ces détails, il était plus important que les caractéristiques de ces personnages soient préservées. Le sous-titre du spectacle a beau être Épisode du roi Nala, le personnage principal est en réalité Damayantī. Quand son mari va tout perdre, elle a la présence d'esprit de confier ses enfants à ses parents. Elle a pleinement conscience du fait que Nala est possédé par un démon (Kali). C'est grâce à cette conviction qu'elle ne doute jamais du sens du devoir de son mari. C'est elle qui organise un plan pour que les deux époux puissent se retrouver. J'ai aimé que le texte de cette adaptation souligne à plusieurs reprises cette clairvoyance de Damayantī.
L'univers esthétique du Shizuoka Performing Arts Center fut assez surprenant pour moi. Une plate-forme de taille relativement modeste est placée sur la scène, pas tout à fait au centre. Les musiciens (tous percussionnistes) prennent place devant leurs instruments le long de deux côtés de la plate-forme. Les comédiens, qui comme les musiciens sont tous habillés en blanc à l'exception du démon Kali qui est en gris, évolueront sur cette plate-forme principale, ou sur une plus petite située à gauche. Les différentes parties du théâtre sont utilisées par la mise en scène : les comédiens peuvent entrer par l'arrière, par le côté gauche et par les allées entre les spectateurs.
Je ne sais pas comment le public ne connaissant pas préalablement
l'histoire de Nala et Damayantī a perçu le conte ; pour ma part, j'ai été
agréablement surpris, même si j'ai eu de quoi être étonné par le contraste
entre d'une part l'esthétisme des costumes et la poésie du conte et d'autre
part les expressions verbales et faciales volontairement exagérées et
grotesques qui se font voir et entendre dans certaines scènes. Il en va de
même des plaisanteries, par exemple quand Damayantī organise son propre
svayaṃvara. On aperçoit alors un rouleau de papier où des
inscriptions en japonais entourent un portrait de la princesse. Un comédien
dit, en français, Je ne sais pas lire.
. Une comédienne lui prend le
papier contenant le message et commence par dire très exactement Flash
spécial ! À tous les rois...
pour que ceux-ci sachent que Damayantī
souhaite se remarier. La scène devient tout à fait délirante quand d'autres
comédiens entrent avec des pancartes vantant les mérites de la boisson
miraculeuse Shizuoka Damayan-Tea.
Le traitement comique de certaines scènes me semble tout à fait approprié. Que Nala-Bāhuka se permette d'arrêter son char pour compter très exactement les feuilles d'un arbre alors que le bon sens voudrait qu'il rejoigne le plus rapidement possible le royaume de Bhīma paraît tout autant incongru dans le texte d'origine que dans cette mise en scène !
Le plus délicieux dans cette production est sans doute sa scénographie et son utilisation d'accessoires et de costumes en papier (avec un peu d'origami) et même de marionnettes. Les figurants-chanteurs-danseurs sont mis à contribution de bien des manières ! Comme tous les détails de l'histoire ou presque sont montrés, les concepteurs du spectacle ont dû trouver d'habiles manières de représenter par exemple les éléphants sauvages, les caravaniers, etc. (On notera aussi la représentation subtile de certains détails : les quatre dieux portent ainsi des chaussures qui donnent l'impression qu'ils ne touchent pas le sol.)
Comme j'ai rapidement compris que les moindres détails de l'histoire
seraient représentés, j'ai pu concevoir des attentes portant sur certains
épisodes du conte et ceux-ci ont été amplement comblés. Le détail qui tue,
cela a été les jets des pétales de fleurs par le démon Kali lors de la
grandiose fête célébrant en fin de spectacle les retrouvailles des deux
amants. Bien sûr, les dieux assistent à cette fête. Dans le texte de
Madeleine Biardeau, on peut lire Une pluie de fleurs tombe du ciel et
les tambours célestes résonnent.
. C'était exactement ça !
Ailleurs : United States of Paris (avec quelques photographies).
2013-02-09 15:47+0100 (Orsay) — Culture — Musique — Opéra — Budapest
Magyar Állami Operaház, Budapest — 2013-02-01
Csaba Szegedi, Don Giovanni
Klára Kolonits, Donna Anna
Dovlet Nurgeldiyev, Don Ottavio
Géza Gábor, Il Commendatore
Beatrix Fodor, Donna Elvira
Gábor Bretz, Leporello
Marcell Bakonyi, Masetto
Júlia Hajnóczy, Zerlina
György Vashegyi, direction musicale
Gianfranco De Bosio, mise en scène
Andrea P. Merlo, chorégraphie
Nana Cecchi, décors et costumes
Don Giovanni, Mozart.
À peine arrivé à mon appartement à Budapest le vendredi 1er février, j'ai fait le plein de provisions dans un supermarché près de la place de l'Oktogon et me suis dirigé vers l'Opéra national hongrois qui de l'extérieur a un petit air d'Opéra Garnier :
La salle est extrêmement belle. On y trouve un magnifique escalier :
Le plafond n'est pas mal non plus :
Cependant, alors qu'à Paris la salle de spectacle proprement dite n'occupe qu'une petite partie du volume du bâtiment, le bâtiment du Magyar Állami Operaház n'est qu'un fin masque enveloppant la salle. N'espérez pas y boire ou manger quelque chose à l'entr'acte, les bars sont assez inaccessibles (c'est pire qu'au Châtelet, c'est dire !). Je n'ai donc pas essayé de franchir la porte donnant sur le grand foyer que l'on aperçoit au fond de la photographie ci-dessous. Je me suis réfugié aux étages supérieurs dont les couloirs étroits étaient moins encombrés.
Pour environ 15€, j'ai eu une bonne place au deuxième rang d'une première loge côté gauche (Földszint páholy bal).
Même quand les trois dames du premier rang ont pris place, je voyais relativement bien. À savoir : les Hongrois ne font pas semblant de s'habiller quand ils vont à l'Opéra !
Ma raison principale pour aller à l'Opéra ce soir-là était de visiter ce bâtiment, ce qui m'a procuré une grande satisfaction. Accessoirement, j'ai aussi assisté à une représentation de l'opéra Don Giovanni.
La production est très traditionnelle. Le décor est unique, mais comme ce mur placé au fond de la scène doit participer à l'acoustique de la représentation, je ne m'en plaindrai pas trop. Certains déplacement d'éléments de décor se font alors que les machinistes sont visibles. Les costumes sont d'une époque indéterminée dans laquelle semblaient évoluer les personnages de tous les opéras italiens dans les vieux films d'archives.
Le début de l'opéra m'enthousiasme puisque j'ai l'impression d'y distinguer un semblant de direction d'acteurs (notamment dans les scènes avec Donna Anna), mais j'aurai un peu plus de mal à apprécier la suite, d'autant plus que mes souvenirs du livret de l'opéra étaient assez réduits et que les surtitres en hongrois uniquement et le texte chanté en italien ne m'ont pas permis de saisir tous les détails.
Si l'interprétation musicale de l'orchestre ne m'a pas paru inoubliable, j'ai beaucoup aimé les voix des chanteurs et la proximité que la configuration de la salle permet avec le public (au moins pour la partie du public à laquelle j'appartenais). Deux passerelles enjambent la fosse d'orchestre et débouchent sur les allées du parterre. Les entrées et sorties des chanteurs peuvent ainsi se faire par ces passages et il n'était pas rare que les airs soient chantés depuis ces passerelles. Qu'il était agréable d'entendre des chanteurs interpréter leurs airs dans une salle dont l'acoustique les dispense de forcer leur voix.
J'ai aimé tous les interprètes des rôles masculins, et tout particulièrement Csaba Szegedi (Don Giovanni) et Gábor Bretz (Leporello). Chez les dames, ma préférence va à Klára Kolonits (Donna Anna) et à l'espiègle Júlia Hajnóczy (Zerlina).
J'ai mangé et bu jusqu'à la dernière goutte une excellente soupe au Zsákbamacskához à l'issue de la représentation :
Cliquer ici pour voir les autres photographies que j'ai faites à l'Opéra ce jour-là.
Voilà, c'était le dernier de mes billets sur le week-end que j'ai passé à Budapest. J'ai déjà mon billet d'avion pour le prochain !
2013-02-09 13:40+0100 (Orsay) — Culture — Musique — Budapest
Bartók Béla Nemzeti Hangversenyterem, Művészetek Palotája, Budapest — 2013-02-02
Szegedi Szimfonikus Zenekar
Gyüdi Sándor, vezényel
Az arles-i lány - II. szvit, Bizet
Kováts Péter, orgona
g-moll szimfónia orgonára és zenekarra, op. 25, Dupré
Badinerie de la suite pour orchestre en si mineur, BWV 1067.
Vaszy Viktor Kórus (Szeged)
Mise fríg hangnemben, Lajtha László
Samedi dernier, je me suis rendu au Művészetek Palotája de Budapest. En arrivant à la station correspondante de la ligne 2 du tranway, mon visage s'est tout à coup illuminé à la vue de la salle de spectacle (qui en cette saison n'est pas cachée par les feuilles des arbres). Je n'y avais en effet pas mis les pieds depuis juin dernier, le Bartók-Maraton n'y ayant lieu que le lendemain. Après avoir goûté au magnifique vin blanc servi dans les buvettes (dont les comptoirs sont en forme de piano !), je me suis dirigé vers mon siège en loge de côté au plus près de la scène. La salle n'est malheureusement pas très remplie pour ce programme de musique franco-hongroise par l'orchestre symphonique de Szeged.
La pièce au programme qui m'a le plus enthousiasmé est la deuxième suite de L'Arlésienne de Bizet, joué d'une exquise façon par cet orchestre. Le duo entre la flûte et la harpe était divin. Chez les altos, le seul musicien que je voyais était une musicienne, qui grâce à la pulsation de sa tête, aux sourires réjouis quand ses collègues jouaient et aux regards d'un œil vers le chef devint immédiatement ma chouchou dans cet orchestre.
La raison de ma venue à ce concert était la symphonie en sol mineur pour orgue et orchestre de Dupré. Un collègue ayant fait sa thèse à Budapest m'avait en effet recommandé d'aller écouter l'orgue du Mupa (cette vidéo est à voir absolument). Un jeune homme Péter Kováts s'est installé derrière le mastodonte en bois et électronique placé sur la scène et qui commande aux tubes situés sur le mur d'arrière-scène. (Ce dispositif de commande électronique sera aussi utilisé brièvement le lendemain au début du Mandarin merveilleux dans le Bartók-Maraton tandis que dans Le Chateau de Barbe-Bleue, l'orgue sera commandé par les claviers situés à l'étage, à proximité immédiate des tubes.) J'ai aimé cette combinaison d'instruments inouïe pour moi. Je suis content d'avoir entendu cette œuvre dont j'ai apprécié le contrepoint, mais ce n'est sans doute pas l'œuvre qui m'aura le plus marqué au cours de ce week-end budapestois...
Je n'ai pas compris les plaisanteries en hongrois qu'a faites très
timidement l'organiste avant de jouer son bis : il n'a pas arrêté
d'utiliser le mot Franciaország
, ce qui est curieux parce que le bis
qu'il a joué était de Bach. Peut-être que la transcription était due à un
Français ?
Après l'entr'acte, je me fais enguirlander par l'ouvreuse quelque peu désœuvrée parce que je venais d'avaler une gorgée d'eau. La scène s'est d'ailleurs reproduite à l'identique le lendemain. C'est la seule situation embarassante du week-end vis-à-vis de la longue hongroise : entendre une tirage dans une langue inconnue... Si je garde une petite bouteille d'eau auprès de moi lors des concerts, c'est pour l'avoir à portée de mains au cas où les signes avant-coureurs d'un toussottement se feraient sentir. Je l'ai surtout pour me rassurer et ne pas m'en servir. Lors de ce concert, j'ai d'ailleurs été agréablement surpris par la quasi-absence de toux entre les mouvements : quatre au maximum dont la moitié venait des musiciens de l'orchestre. Le lendemain, le public sera en moins bonne santé, mais par rapport à la moyenne parisienne, c'est un réel soulagement.
L'œuvre qui a conclu le concert est la messe en mode phrygien de László Lajtha. J'ai aimé le côté moderne de l'instrumentation se fondant à la forme plus ancienne de la messe (en latin) et aux intervalles musicaux du mode utilisé. Je suis censé connaître un tout petit peu le Raga Bhairavi qui utilise les mêmes gammes que le mode phrygien, mais cela ne m'a pas vraiment aidé à comprendre se qui se passait dans la musique. Le chœur Vaszy Viktor Kórus de Szeged m'a fait une très forte impression ! Sans cette préparation à l'audition d'un chœur de très haut niveau, le choc du lendemain à l'écoute de la performance du Nyíregyházi Cantemus Kórus aurait-été telle que je serais peut-être mort de plaisir.
2013-02-07 10:23+0100 (Orsay) — Culture — Musique — Opéra — Danse — Budapest
Après avoir rendu compte des concerts du Bartók-Maraton donnés dans l'amphithéâtre du Művészetek Palotája, je vais maintenant me concentrer sur les six concerts donnés dans la grande salle, en procédant cette fois-ci par ordre chronologique, car sinon je ne m'y retrouverais plus...
Bartók Béla Nemzeti Hangversenyterem, Művészetek Palotája, Budapest — 2013-02-03 à 10:30
Csaba Péter, vezényel
Banda Ádám, hegedű
MÁV Szimfonikus Zenekar
I. hegedűverseny
Concerto
Le programme de ce concert m'intriguait. Comme I. hegedűverseny
signifie Concerto pour violon nº1
, je me disais quelques jours avant
de venir qu'il y avait peut-être une coquille dans le programme parce
qu'adjoindre à celà le mot Concerto
serait redondant. Je n'osais
croire comme l'expliquera Klari
que ce mot désignait ce qui est connu par chez nous sous le nom de
Concerto pour orchestre
, et ce d'autant plus que les deux œuvres ne
tiennent pas dans le temps imparti à ce concert, le suivant étant programmé une
heure plus tard. Le concert s'est terminé avec un quart d'heure de retard
:-)
J'ai aimé retrouver le violoniste Ádám Banda que j'avais adoré il y a quelques semaines à la Cité de la musique dans la Sonate pour violon seul de Bartók. Le début crépusculaire de concerto m'a semblé idéal pour rentrer dans l'univers du compositeur. Je me suis ensuite laissé porter par la musique, tout comme dans le concerto pour orchestre. Comme tous les orchestres qui vont se succéder sur la scène, l'orchestre symphonique du MÁV est impressionnant ! Si tous les musiciens sont très engagés, l'attitude souriante du violoncelliste solo me plaît beaucoup.
⁂
Bartók Béla Nemzeti Hangversenyterem, Művészetek Palotája, Budapest — 2013-02-03 à 12:30
Kovács János, vezényel
Budapesti Vonósok (Botvay Károly, művészeti vezető ; Pilz János, koncertmester)
Zene húros hangszerekre, ütőkre és cselesztára
Divertimento
L'orchestre à cordes de Budapest présente une particularité vestimentaire : si les hommes ont la tenue habituelle des musiciens d'orchestre, les femmes portent des robes colorées. Cet ensemble joue une des œuvres du Bartók-Maraton que j'attendais avec le plus d'impatience : la musique pour cordes, percussion et célesta. J'avais déjà été captivé quand je l'avais entendue pour la première fois jouée par le LSO en mai 2012. Cela n'a pas raté, j'ai encore été émerveillé par le premier mouvement Andante tranquillo, et par tous le reste, avec une pensée particulière pour le son des timbales. Il m'a semblé voir seize violonistes, huit à gauche du chef et huit à sa droite, et chaque groupe de huit était subdivisé en deux groupes de quatre, lesquels se subdivisaient exceptionnellement en des mini-groupes de deux musiciens, suivant que les musiciens soient du côté gauche ou du côté droit de leur pupitre. À la lecture de l'instrumentation décrite sur Wikipédia, il semble en réalité qu'il s'agisse d'une œuvre pour double orchestre (comme l'est la Passion selon Saint-Mathieu de Bach). Quelle énergie déployée par cet ensemble dont l'effectif n'est en rien pléthorique (seulement deux contrebasses) ! Le Bartók-Maraton se serait arrêté là, j'aurais déjà été heureux d'avoir fait le déplacement. Mais, sans parler des autres concerts, celui-ci m'a aussi donné à entendre le Divertimento...
⁂
Bartók Béla Nemzeti Hangversenyterem, Művészetek Palotája, Budapest — 2013-02-03 à 15:00
Muzsikás együttes
Jandó Jenő, zongora
Petrás Mária, ének
Farkas Zoltán, Tóth Ildikó, tánc
Kaél Csaba, rendező
Bartók és a népzene
Ce concert mettait en regard la musique folklorique et des œuvres pour piano de Bartók qui en sont inspirées. C'est peu dire que j'ai adoré le pianiste Jenő Jandó qui a notamment joué les Danses populaires roumaines et Allegro barbaro. Je n'ai pas retenu le détail du programme qui n'a été affiché qu'assez furtivement sur des écrans situés sur la scène et sur lesquels étaient projetés des photographies et des films anciens montrant des danses populaires. Un couple de danseur a interprété quelques danses pendant que l'ensemble de musique folklorique Muzsikás jouait. J'ai apprécié la façon dont le pianiste et cet ensemble se sont passé le relais au cours du concert, la musique folklorique s'enchaînant sans pause aux œuvres pour piano de Bartók et réciproquement. La musique folklorique était tout à fait plaisante pour mes oreilles et elle m'a fait découvrir quelques instruments originaux. Il y a ainsi eu une longue flûte tenue verticalement par un musicien multi-instrumentiste (puisque qu'il a joué aussi de l'alto). A également attiré mon attention une contrebasse à trois cordes avec laquelle l'interprète faisait des pizz. à pleines mains, comme s'il allait arracher les cordes ! Tout autant étonnant fut la sorte de violoncelle en bois peu noble accroché sur le ventre et dont les cordes n'étaient pas frottées par un archet mais frappées violemment par une baguette. Pendant quelques minutes, la magnifique voix a capella de la chanteuse Mária Petrás dans la Modvai Ballada s'est fait entendre.
⁂
Bartók Béla Nemzeti Hangversenyterem, Művészetek Palotája, Budapest — 2013-02-03 à 17:00
Nemzeti Filharmonikusok
Kocsis Zoltán, vezényel
Kossuth-szimfónia
Táncszvit
Si j'avais écouté ce concert en dehors du contexte du Bartók-Maraton, j'aurais sans doute été plus qu'enchanté. Entre toutes les merveilles programmées lors de cette journée, je dois avouer avoir presque été déçu de n'avoir trouvé que très bon ce concert de l'Orchestre philharmonique national. Les deux œuvres (la Symphonie Kossuth et la Suite de danses) me font penser à un autre compositeur, Stravinski (celui du Sacre du printemps et de Petrouchka). Dans la voluptueuse musique de la Symphonie Kossuth, j'ai aimé l'incongruité d'une sorte de fugue qui est initiée par un ensemble de bassons avant de se propager dans l'orchestre. Dans la Suite de danses, je me suis notamment délecté des glissandi des trombones, du son du hautbois et du tuba (qui a dû mettre et enlever sa maxi-sourdine un certain nombre de fois...).
⁂
Bartók Béla Nemzeti Hangversenyterem, Művészetek Palotája, Budapest — 2013-02-03 à 19:00
Pannon Filharmonikusok
Várjon Dénes, zongora
Bogányi Tibor, vezényel
III. zongoraverseny
A csodálatos mandarin - szvit
Quel bel orchestre que cet Orchestre Philharmonique Pannon ! J'envie les habitants de la ville de Pécs où cet orchestre est installé. S'agissant du programme de leur concert, je dois toutefois admettre avoir quelques difficultés à apprécier le concerto pour piano nº3. Je n'avais pas tellement aimé cette œuvre quand je l'avais entendue par le Philharmonia Orchestra. Ayant acquis un enregistrement des concertos pour piano par le Budapest Festival Orchestra dirigé par Iván Fischer avec András Schiff comme soliste, j'ai appris à l'aimer. En vrai avec cet orchestre et le pianiste Dénes Várjon (déjà entendu quelques heures plus tôt dans des œuvres pour piano seul), si j'ai encore une fois adoré le deuxième mouvement, dans l'ensemble je n'ai pas été conquis, mais l'orchestre m'a fait une impression plus qu'excellente. Il est à noter qu'alors que l'Orchestre philharmonique de Vienne est entre autres réputé pour être très masculin, le Pannon est au contraire très féminin. Les femmes ne sont d'ailleurs pas exclues des postes à responsabilité puisque le violon solo est une femme.
Si le point culminant du Bartók-Maraton a été pour moi le concert du chœur Nyíregyházi Cantemus, le plus grand frisson purement orchestral est assurément venu de la Suite du Mandarin merveilleux que cet orchestre a interprété. Si j'avais lu le synopsis de ce ballet-pantomime avant de venir, je n'ai pas véritablement réussi à faire le lien entre ce que j'entendais et l'histoire. J'ai seulement reconnu que le rôle de la prostituée était joué par la (magnifique) clarinette. Plutôt que de penser à l'histoire, je me demandais s'il était possible de faire rugir un orchestre de façon plus impressionnante. Choquant. Sidérant. Un régal !
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Bartók Béla Nemzeti Hangversenyterem, Művészetek Palotája, Budapest — 2013-02-03 à 21:00
Budapesti Fesztiválzenekar
Kovács István, A kékszakállú herceg (basszus)
Komlósi Ildikó, Judit (mezzoszoprán)
Gera Marina, Hekler Melinda, Szilágyi Csenge, korábbi feleségek
Szlávik Juli, jelmez
Baumgartner Sándor, fény
Fischer Iván, vezényel
A kékszakállú herceg vára
Parmi les diverses merveilles composées par Bartók que j'ai entendues en 2012, celle qui m'a décidé de venir à Budapest pour le Bartók-Maraton était A kékszakállú herceg vára (Le Château de Barbe-Bleue) interprété par l'Orchestre de Paris en octobre. C'est l'œuvre qui était programmée pour clore le Bartók-Maraton. De façon cohérente avec le propos de l'opéra, on a pour ainsi dire fait l'obscurité dans la salle. C'est le chef d'orchestre Iván Fischer lui-même qui a joué le rôle du barde. Au milieu de ce court prologue, Iván Fischer a commencé à diriger de dos le Budapest Festival Orchestra. Même si j'avais relu le livret quelques jours auparavant, je n'ai pas compris un traître mot de ce qu'Iván Fischer a dit, mais c'était impressionnant et cela m'a immédiatement mis dans l'atmosphère troublée de cet opéra dont je ne suis sorti qu'une heure plus tard, envoûté que j'étais par le flux musical et le chant des deux solistes. Je n'ai été en quelque sorte déconcentré que lorsque j'ai reconnu quelques mots dans le texte comme lorsque Judith se plaint qu'il fasse froid (hideg, comme quoi cela sert d'aller aux bains !), quand elle dit merci à Barbe-Bleue (köszönöm) ou quand le nom de Barbe-Bleue est mentionné (kékszakállú). Je ne me suis pas repéré très précisément dans le succession des ouvertures de portes. Toutefois, dans la musique, l'apparition de sons stridents signalent régulièrement l'effroi de Judith qui voit ou croit voir du sang un peu partout. Dans le délice auditif constitué par l'opéra, les moments que je trouve les plus délectables interviennent lors de l'ouverture des troisième (le trésor tintant) et sixième porte (les larmes évoquées par un glissando de harpe). Pour l'ouverture de la septième porte, trois comédiennes interprétant le rôle des trois ex-épouses se sont rapprochées du centre de la scène. Jusque là, elles étaient au fond de la scène, cachées par des voiles. Portant des robes aux traînes excessivement longues, elles ont fait de Judith une des leurs. J'ai été ému par la sincérité exprimée par Barbe-Bleue (István Kovács), en particulier dans les moments où ses nuances étaient les plus piano. Si j'avais pu suivre le texte hongrois, je l'aurais sans doute été tout autant par Ildikó Komlósi (Judith). Le moment le plus émouvant du concert a été pour moi le silence de quelques secondes entre la fin de l'opéra et le début des applaudissements.
(Je ne l'ai pas encore visionné en entier, mais on peut voir et écouter sur YouTube un film fait à partir de cet opéra dans lequel le rôle de Barbe-Bleue est interprété István Kovács. Celui de Judith est interprété par Klára Kolonits que par le plus grand des hasards j'ai entendue dans le rôle de Donna Anna dans Don Giovanni vendredi dernier...)
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Voilà, mon Bartók-Maraton est maintenant tout à fait terminé... C'est quand la prochaine fois qu'un orchestre hongrois vient à Paris jouer du Bartók ?
Ailleurs : Paris ― Broadway, Klari, vadalmacsutka.
2013-02-06 11:00+0100 (Orsay) — Culture — Musique — Budapest — Photographies
Lors de ce week-end, la journée de dimanche étant complètement occupée par le Bartók-Maraton, le lundi matin à la récupération et mon arrivée le vendredi ayant été trop tardive pour entreprendre des visites touristiques, il ne me restait que le samedi pour me promener.
Le matin, je suis allé aux bains Gellért. Les voûtes couvertes de mosaïques sont belles, les deux heures que j'y ai passées ont été agréables, mais à mon avis cela ne justifie pas de payer 5500 forints (environ 20€) pour entrer, ce qui est significativement plus qu'ailleurs.
La pluie peu aimable tombant ce samedi à Budapest a failli me faire envisager de passer tout le reste de la journée à manger des pâtisseries. En marchant depuis les bains Gellért jusqu'à l'arrêt de bus de la ligne 5, je me suis fait arroser deux ou trois fois par les giclées dues au passage des voitures sur les trop nombreuses flaques d'eau qui se forment dans les rues. À certains endroits, je me disais que si les troittoirs étaient aussi larges, c'était pour que les piétons rasant les murs ne soient dans les trajectoires de l'eau épousant la forme d'un cylindre parabolique.
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Après avoir pris le bus 5 et marché un peu, je suis arrivé à la maison dans laquelle Bartók a vécu dans les années 1930. J'ai pu poser sac, manteau et parapluie pour faire la visite à sec. Des partitions accueillent le visiteur dans la cage d'escalier :
Les trois pièces visitables renferment essentiellement des meubles en bois ornés de motifs sculptés colorés ou non. Un piano, un tourne-disque, quelques partitions.
Le plus émouvant est à voir à l'étage supérieur où sont exposés divers objets liés aux travaux d'ethnomusicologie de Bartók.
On peut y voir une sorte de fourchette à 5 pointes permettant de tracer à l'encre des portées de musique, ou encore un métronome de poche :
Parmi les objets collectés, quelques instruments dont une vielle à roue :
Et quelques costumes traditionnels :
Une statue du grand homme est installée devant la maison :
Cliquer ici pour voir les autres photographies que j'ai faites ce jour-là.
2013-02-05 10:40+0100 (Orsay) — Culture — Musique — Budapest
Je viens de passer un week-end à Budapest. La raison principale de ce
séjour était le Bartók-Maraton (Marathon Bartók en français), une
série complètement folle de onze concerts Bartók sous la direction
artistique d'Iván Fischer donnés au Palais des Arts
pendant une seule journée. Les concerts ont eu lieu alternativement dans la
grande salle (Bartók Béla Nemzeti Hangversenyterem) et dans l'amphithéâtre
(Fesztivál Színház). Le placement en I. em oldalerkély bal
(les
premières bergeries du côté gauche) réduit au minimum la distance à
parcourir pour passer d'une salle à l'autre. Les concerts s'enchaînent en
effet très rapidement : il y a rarement plus de dix minutes d'entr'acte. Il
faut choisir entre grignoter, boire ou plus prosaïquement aller aux
toilettes. Un verre de vin blanc (excellent), deux cafés, quelques gorgées
d'eau, une tablette de chocolat aux noisettes, je n'ai rien pris d'autre au
cours de cette journée-marathon. Pourtant, si des signes de fatigue
physique sont apparus en fin d'après-midi, je crois bien avoir réussi à
rester concentré sur la musique pendant tous les concerts qui ont tous été
de très bons à fantabullissimes. Je ne vais pas les recenser dans l'ordre
chronologique, mais dans un ordre d'intérêt ou d'émerveillement personnel
(très légèremment) décroissant ; c'est évidemment très subjectif. Je vais
me limiter dans ce billet aux concerts donnés dans la petite salle nommée
Fesztivál Színház. Je reviendrai sur les six autres concerts donnés dans la
grande salle dans un prochain billet.
J'ai recopié les programmes en gardant les noms propres dans l'ordre hongrois (nom suivi du prénom) et j'ai laissé en VO les titres d'œuvres, le nom des instruments, etc. J'aime bien l'idée de garder ces informations sans qu'il y ait de perte par rapport au programme uniquement en hongrois distribué pendant la journée et annoncé sur Internet. Cela me fait aussi travailler un peu mon hongrois... qui est passé au cours de ce séjour de zéro à pas grand'chose. (En cas de problème, utilisez Google Translate, même si le résultat est parfois étonnant...)
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Fesztivál Színház, Művészetek Palotája, Budapest — 2013-02-03 à 14:00
Nyíregyházi Cantemus Kórus
Szabó Dénes, Szabó Soma, vezényel
Egynemű és vegyes karok: Tavasz, Ne hagyj itt!, Jószágigéző, Leánynéző, Bolyongás, Leánykérő, Csujogató, Eladó lány, Négy szlovák népdal, Keserves, Senkim a világon, Játék, Ne láttalak volna, Bánat, Cipósütés, Párnás táncdal, Kánon, Isten veled!.
Pour ce programme de chœurs mixtes et non-mixtes, les sages tenues colorées des choristes inspirent a priori la sympathie tout comme le sourire bonhomme du premier chef de chœur de cet ensemble Nyíregyházi Cantemus Kórus. Je n'osais toutefois pas croire que ce concert me procurerait un plaisir aussi pur. Pour moi, ce concert a été émotionnellement le point culminant du Bartók-Maraton. Les choristes ayant atteint ou dépassé la vingtaine d'années se sont positionnés sur toute la longueur des deux allées entourant les rangées de sièges de l'amphithéâtre. Les autres forment plusieurs rangs sur la scène. Pendant le concert, quelques changements de configuration se sont faits de façon très fluide, alors que tous continuaient à chanter. Assis vers le milieu du deuxième rang, j'écoute ce concert non pas seulement en stéréo, mais dans une configuration sonore inconnue de mes sens (un film au son spatialisé en surround, c'est peu de choses en comparaison). Pendant les premières minutes, j'étais complètement ailleurs, entendant un merveilleux instrument polyphonique et mon impression s'est prolongée jusqu'à la fin du concert. Je n'imaginais pas que des chœurs dont certains s'approchent du genre des chants populaires pouvaient atteindre un tel niveau de raffinement et me procurer un plaisir que même les plus belles œuvres chorales de Bach (pour parler de ce que je connais un peu) ne m'ont fait ressentir, alors même que je n'ai absolument aucune idée du sens des textes chantés.
Pour quelques uns des chœurs, une des choristes jouait un accompagnement au piano, mais pour l'essentiel il s'est agi de chœurs a cappella. Avant chaque morceau de musique, une des choristes chantait brièvement une note après avoir écouté son diapason. En toute simplicité, comme si tout allait de soi, ce chœur m'a donné à entendre un de ces concerts prodigieux qui justifient d'aller inlassablement assister à des spectacles.
Voici un aperçu du travail du chœur d'enfants de cette formation. Note pour plus tard : me procurer ce CD. En attendant, retrouver un peu de l'émotion initiale procuré par Tavasz dans cette interprétation du chœur Kodály de Fukushima.
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Fesztivál Színház, Művészetek Palotája, Budapest — 2013-02-03 à 11:30
Mikrokozmosz (részletek)
Vigh Teodóra (Hubay Jenő Alapfokú Művészeti Iskola, Budapest ; Homor Istvánné, tanára)
I. füzet: Kérdés és felelet (14), Ellenmozgás (17), Imitácio és fordítása (23), Szinkópák (27), Tánc kánon formában (31)
II. füzet: Kromatika (54), Staccato és legato (38), Minuetto (50), Délszlávos (40)
Magyar Valentin (Rózsavölgyi Márk Alapfokú Művészetoktatási Intézmény, Balassagyarmat ; Somogyvári Ildikó, tanára)
III. füzet: Hommage à J. S. B. (79), Kromatikus invenció 2. (92)
IV. füzet: Felhangok (102), Nóta (116)
V. füzet: Dobbantós tánc (128), Perpetuum Mobile (135)
Heinrich Attila Henrik (Miskolci Egressy Béni-Erkel Ferenc Zeneiskola & AMI ; Csabay Csilla, tanára)
IV. füzet: Népdalféle (100), Báli szigetén (109)
V. füzet: Staccato (124), Váltakozó ütem (126), Falusi tréfa (130), Paprikajancsi (139)
Radnóti Róza (Járdányi Pál Zeneiskola, Budapest ; Becht Erika, tanára)
VI. füzet: Hat tánc bolgár ritmusban (2) (149), Tört hangzatok váltakozca (143), Ostinato (146)
Forró Fruzsina (Tóth Aladár Zeneiskola, Budapest ; Eckhardt Gábor, tanára)
VI. füzet: Kis másod- és nagy hetedhangközök (144), Mese a kis légyről (142), Szabad változatok (140)
En parcourant le programme du Marathon il y a quelques jours de cela, je m'étais réjoui du fait que les extraits de cette œuvre en six volumes destinée à l'apprentissage du piano soient joués par des élèves d'écoles de musique (Zeneiskola). Quelle belle idée ! Il est pourtant évident que c'est ainsi qu'il faut le représenter ; je n'imagine même pas que les organisateurs aient envisagé de le faire autrement ! Mes propres capacités techniques se limitent à un sous-ensemble de ce qu'a joué la toute première élève. J'ai reconnu certains des morceaux. Au fur et à mesure que l'on progressait, les élèves devenaient de plus en plus grands et exprimaient chacun à sa manière sa personnalité.
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Fesztivál Színház, Művészetek Palotája, Budapest — 2013-02-03 à 18:00
Báll Dávid, Marouan Benabdallah, zongora
Dénes Roland, Joó Szabolcs, ütőhangszerek
Szonátá két zongorára és ütőhangszerekre
Kádár István, hegedű
Ács Ákos, klarinét
Fejérvári Zoltán, zongora
Kontrasztok
Ce concert de musique de chambre était en deux parties disjointes. Il y eut d'abord la sonate pour deux pianos et percussions. Les deux tourneurs de pages sont très fortement mis à contribution puisque chaque page contient au plus deux ou trois systèmes de portées. Un incident assez sérieux de tourne aura d'ailleurs lieu avec le piano nº1. L'œuvre me déroute quelque peu dans le premier mouvement, mais j'ai adoré les deuxième et troisième mouvements. Cette œuvre rappelle que le piano est aussi un instrument à percussions et que la timbale a également un rôle mélodique. De quelle belle façon la timbale a ainsi repris un thème introduit par un des pianos ! Ce qui m'a le plus réjoui dans cette œuvre est peut-être le xylophone espiègle du troisième mouvement.
Dans Contrastes, je ne me suis délecté du son du clarinettiste, qui me faisait retenir mon souffle quand il jouait dans les nuances les plus douces. La relative aisance apparente du clarinettiste contrastait avec la virtuosité manifestement exigée du violoniste, lequel a joué de deux violons (pas en même temps, hein) dont l'un était dénué de coussin. Autant que je m'en souvienne, le changement d'instrument a eu lieu pour un passage dans un style faisant penser au folklore hongrois. D'après Wikipedia, le troisième mouvement est joué sur un violon accordé d'une façon inhabituelle. Je ne me souviens plus si cela a coïncidé avec le changement de violon ou si le violoniste a changé l'accord en cours de route. En tout cas, cette œuvre étrangement délicieuse m'a plu !
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Fesztivál Színház, Művészetek Palotája, Budapest — 2013-02-03 à 20:00
Kelemen-kvartett
Keleman Barnabás, hegedű
Homoky Gábor, brácsa/hegedű
Kokas Katalin, hegedű/brácsa
Kokas Dóra, cselló
II. ès V. vonósnégyes
Ma capacité d'émerveillement était-elle épuisée pour cet avant-dernier concert du programme ? Avait-ce été une erreur de ma part d'écouter les enregistrements de ces deux quators à cordes enregistrés par le quatuor Keller ? Ce qui est sûr, c'est que j'attendais trop de ce concert. Je ne sais pas comment cela aurait pu être mieux (peut-être en étant placé un peu plus loin des musiciens pour que les sons fondent mieux ?), mais j'espérais un choc plus radical encore que celui que j'avais ressenti à l'écoute du quatuor nº4 par le Quartetto di Cremona lors de la master-class de Kurtág à la Cité de la Musique. Bartók pouvait-il encore me bousculer après que j'ai entendu quelques minutes plus tôt Le Mandarin merveilleux ?! Bref, ce Bartók-Maraton me conforte dans l'idée que l'opinion que l'on se fait d'un concert dépend autant des œuvres et de leur interprétation que de l'état d'esprit dans lequel on franchit les portes de la salle. Je n'ai ainsi donc que moyennement aimé l'interprétation du quatuor nº2, mais le quatuor nº5 m'a vraiment beaucoup plu. Les musiciens étaient ainsi disposés, de gauche à droite : violon I, violoncelle, alto, violon II. J'ai été plus souvent habitué à voir V1/V2/alto/violoncelle ou V1/V2/violoncelle/alto, mais j'aime l'idée que le violon II fasse face au violon I ; j'imagine que ce choix original est influencé par les œuvres. Une particularité étonnante de ce concert est que le violon II et l'altiste du quatuor nº2 ont échangé leurs instruments pour le quatuor nº5 (je ne suis pas assez observateur pour savoir s'ils ont vraiment échangé les instruments ou s'ils ont chacun leur alto et leur violon !). Une autre des facéties de ces deux musiciens dans le nº5 est que pendant une longue phrase de l'altiste, le violon II lui a tourné la page. Si ce concert ne m'a pas plu autant que je l'aurais voulu, j'ai adoré ce quatuor nº5 et les fameux pizz. en glissando du violoncelle du quatrième mouvement.
Ce quatuor jouera entre autres ce quatuor nº5 de Bartók le 27 février à l'Auditorium du Louvre.
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Fesztivál Színház, Művészetek Palotája, Budapest — 2013-02-03 à 16:00
Várjon Dénes, zongora
Szóló zongoraművek: Két elégia op. 8b, Sz. 41, Szvit op. 14, Sz. 62, Szonatina, Sz. 55, BB 69, Improvizációk op. 20, Sz. 74
Ce concert d'œuvres pour piano solo est le seul qui ne m'ait pas franchement plu dans l'ensemble des onze concerts du Bartók-Maraton. Je n'ai aimé ni les deux Élégies ni la Sonatine ni les Improvisations, des œuvres qui m'ont laissé au bord du chemin. En revanche, j'ai beaucoup aimé la Suite. (J'ai l'impression que le pianiste a joué comme s'il était dans une salle beaucoup plus grande que l'amphithéâtre, ce qu'il fera plus tard dans la journée. Ainsi, j'ai parfois éprouvé un sentiment de trop plein sonore.)
Ailleurs : Paris ― Broadway, Klari, vadalmacsutka.
2013-01-28 13:50+0100 (Orsay) — Culture — Musique — Opéra — Danse — Planning
Mon programme de spectacles pour le mois de février est assez démentiel, mais si j'assisterai à plus de spectacles que le mois de février compte de jours, j'aurai tout de même 11 jours sans spectacle !
négligence, j'ai pu me faire un petit lexique hongrois : hegedű (violon), zongora (piano), etc. À partir de vonósnégyes (quatuor à cordes), j'ai même pu former mon tout premier mot hongrois : vonósötös (quintette à cordes).
Mahabharataa attiré mon regard. D'après la liste des personnages mentionnés dans la distribution, ce spectacle du Shizuoka Performing Arts Center est en réalité centré sur un beau conte raconté par un sage aux Pandava pendant leur exil en forêt dans le troisième livre de la grande épopée indienne. Je ne sais pas si c'est pour attirer le public que le spectacle a été ainsi nommé. Pour ma part, j'aurais été tout autant intéressé si j'avais lu Histoire de Nala et Damayanti sur l'affiche. La comparaison de cette affiche et de la couverture de la bande dessinée indienne Amar Chitra Katha sur ce sujet permet de mesurer la différence entre les univers visuels !
2013-01-27 23:59+0100 (Orsay) — Culture — Musique
Salle Pleyel — 2013-01-26
Solistes des Berliner Philharmoniker
Wenzel Fuchs, clarinette
Yuja Wang, piano
Sonate pour clarinette et piano en mi bémol majeur, op. 120 nº2 (Brahms)
Yuja Wang, piano
Guy Braunstein, violon
Olaf Maninger, violoncelle
Trio pour piano et cordes nº3 et ut mineur, op. 101 (Brahms)
Yuja Wang, piano
Guy Braunstein, violon
Christoph Streuli, violon
Amihai Grosz, alto
Zvi Plesser, violoncelle
Quintette pour piano et cordes en fa mineur op. 34 (Brahms)
Salle Pleyel — 2013-01-27
Solistes des Berliner Philharmoniker
Yuja Wang, piano
Guy Braunstein, violon
Zvi Plesser, violoncelle
Trio pour piano et cordes nº2 en ut majeur op. 87 (Brahms)
Yuja Wang, piano
Guy Braunstein, violon
Sonate pour violon et piano nº3 en ré mineur op. 108 (Brahms)
Guy Braunstein, violon
Christoph Streuli, violon
Amihai Grosz, alto
Ulrich Knoerzer, alto
Olaf Maninger, violoncelle
Zvi Plesser, violoncelle
Sextuor à cordes nº2 en sol majeur, op. 36 (Brahms)
Si j'avais été enthousiasmé par les deux premiers
concerts de la série de concerts de musique de chambre de Brahms par
des solistes des Berliner Philarmoniker autour de Guy Braunstein, les deux
suivants me laissent malheureusement un arrière-goût de ça aurait pu
être mieux
.
Cette impression vient du choix de la pianiste Yuja Wang. Est-ce pour des raisons commerciales que son nom a été choisi ? Si le concert de samedi était plein (on a même installé quelques rangs de spectateurs supplémentaires sur des chaises au fond de la scène), le lendemain la salle était assez peu remplie, tout comme lors du premier week-end de concerts de la série. (Les fans de Yuja Wang étant beaucoup sollicités, même les plus yujiteux n'ont pas forcément l'envie ou les moyens d'aller à tous les concerts qu'elle donne à Paris ces jours-ci : j'en ai dénombré cinq !)
Lors du concert de dimanche, l'audition du premier mouvement du trio pour piano et cordes nº2 m'a ainsi été assez insupportable tant la présence de la pianiste dans le trio se faisait trop sentir. Quand elle jouait, c'était souvent trop fort et il me devenait alors impossible d'entendre ce que faisaient les deux autres musiciens et plus particulièrement le violoncelliste. Elle s'est calmée dans les mouvements ultérieurs, mais cela n'a pas apaisé ma frustration de n'avoir pu percevoir pleinement la musique du violoniste Guy Braunstein et du violoncelliste Zvi Plesser. Ces deux-là peuvent aussi bien mettre en scène un dialogue sous forme de questions et réponses que se passer le relais dans des phrases dépassant par le bas la tessiture du violon, et ce avec une telle continuité qu'à l'oreille je serais incapable de dire quand on passe du violon au violoncelle. Ils jouent aussi bien sur le contraste que sur la fusion des timbres.
Je ne vais pas revenir sur chacune des œuvres. Je dirais simplement que pour le concert de samedi, je n'ai pas beaucoup accroché à la sonate pour clarinette et piano, même si j'ai trouvé que l'accompagnement de Yuja Wang était alors suffisamment discret et délicat pour que le public puisse entendre la clarinette de Wenzel Fuchs. Ce n'est pas la faute des interprètes, mais c'est tout simplement l'œuvre que j'ai trouvée quelque peu répétitive, le premier mouvement faisant revenir un trop grand nombre de fois à mon goût la même mélodie, aussi belle soit-elle. Le concert de samedi s'est terminé par la très bonne impression produite par l'interprétation du quintette pour piano et cordes en fa mineur op. 34.
Comme lors de la première série de concerts, le point culminant a été atteint avec un sextuor à cordes. L'écoute du nº1 m'avait procuré en octobre un plaisir quasiment insoutenable se traduisant par un déluge lacrymal. Cette fois-ci, ma cocotte-minute émotionnelle n'a pas explosé, mais mon plaisir n'a pas été moindre ! Quelle merveille que la musique produite par les six musiciens dans ce sextuor nº2 ! La moindre suite de notes me semble phrasée comme si les musiciens chantaient, comme s'il s'agissait non pas d'une musique instrumentale mais de la musique vocale la plus raffinée qui soit, ornementée juste ce qu'il faut pour ne jamais paraître maniérée. La particularité la plus invraisemblable de ce prodige est qu'ils sont six à chanter en même temps et c'est peu dire qu'il y a matière à se délecter de leurs interactions !
2013-01-13 19:22+0100 (Orsay) — Culture — Musique
Amphithéâtre de la Cité de la musique — 2013-01-11
Ádám Banda, violon
Orsolya Soós, piano
Sonate Le Trille du Diable (Giuseppe Tartini, arrangements de Fritz Kreisler)
Sonate pour violon et piano nº7 en ut mineur op. 30 nº2 (Ludwig van Beethoven)
Sonate pour violon seul (Béla Bartók)
Introduction et Rondo capriccioso (Saint-Saëns)
Scène de la Csarda nº4 op. 32 “Hejre Kati” (Jenő Hubay)
Pourquoi donc continuer à aller inlassablement assister à des spectacles ? Bien sûr, j'y vais pour le plaisir simple et naïf d'écouter une musique que j'aime ou que je vais découvrir et apprécier dès la première écoute (ou non), pour le plaisir de voir des danseurs ou des chanteurs d'opéra raconter une histoire, etc. Je suis d'ailleurs plutôt bon public... J'arrive très bien à me satisfaire de concerts qui ne seraient que bien, bref je vois le verre à moitié plein plutôt qu'à moitié vide.
Si mon plaisir vient donc en partie de la découverte d'un répertoire
vaste en général plutôt bien joué, cela ne me suffit pas ! Comme pour
d'autres de mes goûts, une piqûre de rappel est souvent bienvenue : quelque
chose qui donne un sens à ce que je fais. Lors de mes voyages en Inde, à
certains moments, il m'est arrivé de me dire : Mais au fait, qu'est-ce
que je fiche ici ?!
. Et puis, soudain, je découvrais des endroits
extraordinaires, comme Mandu en août dernier. En
littérature, cela a pu m'arriver en lisant Pagli
d'Ananda Devi. J'ai longtemps assisté à des spectacles de danse indienne
d'une façon très passive jusqu'au jour où cette danse a
pris un sens pour moi. Depuis, j'ai bien compris que le plaisir que pouvait
me procurer cet art était décorrélé du prix des places ou du prestige
international dont jouit ou non la danseuse. Il en va pour ainsi dire de
même avec la musique classique occidentale. Fort heureusement, j'achète mes
places suffisamment à l'avance pour aller aux concerts l'esprit libre du
montant que chaque billet m'aura coûté !
Si je vais inlassablement écouter des concerts, en vérité c'est parce
que je sais que de temps en temps les musiciens me procureront un
émerveillement, un plaisir et une joie insoutenables. La conséquence
immédiate est que mon visage s'en trouve humidifié par un flux de larmes,
que j'éprouve un certain état d'exaltation après le concert et que chaque
occasion d'y repenser par la suite fasse reparaître les mêmes symptômes. Le
concert du violoniste Ádám Banda et de la pianiste Orsolya Soós (à
prononcer Orchoya Cho-ôch
?) vendredi dernier à l'amphithéâtre de la
Cité de la musique appartient pour moi indiscutablement à ce type de
concerts. Bref, c'est le premier concert de ma vie, de 2013
, au même
titre qu'en 2012 il y eut notamment la Pastorale du
COE.
Je m'attendais à ce que ce concert soit un très bon concert, pour avoir déjà entendu le violoniste Ádám Banda dans un trio de Beethoven à Budapest, c'est d'ailleurs l'impression que j'ai eu à l'écoute de la première œuvre jouée (Le Trille du Diable de Tartini), qui commence langoureusement et qui contient aussi quelques passages très virtuoses de sorte que je me disais qu'il était amusant de commencer un concert par un bis. Une des raisons de ma présence dans le public à ce concert venait de la sonate de Beethoven jouée ensuite. Depuis ma découverte de la musique de chambre de ce compositeur lors de la Biennale de quatuors à cordes en janvier 2012, je saisis presque toutes les occasions d'entendre de la musique de chambre de Beethoven : c'était la raison décisive pour que j'aille assister au concert mentionné ci-dessus à Budapest. Sans surprise, j'ai été beaucoup ému par cette sonate, qui stylistiquement rappelle souvent Mozart comme Hugo et moi en conviendront pendant l'entr'acte. Au cours du concert et particulièrement dans cette œuvre, j'ai apprécié la variété des couleurs sonores produites par la pianiste et l'écoute attentive qu'elle consacrait au violoniste. Le deuxième mouvement (lent) m'a émerveillé. Que j'aime le plaisir procuré par certaines notes apaisantes que le compositeur et le violoniste offrent au spectateur qui les attendait !
Avant d'assister à ce concert, je n'avais écouté que quelques dizaines
de secondes de la Sonate pour violon seul de Bartók. J'avais
arrêté très rapidement mon écoute pour me garder le plaisir de cette
découverte pour le temps du concert. Après l'entr'acte, quand le violoniste
est venu l'interpréter, le spectacle est passé dans la catégorie concert
génial
. Compositeur génial. Interprète génial. Public génial aussi, il
faut le souligner. (En l'absence de panneaux indicateurs Clap!
ou
Do not clap!
, dans combien d'autres salles parisiennes le public
aurait-il su maintenir une telle qualité d'écoute tout au long de cette
œuvre ?) Quel pied !
Après le dépaysement provoqué par ce voyage en pays magyar, je pensais que l'œuvre de musique française qui suivait contrasterait mal, mais il n'en a rien été, le violoniste n'étant pas vraiment du genre à gommer les aspects folkloriques de l'Introduction et Rondo capriccioso de Saint-Saëns, que j'entendais pour la première fois en concert.
Le public étant plus qu'un peu heureux du programme qu'il vient d'entendre, les deux musiciens sont revenus pour deux bis, extrêmement enthousiasmants. Le sublime deuxième bis a été identifié par Hugo : Scène de la Csarda nº4 op. 32 “Hejre Kati” (Jenő Hubay).
Après ce concert, je crois que je sais un peu mieux quel émerveillement je peux attendre d'un spectacle !
2013-01-06 14:36+0100 (Orsay) — Culture — Musique — Danse
Opéra Garnier — 2013-01-05
Karlheinz Stockhausen, musique (Helikopter Quarter interprété par le Quatuor Arditti)
Angelin Preljocaj, chorégraphie (2001)
Holger Förterer, scénographie
Sylvie Meyniel, costumes
Patrick Riou, lumières
Virginie Caussin, Lorena O'Neill, Nagisa Shirai, Sergio Diaz, Jean-Charles Jousni, Julien Thibault
Helikopter
Karlheinz Stockhausen, musique (Sonntags Abschied)
Angelin Preljocaj, chorégraphie (2007)
Nicole Tran Ba Vang, scénographie et costumes
Martine Hayer, Claudine Duranti, Ondine Besset-Loustau, réalisation costumes
Cécile Giovansili, Angelin Preljocaj, lumières
Virginie Caussin, Gaëlle Chappaz, Natacha Grimaud, Lorena O'Neill, Nagisa Shirai, Yurie Tsugawa, Sergi Amoros Aparicio, Marius Delcourt, Sergio Diaz, Jean-Charles Jousni, Fran Sanchez, Julien Thibault
Eldorado (Sonntags Abschied)
Avant ce programme du Ballet Preljocaj, je n'avais jamais entendu de musique de Stockhausen en concert. C'est maintenant chose faite, et je n'éprouve pas un besoin impérieux de renouveler l'expérience. Les musiques des deux ballets présentés sont extraits du cycle d'opéras Licht. Musicalement, à part un court instant d'exaltation quand les hélicoptères du quatuor à cordes Helikopter décollent, je n'ai pas le sentiment d'avoir entendu de musique, vu l'omniprésence du son des rotors des quatre hélicoptères dans lesquels avaient pris place chacun des membres du quatuor Arditti (pour le bilan carbone de l'Opéra, on se réjouira exceptionnellement ici du fait que la musique était enregistrée). Parfois, des sons stridents d'instruments à cordes se font entendre. On peut aussi remarquer que les membres du quatuor Arditti savent compter à haute voix, au moins jusqu'à Dreizehn.
L'intérêt principal du premier ballet réside dans les vidéos projetées sur le sol où évoluent les danseurs. Celles-ci peuvent évoquer des pales d'hélicoptères dont le centre de rotation se déplace sur scène de façon synchronisée avec les mouvements des danseurs. Diverses sortes d'images entreront ainsi en interaction avec les danseurs, comme si ceux-ci venaient perturber ou déformer une image fixée préalablement. Pour le reste, je ne sais pas très bien à quelle rituel obscur se sont livrés les danseurs (habillés en slip+t-shirt+genouillères). J'ai simplement remarqué une construction cyclique, ou plus exactement en palindrome, certaines images utilisées à la fin étant les mêmes qu'au début, mais semble-t-il en ordre inverse. Ceci étant, j'ai apprécié la conclusion du ballet, un solo d'une danseuse (Nagisa Shirai) sur un silence prolongeant l'évanouissement progressif du son des hélicoptères.
Si j'en crois Wikipedia, la
musique Sonntags-Abschied du deuxième ballet Eldorado
était prévue comme musique d'accompagnement pour la sortie des spectateurs
de la salle à la toute fin du cycle Licht. Je ne sais pas s'il
faut considérer comme un bon signe que j'aie effectivement eu envie de
sortir très vite en voyant ce ballet... Si j'avais su à l'avance que
c'était là l'intention du compositeur, je me serais éclipsé, mais
malheureusement je suis resté, et je me suis ennuyé comme rarement à
l'Opéra. Cet eldodado ou paradis ne me fait pas très envie. Le début en est
très rude. Sur un silence tout relatif ― à Paris, on ne devrait s'autoriser
le silence dans un ballet qu'en septembre : après, les gens commencent à
attraper froid et à tousser, au printemps il se mettent à éternuer à cause
des allergies et pendant l'été ils sont en vacances ― les danseurs
commencent leur entrée dans un univers qui ne m'a inspiré que de
l'indifférence. Je retrouve les mouvements de bras typiquement
preljocajiens et dans les positions des jambes les arabesques sont beaucoup
utilisées (sans doute trop, sinon, je ne l'aurais pas remarqué). Quelques
passages évoquent une forme de sensualité tellement aseptisée qu'elle en
est mortifère. J'ai l'impression que la musique de Stockhausen ne peut me
procurer qu'un seul type de sensations. La musique durerait 10 minutes, 3
heures ou une demi-heure comme ici, pour moi, ce serait la même chose, et
cela vaut aussi pour Helikopter. La seule variable serait mon
ennui, proportionnel à la durée. Je n'ai pas fait de billets sur les
programmes Gillot/Cunningham et Forsythe/Brown présentés à l'Opéra
récemment, mais sans avoir trouvé les musiques contemporaines
de
John Cage et Thom Willems géniales dans les ballets de Cunningham et
Forsythe, au moins elles interagissaient avec les mouvements des danseurs.
Dans ce ballet de Preljocaj, j'ai eu l'impression qu'on aurait aussi bien
pu mettre n'importe quelle autre musique d'accompagnement...
Bref, ce programme est une très grande déception pour moi. À l'avenir, j'hésiterai avant de retourner voir un ballet de Preljocaj. Je garde néanmoins en tête l'impression de danseurs qui malgré la diversité de leurs morphologies forment toutefois un ensemble cohérent et qui, surtout, semblent très investis dans la chorégraphie qu'ils exécutent et qui malheureusement me laisse indifférent.
2013-01-01 14:56+0100 (Brest) — Culture — Musique — Danse — Planning
Je vous souhaite une très bonne année 2013 ! La nouvelle année arrivant et quelques bonnes résolutions étant prises, il faut déjà penser aux spectacles de janvier 2013. Voici ceux que j'ai choisis :
biscomposés spécialement pour elle.
⁂
Les soldes d'hiver 2013 n'ont pas encore commencé, mais je vous propose quelques billets de concerts à la Salle Pleyel que je n'utiliserai pas. Tous sont en quatrième catégorie, et je les revends un peu moins chers que leur prix d'origine :
2012-12-27 19:21+0100 (Orsay) — Culture — Musique — Opéra — Danse — Lectures — Culture indienne
Cette année, j'ai vu à peu près le même nombre de spectacles qu'en 2011. C'est encore peut-être un peu trop...
En 2012, j'ai assisté à vingt-huit représentations d'opéras, ce qui est bien moindre qu'en 2011. Je n'ai pour ainsi dire plus aucun plaisir à aller à l'Opéra Bastille, et ce pour de nombreuses raisons (voir par exemple mon billet sur Don Giovanni). Contrairement aux années précédentes, je n'ai même plus envie de me risquer à aller écouter et voir les nouvelles productions, qui sont pour ainsi dire toutes ratées depuis la prise de fonction de Nicolas Joel. Le salut vient d'ailleurs, même si à Paris la nouvelle direction du Théâtre des Champs-Élysées fait des efforts, cf. Médée. Pour ce qui est des opéras en version scénique, je crois que mon meilleur souvenir est celui de La Traviata donnée à Dijon (où j'avais toutefois été moins convaincu par L'Opéra de la lune de Brice Pauset...). Le deuxième acte de Billy Budd entendu à Londres était une merveille musicale. Cela dit, je n'étais pas venu à Londres pour ça mais plutôt pour Les Troyens dont je me souviendrai sans doute longtemps de la démesure des décors et de l'absence de Jonas Kaufmann...
Pour ce qui est des opéras en version de concert, je ne regrette pas le déplacement à Budapest pour le Ring qui s'y est donné en juin dernier ! Le Tristan et Isolde dirigé par Andris Nelsons au TCE m'a aussi bouleversé. Le Château de Barbe-Bleue de l'Orchestre de Paris m'a procuré beaucoup de plaisir. J'ai eu assez longtemps une certaine méfiance vis-à-vis de la musique de Bartók, mais cette année, je suis allé d'émerveillements en émerveillements : le concerto pour piano nº2, la musique pour cordes, percussions et célesta, Le Prince de bois, etc...
J'ai eu l'occasion d'assister à un nombre invraisemblable de bons concerts. Beaucoup de concerts excellents. Pas mal de concerts merveilleux. Quelques concerts fantastiques. Dans cet ensemble, il se trouve une poignée de concerts auxquels je ne peux repenser sans être saisi d'une émotion rétrospective quasiment insoutenable. Les voici, par ordre chronologique :
Dans la catégorie “un pouillème en dessous de fantabullissime”, j'incluerais deux concerts Bach très différents : La Messe en si mineur dirigée par Masaaki Suzuki et La Passion selon Saint Matthieu dirigée par Marc Minkowski.
S'agissant des compositeurs que j'ai découverts cette année, j'ai déjà mentionné Bartók, mais j'ai aussi été émerveillé par la Symphonie nº3 “Chant de la nuit” de Szymanowski et par son concerto pour violon nº1, entendus deux fois cette année, par Christian Tetzlaff et Janine Jansen. J'ai aussi en quelque sorte découvert que Mozart, ça pouvait être bien... notamment grâce à l'Orchestre de chambre de Paris et Sir Roger Norrington ! Grâce au Chamber Orchestra of Europe, j'ai pu apprécier des œuvres que je n'aimais pas trop (cela marche au moins avec les compositeurs en Schu- : Schubert, Schumann). Cette année, quelques autres orchestres de chambre m'ont fait également de très bonnes impressions : le Britten Sinfonia, Les Dissonances, Academy of St Martin in the Fields.
La musique de chambre a également eu une certaine importance dans les concerts auxquels j'ai assisté en 2012. Il y eut bien sûr la Biennale de quatuors à cordes à la Cité de la musique qui a concouru à une de mes grandes découvertes de l'année : la musique de chambre de Beethoven. Plus tard, à Budapest, j'ai ainsi pu me délecter de son trio en si bémol majeur, op. 97. La musique de chambre de Brahms m'a aussi fait une forte impression dans la série en cours à Pleyel par les solistes du Berliner Philharmoniker. Parmi bien d'autres moments mémorables liés à la musique de chambre, je retiens aussi les master-classes de Kurtág à la Cité de la musique ou Clair de lune de Debussy joué en bis par Menahem Pressler, par exemple.
Ma grande découverte musicale de l'année dernière était le chant dhrupad. Cette année, je me suis mis à le pratiquer. Les premiers cours me firent un certain effet ! Partant de zéro, je n'ai bien sûr pu faire que des progrès... Maintenant, je dois arriver au moins à chanter une gamme à peu près juste dans quelques ragas et chanter quelques compositions en respectant le rythme imposé (et de plus en plus, je reçois non plus la suggestion mais presque l'ordre de chanter plus fort, ça doit impliquer que c'est plus juste qu'au tout début...). Les opportunités d'entendre ce type de musique en concert dans de bonnes conditions furent assez limitées, mais tous furent d'excellente qualité : Nirmalya Dey, Uday Bhawalkar (déjà cité plus haut parmi mes meilleurs souvenirs de concerts de l'année !).
Du côté de la danse indienne, j'ai eu l'occasion de voir des formes de danse que je ne connaissais pas vraiment et de les apprécier : le kathak avec Isabelle Anna et l'odissi avec Arushi Mudgal. Cependant, mon style préféré reste le bharatanatyam. La raison est tout simplement que c'est le style que j'ai vu le plus souvent, et progressivement j'ai le sentiment de le comprendre de mieux en mieux. J'ai aussi eu l'occasion cette année de voir presque toutes mes danseuses préférées et d'en découvrir d'autres : Lavanya Ananth, Mallika Thalak, Meenakshi Srinivasan et Nancy Boissel. Depuis le déclic délenché par Srithika Kasturi Rangam lors de son récital à Chennai en février 2010, cette forme d'art est devenue une de celles qui me procurent le plus de plaisir en tant que spectateur, souvent autant sinon davantage que lors de représentations moyennes du Ballet de l'Opéra. Cette compagnie m'aura procuré en 2012 moins de moments mémorables que les années précédentes... Que me reste-t-il ? Josua Hoffalt et Aurélie Dupont dans L'Histoire de Manon (et les adieux de Clairemarie Osta dans ce ballet). Myriam Ould-Braham dans La Bayadère, La Fille mal gardée et dans le défilé du Ballet. De la série des Don Quichotte dans laquelle pratiquement personne n'a vu les danseurs prévus initialement, les distributions n'ayant pas arrêté de changer, je retiens l'interprétation de Mathilde Froustey dans le rôle de Cupidon.
La danse n'est l'apanage de jeunes corps parfaits. Parmi mes plus grandes émotions liées à la danse cette année, je retiens le récital Abhinaya de Malavika et le duo entre Mats Ek et Ana Laguna dansé dans le programme “6000 miles away” de Sylvie Guillem.
J'ai beaucoup moins lu cette année que les années précédentes, mais je ne peux m'empêcher de penser qu'avec Pagli d'Ananda Devi j'ai lu un chef d'œuvre de la littérature francophone. Plus récemment, Parva d'Amruta Patil m'a fait renouer plus qu'agréablement avec la littérature indienne ancienne.
2012-12-27 00:17+0100 (Orsay) — Culture — Musique — Danse — Danses indiennes — Culture indienne
Théâtre de la Ville — Place du Châtelet — 2012-12-26
Akram Khan, directeur artistique, chorégraphe, interprète
Tim Yip, conception visuelle
Jocelyn Pook, conception musique
Michael Hulls, conception lumières
Histoires imaginées par Karthika Nair & Akram Khan et écrites par Karthika Nair, PolarBear & Akram Khan
Ruth Little, dramaturgie
Zoë Nathenson, direction d'acteurs
Sreya Andrisha Gazi, voix d'Eshita
Eesha Desai, voix de Jui
Animation visuelle conçue par Yeast Culture
Sander Loonen (Arp Theatre), création décor
Kimie Nakano, responsable des costumes
Fabiana Piccioli, direction technique
Nicolas Faure, création sonore
Sander Loonen, vidéo
Giles Metcalfe, régie plateau
Jose Agudo, direction des répétitions
Mashitah Omar, direction de tournée
Farooq Chaudhry, production
Desh
Quand j'étais abonné au Théâtre de la Ville, je n'arrivais jamais à obtenir de places pour les spectacles d'Akram Khan, sauf une fois, pour son duo avec Juliette Binoche. Étant allé sur le site du théâtre par hasard le jour de la mise en vente des places pour son solo Desh, j'ai pu obtenir sans aucune difficulté une place au deuxième rang. Cette place me permet d'apprécier de près les mouvements du danseur, mais perturbe quelque peu ma lecture de la fin des phrases des sous-titres du fait de la grande taille de la spectatrice assise devant moi au premier rang. A priori, les sous-titres n'étaient pas vraiment nécessaires puisque le texte anglais était très compréhensible et que le texte prononcé dans des langues indiennes n'était pas traduit (il y avait du bengali, et sans doute aussi un peu d'ourdou ou de hindi sinon je n'aurais pas eu l'impression de comprendre parfois quelques bribes).
Le danseur évoque en effet le Bangladesh, le pays natal (Desh) de son père. Le père et le fils ne se comprennent pas, le fils étant né en Angleterre. On trouve dans la pièce des références à la culture populaire du Bengale, à son cadre naturel, mais aussi à l'histoire du Bangladesh. Il est me semble-t-il notamment question de la guerre de libération du Bangladesh (quand le Pakistan oriental est devenu indépendant).
La musique est un étonnant alliage. J'ai peut-être halluciné, mais il m'a semblé entendre des chants celtiques se mélanger à des chansons bengalies. Quelques passages musicaux répétitifs dans le genre de Philip Glass aussi. Des sons d'origine urbaine sont également mixés à l'ensemble. Cette composante était particulièrement saisissante quand le danseur évoquait une rue grouillant de véhicules et de mendiants.
Comme interprète, Akram Khan paraît invraisemblablement doué. La souplesse de ses mouvements de mains m'a fait penser à ceux de Ryszard Cieślak sur cette vidéo. L'ensemble est parfois un peu trop tourbillonnant à mon goût et certaines idées sont un peu trop étirées dans le temps. Le danseur a utilisé quelques mouvements de danse indienne, mais de façon très fugitive, en dehors de deux ou trois suites de pirouettes assez typiques. J'ai parfois à peine eu le temps de me rendre compte qu'il se mettait à faire un peu kathak qu'il était déjà passé à autre chose.
Outre de la danse et la narration, l'intérêt de ce spectacle vient de la scénographie, très travaillée, et des vidéos projetées qui en quelque sorte dialoguent avec le danseur. Cela ajoute beaucoup à la poésie du spectacle, très captivant, mais qui ne m'a pas particulièrement ému.
Ailleurs : Bladsurb.
2012-12-23 13:19+0100 (Orsay) — Culture — Musique — Danse
Opéra Comique — 2012-12-22
Jean-Joseph Rodolphe, musique
Jean-Georges Noverre, arguments des ballets d'action
Hervé Niquet, direction musicale
Marie-Geneviève Massé, chorégraphie
Vincent Tavernier, mise en scène
Antoine Fontaine, décors
Olivier Bériot, costumes
Hervé Gary, lumières
Jean-Paul Gousset, conseiller historique
Begoña del Valle, répétitrice
Marie Blaise, assistante à la chorégraphie
Le Concert Spirituel
Compagnie L'Éventail
Sabine Novel, Armide
Noah Hellwig, Renaud
Olivier Collin, Le Chevalier danois
Bruno Benne, Ubalde
Volodia Lesluin, Romain Arreghini, Monstres Marins
Bérengère Bodénan, Adeline Lerme, Anne-Sophie Berring, Naïades
Marie Blaise, Sarah Berreby, Adrian Navarro, Karin Modigh, Daniel Housset, Irène Ginger, Émilie Bregougnon, Habitants des mers
Renaud et Armide
Sarah Berreby, Médée
Adrian Navarro, Jason
Émilie Brégougnon, Créüse
Daniel Housset, Créon
Irène Ginger, La Gouvernante
Bérengère Bodénan, Le Feu
Brune Benne, Le Fer
Volodia Lesluin, Le Poison
Marie Blaise, L'Esprit du Mal
Olivier Collin, Prince corinthien
Adeline Lerme, Anne-Sophie Berring, Princesses corinthiennes
Karin Modigh, Sabine Novel, Noah Hellwig, Romain Arreghini, Peuples corinthiens
Koupaïa Bodenan, Bertille Pécusseau, Enfants de Médée et Jason
Hubert Hazebroucq, Anna Romani, Emmanuel Soulhat, Figurants
Médée et Jason
J'ai passé l'essentiel de ma journée de samedi à l'Opéra Garnier pour
assister aux démonstrations de l'école de danse de l'Opéra. Une des
originalités des démonstrations de cette année est d'avoir introduit des
danses baroques
dans la classe de danse folklorique. Le soir, on
dansait à l'Opéra Comique deux ballets de Noverre des années 1760,
rechorégraphiés par Marie-Geneviève Massé, dont l'assistante n'est autre
que Marie Blaise qui le matin-même faisait justement danser des élèves de
l'école de danse de l'Opéra sur des danses baroques et qui au cours de ce
programme interprète deux rôles.
Il ne vaut mieux pas que je parle pas trop du premier ballet Renaud et Armide. Mon état de fatigue a fait que je n'ai pas vraiment pu l'apprécier tout à fait... Dans mes moments de lucidité, j'ai eu l'impression que l'intérêt principal du ballet était son décor et ses costumes, l'histoire étant très resserrée. (Je crois que j'ai préféré la version du Bolchoï dans Flammes de Paris.)
Pour le deuxième ballet Médée et Jason, il n'était pas
nécessaire pour moi de réviser ma mythologie puisque j'ai récemment vu Médée de Cherubini et qu'il me reste quelques
souvenirs d'une lecture de la pièce de Sénèque il y a une quinzaine
d'années de cela... N'ayant même pas eu à demander la bénédiction à
l'ouvreuse puisque celle-ci pris l'initiative de replacer au mieux le
premier spectateur qui daigna lui dire bonsoir
, j'ai pu transmuter
ma misérable place à 11€ en une place qui en vallait cinq fois plus en
m'installant au paradis, plein centre. De là, je pouvais voir pendant
l'entr'acte les quatre flûtistes s'amuser à jouer à qui cachera où la flûte
à qui. À côté d'eux, il y avait quatre hautbois, deux clarinettes et deux
bassons. Quel effectif vertigineux pour une œuvre de cette époque ! La
musique est très audacieuse ! Dès l'ouverture, je comprends qu'il y a peu
de risques pour que ce ballet m'ennuie ! L'histoire est plus élaborée que
dans le précédent ballet, mais on suit le fil de l'histoire assez
facilement. Le point culminant du ballet (par son caractère impressionnant,
par l'altitude atteinte par un des esprits du mal, et même sans doute par
la hauteur des notes jouées) a été la scène de sorcellerie de Médée qui se
fait remettre un coffre contenant une substance qui tuera Créon, un tissu
qui tuera sa fille Créüse et un poignard pour tuer ses propres enfants.
Médée se dédouble ; sans son double maléfique, peut être aurait-elle
épargné ses enfants ? Je me demande si cette scène ne m'a pas fait plus
d'effet que celle de la Gorge-aux-Loups dans Le
Freischütz de Weber ! C'est là que l'audace du compositeur se
révèle la plus sidérante et que l'intérêt d'avoir utilisé autant
d'instruments à vents, en particulier de flûtes, se fait sentir. Quel
plaisir d'entendre autant de notes discordantes ! (Note pour les lecteurs
et pour moi-même quand je me relirai : tout ceci est dit sans aucune
ironie.) La scénographie rend assez spectaculaire la toute fin du ballet.
Quelle merveille que ce ballet Médée et Jason !
Je n'étais peut-être pas assez près des danseurs pour m'en rendre mieux
compte, mais j'ai été assez étonné par le rapport entre la musique et la
danse. Ma première impression est que la musique accompagne la narration,
mais que les pas des danseurs ne sont pas forcément conçus, m'a-t-il semblé
comme devant être absolument placés à un endroit précis de la musique.
Cette impression est peut-être tout simplement liée à la prédominance de la
pantomime dans ces ballets ; toutefois, je me suis amusé à remarquer que
certaines positions de pieds des danseurs étaient les mêmes que celles de
la danse classique (j'ai cru distinguer des cinquièmes
). Toutefois,
la musique comporte aussi des détails extrêmement illustratifs et qui
paraîtraient saugrenus s'ils ne correspondaient pas à des mouvements des
danseurs dans une situation dramatique précise. J'ai ainsi parfois retrouvé
la symbiose entre la musique et la danse narrative que j'avais perçue en
assistant à une représentation de La Bayadère en
mars dernier.
Ailleurs : Impressions danse, Carnets sur sol.
2012-12-18 15:05+0100 (Orsay) — Culture — Musique
Lors du concert de rentrée de l'Orchestre de chambre de Paris dirigé par Sir Roger Norrington en septembre, j'ai subitement entendu un merveilleux son de flûte pendant l'écoute du Concerto pour piano nº25 de Mozart. Ceci m'avait décidé à aller écouter le concert de musique de chambre à Cortot construit autour de la flûtiste Marina Chamot-Leguay. Je suis allé la rencontrer au 104 entre deux répétitions en vue du concert de samedi dernier Carte blanche à François Leleux au cours duquel elle a joué notamment la Sonate en trio de L'Offrande musicale (Bach) et, en duo avec François Leleux, la Mondorf Sonatina nº1 de Nicolas Bacri. Voici donc le texte de cet entretien avec la flûte solo de l'Orchestre de chambre de Paris :
Marina Chamot-Leguay ©Jean-Baptiste Millot
Quelles sont les différentes sortes de flûtes dont vous jouez ? En
particulier, utilisez-vous une flûte particulière pour la musique
ancienne ?
À l'orchestre, on nous a proposé d'acheter des flûtes en bois. Elles ont une mécanique moderne. Je ne peux pas jouer du traverso, qui est complètement différent. Sa technique demande de prendre des cours pendant plusieurs années. C'est un travail à part entière qu'on ne peut pas faire à moitié.
Nous jouons de ces flûtes en bois pour le répertoire Haydn, Mozart, Beethoven ou Mendelssohn comme récemment avec le chef Thomas Zehetmair. Le but est d'essayer de les utiliser le plus possible, mais je sais que j'ai encore du mal avec les concertos pour piano de Mozart, exceptée la série avec Sir Norrington en septembre dernier, parce qu'il a su trouver le son pour que la flûte en bois puisse être intégrée. Avec d'autres chefs, cela ne marche pas forcément bien parce qu'il faut que les cordes adoptent une technique de jeu particulière, une écoute différente ; le son de la flûte en bois étant moins puissant.
Je joue aussi de ma flûte en or et en argent (la flûte moderne), du piccolo, ainsi que de la flûte en sol.
La flûte en bois a-t-elle les mêmes dimensions, les mêmes doigtés ?
Ce sont exactement les mêmes doigtés que sur ma flûte moderne en métal. Ce qui est différent, c'est la couleur du son, la manière de souffler, la vitesse de l'air que j'envoie dedans, la perception du son. Il y a toujours un petit temps d'acclimatation, mais une fois que l'on est parti, cela va tout seul ! J'aime les deux, mais cela dépend des pièces. J'aime bien choisir, je ne veux pas forcément qu'on me l'impose...
Comment est-ce que vous choisissez ?
Par exemple, pour le vingt-troisième concerto pour piano de Mozart, j'ai du mal à imaginer le superbe mouvement lent avec la flûte en bois. Pour moi, la phrase qui arrive à la flûte doit vraiment ressortir. Mais ce qui est génial avec la flûte en bois, c'est qu'elle se marie beaucoup plus facilement au niveau des timbres avec les autres bois.
Je choisis aussi en fonction de la tessiture (si cela va très haut ou non) et en fonction de ce qui se passe autour dans l'orchestre. Pour L'Offrande musicale, cela paraissait évident d'utiliser la flûte en bois. Le violoncelliste aura un archet baroque. La violoniste Deborah (Nemtanu) aura un archet plus léger. Ces choix créent un certain équilibre.
Pour la musique orchestrale, je choisis aussi en fonction des chefs. Certains ne vont pas forcément laisser la place à ce type de son : ils sont habitués à la flûte en métal qui va passer par dessus. Justement, avec Norrington, cela fonctionnait très bien. Cela avait un sens parce qu'il demandait aux cordes un son pur (sans vibrato), certaines articulations, quelque chose de plus léger. Quand le concert est passé à la radio, j'ai été rassurée parce qu'on m'a dit que l'on entendait très bien la flûte !
Lors de ce concert d'ouverture de la saison de l'Orchestre de chambre de Paris, Sir Roger Norrington a fait jouer les vents debout. Que ce soit en musique de chambre ou en orchestre, préférez-vous jouer debout ou assise ? Est-ce que cela change quelque chose pour vous ?
Oui, cela change ! En l'occurrence, avec les bois, on a vraiment aimé ! Cela faisait partie de sa logique, et cela fonctionnait. Il y a aussi des pièces de musique de chambre que je préfère jouer debout. Assise, je suis toujours au bord de la chaise, car sinon j'ai toujours l'impression de me laisser aller et d'être moins dynamique.
Et debout, on ne peut pas ignorer ce que fait le chef ?!
Oui, et visuellement, on voit tout ce qui se passe dans l'orchestre. C'est très agréable et ça aide !
Vous avez mentionné la flûte en sol, qui est une flûte transpositrice. Est-ce perturbant de produire des sons qui ne correspondent plus exactement à ce que vous lisez sur la partition ?
Non. J'adore le son de la flûte en sol, très chaud, très rond. Ce qui est dommage, c'est qu'à l'orchestre on n'a pas souvent l'occasion de l'utiliser. On ne joue pas Le Sacre du printemps, ni Daphnis et Chloé ! J'ai dû jouer une fois de la flûte alto en cinq ans et demi !
Les compositeurs de musique contemporaine demandent parfois aux
musiciens d'utiliser leur instrument d'une façon assez inhabituelle.
Avez-vous eu l'occasion de faire usage de techniques non
répertoriées
?
Je n'ai pas rencontré ces nouvelles techniques à l'orchestre. Par contre, j'en ai pas mal pratiqué pour flûte seule, dans des concours internationaux. Il faut là aussi un certain temps d'adaptation... mais il faut se mettre dedans, y aller à fond pour défendre la pièce qu'on joue. Il ne faut pas faire les choses à moitié.
Quels étaient les compositeurs qui utilisaient ces techniques ?
Il y a eu Stockhausen. Takemitsu aussi : il fallait jouer des notes
aiguës et en même temps crier Qui va là ?
.
C'était un truc dément ! Crier dans la flûte, des doigtés avec trois ou
quatre notes en même temps... Cela demandait une énergie incroyable !
J'ai adoré aussi Scrivo in Vento de Carter, avec quelques doigtés un peu particuliers. Une très belle pièce !
Vers mes 18-20 ans, j'ai aussi joué Épisodes I & II de Betsy Jolas, des pièces très intéressantes, très denses, très riches, mais aussi un peu éprouvantes physiquement.
Cela fait une palette de couleurs différentes, mais je n'y ai pas été confrontée à l'orchestre.
Certains interprètes semblent comme s'effacer derrière la musique des œuvres de J. S. Bach ; la vision qu'ils en présentent peut en être extrêmement austère. D'autres, au contraire, jouent sa musique d'une façon vivifiante, très engagée. Sur cette question, comment vous situez-vous avec la violoniste Deborah Nemtanu et les autres interprètes de la Sonate en Trio de L'Offrande musicale ?
Avec Deborah, c'est toujours vivifiant et engagé, forcément ! Pour l'orchestre, j'ai travaillé la Suite pour orchestre en si de Bach (BWV 1067) que je vais jouer en février. J'ai plutôt une conception engagée et vivifiante, pas forcément joyeuse, mais qui peut être brillante quand même. J'aime bien écouter les versions de Reinhard Goebel, qui est venu nous diriger dans La Passion selon Saint Jean il y a un an et demi, parce que justement, ce n'était pas du tout austère, c'était très vivant.
Quel effet cela fait de se préparer à jouer un duo avec François Leleux ?!
Je suis très flattée de jouer avec lui. Je connais François depuis longtemps. J'avais eu l'occasion de jouer avec lui en orchestre à Lucerne. Je n'étais pas à côté de lui, j'étais deuxième flûte. Là, ce sera la première fois. Il suffit d'écouter, d'être attentif, on suit et cela fonctionne vite. C'est un fabuleux musicien. Quand je l'écoute, je pars complètement ailleurs ; je sais que vous êtes fan aussi... Il y a peut-être des gens qui ne le sont pas, je pense qu'ils sont rares... Une de nos amies communes dit de François que lorsqu'il joue, c'est solaire. C'est inexplicable.
Travailler avec François, c'est facile. Cela coule de soi. Même s'il n'a pas joué les pièces depuis longtemps, il a tout en tête ! C'est impressionnant...
La musique peut parfois induire des émotions fortes chez les auditeurs. En orchestre ou dans un ensemble de musique de chambre, vous arrive-t-il parfois d'être exaltée par des solos de collègues ou bien par le sentiment de contribuer à un tout ?
Parfois, sur un solo, on peut se dire que celui-ci ou celui-là a été génial, mais les émotions sont plutôt collectives que liées aux solos d'une personne. J'ai eu beaucoup d'émotions pendant le Concerto pour piano de Schumann lors du dernier concert de Brigitte Engerer, le 12 juin 2012. En général, en tant que musicien, on n'est pas censé se laisser trop envahir par les émotions, mais il y a des moments où ce n'est pas possible.
Comment faire pour ne pas se laisser submerger par l'émotion au point de ne plus pouvoir jouer ?
Il faut penser à ce qui vient après dans la musique et ne pas rester figé sur un moment.
Cela m'arrive peut-être plus à l'orchestre qu'en musique de chambre. J'étais très émue à la fin de la Sonate de Poulenc (à Cortot en novembre).
Certaines phrases musicales peuvent être très longues, comme par exemple dans la Sonate en trio extraite de L'Offrande musicale. Est-ce que cela demande une préparation physique particulière ?
Il faut savoir exactement où on respire, ça c'est sûr. Il faut enchaîner, jouer sans s'interrompre. C'est difficile pour tout le monde. L'écriture est dense, très contrapuntique. Il faut réussir à faire ressortir une chose dans une mesure, une autre dans la suivante, etc. C'est délicat.
Oui, il faut acquérir de l'endurance, que l'on conserve en ayant un travail personnel régulier. Mais il n'est pas toujours facile de respirer. Il faut que ce soit au bon endroit, que ce soit musical, que cela n'interrompe pas le discours de quelqu'un d'autre.
Oui, il y a tout ce dialogue avec le violon...
Et le violoncelle et le clavecin aussi... Il faut faire ressortir le thème quand ils le jouent, dans les deux mouvements fugués. Cette musique peut vite devenir épaisse à l'écoute, alors il faut réussir à l'alléger malgré l'écriture très riche.
Est-il important de savoir compter quand on est dans un orchestre ?
Quand j'étais jeune, j'avais entendu dire que pour être musicien, il fallait être fort en maths. C'est vrai que cela peut être important quand il s'agit de jouer des pièces de musique contemporaines, mais ce n'est pas tant de savoir compter que d'avoir une pulsation intérieure. Si on compte mais qu'on n'est pas dans le tempo, cela ne sert à rien. Et puis il y a les oreilles !
Quelles sont les œuvres de musique de chambre pour flûte que vous préférez ?
Les quatuors de Mozart, mêmes si je ne les ai pas encore tous joués. Les quintettes à vent ne passent pas toujours très bien auprès du public, mais j'apprécie ce type d'ensemble. J'aime beaucoup le Sextuor de Poulenc pour quintette à vent et piano que nous avons joué l'année dernière. Le Quatuor “Américain” de Dvořák dans la version pour quintette à vents faite par David Walter et qui sonne assez bien. J'aime aussi le Trio pour flûte, basson et piano de Beethoven. Le Trio pour flûte, violon et alto de Beethoven également. Les Chansons madécasses pour flûte, mezzo, violoncelle et piano de Ravel (jouées en novembre à Cortot).
Que pensez-vous de la musique de Roussel ?
J'ai joué une pièce pour flûte, violoncelle et alto. Je n'accroche pas énormément, mais d'autres pièces de Roussel avec chant sont très bien.
Avant d'entrer à l'Orchestre de chambre de Paris, vous avez fait partie de l'Orchestre philharmonique de Nice et de l'Orchestre de Picardie, deux orchestres qui sont régulièrement dans la fosse pour des opéras ou des ballets. L'Orchestre de chambre de Paris participe aussi occasionnellement à certaines productions d'opéra et de ballets (Nixon in China, Treemonisha, Les Enfants du paradis). Abordez-vous différemment ces séries de représentations ?
Beaucoup de musiciens trouvent plus facile de jouer en fosse, qu'on se sent moins exposé, donc moins soumis au stress. Pourquoi pas ? Mais ils ne pensent pas forcément au côté répétitif, il n'est pas du tout évident de rejouer 10 ou 12 fois un solo difficile. C'est un état d'esprit différent d'un concert unique. J'admire les musiciens de l'Orchestre de l'Opéra de Paris dont c'est le lot quotidien.
Aussi, pour un opéra et peut-être encore plus pour le ballet, la musique n'est qu'une des multiples composantes du spectacle que les spectateurs vont voir ?
Cela peut déranger certains musiciens qui aiment se mettre en avant, mais cela ne me dérange pas du tout. Quand j'étais seconde flûte à Nice, j'ai fait beaucoup d'opéra. C'est quand même un dialogue : les chanteurs sans nous, c'est triste, et nous sans les chanteurs, cela ne fonctionne pas. De toute façon, cela se complète. Il est vrai que les gens ont davantage les yeux rivés sur ce qui se passe sur le plateau (sans parler des ballets...), mais quand je suis dans une fosse, je ne me sens pas en retrait. Il faut aussi une certaine souplesse.
N'est-il pas frustrant de ne pas voir le spectacle et d'entendre le bruit des pointes des danseuses ?
Les pointes ou autres bruits du plateau ne me gênent pas, mais cela m'embête de ne pas voir. J'aimerais qu'un autre orchestre nous remplace une fois pour pouvoir profiter du spectacle !
La musique de Nixon in China de John Adams peut parfois paraître répétitive pour l'auditeur. L'est-elle véritablement pour les musiciens ?
Oui ! J'ai eu du mal à rentrer dans cette musique, qui est effectivement répétitive. Je n'ai pas forcément l'habitude de jouer cela...
Il y avait beaucoup de vents dans l'orchestre !
Oui. Lors de la première répétition, je me suis demandé si j'étais dans le bon orchestre, j'ai eu l'impression que ce n'était plus du tout l'Orchestre de chambre de Paris ! Il y avait trois clarinettes, deux pianos, un synthé, quatre saxophones, etc.
Chez Wagner, l'auditeur peut reconnaître les motifs qui se répètent, mais à jouer, ceux-ci reviennent différents à chaque fois, parce qu'ils seront dans une autre tonalité, etc. Y a-t-il des modifications dans la répétition chez John Adams ?
J'ai fait un Wagner : une série de Parsifal. Ça ne faisait pas le même effet ! Chez John Adams, il y a plus un côté ritournelle, c'est beaucoup moins modifié, même à jouer. Je préfère Wagner !
En quoi le travail de répétition pour un concert de musique de chambre est-il différent pour vous que pour un concert d'orchestre ?
L'écoute n'est pas la même. En musique de chambre, l'écoute est plus épurée. Il est plus facile de se repérer et de s'y retrouver. En orchestre, il faut avoir des antennes partout tout le temps !
En orchestre, dans une plus grande masse sonore, il est plus facile de se fondre. En musique de chambre, on est plus à nu, donc au niveau des couleurs, le travail est un peu plus délicat : c'est plus ténu au niveau des timbres parce qu'on est moins nombreux. Mais les choses se font aussi naturellement...
Et puis, il n'y a pas de chef d'orchestre...
Oui, mais il est aussi agréable parfois de ne pas avoir de chef d'orchestre. Cela fait du bien aussi de se prendre en charge et de décider par soi-même ce qu'on va faire. Parfois, certains chefs imposent quelque chose sur un solo. On se dit que c'est dommage parce qu'on le voyait différemment, mais un autre point de vue peut être intéressant et cela peut fonctionner même si ce n'est pas ce qu'on aurait fait dès le départ. Notre métier, c'est aussi de savoir s'adapter très vite à ce que le chef demande.
Arrive-t-il parfois qu'après les répétitions, le chef vous surprenne pendant le concert ?
Oui, parfois en bien, parfois en mal... Les tempi ne sont évidemment pas
figés, des émotions imprévisibles peuvent se glisser, c'est d'ailleurs
passionnant. Avec certains chefs, il est vrai qu'on se demande :
qu'est-ce qu'il va nous faire ce soir ?
.
Avec quels chefs d'orchestre avez-vous les meilleurs souvenirs ?
J'ai cru lire que vous n'appréciez pas forcément Joseph Swensen. Nous sommes cependant nombreux dans l'orchestre à lui être reconnaissants d'une liberté, d'une façon de nous prendre en charge, de nous responsabiliser, qu'il a apportées. J'ai aimé ça, ainsi que sa battue, qui respire, ce que n'ont pas tous les chefs, certains étant un peu raides.
Sur mes souvenirs personnels, quand j'étais jeune, j'ai joué dans l'Orchestre des jeunes de la Communauté Européenne qui recrutait au Conservatoire de Paris et ailleurs, partout en Europe. Il y avait Rostropovitch et Ashkenazy qui dirigeaient. Avec Rostropovitch, Martha Argerich avait joué le deuxième concerto de Prokofiev. C'était fabuleux ! Elle a un tempérament de feu. Et lui, il dégageait une émotion ! Il y eut aussi une Neuvième symphonie de Beethoven avec Carlo Maria Giulini.
Depuis que je suis à l'Orchestre de chambre de Paris, je pense à Andris Nelsons il y a trois ans, mais il n'est pas revenu... Il est fabuleux, et en plus, il est d'une grande gentillesse et d'une humeur très joviale...
Quand le baroqueux
Reinhard Goebel est venu, il a vraiment
apporté quelque chose. Je pense que c'était difficile pour l'orchestre de
suivre, de très vite digérer tout ce qu'il nous demandait, mais c'était
très intéressant et il a aussi une énergie incroyable.
⁂
Voilà, j'espère que vous aurez pris autant de plaisir à lire cet
entretien que j'en ai eu pour le réaliser. J'avais aussi posé une question
un peu tordue à propos de la Mondorf sonatina nº1 de Nicolas
Bacri. Initialement, elle avait été composée pour François Leleux
(hautbois) et Ronald van Spaendonck (clarinette). Comme il en existe des
transcriptions pour toutes sortes de combinaisons d'instruments à vents
(flûte et clarinette, deux flûtes, etc.), cela m'amusait de savoir si dans
la version pour flûte et hautbois, François Leleux gardait sa partie et la
flûte reprenait celle de la clarinette, ou si c'était le contraire. À part
François Leleux et le compositeur, peu de personnes pouvaient répondre...
En pleine interview, j'ai donc eu l'heureuse surprise de voir François
Leleux s'approcher, me regarder droit dans les yeux, me dire Bonjour, je
suis François Leleux.
et m'expliquer la petite histoire de cette pièce
écrite suite à en défi lancé à Nicolas Bacri de composer en temps limité
(trois jours) un duo lors du Festival Juventus à Mondorf (Luxembourg). Je
vous la fais courte, si j'ai bien suivi, dans cette version pour flûte et
hautbois, la flûte reprend le rôle du hautbois de la version originale (à
moins que ce ne soit le contraire !).
PS: On pourra lire aussi chez Klari l'interview de François Leleux réalisée en même temps.
2012-12-18 01:41+0100 (Orsay) — Culture — Musique
Salle Cortot — 2012-12-15
François Leleux, hautbois
Marina Chamot-Leguay, flûte
Fany Maselli, basson
Deborah Nemtanu, violon
Benoît Grenet, violoncelle
Mathieu Dupouy, clavecin
Sonate pour flûte, hautbois, basson et clavecin en ré mineur (BWV 1036), J. S. ou C. P. E. Bach ?
Trio nº3 en sol majeur pour flûte, violon et basse continue, G. P. Telemann
Mondorf Sonatina nº1 pour flûte et hautbois, Nicolas Bacri
Sonate en trio de L'Offrande musicale (BWV 1079), Bach
Sonate en si bémol majeur nº1 pour hautbois, violon et violoncelle, Händel
Concerto en fa majeur (Allegro), Vivaldi
Samedi en fin d'après-midi avait lieu salle Cortot un concert de musique de chambre du hautboïste François Leleux et de musiciens de l'Orchestre de chambre de Paris parmi lesquels se trouvait la flûtiste Marina Chamot-Leguay, dont on pourra lire ici une interview demain...
La première œuvre jouée est due à un Bach pas tout-à-fait identifié. Le programme annonce une Sonate pour flûte, basson et clavecin en ré mineur. Alors que les musiciens sont encore en coulisses, j'entends le son d'un hautbois qui ne se réduit pas à un la. François Leleux ferait-il une apparition surprise ? Bingo. Il entre, salue les enfants présents et explique qu'il y aura aussi du hautbois... Effectivement, dans cette version de l'œuvre, la flûte et le hautbois sont deux voix qui se répondent, accompagnées par le basson et le clavecin. C'est agréable, mais l'œuvre n'est pas transcendante non plus (et mon écoute a quelque peu été perturbée par l'entrée de spectateurs retardataires au balcon...).
J'espère que je ne me trompe pas sur la composition de la formation jouant l'œuvre suivante : violon, flûte, basson, clavecin. Pendant l'écoute de cette œuvre (adorable, à défaut d'être passionnante en dehors des vivifiants mouvements rapides), ce qui m'interpelle le plus, c'est la belle technique d'archet de la violoniste Deborah Nemtanu. Elle joue très loin du chevalet et produit un son qui sonne très baroque.
L'œuvre qui m'a le plus marqué lors de ce concert est sans doute le duo entre François Leleux et Marina Chamot-Leguay. N'étant jusque là pas fan de Nicolas Bacri, je n'imaginais pas que cette Mondorf Sonatina nº1 de cinq minutes me mettrait dans un tel état d'exaltation. Les deux musiciens jouent debout. Leur entente est manifeste. Le son des deux instruments se fond merveilleusement bien. Aussi, quelle joie de voir de la musique contemporaine jouée ainsi, avec autant de vie et d'engagement !
Marina Chamot-Leguay, Deborah Nemtanu, Benoît Grenet et Mathieu Dupouy interprètent ensuite la Sonate en trio de L'Offrande musicale, que j'ai eu l'occasion d'entendre il y a deux mois (moins bien jouée...). C'est pour moi l'autre temps fort de ce concert ! La flûtiste utilise une flûte en bois pour interpréter cette œuvre, qui se présente comme un dialogue entre le violon et la flûte. Les deux musiciennes se font face. Elles ont bien souvent des mouvements de tête identiques, c'est parfois comme s'il y avait un miroir entre les deux ! Mon détecteur à chromatismes a tilté quand s'est fait entendre le thème de L'Offrande musicale qui m'a sidéré quand il est apparu soudainement en pleine lumière... J'ai beaucoup aimé aussi les moments où le son du violoncelle était mis en valeur.
J'aimerais avoir des souvenirs de la Sonate en si bémol majeur nº1 de Händel pour hautbois, violon et violoncelle. Bercé par le son du hautbois de François Leleux, je n'ai pas vu le temps passer. J'étais tout étonné quand l'œuvre s'est terminée.
Les six musiciens ont conclu ce concert par un joyeux mouvement d'un concerto de Vivaldi dans lequel chaque musicien avait l'occasion de se mettre en valeur.
Voilà un concert au rapport qualité/prix redoutable !
2012-12-16 22:49+0100 (Orsay) — Culture — Musique
Salle Pleyel — 2012-12-16
London Symphony Orchestra
Roman Simovic, premier violon
Valery Gergiev, direction
Denis Matsuev, piano
Symphonie nº4, Szymanowski
Leonidas Kavakos, violon
Concerto pour violon nº2, Szymanowski
Caprice nº1, Paganini
Symphonie nº4, Brahms
Comment apprécier les qualités, indéniables, de l'orchestre, quand le chef Valery Gergiev le fait jouer si fort que les solistes en deviennent complètement inaudibles ? Certes, j'étais à l'arrière-scène lors de ce concert du London Symphony Orchestra, mais d'habitude, à Pleyel, j'entends assez bien les solistes dans les concertos. Ce n'était pas excessivement gênant pour la Symphonie nº4 de Szymanowski, mais dans le concerto pour violon, je n'ai pour ainsi dire entendu que la toute première intervention de Leonidas Kavakos et sa cadence. Mes billets Pleyel sont composées principalement de places à l'arrière-scène et au deuxième balcon (où l'on entendait paraît-il mieux), il aura donc fallu que le déséquilibre le plus total arrive sur un des concerts que j'attendais le plus dans toute la saison musicale. Je me sens assez floué...
La Symphonie nº4 de Brahms m'a paru assez insupportable. Le son de l'orchestre est tellement épais qu'aucun détail ne ressort. Seules les interventions de la clarinette et de la flûte dans le deuxième mouvement auront fait varier favorablement mon humeur.
2012-12-15 01:18+0100 (Orsay) — Culture — Musique — Opéra
Théâtre des Champs-Élysées — 2012-12-14
Nadja Michael, Médée
John Tessier, Jason
Elodie Kimmel, Dircé
Vincent Le Texier, Créon
Varduhi Abrahamyan, Néris
Ekaterina Isachenko, Première servante
Anne-Fleur Inizan, Seconde servante
Antoine Bui, Tom Perkins, Enfants de Médée
Christophe Rousset, direction musicale
Krzyzstof Warlikowski, mise en scène
Małgorzata Szczęśniak, décors et costumes
Saar Magal, chorégraphie
Christian Longchamp, dramaturgie
Felice Ross, lumières
Denis Guéguin, conception vidéo
Stephane Petitjean, chef de chœur
Les Talens Lyriques
Chœur de Radio France
Médée, Luigi Cherubini.
Je ne comprends pas pourquoi certains se scandalisent de la production
de Médée qui passe actuellement au Théâtre des Champs-Élysées. À
lire certains avis
, l'œuvre serait dénaturée, et la musique de
Cherubini parasitée par le bazar sur scène. Ce n'est pas du tout ce que
j'ai vu ou entendu lors de la troisième représentation.
N'ayant vu aucune des mises en scène de Krzyzstof Warlikowski du temps où Gerard Mortier dirigeait l'Opéra de Paris, je voulais me rattraper en allant voir cette Médée qui avait initialement été montée à Bruxelles.
Le décor est unique, mais il peut se transformer. Un élément-clef de ce décor est le grand miroir vertical faisant toute la largeur de la scène. Ceci permet au public de se voir lui-même, notamment à la toute fin de l'opéra, quand la musique se sera évanouie et que Médée restera longuement à l'avant-scène avant de sortir, le public s'applaudissant lui-même d'applaudir celle qui vient de tuer ses propres enfants.
En dehors d'un air que j'avais déjà entendu lors du spectacle Altre Stelle autour d'Anna Caterina Antonacci, je crois bien que je n'avais jamais entendu la musique de Cherubini. L'ouverture ne m'a pas vraiment plu, mais pour le reste, je ne suis pas d'accord avec les nombreux commentaires qui critiquent cette musique. Dans la première scène, j'ai trouvé remarquable la façon très chantante dont le texte français était mis en musique. Un peu comme Mozart, mais en français... Cela dit, certains effets d'orchestration sont assez étonnants ou étranges, comme un des airs dont la partie principale de l'accompagnement était assurée par un basson. À d'autres moments, de délicieuses phrases virtuoses se font entendre de la flûte traverso. L'interprétation est très baroque (le son des timbales me choquait dans l'ouverture, mais dans la scène de tempête-sorcellerie au début du troisième acte, c'était indiscutablement spectaculaire !). Cette musique est jouée de façon très engagée par les musiciens des Talens lyriques dirigés par Christophe Rousset ! Depuis ma place au centre du deuxième balcon (66€ quand même...), je suis presque horrifié par la facilité des seconds violons à faire huit notes dans un seul coup d'archet...
Pour ce qui est des voix, l'interprète que j'ai préférée est Elodie Kimmel, qui interprétait le rôle de Dircé, qui se prépare à être la nouvelle épouse de Jason tout en étant effrayée par son avenir. Toutefois, ce qui m'a le plus ému dans le chant, tout au long de l'opéra, c'est le chœur !
Le chant des solistes présentait quelques ornementations qui n'étaient pas pour me déplaire. Cependant, il y a un certain problème avec l'interprète du rôle de Médée. D'un côté, rien que par son jeu, elle a pu m'émouvoir dans certaines scènes où son personnage était comme sous l'emprise de l'alcool ou de médicaments (ce qui doit être très difficile à faire de façon convaincante tout en évitant de partir dans le décor). D'un autre côté, sa façon de passer en force et sans articulation les aigus est assez déplaisante. Aussi, on ne comprend pas grand'chose de son texte, surtout dans les dialogues récrits pour cette production. Ceci étant, qu'un personnage aussi extrême que Médée souffre d'inarticulation, c'est presque crédible. Dans le rôle de Mélisande, cela passerait moins bien, je pense...
Ailleurs : Zvezdo, André Tubeuf, Fomalhaut.
2012-12-11 01:00+0100 (Orsay) — Culture — Musique
Temple des Batignolles — 2012-12-09
Orchestre des Concerts Gais
Marc Korovitch, direction
Pierre Hamel, violon
Concerto pour violon en ré majeur, op. 35 (Tchaikovski)
Symphonie nº104 en ré majeur (Haydn)
Après l'expérience mystique de la Quatrième symphonie de Bruckner à Saint-Roch en mai dernier, je suis allé écouter le nouveau programme de l'Orchestre des Concerts gais. Deux fois ! La raison a priori était que l'on a pas tous les jours l'occasion d'entendre une symphonie de Haydn d'un numéro donné, donc autant écouter deux fois de suite sa Symphonie nº104. J'ai cependant changé de place entre les deux concerts, premier rang à gauche à côté des premiers violons vendredi et premier rang à côté des altos dimanche. Cela m'a permis d'avoir deux perspectives assez différentes pour le concerto de Tchaikovski dans la première partie du programme et concernant la symphonie de Haydn, de l'entendre dimanche jouée de façon encore plus convaincante que vendredi.
Le concert commence avec l'interprétation du concerto pour violon de Tchaikovski. Le soliste est Pierre Hamel, premier violon co-soliste de l'Orchestre Colonne, et par ailleurs redoutable mathématicien amateur. Lors de la première écoute, je suis bluffé par ce que j'entends avant même l'entrée du soliste après une vingtaine de mesures. Cela commence par une mélodie gentillette des premiers violons, puis un Ta.tâ-tidadayada-tâ qui alterne avec un motif descendant puis montant du hautbois. Alors qu'un puissant crescendo s'élabore, les uns sont rejoints par les seconds violons et le hautbois par les autres vents. Et puis, les violons se mettent à faire un tidadayada-ta-ta-tidadayada-ta-ta dont les ta-ta qui sonnent comme des coups de fouet bien nets font trembler le sol du temple des Batignolles. À un mètre des premiers violons, ma perception auditive est sans doute altérée, mais visuellement, je ne crois pas avoir vu souvent une telle énergie se dégager d'orchestres professionnels...
Après cette rampe de lancement furieuse, Tchaikovski utilise une technique d'orchestration des instruments à vents qui lui est particulière, utilisant différentes combinaisons d'instruments sur de courtes durées (cf. ce billet pour un autre exemple). C'est le signal donné pour l'entrée en scène du soliste, seul. À moins de deux mètres de distance, et alors que l'orchestre m'avait déjà quelque peu mis en transe, ce fut d'autant plus impressionnant... Après quelques mesures, le soliste est rejoint par d'autres instruments au moment où s'énonce la grande phrase musicale marquante de ce concerto, langoureuse et en apesanteur. Elle reparaîtra sous diverses formes dans la suite, et en fait, c'est une variation de ce que les premiers violons ont esquissé quelques mesures plus tôt. Ce plaisir s'accompagne de celui de l'audition des pizz. des cordes et en particulier des contrebasses. Je me suis davantage délecté de ces dernières dimanche, puisque mon placement me les faisait entendre mieux et je pouvais profiter aussi des indications que donnait le chef Marc Korovitch aux deux contrebassistes qui accueillaient ces signaux avec un sourire complice et une synchronisation parfaite.
Revenons au soliste qui m'a fait une très forte impression. Lors de la deuxième écoute, outre de très beaux aigus, je crois que ce qui m'a le plus épaté, c'est le jeu de questions et réponses auquel le violoniste se livre avec lui-même à un moment dans la cadence... Dans la musique du Sud de l'Inde, j'apprécie tout particulièrement ces dialogues entre instruments qui interviennent presque systématiquement en fin de concert. J'ai aimé la façon que le violoniste a eu d'interpréter un des passages en donnant l'impression que deux personnages se répondaient.
Si les deux derniers mouvements ne sont pas mes préférés du concerto, j'ai aimé l'atmosphère crépusculaire du deuxième. J'ai reconnu qu'on passait au troisième (enchaîné au deuxième) quand un altiste a posé sa sourdine sur son pupitre... Dans le troisième, les instruments à vent ont m'ont semblé particulièrement magnifiques.
Après l'entr'acte, le démarrage de la Symphonie nº104 de Haydn est assez
spectaculaire, un vrombissant Tâ-Ta..ta-tîîî Tâ-Ta..ta-tîîî
qui
oscille entre deux notes bien définies, et puis on sent que Haydn a envie
d'ajouter un peu de dissonances, d'abord timidement. Et, soudain, c'est le
drame, il se met à faire du Wagner :
Je ne sais pas combien de fois j'ai réécouté ces deux mesures (12-13) sur un enregistrement de l'Orchestre Haydn austro-hongrois pour me convaincre que je n'avais pas rêvé. Oh la la, tous ces bémols et dièses... Vers la fin de ce mouvement, il y aura un passage qui est chromatique de façon encore plus flagrante (suivre ce lien pour écouter l'extrait) :
À la fin du premier mouvement, je me suis dit que la durée de la réverbération de la salle devait être assez grande, puisqu'après que les musiciens se sont arrêtés, il m'a semblé continuer à entendre le son de la musique pendant plusieurs secondes ! Il faudrait être bien naïf pour croire que le deuxième mouvement lent d'une symphonie sert à permettre aux musiciens de souffler un peu. En effet, dans cet Andante, Haydn a malicieusement mis une scène de tempête, courte, mais spectaculaire ! Le Menuet est adorable comme tout. Au début du quatrième mouvement, j'apprécie la pédale des violoncelles (et des cors dans le fond), la longue note tenue au-dessus de laquelle va se développer la mélodie entêtante de cette symphonie, de ce concert, voire de la semaine, j'espère que les symptômes disparaîtront assez rapidement.
J'ai préféré la seconde écoute de cette symphonie. Cela tient peut-être un peu à un placement qui rende ma perception plus équilibrée, mais sans doute pas seulement. J'ai été captivé du début à la fin. La deuxième fois, le dernier mouvement m'a semble-t-il été joué plus rapidement, et l'orchestre m'a alors paru tout à fait débridé !
2012-12-01 13:44+0100 (Orsay) — Culture — Musique — Danse — Danses indiennes — Culture indienne
Au cours de ce mois de novembre j'aurai vu pas moins de six spectacles
de bharatanatyam. Parmi eux, je garderai notamment en mémoire le récital de Lavanya Ananth, parce qu'outre leur qualité
artistique exceptionnelle, les deux représentations que j'ai vues m'ont
donné l'impression de progresser quelque peu dans la connaissance de cette
danse, en tant que spectateur. Le langage de cette danse commence
à me parler à un point tel que dans un solo dont elle interprète tous les
rôles (rarement plus de deux en même temps ceci dit), une danseuse de
bharatanatyam peut me procurer davantage d'émotions que le Ballet de
l'Opéra ne peut me le faire ressentir au cours d'une représentation
moyenne
: il faut Myriam Ould-Braham dans La
Bayadère ou Aurélie Dupont et Evan McKie dans
Onéguine, par exemple, pour me faire atteindre un tel niveau
de plaisir.
Paradoxalement, plus j'ai l'impression de mieux comprendre cette danse et d'avoir donc des raisons d'être exigeant, mieux je sais apprécier les aspects de la danse que je ne valoriserais pas a priori. C'est dans cet état d'esprit que je suis allé voir Ofra Hoffman au Centre Mandapa :
Centre Mandapa — 2012-11-29
Kuttalam M. Selvam, chorégraphies
Bragha Bessell, chorégraphie du Padam
Ofra Hoffman, bharatanatyam
Pushpanjali
Alarippu
Varnam
Padam
Tillana
L'offrande de fleurs (Pushpanjali) évoque une jeune femme dévote de Shiva-Nataraja. Suit un Alarippu qui sur une musique rythmique me semble être essentiellement de la danse pure (non narrative). Intervient ensuite le Varnam, la pièce principale du récital qui met en scène une jeune femme qui se languit de Murugan (le deuxième fils de Shiva). La danseuse a magnifiquement évoqué le rendez-vous donné au beau jeune homme sous un arbre. Ce qui m'a suscité le plus grand étonnement est que j'ai pour ainsi dire eu en permanence la sensation de lire un livre écrit dans une langue que je comprenais presque parfaitement. J'ai trouvé tout à fait limpide cette narration faisant appel à des éléments chorégraphiques aussi bien intuitifs que codifiés.
Mon autre motif d'étonnement vient du plaisir que m'ont procuré les
jatis dansés dans les deux premières pièces et aussi, peut-être
encore davantage, ceux du Varnam. Les jatis sont ces
passages rythmiques de danse pure
. On ne peut pas dire que ceux-ci
étaient particulièrement virtuoses (j'en ai vu de beaucoup plus rapides),
mais il y avait là une singulière beauté simple et sincère à laquelle j'ai
été réceptif alors que j'accorde en général plus d'attention à l'expression
et à la narration. J'ai aussi beaucoup aimé la suite de pas de transition
que la danseuse a répété au fond de la scène au début de chaque
séquence.
Dans la musique de ce Varnam, je me suis délecté de la
répétition de la voyelle i
à la fin de chacun des vers des strophes
qui accompagnaient l'évocation par la danseuse du beau regard de
Murugan.
La musique avant tout mélodique du Padam qui a suivi n'est pas
perturbée par des passages rythmiques. Dans cet adage
, la danseuse
évoque l'espiègle Krishna. J'ai particulièrement aimé les exquis mouvements
et positions des mains signalant qu'il est question d'un personnage féminin
(une bergère). Parmi les scènes représentées, celle où Yashoda, la mère
adoptive de Krishna, lui demande d'ouvrir la bouche parce qu'elle le
soupçonne d'avoir mangé du sable : quand le divin Krishna ouvre la bouche,
Yashoda voit apparaître d'univers tout entier.
Le Tillana a mis en scène un personnage féminin et Shiva-Nataraja faisant résonner le tambour Damaru.
⁂
Centre d'animation Curial — 2012-11-30
Mallika Thalak, bharatanatyam
Kalikautam (chorégraphie de M. K. Saroja)
Alarippu (chorégraphie de V. S. M. Selvam)
Ardhanarishwara (transmis par Rama Vaidyanathan)
Padam (chorégraphie de Kalamandalam Kshemavathy)
Tillana
Le lendemain, je me suis dirigé vers le Centre d'animation Curial, situé dans un quartier de Paris dans lequel je ne m'étais jamais aventuré. Mallika Thalak est une de mes danseuses de bharatanatyam préférées, parce qu'elle me semble exceller par son expression et par la beauté de ses mouvements. J'avais hâte de revoir cette danseuse qui m'avait éblouie quand je l'avais vue au Centre Mandapa et que je n'avais plus vue danser depuis tout juste un an.
Dans les deux premières pièces, la danseuse me paraît un tout petit peu moins à l'aise que lorsque je l'avais vue interpréter ces mêmes pièces il y a un an, mais je prends un certain plaisir à revoir l'offrande symbolique de fleurs et l'évocation de la féroce déesse Kali dans la première et dans la deuxième pièce à apprécier cette danse pure accompagnée d'une musique entièrement rythmique.
Bien sûr, j'aurais aimé voir des chorégraphies toutes nouvelles, mais comme je le disais à elendae avant le début du spectacle, je ne pourrais jamais lui en vouloir de choisir de danser une nouvelle fois Ardhanarishwara, cette superbe chorégraphie qui évoque la divinité androgyne mi-Shiva mi-Parvati portant ce nom. C'est un véritable régal ! Pour la moitié droite, la danseuse évoque la chevelure de Shiva, les cendres qu'il a mises horizontalement sur son front, son ardent regard, son collier de crânes et quelques autres traits virils de cette divinité que je n'identifie pas exactement. Pour la moitié gauche, c'est la grâce féminine de Parvati qui est montrée. La danseuse se métamorphose continuellement, passant de la moitié gauche à la droite et réciproquement. Parfois, la transformation se fait au prix d'un tour de la danseuse sur elle-même : elle est Parvati, entame une rotation et quand elle reparaît, elle est Shiva. D'autres fois, le plus souvent en fait, la transformation se fait de façon beaucoup plus subite, alors que la danseuse fait face au public. Même si je ne connais pas de source iconographique ou mythologique appuyant ce fait, j'ai aimé sa façon de représenter un serpent enroulé autour de la cheville de Shiva. J'ai apprécié aussi le fait que les lumières soient réglées de façon à ce que la moitié gauche de la danseuse paraisse bleue tandis que sa moitié droite était rouge, tout comme dans les représentations picturales colorées d'Ardhanarishwara. En revoyant cette pièce, je découvre des détails importants qui m'avaient échappé les deux premières fois, notamment l'évocation du printemps, des animaux, du butinage des fleurs, etc. J'ai apprécié les jatis dansés dans cette pièce ; j'étais tout étonné d'arriver à me repérer intuitivement dans le cycle à 8 temps grâce aux syllabes rythmiques qui étaient initialement très régulières avant que des variations plus tordues apparaissent.
La quatrième pièce de ce récital a été pour moi une très belle
découverte. Pour avoir vu une pièce du même type la veille, j'ai reconnu
immédiatement qu'il s'agissait d'un Padam, une sorte
d'adage
qui évoque ici aussi l'enfance espiègle de Krishna (qui est
bien sûr souvent reconnaissable au fait qu'il joue de la flûte). Celui-ci
se vante de porter de nombreux bijoux (une bague sur chacun de ses dix
doigts), etc. Dans l'épisode le plus développé de cette chorégraphie, on
voit une femme en train de baratter avec application du lait pour obtenir
du beurre qu'elle met dans une jarre qu'elle accroche dans un coin de la
pièce, à une hauteur qui la rende inaccessible à un enfant. Le jeune
Krishna fait ensuite son apparition et ayant vérifié que personne ne
l'observe, il tente d'atteindre le pot de beurre, mais n'y arrive pas lors
de ses premières tentatives. Puis, par quelque tour de son cru, il y
parvient enfin et peut se goinfrer du beurre qu'il aime tant. (C'est en
souvenir de cette légende que pendant la fête de Krishna Janmashtami des
équipes de dévots de Krishna s'organisent en pyramides humaines, le but du
jeu étant d'atteindre un pot de beurre préalablement suspendu très haut.)
Voir cette danseuse dans une pièce résolument narrative mettant en valeur
l'étendue de son talent expressif a été pour moi un réel délice !
La dernière pièce au programme est un beau Tillana qui se termine avec Shiva-Nataraja, le Seigneur de la danse, battant le rythme du monde avec le tambour Damaru.
J'encourage vivement ceux qui sont disponibles le 14 décembre d'aller voir ou revoir ce programme au Centre Mandapa !
On peut admirer la série de neuf
photographies de la danseuse dans les Navarasa, les neuf saveurs
codifiées de la danse indienne.
2012-11-29 01:28+0100 (Orsay) — Culture — Musique — Danse — Planning
Mon programme de spectacles pour décembre est presque raisonnable, en comparaison de celui de novembre :
Akram Khan : plus de places. Maintenant que je ne le suis plus, en me trouvant par hasard sur le bon site de réservation au bon moment, j'ai curieusement réussi à acheter une place. J'espère qu'il y aura un peu de (bon) kathak à l'intérieur de ce solo intitulé Desh...
2012-11-26 21:54+0100 (Orsay) — Culture — Musique — Danse — Danses indiennes — Culture indienne
Pour rattraper mon retard, je m'essaie ici au genre de la microniquette de spectacles (mais il y en a onze d'un coup, comme pour le Bartók-Maraton à venir).
Opéra Garnier — 2012-11-01
Ars Nova Ensemble Instrumental
Chœur Accentus
Ballet de l'Opéra
Laurence Equilbey, direction musicale
Morton Feldman, musique (Extraits des premier, troisième, quatrième et cinquième mouvements de Rothko Chapel)
Anton Bruckner, musique (Kyrie et Agnus Dei de la Messe nº2 en mi mineur, version de 1882)
György Ligeti, musique (Continuum pour clavecin solo, 1970)
Marie-Agnès Gillot, chorégraphie
Olivier Mosset, décors
Walter Van Beirendonck, costumes
Madjid Hakimi, lumières
Laurence Equilbel, dramaturgie musicale
Florence Clerc, assistante de la chorégraphe
Laëtitia Pujol
Alice Renavand
Vincent Chaillet
Sous apparence
Philippe Nahon, Jérôme Polack, direction musicale
John Cage, musique origine (etcetera)
Merce Cunningham, chorégraphie
Décors et d'après les maquettes originales de Jasper Johns
Lumières réalisées par Davison Scandrett
Robert Swinston, Jennifer Goggans, répétitions
Stéphanie Romberg, Florian Magnenet
Fabien Révillion
Un jour ou deux
À part les lumières, l'engagement des danseurs et les superbes solos d'alto, tout est raté dans le ballet de Marie-Agnès Gillot. Le ballet de Cunningham, en revanche, contient quelques moments de grâce, notamment quand certains mouvements dansés entrent en conjonction avec les tapotis des musiciens : ç'eut été encore mieux s'il avait été possible de voir Stéphanie Romberg et Hervé Moreau le même soir...
Salle Pleyel — 2012-11-08
Philippe Aïche, violon solo
Orchestre de Paris
Paavo Järvi, direction
Le Tombeau de Couperin, version pour orchestre (Ravel)
Andreas Haefliger, piano
Concerto pour piano en ut mineur, nº24, KV 491 (Mozart)
La Vie antérieure, pour piano et orchestre, Karol Beffa (création)
Le Sacre du Printemps, Stravinski
Magnifique interprétation du Tombeau de Couperin (superbes instruments à vent !). Le concerto de Mozart agréable sans plus. Très belle création de Karol Beffa à la très belle fin apaisée un chouilla étirée (gâchée par le bis monstrueux du pianiste). J'aurais aimé que les tempi du Sacre du printemps fussent parfois un peu plus rapides, mais c'était amusant à regarder depuis le premier rang de l'arrière-scène à côté des Wagner-Tuben... Et puis, il y avait Giorgio Mandolesi au basson...
Salle Cortot — 2012-11-10
Marina Chamot-Leguay, flûte
Livia Stanese, violoncelle
Romain Descharmes, piano
Sarah Jouffroy, mezzo
Une flûte invisible pour flûte, mezzo et piano (Saint-Saëns)
Sonate pour flûte et piano (Poulenc)
Chansons madécasses pour flûte, mezzo, violoncelle et piano (Ravel)
Sonate pour violoncelle et piano (Poulenc)
Sonates pour violoncelle, flûte et piano, op. 86 (Nikolaï Kapustin)
Cette flûtiste est sensationnelle !
Chez Malavika — 2012-11-10
Malavika Klein
Abhinaya
Je ne révèlerai pas ici l'âge de la danseuse, qui devant un petit comité a dansé deux pièces d'un bharatanatyam des plus traditionnels avant d'en présenter sa propre conception, pour ainsi dire sans musique, dans des scènes de la mythologie indienne. Tout le monde a été surpris par l'évocation de l'humiliation de la démone Śūrpaṇakhā par Rāma et Lakṣmaṇa.
Amphithéâtre de la Cité de la musique — 2012-11-11
Lous Landes Consort
Hugo Reyne, flûte à bec
Sébastien Marq, flûte à bec
Marc Minkowski, basson
Pierre Hantaï, clavecin, orgue
Introduzzione à tre en do majeur, TWV 42 (Telemann)
Sonate en trio VI en ré mineur (Giuseppe Sammartini)
Suite pour deux flûtes à bec (Jacques Hotteterre)
Suite en do majeur, extrait des Pièces en trio (1692), Marin Marais
Sonate en trio V en fa majeur (Giuseppe Sammartini)
Prélude pour clavecin en fa majeur, BWV 880, Johann Sebastian Bach
Sonate pour deux flûtes et basse continue en do majeur, BWV 1039, Johann Sebastian Bach
Les tringles des sistres tintaient de Carmen (Bizet)
Une configuration rare : un clavecin, un basson et deux flûtes. Des musiciens qui prennent un certain soin au moment de s'installer de façon à ce que chacun puisse se voir et se synchroniser sur la respiration de l'autre. Quelques aimables plaisanteries de Marc Minkowski. Un inattendu bis extrait de Carmen.
Théâtre du Châtelet — 2012-11-11
Chris Behmke, Tony
Elena Sancho Pereg, Maria
Yanira Marin, Anita
Andy Jones, Riff
Pepe Muñoz, Bernardo
Jerome Robbins, idée originale
Arthur Laurents, livret
Stephen Sondheim, paroles
Joey McKneely, mise en scène et chorégraphie
Donald Chan, supervision musicale et direction
Paul Gallis, décors
Renate Schmitzer, costumes
Peter Halbsgut, lumières
Rick Clarke, réalisation sonore
Hannelore Uhrmacher, maquillages
West Side Story, Bernstein.
Si West Side Story est le chef-d'œuvre des comédies musicales, je crois que ce genre n'est pas fait pour moi. L'interprétation de la musique m'a beaucoup moins convaincu que lors de mes autres auditions au concert des Danses symphoniques extraites de cette œuvre. Le livret est beaucoup plus intelligent que ce que j'imaginais a priori. Les danseurs ne manquent pas d'énergie...
Mairie du vingtième arrondissement — 2012-11-17
Élèves de Jyotika Rao, bharatanatyam
Lors du salon du livre de l'Inde organisée par l'association Les Comptoirs de l'Inde à la mairie du XXe (la maire et même l'ambassadeur de l'Inde étaient présents à l'inauguration), j'ai assisté à plusieurs spectacles et écouté un entretien de Jean-Claude Carrière, toujours aussi intarrissable à propos de l'Inde (et de Buñuel).
Le spectacle qui m'a le plus étonné par sa qualité mettait en scène des élèves de Jyotika, qui donne des cours de bharatanatyam aux Comptoirs de l'Inde. Malgré la brièveté de la présentation (plusieurs pièces chorégraphiques faisant en tout une demi-heure), j'ai eu l'occasion d'être sidéré par la qualité d'une des chorégraphies et de son interprétation. Je savais que ce mouvement était possible, pour l'avoir déjà vu sur Youtube, mais je ne l'avais vu en vrai : pendant que ses bras et ses jambes évoquaient le Seigneur de la danse Shiva-Nataraja, la danseuse a monté et rabaissé son talon avec une certaine vigueur pour figurer, me semble-t-il, que Shiva-Nataraja était en train d'écraser le démon de l'ignorance (si vous ne visualisez pas la scène, allez voir cette image). À d'autres moments, je ne voyais plus une danseuse, mais tout simplement Shiva dans sa très virile danse cosmique.
Cité de la musique — 2012-11-20
Ensemble Intercontemporain
Susanna Mälkki, direction musicale
Ionisation (Varèse)
Speicher III-IV-V (Enno Poppe)
Poème électronique pour bande magnétique (Varèse)
drawing tunes and fuguing photos, Benedict Mason (création)
#9 pour ensemble (Mauro Lanza)
Basses du Chœur de Radio France
Denis Comtet, chef de chœur
Ecuatorial pour chœur d'hommes et ensemble (Varèse)
Varèse ne ressemble à aucun autre compositeur ! J'ai aussi adoré les œuvres récentes ou tout-à-fait nouvelles de Benedict Mason et Mauro Lanza, mais j'ai été moins convaincu par celles d'Enno Poppe.
Gaveau — 2012-11-21
Antoine Tamestit, alto
Suite nº1 en sol majeur, BWV 1007
Hora Lunga (Ligeti)
Suite nº3 en ut majeur, BWV 1009
Élégie (Stravinski)
Suite nº5 en ut mineur, BWV 1011
Rapide et sauvage. La beauté du son est sans importance de la Sonate pour violon seul op. 25 nº1 (Hindemith)
Grâce à Klari, j'ai assisté à un récital d'un altiste jouant sur un des douze altos fabriqués par Stradivarius. Le point culminant du concert à été pour moi l'interprétation de la troisième suite pour un instrument qui à l'époque de Bach n'était sans doute pas le violoncelle actuel (en 2006, j'ai eu l'occasion de voir Sigiswald Kuijken jouer les trois premières suites au violoncella da spalla). Pourquoi pas à l'alto, si les spectateurs en sortent tout retournés ?
Salle Cortot — 2012-11-24
Sylvie Dusseau, violon
Serge Soufflard, alto
Benoît Grenet, violoncelle
Variations Goldberg, BWV 988, arrangement de Dmitry Sitkovetsky
Malgré toute la sympathie et l'admiration que chacun de ces musiciens, individuellement, m'inspire, je pense que ce concert était raté. Quelques beaux moments, mais peut-être n'aurais-je pas dû écouter préalablement l'enregistrement des Variations Goldberg par le claveciniste Pierre Hantaï ni subséquemment le transcendant Aria (sur Youtube) dans la même transcription que celle qui a été interprétée dans ce concert ?
Salle Pleyel — 2012-11-25
Academy of St Martin in the Fields
Coriolan, ouverture en ut mineur op. 62, Beethoven
Murray Perahia, piano, direction
Concerto pour piano nº3 et ut mineur op 37 (Beethoven)
Symphonie nº103 en mi bémol majeur Roulement de timbales
(Haydn)
Quel orchestre !!! J'aime ces ensembles formés de musiciens qui manifestement s'écoutent les uns les autres, comme Les Dissonances ou le Chamber Orchestra of Europe. Pendant les premières secondes de l'ouverture Coriolan, jouée sans chef, j'ai eu un choc semblable à l'audition de l'ouverture Egmont par le COE ! Superbe concerto nº3 de Beethoven avec le pianiste Murray Perahia dont j'apprécie dans le troisième mouvement les sauts de kangourous sur le clavier (©Saint-Saëns) et la façon dont l'orchestre les imite. Le meilleur moment était peut-être le deuxième mouvement, intensément lent, qui permet d'entendre des vents assez orgiaques (aah, ce basson !!).
La symphonie de Haydn commençait dans le style de Beethoven, mais assez
vite, le doute n'était plus possible, c'était bien du Haydn
:-)
2012-11-25 12:19+0100 (Orsay) — Culture — Musique — Danse — Danses indiennes — Culture indienne
Auditorium du Musée Guimet — 2012-11-23
Lavanya Ananth, bharatanatyam
Murali Parthasarathy, chant
M. S. Sukhi, mridangam
Kalaiarasan Ramanathan, violon
Parthasarathy Kalyamurthy, nattuvangam
Nrithya Samarchitha
Mon premier grand choc lié à la danse indienne remonte à il y a deux ans et demi : je voyais à Chennai un récital de Srithika Kasturi Rangam dans lequel la pièce principale était avant tout narrative. Le bharatanatyam pouvait raconter une histoire que je pouvais comprendre. Les mouvements et expressions n'étaient pas seulement des mouvements gracieux ou rythmiques dont le sens resterait caché. Au contraire, je pouvais véritablement ressentir ce que la danseuse exprimait. Bref, c'est au cours de ce récital que je dois pouvoir prétendre être devenu un rasika. Si les pièces que je considère comme étant véritablement narratives sont assez rares, j'ai appris entretemps à me satisfaire de pièces qui soient au moins évocatrices : dédiées à une divinité, elles en illustrent certains aspects en mettant éventuellement en scène une jeune femme amoureuse de cette divinité.
Il me fallut attendre plus d'une année pour éprouver des sentiments aussi élevés à l'égard d'une danseuse, cette fois-ci sur le sol français, au Centre Mandapa. Il s'agissait de Lavanya Ananth. Suivront Mallika Thalak, Nancy Boissel. Pour ce qui est du Musée Guimet, mes goûts n'avaient pas été satisfaits par les premiers récitals que j'y avais vus, mais l'année dernière, j'y ai été ébloui par Meenakshi Srinivasan.
Quand j'ai vu que Lavanya Ananth était programmée au Musée Guimet, je n'ai pas hésité une seule seconde, j'ai réservé une place pour chacune des deux dates. Arrivé vendredi et samedi soir avec une certaine avance, j'ai pu m'installer tranquillement au premier rang de l'auditorium. Les quatre musiciens se sont installés, tous vêtus d'une tenue typique du Sud de l'Inde : un dhoti blanc. Ils ont joué une petite introduction musicale avant que la danseuse entre en scène. Le son de tampura est semble-t-il émis par une tablette tactile actionnée par le chanteur, qui joue à un jeu de questions et réponses avec le violoniste.
La première pièce du récital, intitulée Netanjali (?), commence par de la danse pure qui fait immédiatement ressentir l'extrême musicalité de la danseuse ! Contrairement à l'usage, cette première pièce n'est apparemment pas une offrande de fleurs, mais les mouvements des mains évoquent toutefois assez souvent les fleurs de lotus. À cette danse essentiellement rythmique s'enchaîne une évocation de Shiva comme la danseuse l'avait préalablement annoncé au micro, dans un français gracieusement raffiné. La pièce semble mettre en scène une dévote de Shiva dont quelques particularités sont soulignées dans la chorégraphie. On peut reconnaître son bras gauche en forme de trompe d'éléphant associé au geste protecteur de la main droite. On voit aussi son chignon tressé, le feu que peut déclencher son troisième œil, les cendres que l'on se met sur le front. Quelques mouvements en rythme d'un des pieds me font penser que Shiva est en train de piétiner le démon de l'ignorance.
Entre les pièces s'insèrent des solos du violoniste, parfois accompagné du percussionniste. Kalaiarasan Ramanathan est sans doute aucun le meilleur violoniste de musique carnatique que j'aie vu ! C'est en tout cas le premier que je voie faire des doubles-cordes ! Que ce soit dans ses solos ou dans le reste du programme, ce musicien m'a beaucoup impressionné.
La pièce principale du récital est un Varnam. Je ne saurais dire si c'était le même que lorsque j'avais vu Lavanya Ananth au Centre Mandapa. En tout cas, le thème est le même. L'héroïne se livre à sa confidente. Elle demande que cette amie aille dire à Shiva-Nataraja de la rejoindre. Ce n'est pas une pièce que je qualifierais de narrative (après un deuxième visionnage, ayant perçu davantage d'éléments narratifs, je suis un peu moins de cet avis). L'accent n'est pas particulièrement mis sur les sentiments de l'héroïne (Bhakti-sringara, l'amour dévotionnel). J'ai en effet compris la scène la plus intense de ce Varnam comme une réminiscence de la légende entourant les amours de Shiva et Parvati (aussi appelée Durga ou Shakti). On voit ainsi la déesse dans une posture ascétique destinée à lui procurer un époux, ce qui sera rendu possible par l'action conjointe du Printemps et du dieu de l'Amour. Le printemps est évoqué par les amours des animaux et le butinage de fleurs par des abeilles (à moins qu'il ne s'agisse de papillons) ; ceci me rappelle un passage du récital de danse odissi d'Arushi Mudgal. J'ai également été sidéré par l'évocation d'un étang de lotus qui éclosent sous l'effet de la lumière (de la Lune ? ou du Soleil ?) et qui se dirigent vers l'astre par tropisme. L'autre point culminal émotionnel de cette pièce et de ce récital réside dans l'apparition du dieu de l'amour, l'archer qui décoche ses flèches dans toutes les directions, installant le sentiment amoureux dans le cœur de diverses créatures (la musique, en particulier l'accompagnement rythmique du mridangam atteint aussi des sommets à ce moment-là ; la composition est due à ce percussionniste, qui a composé plusieurs des autres musiques du programme). Plus loin, il me semble reconnaître la déesse fluviale Ganga descendant sur les cheveux de Shiva, une impression confirmée par le texte chanté qui mentionne cette descente de Ganga. Que j'aime cette évocation joyeuse de Shiva ! La pìece se termine magnifiquement sur une apparition de Shiva dans sa forme Nataraja battant le rythme cosmique. (Le samedi, je n'ai pas retrouvé cette fin, peut-être que je confonds avec une des autres pièces au programme.)
La danseuse devant changer de costume, l'intermède musical suivant est prolongé. Il ne permet pas vraiment de se remettre de ses émotions puisque c'est encore ce cher violoniste qui officie... (Le samedi, le violoniste et le percussionniste se sont livrés à un fort délectable jeu de questions et réponses sur un rythme à quatre temps.)
La pièce suivante Devarnama est espiègle. Elle évoque les
amours de Krishna avec les bergères (le texte en kannada est dû à Purandara Dasa). Il
aime le beurre, et aussi la bergère qui le baratte, puisque, nous dit et
nous montre la danseuse, il veut la toucher en des endroits... très
déplacés !
. Il en enlace une autre au bord de la rivière, etc. Ce
Krishna est-il un enfant, un jeune homme ou bien le dieu Vishnu ?
Dans la pièce suivante Javali, il est encore question de l'amour pour Vishnu, cette fois-ci sous le nom de Venkateshwara, la forme qui réside sur la colline voisine de Tirupati. Le texte télougou commençant par Shikavane Ivanu est de Padma Subhramaniam Iyer. Le chanteur, excellent, se met me semble-t-il particulièrement en valeur avec ce chant. Il m'inspire une très grande sympathie : toujours souriant, il semble aussi fasciné que moi par la danseuse. Dans cette pièce, une jeune femme a été séduite par un jeune homme. Elle se dispute avec ses amies à ce propos. Elle cèderait volontiers à ses charmes. En effet, peut-être s'agit-il de Venkateshwara ? Le dieu de l'Amour (ici appelé Manmadha) ayant décoché ses flèches, son cœur bat très fort, insupportablement fort. Elle est brûlante. Devant ses amies, elle feint, mais au moment de sortir de scène, elle fait discrètement signe au jeune homme de la rejoindre...
La pièce suivante évoque Surya, le dieu du Soleil. Je pense que ce n'est
que la deuxième fois que je vois ce dieu évoqué dans la danse
bharatanatyam. La première fois, c'était par Urmila
Sathyanarayanan au Musée Guimet il y a un an et demi. Le Raga, tout
comme le Tala, est Malika
, bref une guirlande de ragas (modes) et
de talas (rythmes). Les différentes périodes la journée sont associées au
trois dieux de la trinité hindoue, Brahma pour le matin, Vishnu pour la
journée et Shiva pour le soir. Parmi les images que je retiens, celle du
char céleste de Surya tiré par sept chevaux blancs et surtout la superbe
scène finale dans laquelle la nuit couvre Shiva ascète. Il convient de
souligner la qualité de l'attention du public de vendredi qui s'est gardé
d'applaudir à des endroits inappropriés. Il aurait ainsi été tentant
d'applaudir juste avant cette courte scène finale, mais on pouvait
comprendre que la pièce n'était pas finie puisque Shiva n'avait pas encore
fait son apparition pour donner tout son sens à cette journée de Surya...
(Le samedi, le public était apparemment plus connaisseur puisque les
passages rythmiques (jatis) étaient salués par des
applaudissements, comme je l'ai vu faire en Inde, mais en applaudissant à
ce moment-là, ce public a un peu gâché cette fin... C'est comme applaudir
pendant les pianissimi à la toute fin de La
Walkyrie...)
Ce récital de plus de deux heures s'est conclu par un Tillana donné en bis. C'est la première fois que je vois cette danseuse dans ce type de pièce, qui termine traditionnellement les récitals de bharatanatyam. Pourtant, j'ai le sentiment d'avoir déjà entendu cette musique (le répertoire des Tillana semble assez restreint). Il s'agit principalement de danse pure, mais quelques images évoquent Krishna, mais aussi Kama.
J'espère que j'aurai encore beaucoup d'occasions de revoir cette danseuse qui n'a cessé de se métamorphoser sur scène, passant d'un personnage à un autre. Même quand elle montrait quelques mouvements pour présenter chaque pièce, son visage passait subitement d'une expression à une autre. Cela relève du prodige. Même à quelques mètres de distance, le mystère reste pour moi entier.
2012-11-17 00:33+0100 (Orsay) — Culture — Musique
Salle Pleyel — 2012-11-16
Keren Ann, chant, guitare, orchestrations & arrangements de cordes
Nicolas Fiszman, basse
Christophe Deschamps, batterie
Philippe Almosnino, guitare
Marc Chouarain, piano, claviers, thérémime
Doriane Gable, violon
Akemi Fillon, violon
Lise Orivel, alto
Miwa Rosso, violoncelle
Cordes de l'Orchestre Lamoureux
Didier Benetti, direction musicale
Maxime Moston, arrangements de cordes
Avner Kelmer, arrangements de cordes
Thorvaldur Bjarni Thorvaldsson, arrangements de cordes
Your Tailor is a Punk, scénographe
J'assistais ce vendredi pour la troisième fois à un concert de Keren Ann. Je l'avais déjà vue à l'Olympia en 2005 et à Pleyel en 2009. En 2005, elle était accompagnée de musiciens comme dans un concert de pop-rock ; en 2009, le concert était résolument dans une configuration symphonique. Dans le concert auquel je viens d'assister, les deux types d'effectifs étaient présents simultanément sur scène, mais la vingtaine d'instruments à cordes frottées (issus de l'Orchestre Lamoureux, à l'exception des quatre solistes apparaissant dans la distribution ci-dessus) étaient manifestement la cinquième roue du carosse. Ils ont été malheureusement inutiles : on ne les a pour ainsi dire pas entendus, puisqu'ils étaient couverts par le son des autres musiciens. Visuellement, leurs parties n'avaient pas l'air très intéressantes. Des gros ploums, des gros trémolos, des gros pizz.. Cela a beau être gros, s'ils tombent en rythme en même temps que les PAF de la batterie, c'est comme s'ils n'étaient pas là... Au prix d'un énorme effort de concentration, j'ai quand même réussi à entendre les pizz. les moins discrets. Pour le reste, du fait de la sonorisation, les notes tenues par l'ensemble des musiciens semblaient être comme un gloubi-boulga étouffé qui ne pouvait lutter avec les décibels produits par la basse, le piano ou le synthé, etc. En durée cumulée, j'ai dû entendre ce que faisait l'orchestre de cordes pendant peut-être une minute tout au plus sur toute la durée du concert. Le pire, c'est que les lumières ne permettaient même pas de voir les musiciens, ce qui, s'agissant du premier violon, est vraiment dommage...
Les lumières de ce spectacle étaient complètement ratées. Elles étaient dirigées vers le public. Cela faisait mal aux yeux. C'est comme regarder une ampoule fixement, on a intérêt à détourner les yeux... Les musiciens étaient dans la pénombre. On pouvait tout juste apercevoir la chanteuse.
Il s'en est fallu de peu que je sorte de la salle de concert quelques minutes après le début. Pendant les quatre premières chansons, le son était BEAUCOUP TROP FORT. On n'entendait que la chanteuse, la batterie, la basse, la guitare et le piano/synthé/thérémime. Même en jouant comme des brutes, les musiciens de l'orchestre Lamoureux ne pouvaient pas se faire entendre. Il faudrait enfermer l'ingénieur du son responsable de ce massacre. Cela s'est heureusement un peu calmé avec la cinquième chanson By the Cathedral, mais il y a eu des rechutes : ma voisine n'arrêtait pas de se boucher les oreilles...
Sur la petite vingtaine de chansons interprétées dans ce concert, la plupart venait des derniers albums. Je trouve dommage qu'il n'y ait eu qu'une chanson et demie en français (à peu près) : Que n'ai-je ? et Sous le sable (qui était mélangée à End of May qui utilise la même musique). Cela fait certes plaisir d'entendre My Name is Trouble ou Sugar Mama, tirés du dernier album, mais j'aurais aimé pouvoir me reposer un peu les oreilles avec quelques chansons des deux premiers albums en français, du temps où elle chuchotait dans le micro...
Globalement, ce concert est une de mes pires expériences d'auditeur et de spectateur. Quel était l'intérêt de faire jouer des violonistes, des altistes, des violoncellistes, un contrebassiste, si on n'entend pas leur partie de l'arrangement, par ailleurs sans intérêt ? Je doute que la standing ovation des spectateurs du parterre incite l'équipe responsable de ce ratage à réfléchir...
Ailleurs : Matoo.
2012-11-13 00:12+0100 (Orsay) — Culture — Musique
Je n'aimais pas Schumann. En remontant dans mes archives, je vois
que j'ai entendu deux fort valeureux amateurs en jouer au piano en 2003,
peu de temps après que je commence à aller à des concerts. Puis, plus rien
jusqu'en 2010. Entretemps, j'ai lu Quatuor
de Vikram Seth. Schumann est devenu pour moi le mauvais Schu-
, comme
il est appelé dans ce roman.
Vu le nombre de concerts auxquels j'assiste, je ne pouvais pas non plus éviter complètement ce compositeur, les programmes pouvant associer une de ses œuvres à des œuvres de compositeurs qui m'intéressaient davantage. Ces concerts sont pour ainsi dire passés aux oubliettes de ma mémoire. Je n'ai pas tout détesté, quelques bons moments se sont même glissés dans mon écoute de quelques œuvres, mais même en l'absence de rejet frontal, mes sentiments ont presque toujours relevé au minimum d'une certaine indifférence. Sans m'enthousiasmer excessivement, j'avais cependant bien aimé le concerto pour piano joué par Dang Thai Son avec l'Orchestre de Paris. J'avais ensuite détesté ce concerto quand Hélène Grimaud l'avait joué avec le LSO dirigé par Gergiev.
En mars, alors que les membres de la Cihohi
Appreciation Society apprenaient que le COE feraient une intégrale
Schumann à l'automne, non sans quelque désarroi, quoi ! du
Schumann ?
, un jeune chef d'orchestre présent à quelque dîner
post-concert confia en substance que les œuvres de Schumann étaient
magnifiquement orchestrées, mais qu'elles étaient
super-dures-à-bien-jouer. Admettons, on irait écouter le
Chamber Orchestra of Europe dirigé par Yannick Nézet-Séguin et si eux
n'arrivaient pas à nous faire aimer Schumann, on ne nous y reprendrait
plus...
L'automne est arrivé, entretemps les musiciens du COE ont réussi à me faire aimer la Symphonie nº9 La Grande de Schubert. Allaient-ils relever le défi de faire de même avec Schumann ? Pour augmenter la difficulté, leur temps était limité à peu moins de deux heures, les circonstances ayant fait que je ne pouvais assister qu'à un seul des trois concerts du week-end. Pour le premier épisode de 2h de Schumann chrono, ils bénéficiaient du renfort du pianiste Nicholas Angelich (dont certains concertivores se souviennent de l'interprétation du concerto pour piano nº5 L'Empereur de Beethoven). Pour le deuxième épisode intervenant après l'entr'acte, ils ne pouvaient plus compter que sur leurs propres ressources.
⁂
Cité de la musique — 2012-11-04
Yannick Nézet-Séguin, direction
Chamber Orchestra of Europe
Ouverture de Genoveva (Schumann)
Nicholas Angelich, piano
Concerto pour piano en la mineur, op. 54 (Schumann)
Träumerei, extrait des Kinderszenen (Schumann)
Symphonie nº2 (Schumann)
Alors, alors, le COE, Nicholas Angelich et Yannick Nézet-Séguin ont-ils réussi à me faire apprécier Schumann le temps d'un concert ?
Oui ! Mille fois, oui !
L'ouverture de Genoveva est une bonne mise en jambe pour la suite du concert. Le style me fait un peu penser à Weber. L'atmosphère est assez tourmentée, mélancolique comme lorsqu'un motif descendant initié par la clarinette de Romain Guyot se déploie dans le reste de l'orchestre. Et puis, le hautbois de François Leleux entame un tidadada..tidadada.. joyeux et champêtre qui apporte quelques instants de joie avant que les tourments reprennent et que l'hydravion qu'il convient de faire amerrir entame sa descente finale.
Vient ensuite le concerto pour piano. L'œuvre contient quelques passages assez intériorisés, presque douloureux, mais l'ensemble est vivifiant et parfois quasi-jubilatoire. Je ne doutais pas que j'apprécierais l'interprétation de Nicholas Angelich. Nonobstant, dans le premier mouvement, j'ai l'impression qu'il n'y a non pas un soliste, mais trois. Non pas que Romain Guyot et François Leleux volent la vedette au pianiste, mais ils jouent ensemble, tout simplement. Le deuxième mouvement est une majestueuse friandise. L'équilibre entre le pianiste et les cordes, en particulier les violoncelles, est merveilleux. Le troisième mouvement s'enchaîne au second. Le piano s'y fait plus brillant, étincelant. À un moment, on entend aussi une sorte de mini-fugue dans l'orchestre, ce qui n'est évidemment pas pour me déplaire...
En bis, le pianiste joue magnifiquement Träumerei, extrait des Kinderszenen. Très récemment, un autre pianiste gâchait ma soirée en jouant un gros truc percussif juste après un concerto qui se finissait dans l'apaisement le plus total. Ici, c'est tout le contraire : j'aime entendre ce genre de bis où la musicalité prime sur la virtuosité.
Après l'entr'acte, l'orchestre a joué la deuxième symphonie de Schumann. Certes, il y a eu quelque couac chez les cuivres au début du premier mouvement. Pour le reste, cela a été un émerveillement total. Quelle clarté dans le son ! L'acoustique de la salle des concerts de la Cité de la musique est sans doute plus favorable à cet égard que l'aimable boîte à chaussures qu'est la Salle Pleyel. Après deux premiers mouvements sautillants (filmant à 25 images par secondes les caméras ont-elles capté tous les mouvements de Yannick Nézet-Séguin ?!), dans le mouvement lent, le compositeur fait s'envoler l'auditeur dans les nuées, à moins qu'il ne s'agisse d'une plongée dans les fonds marins. Oh la la, les trilles des cordes tandis que les instruments à vents entonnent une voluptueuse mélodie (aïe aïe aïe le Leleux-alertomètre a explosé), juste avant qu'une que les cordes jouent un petit passage fugué auquel les vents vont se joindre. Dans le dernier mouvement, l'orchestre fait preuve d'une vigoureuse fougue. Parfois, les voix orchestrales situées au premier plan semblent jouer des phrases dont les notes s'enchaînent à un rythme moins vif, mais en arrière-plan, les seconds violons et les altos s'activent à une vitesse folle pour maintenir la tension avec d'ardents tidoudoutoudoudi à moins que ce ne soient des toudoudoutoudoudi ou des tatatatā.tatatatā., je n'en sais rien : ils vont tellement vite...
Bref, globalement, ce fut pour moi un Schumann assez inouï que celui que j'ai entendu lors de ce concert...
Tout comme les deux concerts précédents de cette intégrale Schumann auxquels je n'ai pas pu assister, ce concert peut être réécouté sur Cité de la musique live.
2012-10-28 00:35+0200 (Orsay) — Culture — Musique — Danse — Culture indienne — Planning
Mon mois de novembre 2011 avait été très chargé en spectacles (23). Du fait de l'ajout tardif de quelques récitals de danse indienne, mon programme pour novembre 2012 sera aussi chargé, mais dans de moindres proportions :
mauvais Schu-.
troisième violon solode l'Orchestre de l'Opéra).
Roulement de timbales!
Quelques autres plannings : Carnets sur sol, Klari, Hugo.
2012-10-23 00:36+0200 (Orsay) — Culture — Musique
Salle Pleyel — 2012-10-20
Solistes des Berliner Philharmoniker
Ludwig Quandt, violoncelle
Sunwook Kim, piano
Sonate pour violoncelle et piano nº2 en fa majeur, op. 99 (Brahms)
Guy Braunstein, violon
Olaf Maninger, violoncelle
Sunwook Kim, piano
Trio pour piano et cordes nº1 en si majeur , op. 8 (Brahms)
Guy Braunstein, violon
Christoph Streuli, violon
Julia Deyneka, alto
Ulrich Knoerzer, alto
Olaf Maninger, violoncelle
Ludwig Quandt, violoncelle
Sextuor à cordes nº1 en si bémol majeur, op. 18 (Brahms)
La Salle Pleyel n'est vraiment pas faite pour la musique de chambre. À la rigueur, on pourrait l'utiliser pour ça, mais il ne faudrait alors ouvrir à la réservation que les trois premiers rangs du parterre (au centre de préférence) et quelques autres places bien choisies. J'ai comme l'impression que mon écoute de la première moitié du concert de samedi a été faussée par le fait que j'étais au premier balcon, comme je l'avais déjà été lors de la venue de Berlinois avec Yuja Wang pour un programme Mozart/Schubert en mars 2011. Le son peine à atteidre mes oreilles qui sont de surcroît à proximité du TIC-TAC de la montre de ma voisine. Je suis toutefois assez esbaudi par la performance du violoncelliste Ludwig Quandt dans la sonate pour violoncelle et piano nº2, et de Guy Braunstein dans le trio pour piano et cordes nº1, une œuvre qui me divertit plus qu'elle ne m'émeut.
Et puis, à la faveur d'un replacement à l'entr'acte, un prodige se produit pendant le sextuor, absolument insoutenablement orgiaquement phénoménalement fabeltastich !
Existe-t-il une notion de pizz. Brahms
? Ceux de
l'altiste Julia Deyneka (Berlinoise, mais pas du Philharmoniker,
puisqu'elle est Solo-Bratschistin de la Staatskapelle
Berlin), ses pizz., donc, ont été la goutte d'eau qui ont fait
déborder le vase de mes larmes.
⁂
Salle Pleyel — 2012-10-21
Solistes des Berliner Philharmoniker
Guy Braunstein, violon
Ohad Ben-Ari, piano
Sonate pour violon et piano nº1 en sol majeur, op. 78 (Brahms)
Guy Braunstein, violon
Stefan Dohr, cor
Ohad Ben-Ari, piano
Trio pour violon, cor et piano en mi bémol majeur, op. 40 (Brahms)
Guy Braunstein, violon
Julia Deyneka, alto
Ludwig Quandt, violoncelle
Ohad Ben-Ari, piano
Quatuor pour piano et cordes nº1 en sol mineur, op. 25 (Brahms)
Le lendemain, le concert attirant moins les foules, replacement forcé de l'arrière-scène au parterre, pas en première catégorie comme les ouvreuses me le proposaient, mais en deuxième catégorie, sauf erreur de ma part en BB 114 (le numéro d'une merveilleuse musique de Bartók, pour cordes, percussions et célesta). De là, aucun reniflouï du violoniste Guy Braunstein ne m'échappe, mais même malade, toussotant, ce violoniste est extraordinaire.
La veille, pendant le sextuor, je me délectais du prodige, en toute
naïveté. Par quel miracle permanent les mélodies les plus simples ou même
des notes uniques pouvaient paraître d'une extrême profondeur ? Si des
concerts peuvent véritablement faire prendre conscience de ce que cela
signifie interpréter de la musique
, ces deux concerts en font
assurément partie ! Quelle claque ! Qu'il s'agisse du violoncelliste Ludwig
Quandt la veille ou des autres, et en particulier Guy Braunstein dans la
sonate pour violon et piano nº1, il est évident que chaque mouvement
correspond à une intention plus qu'à un hasard. Même quand l'archet
rebondit sur les cordes, même quand les deux cordes aiguës se prennent de
violents Schlourch, même quand Guy Braunstein cache bizarrement son visage
derrière son coude droit pour attaquer les cordes graves, même quand on
entend un petit sifflement quand la main change de position sur les
cordes.
Guy Braunstein peut être apprécié dans cette courte vidéo dans laquelle on aperçoit aussi, furtivement, un des autres héros de ce concert : le corniste Stefan Dohr (en fait, non, ce n'est pas lui, comme l'a remarqué Klari, cf. commentaires). (Je crois que je vais payer 9.90€ pour écouter le concerto en entier sur le Digital Concert Hall.) J'ai vécu ce trio pour violon, cor et piano comme un dialogue entre le violon et le piano s'insérant dans une atmosphère irréelle créée par le corniste, qui m'a donc touché, mais d'une façon sans doute plus inconsciente, moins directe que ses deux co-interprètes. Que ce pianiste était magnifique aussi...
Le concert se conclut par le quatuor pour piano et cordes nº1, que j'arrive à apprécier malgré un replacement subi vers une place plus excentrée qui m'empêche de voir la superbe robe verte de l'altiste. J'ai tout particulièrement aimé les deux derniers mouvements !
D'ici à la fin de l'année, il reste encore six concerts dans cette série Brahms...
Promis, je ne dirai plus jamais de mal de Brahms. Peut-être ferai-je même pénitence en allant écouter religieusement un Requiem allemand.
2012-10-20 15:15+0200 (Orsay) — Culture — Musique — Danse — Danses indiennes — Culture indienne
Auditorium du Musée Guimet — 2012-10-19
Arushi Mudgal, danse odissi
Sawani Mudgal, chant et nattuvangam
Srinivas Satapati, flûte
Pradipta Kumar Moharana, mardal
Isabelle Anna, voix off
Mangalacharan (chorégraphie de Kelucharan Mohapatra)
Ahlad (chorégraphie d'Arushi Mudgal)
Ashtapati (chorégraphie de Kelucharan Mohapatra)
Shivam Tandaram Stotram (chorégraphie de Kelucharan Mohapatra)
Vasant (chorégraphie de Madhavi Mudgal)
Oriya Champu (chorégraphie de Kelucharan Mohapatra)
Bhairavi Pallavi
J'avais semble-t-il déjà eu l'occasion de voir de la danse odissi avant ce récital d'Arushi Mudgal au Musée Guimet. En 2008, Arushi Mudgal et sa tante-guru Madhavi Mudgal avaient dansé au cours d'un concert de Madhup Mudgal (le père d'Arushi) aux Abbesses. Si je me souviens très bien du chant khyal de Madhup (j'avais même acheté un CD), sans mes archives j'aurais complètement oublié que deux danseuses odissi l'accompagnaient.
Odissi
est le nom d'un style de danse et de musique originaire de
l'état d'Odisha (anciennement appelé Orissa). En dehors du spectacle de la
famille Mudgal sus-mentionné, la première fois que j'en ai entendu parler
devait être lors de ma visite du Temple du Soleil à
Konarak en août 2008. À proximité de l'entrée du temple (dont une bonne
partie s'est écroulée et dont l'intérieur a été comblé pour éviter de
nouveaux dégâts), on peut voir un pavillon de danse, ou plutôt ce qu'il en
reste :
Lors de ma visite, j'avais trouvé curieux que la fonction de ce bâtiment
soit la danse vu qu'il n'y a aucun espace dégagé à l'intérieur. En
revanche, tout autour, les sculptures représentent des danseuses adoptant
des positions très variées, accompagnées de percussionnistes utilisant un
instrument proche du pakhawaj (c'est le terme employé par Isabelle Anna,
voix off du récital d'Arushi Mudgal, tandis que dans sa présentation, le
responsable de la programmation Hubert Laot a utilisé le mot
mardal
).
L'accompagnement musical m'a paru d'une très grande qualité. Le début d'un certain nombre des pièces ressemblait à un Alap. La chanteuse Sawani Mudgal et le flûtiste Srinivas Satapati se passent le relais. La fluidité de leurs majestueux glissandi descendant souvent assez bas dans le grave me fait penser aux musiques du Nord de l'Inde. Quand la danseuse sera entrée en scène après l'apparition du rythme imposé par le percussionniste et la chanteuse (qui joue aussi des cymbales), la musique et la danse pourront alterner des moments expressifs ou narratifs et des passages plus rythmiques, ce qui me rappelle la structure musicale des pièces de bharatanatyam. Les gestes et postures de la danse odissi empruntant aux mêmes sources que le bharatanatyam, je n'ai au début du récital pas l'impression d'observer une danse qui lui soit fondamentalement différente.
La première pièce s'appelle Mangalacharan et est une offrande de fleurs ainsi qu'une invocation de Ganesha, reconnaissable à sa trompe. La deuxième Ahlad (?) chorégraphiée par la danseuse elle-même sur une musique de son père, est très virtuose ! En quelques minutes, la danseuse exécute une sorte de catalogue d'attitudes pour des héroïnes. Le tempo de la musique et les mouvements de la danseuse varient entre deux extrêmes, du très lent au très rapide. Pendant une phase de cette pièce, utilisant les syllabes prévues à cet effet, la chanteuse dicte des rythmes au percussionniste qui les reproduit immédiatement pour accompagner la danseuse dont les mouvements épousent ces rythmes.
Les pièces qui suivront seront plus narratives. Dans Ashtapati (inspiré par le Gita-Govinda de Jayadeva, poète sanskrit originaire d'Odisha), la danseuse évoque Radha qui a attendu Krishna toute la nuit. La chorégraphie évoque les paroles violentes qu'elle lui lance quand il arrive enfin.
La pièce du récital que j'ai préférée a été Shivam Tandaram Stotram. Elle évoque Shiva, au chignon tressé d'où s'écoule Ganga, au regard foudroyant, celui qui joue du tambour Damaru, celui qui porte férocement son trident, etc. Pendant ces développements extrêmements vifs, tout le corps de la danseuse est en mouvement, produisant des combinaisons que je n'avais jamais vues, comme lorsqu'elle fera des tours entiers sur elle-même en sautillant sur un pied tout en maintenant le reste du corps dans une position évoquant Shiva. Tout ceci contribue à une atmosphère tout à fait fantastique. Et puis, soudainement, la chorégraphie n'évoquera plus Shiva mais son épouse Parvati. La danse se fera alors beaucoup plus douce, évoquant par exemple le lotus. Avant la fin de la pièce, Shiva fera un retour fracassant. (Sur la chaîne YouTube d'Arushi Mudgal, on peut la voir danser des extraits d'Ardhanarishwar, une superbe chorégraphie évoquant cette forme androgyne mi-Shiva mi-Parvati. Se métamorphosant sans cesse, la danseuse oscille entre son côté droit (Shiva) et gauche (Parvati).)
La pièce suivante Vasant évoque le printemps sur des extraits du Ṛtusaṃhāra du poète sanskrit Kalidasa, un thème que ce poète évoque aussi dans le Kumarasambhava au moment de la rencontre de Shiva et Parvati, au printemps, quand l'archer Kama décoche ses flèches sur toutes les créatures pour animer leur passion amoureuse. Dans le Kumarasambhavan, Kama-Cupidon se fait réduire en cendres par le troisième œil de Shiva, furieux d'avoir vu son ascèse perturbée. Dans cette chorégraphie, Kama peut décocher ses flèches librement. La musique composée par Madhup Mudgal est magnifique. La flûte peut imiter le son les abeilles butinant les fleurs, tandis que les mains de la danseuse évoquent le vol des oiseaux. Les animaux ne sont bien sûr pas les seuls êtres animés de sentiments amoureux. Le personnage féminin incarné par la danseuse l'est également, et manifestement à la fin de la pièce, la chaleur est insoutenable.
L'avant-dernière pièce du programme s'appelle Oriya Champu. Sans l'introduction de la pièce par la voix off, je pense que je n'aurais strictement rien compris à la narration. La confidente de Radha se moque d'elle. Radha ne mériterait pas Krishna, celui qui a dompté le serpent Kaliya tandis que que Radha a peur des serpents. Krishna fait quelques apparitions en flûtiste.
S'il n'y avait pas eu un bis très virtuose, le récital se serait terminé sur Bhairavi Pallavi, une pièce en hommage à Durga. La forme n'est pas sans me rappeler les Tillana qui concluent les récitals de bharatanatyam. Le rythme y a une grande importance. La danseuse frappe sans ménagement ses pieds contre le sol pour faire tinter ses grelots de cheville. On retrouve également des épisodes de dictées rythmiques entre la chanteuse, le percussionniste et la danseuse. La fin de la pièce est d'une extrême beauté : après avoir exploré toute une palette d'expressions, de mouvements, de vitesses, la danse se termine dans un apaisement absolu, la danseuse prenant une pose de méditation tandis que la chanteuse Sawani Mudgal prononce la syllabe Om.
La seule chose qui m'ait retenu d'adhérer totalement à ce récital est le manque de narration, un des aspects de la danse que je privilégie. Je pourrais sans doute apprécier davantage les parties narratives ou évocatrices de ce type de pièces si je savais un peu mieux reconnaître les différentes postures, mais dans ce récital, les pièces ont dû faire chacune en moyenne un peu plus de dix minutes, ce qui est un peu court pour présenter un développement narratif élaboré.
Ceci étant dit, j'ai rarement eu l'impression de voir une danseuse solo se défoncer autant pendant toute la durée d'un récital, sans pour autant faiblir aucunement dans le bis exécuté à une allure folle. Si les mouvements les plus rapides étaient plus rapides que ceux que j'ai pu voir dans des récitals de bharatanatyam, les mouvements les plus lents étaient aussi plus lents, et au-delà du plaisir immédiat à voir une danseuse virevolter à toute allure, ma plus grande source d'émerveillement est venue au cours de ce récital de cette grâce en suspension.
Ailleurs : les photographies de Tempus fugit, Danse et... danses.
2012-10-14 11:20+0200 (Orsay) — Culture — Musique — Opéra
Salle Pleyel — 2012-10-11
Philippe Aïche, violon solo
Orchestre de Paris
Christoph von Dohnányi, direction
Symphonie nº4 Italienne
(Mendelssohn)
Matthias Goerne, baryton
Elena Zhidkova, mezzo-soprano
András Bálint, récitant
A kékszakállú herceg vára (Bartók)
J'entendais pour la première fois cette symphonie nº4 de Mendelssohn. Dès les premières secondes, il paraît très naturel que celle-ci soit appelée Italienne. J'ai en effet souvent comme l'impression d'être en train d'écouter un opéra italien sans paroles. Le plaisir est pour moi d'autant plus grand qu'au milieu du premier mouvement, il me semble entendre comme une fugue. Dans le suivant, les notes détachées des violoncelles contribuent à me faire m'imaginer dans le deuxième acte de La Flûte enchantée quand deux hommes en armure soumettent Tamino et Pamina aux épreuves du feu et de l'eau (Der, welcher wandert diese Straße voll Beschwerden). Dans le dernier mouvement, les deux musiciens que je voyais le mieux, les altistes David Gaillard et Nicolas Carles, avaient l'air heureux de jouer à fond, tout comme Bernard Cazauran, le contrebassiste dont j'apercevais parfois la tête. Pour la plupart des camarades vus à l'entr'acte, ce n'était pas l'Italienne du siècle ; pour ma part, j'assume parfaitement avoir aimé cette première partie du concert, tout comme j'avais aimé ma première Écossaise avec le Cleveland Orchestra, pourtant bien moins belle que celle du même Orchestre de Paris dirigé alors par Juraj Valčuha que j'entendis quelques mois plus tard.
C'est évidemment plus pour la deuxième partie du concert que la première que je m'étais déplacé. L'émerveillement de Klari à propos d'Elena Zhidkova dans Alexandre Nevski m'avait convaincu d'acheter exceptionnellement une place de première catégorie pour ce concert. Au centre du troisième rang du parterre, je voyais on ne peut mieux les deux solistes de l'opéra en un acte de Bartók A kékszakállú herceg vára (Le Château de Barbe-Bleue). Et puis, d'une telle place, on peut même entendre parfois Matthias Goerne couvrir l'orchestre ! J'en avais déjà fait l'expérience, à la faveur d'un replacement sauvage, lors d'un concert de Lieder orchestrés.
Si mes toutes premières expériences avec Bartók furent assez déplaisantes, depuis le concert de mars dernier du Budapest Festival Orchestra, je vais de merveilles en merveilles : chansons paysannes hongroises pour orchestre, le concerto pour piano nº2, la musique pour cordes, percussion et célesta, Le Prince de bois, le concerto pour orchestre, le quatuor à cordes nº4 et plus récemment le concerto pour violon nº1.
L'opéra de Bartók ne fait pas exception. C'est un délice ! Après une introduction du récitant (András Bálint), Judit (Elena Zhidkova) entre au Château de Kékszakállú (Barbe-Bleue), son époux interprété par Matthias Goerne. Elle se plaint de l'obscurité qui règne au château et en y voyant sept portes fermées, elle demande à Barbe-Bleue de les ouvrir. La lumière pourra peut-être entrer par ces portes ? Quand elle les ouvre, le premier regard que porte Judith sur ce qui lui était caché est souvent très positif. Et puis, elle se rend compte que tout est souillé par le sang, qu'il s'agisse de la chambre de torture, de la salle d'arme, du trésor, du jardin ou du royaume. La musique incarne magnifiquement les sentiments de Judit dans cette métamorphose des images qui s'offrent ainsi à son regard. Par exemple, quel émerveillement ce fut pour mes oreilles d'entendre la montagne d'or ! (Plus émouvant encore que le dévoilement de l'or dans Das Rheingold de Wagner.) Et puis, des dissonances se font entendre, évidemment anxiogènes pour le personnage de Judit, mais tout autant délectables pour l'auditeur ! J'ai beaucoup aimé aussi l'évocation du lac de larmes à l'ouverture de la sixième porte par un glissando de harpes qui est répété au cours de la scène.
Je n'ai pas été déçu par Elena Zhidkova ! Bien qu'il s'agissait d'une
version de concert, son visage n'a cessé d'exprimer les sentiments de son
personnage. Que d'émotions suscitées par sa voix quand elle demande à
Barbe-Bleue d'ouvrir les portes en levant son poing ! N'étant pas
magyarophone, j'ai trouvé plutôt gracieuse son intonation qui me faisait
penser au russe et j'ai même réussi à comprendre un mot dans son hongrois :
Köszönöm !
. Cela me donnerait presque envie d'aller l'écouter dans
le rôle de Vénus à Düsseldorf.
En comparaison, le personnage résigné interprété par Matthias Goerne
paraissait forcément plus bourru. Pourtant, il aura un peu tout essayé pour
dissuader Judit d'ouvrir les sept portes. À sa belle voix est souvent
associé un superbe cor anglais.
Pendant le concert, il m'était difficile de détacher mon regard des chanteurs. La direction du chef allemand d'origine hongroise Christoph von Dohnányi restera un mystère complet pour moi, puisque mon placement ne me donnait à voir que son dos, mais quelques signes indiquaient que le courant devait bien passer avec les musiciens, comme les sourires que lui rendait le premier violon Philippe Aïche après ses solos. J'étais également très bien placé pour voir le premier rang des violoncellistes. Ceux qui travaillent aux Invalides pourront prochainement écouter celui d'entre eux qui, totalement investi dans l'interprétation d'une très longue note, essayait de fermer les yeux tout en les maintenant ouverts afin de regarder le chef.
Ailleurs : Zvezdo, Palpatine, Grignotages, Bruno Serrou, Bladsurb.
2012-10-08 13:04+0200 (Orsay) — Culture — Musique
Salle Pleyel — 2012-10-06
London Symphony Orchestra
Roman Simovic, premier violon
Valery Gergiev, direction
Janine Jansen, violon
Symphonie nº1, Szymanowski
Concerto pour violon et orchestre nº1, Szymanowski
Andante cantabile de la Sonate pour deux violons, Prokofiev
Symphonie nº1, Brahms
Salle Pleyel — 2012-10-07
London Symphony Orchestra
Roman Simovic, premier violon
Valery Gergiev, direction
Ouverture tragique, Brahms
Symphonie nº2, Szymanowski
Symphonie nº2, Brahms
Ma principale raison pour aller à ces concerts du LSO était Szymanowski, un compositeur que j'avais découvert à l'occasion de deux concerts de ce même orchestre sous la direction de Peter Eötvös en mai dernier. J'avais alors tout particulièrement aimé le premier concerto pour violon de Szymanowski, somptueusement orchestré, et moins la prestation de Christian Tetzlaff. Cette fois-ci, la soliste est Janine Jansen, une violoniste que je n'avais pas encore eu l'occasion de voir en concert. Cela a été pour moi un très grand plaisir de la voir interpréter ce concerto. Elle joue sans doute avec autant sinon plus de vibrato que Christian Tetzlaff, mais cela m'a paru moins artificiel. Et quels beaux aigus ! Quelle ardeur dans ses mouvements d'archet ! (Il faudrait lui demander si elle en a déjà cassé...)
(Il est dommage que la conférence musicologique ayant précédé le concert
ait été beaucoup plus biographique que musicale. Il suffit d'être un
auditeur intuitif
un minimum averti pour remarquer que le
compositeur était influencé par Stravinski et Debussy, comme je l'écrivais
d'ailleurs dans mon billet de mai. Bref, j'aurais aimé
que cela aille un peu plus loin.)
En bis, elle a aussi interprété un mouvement de sonate pour deux violons avec le premier violon de l'orchestre, Roman Simovic, lequel a par ailleurs été formidable dans ses nombreux passages solistes dans les deux premières symphonies de Szymanowski.
Concernant ces deux symphonies de Szymanowski, s'agissant des œuvres, j'ai eu une nette préférence pour la deuxième. La première m'a semblée vraiment trop straussienne, même si elle a comporté quelques fort beaux moments, comme lorsque l'orchestre paraissait comme en suspension dans une atmosphère qui devait beaucoup aux cuivres (quel tromboniste !). La deuxième symphonie m'a plu. J'ai apprécié les très variées variations du deuxième mouvement. Ce qui m'a le plus convaincu, à vrai dire, c'est l'aspect mélodique de cette symphonie, et plus encore le fait qu'il n'y en ait pas une mais plusieurs simultanément. Cela se sent déjà dans le premier mouvement. Ainsi, en théorie, je dois adorer cette œuvre, dont la fin du deuxième mouvement comporte une fugue... En pratique, j'ai détesté la façon dont la fugue a été jouée. Vigoroso pas du tout transparenza, ça ne ressemblait plus franchement à une fugue.
Restent les Brahms. Pendant les deux ou trois premiers mouvements de la Symphonie nº1, je me demandais vraiment ce que je faisais dans cette salle de concert. J'avais le sentiment d'entendre une juxtaposition d'effets, de textures faisant appel à différents groupes d'instruments, sans aucune de continuité, sans aucune mélodie. J'en venais à me demander si j'avais passé ces dernières années de concertivore dans une sorte d'illusion : et si la musique symphonique avait toujours été comme ça ? quelle éclatante preuve de mauvais goût de ma part cela eût été ! Non, il faudrait que je m'écoute une petite symphonie de Haydn pour me remettre les idées au clair. L'entrée du majestueux thème du finale de la symphonie a chassé ces réflexions de mon esprit et m'a fait reprendre un peu confiance. Malgré de curieux ralentissements, mon impression à la fin de la symphonie est qu'ils avaient la patate. Globalement, j'avais cependant pris beaucoup plus de plaisir en écoutant le Colonne jouer cette symphonie.
J'ai nettement préféré la Symphonie nº2 jouée le dimanche. Cela m'a semblé beaucoup plus clair, plus mélodique. J'apprécie les sonorités créées par certaines associations de timbres d'instruments différents. Le mouvement que j'ai préféré a été le troisième, grâce au hautbois (et aux autres vents), les deux premiers mouvements n'ayant pas complètement réussi à me maintenir tout à fait éveillé (sans parler de l'Ouverture tragique jouée au début du concert, très oubliable...). Comme à la fin de la première symphonie, un regain de vivacité dans le dernier mouvement a permis de terminer le programme sur une bonne impression. Il me faudra sans doute quelques autres interprétations de cette symphonie pour en trouver une qui me satisfasse complètement (j'en suis pourtant déjà à ma troisième tentative après le ratage de Georges Prêtre et une interprétation beaucoup plus satisfaisante par l'Orchestre de Paris).
Ailleurs : Carnets sur sol.
2012-10-02 23:43+0200 (Orsay) — Culture — Musique
Auditorium de Dijon — 2012-09-30
Leonidas Kavakos, direction musicale et violon
Chamber Orchestra of Europe
Concerto pour violon nº4, KV 218 (Mozart)
Symphonie nº1 en ré majeur op. 25 dite Classique (Prokofiev)
Symphonie nº9 La Grande (Schubert)
L'Opéra de Dijon a un certain talent pour programmer des concerts pour orchestres de chambre fichtrements bien fichus. L'année dernière, j'avais ainsi pu écouter le Britten Sinfonia dirigé par le compositeur-pianiste-chef Thomas Adès. Le public était alors très clairsemé. Pour le concert du COE de ce dimanche après-midi, si l'auditorium n'est pas plein, le public est significativement plus nombreux. On peut toutefois regretter que les spectateurs ne soient pas en moyenne un peu plus jeunes. Mais que font les jeunes dijonnais ? ils ne sont pas au courant pour l'abonnement jeune pour 5 spectacles à 5€ la place ?! Les membres franciliens de la Cihohi Appreciation Society, eux, ont évidemment fait le déplacement ! Il était impensable de rater le premier concert du COE dirigé par le violoniste Leonidas Kavakos.
Le programme commence par le concerto pour violon nº4 de Mozart. Avant qu'ils entrent en scène, on peut entendre les musiciens s'échauffer. Dans ce mille-feuilles sonore venu des coulisses surnagent quelques aigus peut-être kavakossiens. Ainsi, dès les premières secondes du concert, il est évident que je retrouve bien l'orchestre que je n'ai plus entendu depuis plus de six mois. Le soliste Leonidas Kavakos est face à moi à une poignée de mètres de distance. Ce n'est que la deuxième fois que je l'entends en concert, la première fois étant dans le concerto de Tchaikovsky dont j'avais oublié qu'il était associé ce soir-là à la Symphonie de Rott ! Lui aussi arrive à me faire aimer Mozart... J'aime sa façon de jouer certaines phrases dans les nuances les plus douces. Le public paraît alors comme hypnotisé, le souffle coupé, le son se faisant entendre sans qu'aucune toux ne vienne interférer.
Je ne connais Prokofiev que depuis récemment. Entendu la Sonate pour violoncelle et piano en 2003 dans un concert amateur, et puis plus rien jusqu'en 2010 (un Pierre et le Loup) ; ce n'est qu'en 2011, il y a moins d'un an et demi, que j'ai découvert la musique du ballet Roméo et Juliette. D'autres ballets ont suivi (Cendrillon et plus récemment Le fils prodigue). C'est donc tout naturellement à des impressions de ballets que me renvoie la musique de Prokofiev. Je m'étais déjà fait cette réflexion à propos du concerto pour piano nº2, mais il semblerait que Prokofiev écrit pour le ballet comme il écrit pour l'orchestre, à moins que ce ne soit le contraire. Dans le premier mouvement de la Symphonie classique, on peut à plusieurs reprises voir les premiers violons passer leur archet d'une corde à une autre avec une raideur toute mécanique qui ne pouvait que me rappeler la poupée aux yeux d'émail du ballet Coppélia ! Les premiers violons étant à gauche et les seconds, évidemment, à droite, l'excellente acoustique de la salle et mon placement central me permettent d'apprécier le côté stéréophonique de cette œuvre, tandis que d'autres sonorités venant des vents situés à l'arrière se font tout aussi bien entendre. Non seulement j'ai l'impression d'arriver à bien distinguer les différents groupes d'instruments entre eux, mais à l'intérieur des premiers violons, j'ai parfois l'impression de distinguer l'instrument du premier violon, Lorenza Borrani, dont émane une énergie hors normes ! alors même que tous les autres musiciens, absolument tous, ne font pas non plus semblant d'être à fond. Dans les notes les plus violentes du Finale (Molto vivace), c'est très impressionnant.
Après l'entr'acte vient le moment que je redoute : la Symphonie “La Grande” de Schubert. En effet, même avec le Budapest Festival Orchestra, je m'étais passablement ennuyé du fait des nombreuses reprises. Lorenza Borrani a attaché ses cheveux. À ce stade, j'ignore qu'il s'agit peut-être d'une mesure préventive en vue du déchaînement de l'orchestre qui interviendra dans les deux derniers mouvements. En attendant, les instruments à vents sont à l'honneur dans le deuxième mouvement au thème tout mignon. Le hautboïste Kai Frömbgen et le clarinettiste solo Romain Guyot se mettent particulièrement en valeur. Dans les deux derniers mouvements, l'orchestre réalise quelques crescendos tout Cihohiësques. Le chef Leonidas Kavakos dirige en utilisant tout son corps. Je crois deviner qu'il indique le rythme aux premiers violons en faisant des Pom-pom-pom silencieux avec sa bouche. Tantôt il fléchit les genoux, tantôt il grimpe sur la pointe de ses pieds. Parfois, il recule et s'appuie sur la barre de protection de son estrade et dirige d'une seule main avant de remettre les gaz. À la fin, je ne comprends plus comment j'ai pu m'ennuyer lors d'écoutes antérieures de cette œuvre.
Comme la fois précédente, à l'écoute du quatrième mouvement, j'ai été intrigué par la ressemblance entre un effet abondamment utilisé dans ce mouvement et un effet tout semblable qui apparaît quelques mesures après le début de la Polonaise d'Eugène Onéguine de Tchaikovsky. C'est essentiellement rythmique, mais comme il s'agit en plus des mêmes instruments, il m'était impossible de ne pas penser que j'avais déjà entendu cela quelque part. On pourra comparer les deux sur les partitions et sur Youtube en suivant les liens ci-dessous :
2012-10-01 22:42+0200 (Orsay) — Culture — Musique — Danse — Cinéma — Culture indienne — Planning
À la demande de Carnets sur sol, je sacrifie au rituel du planning de spectacles, comme chez Bladsurb et Klari.
Pour prendre un peu d'avance sur le mois de novembre, je revends un billet pour un concert auquel je ne pourrai pas aller : le Chamber Orchestra of Europe dirigé par Yannick Nézet-Séguin avec Renaud Capuçon en soliste le 3 novembre à la Cité de la Musique. Au tarif plein, le billet serait à 41€, je l'ai eu à 28.70€ en abonnement et je le revends à 20€.
PS: Hugo vient aussi de publier son planning !
2012-09-29 12:13+0200 (Orsay) — Culture — Musique — Danse
Opéra Garnier — 2012-09-24
Fayçal Karoui, direction musicale
Orchestre de l'Opéra national de Paris
Ballet de l'Opéra
Hector Berlioz, musique (Marche, extrait de l'opéra Les Troyens)
Les étoiles, les premiers danseurs, le corps du ballet et les élèves de l'école de danse
Défilé du ballet
Piotr Ilyitch Tchaikovsky, musique (Sérénade en ut majeur pour orchestre à cordes, op. 48 (1880))
George Balanchine, chorégraphie (1934) réglée par Paul Boos
Costumes d'après Karinska
Lumières réalisées par Perry Silvey
Ludmila Pagliero
Laëtitia Pujol, Eleonora Abbagnato
Hervé Moreau
Pierre-Arthur Raveau
Sérénade
Igor Stravinsky, musique originale
George Balanchine, chorégraphie (1957) réglée par Paul Boos
Lumières réalisées par Perry Silvey
Mathieu Ganio, Nolwenn Daniel, Muriel Zusperreguy, Premier pas de trois
Myriam Ould-Braham, Alessio Carbone, Christophe Duquenne, Deuxième pas de trois
Aurélie Dupont, Nicolas Le Riche, Pas de deux
Marie-Solène Boulet, Héloïse Bourdon, Laura Hecquet, Fanny Gorse
Agon
Serguei Prokofiev, musique originale
George Balanchine, chorégraphie (1929) réglée par Paul Boos
Décors et costumes d'après Georges Rouault
Lumières réalisées par Perry Silvey
Pierre-Arthur Raveau, Grégory Gaillard, Les deux Amis
Jérémie Bélingard, Le Fils
Natacha Gilles, Maud Rivière, Ses Sœurs
Vincent Cordier, Le Père
Mickaël Lafon, Hugo Vigliotti, Alexandre Carniato, Jean-Baptiste Chavignier, Cyril Chokroun, Mathieu Contat, Takeru Coste, Pierre Rétif, Alexis Saramite, Les Compagnons
Marie-Agnès Gillot, La Courtisane
Le Fils prodigue
Je ne suis résolument pas un grand fan des chorégraphies de Balanchine... Des trois ballets présentés dans cette soirée de rentrée (que j'ai revue le vendredi 28 dans une distribution semblable), mon préféré a été Sérénade. La musique pour instruments à cordes de Tchaikovsky est plus inoffensive et plus fluide que celles des deux autres ballets, ce qui me permet de me concentrer davantage sur la danse. Le placement utilise des configurations géométriques comme la position initiale des (3×3)×2-1=17 danseuses du corps de ballet formée de deux groupes de trois rangées de trois reliés par un coin commun. Les nouvelles configurations apparaissent je ne saurais dire comment, un effet qui me me rappelle favorablement Émeraudes du même Balanchine, à ceci près que les costumes unis sont ici plutôt bleus que verts. Les différentes danseuses du corps de ballet et surtout les solistes gravitent autour d'Hervé Moreau, qui semblera se transformer brièvement en une sorte d'Orphée quand une autre danseuse lui cache les yeux pour le conduire auprès d'une Ludmila Pagliero évanouie. Si la danse est plus ou moins narrative, le rôle de chacun n'est pas d'une clarté absolue... Ce fut en tout cas un grand plaisir de revoir Eleonora Abbagnato, aux cheveux d'abord sagement attachés puis follement libérés. Ludmila Pagliero m'a aussi paru plus expressive que d'ordinaire. Dans le corps de ballet, je n'arrive pas à détourner mes yeux de Mathilde Froustey !
Si la musique m'a paru superbement jouée tout au long de la soirée, ce qui n'est guère surprenant puisque l'orchestre était dirigé par Fayçal Karoui qui avait déjà merveilleusement dirigé La Bayadère l'année dernière, la musique des deux autres ballets m'a paru plus intéressante que leur chorégraphie. Le dernier ballet de la soirée Le fils prodigue m'a paru d'un ennui total. Les costumes en sont presqu'aussi ridicules que ceux de Phèdre de Lifar qui avait ouvert la saison 2011/2012 (comment ne pas y repenser quand Marie-Agnès Gillot apparaît avec sa cape rouge ?). Pour mon deuxième visionnage, je n'ai eu aucun scrupule à diriger mes jumelles vers la fosse d'orchestre plus souvent que vers la scène. Les vents étaient particulièrement en forme (notamment la clarinette solo !). Prokofiev est décidément un formidable compositeur de musique de ballet.
Entre ces deux ballets s'insérait Agon sur une étonnante
musique de Stravinsky. La musique utilise une large palette d'instruments,
dont certains sont plutôt rares dans l'orchestre, comme la mandoline. Par
moments, j'ai l'impression d'entrendre une sorte de baroque orientalisant.
À d'autres, la musique me paraît résolument atonale. La chorégraphie est
plus heurtée, beaucoup moins fluide que dans Sérénade. Elle met
davantage en valeur les danseurs qui sont presque tous solistes (Myriam
Ould-Braham ! Aurélie Dupont et Nicolas Le Riche !!), mais je ne vois
qu'une succession de courts numéros dont je ne perçois pas la cohérence
d'ensemble. Bref, de la danse pure
sans narration ; cela se laisse
regarder, mais ne me passionne pas. Il n'y a que le pas de deux d'Aurélie
Dupont et Nicolas Le Riche qui parvienne à m'intéresser véritablement.
Le soir du lundi 24 septembre, la représentation était précédée du défilé du ballet. C'est la troisième fois que j'assiste à ce défilé. Je l'ai vécu assez différemment des fois précédentes. Le plaisir fut particulièrement grand de voir Myriam Ould-Braham avec son diadème.
Ailleurs : Danses avec la plume, Blog à petits pas, Cams.
2012-09-28 14:09+0200 (Orsay) — Culture — Musique
La Cité de la musique a eu la très bonne idée d'organiser un cycle Bach/Kurtág. J'avais déjà eu l'occasion d'entendre un peu de Kurtág en 2010 lors de la Biennale de quatuors à cordes et à l'Opéra Garnier dans le cadre du festival d'Automne.
Cité de la musique — 2012-09-20
Ensemble Intercontemporain
Patrick Davin, direction
Anamorphoses, d'après L'art de la fugue : Contrapunctus VI (Johannes Schöllhorn/Bach)
L'Art de la fugue : Contrapunctus I, Canon all'ottava (Bach/Ichiro Nodaïra)
Anamorphoses, d'après L'art de la fugue : Canon in Hypodiapason, Canon per augmentationem in contrario motu 3, Contrapunctus XI (Johannes Schöllhorn/Bach)
L'Art de la fugue : Contrapunctus V (Bach/Ichiro Nodaïra)
Anu Komsi, soprano
Quatre Caprices op. 9, György Kurtág
Quatre Poèmes d'Anna Akhmatova, György Kurtág
L'Art de la fugue : Contrapunctus VI a 4 in stylo francese (Bach/Ichiro Nodaïra)
Anamorphoses, d'après L'art de la fugue : Contrapunctus IX, Contrapunctus X, Contrapunctus I (Johannes Schöllhorn/Bach)
L'Art de la fugue : Fuga a soggetti (fragment) (Bach/Ichiro Nodaïra)
Cela a commencé pour moi jeudi soir avec ce concert de l'ensemble Intercontemporain, que j'entendais pour la première fois dans son cadre naturel : la salle des concerts de la Cité de la musique. Cette année, j'ai en effet décidé d'aller à quelques uns des concerts que l'ensemble va y donner. Ce concert est dédié à la mémoire du compositeur Emmanuel Nunes récemment décédé.
Deux compositeurs contemporains ont revisité l'Art de la fugue. Les transcriptions Ichiro Nodaïra m'ont plu, et tout particulièrement celles dont l'orchestration mettait en valeur les instruments à vents.
Je suis en revanche passé complètement à côté des Anamorphoses de Johannes Schöllhorn qui a découpé la partition en miniscules bouts qu'il a dispersé dans tous les coins de l'orchestre. Les pièces gardent le nom des contrepoints originaux mais n'ont plus grand'chose de contrapuntique, les lignes mélodiques passant d'un instrument à autre en permanence. Le matériau pouvait être aussi être très étiré dans le temps. Je ne sais pas si en accéléré, cela ressemblerait à quelque chose, mais en tout cas, tel quel, le contrepoint nº1 était méconnaissable. Indépendamment de la question de savoir ce qu'était devenu l'Art de la fugue dans cette œuvre, j'ai trouvé globalement assez disgracieux le son de l'orchestre, je me serais presque cru dans une œuvre de Brice Pauset.
Restent les deux ensembles de poèmes mis en musique par Kurtág. Les impressions qu'elles me laissent sont très fugitives, en dehors du fait que la voix d'Anu Komsi semblait idéale pour Quatre caprices (en hongrois), l'œuvre alliant parole et chant.
⁂
Cité de la musique — 2012-09-22
Márta Kurtág, György Kurtág, piano
Adieu, Haydée I
Nun komm, der Heiden Heiland, BWV 599 (Bach)
L'homme n'est qu'une fleur (... Sons entrelacés)
Prélude et choral
Nœuds (Scherzo)
Antienne en fa dièse
Lamentation I
Hommage à Christian Wolff (... comme dans un rêve)
Jeu avec les harmoniques
... une feuille d'esquisse pour Tünde Szitha...
... et encore une fois l'homme n'est qu'une fleur
Coups-Querelle
Esquisse pour “Hölderlin” de János Pilinszky
Sonatine de la Cantage Gottes Zeit ist die allerbeste Zeit (Actus tragicus), BWV 106 (Bach)
Cloches — Hommage à Stravinski
Choral furieux
Hoquetus
Avec les paumes
Campanule
Chardon
Le Lapin têtu
Merran's dream (Caliban detecting-rebuilding Mirranda's dream)
Hommage à Domenico Scarlatti
Aus der Ferne
Duo nº3 en sol majeur, BWV 804 (Bach)
Das alte Jahr vergangen ist, BWV 614 (Bach)
Alle Menschen müssen sterben, BWV 643 (Bach)
Trio-sonate nº1 en mi bémol majeur, BWV 525 (Bach)
Lamentation 1/a
Lamentation 2 (In memoriam Ligeti Ilona)
Galipette (roulé-boulé)
Hommage à K. M.
O Lamm Gottes unschuldig, BWV 618 (Bach)
Évocation de Petrouchka
Amour, amour, souffrance amère
Hommage à Soproni — In memorium matris carissime
Hommage à Halmágyi
Bribes de mémoire d'une mélodie de collindă
Le grand moment du week-end, c'était ce concert de Márta et György Kurtág dont le programme détaillé n'a été fourni qu'à l'issue du concert. Le concert ayant duré à peine plus d'une heure et demie (trois bis et deux standing ovations comprises), on comprendra à la lecture de la liste des œuvres que celles-ci étaient en général très courtes. Beaucoup de pièces sont des jeux (Játékok en hongrois) pour deux ou quatre mains composés par György Kurtág. Ils sont interprétés par l'un ou l'autre des Kurtág ou par les deux. Parmi ces derniers, quelques jeux de questions et réponses, éventuellement en forme de défi, jouant autour de deux ou trois notes et naviguant dans une large gamme de nuances. Cette musique est parfois extrêmement drôle ! Le programme inclut également des transcriptions d'œuvres de Bach. Je les ai toutes aimées, pas seulement un peu, ni même beaucoup, mais carrément à la folie, s'agissant de la Sonatina de la cantate “Actus Tragicus” BWV 106, qui a d'ailleurs été jouée en bis après un numéro comique de mime de Márta alors qu'elle et György fouinaient chacun dans sa pile de partitions.
Le concert peut être visionné sur Cité de la musique live. Ma trombine apparaissait furtivement à la fin de cette vidéo avant qu'elle ne soit montée. La densité de pixels ne permettait pas de distinguer le rare état de contentement dans lequel ce concert m'avait transporté.
⁂
Le dimanche avait lieu une master class de György Kurtág. L'amphithéâtre de la Cité de la musique était plutôt bien rempli. Aussi bien le matin que l'après-midi j'ai néanmoins pu me placer au premier rang en compagnie de Musica Sola, sans l'enthousiasme duquel à propos de Kurtág pédagogue je ne me serais sans doute pas levé aux aurores un dimanche matin. Il y a en effet eu deux sessions de trois heures chacune (sans pause !) consacrées à des quatuors à cordes. Les deux sessions ont été très différentes !
Amphithéâtre de la Cité de la musique — 2012-09-23
György Kurtág, master class
Quatuor Psophos
Éric Lacrouts, Bleuenn Le Maitre, violons
Cécile Grassi, alto
Guillaume Martigné, violoncelle
Quatuor à cordes nº7 en fa majeur op. 59 nº1, Beethoven
Le quatuor Psophos
étant français, la master class s'est
déroulée en français. György Kurtág cherchait parfois ses mots et a dû
délicieusement demander une fois à un des musiciens de mettre plus ou moins
de cheveu
en utilisant son archet, mais globalement il a bien réussi
à se faire comprendre.
Les musiciens ont joué le début de chacun des quatre mouvements du
quatuor nº7 de Beethoven. Kurtág leur a ensuite fait travailler différents
passages. Le sens de la précision de Kurtág est assez impressionnant. Il a
par exemple fait travailler pendant peut-être une dizaine de minutes le
second violon sur une seule note ! Il utilise très souvent le piano pour
montrer des différences entre ce qu'il entend et ce qu'il voudrait
entendre. Sa facilité à faire entendre des détails aussi subtils est
ahurissante. Très souvent, il utilise sa voix pour montrer le phrasé et les
variations de nuances qu'il aimerait que les musiciens jouent. Je suis sûr
que s'il faisait du dhrupad pendant son temps libre, Kurtág y
excellerait... Sa façon d'enseigner me rappelle en effet celle de Marianne Svašek lors d'un stage en février. Au lieu de Re-ne-ne
ou de
Ri-num
, il fait des yopopom
et titiyapapa
. Attention,
pas n'importe quel titiyapapa ! Il semble attacher une extrême
importance au discours musical. Il n'hésite pas à comparer le contexte dans
lequel un des musiciens va faire son entrée à des situations de la vie
courante. Il peut ainsi dire à l'un d'entre eux : vous allez dire
quelque chose de vraiment important
. Il compare également ce quatuor à
la Symphonie Pastorale (et à l'ouverture Léonore III) et
tente parfois de replacer une phrase à jouer dans le contexte de la
symphonie : on est après l'orage, et les paysans se mettent à chanter.
(Bon, il a aussi comparé les sonorités de quelqu'instrument à cordes à
celles d'une chèvre ou d'un tracteur...)
Parmi les choses travaillées avec le quatuor du matin : le phrasé. J'ai beaucoup aimé sa façon d'expliquer la gamme de possibilités entre le legato et le staccato. Même dans une suite de notes liées, bien faire entendre chaque note avant de passer à la suivante ! Pour obtenir ses fins, il faisait travailler les musiciens parfois individuellement, parfois par deux ou trois, ou tous ensemble. S'il a rarement complimenté les musiciens (ce que faisait néanmoins Márta lors de ses peu nombreuses interventions), une certaine jubilation se faisait sentir quand il arrivait à obtenir ce qu'il voulait.
Parmi les citations plus ou moins mystérieuses, je retiens C'est pas
du solfège !
, Cette mélodie ne laisse pas pénétrer le silence.
,
À l'intérieur, vous n'êtes pas assez rythmique.
(Márta). Le pompon
revient aux pianissimi quasi forte cantabile
‽
À la fin des trois heures de master class, les musiciens
français étaient pour ainsi dire devenus un petit peu hongrois !
:-)
⁂
Amphithéâtre de la Cité de la musique — 2012-09-23
György Kurtág, master class
Quartetto di Cremona
Cristiano Gualco, Paolo Andreoli, violons
Simone Gramaglia, alto
Giovanni Scaglione, violoncelle
Quatuor à cordes nº4 Sz. 91, Bartók
L'après-midi, c'est au tour du Quartetto di Cremona. Au
programme, Bartók et Beethoven. Il fallait s'y attendre : le temps étant
limité, il n'y aura en fait que du Bartók. Si mes toutes premières
rencontres avec la musique de Bartók ne m'avaient à l'époque
guère convaincu et que d'autres concerts me l'ont fait apprécier bien davantage, l'audition
du quatuor nº4 fait entrer définitivement Bartók dans ma catégorie
compositeur génial
. Au début de la master class, le quatuor
de Crémone l'a joué en entier (à part une petite interruption dans le
premier mouvement). Ç'aurait été dans le cadre d'un concert, j'aurais été
épaté. D'ailleurs, le public jusque là silencieux a applaudi à la fin du
dernier mouvement.
Pourtant, pour Kurtág, tout ou presque était apparemment à revoir.
Certaines images utilisées par Kurtág étaient aussi parlantes que le
matin, comme lorsqu'il a expliqué comment jouer un crescendo particulier
comme une montée d'intensité à couper le souffle : crescendo
suffocato quasi crescendo asthmatico
(il faut imaginer
Kurtág en train de mimer une crise d'asthme). Cependant, cette deuxième
master class a été beaucoup plus technique que celle du matin. Il
a souvent été question d'harmonie. J'étais assez vite dépassé en
l'entendant parler de la dominante de la dominante
, de tierces ou de
sixtes que l'on n'entendait pas assez, de cluster
majeur/mineur/chromatique
. Enfin, même si je vois à peu près ce que
cela peut vouloir dire, le moins que je puisse dire est que cela ne me
parlait pas beaucoup... Contrairement à la master class du matin
où il était possible de suivre sans connaissances techniques particulières,
on pouvait avoir ici l'impression d'espionner une discussion passionnante
dans une langue inconnue par le trou de la serrure. C'était
particulièrement frappant pendant la longue discussion du début sur les
seules deux premières mesures du quatuor. Kurtág ne se donnait pas en
spectacle (une impression donnée par d'autres musiciens dans certaines
vidéos de master classes). Au contraire, tout son être était sous
l'empire de la musique et seul semblait lui importer de faire bien
travailler les musiciens du quatuor.
Pour ce qui est de la langue, cette master class s'est déroulée
en anglais, mais aussi en français, avec même un peu d'italien et
d'allemand. Le nom des notes était parfois dit à l'anglaise
C-D-E-...
ou à la française do-ré-mi-...
. Les interventions
en hongrois de Márta étaient traduites par György.
Si la master class était difficile à suivre pour moi, pour la raison évoquée plus haut, mais aussi parce que le quatuor de Bartók n'est pas exactement structuré comme un quatuor de facture plus classique... Ne connaissant pas l'œuvre, il m'était difficile de situer les différents fragments qui étaient travaillés.
Toutefois, plusieurs enseignements se sont dégagés sur l'interprétation
de la musique de Bartók. Kurtág a expliqué qu'après la Seconde Guerre
mondiale, les pianistes hongrois jouaient Bartók Allegro Barbaro.
Il a un peu dit à notre cher et valeureux quatuor qu'ils le jouaient comme
ça (ce qu'ils ne niaient pas d'ailleurs ! c'est comme ça qu'on leur avait
appris). Un des points essentiels de Kurtág était de dire qu'il y avait des
centaines de manières de jouer fortissimo et non pas une seule.
Aussi, la musicalité est pour lui more important than to make noise
et the pianissimo should be more intense than the fortissimo.
.
Qu'ils jouent donc vigoroso transparenza
, qu'ils fassent certes des
accents, mais des accents qui n'empêchent pas d'entendre la mélodie.
Les musiciens du quatuor ont paru éberlués par ces révélations. Il y eut un moment de flottement et d'incompréhension et puis à la suggestion de Kurtág, Andras Keller qui assistait à la master class a demandé la permission au premier violon d'utiliser son instrument pour leur montrer ce que Kurtág attendait. Les musiciens ont pour ainsi dire paru changer de religion pendant cette master class. Ils semblaient très reconnaissants à Kurtág de les avoir éclairés, tout en étant conscients du travail à accomplir pour mettre en pratique ces principes à la totalité de ce quatuor (sans parler des autres...).
Ailleurs : Musica Sola.
2012-09-15 22:19+0200 (Orsay) — Culture — Musique
Théâtre des Champs-Élysées — 2012-09-14
Orchestre de chambre de Paris
Sir Roger Norrington, direction
Symphonie nº33 en si bémol majeur, KV 319 (Mozart)
Emanuel Ax, piano
Concerto pour piano nº25 en ut majeur, KV 503 (Mozart)
Variations pour piano seul en fa mineur, Hob.XVII/6 (Haydn)
Symphonie nº36 “Linz”en ut majeur, KV 425 (Mozart)
Une heure avant le début de ce concert eut lieu une petite mais
néanmoins intéressante rencontre avec le chef d'orchestre Sir Roger
Norrington et le pianiste Emanuel Ax qui se sont tous les deux exprimés en
français. Peu de monde dans le public pour cette rencontre, et surtout peu
de jeunes... Tout en rendant hommage à Harnoncourt, le chef de file de ce
mouvement, Roger Norrington a expliqué quelques aspects de ce travail de
retour à des interprétations plus respectueuses du contexte dans lequel les
œuvres de Mozart, Haydn et d'autres avaient été interprétées à l'origine.
Un de ces aspects est l'abandon du vibrato que l'on est habitué à
entendre et qui n'est qu'une mode relativement récente. Il a ainsi expliqué
qu'en écoutant des enregistrements de la première moitié du vingtième
siècle, tout simplement, on pouvait voir cette tendance apparaître, plus ou
moins rapidement dans les différents grands orchestres, les derniers à s'y
être mis étant les Viennois, vers les années 1940. Un autre aspect
important est la question de l'effectif des musiciens. Il a donné moult
exemples d'effectifs utilisés pour les symphonies de Haydn, Mozart,
Beethoven, Brahms... Une configuration assez standard au cours du
dix-neuvième siècle était d'utiliser 8 premiers violons, ce qui sera le cas
au cours du concert. Et puis, il y eut une inflation du nombre
d'instruments à cordes. Si jamais on assistait à un concert avec 16
premiers violons, le double, et qu'il n'y aurait que huit instruments à
vents, il a plaisanté en nous encourageant à crier Maestro ! Où sont les
hautbois ?
, étant entendu que si on double le nombre de cordes, il faut
aussi doubler le nombre de vents (ou souffler deux fois plus fort...). La
discussion a également porté sur l'interprétation proprement dite : par
exemple, quelles nuances utiliser en cas d'absence d'indications
explicites ? Plutôt que de s'en tenir aux traditions d'interprétations du
baroque jusqu'aux années 1950, il convenait de revenir aux sources
d'origine : édition critique de partitions Urtext, utilisation de
livres de pédagogie musicale de l'époque (comme la méthode de violon du
père de Mozart).
Les deux premiers rangs de musiciens forment un fer à cheval au centre duquel s'installent Roger Norrington. Les huit premiers violons sont à sa gauche, les sept seconds à sa droite. Les six altos sont devant lui, à sa droite et les cinq violoncelles à sa gauche. Les autres musiciens sont debout, les deux hautbois à gauche, les deux bassons à droite. Les trois contrebasses sont sur les côtés et les deux cors ont pris place au fond.
Ce qui m'a le plus marqué peut-être dans la première œuvre au programme, la Symphonie nº33 de Mozart, c'est la limpidité des phrasés et plus particulièrement le contraste qui résulte de l'alternance entre des suites de notes détachées et d'autres au contraire très liées. L'absence de vibrato participe sans doute à l'impression de légèreté sans pesanteur que m'inspire le son de l'orchestre. La gestuelle du chef est toute différente de ce que j'ai pu voir par ailleurs. Dans les deux symphonies de Mozart au programme, aucunement embarassé par un pupitre ou une partition, il peut se tourner d'un côté ou de l'un autre pour encourager les premiers ou les seconds violons. Les mouvements des mains et du corps me paraissent assez mystérieux. L'important est que cela fonctionne ! et que tous les musiciens paraissent en confiance. Si l'enthousiasme du premier violon Deborah Nemtanu est constant, concert après concert, j'ai été agréablement surpris par le fait que cet enthousiasme était cette fois-ci manifestement très largement partagé par les autres musiciens de l'orchestre, qui n'hésitent pas à dandiner des épaules ou à se pencher vers l'avant. À cet enthousiasme des musiciens s'est joint celui du public qui a applaudi entre les mouvements. Il s'est malheureusement trouvé quelques ridicules grincheux antiphraseurs pour demander très bruyamment le silence.
Pour le concerto pour piano nº25, le pianiste Emanuel Ax bien sûr, mais aussi une flûtiste, une timbalière et deux trompettistes ont rejoint les autres musiciens. Dans le premier mouvement, on entend un thème dont les huit premières notes rappellent celles de La Marseillaise, qui n'avait pas encore été composée... De tout le concert, le deuxième mouvement, lent, de ce concerto, sera celui qui me procurera le plus de plaisir, la délicatesse et la bonhomie du pianiste se joignant à l'orchestre qui flotte dans une atmosphère éthérée. Dans ce concerto, j'ai également été très impressionné par la flûtiste.
Après l'entr'acte, le pianiste a interprété une œuvre pour piano pour Haydn. C'est comme un rêve agréable dont on ne se souvient plus au réveil. Qu'en dire de plus ?
Le concert s'est conclu par la symphonie nº36 “Linz” de Mozart. Cet aspect était déjà remarquable dans les autres œuvres orchestrales au programme, mais ici j'ai apprécié les jeux de questions et réponses entre les différents groupes d'instruments, en particulier les hautbois et les bassons (qui se faisaient face, debouts, des deux côtés de la scène). La fin très très énergique du Presto faisait plaisir à voir, et à entendre !
Après ce concert, je crois que je ne pourrai plus dire que je déteste Mozart tout en adorant Haydn.
2012-09-02 11:44+0200 (Orsay) — Culture — Musique
Parc floral — 2012-09-01
Les Violoncelles Français
Emmanuelle Bertrand, Eric-Maria Couturier, Emmanuel Gaugué, Xavier Phillips, Roland Pidoux, Raphaël Pidoux, Nadine Pierre, Françaois Salque, violoncelles
Toccata et fugue en ré mineur, BWV 565, Johann Sebastian Bach
Adagietto de la Symphonie nº5 (Mahler)
Introduction ― Brindisi ― Sempre libera de La Traviata (Verdi)
Prélude, Habanera, Seguedile, Entr'acte, Air Tzigane de Carmen (Bizet)
Chœur des tziganes ― Brindisi ― Sempre libera de La Traviata (Verdi)
Le chant des oiseaux (Pablo Casals)
Ce concert n'a pas atteint pour moi le même degré de fantabullisssimitude que le concert Janáček aux Bouffes du Nord. Il n'en demeure pas moins qu'il était assez prodigieux et ce n'est pas uniquement dû au talent de Xavier Phillips qui était aussi de ce concert Janáček. Dans cet octuor de violoncelles, Les Violoncelles Français, on peut dénombrer, excusez du peu, un violoncelliste solo de l'Orchestre de Paris (Emmanuel Gaugué), du Philharmonique de Radio France (Nadine Pierre), le violoncelliste du Trio Wanderer (Raphaël Pidoux), lequel trio a donné le week-end précédent un fort beau concert (chroniquetté par Klari), et cætera, et cætera. J'avais également noté la présence de François Salque (que j'avais beaucoup aimé dans un concert de l'ensemble Les Dissonances).
Les transcriptions pour octuor de violoncelles des différentes œuvres jouées (sauf peut-être la dernière) sont dues à Roland Pidoux, le père de Raphaël Pidoux. En excluant les interprétations amateures impromptues, je n'avais jamais entendu en concert Toccata et fugue en ré mineur (BWV 565) de Bach. Comme dans les autres œuvres jouées, j'apprécie l'étonnante clarté de l'ensemble des voix dans lequel paradoxalement on arriverait presque davantage à s'y retrouver qu'avec un orchestre alors même que les instruments ne se distinguent pas par des timbres différents, puisqu'il n'y a que des violoncelles !
Après l'Adagietto de la Cinquième symphonie de Malher aux
exquis pizz. d'arrière-plan, qui n'a été perturbé, je crois, avant
son apaisée conclusion que par un son d'ambulance venant du lointain ― les
aléas du concert en plein air ― les musiciens ont interprété des extraits
du premier acte de La Traviata. Le titre Introduction
m'avait fait penser que nous entendrions le fameux et lacrymogène
Prélude, j'avais même sorti un mouchoir au cas
où. Et puis, j'ai entendu le décadent ti-toutou tou-titi ti
tatata...
du chœur qui intervient avant la non moins décadente chanson
à boire Libiamo..., un des nombreux tubes de La Traviata.
L'octuor a d'ailleurs enchaîné avec Sempre libera. La courte
intervention soliste qu'a faite François Salque a été époustouflante...
Enfin, avant les bis, le public a pu entendre Roland Pidoux dans le rôle de Carmen ! J'ai beaucoup aimé son interprétation, tout à fait inouïe... L'adorable Entr'acte (entre les actes 1 & 2) a été un agréable intermède avant le dévastataur crescendo de l'Air tzigane Les tringles des sistres tintaient...
Ailleurs : Klari.
2012-08-21 19:10+0530 (मुम्बई) — Culture — Musique — Culture indienne — Voyage en Inde XI
Shanmukhananda Chandrasekarendra Saraswathi Auditorium, Mumbai — 2012-08-18
Padma Shri Dr. Kadri Gopalnath, saxophone
Kumari A. Kanyakumari, violon
B. Harikumar, mridangam
Rajendra Nakod, tabla
B. Rajashek, morsing
Mon train Jalgaon-Mumbai ayant eu du retard, je me suis dépêché d'aller à VT pour monter dans un train en direction de King's Circle, la station à côté de laquelle se trouve la salle de spectacle Shanmukhananda Sabha. Cette salle de 500 places est apparemment dédiée à la musique carnatique. Étonnamment, elle sera pleine pendant le concert. Aux poudres de tikkas décorant les fronts des spectateurs et aux fleurs accrochées aux cheveux des dames, il est aisé de comprendre que la plupart des rasikas venus à ce concert sont originaires du Sud de l'Inde, comme mon voisin Anantharaman, retraité de l'industrie pétrolière offshore dont la famile tamoule était installée au Kerala avant de venir à Bombay il y a soixante ans.
Quand le rideau s'ouvre, un interminable hymne dans le style carnatique se fait entendre. Comme cela sera annoncé ensuite, cet hymne a été écrit tout spécialement pour les soixante ans de la salle de spectacle et est diffusé au début de chaque concert au cours de cette année de jubilé.
Le saxophoniste Kadri Gopalnath est suffisamment renommé pour avoir reçu le titre de Padma Shri. Il est accompagné par la violoniste Kumari A. Kanyakumari qui détiendrait un record du monde : elle a joué du violon continûment pendant 29 heures !
Pendant ce concert de trois heures sans entr'acte, Kadri Gopalnath a
joué une douzaine de morceaux de musique, huit étant très brefs (moins de
cinq minutes) et quatre étant plus développés : Raga Alapana, Pallavi. La
première partie (homologue de l'Alap
) est très courte, pas plus de
cinq minutes. Un thème accompagné par les percussions est joué ensuite et
sert de base à l'improvisation et revient régulièrement sous sa forme
originale.
Le flux musical sortant du saxophone est assez planant. Le rôle principal de la violoniste est comme dans la musique vocale de reproduire la mélodie et le phrasé du soliste. Le son de l'instrument dont on n'aura entendu pratiquement que le registre grave me paraît très étrange, rêche, comme une flûte enrouée. Le timbre est curieusement proche de celui du saxophone. Parfois, sans regarder les musiciens, j'aurais du mal à savoir qui joue quoi.
Les musiciens ont une manière de clapper le tal qui est différente de ce que j'ai vu voir précédemment. Plutôt que de simples frappes de la main sur le genou, ils utilisent de façon plus complexe leur main et leurs doigts. Le joueur de morsing dont le son de l'instrument est couvert par les autres me paraît immédiatement sympathique par sa façon de clapper nonchalamment le tala de la main droite. Il clappe d'ailleurs parfois la blanche ou la blanche pointée plutôt que la noire, comme dans ce curieux tala à 24 temps (une répétition huit de Clap-Clap-Rien- où les Clap-Clap successifs sont accentués différemment).
Le raga le plus développé, le dernier, a duré 1h10. Dans son solo, la violoniste fait pour la première fois entendre quelques aigus. Le très beau thème joué par le saxophoniste revient très régulièrement au cours du développement. Comme dans la plupart des concerts de musique carnatique auxquels j'ai assisté, tous les musiciens se voient donner la possibilité de jouer un solo dans le dernier raga et plusieurs combinaisons de jeux de questions et réponses entre les musiciens peuvent être envisagées. Il y aura ainsi un jeu de questions et réponses entre le saxophoniste et la violoniste. L'un joue sur les huit premiers temps d'Adi Tala et l'autre lui répond dans la deuxième moitié du cycle. Progressivement, ils se répondent en jouant chacun pendant un nombre de temps de plus en plus réduit. On passe ainsi de 8+8 à 4+4, 2+2 et 1+1. À la fin, on passait de l'un à l'autre tellement vite qu'ils ne jouaient plus qu'une seule note, peut-être seulement sur la moitié d'un temps ?
Après les solos de mridangam et de tabla est intervenu le solo de
morsing, la guimbarde du Sud de l'Inde. Cela n'a duré que cinq minutes mais
cela a été un moment pour moi tout à fait inouï ! On pouvait enfin entendre
l'instrument qui ne pouvait jusque là être distingué qu'en se
focalisant sur lui. Le début du solo était bon, mais dans la suite le
musicien a fait exploser les limites de l'instrument. C'était incroyable,
le public et les autres musiciens étaient extrêmement enthousiastes.
Beaucoup s'exclamaient en disant Shabash !
.
Les mridangam, tabla et morsing seront ensuite réunis pour un trio rythmique. Dans ce jeu de questions et réponses à trois, chacun jouait pendant quatre temps, puis deux puis un seul.
Après les quatre ragas développés, le saxophoniste et les autres musiciens ont joué des compositions plus courtes. J'en ai même reconnu une, Brahmam Okate. Cela ne se compare pas trop défavorablement à une interprétation vocale.
Si je n'ai pas été autant satisfait que par les concerts de musique carnatique vocale, je suis plutôt content d'avoir assisté à ce concert.
2012-08-13 19:37+0530 (भोपाल) — Culture — Musique — Culture indienne — Voyage en Inde XI
Bharat Bhavan, Bhopal — 2012-08-11
Pandit Ajay Pohankar, chant
Raga Behag
La salle de spectacle de Bharat Bhavan était presque vide quand je suis entré. Je me suis ainsi assis sur un coussin au centre du premier rang. La salle va se remplir progressivement jusqu'à être tout-à-fait pleine (environ 200 spectateurs). La moyenne d'âge est étonnamment basse : beaucoup ont moins de trente ans.
Le raga principal du concert sera Behag. Il va durer environ 45 minutes. L'Alap ne durera pas plus de 10 minutes. La partie principale du raga sera la demi-heure qui va suivre : des improvisations accompagnées par le percussionniste (tablas) et par les autres musiciens (un harmonium, deux tampuras). Le chanteur qui s'accompagne avec une sorte de harpe parle beaucoup (en hindi). Il explique différentes techniques. Il fait ainsi du Sargam bien hâché khyalisant ou au contraire très lié (dans la tradition de Bénarès si j'ai bien suivi ce qu'il a dit). À la fin de certains cycles rythmiques (Chautal ?), il fait signe au percussionniste en marquant l'accent avec un air très satisfait. Il conclut ce raga par une composition de cinq minutes de son guruji.
Il chante ensuite un thumri (?) à quatorze (?) temps en l'honneur de
Ganesh (?) pendant un quart d'heure, puis enchaîne avec un Bhajan dédié à
Krishna : Govind jay jay Gopal jay jay
. Le public se met à battre
des mains et à chanter le refrain. Le chanteur a même fait venir sur scène
quelques femmes du public pour l'accompagner.
Après ce moment fort du concert, Ajay Pohankar chante la musique d'un film avec Salman Khan, si j'ai bien compris ce qu'il a expliqué à propos de l'apparente contradiction entre la tradition incarnée par son père et la modernité apportée par son fils. C'était bollywoodisant, mais pas trop.
Pour conclure ce concert d'une heure et demie, il a joué un morceau d'un
CD récent thumri funk
, un peu new age
, d'après ses propes
dires.
Globalement, ce concert était un agréable moment à passer, mais pas terriblement exaltant...
Série de photographies : 2012-08-11, Bhopal.
2012-07-29 20:35+0530 (खजुराहो) — Culture — Musique — Danse — Culture indienne — Voyage en Inde XI
Le lendemain du Bandhana, je me repose et je me contente d'aller dans un des rares petits restaurants du village et de visiter les deux musées jaïns. Dans chacun des deux musées (je soupçonne qu'ils appartiennent aux différentes grandes sectes du jaïnisme : Digambar et Shvetambar), on peut voir des dizaines de scènes de la mythologie jaïne sous la forme de sculptures colorées. Dans le premier, le plus charmant, le plus décrépit et le plus petit, tout est écrit en hindi et il est possible de visiter trois temples (Chandraprabhu, Parasnath et Mahavir) en prenant un autre escalier. Dans l'autre, plus moderne, le texte explicatif est aussi en anglais. On y voit aussi des photographies du temple de Ranakpur (Rajasthan).
Dans la soirée, je vais visiter ou revisiter quelques temples de Madhuban. Certains sont accessibles depuis la route principale, mais d'autres sont à l'intérieur de l'enceinte de certains dharmshalas. On y entre en général comme dans un moulin... Il faut explorer les moindres recoins des dharmshalas pour trouver tous les temples comme pour ceux du Shri Digambar Jain Terah Panthi Pahali Kothi Madhuban. Au fond de celui-ci se trouve le plus beau temple que j'aie vu à Madhuban et qu'Abhishek m'avait fait visiter en premier. Jeudi, je me suis contenté du premier temple visible dans lequel une nonne toute de blanc vêtue bénissait qui s'approchait d'elle avec son balais en plumes de paon.
Un peu plus haut sur la route, le Shri Digambar Jain Madhyalok Shodh Sansthan renferme un monumental Parshvanath noir et une grandiose représentation des mondes du jaïnisme, le tout étant entouré de grosses colonnes blanches.
Encore plus haut, je visite le Bhagvan Rishibadeva Mandir dans lequel Parshvanath est représenté debout et où l'on voit aussi un grand Bahubali de marbre blanc entouré de niches, une pour chaque tirthankar.
Enfin, je me dirige vers un ensemble de temples (Jamavasharan Mandir). J'y entends de curieux rythmes joués sur une batterie électronique. On dirait du rap... Il ne s'agit que d'un échauffement pour les trois percussionnistes. Une grandiose représentation de quelque monde jaïn se trouve dans une grande salle dans l'axe du temple. Je m'asseois du côté des hommes. Bientôt, nous serons environ 150. Un chanteur s'installe dans l'axe du temple. Parfois, il chante en duo avec un homme jouant du synthé. Il s'agit de bhajans. Le rythme à 4 temps est accentué par l'assemblée qui frappe dans ses mains. Vers la fin de chaque morceau, le tempo s'accélère frénétiquement, ce qui exige un certain effort physique de la part des percussionnistes. Un des derniers morceaux sera essentiellement rythmique. Quelques femmes (et un homme) se lèvent et exécutent une danse désarticulée soulignant le rythme. Une des femmes tient dans ses mains des bouts de bois qu'elle frappe régulièrement. Les fidèles viennent déposer 10 ou 20 roupies dans une urne, mais avant cela ils se faufilent entre les danseuses pour agiter les billets au-dessus de la tête de chacune dans un mouvement circulaire. Après avoir vu cela, je pense que rien ne pourra jamais plus m'étonner en Inde...
Je ne comprends pas tout ce qui se dit ensuite, mais il semble qu'il y a une mise aux enchères pour le rôle principal dans la cérémonie qui va avoir lieu ensuite. Les membres du groupe ayant fait la plus importante enchère revêtent une sorte de couronne et se placent au premier rang pour la présentation du feu (aarti). On fait tourner un plateau contenant une lampe devant les divinités. Les plateaux passent de mains en mains, y compris les miennes.
La cérémonie se termine quand on ient présenter de mène le feu à Padmavati Rani, qui se tient dans un sanctuaire secondaire.
⁂
La nuit qui suit est un véritable cauchemar : les moustiques étaient complètement absents la nuit précédente, cette fois-ci, ils m'ont empêché de dormir jusqu'au lever du soleil.
Je continue à me reposer et ne fais que quelques visites de temples (comme celui du Bhomiya Bhavan avec ses 108 Parshvanath) avant de partir pour un voyage de vingt-cinq heures pour Khajuraho.
Vendredi vers 19h, je commence à chercher un taxi ou un rickshaw collectif pour me rendre à la gare de Parasnath. Le deal, dans ce que je comprenais, c'était soit que je paye 250 roupies pour être seul passager soit que je paye 50 roupies à condition que l'on soit plusieurs. J'ai décidé du montant que je lui donnerais quand il a commencé à essayer d'attirer d'autres passagers... Le rickshaw-wallah était assez furieux à l'arrivée que je ne veuille pas payer 250 roupies. Je lui ai donné 100 roupies et il a commencé à me harceler jusque dans la gare...
Je n'étais pas parti trop tard pour n'avoir pas trop de problèmes à
trouver un moyen de rejoindre la gare. D'autres ont manifestement fait
comme moi. J'ai donc attendu un peu plus de
trois heures à la gare de Parasnath. Elle est relativement moderne
.
Je veux dire par là qu'en arrivant à la gare, j'ai su immédiatement sur quel
quai m'installer pour attendre et il y avait même des repères pour indiquer
où seraient positionnés les différents wagons. (Sachant qu'en théorie, le
train n'était censé s'arrêter qu'une minute, c'était utile... La théorie a
heureusement un peu changé et c'est en fait un arrêt de cinq minutes qui a
été programmé.)
J'ai très bien dormi dans le train (en 2AC) qui étant parti à l'heure a très rapidement pris plus de trois heures de retard. Le train a franchi la Yamuna juste avant l'arrivée à la gare d'Allahabad (la confluence avec la Ganga n'était pas nettement visible depuis le pont). Le train a ensuite rebroussé chemin pour poursuivre sa route. Je suis descendu à Mahoba. J'ai quelque peu paniqué en découvrant que d'après le Lonely Planet, la durée du trajet en bus pour Khajuraho serait de 4h alors que je l'avais estimée à un peu plus de deux heures (d'après le kilométrage). J'étais plus proche de la vérité, mais le bus a mis une bonne heure à se remplir...
On sent bien que l'on s'enfonce dans la campagne puisqu'à l'approche d'un village, j'ai vu ce que je ne voyais d'habitude que tôt le matin lors de trajets en train : des hommes alignés le long de la voie pour déféquer. Ici, il s'agissait d'enfants qui faisaient de même au bord de la route. Je suis finalement arrivé vers 20h à Khajuraho. J'ai rejoint à pieds l'hôtel où j'avais déjà séjourné il y a sept ans...
Séries de photographies : 2012-07-26, Parasnath, 2012-07-27, Parasnath.
2012-07-19 18:24+0530 (কলকাতা) — Culture — Musique — Culture indienne — Dhrupad — Voyage en Inde XI
Ce mercredi était une date que j'avais notée soigneusement dans mon agenda avant de partir en Inde. J'avais bien fait puisque les concerts de la ITC Sangeet Research Academy n'étaient pas annoncés dans le journal. J'avais repéré les lieux la veille, ce qui me donna l'occasion de signer le registre d'entrée de l'académie pour pouvoir demander à l'accueil dans quelles conditions avaient lieu les concerts que je ne voulais manquer sous aucun prétexte : pas la peine de réserver à l'avance, c'est gratuit.
Dans la journée, je me suis contenté de marcher autour de M. G. Road (oups, je commence à prendre cette mauvaise habitude indienne de réduire le nom des rues à leurs initiales, ici celles de Mahatma Gandhi). J'observe encore une fois la spécialisation de certains quartiers tout entiers dans un type de commerces ou de travaux. Un de ceux-là est dédié au recyclage des boîtes métalliques destinées à contenir de l'huile de moutarde. Dans College Street, près de l'université, il n'y a que des librairies et des bouquinistes à perte de vue. Je déjeune à l'Indian Coffee House. L'escalier qui y mène est franchement miteux, mais la grande salle du premier étage est plus accueillante. Malgré l'interdiction, les jeunes gens y fûment. Les étudiants qui partagent ma table ont l'air de parler de littérature. Manifestement, c'est aussi un lieu de rendez-vous pour jeunes amoureux.
⁂
ITC Sangeet Research Academy, Kolkata — 2012-07-18
Sanchita Chowdhury, chant dhrupad
Apurbalal Manna, pakhawaj
Raga Yaman (Tivra tal)
Raga Behag (Dhamar)
Raga Shankara (Sultal)
Je suis le premier à m'asseoir sur la moquette de la salle de spectacle de l'ITC Sangeet Research Academy qui se remplira complètement dans les minutes précédant le début de premier concert, les hommes et les femmes étant séparées par l'allée centrale. Je suis donc au premier rang pour écouter la chanteuse de dhrupad Sanchita Chowdhury qui a commencé à étudier avec son père Pandit Amar Nath Dey et qui poursuit son travail avec Ustad Fariduddin Dagar. Le moins que l'on puisse dire est que le public est connaisseur. Quelques éminents membres de l'académie s'installent en effet entre le public et l'estrade. Je crois reconnaître Arshad Ali Khan et bien sûr Uday Bhawalkar.
La chanteuse a réglé sa shrutibox Radel sur le la (grave) et est
accompagnée par deux tampuras d'hommes et un tampura de femme (plus petit)
actionnés par un jeune homme et deux jeunes femmes. Le raga principal est
Yaman. La chanteuse doit malheureusement s'interrompre assez fréquemment
pour tousser. J'apprécie tout particulièrement son Alap. J'aurai un peu
plus de mal à rentrer dans la composition dédiée à Shiva (Mahadev
)
du fait de ma difficulté à sentir le tala à 7 temps.
Je perçois un peu mieux les temps forts de la composition suivante sur
le Raga Behag dont je n'ai compris qu'un seul mot : Jamuna
. Le
premier et le sixième temps de ce tala Dhamar sont particulièrement
accentués par la chanteuse et le percussionniste (qui insiste pour ne pas
être appelé Pandit
). Curieusement, je n'éprouve pas la même
sensation lors du onzième temps.
Le concert se terminera avec une bonne demi-heure de retard avec une
composition sur un rythme rapide à cinq temps (Sultal), le thème étant
Ganapati
. Il m'est difficile de revenir plus en détail sur ce
concert qui m'a beaucoup plu puisque comme me le dira mon voisin qui
assiste à ces concerts du mercredi depuis les années 1980, en chantant
Behag après Yaman, puis Shankara après Behag, la chanteuse chasse les
impressions suscitées par le raga précédent, d'autant plus qu'après un
court entr'acte, un autre chanteur va monter sur scène...
⁂
ITC Sangeet Research Academy, Kolkata — 2012-07-18
Pandit Uday Bhawalkar, chant dhrupad
Apurbalal Manna, pakhawaj
Raga Bageshri (Chautal)
Alors qu'il y a au plus trois personnes dans la salle comble qui n'entendent peut-être pas le bengali ou le hindi, le directeur de l'académie Ravi Mathur fait un petit discours pour présenter deux étrangers qui mènent des recherches à l'académie : l'uruguyao-chilien Victor et l'américaine Amy qui prépare un rapport sur l'enseignement de maître à disciple (Guru-shishya) qui est pratiqué à l'académie. Il annonce aussi que Pandit Uday Bhawalkar sera dorénavant un des gurus enseignants à l'académie (10 jours par mois). Les tampuras de ses disciples (une jeune femme et un jeune homme aveugle) étant accordés, Pandit Uday Bhawalkar prononce un bref discours dans un hindi suffisamment simple pour que j'aie l'impression de comprendre. Il est très heureux d'enseigner à l'académie et de donner ce concert dans lequel il va interpréter le Raga Bageshri.
Que dire à propos de ce concert !? C'ést évidemment pour moi un des tout meilleurs concerts de l'année (voire davantage). Il m'a autant ému que les deux fantabullissimes concerts vécus depuis janvier (Janáček par Grimal et al., la Pastorale de Beethoven par le COE). C'est aussi comme lire Pagli, le chef d'œuvre d'Ananda Devi.
Je ne suis aucunement malheureux que ce concert se soit réduit à un seul Raga (25 minutes d'Alap, une partie rythmique de 35 minutes et une composition faisant un peu moins d'un quart d'heure).
Dans son Alap, Uday Bhawalkar navigue entre les notes du raga Bageshri
(dont je n'ai pas deviné les altérations
). Les phrases sont incroyablement longues. Dans une même phrase,
il peut inclure de longues notes tenues, des glissandis très étendus dans
le temps et qui font imperceptiblement passer d'une note à une note
voisine. À cela peuvent s'ajouter des allers-retours entre deux notes, une
plongée dans le grave et bien d'autres figures, toutes accompagnées par une
fascinante gestuelle des deux mains (cf. cette vidéo dans
laquelle il chante le Raga Gunkali). La continuité de l'ensemble est
impressionnante. Des syllabes différentes peuvent comme se fondre l'une
dans l'autre dans un même élan.
La plus longue des trois grandes parties du Raga est celle dans laquelle le chanteur fait entrer une pulsation rythmique dans son chant (et dans son genou gauche).
Je ne suis pas mécontent de savoir clapper Chautal pour mieux apprécier
la composition Hare Raghubir
qui conclut magnifiquement ce concert !
Elle est manifestement dédiée à Rama, le héros du Rāmāyaṇa puisqu'outre le
nom Raghubir, j'ai distinctement entendu les noms de lieux Ayodhya et Lanka
ainsi que les noms de personnages Sita, Shatrughna et Vibhishana. Ayant une
tendresse toute particulièrement pour Rāmāyaṇa j'ai naturellement adoré
cette composition notamment pour la reprise des mots Hare Raghubir
au début de certains cycles rythmiques venant parachever l'improvision
ayant précédé avec une très longue syllabe Ha
. Si le cycle à 12
temps était fixe, le tempo utilisé était très variable d'un cycle à
l'autre : je n'avais jamais remarqué cela auparavant ! Je me demande comment
le chanteur et le percussionniste font pour se coordonner ou s'il y a là
une sorte de jeu de questions et réponses ou de défi
lancé par le
percussionniste au chanteur ?
⁂
J'ai les chevilles quelque peu engourdies après avoir été assis au même endroit pendant plus de trois heures. Il commence à être tard pour dîner, certains restaurants étant déjà fermés. Je quitte Tollygunge pour Park Street où je continue mon exploration des restaurants bon marché. On ne mange pas mieux dans un restaurant à 500 roupies que dans un restaurant à 100 roupies, à mon avis. Un de ces restaurants sert de savoureux plats simples, j'ai déjà testé le Chana Masala et le Dal Makhani).
Le métro fermant autour de 22h, je marche pour la première fois depuis le début de ce voyage entre Park Street et Chandni Chowk, passant ainsi devant la mosquée Tipu Sultan.
Série de photographies : 2012-07-18, Kolkata.
2012-07-17 17:31+0530 (কলকাতা) — Culture — Musique — Culture indienne — Voyage en Inde XI
Rabindra Sadan, Kolkata — 2012-08-16
Manoj Murali Nair, chant
Manisha Murali Nair, chant
Rabindrasangeet : Premer Badel Namlo
Comme il y a deux ans, le hasard a fait que j'ai revu le duo Manoj & Manisha Murali Nair dans un programme de Rabindrasangeet, un genre à part dû à Tagore dans la musique indienne. Quand on arrive à Kolkata, il est évident qu'il y a dans cette région deux personnes importanes. Rabindranath Tagore, d'une part, et d'autre part Mamata Banerjee, la Chief Minister de l'état de Paschimbanga (ex-Bengale occidental) et ancienne ministre des chemins de fers, dont on voit la photographie sur de grandes affiches un peu partout en arrivant à Kolkata.
À propos du concert, comme la dernière fois, il a été compliqué
d'obtenir un billet. Un enseignant en école d'ingénieur m'a renseigné. Le
guichet était très très mal indiqué... Pour 40 roupies, j'ai eu un billet
de deuxième catégorie
et ai pu ainsi me placer au centre du premier
rang du balcon. Au niveau des portes, on voit encore des restes d'affiches
mal déchirées signalant les entrées séparées pour les hommes et les femmes
pour la journée d'information pour les musulmans désirant faire le Haj.
Quand j'étais passé plus tôt dans la journée dans l'idée de me renseigner
sur le concert, il y avait effectivement une foule de musulmans au
voisinage de Rabindra Sadan.
Le programme est intitulé Premer Badal Namlo. Je me suis un peu moins ennuyé que la dernière fois pendant ce récital de trois heures au cours duquel une trentaine de chansons sur le thème de la mousson seront interprétées. Manoj chante et joue de l'harmonium. Sa sœur chante aussi parfois. Ils sont accompagnés d'un percussionniste multi-instruments, d'un instrumentiste qui utilise un archet pour jouer d'une sorte de mini-vina presque comme s'il s'agissait d'un violoncelle, et sur le côté se tiennent un guitariste et un joueur de synthétiseur.
Malgré le talent évident de l'instrumentiste assis devant le clavier, le synthétiseur, quand il ne sert pas à combler les blancs, ne me semble que surcharger une orchestration qui est déjà assez sucrée comme ça !
La plupart des chansons me semblent basées sur des cycles rythmiques à quatre temps. Dans certaines, il y a une correspondance presque parfaite entre les phrases musicales chantées et ces mesures de quatre temps. Le plus souvent, chaque temps semble subdivisé en trois parties.
Parfois, Manoj commence sa chanson par une sorte de micro-Alap vaguement
intermédiaire entre les traditions du Sud et du Nord. Les phrases en sont
plutôt rapides, utilisent toutes les notes (comme dans la musique
carnatique), mais les syllabes chantées pourraient faire partie d'un Alap
de musique du Nord (Re-ne-ne...
).
Manoj fera quelques discours entre les chansons. À l'entr'acte, il fera monter sur scène quelques personnes sur scène pour faire une jolie photo pour le lancement d'un nouveau CD, déballé d'un tortueux emballage par quelques mains innocentes. Le public tentera de suggérer des chansons à interpréter. Je ne saurais dire si les revendications ont été satisfaites...
Série de photographies : 2012-07-16, Kolkata.
2012-07-06 00:09+0200 (Orsay) — Culture — Musique — Danse — Danses indiennes — Culture indienne
Centre Mandapa — 2012-07-05
Nancy Boissel, bharatanatyam
J'ai assisté ce soir à mon centième spectacle pour le compte de l'année
2012, le dernier avant les vacances d'été. La danseuse Nancy Boissel, qui
est installée à Chennai, remerciera le public nombreux du Centre Mandapa
d'avoir pris le risque de passer une heure avec elle
. Le risque
était pour moi limité puisque j'avais bénéficié d'une invitation suite à l'annulation d'un précédent spectacle.
Au cours de son programme (d'environ 1h20), la danseuse a mis en valeur ses qualités dans tous les aspects de la danse bharatanatyam. Elle n'a pas oublié non plus de remercier ses maîtres Sri Selvam Pillai et Sangita Ishwaran (si j'ai bien entendu).
L'introduction musicale de la première pièce (une offrande de fleurs au dieu Shiva-Nataraja) me met immédiatement dans de bonnes dispositions puisque l'on y entend le morsing, une sorte de guimbarde.
On rentre dans le vif du sujet avec la pièce principale du récital, le Varnam. Le thème est tout à fait traditionnel : une jeune femme se languit de Muruga, le fils à six têtes de Shiva. Elle demande à son amie d'intercéder en sa faveur. Elle se rend dans la forêt dans l'espoir de l'y rencontrer, mais elle souffre : elle reste désespérément seule. Et puis, tout semble changer. Un archer (Kama ?) lance deux flèches. Les amants semblent réunis. La pièce se conclut avec une héroïne qui se retrouve seule à nouveau. N'était-ce qu'un rêve ?
Dans cette pièce narrative se sont insérées, comme le veut cet art, des
passages essentiellement rythmiques pendant lesquels la narration se
suspend. Ils sont en général très nettement délimités puisque la musique se
réduit au nattuvangam (cymbales) et aux syllabes rythmiques dites
par le nattuvanar. Ce fut le cas ici dans certains de ces passages
rythmiques, mais d'autres ont eu un accompagnement musical tout différent
s'insérant avec davantage de fluidité dans le reste : une voix chantée
faisant du sargam, c'est-à-dire que le chanteur (de cette musique
enregistrée) prononçait le nom des notes. Pendant un de ces passsages de
danse pure
, il m'a semblé que la danseuse évoquait les arts : la
sculpture, la musique.
Jusque là, j'ai trouvé le récital très convaincant. La narration est très lisible. Le rythme est très bien marqué par les grelots de cheville. Le plus souvent, ceux-ci bruissent sur les temps forts de la musique et puis soudainement, cela peut s'inverser ! Cette complexité rythmique contribue à me faire apprécier les moments de danse pure. Du côté de l'expression, j'ai parfois la sensation que certaines attitudes sont un tout petit peu surjouées, mais j'admets que ma perception est sans doute déformée par le fait que je fusse assis au tout premier rang (il faut bien que les spectateurs du fond voient quelque chose aussi !).
Avec la pièce suivante, on a tout simplement touché au sublime ! La
musique est bien connue : c'est Bho Shambho (cf. le billet de
blog de Suja sur ce morceau). Le texte comme la chorégraphie évoquent
de nombreux aspects de Shiva : sa puissance symbolisée par ses cheveux, son
chignon tressé d'où jaillit la rivière Ganga, son troisième œil, le tambour
(Damaru), son bras protecteur en forme de trompe d'éléphant, etc. Les
images sont tellement nombreuses ! Toutes mouvantes, elles s'enchaînent
merveilleusement bien sur cette musique dont les battements rythmiques à
faire s'écrouler les murs rappellent les pas du danseur cosmique
Shiva-Nataraja. Au cours des quelques dizaines d'autres récitals de
bharatanatyam auxquels j'ai assisté précédemment, je ne crois pas avoir
atteint un tel état émotionnel. En tout cas, pour une pièce conçue comme
abstraite
(au sens où elle évoque les aspects d'un dieu plutôt que
de raconter une histoire), il est certain que je n'avais jamais véçu ça.
(Quand je pense que derrière moi, des spectatrices ronchonnaient à
l'annonce du fait que ce serait une pièce dédiée à Shiva, comme s'il
n'y avait pas plein d'autres dieux que Shiva
.)
La pièce suivante est un adage
en l'honneur de Muruga. Son père
Shiva y fait quelques apparitions tout comme une dévôte de ce dieu. Cette
pièce met surtout en valeur la composante expressive de la danse.
Enfin, le récital se conclut par un Tillana. La musique est là encore très connue puisque j'ai souvent entendu cette mélodie rythmée caractéristique à la fin d'autres récitals. Quelques agréables variations musicales seront toutefois ajoutées, apparemment. Le Tillana est une pièce de danse pure, toute en rondeur, courbes et joie. En effet, plus qu'à l'introspection, c'est à la joie que nous invite cette pièce, et ce récital dans son ensemble, comme l'espiègle apparition de Krishna joueur de flûte le confirmera à la fin de ce Tillana !
Le Tillana s'est enchaîné tellement rapidement avec les salutations coutumières de fin de récital que personne n'a osé applaudir. J'ai attendu que la danseuse ait salué le dieu de la danse pour applaudir le premier et déclencher un mouvement qui ne manquait pas d'enthousiasme...
Avec Srithika Kasturi Rangam, Lavanya Ananth, Mallika Thalak, Meenakshi Srinivasan, et maintenant Nancy Boissel, il commence à y avoir du monde dans mon panthéon de danseuses de bharatanatyam !
2012-07-03 23:33+0200 (Orsay) — Culture — Musique — Opéra
Royal Opera House — 2012-07-01
David McVicar, mise en scène
Leah Hausman, assistante à la mise en scène
Es Devlin, décors
Moritz Junge, costumes
Wolfgang Göbbel, lumières
Andrew George, chorégraphie et mouvements
Royal Opera Chorus
Renato Balsadonna, chef de chœur
Orchestra of the Royal Opera House
Peter Manning, premier violon
Antonio Pappano, direction musicale
Daniel Grice, Soldat
Anna Caterina Antonacci, Cassandre
Fabio Capitanucci, Chorèbe
Ashley Holland, Panthée
Ji Hyun Kim, Hélénus
Barbara Senator, Ascagne
Pamela Helen Stephen, Hécube
Robert Lloyd, Priam
Jenna Sloan, Polyxène
Sophia McGregor, Andromaque
Sebastian Wright, Astyanax
Bryan Hymel, Énée
Jihoon Kim, Fantôme d'Hector
Lukas Jakobski, Capitaine grec
Eva-Maria Westbroek, Didon
Hanna Hipp, Anna
Ji-Min Park, Iopas
Brindley Sherratt, Narbal
Daniel Grice, Voix de Mercure
Ed Lyon, Hylas
Adrian Clarke, Premier soldat
Jeremy White, Deuxième soldat
Peuple troyen, soldats grecs, soldats troyens, marins, courtisans et serviteurs de Didon, Carthaginois
Les Troyens, Berlioz
Dimanche dernier, mon week-end londonien se terminait avec la
représentation en matinée
du grand opéra de Berlioz : Les
Troyens. Mes attentes étaient peut-être trop hautes. J'étais presque
bouleversé rien qu'à la lecture du synopsis de l'opéra dans le programme
maxi-format vendu dans le hall (maxi-prix aussi : £10). Je m'attendais à
assister à la représentation d'opéra de ma vie
, mais ce ne sera
qu'une après-midi plutôt agréable.
Si je suis resté concentré pendant toute la durée de l'opéra (cinq actes, soit 4h11 sans compter les deux entr'actes), j'ai parfois légèrement piqué du nez. Les deux premiers actes se passent à Troie, au moment où les Grecs vont prendre le dessus par la fameuse ruse du Cheval. Fort heureusement, il ne s'agit pas d'une production façon péplum. Plutôt que de rester à l'époque du mythe, les costumes et les décors semblent transposer l'histoire au temps de la composition de l'opéra, en tout cas au XIXe siècle, dans le contexte de quelque conflit franco-anglais. Je ne suis pas expert en uniformes militaires, mais les quelques Grecs que l'on voit sont en Red coat, et les uniformes des Troyens sont suffisamment tarabiscotés pour paraître français. Le grand décor semi-circulaire fait vaguement penser à un glauque immeuble d'habitations pour ouvriers (l'utilité de ce décor me paraît très discutable). D'autres éléments de décors sont constitués d'un bric-à-brac mécaniste en ferraille. Le Cheval dont le mouvement restera mystérieux pour moi est particulièrement impressionnant. C'est un gigantesque et curieux assemblage d'engrenages et d'autres éléments mécaniques sortis du même bric-à-brac que les débris qui traînent sur scène. Ces décors et accessoires semblent évoquer la révolution industrielle.
La musique très contrastée de Berlioz maintient une tension permanente. Elle n'est malheureusement pas parsemée de grands moments extatiques (pour mon goût tout au moins). Dans le rôle de Cassandre, Anna Caterina Antonacci (que je vois pour la treizième fois !) me fait une très bonne impression dans le premier acte. Toutefois, j'ai souvent bien du mal à entendre sa voix et son français. La traduction anglaise des surtitres est un peu trop fantaisiste pour que je puisse reconstituer le texte français. Surtout, j'imaginais que la scène finale du deuxième acte (un véritable Jauhar dans la tradition rajpoute, cf. Padmâvatî) serait déchirante d'émotions, mais je n'ai aucunement été transporté. Scéniquement, on aura pu constater que les équipes du Royal Opera n'ont pas peur des flammes : le Cheval crache du feu !
Pendant les actes 3 & 4, je me replace à côté de Hugo dans la zone Balcony Left. C'est un peu excentré, mais on y bénéficie d'une belle vue sur l'orchestre. Ceci me permet de voir d'assez près aussi le très beau décor carthaginois du troisième acte évoquant une kasbah. Le décor tout en hauteur permet au chœur vêtu de couleurs vives de chanter sur différents niveaux (le procédé fait penser à ce que l'on peut voir dans la production de Manon de Massenet mise en scène par le même David McVicar, avec Natalie Dessay et Rolando Villazón). Au sol, une maquette de la kasbah sur laquelle les comédiens et acrobates vont pouvoir évoluer dans une scène de divertissement. Cette maquette reparaîtra sous d'autres formes dans les actes suivants. La grande façade de la kasbah sera aussi utilisée dans la suite. Comme le décor des deux premiers actes, il peut se diviser en deux pour créer un certain espace au centre.
Les actes 3, 4 et 5 m'inspirent la réflexion qu'il ne se passe pas grand'chose dans cet opéra, paradoxalement. Carthage paraît être un endroit paradisiaque où le bateau de l'expédition d'Énée va échouer. Il va inspirer l'amour à Didon qui ne lui pardonnera pas sa trahison, Énée étant en effet appelé à un autre destin : fonder une nouvelle et immortelle Troie en Italie.
Après qu'elle a souffert il y a quelques mois de la comparaison avec la subtilité du chant dhrupad de Marianne Svašek, je me réconcilie avec la chanteuse Eva-Maria Westbroek dont le français est presque parfaitement intelligible, surtout quand l'orchestration est légère. Cependant, la chanteuse qui m'a m'a le plus marqué au cours de l'opéra est la jeune Hanna Hipp qui interprète le rôle d'Anna, la sœur de Didon. J'ai aussi aimé les interprètes des rôles du ministre Narbal (Brindley Sherratt) et du marin Hylas (Ed Lyon). Dans le rôle-marathon d'Énée, le remplaçant de Jonas Kaufmann, Bryan Hymel, m'a semblé faire une prestation tout à fait honorable.
La mise en scène de David McVicar n'est pas sa plus mauvaise
(L'Incoronazione di Poppea) ni sa meilleure (Agrippina),
pour ne parler que de celles que j'ai vues. Le décor devient un personnage
à part entière du grand spectacle. C'est impressionnant, on en a pour son
argent, mais à quoi cela sert-il ? je me le demande bien. Je n'ai pas
compris l'image finale qui fait paraître au centre une sorte de squelette
de buste humain fait du même bric-à-brac mécaniste que le Cheval de la
première partie de l'opéra. Avec les grands décors qui peuvent se diviser
en deux, ces deux créatures extravagantes et enflammmées sont les seuls
points communs entre les deux parties de l'opéra. Je ne vois pas du tout ce
qu'on a voulu signifier par là. Peut-être avait-on commandé un peu trop de
ferraille de sorte qu'il devenait possible de construire non pas une grande
créature (le Cheval), mais deux... Pour ce qui est de la mise en scène
proprement dite, elle permet la formation de belles images. Toutefois, on a
connu David McVicar plus exaltant dans sa direction d'acteur. Pour moi,
c'est ce travail avec les chanteurs sa marque de fabrique au-delà du
tradi bien fait
. J'aurais presque préféré voir des toges et un
cheval en carton, si cela avait été le prix à payer pour que la direction
d'acteurs fût meilleure !
Une des conclusions de cette représentation est que la meilleure façon d'écouter la Marche des Troyens est d'aller voir le défilé du Ballet de l'Opéra. Dans Les Troyens, la marche apparaît sous diverses formes et elle est souvent en concurrence avec les parties chantées...
PS: On peut voir quelques photos de cette production sur le site du ROH.
Ailleurs : Musica Sola, David.
2012-07-03 13:15+0200 (Orsay) — Culture — Musique — Opéra
English National Opera — 2012-06-30
Kim Begley, Edward Fairfax Vere
Oliver Dunn, First Mate
Gerard Collett, Second Mate
Darren Jeffery, Mr Flint
Andrez Rupp, Bosun
Duncan Rock, Donald
Jonathan Stoughton, Maintop
Nicky Spence, The Novice
Daniel Norman, Squeak
Jonathan Summers, Mr Redburn
Henry Waddington, Lieutenant Ratcliffe
Matthew Rose, John Claggart
Michael Colvin, Red Whiskers
Philip Daggett, Arthur Jones
Benedict Nelson, Billy Budd
Marcus Farnsworth, Novice's Friend
Gwynne Howell, Dansker
Joseph Bingham Cooper, Tom Couffon, Robel Durub, Calum Currie Patiño, Thomas Fetherstonhaugh, Sean Hill, Henry Mattar, Louis O'Shea, Joseph Outtrim, Bartłomie Rój, Francis de Souze, Matthew Whiting, Midshipmen/Powder monkeys
Thomas Fetherstonhaugh, Cabin boy
Officers, Sailors, Drummers, Marines
Edward Gardner, direction musicale
Nicholas Ansdell-Evans, chef assistant
Francine Merry, chef de chœur
Genevieve Ellis, assistante de la chef de chœur
Janice Graham, premier violon
David Alden, mise en scène
Paul Steinberg, décors
Constance Hoffman, costumes
Adam Silverman, lumières
Maxine Braham, mouvements
Jessica Jackson-Smith, maître d'armes
Orchestre et Chœur de l'English National Opera
Billy Budd, Britten
Samedi après-midi, alors que j'attends un ami londonien devant l'English National Opera pour aller boire un verre et visiter le British Museum (qui a une très belle collection indienne), je croise Laurent, ce qui n'est guère surprenant en ces lieux !
En fin d'après-midi, j'assiste à une représentation de Billy Budd. La mise en scène et les décors ne sont pas aussi beaux que dans la production que j'ai vue il y a deux ans à Bastille. Comme Laurent qui a vu cette production avant moi, je ne comprends pas très bien quelle est l'époque suggérée par les costumes (des marins comme des hommes en armes). La musique de Britten me semble moins déroutante que la première fois, mais il me faut encore attendre le deuxième acte pour être tout à fait enthousiasmé par le spectacle. Le délice est avant tout musical. Dans certains passages orchestraux, j'aime l'alternance des textures orchestrales qui changent parfois presqu'à chaque mesure. J'apprécie le retour de l'onctueux motif musical entendu au début de l'opéra et qui me semble évoquer la mer. Avant cela, le deuxième acte aura commencé par l'impressionnante scène de l'attaque au canon d'un navire français. Le livret contient un certain nombre de piques contre les Français, ce qui fait rire bruyamment nos amis anglais. Le canon est représenté par un gros cylindre multifonctions (il sert en effet aussi de couloir d'accès à la cabine blanche du capitaine Vere, remarquable Kim Begley). Les tambours dont les interprètes ont pris position dans des loges proches de la scène contribuent à rendre cette scène indescripttiblement spectaculaire. Mon plaisir musical restera ininterrompu jusqu'à la fin alors que Billy Budd bégaillant tue d'un coup de poing celui qui l'accusait de mutinerie, Claggart, dont l'interprète (Matthew Rose) m'a beaucoup plu. Les trois personnages du First Lieutenant Redburn, du Lieutenant Ratcliffe et du Sailing Master Flint ne semblent exister que pour faire partie du tribunal qui condamnera Billy Budd à la pendaison, le capitaine Vere n'ayant pas eu le courage de le défendre.
L'interprète de Billy Budd m'a fait une très bonne impression. Le chœur était épatant aussi. J'ai rarement été autant ému à l'opéra. Ce deuxième acte de Billy Budd est ce que j'aurai préféré dans les trois spectacles vus au cours du week-end.
2012-07-02 21:12+0200 (Orsay) — Culture — Musique — Danse — Photographies
J'ai fait ce week-end mon premier séjour à Londres, ce qui n'a laissé de
paraître extraordinaire à tous ceux à qui j'en ai parlé, cette uniformité
de la réaction me paraissant plus remarquable encore que le fait initial.
La ville est très chère. J'ai cependant pu trouver un hôtel à un prix à peu
près raisonnable au Sud de la Tamise, dans le borough de
Wandsworth, à une certaine distance du métro Vauxhall. L'endroit est aussi
relié au centre (Trafalgar Square, Covent Garden) par le bus 87, ce qui est
pratique, quand ce bus au fonctionnement très aléatoire veut bien venir...
Je n'ai mangé que dans des restaurants ethniques
(indien,
pakistanais, italien, chinois).
À Floral Street, juste
à côté du Royal Opera House et très près d'une plaque
commémorant le ballet Le Tricorne se trouve le restaurant
Masala Zone. On y mange un large
choix de thalis délicieux, un type de restauration indienne
quasi-inexistante à Paris.
La différence de mentalités se sent immédiatement. À l'intérieur de chaque strate de la société (pour le peu que j'en ai vu entre les quartiers chics et le coin un peu moins chic situé autour de mon hôtel), les gens paraissent bien plus mélangés, ethniquement parlant, qu'en France. J'ai même vu quelques saris au Royal Opera !
Le but principal de mon séjour était de voir une représentation de l'opéra Les Troyens. À cela se sont greffées des représentations de l'opéra Billy Budd au English National Opera et du ballet The Prince of Pagodas au ROH. J'y ai croisé à chaque fois Musica Sola qui est bien plus endurant que moi puisqu'outre ces trois spectacles, il avait au moins un ballet et un concert en plus à son programme du week-end !
Les quelques photos que j'ai prises à Londres sont ici.
⁂
Royal Opera House — 2012-06-29
Kenneth MacMillan, chorégraphie
Benjamin Britten, musique
Nicholas Georgiadis, décors et costumes
Colin Thubron, livret (d'après John Cranko)
John B. Read, lumières
Monica Mason, Grant Coyle, mise en scène
Christophe Saunders, Gary Avis, maîtres de ballet
Alexander Agadzhanov, Jonathan Cope, principal coaching
Grant Coyle, Karl Burnett, choréologues
Barry Wordsworth, direction musicale
Peter Manning, premier violon
Orchestra of the Royal Opera House
The Royal Ballet
Gary Avis, The Emperor
Itziar Mendizabal, Princess Épine
Sarah Lamb, Princess Rose
Federico Bonelli, The Prince
Valentino Zucchetti, The Fool
Andrej Uspenski, The King of the North
Johannes Stepanek, The King of the East
Jonathan Watkins, The King of the West
Brian Maloney, The King of the South
Thomas Whitehead, The Emperor's Counselor
Jonathan Howells, José Martín, David Pickering, Liam Scarlett, Doctors
Laura McCulloch, Eric Underwood, Lead Baboons, Lead Courtiers
Yuhui Choe, Hikaru Kobayashi, Emma Maguire, Fumi Kaneko, Grand Pas d'Action
Claire Calvert, Deirdre Chapman, Melissa Hamilton, Lara Turk, Grand Pas d'Action
Gemma Pitchley-Gale, Elizabeth Harrod, Francesca Hayward, Iohna Loots, Yasmine Naghdi, Romany Pajdak, Leticia Stock, Sabina Westcombe, Grand Pas d'Action
Sander Blommaert, Alexander Campbell, Kevin Emerton, Valeri Hristov, Kenta Kura, Ludovic Ondiviela, Fernando Montaño, Dawid Trzensimiech, Grand Pas d'Action
Artists of the Royal Ballet, Baboons, Courtiers and Flag Bearers
The Prince of the Pagodas, ballet en trois actes
Le soir de mon arrivée, j'assiste au Royal Opera House à une représentation du ballet The Prince of the Pagodas, dans une chorégraphie de Kenneth MacMillan. (Le livret et la chorégraphie d'origine sont de Cranko.) Je suis placé au premier rang de l'amphithéâtre :
On y voit bien et contrairement à l'amphithéâtre de l'Opéra Garnier, on y a suffisamment de place pour les genoux. Comme j'en ferai l'expérience deux jours plus tard pour Les Troyens, la pente est suffisante pour que les têtes des spectateurs assis devant ne gênent pas. C'est dans la dernière direction, la largeur, que c'est un peu juste. Pour peu que les voisins ne soient pas des balletomanes japonaises, on se sent rapidement à l'étroit.
Je suis globalement assez déçu par ce ballet. A priori, je m'attendais à quelque chose d'aussi haut en couleurs que La Bayadère. Les deux premiers actes sont désespérément peu dansants. La musique de Britten a beau être louée dans le programme vendu £6 (ce qui est moins cher qu'à Paris), elle ne semble pas très favorable à la danse, qui est très heurtée. Au cours du premier acte, le seul moment où la magie ait quelque peu opéré sur moi a été la variation dansée par Itziar Mendizabal dans le beau costume de Princess Épine (la méchante demi-sœur de Princess Rose) et ce d'autant plus que le numéro musical correspondant m'a particulièrement plu. Les deux demi-sœurs s'opposent à propos de la division du royaume de leur père. Par la magie, Épine prend provisoirement l'avantage. Les courtisans deviennent fous (ils ont l'apparence de singes !).
Les rois des quatre coins cardinaux se disputent la main des princesses. Des quatre variations, seule la dernière, interprétée par Brian Maloney (Roi du Sud) me plaît.
Le prince fiancé à Rose a été transformé en salamandre. Au cours du deuxième acte, alors qu'elle est en train d'accomplir un voyage dans un autre monde (qui est intériorisé dans cette version), Rose retrouve les rois des points cardinaux et son prince. Elle repousse les quatre rois. Suite à une manipulation astucieuse du Fool, elle a les yeux bandés, ce qui fait qu'elle ne voit pas le prince-salamandre avec lequel elle va danser. Pendant cette danse, le prince retrouve son apparence humaine, mais il revient à l'état de salamandre quand la princesse enlève son bandeau. Elle prend alors pitié de lui.
Je ne suis guère enthousiasmé par le peu de danse vu jusque là quand commence finalement le troisième acte, qui est superbe. En l'embrassant, la princesse Rose va retransformer la salamandre en beau prince. Celui-ci combattra les rois des points cardinaux (la scène du combat est un peu longue à mon goût). Enfin, la couronne pourra être confisquée à Épine et rendue à l'Empereur. Tout le monde pourra se réjouir, sauf Épine qui a disparu. Le grand divertissement qui en résulte permet enfin au corps de ballet de se mettre en valeur (une seule fois) sur un morceau de musique qui commence par une fugue. Le placement n'est pas aussi régulier qu'à Paris, mais l'ensemble est néanmoins fort réjouissant. Le pas de deux entre le Prince (Federico Bonelli) et la Princesse Rose (Sarah Lamb) est très beau également. Toutefois, en pensant par exemple au prince qui sous sa forme humaine ne fait que sourire, je reste dubitatif à propos des commentaires du programme qui vante l'exploration de la psychologie des personnages, par opposition à la danse conçue comme pur divertissement.
Dans ce ballet, un personnage tire les ficelles : c'est The Fool (Valentino Zucchetti), qui est très souvent présent sur scène. Il bondit et tourne sur lui-même. Ce n'est pas aussi impressionnant qu'un Mathias Heymann dans La Source, mais à défaut d'être très varié, cela se laisse regarder.
Les décors sont un peu sombres, mais j'ai aimé l'évocation du château par un assemblage de pièces détachées de tours, toutes biscornues et mouvantes, tandis que la pagode blanche peut apparaître au fond de la scène.
Si je n'avais pas su que ce ballet était de MacMillan, je l'aurais peut-être deviné puisqu'une des scènes fait très fortement penser au pas de trois incestueux de L'Histoire de Manon : le pas de cinq dans laquelle Princesse Rose évolue entre les quatre prétendants que sont les rois des quatre points cardinaux.
Bref, de cette première représentation du Royal Ballet, je retiens surtout les grandes qualités des interprètes des rôles principaux, et la quasi-absence du corps de ballet.
Ailleurs : Dansomanie.
2012-06-27 11:50+0200 (Orsay) — Culture — Musique
Théâtre des Champs-Élysées — 2012-06-25
Philharmonia Orchestra
Esa-Pekka Salonen, direction
Le Prince de bois, suite d'orchestre op. 13, Bartók
Nikolaï Lugansky, piano
Concerto pour piano et orchestre nº3 (Bartók)
Concerto pour orchestre (Bartók)
Galop de la Suite nº2 pour petit orchestre (Stravinski)
Si les musiciens hongrois me manquent déjà, je crois que j'aime aussi les musiciens anglais. Bien sûr, il y a le LSO, mais le Britten Sinfonia entendu à Dijon m'avait beaucoup plu aussi.
Ce lundi, c'est le Philharmonia Orchestra, un autre orchestre anglais, que je suis allé écouter au Théâtre des Champs-Élysées (où il faut monter jusqu'à la catégorie 3 pour pouvoir espérer voir quelque chose : c'est juste deux ou trois fois plus cher qu'à la Salle Pleyel). J'entends pour la première fois cet orchestre, qui est dirigé pour ce programme Bartók par Esa-Pekka Salonen, que je vois aussi pour la première fois.
Les œuvres jouées sont toutes les trois très variées. Le Prince de bois commence comme L'Or du Rhin de Wagner, mais très vite d'aimables dissonances se font entendre. Ceci me donne l'impression d'entrer dans un univers merveilleux. Les atmosphères vont se développer magnifiquement sans que toutefois je sois tout le temps en mesure de me situer par rapport au synopsis du ballet, mais peu m'importe étant entendu que j'ai rarement l'occasion d'entendre une aussi sublime musique. J'ai été surpris par le grand nombre d'instruments à cordes (8 contrebasses), une observation qui est à modérer par le fait que les différents groupes d'instruments étaient souvent subdivisés en plusieurs parties (par exemple en 10=6+4 pour les violoncelles).
Un piano et un pianiste font leur apparition pour la deuxième pièce au programme. Il s'agit de Nikolaï Lugansky que je vois pour la première fois et qui va interpréter le troisième concerto pour piano de Bartók. Le premier mouvement swingue. J'ai rarement bénéficié d'aussi bonnes conditions d'écoute pour un concerto pour piano. J'avais aussi un peu choisi ma place en fonction de cela (premier rang de premier balcon du côté qui permette de voir le clavier). Je crains que les trois mouvements soient dans un même style qui me fait curieusement davantage penser à l'Amérique qu'à la Hongrie. Le deuxième mouvement, le magnifique Adagio religioso sera heureusement tout différent, tout comme le troisième au cours duquel le pianiste étoffera encore les couleurs variées de son instrument, dans une direction plus percussive cette fois.
J'ai été impressionné par la façon dont est orchestré ce concerto. À l'écoute d'autres concertos, j'ai trop souvent eu l'impression que l'orchestre n'avait qu'un rôle de faire-valoir pour le soliste, et d'autres fois que l'orchestre et le soliste évoluaient dans des mondes différents. Ici, les thèmes courent somptueusement du piano à l'orchestre et réciproquement. On trouve ainsi de longues phrases dans lesquelles les vents, par exemple, interviennent tout naturellement dans une sorte de jeu de questions et réponses avec le piano. Bref, j'adore ce concerto qui permet véritablement au piano et à l'orchestre de dialoguer.
Le programme du concert se termine avec le concerto pour orchestre, que j'ai déjà eu l'occasion d'entendre. L'interprétation du Philharmonia Orchestra m'a bien davantage convaincu. Les contrebasses et violoncelles, qui m'impressionnaient déjà depuis le début du concert, sont en transe. Ils n'écrasent peut-être pas leurs archets aussi forts sur les cordes que leurs confrères hongrois, mais ils ne font pas non plus dans la demi-mesure ! La violoncelliste cosoliste semble prendre un plaisir fou à jouer. J'apprécie tout autant l'attitude décontractée des musicien(ne)s de cette formation anglaise dans les moments qui précèdent ou suivent l'interprétation d'une œuvre ; le Britten Sinfonia m'avait inspiré le même type de sentiments.
Enfin, comment parler de ce concert sans évoquer l'absolument sensationnelle clarinette solo de cet orchestre ? (S'agit-il bien de Mark van de Wiel ?). Il était si j'ose dire dans tous les mauvais coups : dès que la section des vents jouait, j'avais du mal à ne pas me focaliser sur le superbe son de son instrument, alors même que les autres vents (et les cuivres, et les altos, et ...) étaient magnifiques.
(Je manque d'adjectifs superlatifs, pardonnez les répétitions...)
Ailleurs : Bladsurb.
2012-06-24 14:09+0200 (Orsay) — Culture — Musique — Opéra
Opéra Bastille — 2012-05-23
Alain Vernhes, Le Roi de Trèfle
Charles Workman, Le Prince
Patricia Fernandez, La Princesse Clarice
Nicolas Cavallier, Léandre
Eric Huchet, Trouffaldino
Igor Gnidii, Pantalon
Vincent Le Texier, Tchélio
Marie-Ange Todorovitch, Fata Morgana
Alix Le Saux, Linette
Alisa Kolosova, Nicolette
Amel Brahim-Djelloul, Ninette
Hans-Peter Scheidegger, La Cuisinière
Antoine Garcin, Farfarello
Lucia Cirillo, Sméraldine
Vincent Morell, Le Maître de cérémonies
Alexandre Duhamel, Le Héraut
Alain Altinoglu, direction musicale
Gilbert Deglo, mise en scène
William Orlandi, décors et costumes
Marta Ferri, chorégraphie
Joël Hourbeigt, éclairages
Alessandro Di Stefano, chef de chœur
Orchestre et Chœur de l'Opéra national de Paris
L'Amour des trois oranges, Prokofiev.
On pourra au moins reconnaître à Nicolas Joel, le directeur de l'Opéra de Paris, de savoir piocher parmi les bonnes productions de l'ère Mortier pour faire des reprises. Je n'avais pas vu L'Amour des trois oranges à l'époque. C'est maintenant chose faite avec la première de cette reprise qui a eu lieu hier soir à l'Opéra Bastille.
Il faut bien l'admettre, si j'avais jusque là était toujours déçu par les mises en scène de Gilbert Deflo (Luisa Miller, Un bal masqué, La fiancée vendue), cette production de L'Amour des trois oranges est très réussie.
Il s'agit d'un conte qui se finit bien. Un prince hypocondriaque reçoit un sort : il sera fasciné par les trois oranges gardées par une cuisinière géante. Après les avoir subtilisées, il finira par tomber amoureux de la princesse Ninette qui était dans la troisième orange. Après une séparation liée à une machination, le prince et la princesse seront réunis.
Les scènes se suivent sans temps mort grâce à une mise en scène très vivante faisant appel à de nombreux figurants, jongleurs et même un cracheur de feu. Tout se passe dans un décor unique dont les couleurs peuvent changer au gré des éclairages.
Le texte chanté est en français, comme lors de la création de l'opéra, mais certaines élisions excessives et la prosodie trahissent le fait que la langue originale était le russe. Cependant, le texte reste tout à fait compréhensible. Si les interprètes m'ont semblé convaincants (notamment Charles Workman dans le rôle du Prince et Amel Brahim-Djelloul dans celui de Ninette), mon attention ne s'est pas focalisée sur les voix qui interprètent le plus souvent de brefs récitatifs chantés. Le rôle principal est en effet joué par l'orchestre.
Comme toujours avec ce compositeur, je n'ai pas été déçu par la musique de Prokofiev... Sa vivacité me rappelle parfois le style de son ballet Cendrillon. Ce que je retiens surtout, c'est la somptueuse omniprésence des instruments à vents (et des cuivres). Du côté des cordes, les altos, très engagés, me semblent jouer assez souvent les premiers rôles. L'orchestre dirigé par Alain Altinoglu paraît parfois parcouru par une euphorie collective.
2012-06-24 13:10+0200 (Orsay) — Culture — Musique — Danse
Opéra Garnier — 2012-06-21
Frederick Ashton, chorégraphie (1960)
Louis Joseph Ferdinand Herold, musique
John Lanchbery, arrangements musicaux
Osbert Lancaster, décors et costumes
George Thomson, lumières
Christopher Carr, répétitions
Philip Ellis, direction musicale
Myriam Ould-Braham, Lise
Josua Hoffalt, Colas
Stéphane Phavorin, Mère Simone
Simon Valastro, Alain
Alexis Saramite, Thomas, père d'Alain
Pierre-Arthur Raveau, Un danseur à la flûte
Ballet de l'Opéra
Orchestre de l'Opéra national de Paris
La Fille mal gardée, ballet en deux actes de Frederick Ashton d'après Jean Dauberval
J'ai malheureusement raté la nomination de ma danseuse préférée, Myriam Ould-Braham, au rang de danseuse étoile du Ballet de l'Opéra de Paris. D'autres y étaient (Le petit rat, Danses avec la plume, etc). Elendae a même filmé la nomination. Le surlendemain, passant près de l'Opéra après être allé acheter des partitions, j'eus le privilège de la croiser dans la rue en tenue de ville ; elle n'a probablement pas remarqué mon sourire émerveillé, occupée qu'elle était au téléphone. Jeudi, je pouvais enfin la voir dans le rôle de Lise dans La Fille mal gardée, un ballet que j'avais déjà vu il y a trois ans. Je me souviens qu'à l'époque cela aurait dû être ma première occasion de voir cette danseuse, mais, sans doute blessée, elle avait été remplacée par Dorothée Gilbert qui était accompagnée de Matthias Heymann, un couple que je vis alors deux soirs de suite.
Entretemps, Myriam Ould-Braham m'a procuré certaines de mes plus grandes émotions liées à la danse, le point culminant ayant été pour moi son interprétation du rôle de Naïla dans La Source. Mais il y eut aussi son unique Juliette et plus récemment sa Nikiya.
Le moins que l'on puisse dire est que sa Lise m'a charmé. Espiègle, légère, malicieuse, son personnage évolue sur scène sans que les efforts nécessaires à la danse soient visibles. Quelle joie de la voir danser avec son partenaire privilégié Josua Hoffalt ! Celui-ci m'a impressionné comme jamais. Quelle aisance !
Je ne me souvenais pas que la musique de ce ballet était aussi belle. Je ne sais pas si tous les ajouts aux partitions d'origine sont empruntés à Rossini ; en tout cas, sans que je sache identifier toutes les sources, plusieurs numéros font penser à son style. Que la musique m'ait davantage plu cette fois-ci qu'il y a trois ans tient peut-être à la direction musicale de Philip Ellis. Les vents ont été excellents. Heureusement, parce que la musique est presqu'un concerto pour flûte (et clarinette). À part les solos de violon qui m'ont agacé (comme souvent avec cette moitié de l'orchestre de l'Opéra), j'ai trouvé l'orchestre en grande forme.
2012-06-22 17:56+0200 (Orsay) — Culture — Musique — Opéra — Budapest
À l'automne, j'avais découvert la Symphonie Écossaise
à la sauce
Cleveland. J'avais sincèrement aimé. Et puis, j'entendis
à nouveau cette œuvre lors d'un concert de l'Orchestre de
Paris. Le plaisir d'écoute avait alors été tout autre. Une autre
métamorphose s'était produite avec le concerto pour piano nº2 de Bartók, joué par ce même orchestre sous la direction de Pierre
Boulez. J'avais aimé, mais là encore, quand les musiciens
du Budapest Festival Orchestra (dirigés par Iván Fischer) vinrent à
Pleyel pour l'interpréter, j'eus l'impression d'entendre une autre œuvre,
tellement supérieure à ce que j'avais entendu la première fois.
Entre le Ring donné en 2010 et 2011 à l'Opéra Bastille sous la direction de Philippe Jordan et celui que je viens d'entendre à Budapest avec Laurent et Klari, c'est le même genre de phénomène qui s'est produit, et ce sont encore des musiciens hongrois qui se distinguent par leur interprétation ! Je commence à souscrire à l'opinion de Klari selon laquelle les Hongrois auraient, du fait de leur langue, une prédisposition à bien jouer les accents. Le rythme de la musique n'en est que plus perceptible. Le phénomène est particulièrement frappant pour les contrebasses de l'orchestre symphonique de la radio hongroise, qui font mur au fond de la fosse, au centre. À chacune de leurs entrées, c'est comme si le sol se mettait à trembler tellement ils sont énergiques. Ils ont confiance en la solidité de leur archet et de leurs cordes. Parfois, c'est comme s'ils écrasaient celui-ci sur celles-là. Pour moi, c'est du jamais vu... Si les impressionnantes contrebasses sont les plus adorables à regarder (et le contrebassiste solo présent pour Das Rheingold et Die Walküre était époustouflant), les autres pupitres de cordes ne sont pas en reste. Les quelques moments de la tétralogie où seuls les instruments à cordes jouaient m'ont procuré un immense plaisir.
Les instruments à vents sont magnifiques également. Je ne sais si je dois cette sensation à la bonne acoustique de la salle ou au fait d'avoir vue sur les vents, mais pour la première fois j'ai pu apprécier certains aspects de l'orchestration de Wagner que je ne soupçonnais pas, notamment la modification du timbre des cordes par la superposition de vents (les flûtes tout particulièrement).
Le son parfois clair parfois inquiétant des cuivres (surtout quand ils jouent avec la sourdine) serait tout à fait inouï pour moi si un autre orchestre hongrois ne m'avait initié à ces sonorités dans Bartók. Dans la scène où Siegfried essaie de communiquer avec l'Oiseau, le cor anglais fera rire de bon cœur toute la salle en jouant (volontairement) faux. Passant juste après lui, le cor solo viendra impérialement jouer le motif de l'Appel du fils des bois, la salle retenant son souffle devant tant de majesté, alors que le musicien est comme seul au monde, sur scène, en habit. Avant chaque acte, une fanfare composée de quelques musiciens de l'orchestre interprétait formidablement bien quelque motif tiré de l'acte qui allait suivre. Lors de la toute dernière fanfare, alors que nous étions tous près d'eux, Klari, Laurent et moi n'avons pas pu nous retenir de continuer à applaudir alors qu'ils repartaient : nous avons eu droit à un salut et un merci rien que pour nous.
Ce serait mentir d'affirmer que l'orchestre ait été parfait pendant les quinze heures de musique de ce Ring, mais ils ont fait preuve de tant de qualités que les petites imperfections paraissent peu de choses par rapport au plaisir procuré. J'ai ainsi aimé voir les musiciens d'orchestre communiquer entre eux. À un moment, un contrebassiste un peu paniqué faisait désespérément signe à son co-pupitre de tourner la page. Le co-pupitre chargé des tournes, malgré une fatigue physique bien perceptible, essayait de le rassurer en lui montrant que le contrebassiste solo était à la même page qu'eux. On a aussi pu voir quelques chuchotements. Alors qu'avec d'autres orchestres, cela donne parfois l'impression que les instrumentistes se désintéressent passagèrement de la musique, avec ces musiciens hongrois, les chuchotis et autres gestes échangés me semblent au contraire le signe d'une envie de bien faire, de rassurer les uns et les autres, bref de faire corps pour affronter tous ensemble l'édifice musical wagnérien.
L'artisan de ce succès est le chef d'orchestre Ádám Fischer. Je l'avais déjà adoré dans La Clémence de Titus à l'Opéra Garnier en septembre dernier. Ici, il dirige parfois assis parfois debout. Dans le prélude de L'Or du Rhin commencé dans l'obscurité totale tout comme se finira Le Crépuscule des Dieux, il dirigera avec une loupiote rouge au bout de sa baguette. Si dès l'entrée dans la salle, j'eus le sentiment que je reviendrais à Budapest une autre fois, quand le Rhin a commencé à se manifester dans la musique, j'étais rassuré, conquis par la faculté de l'orchestre que je découvrais à m'émouvoir. Le retour du Rhin dans Götterdämmerung sera un autre grand moment pour moi. De telles extases musicales (à fort potentiel lacrimal), le chef et les musiciens nous en ont concocté un certain nombre :
Si j'ai beaucoup loué l'énergie des musiciens, l'interprétation n'en
étant pas pour autant moins analytique
, finalement. Certains détails
n'étaient certes peut-être pas autant mis en valeur que par d'autres chefs.
Pourtant, je n'en tire aucune frustration parce que j'ai entendu d'autres
détails insoupçonnés. J'ai eu le sentiment de bien rentrer dans l'univers
motivique de Wagner au cours des représentations des trois premiers
opéras : Das Rheingold, Die Walküre et
Siegfried. Il ne s'est alors pour ainsi dire pas présenté un seul
moment où je ne susse faire correspondre aux motifs entendus les idées
correspondantes. Je ne vise ici que ce qui était mis au premier plan du
flux musical. Il en est allé tout autrement dans Götterdämmerung :
j'ai très vite été complètement perdu tant les motifs sont en permanence
suggérés, empilés, réorchestrés.
Passons maintenant à la mise en scène, aux décors, etc. Les chanteurs (qui sont presque tous en habits) évoluent sur un dispositif scénique unique pendant toute la durée du Ring. Une estrade au milieu prolongée de quelques marches conduisant à une étroite passerelle collée à un large écran sur laquelle des vidéos sont projetées. Les comédiens ou chanteurs situés derrière l'écran paraissent parfois en ombres chinoises. La première image que je croie avoir vue est celle d'une méduse se transformant en la chevelure d'une fille du Rhin, laquelle reviendra à la fin du cycle. Pour le reste, les vidéos projetées ne semblent régies par aucune vision d'ensemble. Le Walhalla sera représenté comme un gratte-ciel dans Das Rheingold, et puis cette image disparaîtra complètement par la suite. Parmi les images marquantes, je retiens la tempête de neige sur quelque montagne au début de Die Walküre, la déchéance de Brünnhilde représentée par la vision du sol qui se rapproche à toute vitesse comme si on sautait du Walhalla en parachute. L'évocation du fil tissé par les nornes, le voyage sur le Rhin moderne en sont d'autres. La scène d'immolation de Brünnhilde sera intelligemment conçue également, puisque des flammes commenceront à paraître sur un des écrans à surtitres situé en hauteur.
Du point de vue de la mise en scène proprement dite, je n'ai rien vu qui puisse susciter l'adhésion totale ou le rejet absolu. Je pense qu'il faut considérer ces représentations comme des versions de concert améliorées. L'orchestre est tellement formidable que j'ai de toute façon eu du mal à détourner mes yeux de la fosse. Si je n'ai pas compris pourquoi ni Siegmund ni Siegfried n'a jamais brandi l'épée (alors que Wotan tenait sa lance), il m'a semblé avoir remarqué quelques bonnes idées dans cette mise en scène. Par exemple, la façon dont au début de Siegfried l'épée était représentée par une feuille de papier déchirée en deux morceaux sur lesquels étaient dessinés deux morceaux de l'épée (qui est brisée au cours de Die Walküre). Quand Siegfried aura l'idée de réduire l'épée en limaille avant de la forger à nouveau, il déchirera les deux bouts de papier de façon à obtenir de tout petits morceaux. C'est plutôt bien vu, je trouve.
Il me reste à parler des chanteurs. On ne va pas pinailler : je les ai tous trouvés excellents ! (La distribution détaillée apparaît à la fin de ce billet.) J'ai tout particulièrement aimé le ténébreux Walter Fink (Hunding), l'endurant Christian Franz (Loge/Siegmund/Siegfried), le touchant Juha Uusitalo (Wotan), l'attachant Hagen (Matti Salminen). J'ai été impressionné par le chœur des Walkyries répondant aux questions de Wotan à propos de Brünnhilde dans Die Walküre. Le chœur du Crépuscule des Dieux a été superlatif aussi... Enfin, dans le rôle de Brünnhilde, je découvrais Irène Theorin. Si son vibrato était quelque peu prononcé dans les acrobaties vocales du cri d'appel des Walkyries, elle a parfaitement réussi à m'émouvoir par la suite !
Ailleurs : Laurent (Das Rheingold, Die Walküre, Siegfried, Götterdämmerung), Klari.
Bartók Béla Nemzeti Hangversenyterem, Művészetek Palotája, Budapest — 2012-06-12
Juha Uusitalo, Wotan
Oskar Hillebrandt, Donner
Ladislav Elgr, Froh
Christian Franz, Loge
Németh Judit, Fricka
Szabóki Tünde, Freia
Kovácz Annamária, Erda
Hartmut Welker, Alberich
Gerhard Siegel, Mime
Walter Fink, Fafner
Bretz Gábor, Fasolt
Wierdl Eszter, Woglinde
Megyesi Schwartz Lúcia, Wellgunde
Mester Viktória, Flosshilde
Fischer Ádám, direction musicale
Hartmut Schörghofer, mise en scène et décors
Christian Martin Fuchs, dramaturgie
Teresa Rotemberg, chorégraphie
Corinna Crome, costumes et marionnettes
Andreas Grüter, lumières
Momme Hinrichs, Torge Møller (fettFilm), vidéo
Rebekka Stanzel, assistante à la mise en scène
Magyar Rádió Szimfonikus Zenekara
Das Rheingold, Wagner
Bartók Béla Nemzeti Hangversenyterem, Művészetek Palotája, Budapest — 2012-06-13
Christian Franz, Siegmund
Walter Fink, Hunding
Juha Uusitalo, Wotan
Michaela Kaune, Sieglinde
Irène Theorin, Brünnhilde
Németh Judit, Fricka
Wittinger Gertrúd, Helmwige
Szabóki Tünde, Gerhilde
Érsek Dóra, Waltraute
Várhelyi Éva, Siegrune
Mester Viktória, Rossweise
Bakos Kornélia, Grimgerde
Kovácz Annamária, Schwertleite
Fischer Ádám, direction musicale
Hartmut Schörghofer, mise en scène et décors
Christian Martin Fuchs, dramaturgie
Teresa Rotemberg, chorégraphie
Corinna Crome, costumes et marionnettes
Andreas Grüter, lumières
Momme Hinrichs, Torge Møller (fettFilm), vidéo
Rebekka Stanzel, assistante à la mise en scène
Magyar Rádió Szimfonikus Zenekara
Die Walküre, Wagner
Bartók Béla Nemzeti Hangversenyterem, Művészetek Palotája, Budapest — 2012-06-15
Christian Franz, Siegfried
Gerhard Siegel, Mime
Juha Uusitalo, Der Wanderer (Wotan)
Hartmut Welker, Alberich
Matti Salminen, Fafner
Gál Erika, Erda
Irène Theorin, Brünnhilde
Gál Gabi, Stimme eines Waldvogels
Fischer Ádám, direction musicale
Hartmut Schörghofer, mise en scène et décors
Christian Martin Fuchs, dramaturgie
Vida Gábor, chorégraphie
Corinna Crome, costumes et marionnettes
Andreas Grüter, lumières
Momme Hinrichs, Torge Møller (fettFilm), vidéo
Rebekka Stanzel, assistante à la mise en scène
Magyar Rádió Szimfonikus Zenekara
Siegfried, Wagner
Bartók Béla Nemzeti Hangversenyterem, Művészetek Palotája, Budapest — 2012-06-17
Christian Franz, Siegfried
Oskar Hillebrandt, Gunther
Matti Salminen, Hagen
Hartmut Welker, Alberich
Irène Theorin, Brünnhilde
Markovics Erika, Gutrune
Gál Erika, 1. Norne
Németh Judit, Waltraute, 2. Norne
Szabóki Tünde, 3. Norne
Wierdl Eszter, Woglinde
Megyesi Schwartz Lúcia, Wellgunde
Mester Viktória, Flosshilde
Fischer Ádám, direction musicale
Hartmut Schörghofer, mise en scène et décors
Christian Martin Fuchs, dramaturgie
Vida Gábor, chorégraphie
Corinna Crome, costumes et marionnettes
Andreas Grüter, lumières
Momme Hinrichs, Torge Møller (fettFilm), vidéo
Rebekka Stanzel, assistante à la mise en scène
Magyar Rádió Szimfonikus Zenekara
Götterdämmerung, Wagner
2012-06-20 00:18+0200 (Orsay) — Culture — Musique — Budapest
Le Müpa (et plus précisément le Bartók Béla Nemzeti Hangversenyterem) est une des salles de spectacle de Budapest. Depuis le centre de Budapest, on y accède par la ligne 2 du tramway : c'est la ligne qui longe le Danube. Le bâtiment inauguré en 2005 est moderne :
De nuit, il est beau à voir aussi :
L'intérieur peut paraître tarabiscoté, mais l'endroit est pratique et
agréable. Les spectateurs n'ont pas à se marcher sur les pieds pendant les
entr'actes d'une heure au cours des représentations du Ring. Divers
escaliers, escalators, ascenseurs permettent de rejoindre les différents
étages. Ce n'est qu'au dernier moment, avant d'accéder à son siège, que
l'on montre son billet à l'ouvreur. On a alors davantage l'impression de
demander un renseignement utile que de passer le contrôle
. On
circule librement dans les autres parties de la salle, ses nombreux cafés,
son restaurant (délicieux menu Wagner à 15€ pendant le Ring !). Les
comptoirs servent un large choix de boissons et de pâtisserie. L'atmosphère
générale est à la détente, ce qui aide aussi pour commander un Cappy
Narancs
(ou, plus difficile, un Cappy Őszibarack
). Il est
possible de manger et boire dans les multiples terrasses accessibles
(certains ont même apporté leur pique-nique). (Sinon, pour ceux que cela
intéresse, le Wifi gratuit fonctionne très bien. En arrivant le premier
jour, je l'ai utilisé pour accéder à Google Translate dans l'idée de
traduire les messages de la machine à imprimer les billets de spectacle.
Celle-ci ne parlait que hongrois... et refusa d'imprimer mes billets. Les
guichetières, qui elles parlent très bien anglais, ont réussi à régler
mon problème.)
Ce que j'apprécie tout particulièrement dans l'architecture du bâtiment, c'est l'omniprésence du bois. Il est bien sûr visible dans la salle proprement dite où il doit contribuer à l'acoustique :
(Noter la présence d'un curieux assemblage de gros blocs de bois suspendus plus ou moins au-dessus de la fosse d'orchestre. Outre une fonction esthétique, je présume qu'ils doivent avoir une influence bénéfique sur les sensations acoustiques des spectateurs assis au parterre.)
Le bois est tout sauf caché, comme on peut le voir sur cette photographie montrant les musiciens de la fanfare annonçant la reprise de la représentation à la fin du premier entr'acte de Siegfried :
Ci-dessus, les musiciens sont installés au niveau du premier balcon sous la coque en bois entourant la salle de spectacle comme un cocon. Pour accéder à la terrasse, on peut passer par des escaliers-galeries dans lesquels on est entouré de bois dans toutes les directions (ou presque, seul le tapis recouvrant les marches est fait d'un autre matériau, évidemment plus souple).
Les sièges sont confortables et les rangs semblent bien aérés. On ne risque pas de se faire mal aux genoux. Le surtitrage est bilingue hongrois-allemand. Un deuxième dispositif de surtitrage est présent pour permettre aux spectateurs qui ne verraient pas le premier de pouvoir suivre le texte.
Au fond de la scène, au premier étage, on voit les tuyaux d'un orgue qui est paraît-il du dernier cri (en tout cas, comment ne pas le penser en visionnant cette vidéo ‽). Il serait à commande électronique. L'organiste peut ainsi en jouer tout en étant sur scène dans une position qui permette aux spectateurs de le voir, comme on peut l'observer sur cette vidéo de concert.
⁂
Fréquenter un tel havre musical pendant une semaine rend très difficile le retour à la réalité parisienne. Il me faudra un certain temps pour apprécier à nouveau la Salle Pleyel, qui est pourtant la salle de concert parisienne que je préfère. Le retour au stress parisien a en effet été trop brutal pour moi. Dans le métro, j'ai l'impression que tout le monde veut me rentrer dedans. Au concert de lundi dernier, une ouvreuse de Pleyel insiste auprès d'une certaine petite équipe de blogueurs franco-budapestois papotant dans le hall pour que chacun rejoigne sa place. On se bouscule dans les escaleirs, dans les allées, dans le foyer... J'ai ainsi été soulagé de partir à l'entr'acte de ce concert LSO/Haitink/Pires. Ceci étant dit, la raison principale de ma fuite a été ma fatigue. Le concerto nº23 de Mozart m'a paru tellement court que je ne pense pas être resté éveillé tout du long. Avant cela, j'avais été très agréablement surpris par l'interprétation de la Chaconne en sol mineur de Purcell. Certes, il s'agit de musique anglaise jouée par un orchestre anglais, mais il est remarquable qu'un orchestre non spécialisé dans la musique baroque joue aussi bien une telle œuvre (pour instruments à cordes uniquement).
Pour finir ce billet, voici une vue sur le Danube depuis une des terrasses du Palais des Arts :
2012-06-19 09:41+0200 (Orsay) — Culture — Musique — Danses indiennes — Budapest
Liszt Ferenc Kamaterem Concert Hall, Budapest — 2012-06-16
Ilona Prunyi, piano
Ádám Banda, violon
Ditta Rohmann, violoncelle
Trio en si bémol majeur, op. 97 (Beethoven)
Samedi soir, je suis allé au Liszt Ferenc Kamaterem Concert Hall, à quelques pâtés de maison de l'appartement, lequel se trouve aussi tout près d'une rue dont les bâtiments sont criblés d'impacts de balles...
Je suis arrivé un tout petit peu en avance au concert qui avait lieu dans le cadre du festival Múzeumok Éjszakája. J'ai ainsi pu entendre depuis l'extérieur de la salle des frappes de mains sur les cuisses et des pieds sur le sol d'un groupe de 14 jeunes danseurs que j'ai vus ensuite quand j'ai pu me faufiler vers un siège à la faveur d'une brève ouverture de la porte entre deux numéros dansés. Les quelques minutes de danse que j'ai vues étaient particulièrement virtuoses, la jeunesse et la souplesse des danseurs d'une vingtaine d'années aidant.
C'était plus impressionnant que ce que Klari et moi avons pu voir sur la place devant la Maison Gerbeaud au cours de l'après-midi où différents ensembles de danses folkloriques se succédaient sur une scène aménagée pour l'occasion. De façon tout à fait inattendue, on a aussi pu voir quelques minutes de danse kathak !
Pour revenir au concert de musique de chambre, la salle de cent places est très belle. Les murs sont d'un blanc immaculé. Au fond de la scène, une peinture monochrome représente notamment Apollon et sa lyre. La pause entre les deux spectacles et le départ de certains spectateurs me permet de me replacer au premier rang, juste en face de la chaise du violoniste Ádám Banda. Cela me permettra aussi d'apprécier le jeu de la violoncelliste qui sera assise à droite. Le clavier du piano sera également en plein dans mon champ de vision. Pendant que l'accordeur de piano finit son œuvre, j'aperçois un petit groupe de jeunes à dreadlocks entrer pour écouter un trio de Beethoven !
Grâce aux indications de Klari, je savais que le violoniste Ádám Banda était assez jeune. La violoncelliste Ditta Rohmann appartient à la même génération (j'apprends en lisant sa biographie qu'elle a déjà joué dans le Chamber Orchestra of Europe et contrairement à ce que son nom peut faire penser, elle est née en Hongrie). Au piano, Ilona Prunyi doit avoir plus de deux fois l'âge des deux précédents. Un certain sentiment d'irréalité s'était emparé de moi quand elle était sortie de la coulisse dans sa très sobre robe bleue à pois blancs. Toutefois, la différence d'âge entre les musiciens ne semble absolument pas un obstacle à leur bonne entente. Les thèmes se passent de l'un à l'autre. Parfois, je suis incapable de dire si certains accords sont le fait de notes jouées en double corde par le violon ou s'ils combinent le son des instruments des deux jeunes musiciens. La façon dont le violoncelle reprend délicatement certaines notes des thèmes joués par le violon est un véritable ravissement pour moi. La violoncelliste a un jeu un peu plus rond que celui du violoniste dont les accents étaient plus marqués, tout comme ses adorables grimaces, que je n'ai vues que de profil.
Au delà des deux jeunes musiciens assis au premier plan, j'ai été frappé par la cohésion du trio tout entier. De ce point de vue-là, la fin du premier mouvement a été absolument merveilleuse. La pianiste dispose par ailleurs d'une sidérante technique pour jouer les crescendos !
S'il ne m'eût pas déplu que le concert durât plus longtemps, j'ai été content qu'aucun bis ne vienne effacer le souvenir de l'unique œuvre qui venait d'être jouée. J'ai été très heureux de pouvoir continuer grâce à ce concert inattendu ma découverte progressive de la musique de chambre de Beethoven.
2012-06-10 01:10+0200 (Orsay) — Culture — Musique — Opéra
Opéra Garnier — 2012-06-09
Sarah Connolly, Phèdre
Anne-Catherine Gillet, Sophie
Andrea Hill, Diane
Jaël Azzaretti, L'Amour
Salomé Haller, Oenone
Marc Mauillon, Tisiphone
Aurélie Legay, La Grande Prêtresse de Diane/Une chasseresse
Topi Lehtipuu, Hippolyte
Stéphane Degout, Thésée
François Lis, Pluton/Jupiter
Nicholas Mulroy, Première Parque
Aimery Lefèvre, Arcas/Deuxième Parque
Manuel Nuñez Camelino, Un suivant/Mercure
Jérôme Varnier, Neptune/Troisième Parque
Sydney Fierro, Un chasseur
Marc Barret, Emilie Bregougnon, Anna Chirescu, Angèle Fontaine, Sébastien Montagne, Anne-Sophie Ott, Léa Perat, Gilles Poirier, Raphaël Rodriguez, Artur Zakirov, Danseurs
Emmanuelle Haïm, direction musicale
Ivan Alexandre, mise en scène
Antoine Fontaine, décors
Jean-Daniel Vuillermoz, costumes
Hervé Gary, lumières
Natalie Van Parys, chorégraphie
Xavier Ribes, chef du chœur
Orchestre et Chœur du Concert d'Astrée
Hippolyte et Aricie, Rameau
Une production tradi comme c'est pas permis. Je n'avais pas vu ça depuis Cadmus et Hermione à l'Opéra Comique (et un Egisto de sinistre mémoire à l'Athénée). Cependant, c'est plutôt bien fait, dans le genre. À part quelques plates-formes pour faire descendre les Dieux des cintres (doivent-ils rester tout là haut pendant 1h30 en attendant leur tour, ou ont-ils un moyen de monter-descendre sans passer par la scène ?), les décors sont uniquement constitués de toiles peintes. Il y en a une profusion. J'ai comme l'impression d'avoir vu une superproduction époque Louis XV.
Le texte de l'abbé Simon Joseph Pellegrin est très bien fichu. Il mélange différents types de mètres : alexandrins et octosyllabes, surtout. La musique de Rameau est belle et variée. Elle est bien jouée par le Concert d'Astrée. (Cela dit, depuis un certain concert dirigé par Jordi Savall, je sais que cela pourrait être meilleur encore.) J'ai particulièrement aimé les moments où on s'éloigne du récitatif typiquement lullyste et où le rythme des parties vocales s'accélère. On entend plein de façons différentes de mettre en musique des alexandrins sur des mesures à quatre temps. C'est assez amusant à suivre. Une des façons qui m'ont plu était particulièrement adaptée aux vers qui se découpaient naturellement en quatre fois trois syllabes. Le rythme du texte s'en trouvait accentué et les syllabes qui se retrouvaient ainsi rallongées étaient souvent très ornementées.
Parmi les chanteurs, j'ai particulièrement apprécié Anne-Catherine Gillet (Aricie), Stéphane Degout (Thésée) et surtout Jaël Azzaretti, superbe Amour (notamment dans les acrobaties vocales du trio avec violon et flûte évoquant le chant des oiseaux). J'ai bien aimé le chœur et le trio (masculin) des Parques était merveilleux.
La mise en scène est très statique. La chorégraphie des ballets purement décorative. Il ne tient qu'à la musique que je ne me sois pas ennuyé...
Ailleurs : David, Grignotages.
2012-06-08 21:00+0200 (Orsay) — Culture — Musique — Culture indienne — Dhrupad
J'ai commencé à prendre des cours de chant dhrupad en février. J'ai déjà décrit mes impressions à chaud après un premier cours et une journée de stage.
Pour le moment, en cours, nous faisons essentiellement trois types d'exercices. Le premier type d'exercice, que nous faisons toujours en début de séance consiste à bien assimiler les notes de la gamme, en montant, en descendant ou en faisant quelques détours, toujours en prononçant le nom des notes : Sa, Re, Ga, Ma, Pa, Dha, Ni, Sa. Cela peut être dans le mode majeur standard, la seule différence étant que les notes ne sont plus appelées do, ré, mi, fa, sol, la, si, do ; cela peut aussi être dans un raga spécifique (depuis quelques semaines, c'est Bhairav, cf. le billet de Klari sur le concert de Nirmalya Dey). Un autre type d'exercice consiste à reproduire des phrases musicales qui pourraient faire partie d'un Alap. Pour le moment, ces phrases font rarement intervenir plus de trois ou quatre notes, mais il faut faire particulièrement attention au phrasé et dans la phase d'écoute, il faut aussi s'entraîner à reconnaître les notes. Je suis loin d'être au point de ce côté-là, mais il y a du progrès : cela me fait un peu moins paniquer maintenant qu'au tout début.
Le troisième type d'exercice consiste en le fait de travailler une composition de dhrupad, sans chercher à improviser, pour le moment... La première que nous avons étudiée est dans le Raga Yaman. Le Ma est un Tivra Ma (noté ma). Autrement dit, le fa est remplacé par un fa# et c'est la seule altération. Pour autant, il ne faut pas croire que c'est un morceau en sol majeur, pas plus qu'en mi mineur (consultez votre musicien-musicologue préféré pour plus de détails sur les modes).
Voici une retranscription (approximative) en devanagari d'une transcription latine du texte en Braj Bhasha (une langue proche du hindi) :
भज मन करुणा निधान
सुखसँ पद एकदम
शरण गत वत्सल प्रभु
पूराता सब मन सुखाम
Vu les quelques mots que je puis trouver dans mon dictionnaire de hindi, il est manifestement question d'une divinité importante (Krishna ?), qui n'est toutefois pas explicitement nommée.
Quand je travaille cette composition tout seul, j'aime bien savoir si
les notes que je chante sont en quelque sorte corrélées avec les notes
prévues... En faisant l'acquisition de mon piano électrique, j'avais acheté
un métronome (électrique aussi). Je désespère d'arriver à faire honneur à
la vocation première de ce gadget. J'utilise en effet bien davantage son
autre fonction Tuner
, qui est en fait double. L'engin peut d'une
part jouer un son pur à une certaine hauteur et d'autre part reconnaître la
note que quelque quidam jouerait à proximité ; c'est cette
dernière fonction que j'utilise. Une belle lumière
verte s'allume quand la note est juste ; sinon, des flèches indiquent dans
quel sens on joue faux. Cela ne fonctionne pas trop mal avec ma voix.
Cependant, quand je tiens une note un certain temps, l'appareil détecte la
bonne note au début, puis tend à afficher la note située une quinte
au-dessus. Autrement dit, l'appareil entend un peu trop les
harmoniques...
Même si je ne suis pas expert en traitement du signal, je sais ce qu'est une transformée de Fourier, donc je me suis décidé à faire un petit programme affichant non seulement la note jouée, mais la courbe parcourue dans le temps ! puisque comme je l'avais remarqué lors du stage de début février, en chant dhrupad, la courbe est tout sauf anguleuse. Voici ce que cela donne quand je chante :
(Stricto sensu, je n'ai pas représenté la courbe mais une suite de points...)
Le temps s'écoule vers la droite, les notes les plus hautes sont en haut. Les lignes horizontales correspondent aux notes du raga (dont j'ai indiqué à gauche les noms). La fondamentale (Sa) est en rouge. Une quinte au-dessus, le Pa est en bleu. Les autres notes sont en pointillés (entre deux notes consécutives, les intervalles font ici soit un demi-ton soit un ton, mais cela peut être différent dans d'autres ragas, et dans ce Raga Yaman, on peut signaler que la gamme ascendante commence par le Ni et passe directement au Re en omettant le Sa, ce qui fait un intervalle d'un ton et demi...). Le Sa de base est pour moi à peu près une octave en dessous du do du milieu du clavier (là, il se trouve que c'était un si, peu importe, ça doit être mon côté baroqueux). Sous le graphique, j'ai mis une transcription approximative de ce que j'essaie de chanter (le Sa étant représenté par un do). La portée et le graphique sont vaguement alignés. Le tala est ici Chautal. C'est un cycle à 12 temps dont j'ai représenté en pointillés sur la portée les subdivisions en trois parties représentant chacune quatre temps. (Chaque temps doit faire environ 1 seconde et demie.)
Au début des cours, en première approximation, dans le karuna
du
milieu, on ne chantait que les notes ma-ma-pa.
Plus d'une fois sur deux, la proximité entre les deux notes faisait que je
tombais directement sur le pa. Progressivement, j'ai pu faire la petite
glissade du ma vers le ga.
La note suivante sur la syllabe ru
est très ornementée aussi, je ne
saurais même pas comment la noter sur la partition. La hauteur monte un peu
jusque vers le pa, puis on est censé se poser sur le ma. On peut voir ici que je me
suis posé un peu trop haut. (Presque tous les ma que vous verrez plus bas seront
un peu faux aussi, chacun différemment.)
Dans le dernier tiers du cycle, on a un petit glissando du ma vers le ga. Au début, je le faisais un peu vite, maintenant je peux le faire durer un temps comme ci-dessus comme le fait la prof sur l'enregistrement qu'elle nous a envoyé.
Dans le premier tiers de ce deuxième cycle, la syllabe sam
est
nasalisée et il faut glisser en faisant attention à s'arrêter sur le ma avant de se reposer
tranquillement sur la rassurante note pa. Il faut en effet attaquer une
phrase rigolote sur le mot ekadama
où l'on ne s'arrête pour ainsi
dire pas de glisser d'une note à une autre...
Ici aussi, la notation est imparfaite. La double glissade ga-re-ga ne
concerne semble-t-il que la voyelle a de la syllabe na
, le n
devant être à une hauteur que je ne suis pas sûr de bien saisir (ni, ou
sa ?).
Encore un ma un peu faux avant de jouer aux montagnes russes sur les notes aiguës.
(Si vous voulez voir la courbe toute entière, cliquez-ici. Ceci vaut aussi pour les quatre portées de la partition.)
2012-06-05 10:13+0200 (Orsay) — Culture — Musique
Salle Pleyel — 2012-06-04
Hana Blažíková, soprano
Johannette Zomer, soprano
Robin Blaze, alto
Gerd Türk, ténor
Peter Kooij, basse
Bach Collegium Japan
Masaaki Suzuki, direction
Messe en si mineur, BWV 232, Johann Sebastian Bach.
J'assistais ce soir à ma cinquième Messe en si mineur. La dernière remontait à novembre 2008. À part cette note de blog, je n'en ai aucun souvenir. Je n'ai pas oublié celle dirigée en février 2008 par Hervé Niquet. Ma mémoire a oublié celle de 2006. La première, en 2004, je m'en souviens encore un peu...
En parcourant la brochure de la saison 2011/2012 il y a déjà plus d'un an, j'avais coché immédiatement le concert de ce soir. C'était un des concerts de l'année que j'attendais le plus. En entendant le Bach Collegium Japan il y a quatre ans au TCE, j'avais été particulièrement enthousiasmé par le chœur. Je me réjouissais de l'entendre à nouveau et de voir Masaaki Suzuki diriger puisque ma place était à l'arrière-scène.
Pour moi, ce n'est pas le concert de l'année : la place est déjà doublement prise. Ce n'est que mon deuxième concert Bach de 2012, après La Passion selon Saint Matthieu dirigée par Marc Minkowski. Les cimes atteintes ce soir sont à mon avis à la même hauteur, mais il ne s'agit pas des mêmes montagnes ! Les œuvres et les interprétations sont en effet très différentes : la Saint Matthieu était très incarnée, cette Messe en si très éthérée. C'est très bien ainsi !
C'est avant tout le chœur qui m'a impressionné. En comptant les solistes, on dénombre en tout une vingtaine de chanteurs. Dès les premières secondes du Kyrie eleison, je suis aux anges. Le sommet émotionnel sera atteint pour moi dans le Sanctus. Dans la plupart de ces numéros choraux, j'apprécie la façon dont les différents parties du chœur se mettent à chanter, apparemment toujours dans le même ordre : basses, ténors, altos, sopranos. Et puis, un savant enchevêtrement se met à onduler dans des phrases très élaborées. Il me semble que l'on glisse pas mal d'une note à l'autre. Aucune discontinuité ne vient interrompre des phrases parfois invraisemblablement longues : c'est l'avantage d'avoir plusieurs chanteurs pour chaque voix ? Globalement, cela me procure une étonnante impression de surplace et de mouvement, tout à la fois.
Si mon placement à l'arrière-scène ne m'empêche nullement d'apprécier le chœur, il occulte assez largement les voix des chanteurs solistes. Parmi eux, j'ai été content de réentendre le contre-ténor Robin Blaze dont j'ai particulièrement aimé le Qui sedes ad dextram Patris (qui est en vérité un duo entre le chanteur et un hautbois). La basse Peter Kooij m'a paru assez terne dans le Quoniam tu solus sanctus (le seul numéro dans lequel apparaît le cor naturel, impressionnant, le corniste faisant plein de trucs louches avec sa main droite), mais mon impression s'est inversée dans le Et in Spiritum Sanctum (la présence d'un duo de hautbois dans ce numéro aide peut-être aussi).
Le chef Masaaki Suzuki dirige en ayant une attention toute particulière pour le chœur. Si les violons et les instruments à vents prennent souvent le dessus, mon placement me permet de distinguer le son de l'orgue, ce qui est assez remarquable. Si on ne trouve pas de récitatifs comme dans les cantates (comme Laurent me le faisait observer à l'entr'acte), le continuo (orgue, violoncelles, violone=gros violon~contrebasse]) devient la partie la plus importante de l'orchestre dans quelques uns des numéros de l'œuvre.
Les solistes d'à peu près tous les pupitres ont eu l'occasion de se distinguer au fil de l'œuvre. J'ai déjà mentionné les hautbois, le cor (qui était secondé par les bassons) et le continuo. Dans les mouvements les plus rapides, on ne pouvait rater ni les trompettes ni les timbales. Dans le Laudamus te, il y eut un fort beau solo de violon. Le meilleur solo instrumental sera à mon goût celui de la flûtiste (Kiyomi Suga ?) dans le Benedictus ; oh là là, ce motif ascendant de quatre notes au rythme incertain !
Le public a réagi de façon extrêmement enthousiaste à la fin des deux parties du concert ! J'espère que je n'aurai pas à attendre encore quatre ans pour écouter à nouveau cet ensemble...
2012-06-02 01:44+0200 (Orsay) — Culture — Musique
Salle Pleyel — 2012-06-01
Philippe Aïche, violon solo
Orchestre de Paris
Ingo Metzmacher, direction
Jean-Frédéric Neuburger, piano
Thomas Goepfer, réalisation informatique musicale Ircam
Julian Aléonard, ingénieur du son Ircam
Atmosphères, György Ligeti
Echo-Daimónon, concerto pour piano, orchestre et électronique en temps réel, Philippe Manoury (création)
Lontano, György Ligeti
Adagio de la Symphonie nº10, Mahler
Arrivant à la Salle Pleyel juste après un cours de dhrupad, j'avais encore en tête les notes d'une composition en Raga Bhairava quand je me suis installé pour ce qui sera mon avant-dernier concert de l'Orchestre de Paris avant les vacances. Le dernier sera le 28 juin. Pour tout dire, j'avais acheté une place pour ce dernier concert il y a quelques semaines en pariant sur le fait que mon contrebassiste préféré jouerait lors de ce programme (si vous vous demandez pourquoi j'en fais tout un foin, c'est qu'il prend sa retraite...). À l'issue du concert de ce soir, le café Beaucour était envahi de musiciens de l'orchestre de Paris, et surmontant ma timidité, aidé en cela par Klari, je suis allé le voir, et après qu'il m'a autographié mon programme, il a confirmé ce fait.
Avoir Bernard Cazauran dans son champ de vision lors d'un concert de l'Orchestre de Paris, cela transfigure une expérience de spectateur. Cela avait sauvé ma soirée lors du concert Mozart avec Christoph Eschenbach. Cette perfusion de bienveillance et de bonne humeur n'est pas nécessaire pendant les deux Ligeti Atmosphères et Lontano, superbes. Je ne connais que trop mal ce compositeur et c'est dommage ; merci toutefois à Stanley Kubrick d'avoir utilisé sa musique dans plusieurs de ses films... Par contre, pendant le concerto Echo-Daimónon de Philippe Manoury dont c'était la création, les nombreux regards amusés que les musiciens se lançaient les uns aux autres, l'expert en la matière étant bien sûr notre cher contrebassiste solo, cela place le spectateur témoin de ces œillades que je suis dans les meilleures conditions. Si je n'ai pas adoré le concerto de Manoury, je ne l'ai pas détesté non plus. Il a juste duré deux fois plus longtemps que les 20 minutes annoncées... Plein de percussions amusantes. Un jeune pianiste, Jean-Frédéric Neuburger, secondé par des pianos fantômes apparaissant par quelque diablerie électronique.
Le chef Ingo Metzmacher me fait penser au bouillonnant Andris Nelsons qui avait dirigé l'Orchestre de Paris en janvier (Eine Alpensinfonie notamment) et un Tristan et Isolde en mars. Si sa façon de diriger inclut des gestes indéchiffrables ou surexpressifs tout comme Andris Nelsons, la façon de faire d'Ingo Metzmacher est moins extravertie. C'est avec souplesse et régularité qu'il bat la mesure de sa main droite (comptant même avec ses doigts de 1 à 7 !). Bref, on dirait un sorcier-dompteur d'orchestre. Le principal est que cela semble fonctionner ! y compris dans le Mahler, intelligemment enchaîné à Lontano de Ligeti.
2012-05-27 12:05+0200 (Orsay) — Culture — Musique
Salle Pleyel — 2012-05-24
Roland Daugareil, violon solo
Orchestre de Paris
Paavo Järvi, direction
Maskarade, ouverture (Carl Nielsen)
Alexander Toradze, piano
Concerto pour piano nº2 en fa majeur, op. 102 (Chostakovitch)
Mari Eriksmoen, soprano (Solveig)
Ann Hallenberg, mezzo-soprano (Anitra)
Arnaud Denis, récitant, Peer Gynt
Aurore Bucher, Laure Holm, Cécile Achille, sopranos (Les Bergères)
Chœur de l'Orchestre de Paris
Lionel Sow, chef de chœur
Peer Gynt, musique de scène, pour récitant, solistes et chœur, op. 23 (Edvard Grieg)
Ce concert de l'Orchestre de Paris est sans doute un des meilleurs de la saison. Il avait pourtant commencé par un gros truc informe, l'ouverture Maskarade de Carl Nielsen, heureusement assez courte. Les choses sérieuses commencent avec le deuxième concerto pour piano de Chostakovitch interprété par Alexander Toradze, que l'on voit battre violemment la mesure avec son pied droite pendant les mouvements rapides. Bien qu'assez brève (vingt minutes environ), l'œuvre est très contrastée. Mon mouvement préféré a été le mouvement lent. Très envoûtant, il met en valeur les cordes graves de l'orchestre. J'aime aussi les rythmes ternaires qu'on y entend et la façon dont le temps semble se suspendre avant que le pianiste attaque une nouvelle note. Je suis presque jaloux des spectateurs du mercredi qui ont pu entendre à nouveau ce mouvement en bis. Jeudi, c'est le troisième mouvement qui a été bissé. Comme le premier mouvement, ce troisième mouvement qui s'enchaîne au deuxième est très spectaculaire ! La musique ne s'était pas encore arrêtée que le pianiste était déjà debout pour aller embrasser le chef Paavo Järvi.
Après l'entr'acte, on joue Peer Gynt (prononcer pair
gunt
) de Grieg. Cela me renvoie à un de mes premiers souvenirs de
musique classique. Je me rappelle un cours de musique au collège dans
lequel la professeure nous fit écouter le fameux extrait Atmosphère
matinale de la première suite pour orchestre extraite de Peer
Gynt. Au disque, je ne connaissais cette musique que via ces
deux suites pour orchestre. Dans ce concert, c'est la quasi-intégralité de
la musique de scène qui est jouée, dans une version mise au point par le
chef d'orchestre Paavo Järvi et le directeur artistique de l'orchestre
Didier de Cottignies. Les parties chantées le sont dans la langue d'origine,
le norvégien 1. Entre les différents numéros musicaux, le texte interprété
par le comédien-récitant Arnaud Denis est en français, de même que les
parties parlées intervenant à des endroits précis de la musique
(mélodrame).
Cette version faisant environ 75 minutes alors que les deux suites n'en
font que 35, je découvre une bonne partie de la musique. Le premier numéro
fait déjà entendre des thèmes que l'on réentendra plus loin, en particulier
la mélodie de la chanson de Solveig. C'est aussi l'occasion d'entendre un
magnifique solo de l'altiste Ana Bela Chavez. Le premier violon Roland
Daugareil se distinguera aussi dans deux solos. Ce qui était déjà évident
depuis le début du concert et qui me frappe encore dès les premières
minutes de cette deuxième partie du concert, c'est l'énergie et la
conviction de tous les musiciens. En particulier, au deuxième rang des
violoncelles, je crois deviner la très investie Delphine Biron. Au début du
numéro 4 Peer Gynt et les bergères, j'ai l'impression d'entendre
un extrait du Vaisseau fantôme de Wagner. Peer Gynt rencontre
trois bergères qui parlent assez vertement des trolls, lesquels sont
évoqués dans la musique par un rapide motif ascendant des flûtes. Plus
loin, ces drôles de créatures seront illustrées par les bassons au début du
morceau Dans l'antre du roi de la montagne. Vient ensuite un
crescendo et une accélération de malades. Du coup, quand le chœur chante
Slagt ham! (Tuez-le !)
, les choristes ont beau être plus de
cent, on n'entend à peu près rien... Globalement, je suis assez déçu par
les parties chorales. Du point de vue mélodique, ce n'est pas très
exaltant. Harmoniquement non plus, puisqu'à très peu d'exceptions près, le
chœur est semble-t-il toujours à l'unisson... (En tout cas, c'est ce qui
est marqué dans la partition.)
Après avoir été poursuivi par les trolls, avoir rencontré le Courbe (un
étrange personnage interprété par une voix invisible), vu sa mère Åse
mourir, au début de l'acte IV, Peer Gynt se retrouve sans transition au
Maroc. On entend le fameux Au matin (nommé Atmosphère
matinale plus haut). La mezzo-soprano Ann Hallenberg (Anitra) et le
chœur interprètent ensuite la danse arabe. Alors que Peer Gynt se fait
passer pour un prophète, Anitra le délaisse. Peer Gynt la traite de
salope
, ce qui déclenche quelques réactions dans la salle. Et puis
la ravissante soprano Mari Eriksmoen entre en scène pour interpréter
magnifiquement la chanson de Solveig...
L'acte V commence de façon très spectaculaire. C'est une scène de tempête et de naufrage. Outre certains motifs rythmiques, je remarque de jolis chromatismes. Celui que j'ai préféré apparaît ci-dessous. Il était joué d'abord par les flûtes et les cordes. Que ce soit en montant ou en descendant, deux notes consécutives ne sont séparées que d'un demi-ton :
La tempo a été invraisemblablement rapide dans ce numéro ! En effet, je me rends compte à la réécoute qu'il m'est difficile de clapper ce rythme, même avec un seul clap par mesure... Sachant que chaque mesure est divisée en 6 croches, la tâche des musiciens me paraît presque surhumaine...
Après un rappel de la chanson de Solveig intervient une longue Scène
nocturne au cours de laquelle Peer Gynt rencontre les pensées qu'il
n'a pas eues, les mots d'ordre qu'il n'a pas dictés, les chansons qu'il n'a
pas chantées, les pleurs jamais versés, les actes qu'il n'a pas fait. On
entend encore de jolis chromatismes dans cette scène. À un moment j'ai
l'impression d'halluciner, mais alors que Peer Gynt dit Ce sont des voix
d'enfants qui pleurent
, on entend une citation du motif du cygne de
Lohengrin (et de Parsifal), qui n'est qu'une suite de
deux accords, mais ils sont comme par hasard dans la même tonalité que chez
Wagner ! Peer Gynt finit par mourir, bercé par la voix de Solveig. L'œuvre
se finit de façon apaisée et Paavo Järvi parvient à faire observer un
silence respectueux au public.
Ailleurs : Paris — Broadway, Andante con anima, Palpatine, Grignotages.
Ce concert est disponible à la réécoute sur Cité de la musique Live jusqu'au 23 septembre 2012.
[1] Quelques jours plus tard, lisant Palpatine, je me souviens qu'effectivement, comme il le dit, certaines phrases chantées, celles des bergères au moins, étaient en français.
2012-05-22 00:43+0200 (Orsay) — Culture — Musique
Église Saint-Roch — 2012-05-11
Michaël Francois, ténor
Chant des Marais, Hymne européen de la Déportation
Orchestre des Concerts Gais
Marc Korovitch, direction
Symphonie nº4 en mi bémol majeur dite “Romantique” (Anton Bruckner)
Cela faisait une petite éternité que je n'étais pas allé à l'église Saint-Roch. La dernière fois, c'était il y a trois ans pour un concert de cantates de Bach. L'acoustique de l'église, à l'invraisemblable réverbérationionion est plus adaptée au répertoire baroque qu'au massif Bruckner. En prenant le passage Saint-Roch longeant l'église quelques dizaines de minutes avant le début du concert, j'ai l'impression d'entendre le son d'un orgue. Étrange, s'agissant de musiciens faisant des derniers raccords pour la quatrième symphonie de Bruckner.
J'entre en même temps que Hugo, et avant que Klari nous rejoigne (la file d'attente à l'extérieur étant très longue) le chef Marc Korovitch vient me serrer la pince, disant en plaisantant qu'il faut savoir aller saluer ses critiques. Malgré cette basse flatterie et la présence de Djac et Zvezdo chez les altos (que je ne vois pas depuis ma place), c'est en toute objectivité que je peux dire avoir véritablement adoré ce concert !
Depuis le premier mouvement et jusques après le concert, j'ai gardé en
tête le rythme du tîtâ-tatata-tîtâ-tatata-...
: cinq noires tenant
dans une mesure de 2/2 : deux noires suivies d'un triolet de noires. Un peu
plus loin, les cordes nous invitent à dansouiller sur un
titi-tââmmm-titi-tâti-chut-titi-tââmmm-... Dans cette orchestration à la
Wagner, les ornementations en formes de trilles me paraîtront assez
incongrues, mais il y en a aussi chez Wagner, alors pourquoi pas... Plus
loin, les thèmes qui viennent d'être introduits se mélangent et à l'écoute
du concert, alors qu'à peine cinq minutes se sont écoulées depuis le début
de cette symphonie, je suis déjà aux anges.
Dans la conduite rythmique, j'apprécie les courts points d'orgue et les
accélérations. De ce point de vue, la fin de ce premier mouvement est très
spectaculaire. Quand je vois le chef agiter ses bras de plus en plus vite,
je me demande jusqu'où cela va aller ! En plus, non seulement cela
accélère, mais on pourra lire sur la partition so stark als
möglich
. Bref, c'est du lourd ! Le deuxième mouvement, lent,
comporte aussi quelques passages exaltés. Le troisième mouvement est un
charmant Scherzo mettant beaucoup en valeur les cuivres, mais
aussi les vents, et puis je me repère dans le rythme grâce aux
pizz. des violoncelles et des contrebasses. La façon d'utiliser
les instruments à vents me rappelle quelque peu la Symphonie
pastorale de Beethoven. Ceci étant, ce mouvement comporte plusieurs
retours sur le spectaculaire ensembles de cuivres du début sur lequel il se
conclut aussi. Dans le quatrième mouvement, très impressionnant (l'énergie
déployée par les contrebassistes était décuplée), on retrouve un peu tout
ce qui a précédé (entre autres le fameux rythme 2+3). (J'ai quelque peu
perdu la notion du temps pendant le bis, j'ignore quelle proportion de ce
mouvement a été rejouée...)
Alors, certes l'acoustique de l'église Saint-Roch n'était pas idéale pour cette œuvre, c'est le moins que l'on puisse dire, mais j'ai pris énormément de plaisir à écouter cet orchestre amateur ! (Mention spéciale au cor solo et au flûtiste !) C'était la première fois que j'entendais du Bruckner ; j'ai bien envie de retenter l'expérience...
Ailleurs : Les explications indispensables de Djac Baweur.
2012-05-20 11:26+0200 (Orsay) — Culture — Musique — Opéra — Danse
Opéra Garnier — 2012-05-19
Toshiro Mayuzumi, musique
Maurice Béjart, chorégraphie
Nuno Corte-Real, décors et costumes
Tatsuo Takasawa, lumières
Fumitake Ichikawa, réalisation sonore
Haruo Goto, Le Jeune homme moderne / Oboshi Turanosuke, chef des vassaux de la Maison Enya
Mao Morikawa, Ashikaga Tadayoshi, jeune prince, frère cadet du Shôgun régnant
Yuki Miyamoto, Enya Hangan, maître des Banquets auprès d'Ashikaga Tadayoshi
Mika Yoshioka, Dame Kaoyo Gozen, épouse d'Enya Hangan
Ren Yoshida, Rikiya, fils d'Ôboshi Yuranosuke
Yuji Matsushita, Kôno Moronô, conseiller du Shogun
Yu Himuro, Sagisaka Bannaï, serviteur de Kôno Moronô
Naoyoshi Nagase, Hayano Kampei, jeune samourï attaché à la Maison d'Enya
Chika Saeki, Okaru, jeune suivante de Dame Kaoyo Gozen, amante d'Hayano Kampei
Kosuke Wada, le double moderne d'Hayano Kampei
Mari Kawai, le double moderne d'Okaru
Yuichi Sugiyama, Ishido, examinateur d'un cadavre mort par seppuku
Hiroki Umezawa, Yakushiji, examinateur d'un cadavre mort par seppuku
Ryo Ogasawara, Ono Sadakuro, bandit
Reiko Koide, Une courtisane
Yuta Nagata, Yoichibei, père d'Okaru
Yuko Tanaka, Okaya, mère d'Okaru
Mayumi Nishimura, Osai, maîtresse de la maison de courtisannes de Kyôto
Ryo Ogasawara, Première variation des 47 Rônin
Naoyoshi Nagase, Deuxième variation des 47 Rônin
Junko Takamura, Shiori Mori, Mika Murakami, Rui Yoshikawa, Natsumi Kishimoto, Asami Sakai, Rei Othsuka, Mamiko Kawashima, Les suivnates de Dame Kaoyo Gozen
Kazuo Kimura, Yuji Matsushita, Yu Himuro, Naoyoshi Nagase, Ryo Ogasawara, Yuki Miyamoto, Dan Tsukamoto, Hiroki Umezawa, Junya Okazaki, Mao Morikawa, Shunsuke Yasuda, Yuichi Sugiyama, Yuta Nagata, Ren Yoshida, Daichi Matsuno, Yuji Nakamura, Ryohei Nojiri, Yo Sato, Kosuke Wada, Torayuki Takeshita, Hiroki Miyazaki, Yuma Ishida, Hideo Kishimoto, Tatsuya Jotaki, Chikahiko Hanayagi, Suginori Hanayagi, Jushitoshi Hanayagi, Tsuranosuke Hanayagi, Rakuto Hanayagi, Tadahiko Hanayagi, Tsunahito Hanayagi, Suzuhiko Hanayagi, Jinshiro Hanayagi, Kanshichiro Hanayagi, Les 47 Rônin
Le Kabuki
Ce samedi 19 mai, j'ai assisté à trois spectacles. Enfin, pas tout à fait. La durée annoncée du ballet Kabuki était de 1h20, ce qui me laissait largement le temps de rejoindre le Théâtre de la Ville pour le concert de 17h. Si j'avais su que cela durait une heure de plus, j'aurais choisi une autre date pour me rendre au Palais Garnier... Cela dit, c'est sans regret que je suis parti à l'entr'acte, une première pour moi, tant la musique (enregistrée) me semble un drôle de fourre-tout : du japonais, du minimalisme répétitif, des citations de Gershwin, avec parfois un instrument bien identifié pour chaque personnage. J'aime bien la scénographie, la chorégraphie mêlant classique et contemporain ne me déplaît pas, mais je reste sur ma faim.
⁂
Théâtre de la Ville — Place du Châtelet — 2012-05-19
François Leleux, hautbois
Lisa Batiashvili, violon
Lawrence Power, alto
Sebastian Klinger, violoncelle
Quatuor pour hautbois et cordes (d'origine pour flûte et cordes) en ré majeur, KV 285 (Mozart)
Sérénade pour trio à cordes, en ut majeur, op. 10 (Ernő von Dohnányi)
Cinq airs de La flûte enchantée, arrangés pour hautbois et violon (d'origine pour 2 violons) par Mozard (1792) : Wie stark ist nicht dein Zauberton (Tamino), Ach, ich fühl's... (Pamina), Der Vogelgänger bin ich ja (Papagano), Du feines Täubchen, nur Herein (Monostatos, Pamino, Papageno), Der Hölle Rache kocht in meinem Herzen (La Reine de la nuit)
Partia da Camera pour trio à cordes et hautbois, op. 88d (2009), Nicolas Bacri
J'arrive au Théâtre de la Ville pour écouter François Leleux, son épouse Lisa Batiashvili, Lawrence Power et Sebastian Klinger. Je me suis replacé au sixième rang pour fuir les effluves tabagiques de mon voisin.
Le hautboïste se met beaucoup en valeur dans le quatuor (transcrit) pour hautbois et cordes de Mozart (KV 285). Le trio de cordes qui l'accompagne fonctionne très bien puisque je n'ai pas l'impression de distinguer de parties dans le tout. J'apprécie particulièrement le deuxième mouvement tout en pizz.. Après une première tentative, il apparaît que la musique pour instruments à vents de Mozart parvient à m'être agréable.
Cependant, pour moi, le point fort du concert sera le trio pour cordes d'Ernő von Dohnányi. Dans les deuxième et troisième mouvements, je retrouve un peu du style de Janáček qui m'avait tellement plu lors d'un mémorable concert aux Bouffes du Nord. J'aime les pizz. du violoncelliste Sebastian Klinger qui effleure à peine les cordes du bout de ses doigts.
Après la pause, François Leleux et Lisa Batiashvili interprètent debout
des transcriptions dues à un certain Mozard
d'airs de La flûte
enchantée. La partie vocale est airs est confiée au hautbois dans
cette version. Je me demandais si les rôles ne seraient pas inversés pour
l'air de La Reine de la nuit, mais c'est bien du hautbois de
François Leleux que sont sorties ces notes aiguës.
Les quatre musiciens sont revenus pour interpréter une partita de chambre de Nicolas Bacri. Les sonorités sont tout ce qu'il y a de plus classique, on est très loin de ce qu'on entend parfois dans la musique contemporaine. Une exception toutefois : le deuxième mouvement Toccata est beaucoup influencé par le jazz. Le quatrième mouvement s'appelle Scherzo diabolico. Il me donne quelque peu le tournis par la virtuosité tout vol-du-bourdonesque qu'il exige. Je décroche complètement pendant le dernier mouvement. Un bis mozartien a conclu ce concert.
⁂
Opéra Comique — 2012-05-19
Catherine Ailloud-Nicolas, Giordano Ferrari, livret (d'après la fable d'Arrigo Boito)
Richard Brunel, mise en scène
Catherine Ailloud-Nicolas, dramaturgie
Thierry Thieû Niang, collaborateur aux mouvements
Bruno de Lavenère, décors et costumes
Laurent Castaingt, lumières
Carlo Laurenzi, réalisation informatique musicale Ircam
Jean Bresson, conseil scientifique Ircam
Olivier Hagen, assistant musical
Ester Pieri, assistant mise en scène
Émilie Roy, assistant décors
Pascale Paume, assistant costumes
Christophe Manien, Joël Soichez, chefs de chant
Alpha, conseil en prestidigitation
Émilie Valentin, conseil en marionnettes
Sylvain Cadars, ingénieur du son Ircam
Rodrigo Ferreira, Re Orso, un homme de pouvoir
Monica Bacelli, Ver, une femme du peuple
Marisol Montalvo, Oliba, épouse forcée du roi, une courtisane
Alexander Kravets, Trouvère, un courtisan
Geoffrey Carey, Papiol, bouffon
Piera Formenti, Daniel Carraz, Cyril Anrep, Des courtisans
Anthony Millet, Accordéon parlant
Piano robotisé, Trouvère bis
Électronique, Voix, sons, présences invisibles
Carlo Laurenzi, Marco Stroppa, Projection du son
Ensemble Intercontemporain
Susanna Mälkki, direction musicale
Re Orso, légende musicale de Marco Stroppa pour quatre chanteurs, quatre acteurs, onze instruments, voix et sons invisibles, spatialisation et totem acoustique (création)
Je me dirige ensuite vers l'Opéra Comique pour assister à la création de Re Orso, le premier opéra de Marco Stroppa. La création initialement prévue pour 2011 avait été reportée pour donner un délai supplémentaire au compositeur pour achever son travail.
Ce spectacle me semble bien meilleur que les trois autres créations d'opéra auxquelles j'ai assisté (Judith de Fénelon, Akhmatova de Mantovani, L'opéra de la lune de Pauset) 1. Pour cette première, le public n'était pas très nombreux. À quelques minutes du début de la représentation, la corbeille était pratiquement vide. C'est manifestement grâce aux effets du replacement qu'elle a paru un peu remplie pendant le spectacle. De mon côté, j'ai pu m'avancer de deux rangs au troisième balcon, sans quoi je n'aurais peut-être pas vu les surtitres. (À une époque, n'y avait-il pas des dispositifs de surtitrages complémentaires sur les côtés ?)
Le nombre de musiciens est très réduit. Ceci permet un aménagement particulier de la fosse d'orchestre. L'espace scénique se prolonge en effet jusqu'à cette fosse, ce qui permet aux chanteurs et comédiens de faire le tour de l'orchestre. De chaque côté, un escalier descend jusqu'aux musiciens. Le problème avec cette architecture est que lorsque les interprètes passent devant l'orchestre, un certain nombre de spectateurs, dont moi, ne voient plus ce qui se passe. Bêtement, un théâtre est conçu pour permettre aux spectateurs de voir ce qui se joue sur scène. Tous les spectateurs n'ont pas le privilège de pouvoir admirer toute la fosse d'orchestre... Sérieusement, chers metteurs en scène et scénographes, pensez au fait que vos spectacles sont destinés à être vus par le public...
Heureusement, l'essentiel se passe sur le plateau de scène. L'histoire racontée dans cet opéra est assez simple. Le roi Ours est un tyran (violeur, meurtrier, etc). Il est confronté à l'apparition spectrale du Ver qui lui rappelle ses méfaits. Alors qu'on fête son mariage avec Oliba (qu'il a forcée), il massacre presque tout le monde quand un trouvère se met à parler un peu trop à Oliba. Dans la deuxième partie de l'opéra, le roi se confesse, mais il n'obtient pas l'absolution. Il meurt misérablement, hanté par les personnages de la première partie.
Si le langage musical de Marco Stroppa m'est largement étranger, il n'a pas la laideur que j'ai trouvée la semaine dernière à celui de Brice Pauset. L'opéra comporte une sorte d'exposition, dans lequel une sorte de chœur raconte les méfaits du roi Ours. Les syllabes successives semblent être confiées à des interprètes différents : ce n'est qu'en mettant ensemble ce que les uns et les autres disent que l'on obtient (peut-être) des phrases complètes en italien. Pour le reste, le traitement des voix me plaît. La tessiture choisie pour le roi tyran est surprenante. J'avais beau avoir lu cette information avant de venir, quand Rodrigo Ferreira a chanté ses premières notes, ce fut une surprise pour moi. Ce choix doit donc être judicieux ! J'ai aimé l'ironie consistant à faire chanter d'une façon toute religieuse la terrible confession du roi. Dans le rôle du Ver, la mezzo-soprano Monica Bacelli m'a beaucoup impressionné. Dans celui d'Oliba, Marisol Montalvo explore le suraigu.
Une des choses que j'ai appréciées dans la musique de Marco Stroppa,
c'est le repère donné par le rythme. Toutefois, avec le raffut qui se passe
sur scène, la multiplicité des voix, les voix invisibles, la spatialisation
et le traitement électronique en temps réel, j'ai en permanence
l'impression de n'entendre qu'une toute petite partie des détails de la
musique. C'est frappant par exemple pendant les interventions du
trouvère bis
, un piano robotisé, dont on voit un nombre
invraisemblable de marteaux se déclencher simultanément.
La mise en scène associe les musiciens de l'Ensemble intercontemporain.
Ils monteront sur scène pour le grand pandémonium
, gros bazar qui
intervient autour de la mort de roi. La chef Susanna Mälkki restera un peu
plus longtemps à sa place puisqu'elle continue à diriger les chanteurs et
qu'elle a passé un costume à capuche qui fait d'elle le confesseur du roi.
Quand les musiciens seront sortis de scène, les chanteurs ne seront plus
accompagnés que par de la musique électronique, et brièvement par un
accordéon. Cette partie ne m'a paru ni plus ni moins intéressante que ce
qui avait précédé.
S'il y a eu quelques huées pour la mise en scène et le compositeur, le public m'a semblé accueillir cette création avec enthousiasme.
Ailleurs : Bladsurb.
[1] Je me rends compte du fait que je suis en train d'oublier The Second Woman de Frédéric Verrières qui m'avait pas mal plu.
2012-05-18 10:47+0200 (Orsay) — Culture — Musique — Culture indienne — Dhrupad
La maison des couleurs — 2012-05-17
Nirmalya Dey, chant dhrupad
Céline Wadier, tampura, chant dhrupad
Pandit Mohan Shyam Sharma, pakhawaj
Raga Adbhut Kalyan
Raga Abhogi
Raga Sohini (“Adi Shiva”)
J'assistais ce soir à mon cinquième concert de dhrupad, après les Gundecha Brothers, Wasifuddin Dagar (!), Sayeeduddin Dagar et Arnaud Didierjean. Le concert de ce soir (non amplifié !) avait lieu dans une belle demeure, “La maison des couleurs”.
Ce concert de Nirmalya Dey est certainement un des deux meilleurs concerts de dhrupad auxquels j'aie assisté, l'autre étant celui de Wasifuddin Dagar. Si dans le cas de ce dernier, le plaisir avait été le plus intense pendant les parties improvisées élaborées autour de la composition, lors du concert de ce soir, ce seront les autres parties qui me procureront le plus d'agrément.
Le premier raga est Adbhut Kalyan. On trouve aussi
l'orthographe sans le h, qui est me semble-t-il une mauvaise transcription
de अद्भुत
कल्याण. Klari saura sans doute mieux que moi
expliquer pourquoi ce Raga de la famille Kalyan est merveilleux,
étonnant, remarquable, étrange, surnaturel
(d'après mon dictionnaire de
hindi). En effet, mes capacités pour reconnaître les notes à l'oreille sont
pour le moment assez limitées : si cela sonne drôlement bien, c'est un
Sa, un Pa ou à la rigueur un Ma (do, sol ou
fa) ; la semaine dernière, en cours de dhrupad, j'ai même pris un
Ga (mi) pour un Sa. Hors contexte, pour distinguer entre
le Sa et le Pa, j'ai encore un peu de mal... En savoir
plus sur ce Raga avant d'aller au concert m'aurait évité de me poser des
questions, puisque comme le disait Klari à la sortie du concert, il n'y a
ni Ma ni Pa dans ce raga. Et effectivement, d'après mes appareils de mesure, sur
la vidéo ci-liée,
la vînâ (accordée en la) de Bahauddin Dagar n'utilise que les notes
Dha-Ni-Sa-Re-Ga (non altérées) pendant son Alap sur ce Raga Adbhut
Kalyan. (Ananth, le fils d'un collègue indien qui m'accompagnait,
m'expliquait qu'un autre chanteur, Uday Bhawalkar, lui avait dit après un
concert à Chennai qu'il décidait parfois au tout dernier moment le raga
qu'il chanterait, au moment même d'accorder le tampura ! J'espère qu'un
jour j'arriverai à entendre en concert un raga que j'aurai déjà un peu
pratiqué...)
Pour revenir au concert de ce soir, j'ai beaucoup apprécié l'Alap de Nirmalya Dey. J'aime sa façon de prendre son temps, de caresser les notes avec douceur, de passer le relais à Céline Wadier (ma prof). J'apprécie la continuité de l'ensemble puisqu'à plusieurs reprises j'ai eu l'impression qu'il commençait sa phrase sur la note qu'elle avait chantée en dernier. J'aime sa façon de chanter les notes aiguës en les nasalisant à divers degrés (la bouche étant plus ou moins fermée). On entend assez peu de pppp, la subtilité passant davantage par le mouvement mélodique que par les nuances extrêmes. Si les syllabes chantées sont comme toujours un peu les mêmes (Re-Ne-Na, Ri-Na...), il arrive souvent à surprendre, par exemple en retardant la dernière syllabe, créant une attente qui est apaisée pour l'auditeur qui sait être tout petit peu patient. Il surprend aussi parfois en introduisant un petit Gamak, une sorte d'accent apparemment obtenu en plaçant sa langue d'une façon particulière (palatalisation ?). (Cela n'a aucun rapport avec les ornementations aussi appelées Gamakas dans le chant carnatique, celles-ci consistant en une oscillation de faible amplitude de la hauteur de la note autour de la note juste.)
À la fin de l'Alap est intervenue une section dans laquelle un rythme s'insinue dans le chant. Les interventions de Nirmalya Dey et Céline Wadier utilisent le même type de rythmes, mais du point de vue mélodique, il me semble qu'ils font tous les deux des choses assez différentes. Le contraste est assez intéressant. C'est une des parties du concert que j'ai aussi beaucoup appréciées. Ce type de section rythmique (Jor) est à rapprocher du Tanam de la musique carnatique (cf. mon compte-rendu d'un récent concert d'Aruna Sairam), lequel Tanam intervient après le Ragam Alapana et avant la composition (Pallavi). Finalement, il y a donc une certaine unité entre les styles classiques de musique du Nord et du Sud de l'Inde... Une différence cependant, de taille : un long développement de musique carnatique dépasse rarement la demi-heure, tandis que le premier développement de dhrupad de Nirmalya Dey a fait 1h20...
Ce premier raga s'est terminé avec une composition sur un cycle standard à douze temps joué par le percussionniste Mohan Shyam Sharma (que j'avais déjà vu accompagner Wasifuddin Dagar et Sayeeduddin Dagar). J'apprécie le tempo lent de cette composition, la façon dont le chanteur arrive à l'heure à la fin des cycles rythmiques et la conclusion paisible de la composition par évanouissement du son (très élégant) du pakhawaj. J'éprouve cependant quelques difficultés à être tout à fait enthousiasmé par cette composition peu développée, le son du percussionniste étant aussi un peu trop fort pour que je puisse entendre dans les meilleures conditions la voix du chanteur. (N'ayant pas assisté à des concerts de dhrupad ces derniers temps, je suis presque surpris de ne pas entendre d'improvisations de type sargam dans lesquelles le chanteur prononce le nom des notes. Cette forme d'improvisations, très présente dans la musique carnatique et dans le khyal, serait donc absente du dhrupad.)
Je préfèrerai la deuxième composition sur le Raga Abhogi. Ce développement (omettant la section Jor) fera environ 35 minutes. Le cycle rythmique est cette fois-ci un peu plus tordu : 14 temps, qui se divisent apparemment en 5+5+4. Il me faut quelques minutes avant d'être certain d'avoir saisi la structure, mais j'apprécie d'autant mieux la suite !
Le concert s'est terminé par une dernière composition commençant par les mots Adi Shiva et précédée d'une courte improvisation vocale de forme assez libre. Le texte fait manifestement référence à Shiva, dont le nom Parameshwara sera aussi prononcé. Quelques autres divinités comme Sarasvati (et peut-être Hanuman) seront également mentionnées. Le rythme est beaucoup plus rapide. J'ai donc tendance à considérer que chaque temps compte en fait pour ½, et je perçois une structure qui avec la convention habituelle de ce blog serait décrite comme 2½+2½, chaque moitié du cycle comptant pour 2½ étant divisée en 5, ce cycle de 5 ne comprenant que 3 frappes franches. Ce que j'entends, c'est donc ...+1+1+½+1+1+½+1+1+½+... que j'aurais arbitrairement tendance à parenthéser comme ...+(1+1+½)+(1+1+½)+(1+1+½)+... À la sortie du concert, je me disputaille en mode dialogue de sourds avec Djac Baweur qui me dit que ce que je clappe est un rythme à 7 temps, euh... Après une manœuvre de conciliation de Klari, il apparaît que nous étions en fait d'accord, mais qu'un meilleur parenthésage serait plutôt ...+1)+(1+½+1)+(1+½+1)+(1+½+... En bon mathématicien, j'avais la bonne période de la fonction ; quant à savoir où commence véritablement le cycle, c'est une affaire trop sérieuse pour être abordée par les non-musiciens...
Ailleurs : Klari.
2012-05-15 23:36+0200 (Orsay) — Culture — Musique — Danse
Opéra Bastille — 2012-05-15
Hector Berlioz, musique (Symphonie dramatique, op. 17)
Émile Deschamps, texte (d'après Shakespeare)
Sasha Waltz, chorégraphie
Pia Maier Schriever, Thomas Schenk, Sasha Waltz, décors
Bernd Skodzig, costumes
David Finn, lumières
Patrick Marie Aubert, chef du chœur
Juan Kruz Diaz De Garaio Esnaola, Luc Dunberry, Renate Graziadei, assistants de la chorégraphe
Stéphanie d'Oustrac, mezzo-soprano
Yann Beuron, ténor
Nicolas Cavallier, basse
Aurélie Dupont, Juliette
Hervé Moreau, Roméo
Nicolas Paul, Père Laurence
Ballet de l'Opéra
Orchestre et Chœur de l'Opéra national de Paris
Vello Pähn, direction musicale
Roméo et Juliette
Ce que j'ai préféré dans ce ballet de Sasha Waltz, c'est la musique de
Berlioz : la Symphonie romantique, que je ne connaissais au disque
que par la Scène d'amour qui est accompagnée ici d'un beau pas de
deux entre Roméo et Juliette. Je connais assez mal Berlioz, mais maintenant
je pense pouvoir lui pardonner son adaptation de l'Orphée et
Eurydice de Gluck qui doit être pour quelque chose au fait que cette
œuvre est souvent jouée par des orchestre pas très baroquisants (alors que c'est tellement mieux quand c'est joué dans ce
style). Je n'ai découvert qu'assez récemment la
Symphonie fantastique que j'avais adorée. Dans ce ballet, la
superbe musique de Berlioz me semble magnifiquement jouée par l'orchestre
de l'Opéra. J'ai beaucoup aimé entendre Emmanuel Ceysson à la harpe. Les
vents (notamment le hautbois) ont aussi fait des merveilles. (Une de mes
prises de conscience de la dernière série de L'Histoire
de Manon est qu'il y a en fait deux orchestres à l'Opéra, dont les
petits noms sont les bleus
et les verts
, ces derniers ayant
joué d'une bien meilleure façon à mon goût la musique de Massenet, et
rétrospectivement, il en allait de même dans La Source au début de
la saison. Ce soir, c'étaient semble-t-il aussi les verts qui
jouaient.)
Ainsi, j'ai souvent regretté que le bruit des pas des danseurs du corps de ballet interfère avec la musique. La chorégraphie de Sasha Waltz ne m'a pas beaucoup intéressé. À l'inverse de ce que je vois d'habitude dans les ballets classiques et dans les danses indiennes, dans ce ballet les mouvements des danseurs se déclenchent le plus souvent en dehors du cadre rythmique imposé par la musique, et quand la danse et la musique sont en phase, ce n'est pas forcément pour le meilleur (danseuses remontant leur postérieur au même moment du cycle à quatre temps, mesure après mesure, dans la scène du bal).
J'ai trouvé que le début du ballet était un peu bordélique, avec ces nombreuses entrées et sorties de scène de groupes de danseurs dont le sens paraît peu clair. Les clins d'œil plus ou moins comiques de la chorégraphie m'ont rapidement lassé. Seul le pas de deux de la scène d'amour et le solo sans musique de Roméo m'ont plu. Pour le reste, même en les regardant avec des jumelles, je n'ai guère été ému par les interprètes (à part peut-être par Charlotte Ranson, dans le corps de ballet, qui est aussi appréciable quand elle a les cheveux soigneusement attachés que quand ils sont dénoués). Je reste impressionné par le travail d'Aurélie Dupont et d'Hervé Moreau (que je voyais pour la deuxième fois, la première c'était il y a trois ans dans Proust ou les intermittences du cœur), mais cette chorégraphie de Sasha Waltz me laisse indifférent.
Malgré cela, le spectacle reste intéressant grâce à la musique de Berlioz dirigée par Vello Pähn (que l'Opéra devrait inviter plus souvent, je n'ai que des bons souvenirs avec ce chef). J'ai bien aimé le chœur et parmi les chanteurs, j'ai tout particulièrement aimé la prestation de Stéphanie d'Oustrac.
2012-05-14 00:15+0200 (Orsay) — Culture — Musique — Opéra
Théâtre de Dijon — 2012-05-12
Jacques Prévert, livret
Brice Pauset, direction musicale
Damien Caille-Perret, mise en scène
Céline Perrigon, scénographie, costumes
Jérémie Papin, lumières
Adrien Béal, assistant du metteur en scène
Denis Comtet, chef assistant et chef de chœur
Angéline Pondepeyre, chef de chant
Joël Soichez, préparateur du chœur
Maurizio Prosperi, pianiste accompagnateur
Ateliers de l'Opéra de Dijon, réalisation des décors et costumes
Peggy Sturm, réalisation des costumes
Thomas and Neel, création des surtitres
Éditions musicales Henry Lemoine, édition de la partition
Luanda Siqueira, La Femme (soprano)
Jérôme Billy, L'Enfant (ténor)
Vincent Deliau, L'Homme (baryton)
Gilles Ostrowsky, L'Enfant/récitant
Jérémie Leymarie, L'Enfant (figurant)
Orchestre Dijon Bourgogne
Chœur de l'Opéra de Dijon
L'Opéra de la lune, Brice Pauset (création)
J'ai assisté samedi après-midi à la création de L'Opéra de la lune, le nouvel opéra de Brice Pauset, compositeur en résidence à Dijon. Cette première représentation ne s'est pas passée pour moi dans des conditions idéales. D'une part, il est difficile de rester éveillé alors qu'il fait une chaleur insupportable au fond du premier balcon. D'autre part, comment rester concentré quand on laisse entrer des retardataires et que de nombreux enfants et leurs accompagnateurs chuchotent un peu trop bruyamment. Je vois bien, mais l'acoustique n'est pas idéale ; elle me semblera meilleure au troisième balcon lors de la représentation du soir.
La musique de Brice Pauset me déplaît très franchement. Dans les parties orchestrales, aucune mélodie ou continuité ne se détache du bruit des instruments. J'éprouve de la sympathie pour le percussionniste qui par un mouvement de va et vient du poignet ininterrompu pendant environ trois minutes devra en quelque sorte évoquer le travail des habitants de la Lune pour l'embellir. Après son quasi-solo pour un instrument tout droit sorti du monde des Shadoks, le percussionniste semblait visiblement soulagé, mais sa main mettra un certain temps avant de retrouver une circulation sanguine normale... J'espère qu'aucune tendinite ne fera obstacle au bon déroulement des représentations suivantes.
Quand il faut bien faire chanter le ténor qui interprète le rôle de l'enfant qui rêve de la Lune, en plus de bruits divers, l'orchestre joue de longues notes continues, un sur-place auquel va se superposer un chant atonal d'un ennui profond (plus intéressant quand le rôle est interprété par Jérôme Billy que par Anthony Lo Papa, ce dernier étant plus convaincant dans son jeu scénique). Le seul intervalle autorisé entre deux notes successives semble être le demi-ton. Pendant la prononciation des voyelles d'à peu près toutes les syllabes, la ligne vocale oscille de façon très carrée entre deux notes consécutives. C'est très peu plaisant. Le seul avantage que je puisse voir à cette manière de faire est qu'elle préserve l'intelligibilité du texte. On ne peut pas en dire autant des parties chorales dont le texte est souvent rendu incompréhensible à dessein. La façon qu'ont le ténor et le chœur de rouler les r de façon exagérée est assez hoôoôoôrrrrrriîiîîpiîiîiîlaãaãaãnte.
Voilà pour la musique originale de Brice Pauset dans cet opéra pour un
unique personnage, l'enfant imaginé par Jacques Prévert. Ce personnage est
représenté triplement sur scène par le ténor, par un comédien qui est à la
fois l'enfant et un récitant, et par un enfant-figurant. Trois personnes
sur scène pour incarner un seul personnage, je pense que c'est au moins une
de trop... Les membres du chœur constituent un autre personnage, les
gens
qui interrogent l'enfant sur son rêve lunaire.
Dans cet opéra, toute la musique n'est pas de Brice Pauset. Des Lieder
évoquant la Lune ont en effet été insérés. Ils sont chantés par la Femme et
l'Homme, deux personnages qui ne semblent pas avoir de lien avec le reste
de l'histoire... Si certains programmes de concerts donnent l'occasion
d'entendre deux versions d'une œuvre (comme l'intelligent
programme du Britten Sinfonia en février à Dijon), je trouve ridicule
de faire chanter cinq fois le même texte de Goethe “An den Mond” par les
solistes, quand bien même il s'agirait de compositions différentes par
quatre compositeurs (Schubert, Himmel, Reichardt, Zelter). On voit ainsi
cinq fois Tu emplis à nouveau buissons et vallons
paraître dans les
surtitres... Un lied de Schubert sur un texte de Hölty fait exception. Ces
interludes rompent le déroulement de l'opéra, mais ce seront les seuls
moments qui me seront un peu agréables à l'oreille. Malheureusement,
l'orchestration est de Brice Pauset et si on entend parfois quelques
décorations intéressantes, j'ai globalement le sentiment qu'il a pourri le
matériau musical d'origine. Comment peut-on écrire une musique d'une telle
laideur ? Je n'apprécie guère sa façon d'utiliser systématiquement les
cuivres (en sourdine) et le registre grave des cordes (aux déplaisants
coups d'archets). Chez les vents, le basson est curieusement
sous-utilisé.
Je ne suis pas un grand admirateur de Schumann, mais Brice Pauset a
pareillement maltraité les Kinderszenen dont on reconnaît des
citations tout au long de l'opéra. Ce sont les numéros de ce cycle pour
lesquels Brice Pauset a préservé l'essentiel de la partition pour piano qui
m'ont le plus plu. D'ailleurs, le piano était en quelque sorte un piano
préparé
puisque la pianiste passait une partie de son temps à déplacer
devant elle des petits objets (que je ne distinguais pas depuis ma
place).
Malgré la musique, le spectacle se laisse regarder. La Lune et les astres sont représentés par des cubes qui sont aussi ceux avec lesquels pourrait jouer l'enfant. Un assemblage de cubes beaucoup plus gros constitue un décor mobile au milieu de la profondeur de la scène. Quand la vision de la lune de l'enfant sera dévoilée, une représentation abstraite apparaîtra à l'arrière-plan et d'autres éléments plus concrets pourront surgir.
Globalement, je ne suis pas enthousiaste. Cependant, quand on sait que l'avant-dernière commande de l'Opéra de Paris était Akhmatova de Bruno Mantovani, qui y maltraitait encore plus la voix que ne le fait Brice Pauset dans L'Opéra de la lune, je me dis qu'avec les moyens qui sont les siens, l'Opéra de Dijon n'a vraiment pas à rougir de la comparaison...
2012-05-06 21:18+0200 (Orsay) — Culture — Musique
Conservatoire national supérieur d'art dramatique — 2012-05-06
Menahem Pressler, piano
Alexandre Gattet, Gildas Prado, hautbois
Philippe Berrod, Olivier Derbesse, clarinettes
Giorgio Mandolesi, Lola Descours, bassons
Benoît de Barsony, André Cazalet, cors
Sérénade pour 8 instruments à vents nº11 en mi bémol majeur, KV 375 (Mozart)
Quintette pour piano et vents en mi bémol majeur, KV 452 (Mozart)
Clair de lune (Debussy)
Sérénade pour 8 instruments à vents nº12 en ut mineur, KV 388 (Mozart)
Des musiciens de l'Orchestre de Paris faisaient ce week-end trois concerts de musique de chambre au Conservatoire national supérieur d'art dramatique. Préférant la manière qu'a Mozart d'écrire pour les instruments à vents, je me suis contenté du dernier des trois concerts prévus, ce dimanche après-midi.
Qu'il est agréable de de voir des musiciens prendre visiblement beaucoup de plaisir en interprétant leur programme musical ! Pendant la Sérénade nº11, je suis subjugué par le clarinettiste Philippe Berrod vers lequel les regards des autres musiciens semblent régulièrement converger. Le corniste André Cazalet bat la mesure avec son pied gauche et par d'adorables mouvements de tête, laquelle exprime une certaine appréciation de ce que font ses camarades. Les mouvements qui m'ont le plus plu sont le premier (Allegro maestoso), le troisième (Adagio) et le cinquième (Allegro) qui est un peu fugué et qui fait se répondre de manière amusante les différents instruments à vents comme pourraient le faire des oiseaux..
L'effectif se réduit pour le quintette. Restent, de gauche à droite, Alexandre Gattet, Giorgio Mandolesi, André Cazalet et Philippe Berrod, tandis que Menahem Pressler (88 ans) s'installe au piano. Mon mouvement préféré a été le mouvement lent (Larghetto) dans lequel l'équilibre entre le piano et les quatre autres musiciens était à mon goût le meilleur. J'ai tout particulièrement aimé la façon dont les thèmes se passaient d'un musicien à un autre et aussi une exquise ornementation (trille) à la fin d'une phrase du hautbois, qui passait ensuite au cor et au basson. J'appréciais d'autant plus les barres de reprise... En bis, le pianiste a livré une interprétation de Clair de lune (Debussy) qui m'a beaucoup ému.
La Sérénade nº12 m'a paru moins drôle que la nº11, mais les instruments m'ont semblé y avoir des rôles plus équilibrés. La clarinette nº1 était cette fois-ci Olivier Derbesse qui a aussi un très beau son. Par moments, seuls les bassons et les hautbois jouaient. J'appréciais alors les regards vers les hautboïstes de Giorgio Mandolesi (dont le visage avait davantage rougi que celui de sa consœur Lola Descours). Ensemble ou seuls, les deux hautboïstes ont fait entendre leur son particulier, celui de Gildas Prado étant d'une grave beauté !
Des concerts comme ça, j'en redemande !
2012-05-05 23:45+0200 (Orsay) — Culture — Musique
Salle Pleyel — 2012-05-01
London Symphony Orchestra
London Symphony Chorus
Peter Eötvös, direction
Nocturnes (Debussy)
Christian Tetzlaff, violon
Concerto pour violon nº1 (Szymanowski)
Poème de l'extase (Scriabine)
Des deux concerts donnés par le London Symphony Orchestra & Chorus, je retiendrai un coup de foudre pour la musique de Szymanowski, cela tombe bien puisque le LSO reviendra en jouer l'année prochaine !
Le premier concert avait commencé par Nocturnes, une très belle œuvre de Debussy que l'orchestre a joué en produisant un volume sonore assez faible. J'ai eu le sentiment d'être au bord de la mer, ce qui est confirmé plus tard par la lecture du programme : le troisième mouvement s'intitule Sirènes.
Le choc intervient ensuite avec le premier concerto pour violon de
Szymanowski. On comprend immédiatement qu'il s'agit d'une musique du
XXe siècle, qui rappelle Stravinski (surtout) et Debussy (un
peu). Le violoniste Christian Tetzlaff ne me plaît pas beaucoup. J'ai comme
l'impression qu'il cajole son violon, qu'il le chatouille, lequel violon
émet des gloussements aigus à la limite de la vulgarité ; à mon goût, un
petit peu trop de vibrato aussi. Je suis étonné par son déconcertant
mouvement de va-et-vient vers la gauche, et puis à droite, et encore à
gauche, le tout accompagné de flexions des genoux. Cependant, je me suis
dit à plusieurs reprises : Quel beau concerto !
. La plupart des
thèmes du violon sont repris par l'orchestre, les différents pupitres se
les passant les uns aux autres fort joliment. Certains thèmes explorent les
confins de l'orchestre, reviennent comme en écho, et au bout d'un moment
l'écho finit par s'évanouir. Ceci me procure à chaque fois un très grand
plaisir et quand le son de l'orchestre s'évanouit, celui du violon a repris
le dessus et l'attention se reporte sur le soliste.
Le chef Peter Eötvös dirigeant en avance sur la musique, je peux me délecter en avance de certaines interventions, en particulier des cuivres. Quelle maîtrise du crescendo ! Le concerto ne se finira toutefois pas après le grand élan emphatique intervenant peu avant la fin, mais quelque peu plus loin, d'une très étrange façon.
Ayant la flemme de remontrer au premier balcon après l'entr'acte, je me suis replacé au parterre. J'ai davantage apprécié ma belle vue en perspective sur une ligne de violoncelles que la musique du Poème de l'extase de Scriabine.
⁂
Salle Pleyel — 2012-05-02
London Symphony Orchestra
London Symphony Chorus
Peter Eötvös, direction
Musique pour cordes, percussion et célesta (Bartók)
Nikolaj Znaider, violon
Concerto pour violon nº2 (Bartók)
Sarabande (BWV 1002)
Steve Davislim, ténor
Symphonie nº3 Chant de la nuit (Szymanowski)
Le lendemain, j'ai été captivé comme rarement par la Musique pour cordes percussion et célesta de Bartók. Le premier mouvement d'une apparente simplicité (les différents pupitres de cordes se passant un mouvement mélodique descendant) était à couper le souffle. L'utilisation de huit contrebasses n'a pas empêché l'orchestre de rester sur des nuances très très piano. (L'orchestre était disposé d'une très étonnante façon. L'orchestre est semble-t-il divisé en deux. Les contrebasses et violoncelles forment un grand demi-cercle avec quatre contrebasses à chaque extrémité. À l'intérieur, un célesta, un piano et de part et d'autres des pupitres de violons et altos.) Les autres mouvements seront tout différents, tous passionnants. L'entrée du célesta, tout comme ses apparitions ultérieures, me procureront un très grand plaisir. Les sonorités obtenues par le timbalier sont tout simplement hallucinantes ! J'avais déjà eu ce type d'impression lors des concerts du Chamber Orchestra of Europe, mais à l'écoute de cette œuvre (et des autres), j'ai fait l'expérience d'un temps étiré. L'œuvre ne fait en théorie que 25 minutes, mais elle m'a semblée plus longue, sans que je me sois ennuyé pour autant !
Après l'entr'acte, je passe à côté du concerto pour violon nº2 de Bartók, qui s'il a compté de fort beaux moments, m'a globalement plutôt ennuyé (toutes proportions gardées, c'était fort agréable, mais le contraste était trop grand pour moi avec le concerto de Szymanowski de la veille et la superbissime œuvre de Bartók juste précédemment). En bis, le violoniste Nikolaj Znaider a joué le Bach habituel, mais de façon tellement sublime qu'il est tout pardonné.
L'extase mystique, elle vient avec la dernière œuvre au programme : la Symphonie Chant de la nuit de Szymanowski (sur un texte de Rûmî). Quelle volupté dans cette œuvre orientalisante ! En comparaison, je pourrais presque dire que la Salomé de Strauss me semblerait peu de choses. Les instruments à vents m'ont paru fantabullissimes, tout comme le cor solo. Quel dommage que le chef n'ait pas fait saluer séparément les différents groupes de musiciens. Il y a quelques bravos qui se sont perdus...
Ailleurs : Palpatine (Premier concert, deuxième concert), Paris — Broadway, Bladsurb (deuxième concert).
2012-04-28 11:45+0200 (Orsay) — Culture — Musique — Danse — Danses indiennes — Culture indienne
Auditorium du Musée Guimet — 2012-04-27
Isabelle Anna, Anuj Mishra, danse kathak
Vikash Mishra, tabla
Juber Alam, chant, harmonium
Navin Mishra, sitar
Pandit Arjun Mishra, chorégraphie
Il y a quatre ans, j'avais assisté à un programme de
danse kathak
à la Cité de la Musique au cours des Vingt-quatre heures du Raga. Cette institution que
j'apprécie n'a malheureusement pas toujours la main heureuse (cf. la partie
indienne de la nuit soufie). Le caractère lamentable de
cette prestation avait de quoi dissuader de façon définitive de revoir du
kathak... En choisissant d'aller voir le duo d'Isabelle Anna et Anuj Mishra
au musée Guimet, j'accordais une seconde et dernière chance à ce style de
danse de me convaincre. Si je n'accrochais pas cette fois-ci, j'arrêtais
les frais. Le moins que l'on puisse dire est que, de façon tout à fait
inattendue, j'ai adoré ce spectacle !
Cette danse est très différente du bharatanatyam ! En gros, deux types de pièces se sont succédé. La forme qui a ma préférence est celle des pièces qui mettent le plus en valeur l'expression et la narration, comme la première qui était un duo entre les deux danseurs. La musique est chantée en ourdou, une langue qui se confond pour mes oreilles avec le hindi (je ne suis pas assez connaisseur pour reconnaître le vocabulaire d'origine plus arabo-persane que sanskrite). C'est dans ces pièces expressives (et tout particulièrement la première) que j'ai le plus apprécié la partie mélodique de la musique (voix et sitar). Comme ce type de musique (et de danse...) a beaucoup été imité dans les films indiens, cela a un léger air de Bollywood, mais de très haut de gamme, avec un certain raffinement et des improvisations en plus. En effet, le chanteur ne se prive pas d'insérer quelques ornementations et de solfier certaines suites de notes.
La première pièce, très sensuelle, représentait l'amour des deux personnages incarnés par les deux danseurs. Formant une sorte de douce pantomime continue, les mouvements sont fluides et majestueux. Si quelques mouvements des mains sont communs avec le bharatanatyam (comme la représentation de l'éclosion du lotus), c'est semble-t-il davantage à leur caractère universel qu'à une codification commune qu'il faut l'attribuer. On est plus dans la pure et simple expression des sentiments que dans un discours obéissant à une stricte grammaire. Quelques uns des mots du texte que je peux comprendre soulignent certains mouvements expressifs de la danseuse. C'est elle qui m'a le plus ému ! Qu'il est beau de voir sa robe tournoyer en faisant des ondulations pendant ses pirouettes, une robe qui se met à flotter onctueusement quand la rotation s'arrête et qui tombe majestueusement sur ses jambes en formant des plis réguliers !
L'exaltation est poussée à son paroxysme dans les frénétiques épisodes rythmiques qui s'insèrent dans ces pièces expressives (c'est un point commun avec le bharatanatyam d'insérer des numéros rythmiques de danse pure dans les pièces narratives). Je pense qu'il est impossible d'apprécier ces moments sans clapper le tal (c'est-à-dire battre la mesure) d'une façon ou d'une autre et de ressentir ainsi dans son corps la pulsation des danseurs et du tabla. Les danseurs effectuent souvent une pirouette complète sur un temps rythmique. Les mouvements de pieds se font sur des divisions de ces temps, tout comme les mouvements du cou (qui sont assez communicatifs avec le spectateur que je suis, je n'y peux rien...). Je suis en transe quand je sens que mon clappage du tal est parfaitement synchronisé avec le tabla et les mouvements de pieds de danseurs (sur des doubles croches, au moins !)...
L'autre forme privilégiée de pièces est la danse pure exécutée sur une musique essentiellement rythmique (j'ai une certaine empathie pour le joueur de sitar dont le rôle se réduit à répéter ad lib. la même petite mélodie sur un rythme immuable ; cela présente au moins l'intérêt de donner un repère dans le cycle rythmique ; cela dit, certaines courtes pièces ont mélangé des tals différents, il existe donc des guirlandes de tals comme il existe des guirlandes de ragas, Ragamalika !). Très extravertis, ces passages sont de véritables morceaux de bravoure pour les danseurs. La forme est différente de ce qu'on peut voir dans le bharatanatyam ou le kuchipudi. Le rôle du nattuvanar est primordial dans ces deux danses du Sud : celui qui joue des cymbales est en quelque sorte le chef d'orchestre. Dans certains passages rythmiques du kuchipudi, on trouve un jeu de questions et réponses entre la danseuse et celui qui est souvent son guru : il joue une phrase rythmique que la danseuse doit reproduire immédiatement en actionnant ses grelots de pieds (dont les orteils pincent un plateau en laiton !) tout en réalisant des mouvements de danse pure avec le haut du corps. Dans le bharatanatyam, la part d'improvisation est très certainement moindre puisqu'il n'y a pas de questions et réponses, la danseuse exécutant les mouvements en même temps que le nattuvanar joue des cymbales. J'ignore s'il en est toujours ainsi, mais dans le programme de kathak de ce soir, un des deux danseurs (ou les deux en même temps) venaient au micro annoncer une longue séquence rythmique : tout en clappant le tal avec une main, ils prononçaient les syllabes rythmiques indiennes standards ou bien les numéros des temps (en hindi ou en anglais). Cette séquence était ensuite reproduite par le tabliste et suivait un fou numéro de danse pure exécuté sur ce rythme par un des danseurs (ou dans au moins un cas, crois-je me souvenir, par son partenaire). Pour moi, cela a été un plaisir enivrant de les voir. Je pense qu'il faudrait passer à un autre niveau de compréhension de cette danse pour véritablement apprécier à sa juste valeur le subtil raffinement qui doit certainement se cacher derrière cette virtuosité. Pour le moment, c'est un plaisir plus immédiat, moins intellectuel que cela peut l'être avec le bharatanatyam, et c'est déjà pas mal !
Le travail sur l'expressivité (y compris dans les numéros rythmiques) et
la narration est beaucoup plus saisissant et émouvant chez Isabelle Anna.
Ses solos ont mis l'accent sur ces pièces lyriques
, dont faisait
partie l'adorable évocation des jeux (d'eau, rien à voir avec
Bruno Mantovani) de Krishna qui charme les bergères grâce au son de sa
flûte. J'ai aimé aussi son évocation de l'amour d'une courtisane.
Les solos du danseur étaient tournés principalement vers la danse pure.
Il a ainsi exécuté des numéros de claquettes indiennes
avec ses
grelots de chevilles et de vertigineuses suites de pirouettes. Le comble a
été une triple série de pirouettes enchaînées : 34+34+34=103 (ce n'est pas
moi qui ai fait l'addition !). Les deux ou trois dernières pirouettes
étaient un peu moins rapides que les précédentes, mais c'était le délire
dans la salle, le tal étant clappé sonorement par le public ! Anuj Mishra a
toutefois cherché à ajouter une part expressive dans une petite suite de
courtes pièces rythmiques. Celles-ci évoquaient la nature : l'antilope, la
vache, le lion, le cheval. Sa pièce la plus développée et la plus
convaincante dans cet aspect de la danse évoquait le paon. Cela reste moins
subtil et raffiné que la danse d'Isabelle Anna (qui a aussi fait de fort
belles pirouettes !), mais j'apprécie que ce danseur n'ait pas été que
virtuose !
Parmi les moments dont je me souviendrai sans doute longtemps, il y a eu ce duo dans lequel les danseurs et les musiciens m'ont donné l'impression qu'un cycle rythmique à onze temps pouvait comme aller de soi. Je n'en reviens pas ! J'aimais notamment la façon dont les temps étaient accentués et divisés lorsque l'on s'approchait de la fin d'un cycle, l'entrée dans le cycle suivant étant annoncée par les mêmes paroles du chanteur.
Un autre moment de transe à été le jeu de questions et réponses (rythmiques) auquel se sont livré les danseurs. Ce type d'improvisations fait partie des pièces que je trouve les plus délectables dans la musique et la danse indienne, quelle que soit la configuration. Un des plus mémorables avait été celui de deux percussionnistes accompagnant Sri Mohan Santhanam à Chennai en août dernier. Un autre plus récent associait Jayanthi Kumaresh et son percussionniste. Les deux danseurs ayant chacun des grelots de chevilles, ils peuvent très bien jouer à un tel jeu de questions et réponses. Les phrases rythmiques sont d'abord assez longues (je ne sais plus combien de temps comportait le cycle rythmique). Puis tout semble s'accélérer parce que la question et la réponse qui suit immédiatement se font de plus en plus courtes au point de ne plus comporter qu'une ou deux frappes de pied.
Exceptionnellement en mode ninja (contraint et forcé puisque le placement était libre), une place se libérant opportunément par le lapin posé à une spectatrice par une de ses amies, j'ai de façon inattendue été extrêmement bien placé au quatrième rang. Mes jumelles n'ont donc pas été nécessaires. Je me délecte par avance des très probables opportunités prochaines de revoir Isabelle Anna dans l'intime salle du Centre Mandapa (qui était fort bien représenté au premier rang de l'auditorium !). À la fin du spectacle, très émue par l'accueil du public (standing ovation), elle a remercié le père de son partenaire, Pandit Arjun Mishra (gharana de Lucknow) qui a chorégraphié et conçu ce programme.
Deux représentations de ce spectacle étant prévues, à l'heure où j'écris ces lignes, peut-être est-il encore possible d'acheter des billets pour assister à la représentation de ce samedi à 20h30 ?
Je n'avais été que moyennement convaincu par les premiers spectacles que j'avais vu à l'Auditorium du Musée Guimet (Urmila Sathyanarayanan et Priyadarshini Govind), mais après la superbe Meenakshi Srinivasan, c'est la deuxième fois de suite que je ressors très enthousiaste de cette salle.
2012-04-28 00:50+0200 (Orsay) — Culture — Musique
Salle Pleyel — 2012-04-26
Philippe Aïche, violon solo
Orchestre de Paris
Christoph Eschenbach, direction
Symphonie nº39 en mi bémol majeur, KV 543 (Mozart)
Symphonie nº40 en sol mineur, KV 550 (Mozart)
Symphonie nº41 en ut majeur “Jupiter”, KV 551 (Mozart)
À défaut de me procurer du plaisir, ce concert aura au moins eu le mérite pédagogique de me faire un peu voir ce qu'est une symphonie de Mozart (même impression qu'avec S. Saketharaman en musique carnatique récemment). Je me suis amusé à essayer de déchiffrer la structure rythmique (divisions binaires ou ternaires, accents, etc.). Dans la trente-neuvième de Mozart, j'ai eu l'impression que le chef mettait beaucoup de rubato dans sa direction. Il en mettra moins dans les deux autres symphonies.
Manquant de légèreté (4 contrebasses...), l'ensemble m'a paru assez
massif (surtout les cinq premières minutes du concert, pendant lesquelles
les différents pupitres me semblaient avoir du mal à démarrer ensemble,
mais ma perception est peut-être déformée parce que ma place à
l'arrrière-scène était assez proche du timbalier). Je me distrais en
regardant mes chefs de pupitres préférés (Philippe Aïche, David Gaillard,
Bernard Cazauran). J'apprécie la façon presque chambriste qu'ont les
musiciens de se faire des signes (tel vent qui se concerte avec son voisin,
qui prend le même rythme d'ondulation du dos que le violon solo Philippe
Aïche, etc.). Les instruments à vents (notamment les clarinettes) me
plaisent tout particulièrement. Ceci est de bon augure pour leurs
prochains concerts de musique de chambre. Bernard Cazauran,
contrebassiste solo, est comme d'habitude magnifidable (c'est moi qui ai
crié Bravo
quand après avoir salué le premier rang des cordes, le
chef est venu le saluer). Je n'ai regardé que lui pendant le finale de la
dernière symphonie (très belle mini-fugue !).
Ailleurs : Grignotages, Paris ― Broadway.
2012-04-24 10:33+0200 (Orsay) — Culture — Musique — Danse
Opéra Garnier — 2012-04-23
Koen Kessels, direction musicale
Orchestre de l'Opéra national de Paris
Ballet de l'Opéra
Jules Massenet, musique (extraits d'œuvres musicales, 1867-1910)
Martin Yates, nouveaux arrangements et orchestration (2011)
Kenneth MacMillan, chorégraphie et mise en scène (1974), réglées par Karl Burnett et Gary Harris
Nicholas Georgiadis, décors et costumes
John B. Read, lumières
Patricia Ruanne, répétitions
Aurélie Dupont, Manon
Josua Hoffalt, Des Grieux
Jérémie Bélingard, Lescaut, frère de Manon
Muriel Zusperreguy, Sa Maîtresse
Aurélien Houette, Monsieur de G. M.
Viviane Descoutures, Madame
Adrien Couvez, Le Chef des mendiants
Arnaud Dreyfus, Le vieux Gentilhomme
Myriam Kamionka, Une Prostituée travestie en jeune garçon
Mathieu Botto, Le Geôlier
L'Histoire de Manon
J'ai assisté aux deux premières représentations de la reprise de L'Histoire de Manon de MacMillan à l'Opéra Garnier. Samedi dernier et lundi soir. La distribution ci-dessus est celle de lundi.
L'intrigue du roman de l'Abbé Prévost est relativement bien respectée.
Toutefois, le personnage de Manon est rendu plus sympathique. Dans cette
version, son inconstance paraît avoir pour seule cause l'intérêt de son
frère pour l'argent. Après vérification, dans le roman (dont
je recommande la lecture), Lescaut incite effectivement Manon à se
faire entretenir par G. M., mais Manon avait eu avant quelqu'autre occasion
de tromper Des Grieux. Dans ce ballet, les mouvements de pieds semblent
parfois assez compliqués ; pendant les entr'actes, entre balletomanes, on
se demande si certaines aspérités ou défauts de synchronisation sont
volontaires ou non (parfois, manifestement oui, mais des doutes subsistent,
c'est intrigant !). Globalement, les mouvements des danseurs de la deuxième
distribution m'ont semblés plus fluides. Comme dans certains ballets de
Noureev (en particulier, Roméo et Juliette), on a parfois
l'impression d'assister à la reconstitution d'une scène de rue, des
solistes dansant au devant de la scène tandis que les membres du corps de
ballet font plus ou moins acte de figuration en arrière-plan en vaquant à
de diverses occupations. Cette vulgarité
va parfois plus loin,
notamment au deuxième acte, avec la représentation de la trivialité.
Celle-ci était parfois montrée de façon grossière dans Roméo et
Juliette. On la retrouve ici dans une scène de bacchanale (beaucoup
plus convaincante samedi que lundi, où il était bien difficile de
comprendre ce qui se passait ; il faut dire que j'étais distrait par
l'orchestre, j'y reviendrai !).
Venons-en maintenant aux danseurs. Si j'ai trouvé Clairemarie Osta (Manon) et Nicolas Le Riche (Des Grieux) très bons samedi, ils ne m'ont ému qu'au troisième acte au cours duquel, spoiler alert, Manon meurt en Amérique dans les bras de Des Grieux. Lundi, Josua Hoffalt et la sublime Aurélie Dupont étaient en état de grâce. La jeunesse, l'amour des deux personnages était plus convaincants à mes yeux dans leur pas de deux du premier acte. L'expression du visage, à laquelle j'accorde une grande importance, était plus travaillée chez Josua Hoffalt que chez Nicolas Le Riche (je ne pense pas que ce soit lui faire injure de dire que l'expression faciale n'est pas son point fort : il en a tellement d'autres !). De son côté, Aurélie Dupont est absolument rayonnante ! Le rôle de G. M. est interprété lundi par Aurélien Houette avec une froide noblesse. J'ai trouvé que cette anguleuse rigidité faciale correspondait mieux au personnage que les courbes de Stéphane Phavorin samedi. Le sentiment de malaise pendant le pas de trois Manon/G. M./Lescaut à la fin du premier acte n'en était que plus malsain. Plus qu'un simple entremetteur, Lescaut assiste et participe incestueusement à leur manège.
Si elle semble sous l'influence de Lescaut au premier acte, ce n'est qu'au deuxième acte que transparaît véritablement l'ambiguité de Manon. À quel point l'argent et la séduction ne sont-ils pour elle qu'un jeu ? ce jeu que refuse Des Grieux. Lundi, j'ai particulièrement aimé la façon dont les deux personnages entrent en conflit sur ce sujet qui est symbolisée par le bracelet orné de pierres précieuses que G. M. a offert à Manon.
Dans la scène festive du deuxième acte, Lescaut paraît complètement ivre. Le rôle comporte une variation suivie d'un pas de deux avec la maîtresse de Lescaut au cours de laquelle celle-ci est bien embêtée d'avoir un partenaire incapable d'aligner convenablement une suite de pas, de prises de mains et de portés. Samedi, Stéphane Bullion a été très drôle dans cette scène ! davantage que Jérémie Bélingard dont la pantomime m'a alors semblée quelque peu exagérée. Si en général j'apprécie beaucoup Alice Renavand, dans le rôle de la maîtresse de Lescaut, son interprétation ajoutait une dimension un peu trop putassière au rôle. Je lui ai donc préféré Muriel Zusperreguy qui dansait ce lundi.
Parmi les solistes, je voudrais aussi signaler le chef des mendiants qui apparaît au premier acte. Samedi, j'ai été très impressionné par Allister Madin (qui est le seul danseur du ballet de l'Opéra à qui j'aie serré la main, grâce au Petit Rat, à l'issue une représentation de La Bayadère au cours de laquelle ce danseur avait été une très belle idole dorée).
Parmi les ingrédients qui peuvent transformer une belle soirée en une des meilleurs soirées de ballet de l'année (à côté de Myriam Ould-Braham dans La Source et dans La Bayadère, et puis Aurélie Dupont et Evan McKie dans Onéguine), il faut bien sûr compter l'orchestre. Si samedi, l'orchestre m'avait semblé jouer très bien la musique de Massenet, ce lundi, il jouait fantabuleusement bien. Comment est-ce possible ? C'est simple : ce n'étaient pas les mêmes musiciens ! Parmi les moments les plus délicieux, ce passage du deuxième acte mettant en valeur Manon qui est un bien bel ensemble pour instruments à vents. L'entendant depuis ma loge de face (plutôt qu'une loge de côté samedi), je pouvais profiter pleinement de la stéréo ! Les instruments qui m'ont procuré le plus de plaisir ont été la clarinette et le hautbois (qui comme samedi avait une sonorité proche de celle du cor anglais, comme le faisait observer l'experte Klari). Les solos de violon, de violoncelle (et aussi d'alto me semble-t-il) étaient également très beaux. Je ne suis pas des plus grands admirateurs de la musique de Massenet, mais il faut bien admettre que l'arrangement et l'orchestration de Martin Yates sont bien faits. Il me faudrait quelques nouvelles écoutes pour mieux m'en rendre compte (je ne retournerai voir ce ballet que lors de la dernière pour les adieux de Clairemarie Osta), mais j'ai apprécié le caractère motivique de cette musique. Certaines apparitions et réapparitions de personnages sont ainsi soulignées par des motifs, et pas seulement au troisième acte quand avant que Manon meure les personnages rencontrés précédemment font une apparition en arrière-plan, chacun étant accompagné d'une musique qui lui corresponde.
Ailleurs :
⁂
Parlons maintenant des à-côtés. Lundi soir, en me dirigeant vers ma
première loge 28, je vois une ouvreuse sortir de la 30 dont je soupçonne
qu'elle communique avec la 28. Lui tendant ma place, elle me dit de voir
avec sa collègue s'occupant des loges de côté. Il n'y a pas lieu de
s'étonner que cette autre ouvreuse fût débordée... Arrivé à ma place, je
constate que j'aurais effectivement pu entrer par la porte de la loge 30 si
la première ouvreuse ne l'avait fermée devant moi. Ces grandes loges de
face comportent des rangées de 8 fauteuils. Au deuxième rang, on vend à 70€
des places aveugles derrière quelque pilier. Une dame a fait un scandale à
ce propos. Une autre a débarqué en me regardant moi et mon voisin d'un air
et d'un ton accusateur, genre dégagez d'ici
. Devant cette inédite
revêche, j'ai déployé toute l'amabilité qu'il me restait pour lui demander
de sortir et de tourner à droite pour trouver sa loge impaire (au total, ce
soir, j'ai dû servir de panneau indicateur à quatre personnes, il faudrait
que je pense à me faire payer par l'Opéra). Au bout de dix minutes de
spectacle, on a bizarremment fait entrer des retardataires dans cette
grande loge, dont tous les sièges étaient déjà occupés. Les loges sont
spacieuses, mais rajouter ainsi des resquilleuses, c'est du vice. Est-ce un
bêta-test pour la configuration de l'année prochaine dans laquelle
certaines loges auront un cinquième rang ? Par ailleurs, en arrivant à
l'Opéra, j'avais découvert que les interminables travaux sur les toilettes
du côté pair étaient terminés. Ils sont un peu plus dignes que ce qu'il y
avait là avant. Le loquet fonctionne mal ; chez les dames on manque
manifestement de savon puisque certaines vont se laver les mains que les
messieurs. Miracle, le sèche-mains fonctionne ! Trop bien puisqu'il fait un
un bruit infernal qui s'entend à trente mètres à la ronde (il est aidé en
cela par le fait que la porte d'accès reste ouverte en permanence). Au
milieu du premier acte, je n'ai donc guère été étonné d'entendre un suspect
bruit de soufflerie.
2012-04-17 14:17+0200 (Orsay) — Culture — Musique — Opéra
Opéra Bastille — 2012-04-16
Peter Mattei, Don Giovanni
Paata Burchuladze, Il Commendatore
Patricia Petibon, Donna Anna
Saimir Pirgu, Don Ottavio
Véronique Gens, Donna Elvira
David Bizic, Leporello
Nahuel Di Pierro, Masetto
Gaëlle Arquez, Zerlina
Marius Stieghorst, direction musicale
Michael Haneke, mise en scène
Christoph Kanter, décors
Annette Beaufays, costumes
André Diot, lumières
Alessandro Di Stefano, chef de chœur
Orchestre et Chœur de l'Opéra national de Paris
Don Giovanni, Mozart.
Je n'ai pas pris un plaisir fou en allant voir Don Giovanni à Bastille. Même pour cet opéra, qui s'il n'est pas mon préféré m'avait cependant procuré beaucoup de plaisir au TCE il y a deux ans, l'Opéra Bastille s'avère incapable de m'émouvoir. Ce n'est pas de la faute de la mise en scène remarquable du cinéaste Michael Haneke mettant l'accent sur les cruels antagonismes entre classes sociales (cols blancs et cols bleus) dans un immeuble de bureaux. Ce qui m'a manqué ce soir, c'est le plaisir musical. Pour tout dire, l'Orchestre me procure davantage de plaisir quand il joue La Bayadère de Minkus ! À vrai dire, ce n'était pas exactement le même orchestre qui jouait puisqu'il y a en fait deux orchestres à l'Opéra (les bleus et les verts). Lors des représentations du ballet La Source où les deux formations alternaient, j'avais déjà eu l'occasion de constater qu'un des deux orchestres avait ma préférence... N'étant pas expert en mozartitude, je ne saurais dire exactement ce qui m'a déplu, mais les symptomes étaient présents dès l'ouverture. Parmi les explications possibles, l'effectif musical peut-être un peu trop bourrin pour ce répertoire : quatre contrebasses, cela ne favorise pas vraiment la légèreté. Du gros son, bref, pas vraiment une interprétation baroquisante... Les effets sont parfois brutaux, manquant de rondeur. Les cordes et les vents me donnent parfois l'impression d'être dans des mondes parallèles.
Quand les chanteurs commencent à utiliser leur voix, un soupçon s'installe en moi : sont-ils sonorisés ? Je présume que les mécanismes de financement occulte des précédentes campagnes présidentielles seront complètement mis au jour avant que l'on dispose d'une réponse définitive à cette question...
Dans les prestations vocales, je retiens d'abord celles de Saimir Pirgu (Don Ottavio) et Gaëlle Arquez (Zerlina), et pour mentionner aussi les premiers rôles, Véronique Gens (Donna Elvira), tout particulièrement dans son grand air du deuxième acte. La présence scénique de Peter Mattei (Don Giovanni) est tout à fait impressionnante...
Parmi les sources de déplaisir, il faut mentionner l'insupportable public de l'Opéra Bastille. L'intervention finale du Commandeur est intervenue à l'entour de 23h. J'avais du mal à croire le compte-rendu Laurent/Paris—Broadway à propos d'un concert londonien, mais je peux maintenant faire le même constat : on trouve encore de nos jours des gens qui ont une montre qui bippe toutes les heures et qui ne pensent pas à la laisser chez eux quand ils vont voir un spectacle (ce genre de montre, cela ne devrait être bon que lorsqu'on est au collège et que le bip est couvert par les sonneries périodiques annonçant la fin des cours, non ?). Bref, cela a bippé, bippé et encore bippé. Après l'entr'acte, mon nez s'est retrouvé agressé par une odeur de tabac venant de quelque voisin, lequel se passait souvent la main sur ses joues (ce qui à moins d'avoir un rasage impeccable ne saurait être silencieux...). Un peu plus loin, quelqu'un fouille occasionnellement dans un sac en plastique. Bien sûr, cela bavarde et tousse de partout. Des spectateurs sont manifestement entrés dans la salle avec leur coupe de champagne puisque quelques unes d'entre elles se sont dénoncées bruyamment. En 2012/2013, hors ballets, je n'ai prévu qu'une seule sortie à Bastille pour voir un opéra (La Khovantchina). Je vais essayer de m'y tenir... C'est un comble que la chose la plus plaisante que je puisse associer à cette soirée soit la pièce de 2€ de 2011 ci-contre célébrant les trente ans de la Fête de la musique qui s'est trouvée en ma possession après avoir pris un café.
J'avais déjà remarqué pareil dispositif quand j'étais allé voir La Dame de Pique en février. Ce soir également, un paravent permettait à quelques personnes situées dans une gallerie d'utiliser une lumière pour feuilleter la partition posée sur un pupitre sans gêner visuellement les autres spectateurs :
Est-ce un dispositif nécessaire au bon déroulement de la représentation (déclenchement des surtitres, tournage de boutons pour l'amplification des voix, etc.) ? S'agit-il d'étudiants en musique ? Je suis preneur de toute information ou hypothèse à ce sujet !
Ailleurs : Pink Lady.
2012-04-15 13:37+0200 (Orsay) — Culture — Musique — Culture indienne
Théâtre de la Ville — Place du Châtelet — 2012-04-14
Aruna Sairam, chant
H. N. Bhaskar, violon
J. Vaidyanathan, mridangam
S. V. Ramani, ghatam
J'avais déjà entendu la chanteuse de musique carnatique Aruna Sairam en concert. C'était au NCPA de Mumbai en 2010. Qu'elle soit invitée par le Théâtre de la Ville cette année avait été la raison principale pour laquelle je m'étais abonné cette année. Je ressors extrêmement enthousiaste de ce concert. Je n'ai qu'un seul regret : qu'il n'ait pas duré un peu plus qu'une heure quarante.
Le récital a commencé par deux compositions relativement courtes (kritis). Le premier en Raga Abhogi est manifestement en l'honneur de Shiva puisqu'il commence par Om Namah Shivaya. La suite du texte serait en tamoul. À la fin de la composition, on entre progressivement dans une séquence improvisée autour de ce qui a précédé et dans laquelle la chanteuse utilisera beaucoup le nom des notes. La conclusion apaisante intervient quand la voix de la chanteuse se met à l'unisson du tampura. Suit une deuxième composition du même type, en Raga Lalita, en sanskrit et dédiée à Lakshmi.
Je n'ai pas tout compris à la présensation qu'a faite la chanteuse de la pièce suivante. Apparemment, en passant devant l'église St George à Chennai, un compositeur de musique carnatique aurait entendu un chant qui lui plaisait et il aurait décidé d'adapter la mélodie étrangère pour en faire quelque chose d'indien.
Après ces pièces assez brèves, on est entré de la pièce principale du récital, en Raga Todi. Ce développement a eu à peu près la même forme que celle que j'ai pu décrire à l'occasion d'autres concerts, comme celui de S. Saketharaman. Cette pièce a commencé par un Alap dont j'aurais aimé qu'il ne se termine jamais. Ce n'est pas un Alap dans le même genre que ceux de la musique du Nord de l'Inde, puisque tout va plus vite. Cependant, comme elle l'a annoncé au début de cette section, la chanteuse a utilisé toute une palette de Gamaka, des ornementations autour des notes du Raga. La technique qu'elle a le plus utilisée a été celle consistant à faire osciller de façon contrôlée la hauteur d'une note. Elle a également parcouru le chemin entre diverses notes de la gamme en glissant. J'ai oublié de le préciser, puisque c'est une caractéristique de la musique carnatique, mais depuis le début du concert toutes les lignes mélodiques, ornementations comprises, sont reproduites immédiatement par le violoniste ! La gestique des chanteurs de musique carnatique inclut le plus souvent des mouvements de la main droite pour clapper le tal. Aruna Sairam accompagne ses mouvements mélodiques de nombreux gestes de la main gauche, mais aussi de la main droite.
À la fin de l'Alap et le solo de violon obligatoire (dans
lequel le violoniste passe curieusement sans y rester trop longtemps sur
les notes qui résonnent le mieux avec le tampura), on passe à une partie
semi-rythmique
, ce qui est assez original (c'est la première fois
que j'entends ça dans un développement). La chanteuse chante en effet des
phrases comme Da doum Da doum...
dans lesquelles un rythme est
immédiatement perceptible, mais entre ces phrases rythmées s'intercalent
des silences qui seront bientôt comblés quand les percussionnistes
entreront en action.
La suite du développement sera jouée sur un rythme à sept temps. Le
texte du śloka contient des références à Krishna (qui est aussi
nommé Shyam), mais le mot qui reviendra le plus souvent sera
Kamakshi
qui est un nom de la Déesse. La chanteuse se lance ensuite
dans des improvisations. Le nom des notes se mélange aux syllabes du vers.
Si je comprends bien, en principe, les phrases sont censées se terminer à
un endroit précis du cycle rythmique. Au début de son improvisation, les
vertigineuses phrases chantées par Aruna Sairam dureront plusieurs cycles.
Elle doit avoir une technique pour respirer sans qu'on s'en rende compte...
Bref, elle fait décoller un avion, et quand l'envie lui prend de finir sa
phrase, elle n'a aucune difficulté à le faire atterrir à l'endroit qui lui
plaît. Après avoir élaboré des phrases avec d'une grande virtuosité, la
chanteuse va en réduire la longueur par paliers, en terminant par des
fractions du cycle rythmique. Après avoir fait chacun un petit solo, les
deux percussionnistes joueront ensemble. L'échange a été assez bref et
agréable, mais pas aussi délectable que celui auquel j'avais assisté lors
d'un concert de Sri Mohan Santhanam. La chanteuse a
conclu la pièce principale du concert en revenant au vers, et en
particulier au mot Kamakshi
.
Pour compléter le programme, la chanteuse a inséré un Abhang et
un Tillana comme elle l'avait déjà fait lors de son
concert à Mumbai en février 2010. Ce sera le même Tillana,
absolument superbe (voir cette vidéo), en
l'honneur de Krishna et de sa lutte contre le serpent à cinq têtes Kalinga.
Avant cela, elle aura donc chanté un Abhang. Il s'agit de musique
dévotionnelle marathi. Originaire de Mumbai, la chanteuse aime insérer ce
type de chant dans ses programmes. Je pense que c'est le morceau de musique
que j'ai préféré pendant ce concert. En tout cas, c'est celui qui m'a le
plus ému. L'art de la chanteuse dans son interprétation de Bhakta Jana
Vatsale ce samedi est sans commune mesure avec ce que l'on peut
entendre en visionnant certaines vidéos sur Internet (je préfère cependant
celle-ci à celle-là). J'étais
aux anges jusqu'à la fin de cet Abhang que la chanteuse a conclu
en répétant de nombreuses fois un des noms de Vishnu, Vittala
, qui
est la divinité à laquelle rendent hommage les Abhang.
Le public en redemandant avec insistance, la chanteuse est revenue pour chanter la toute première des compositions, dédiée à Muruga, d'Arunagirinathar (si j'ai bien reconstitué le nom...).
2012-04-13 12:56+0200 (Orsay) — Culture — Musique
Salle Pleyel — 2012-04-12
Roland Daugareil, violon solo
Orchestre de Paris
Paavo Järvi, direction
Manfred, ouverture op. 115, orchestration de Gustav Mahler (Schumann)
Matthias Goerne, baryton
An Silvia (Schubert)
Traum durch die Dämmerung (Strauss)
Das Rosenband (Strauss)
Freundliche Vision (Strauss)
Greisengesang (Schubert)
Heimliche Aufforderung (Strauss)
Ruhe, meine Seele (Strauss)
Im Abendrot (Schubert)
Allerseelen (Strauss)
Tränenregen, extrait de La Belle Meunière (Schubert)
Morgen! (Strauss)
Symphonie nº1, en si bémol majeur, dite du Printemps
(Schumann)
L'ouvreur du premier balcon me suggérant de me replacer, j'ai suivi ses conseils, et même au delà puisque je suis descendu au parterre de la Salle Pleyel et y ai trouvé une place au centre, ni trop loin ni trop près de la scène. Depuis le concert de rentrée de 2010 où s'était notamment joué Kullervo (Sibelius), je n'avais pour ainsi dire plus vu le dos Paavo Järvi lorsqu'il dirige l'Orchestre de Paris, puisque je suis le plus souvent à l'arrière-scène pour écouter cet orchestre. Le moins que l'on puisse dire est qu'il ne fait pas du tout la même impression de dos que de face ! Ceux qui n'ont jamais été à l'arrière-scène doivent s'imaginer que c'est un honorable homme honnête et droit. Ah, s'ils savaient comment l'espiègle utilise sa bouche pour lancer un pizz. de contrebasses ou un solo de basson...
Le début de l'ouverture Manfred m'a plu, et puis c'est devenu un gros fourbi schumannien qui m'a autant insupporté qu'il a failli m'endormir.
Le baryton Matthias Goerne a ensuite pris place entre le premier violon
et le chef. Son programme est constitué de Lieder orchestrés de Schubert et
Strauss. Avant le concert, je disais à “Grignotages”
et à Klari qu'il faudrait vraiment
que Goerne chante divinement bien pour que je ne m'assoupisse pas. C'est
bien l'impression qu'il m'a faite ! Après des premiers Lieder sur le mode
Aimons-nous follement dans l'herbe
, les thèmes dériveront vers du
moins joyeux.
Je ne suis d'habitude pas un admirateur inconditionnel de Matthias
Goerne, mais l'écouter et le voir de près a été une merveilleuse
expérience. Dans ce cycle de Lieder, les tempis ont systématiquement été
très lents. Pas d'acrobaties vocales à signaler. Une bonne respiration est
prise, la voix s'installe, la phrase musicale se développe lentement.
Chaque inflexion semble réfléchie. Le chanteur se transforme presqu'en
danseur. Il se penche d'un côté ou de l'autre, reprend appui sur ses
pieds. Surtout, il accompagne son chant de gestes des mains qui semblent
l'aider à modeler ses phrasés et la majestueuse courbe de sa ligne vocale.
Le temps semble tellement s'arrêter que j'ai le temps de me dire
Qu'est-ce que ce serait merveilleux si la note suivante, celle qui
finira la phrase, était une longue note toute plate
et de constater un
temps indéterminé plus loin que c'est bien ainsi qu'il l'a chantée !
Le chant du baryton a été particulièrement délectable pendant les Lieder
de Strauss, notamment Ruhe, meine Seele (ah, ces ruhe
prononcés peu avant la fin !), mais j'ai aussi trouvé intéressante sa
manière de chanter les Schubert. Celui de ceux-là que j'ai préféré a été
Greisengesang (Le chant du vieillard). Au cours de ce
concert, je n'ai pas eu l'impression d'entendre des Lieder que je
connaissais déjà, à l'exception de Tränenregen extrait de La
Belle Meunière. Dans ce Lied, le tempo a été extrêmement lent, comme
dans les Lieder qui avaient précédé, mais autant le chanteur que
l'orchestre ont su maintenir l'édifice musical en équilibre sans le faire
s'écrouler. J'avoue n'avoir pas pu détourner mon regard du chanteur pendant
ce programme. Cela ne m'a heureusement pas empêché d'apprécier les solos de
Roland Daugareil.
Après l'entr'acte, je me suis replacé dans la partie centrale de l'arrière-scène pour la Première Symphonie de Schumann. Bien qu'étant schumannophobe, je dois admettre avoir passé un bon moment, et tout particulièrement pendant les trois derniers mouvements, moins assommants que le premier. De très beaux solos d'instruments à vents (le basson, la flûte, etc...), quelques passages vivifiants, de beaux accents dans le Scherzo, une phrase appuyée des vents dans le dernier mouvement qui me fait curieusement penser à l'Orient de Shéhérazade de Rimski-Korsakov. Le chef Paavo Järvi dirige de mémoire. Dans le finale, c'est tout comme s'il faisait à vive allure des exercices de musculation de ses bras et des épaules ! Lors des saluts, il viendra saluer le percussionniste (solo de triangle à la fin du premier mouvement !), qui devait vraisemblablement jouer son dernier concert avec l'Orchestre avant sa retraite, vu la manière dont ses collègues ont tapé leurs pieds sur le sol. Qu'est-ce que je ne donnerai pas pour savoir quand un certain contrebassiste sera salué de la même façon...
Ailleurs : Klari.
2012-04-12 12:22+0200 (Orsay) — Culture — Musique — Danse
Opéra Bastille — 2012-04-11
Ludwig Minkus, musique, réalisée et adaptée par John Lanchbery
Marius Petipa, Sergueï Khoudekov, livret
Rudolf Noureev, chorégraphie et mise en scène d'après Marius Petipa
Ezio Frigerio, décors
Franca Squarciapino, costumes
Vinicio Cheli, lumières
Fayçal Karoui, direction musicale
Myriam Ould-Braham, Nikiya
Florian Magnenet, Solor
Charline Giezendanner, Gamzatti
Axel Ibot, Le Fakir
Yann Chailloux, Le Grand Brahmane
Éric Monin, Le Rajah
Natacha Gilles, Aiya, servante de Gamzatti
Cyril Mitilian, L'Esclave
Allister Madin, L'Idole dorée
Marine Ganio, Danse Manou
Héloïse Bourdon, Sébastien Bertaud, Danse indienne
Sarah-Kora Dayanova, Première variation
Valentine Colasante, Deuxième variation
Sabrina Mallem, Troisième variation
Ballet de l'Opéra
Élèves de l'École de danse de l'Opéra
Orchestre de l'Opéra national de Paris
La Bayadère, ballet en trois actes (production créée pour le Ballet de l'Opéra national de Paris le 8 octobre 1992)
Après l'avoir vue dans les rôles de Juliette et de Naïla, j'ai eu ce soir l'occasion de voir Myriam Ould-Braham dans un autre grand rôle : Nikiya. J'ai dû pour cela casser ma tirelire afin d'acheter un billet sur la bourse d'échange de l'Opéra, les distributions ayant été annoncées trop tard pour qu'il fût possible de voir à bas prix les interprètes que l'on voulait, en l'occurrence la distribution non étoilée !
Je crois que ce qui m'a le plus ému dans la danse de Myriam Ould-Braham, ce sont ces instants où elle est immobile. Quel port de tête ! Quel travail dans l'expression du visage ! (Cela me fait repenser à Mallika Thalak, une danseuse de bharatanatyam qui m'avait aussi ému avant de faire le moindre pas.) Ses mouvements de mains m'ont également marqué. Parmi les nombreux moments passionnants, la façon dont elle repousse le Grand Brâhmane, son pas de deux avec l'Esclave, sa confrontation avec Gamzatti, la variation de la corbeille à fleurs et les danses plus éthérées du troisième acte. J'ai hâte de revoir cette artiste dans d'autres grands rôles !
J'ai beaucoup aimé aussi Charline Giezendanner dans le rôle de Gamzatti. Ce n'est que la deuxième fois que je la vois dans un grand rôle si on excepte le visionnage du DVD de la Coppélia de Lacotte par l'école de danse de l'Opéra il y a une dizaine d'année et dans laquelle elle était épatante. Je l'avais trouvée très bien dans le rôle de Naïla dans La Source. Dans celui de Gamzatti, elle m'a fait une très grande impression, autant dans la pantomime que dans la danse.
Florian Magnenet (Solor) est toujours aussi impressionnant techniquement parlant, mais il sourit un peu trop...
Plus que lors de mes Bayadère précédentes, j'ai été saisi par l'extravagante succession des danses du deuxième acte. Le plus beau moment de cette séquence a été la variation de l'Idole dorée, superbement dansée ce soir par Allister Madin ! J'ai adoré également la danse Manou de Marine Ganio, qui a une espiègle façon d'écarquiller les yeux dans ce jeu avec deux élèves de l'école de danse au cours duquel elle doit éviter de renverser sa cruche. Dans la danse indienne, sans qu'elle soit aussi éblouissante que Sabrina Mallem dans le même rôle, j'ai aimé regarder Héloïse Bourdon.
Ailleurs : Blog à petits pas, Danses avec la plume, Danse-opera, Aymeric ont vu la même distribution lors de la représentation du 28 mars.
2012-04-11 09:35+0200 (Orsay) — Culture — Musique — Opéra — Danse
Théâtre du Châtelet — 2012-04-10
Franco Pomponi, Richard Nixon
Alfred Kim, Mao Zedong
June Anderson, Pat Nicon
Sumi Jo, Jiang Qing (Madame Mao)
Kyung Chun Kim, Zhou Enlai
Peter Sidhom, Henry Kissinger
Sophie Leleu, Nancy Tang, première secrétaire de Mao
Alexandra Sherman, Deuxième secrétaire de Mao
Rebecca de Pont Davies, Troisième secrétaire de Mao
Hai Wen Hsu, Salem Sobihi, Danseurs solistes
Orchestre de chambre de Paris
Chœur du Châtelet
Alexander Briger, direction musicale
Chen Shi-Zheng, mise en scène et scénographie
Shilpa Gupta, décors
Petra Reinhardt, costumes
Alexander Koppelmann, lumières
Yin Mei, collaboratrice à la chorégraphie
Olivier Roset, vidéaste
Stephen Betteridge, chef de chœur et assistant du chef d'orchestre
Nathalie Steinberg, chef de chant
Sylvie Leroy, pianiste répétitrice
Elsa Lambert, pianiste chœur
Rob Kearley, Christophe Gayral, assistants à la mise en scène
Doriane Fréreau, assistant aux décors
Frédéric Llinares, assistant aux costumes
Nixon in China, opéra en trois actes de John Adams sur un livret d'Alice Goodman
J'aime bien John Adams. J'avais entendu pour la première fois sa musique dans le ballet Parzival de John Neumeier. J'avais alors beaucoup aimé Harmonielehre. Plus tard, au disque, j'ai adoré son concerto pour violon électrique The Dharma at Big Sur. J'ai un revanche presque détesté son opéra Doctor Atomic dont j'ai visionné le DVD et en particulier son interminable deuxième acte où il est question de la météo avant le premier essai nucléaire. En concert, je n'ai pas davantage aimé la Doctor Atomic Symphony qui en est tirée. C'était après l'annonce de la programmation 2011/2012 du Théâtre du Châtelet. Sans avoir donc de prévention particulière, j'avais donc réservé une place assez chère pour la première représentation de la nouvelle production de Nixon in China qui avait lieu ce mardi.
John Adams a une façon bien à lui d'associer vents et cordes. Cette
manière apparaît notamment dans les passages les plus
impressionnants
qui me procurent le plus grand plaisir. Cependant,
je suis presque choqué par l'aspect répétitif de cette œuvre. Elle me
semble découpée en tranches d'environ deux minutes. Quelques vents ou le
synthé répètent un motif très court, d'autres motifs durant une mesure sont
joués par d'autres instruments. Quelques phrases musicales plus longues
sont brodées par dessus. La musique ne fait pas non plus complètement du
sur place puisque les harmonies changent régulièrement, et ce de façon
abrupte. À ces répétitions s'ajoutent parfois des notes surgissant
d'une façon qui pourrait laisser à penser qu'elles reviendraient avec
régularité lors des mesures suivantes, mais le compositeur semble s'être
amusé à surprendre l'auditeur en mettant un peu d'aléatoire dans ces
surgissements. Quelques cassures et dégradés rythmiques sont également à
signaler.
Pendant le premier acte, j'ai ainsi eu l'impression d'entendre une première ambiance se développer pendant quelques minutes, puis très brutalement une deuxième est entrée en scène sans aucune transition. Ces changements de Raga peuvent très bien survenir au milieu de l'intervention d'un chanteur, ce qui est assez surprenant.
La façon dont la voix est traitée ne me plaît pas énormément. Cela me
déplaît toutefois moins que dans Doctor Atomic. Le texte d'Alice
Goodman est assez subtil, mais la mise en musique fait un peu brut de
décoffrage
. Comme dans Doctor Atomic, les rares exceptions au
récitatif sont le fait des personnages féminins interprétés par June
Anderson (Pat Nixon) et Sumi Jo (Madame Mao) à qui on a confié quelques
acrobaties vocales.
Pendant le prélude, des vidéos d'époque des États-Unis d'Amérique et de la Chine sont projetées. Quelle époque exaltante cela devait être !.. Le premier acte montre l'arrivée de Nixon en Chine. Il est accompagné par sa femme et Henry Kissinger. Ils sont accueillis par Zhou Enlai puis par Mao Zedong qui semble s'intéresser davantage à la philosophie qu'à la politique.
Comme on peut le constater presque tous les jours à notre époque où ce type de rencontres est très fréquent, l'opéra met très bien en évidence que la communication par images et le storytelling sont aussi mensongers qu'ils ne sont pas nouveaux...
Je me suis un peu plus laissé emporter par la musique du deuxième acte, en particulier pendant la grande scène au cours de laquelle Nixon assiste à une représentation du Détachement féminin rouge (représentation qui dégénère en Révolution culturelle, les héroïnes finissant par être forcée à s'humilier lors de séances d'autocritique). La chorégraphie et la danseuse soliste Hai Wen Hsu méritent que les balletomanes se déplacent !
En revanche, le troisième acte pendant lequel les personnages rêvassent à propos de leur jeunesse, je l'ai trouvé d'un ennui mortel.
2012-04-09 01:00+0200 (Orsay) — Culture — Musique
Cette semaine, la Cité de la musique et la Salle Pleyel avaient concocté un programme Passions – Le sang du Christ. J'ai assisté à trois concerts de cette série :
Cité de la musique — 2012-04-05
Stile Antico
Helen Ashby, Kate Ashby, Rebecca Hickey, sopranos
Emma Ashby, Cara Curran, Eleanor Harries, altos
Jim Clements, Andrez Griffiths, Benedict Hymas, ténors
Will Dawes, Oliver Hunt, Matthew O'Donovan, basses
Woefully arrayed (William Cornysh)
Hosanna to the son of David (Orlando Gibbons)
O sacrum convivium (Thomas Tallis)
In monte Oliveti (Roland de Lassus)
I give you a new commandment (John Sheppard)
Salvator mundi (Thomas Tallis)
O vos omnes (Tomás Luis de Victoria)
O Crux, ave (Cristóbal de Morales)
Vide homo (Roland de Lassus)
Dum transisset Sabbatum (John Taverner)
Tulerunt Dominum meum (Nicolas Gombert)
Maria Magdalene (Francisco Guerrero)
I am the resurrection (Orlando Gibbons)
Congratulamini mihi (Thomas Crecquillon)
Surrexit pastor bonus (Jean Lhéritier)
In resurrectione tua (William Byrd)
Cela commence jeudi avec l'ensemble vocal Stile Antico constitué de douze chanteurs spécialisés dans la musique de la Renaissance. Les textes sont en latin et en anglais. Dans la première partie, ils évoquent la Passion et dans la deuxième ce sera la Résurrection. La pure beauté de cette musique est sidérante. Tout est très polyphonique. Le cas le plus extrême sera apparemment celui d'une pièce à 8 voix, chacune étant chantée par un seul interprète.
J'ai souvent l'impression d'entendre plusieurs chanteurs de dhrupad jouant simultanément. Au lieu qu'une voix entre en résonance avec le bourdon du tampura, les voix interagissent les unes avec les autres.
Entre chaque pièce, les chanteurs changent de place dans le demi-cercle qu'ils forment. La relative jeunesse des chanteurs, le silence respectueux du public qui se déchaînera à la fin ont fait de ce concert un très beau moment. (Merci à Klari d'avoir attiré mon attention sur ce concert.)
⁂
Salle Pleyel — 2012-04-06
Orchestre philharmonique de Radio France
Académie de l'Orchestrer Philharmonique de Radio France et du Conservatoire de Paris
Amaury Coeytaux, violon solo
Christophe Henry, orgue
Ton Koopman, direction musicale
Michael Lonsdale, récitant
Les sept dernières paroles du Christ en croix, version originale pour orchestre (Hob. XX:1), Haydn
Je ne suis pas du tout rentré dans ce concert du Vendredi saint, notamment en raison d'une fatigue accumulée au cours de la semaine et tout particulièrement en ce vendredi. À mon avis, les Sept dernières paroles du Christ en croix ne sont pas le chef-d'œuvre de Haydn, ne serait-ce que parce qu'il a aussi composé Les Saisons. Je dois même avouer que je me suis souvent ennuyé. La musique est certes adorablement belle, mais à l'intérieur d'un mouvement, elle me paraît très répétitive.
Je savais que cette œuvre admettait plusieurs versions, mais je n'avais pas étudié le cas en détail. Après avoir écouté une version chez moi, je m'attendais notamment à entendre juste avant le tremblement de terre du dernier mouvement un mi bémol grave de basse prononçant Meinem Geist (note que je me suis amusé à atteindre et dépasser en travaillant mes graves pour le dhrupad...), mais il n'y eut rien de tout cela puisque c'est la version originale pour orchestre qui était jouée. Chacune des sept paroles est chantée par le chœur, puis dite par le récitant Michael Lonsdale (quelle voix !) à l'issue de la lecture de textes de Jean-Pierre Nortel. L'orchestre intervient alors sans aucun accompagnement vocal.
Malgré ma fatigue et mon relatif déplaisir, ce concert restera un bon souvenir puisqu'outre que l'œuvre se termine par un énergique tremblement de terre, j'ai eu l'honneur, avec la petite proportion des spectateurs ayant un peu joué le jeu, d'être dirigé par Ton Koopman ! Vers 20h, il est en effet entré en scène seul avec l'organiste Christophe Henry pour faire répéter au public les sept courts chorals constituant la partie vocale de cette œuvre, comme originellement l'assemblée des fidèles pouvait accompagner l'orchestre. J'ai donc essayé de chantonner la partie T. de la partition fournie avec le programme. Étant trop fatigué, je m'en suis abstenu pendant le concert. Les choristes de Radio France étaient censément dispersés incognito au cœur du public.
⁂
Salle Pleyel — 2012-04-08
Marita Sølberg, soprano
Nathalie Stutzmann, alto
Markus Brutscher, ténor, l'Évangéliste
Christian Immler, basse, Jésus
Eugénie Warnier, soprano
Owen Willetts, alto
Magnus Staveland, ténor
Benoît Arnould, basse
Jolanta Kowalska, soprano
Mélodie Ruvio, alto
Svetli Chaumien, ténor
Charles Dekeyser, basse
Les Musiciens du Louvre-Grenoble
Marc Minkowski, direction musicale
Matthäus-Passion, BWV 244.
Dimanche à la Salle Pleyel se jouait la Passion selon Saint Matthieu de Bach. J'ai entendu un certain nombre de fois les deux Passions de Bach. Il y a deux ans, j'avais été particulièrement impressionné par la version donnée au même endroit par Marc Minkowski. J'avais été notamment frappé par la tension dramatique incarnée par le fabuleux évangéliste Markus Brutscher. Comme c'était la même équipe qui remettait le couvert pour cette Saint Matthieu, j'attendais évidemment beaucoup de ce concert. Mes vœux ont été exaucés !
Ce n'est peut-être pas la concert de ma vie (voir ici et
là), mais cela s'en rapproche d'assez près ! Comme il y a
deux ans dans la Saint Jean, l'effectif vocal est réduit. Il est constitué
de 3 chœurs de 4 chanteurs solistes. C'est la première fois que j'entends
en concert cette œuvre dans cette configuration, dont j'ai un
enregistrement par Paul McCreesh (avec encore moins de chanteurs !).
L'orchestre est également divisé en deux. Depuis ma place centrée au fond
du premier balcon, l'effet visuel est saisissant. Au fond, une sorte de
mur
de basses avec les deux contrebasses (une pour chaque orchestre),
deux violoncelles et un seul gambiste. C'est la première fois que j'entends
aussi bien les cordes graves dans ce répertoire. Peut-être est-ce un
stade du développement mélomaniaque :
au début, on n'entendrait que les voix aiguës, puis on se mettrait
à entendre ce que font les graves et le stade ultime, ce serait quand on
arriverait à se figurer simultanément ce qui se passe chez les altos ?
Bref, dans le chœur introductif que j'ai pourtant écouté un certain nombre de fois (en concert, la dernière fois remonte à quatre ans), j'ai ainsi une sensation d'inouï en entendant les violoncelles. Dans tout l'orchestre, je finis par ne pour ainsi dire plus entendre que le violoncelliste Niels Wiebolt, absolument magnifique, que ce soit dans l'accompagnement des récitatifs ou dans les Ploum-ploum pizz. de l'air Erbarme dich. (En relisant ma chroniquette d'il y a deux ans, je me rends compte que je l'avais déjà remarqué ! J'essaierai de retenir ce nom, au cas où il ferait des concerts de musique de chambre...)
Revenons à l'orchestre divisé en deux. Jamais l'aspect stéréophonique ne m'a autant frappé que lors de cette cinquième écoute en concert. Alors que d'autres adouciraient les contrastes et chercheraient un beau son rassurant et soyeux, l'interprétation de l'orchestre a juste ce qu'il faut de rêche pour qu'à l'audition, on n'ait pas l'impression de goûter un plat aseptisé, mais un plat qui ait du goût (et sans poudre de perlimpinpin ajoutée : je veux parler du vibrato). Dans certains numéros musicaux, l'opposition entre la moitié gauche et la moitié droite de l'orchestre n'en est que plus frappante. Ceci accentue encore la tension dramatique de l'œuvre.
Venons-en aux chanteurs. L'interprétation du rôle de l'évangéliste par
Markus Brutscher est conforme à ce à quoi on pouvait s'attendre après sa
Saint Jean. Ce n'est pas du tout un évangéliste terne-palot ! C'est très
très incarné, parfois un peu trop, mais je préfère qu'il y en ait trop que
pas assez ! La basse Christian Immler fait également un très bon Jésus. Ce
sont ces deux chanteurs qui se distinguent le plus sur la durée de l'œuvre,
et tout particulièrement dans la première partie, très dramatique. Les
autres chanteurs ne semblent aucunement chercher à briller
. Sans
pourtant être ternes, ils chantent leurs airs et récitatifs sans forcer
leur voix (que j'entends très bien). Les personnages ne m'en paraissent que
plus humains. Peu avant la fin de la première partie intervient le duo
So ist mein Jesus nun gefangen entre la soprano Marita Sølberg et
l'alto Nathalie Stutzmann. Leurs deux voix se sont merveilleusement bien
mariées.
Leur duo est suivi par une très belle fugue, et après un récitatif, la
première partie s'achève par le choral O Mensch, bewein' dein' Sünde
groß pour lequel les chanteurs qui étaient jusque-là regroupés quatre
par quatre (deux groupes à l'avant et un à l'arrière), la plupart des
solistes donc se sont rassemblés à l'arrière tandis que quatre voix de
femmes se regroupaient au milieu. L'attitude, la proximité entre les
chanteurs, les gestes échangés donnaient une formidable impression de
communion dans l'épreuve entre les disciples de Jésus (qui viennent
pourtant de prendre la fuite alors qu'il vient d'être arrêté). À l'issue de
cette première partie, j'étais bouleversé...
La deuxième partie est plus contemplative que narrative. Le début m'a
fait légèrement redescendre après les sommets de la première partie.
L'ensemble est moins incarné, plus éthéré. Il y a plus de commentaire que
d'action. Cependant, quelle belle suite de tubes
n'entend-on pas !
notamment dans les airs accompagnés par la viole de gambe (ou encore le
fanthautboisbuleux Sehet, Jesus hat die Hand, en passant par le
Aus Liebe will mein Heiland sterben! accompagné par la flûte et joué
cet après-midi sur un tempo dangereusement lent). On entendra aussi un
fort beau solo du premier violon de l'orchestre I (et un autre moins au
point pour l'orchestre II). Pendant toute la durée de l'œuvre, Marc
Minkowski aura ménagé de longs points d'orgue et quelques silences à la fin
de certains numéros. La mort de Jésus sera suivi de plusieurs secondes
d'absolu silence. Malheureusement, une partie du public ne respectera pas
la volonté évidente du chef de faire succéder au chœur final Wir setzen
uns mit Tränen nieder un silence.
Il y a très exactement un an selon le calendrier liturgique, j'avais l'impression de finir un cycle. Je venais alors d'entendre une Passion selon Saint Jean qui m'avait beaucoup déçu. Étais-je à ce point blasé-exigeant que j'en perdais le goût pour cette musique ? J'ai l'impression qu'un nouveau cycle a commencé avec cette Saint Matthieu !
2012-04-04 08:46+0200 (Orsay) — Culture — Musique — Théâtre
Théâtre des Bouffes du Nord — 2012-04-03
Nonhlanhla Kheswa, Matilda
William Nadylam, Philemon
Jared McNeill
Arthur Astier, guitare
Raphaël Chambouvet, piano, accordéon
David Dupuis, trompette
Peter Brook, Marie-Hélène Estienne, Franck Krawczyk, adaptation, mise en scène et en musique
Philippe Vialatte, lumières
Oria Puppo, éléments scéniques et costumes
Rikki Henry, assistante à la mise en scène
Guillaume Lepert, régisseur plateau
The Suit, d'après Can Themba, Mothobi Mutloatse et Barney Simon
N'ayant découvert Peter Brook qu'assez récemment via son travail sur Le Mahābhārata (voir mon billet sur les films qu'il a réalisés ou mon résumé de l'épopée), je ne connaissais pas la pièce Le Costume. Je n'avais en effet jusqu'à hier soir vu que trois de ses précédents spectacles (Love is my sin d'après Shakespeare, Fragments de Beckett et Une Flûte enchantée). La pièce est adaptée de la nouvelle de Can Themba. Peter Brook, Marie-Hélène Estienne et Franck Krawczyk l'ont réadaptée pour cette nouvelle version en anglais dont la première avait lieu hier soir.
Le décor est fait de simples chaises colorées, de penderies, d'une table en bois. Les penderies auront de multiples usages comme les tiges de bambou verticales utilisées dans Une Flûte enchantée. Au fond de l'espace scénique, des tiges métalliques sont dressées, apparemment juste pour le clin d'œil.
La pièce met en scène trois comédiens et un figurant (non crédité). Les deux personnages principaux sont Philemon et Matilda, un couple de Noirs vivant à Sophiatown, près de Johannesbourg. Quand Philemon va découvrir que sa femme le trompe, l'amant aura fui en laissant son costume. La punition qu'il va infliger à sa femme sera de devoir supporter la présence de ce costume comme invité d'honneur permanent. Il sera leur compagnon lors des repas et promenades. Le troisième personnage est un ami de Philemon, celui par qui il a eu connaissance de l'inconstance de sa femme.
L'action est très rondement menée. Au bout de quelques minutes, on ne s'étonne plus de la manière dont les personnages insèrent dans le texte des dialogues des mots adressés aux spectateurs et à eux-mêmes révélant leur état d'esprit et les sentiments qu'ils éprouvent face aux différentes situations.
Avant de venir, j'avais bien vu que Franck Krawczyk participait à ce spectacle. Comme il avait réalisé l'adaptation de la partition pour Une Flûte enchantée qu'il avait interprétée certains jours, il était clair que la musique aurait sa place dans ce spectacle. En fait, c'est une très belle pièce de théâtre musical ! Sur la scène, trois musiciens ont pris place. Une guitare, une trompette, un accordéon (dont l'instrumentiste joue également sur un clavier de synthétiseur). La musique accompagne l'action. Parfois elle est en arrière-plan et rythmes les scènes. Parfois elle est décorative, le synthétiseur étant par exemple utilisé pour produire une sonnerie quand Philemon téléphone à son patron (blanc). Parfois la musique prend le dessus. Elle est constituée d'un étonnant assemblage de morceaux provenant de très diverses sources (classiques, sud-africaines, américaines, etc.). Pour ne mentionner que celles que j'ai reconnues, on entendra ainsi le piano jouer la valse du Beau Danube bleu. La guitare accompagnera la chanteuse-comédienne Nonhlanhla Kheswa dans la version de Jeux interdits chantée par Miriam Makeba : Forbidden Games. Elle chantera aussi Malaika, entre autres. Jared McNeill chantera pour sa part Strange fruit. D'après le programme, il y aurait également du Schubert (que je n'ai pas identifié précisément). Il peut sembler étonnant qu'on puisse arriver à monter une pièce de théâtre assez brève (environ 1h10) tout en incluant des musiques aussi diverses sans que l'assemblage paraisse hétéroclite. Pourtant, cette équipe y est parvenu et le résultat est bouleversant ! Que la pièce soit en anglais comme le sont la plupart des chansons n'est sans doute pas étranger à l'impression de continuité, qui est renforcée par le fait que les musiciens puissent se déplacer dans l'espace scénique et même participer à l'action (comme le seront d'ailleurs deux spectatrices !).
Cela se joue jusqu'au 5 mai, cf. le site du théâtre.
2012-04-03 10:04+0200 (Orsay) — Culture — Musique
Salle Pleyel — 2012-04-02
Akademie für Alte Musik Berlin
Accentus
Sandrine Piau, soprano
Topi Lehtipuu, ténor
Johannes Weisser, baryton
Laurence Equilbey, direction
Die Schöpfung, Haydn
Chœur Es wird ein Stern aus Jakob aufgehn extrait de Christus, Mendelssohn
J'assistais hier soir à ma troisième Création de Haydn. La première date de 2008 et était dirigée par Philippe Herreweghe. En relisant mon billet sur celle de l'année dernière, je me rends compte que je pourrais presque en faire un copier-coller, et ce d'autant plus que sur les trois solistes, deux étaient déjà présents (Sandrine Piau et Topi Lehtipuu).
Je n'avais pas réécouté cette musique depuis un an. Je redécouvre cette œuvre qui est un oratorio à la manière d'un opéra de Mozart. On sent néanmoins parfois l'influence du maître du genre : Händel.
Dans l'évocation des créatures, mon goût se fixe sur d'autres animaux
que lors des auditions précédentes. Cette fois-ci, j'aime tout
particulièrement le chant des alouettes et le roucoulement des colombes.
J'admire également le jeu de mécano du contrebassoniste qui doit ajouter
des rallonges à son instrument pour faire deux pôm pôm
.
Je n'ai pas été immédiatement convaincu par l'orchestre : aux quelques minutes illustrant le chaos précèdant l'apparition de la Lumière manquaient de l'inquiétante tension que j'aurais aimé entendre (le tempo était me semble-t-il très très lent dans cette introduction). Mon impression sur l'orchestre s'est très nettement bonifiée par la suite. En revanche, le chœur Accentus m'a beaucoup plu dès son entrée. L'ensemble fête ses 20 ans ; du coup, le directeur de la Cité de la musique et de la Salle Pleyel a été de corvée de discours. La lumière a été. Sandrine Piau a superbement loué le Créateur. Des trois solistes, c'est elle que j'ai préférée. Son chant ornementé m'a semblé plus enthousiasmant que celui, plus terne, surtout au début, du ténor. Le chant du baryton Johannes Weisser, que j'entendais pour la première fois, m'a paru agréable aussi, même si la chef l'a apparemment un peu mis en difficulté en adoptant un tempo très lent dans un de ses numéros. Quels beaux graves !
Le mystère s'éclaircit-il quand on voit Laurence Equilbey depuis l'arrière-scène ? Depuis mon deuxième balcon, je ne vois guère de corrélation entre ce que je vois et ce que j'entends. Il semble à peu près certain qu'elle dirige pas mal en avance sur la musique. Un certain nombre de gestes, parfois brusques, me semblent indéchiffrables (cela dit, je ne suis pas musicien). Mon point de repère dans l'orchestre est la violoncelliste Kathrin Sutor de l'Akademie für Alte Musik Berlin. Curieusement, ses yeux se tournent davantage vers le premier violon que vers la chef. Elle semble communiquer son enthousiasme à ses camarades, qui semblent jouer en très bonne entente, se faisant des petits signes ou accompagnant certains accents de mouvements de tête. Cela fait un peu musique de chambre, à beaucoup mais pas trop : 2 contrebasses suffisent. Dans les récitatifs (et avec le reste de l'orchestre par ailleurs), ce n'est pas un clavecin, mais un pianoforte que l'on entend. Cet instrument rentre un peu plus dans le moule orchestral là où un clavecin aux sonorités si éloignées des autres instruments se distinguerait plus immédiatement.
Si la musique de cet oratorio me plaît de plus en plus, la niaiserie du livret m'apparaît à chaque écoute encore plus navrante.
2012-04-01 22:37+0200 (Orsay) — Culture — Musique — Danse
Salle Pleyel — 2012-03-30
Orchestre philharmonique de Radio France
Hélène Collerette, violon solo
Arvo Volmer, direction musicale
Elisabeth Leonskaja, piano
Concerto pour piano et orchestre nº2 en sol mineur, op. 16 (Prokofiev)
Petrouchka, scènes burlesques en quatre tableaux, version de 1947 (Stravinski)
Vendredi soir, j'ai eu mon dernier concert orchestral du mois de mars. Il semblerait que les orchestres installés à Paris ou de passage soient en pleine forme... Pour cette dernière, c'était le Philharmonique de Radio France, dirigé par Arvo Volmer (qui remplaçait Pablo Heras-Casado). Au poste de violon solo, le programme avait annoncé Svetlin Roussev, mais c'est Hélène Collerette qui est venue. (Elle n'a pas eu droit à un rectificatif de programme.)
Assis au deuxième balcon en première partie de programme, je profite d'un très bonne acoustique, ce qui me dissuadera de descendre à l'arrière-scène à l'entr'acte. De tout en haut, la course des mains d'Elisabeth Leonskaja sur le piano est impressionnante ; je n'ose imaginer l'effet que ça doit certainement faire vu de près. Il semblerait qu'avec Prokofiev, on ne soit jamais déçu... La musique est assez folle, les cuivres de l'orchestre sonnent particulièrement bien (les cors, le tuba !). La musique me rappelle parfois d'autres compositions de Prokofiev (en particulier Cendrillon). Le troisième mouvement de ce concerto pour piano est particulièrement dansant.
Au milieu de son bis, alors qu'elle est sur un point d'orgue, la pianiste aura un élégant mouvement de la main gauche pour faire signe aux applaudisseurs intempestifs de s'arrêter. Pour ce qui est des tousseurs, ils ont eu un très très long passage choral entre le premier et le deuxième mouvement du concerto.
Après l'entr'acte, l'orchestre est peut-être plus nombreux encore pour interpréter Petrouchka. J'ai beaucoup aimé cette interprétation. Quelle énergie chez les contrebasses ! qui sont au nombre de 8. Le moment que je préfère dans cette musique (le début du quatrième tableau) a été merveilleusement bien joué. Le premier violon, la flûte et la trompette ont été excellents dans leurs solos. Mon seul regret : dans l'empilement orchestral, la mélodie jouée par les vents était parfois cachée par les cordes.
⁂
Cité de la musique — 2012-04-01
Orchestre philharmonique de Radio France
Hélène Collerette, violon solo
Arvo Volmer, direction musicale
Fanny Ardant, récitante
Raphaëlle Delaunay, danse, chorégraphie
Manon Gignoux, costumes
L'Histoire du soldat (Stravinski)
Petrouchka, scènes burlesques en quatre tableaux, version de 1947 (Stravinski)
L'empêchement que j'aurai d'aller voir L'histoire du soldat à l'Athénée en juin et l'annulation du récital de Thomas Quasthoff à la Cité de la musique m'ont fourni l'occasion de substituer à ce récital un billet pour le concert de ce dimanche de l'Orchestre philharmonique de Radio France. En première partie, un ensemble de sept musiciens dirigés par Arvo Volmer interprètent la musique du mélodrame de Stravinski. Les premières interventions de Fanny Ardant sont parlées, mais en mesure ! Le texte est heurté et brut, mais il est rimé. Entre les numéros musicaux, la comédienne libérée de cette contrainte rythmique et donc plus détendue pourra mettre en évidence son talent dans la lecture de ce texte. Le soldat rentrant dans sa famille a accepté un pacte du diable. En échange de son violon, il aura connaissance du futur, ce qui lui permettra de s'enrichir et d'épouser la fille du roi. La dernière rencontre avec le diable alors qu'il revenait voir sa mère lui sera fatale. Mon état de fatigue et la faiblesse des lumières m'empêchent de profiter complètement de cette première partie. Cependant, pendant mes moments de lucidité, j'apprécie tout particulièrement la partie de violon d'Hélène Collerette, ainsi que la moue de celle-ci quand le texte fait dire au soldat que son instrument est de mauvaise qualité (acheté pour dix francs !).
Après l'entr'acte, l'orchestre au complet occupe tout l'espace scénique ordinaire de la salle des concerts. Cette salle étant modulable, les rangées de sièges avaient été reculées de façon à laisser un espace à l'avant-scène sur lequel pourrait évoluer la danseuse et chorégraphe Raphaëlle Delaunay (ancienne du Ballet de l'Opéra, du Tanztheater Wupperthal et du Nederlands Dans Theater, excusez du peu). Que ce Petrouchka se tienne à la Cité de la musique et non à Pleyel et qu'il comporte une partie dansée font que cette moitié de concert ne doublonnera pas complètement avec celle du concert de vendredi où cette œuvre était interprétée par le même orchestre et le même chef.
Le fait que la plate-forme où danse Raphaëlle Delaunay soit si basse
m'empêche de voir ses pieds, ce qui n'est pas idéal pour apprécier la
danse... Pour ce que j'en ai entr'aperçu, je n'ai pas du tout été convaincu
par la chorégraphie qui m'a un peu trop détourné de la musique, mais sans
m'intéresser ou m'émouvoir. La danseuse portera trois costumes au cours de
la grosse demi-heure que dure l'œuvre. Forcément, changer de costume prend
un certain temps... pendant lequel il ne se passe rien sur scène. Soit on
fait jouer les différents rôles par plusieurs danseurs, soit on abandonne
la convention qui voudrait que chaque personnage ait son costume (les
danseuses de bharatanatyam arrivent très bien à interpréter
simultanément plusieurs rôles en gardant un unique costume !). Rester en
coulisses pendant tout un tableau (le deuxième, celui qui se passe chez
Petrouchka), je trouve que c'est se moquer du monde. On trouve quelques
références à la chorégraphie/scénographie d'origine. Dans le premier
tableau, la danseuse entre habillée en ballerine en portant des béquilles,
ce qui fait écho aux bras contraints des trois danseurs interprétant les
rôles des trois poupées dans le ballet de Fokine au moment où le charlatan
les présente à la foule. Plus tard, dans le quatrième tableau, on verra à
une poignée de reprises la danseuse faire des mouvements mous des épaules
et des bras comme le fait Petrouchka. Le point culminant du ballet, pour la
danseuse, est le troisième tableau où elle joue le rôle du Maure, montrant
ses muscles et faisant tournoyer des colliers de perles autour de son cou.
C'est une performance tout à fait appréciable, mais le problème est que
visuellement tout se passe comme s'il n'y avait que le Maure ; rien ne
semble signaler l'entrée de la ballerine (que la musique annonce pourtant).
À la fin de cette partie, la danseuse fera un petit numéro à la Joséphine
Baker (ceinture de bananes). La danseuse ayant endossé le rôle de la
ballerine et du Maure, je me dis qu'au quatrième, elle sera Petrouchka.
C'est un tout petit peu vrai vu la poignée de mouvements qui rappelleront
ce personnage comme j'ai dit plus haut, mais j'ai surtout l'impression
d'avoir la confirmation que la danseuse-chorégraphe tourne le ballet en
dérision. Elle apparaît en effet habillée en jeune des banlieues
avec
un casque sur les oreilles et elle se met à danser dans un style hip
hop (enfin, je crois) jusqu'à la fin. Elle a même continué à danser
longtemps après que l'orchestre s'est arrêté.
2012-04-01 00:24+0200 (Orsay) — Culture — Musique — Danse — Lectures — Culture indienne
Quel mois ! En novembre dernier, j'avais déjà eu un mois très chargé en spectacles. La plupart avaient été extrêmement satisfaisants. Ce mois de mars a été encore plus riche en émotions. Voici un récapitulatif, le nombre de points d'exclamation étant une indication approximative d'appréciation, au frissonomètre, au lacrimomètre, au youpiömètre, enfin bref :
concerts de ma vieex-aequo !!!!!!!!
Des 23 spectacles auxquels j'aie assisté ce mois-ci, je n'ai gardé que le meilleur, certains spectacles juste bien n'ayant pas été considérés dignes de figurer dans la liste !
2012-03-24 22:17+0100 (Orsay) — Culture — Musique — Culture indienne
Théâtre de la Ville — Les Abbesses — 2012-03-24
S. Saketharaman, chant carnatique
Vittal Ramamoorthy, violon
Neyveli Narayanan, mridangam
Le concert de cet après-midi au Théâtre des Abbesses m'a permis de confirmer les observations que je m'étais faites à propos de la musique carnatique en août dernier, à l'occasion de quelques concerts au Vani Mahal à Chennai, en particulier celui de Sri Mohan Santhanam.
Le récital de chant carnatique semble donc se composer de plusieurs
développements
. Éventuellememt, quelques morceaux plus courts
laissant un peu moins de place à l'improvisation peuvent être insérés dans
le programme. Le jeune chanteur S. Saketharaman (~30 ans) en a inséré
trois. Une vive chanson à cinq temps est intervenue après les deux premiers
développements, et en conclusion du récital, il a interprété une berceuse
(apparemment en l'honneur de Krishna-Madhava) et un Tillana un peu
alambiqué.
Restent donc trois développements. La structure générale me semble être
toujours la même. Le chanteur commence par vocaliser tout en incluant
parfois des suites de syllabes un peu toutes faites (comme Tadarina
ou d'autres que l'on entend régulièrement dans des Alap de musique
du Nord de l'Inde). Bref, on dirait une sorte de substitut à
l'Alap dans lequel il serait toutefois permis d'utiliser toutes
les notes du Raga dès le début. Le mouvement mélodique du chanteur est en
général immédiatement répété par le violoniste. Subitement, on passe à la
composition, préalablement fixée. Le texte est chanté par le chanteur qui
est maintenant accompagné par le percussionniste. Progressivement, il va
improviser en prenant cette composition pour base. Il peut garder tout ou
partie du rythme, remplacer les syllabes par des notes de la gamme,
commencer une phrase par des notes solfiées et terminer par les dernières
syllabes du vers (śloka). Le chanteur élabore souvent des
variations qui ont pour propriété rassurante de se terminer toujours de la
même façon et à un endroit précis du cycle rythmique. L'autre
caractéristique est qu'on ne sait jamais comment la nouvelle variation va
commencer. C'est particulièrement agréable à entendre. La composition sous
sa forme originelle revient généralement à la fin du développement pour le
conclure.
Dans cette structure immuable (introduction, composition, improvisation, retour à la composition) peuvent s'insérer des interventions solistes des autres musiciens. En particulier, on entend souvent un solo de violon à la fin de l'introduction. Un solo rythmique peut également intervenir peu avant la fin de la partie la plus improvisée (et plutôt en fin de concert). À tout moment, il peut y avoir des jeux de questions et réponses (particulièrement délectables !) entre les différents musiciens.
Maintenant, je peux parler de ce concert en particulier. Le premier développement (en tamoul) sur le Raga Mohanam a surtout servi au chanteur à se chauffer la voix (ne jamais trop se fier à la première composition...). Il clappe de façon presque hystérique sa main droite sur son genou, tout en accompagnant de sa main gauche le mouvement mélodique. Ce n'est pas le clappeur le plus facile à suivre : je me suis d'abord calé sur le joueur de mridangam. En effet, il a tendance à clapper à la croche bien plus souvent que d'autres chanteurs. Dans cette composition, le Tala Adi (8 temps) n'était cependant pas trop compliqué à suivre. (Par contre, dans la composition à 5 temps, je n'ai pas du tout senti les cycles rythmiques.) Sauf erreur, la deuxième composition en télougou due à Tyagaraja et dédiée à Rama était en Raga Bindumalini (et toujours en Tala Adi). Cette deuxième composition m'a beaucoup plu. Ce qui m'a gêné par contre, c'est la brièveté de la partie introductive du Raga (avant l'entrée de la composition), ce qui était d'ailleurs encore plus un problème dans le premier développement.
Le troisième développement a été sensiblement plus long que les deux
premiers. C'est la pièce principale du programme, sur le Raga Kalyani. Le
cycle rythmique était de sept temps (apparemment divisé ainsi :
1+1+1+½+1+1+1+½). J'ai particulièrement aimé les variations du chanteur se
terminant par les syllabes mi-na-shri
. Le solo de mridangam a été
très décevant... (Peu avant ou après ce solo, je ne sais plus, le tampura
électronique s'est désaccordé, probablement suite à quelque geste brusque
du chanteur qui pour le régler à nouveau a fait émettre à cet engin de
malheur une ou deux gammes chromatiques très
carrées.)
Bref, un bon concert de musique carnatique, mais n'ayant aucun caractère exceptionnel.
2012-03-23 11:50+0100 (Orsay) — Culture — Musique — Danse — Culture indienne
Opéra Bastille — 2012-03-22
Ludwig Minkus, musique, réalisée et adaptée par John Lanchbery
Marius Petipa, Sergueï Khoudekov, livret
Rudolf Noureev, chorégraphie et mise en scène d'après Marius Petipa
Ezio Frigerio, décors
Franca Squarciapino, costumes
Vinicio Cheli, lumières
Fayçal Karoui, direction musicale
Aurélie Dupont, Nikiya
Josua Hoffalt, Solor
Ludmila Pagliero, Gamzatti
Allister Madin, Le Fakir
Yann Saïz, Le Grand Brahmane
Stéphane Phavorin, Le Rajah
Christine Peltzer, Aiya, servante de Gamzatti
Alexis Renaud, L'Esclave
Florimond Lorieux, L'Idole dorée
Charline Giezendanner, Danse Manou
Sabrina Mallem, Julien Meyzindi, Danse indienne
Héloïse Bourdon, Première variation
Charline Giezendanner, Deuxième variation
Aurélie Bellet, Troisième variation
Ballet de l'Opéra
Élèves de l'École de danse de l'Opéra
Orchestre de l'Opéra national de Paris
La Bayadère, ballet en trois actes (production créée pour le Ballet de l'Opéra national de Paris le 8 octobre 1992)
J'avais été émerveillé la première fois que j'avais vu La Bayadère, il y a deux ans. Je viens de voir ce ballet pour la deuxième fois. Ce qui m'a le plus marqué lors de cette représentation du 22 mars (diffusée en direct dans certains cinémas), c'est avant tout la musique du premier acte. Dans les deux derniers actes, à part quelques numéros émouvants (Variation de la corbeille à fleurs de Nikiya, L'entrée des ombres), Minkus a comme à son habitude pondu du zimbadaboum-ertata festif. Dans le premier acte, au contraire, il s'est absolument surpassé. J'ai été tout étonné d'être ému en premier lieu par la musique au cours de ce premier acte. L'Orchestre de l'Opéra de Paris dirigé par Fayçal Karoui est en état de grâce. Absolument tous les pupitres sont formidables. Les cordes, les vents, les cuivres, les timbales, le triangle, j'espère que je n'oublie personne. De ma place acoustiquement idéale au dernier rang du deuxième balcon, j'entends les différentes voix orchestrales (quoi, du contrepoint chez Minkus ?!). Les instruments à vents sont absolument fabuleux, et parmi eux, le flûtiste solo est un génie du phrasé. Les équilibres entre ces instruments à vents qui se répondent m'a procuré un plaisir auquel je ne m'attendais absolument pas ! Le plus merveilleux est que l'orchestre est en symbiose avec ce qui se passe sur scène. Quel sens de la dramaturgie dans cette direction d'orchestre ! Quel science des nuances, des ralentissements/accélérations et du phrasé !
Côté danseurs, j'apprécie tout particulièrement Josua Hoffalt (Solor),
nommé danseur étoile il y a peu ; cela faisait longtemps que j'en entendais
parler par d'autres balletomames, mais la première fois qu'il m'avait
vraiment ébloui, c'était lors de reprise d'Onéguine en décembre dernier. Dans ce grand rôle,
il a été magnifique du début à la fin. J'ai également beaucoup aimé revoir
Aurélie Dupont (Nikiya), même si je l'avais trouvée plus bouleversante
dans le rôle de Tatiana. Ludmila Pagliero joue bien son
rôle dans le premier acte (essentiellement de la pantomime). Je n'ai pas
été très séduit par sa variation dans le deuxième acte (ce que j'ai préféré
dans ce passage, ce sont les adorables glissandis de la harpe !). Je dois
avouer avoir été un tout petit peu ému pendant ses fouettés (qu'elle a
curieusement finis bien en avance sur la musique). À part ça, très belle
idole dorée de Florimond Lorieux, superbe Charline Giezendanner dans la
danse Manou
et dans la deuxième variation du troisième acte. Dans la
danse indienne
du deuxième acte (que je ne trouve plus si penjabie
que ça, à la réécoute/revisionnage), Sabrina Mallem m'a semblée
é-pa-tan-te. Elle avait dû manger du lion...
Il y a deux ans, je me faisais déjà la remarque
évidente que l'Inde montrée dans ce ballet était une Inde phantasmée... La
vision qui en est donnée, au-delà de certains clichés, est somme toute
assez intéressante. Du point de vue religieux, c'est un drôle de
syncrétisme. Un des personnages est le grand brâhmane, et dans le premier
tableau du premier acte, d'autres sont appelés les hindous
.
Pourtant, leur rituel associé au feu évoque plutôt le zoroastrisme. La
danse des poignards fait penser au sanglantes flagellations de l'Achoura. L'idole dorée, je
ne sais pas très bien d'où elle vient (Noureev aurait-il vu les films de Spielberg ?). Je lis
sur Wikipedia
que la position des mains du danseur est censée évoquer le lotus.
Peut-être, en tout cas, ce n'est pas ainsi que s'y prennent les danseuses
de bharatanatyam ! En effet, la position des mains du danseur ressemble à
la position de yoga Jnana Mudra
et aussi au
mudra Hamsâsya (tête de cygne) qui ne semble pas admettre le
lotus comme sens possible. Le mudra indien typique serait plutôt Alapadma
(lotus épanoui) ou encore le mouvement des deux mains représentant
l'éclosion de la fleur de lotus.
Un gros détail m'a intrigué. Lors du deuxième acte, Solor fait son entrée en scène à dos d'éléphant (factice). Son entrée est donc bien plus triomphale que celle du Rajah. Cela a de quoi étonner puisque dans le récit de voyage de François Bernier (1656-1669) publié chez Chandeigne sous le titre Un libertin dans l'Inde moghole, on peut lire la description d'un voyage du Grand Moghol Aurangzeb. Toute sa cour l'accompagnait et s'il était à dos d'éléphant, à cheval ou porté par ses hommes, ses courtisans devaient le suivre à cheval, ce qui ne laissait pas de les fatiguer.
L'histoire est censée se passer à Golconde, un fort situé non loin de Hyderabad dans l'enceinte duquel on trouve évidemment des mosquées, mais aussi un temple de Kali :
Le décor du temple du premier acte n'a pas grand chose à voir avec un seul des nombreux temples que j'ai vus en Inde. Pendant le deuxième acte, tout dans les décors évoque l'Inde islamique. On ne distingue certes pas de calligraphies comme on en voit souvent en Inde, mais d'autres éléments sont utilisés, comme les formes géométriques (qui était également visibles sur le décor du temple). Voici quelques exemples vus au fort de Gwalior :
Si on trouve dans les décors peu de représentations florales aussi riches et colorées que celle située au centre de la photographie suivante prise au Fort rouge de Delhi, les motifs en arabesques qui apparaissent sur le bord sont beaucoup utilisés dans le décor d'Ezio Frigerio :
Les arabesques apparaissent également dans la décoration suivante qui orne une voûte du mausolée d'Akbar à Sikandra, près Agra :
Voici un autre exemple de voûte, cette fois-ci en extérieur, sur le pavillon à l'entrée du tombeau de Safdarganj à Delhi :
Idem, avec un cadrage plus large :
Le décor du deuxième acte est assemblage complexe de voûtes dans ce genre-là, mais aussi de variantes arrondies de celle-ci, dont tout le Taj Mahal est orné :
(Lors de mon voyage de l'été 2009, j'avais regroupées certaines photographies en plusieurs séries, notamment Fleurs, Motifs/arabesques, Calligraphies. C'était mon premier voyage en Inde en compagnie de mon réflex, j'avais réussi quelques photos, pas comme lors de mon dernier voyage où je les ai toutes ratées sauf une.)
De quoi voulais-je parler, déjà ? Ah, oui, La Bayadère. À la
fin des saluts, Brigitte Lefèvre est montée sur scène, a commencé par
saluer les (télé)spectateurs et a remercié Ludmila Pagliero d'avoir
remplacé une autre danseuse (Mathilde Froustey qu'elle n'a pas nommée et
dont le nom était encore sur les affiches de la représentation ; l'Opéra
aurait quand même pu en imprimer de nouvelles...). Je me suis dit qu'elle
n'était pas montée sur scène juste pour ça. Quand elle a commencé à dire
qu'elle allait lire un message de Nicolas Joel, j'ai compris... Quelques
secondes plus tard, Ludmila Pagliero était nommée danseuse étoile
.
Cette danseuse a manifestement de fervents admirateurs. Je n'en fais pas
partie. (Je partage le sentiment exprimé par Amélie.)
Abasourdi par cette nouvelle, je suis consterné par ce que je vois en attendant mon train à Châtelet : un contrôle de police. Trois policiers ont malmené verbalement un jeune homme au prénom bien de chez nous (ce qui aurait fait plaisir à Éric Zemmour), mais qui cumule le délit de sale gueule à celui d'écouter de la musique un peu fort. Pour ça, on l'a menacé d'une amende de 135€. Cela se passe de commentaire.
2012-03-23 11:09+0100 (Orsay) — Culture — Musique
Salle Pleyel — 2012-03-20
Karita Mattila, soprano
Ville Matvejeff, piano
Sieben frühe Lieder (Berg)
Meine Liebe ist grün, Wiegenlied, Von ewiger Liebe, Vergebliches Ständchen (Brahms)
Harmonie du soir, Le Jet d'eau, Recueillement (Debussy)
Der Stern, Wiegenlied, Allerseelen, Frühlingsfeier (Strauss)
La Salle Pleyel malheureusement peu remplie accueille chaleureusement Karita Mattila, diva finlandaise. Je l'entends pour la première fois en concert. Quelle déesse du chant ! Quel plaisir de l'écouter ! Tout n'est pas absolument parfait, mais quelle différence avec la souffrance qu'avait été celle d'écouter Natalie Dessay récemment !
En première partie, j'ai préféré son Berg à son Brahms. Après
l'entr'acte, je quitte le premier balcon pour le tout premier rang centré
du parterre où j'avais repéré une place inoccupée ! Après avoir porté une
robe grise à paillettes, elle revient dans une nouvelle robe noire pour
interpréter trois mélodies de Debussy. Sa diction française est parfaite.
Si j'avais voulu suivre le moindre détail du texte, cela ne m'aurait
demandé aucun effort. J'ai préféré me focaliser sur la musique.
L'accompagnement pianistique n'est peut-être égal à celui de Philippe
Cassard, mais ce que fait Ville Matvejeff est plus que bien. Je suis sidéré
par le beauté de cette interprétation. La chanteuse me fait une impression
peut-être meilleure encore dans les quatre Lieder de Richard Strauss
qu'elle a ensuite chantés. Dans la berceuse (Wiegenlied), elle
élabore de superbes et raffinés phrasés que ne renieraient sans doute pas
les chanteurs de dhrupad ! Dans le dernier des Strauss
Frühlingsfeier, c'est un déchaînement vocal absolument divin qui
se déclenche. C'est bien une déesse nordique qui appelait Adonis !
Adonis !
, curieusement...
À part ça, sa façon de s'adresser au public est absolument indescriptible !
Ailleurs : Palpatine.
2012-03-22 09:38+0100 (Orsay) — Culture — Musique
Salle Pleyel — 2012-03-19
Budapest Festival Orchestra
Iván Fischer, direction
Chansons paysannes hongroises pour orchestre (Bartók)
Dezső Ránki, piano
Concerto pour piano nº2 (Bartók)
Symphonie nº9 La Grande (Schubert)
En m'installant à ma place d'arrière-scène, je constate avec tristesse que la Salle Pleyel est pratiquement vide. Je me réjouis pourtant d'entendre le Budapest Festival Orchestra (Bfz) jouer de la musique hongroise. Je les avais déjà entendus dans un programme Wagner/Stravinski il y a deux ans ; le genre de concert qui fixe une référence pour l'interprétation d'une œuvre (en l'occurrence Petrouchka) et qui du coup fait que quelqu'autre combinaison d'orchestre et de chef n'arrive plus qu'à vous la resservir fadasse (JEG/ONF).
L'orchestre prend place au dernier moment, ce qui provoque une certaine surprise. Les violons I sont à gauche avec les violoncelles, les violons II à droite avec les altos et les contrebasses sont alignées à l'arrière. Ce n'est pas la disposition majoritaire, mais cela reste assez standard, ce qui l'est beaucoup moins, c'est le positionnement des vents en deux demi-cercles concentriques au plus près du chef. Ses indications, un coup à gauche, et puis à droite, n'auront donc aucune ambiguité pour quiconque, musiciens ou spectateurs. L'effectif est important. Je dénombrerai 50 cordes (6 contrebasses).
Les violons et les altos jouent debout pendant les Chansons paysannes hongroises. L'ensemble me paraît assez inégal, un peu touffu, mais quelques passages me plaisent beaucoup.
Le grand moment du concert a été l'interprétation du concerto pour piano nº2 de Bartók. Pendant le premier mouvement, je suis impressionné par la virtuosité du pianiste Dezsö Ránki (qui remplace András Schiff). Le chef Iván Fischer est bouillonnant. Pendant la cadence, s'il ne bouge plus les mains, le reste de son corps, notamment la tête, dodeline en rythme avec le son du piano. Le deuxième mouvement (lent) m'a énormément plu, en partie grâce au motif joué à plusieurs reprises par les cordes (et la dernière fois d'une façon toute différente des précédentes) et aussi par le superbe duo entre le piano et les timbales. Ce qui fait la richesse de ce concerto, ce sont plutôt les instruments à vents et tout particulièrement dans le premier mouvement. J'ai l'impression de n'avoir jamais entendu cette œuvre, mais à l'entr'acte, je demanderai confirmation à Klari. Oui, c'est bien le même concerto que lors du concert Boulez/Chamayou/Orchestre de Paris. Pourtant, je n'ai rien reconnu... La façon de jouer des instruments à vents est une des raisons pour lesquelles j'ai nettement préféré l'interprétation du Bfz. Ce qui m'avait semblé incompréhensible et confus paraissait cette fois-ci certes extrêmement inhabituel et étonnant pour moi, n'ayant pas souvent entendu du Bartók, mais plus clair, sans pour autant manquer de contrôle ou de violence (quels crescendos !)
À l'entr'acte, je me fais remarquer en allant me placer au tout dernier rang du deuxième balcon déserté. De là-haut, je peux apprécier les beaux équilibres orchestraux trouvés au cours de la Symphonie nº9 de Schubert. Si tout est superbement joué, je dois avouer avoir trouvé cette œuvre un peu faiblarde dans les deux premiers mouvements. Certes, on y entend de jolis thèmes, mais par rapport à d'autres compositeurs, cela semble manquer d'idées et c'est un peu trop répétitif à mon goût. Cependant, les tuttis orchestraux permettent de mettre en valeur l'énergie dépensée par l'orchestre et les interventions des vents sont délectables.
Mes préventions s'évanouissent avec le troisième mouvement. Les instruments à vents y sont particulièrement à la fête. Les cordes graves se déchaînent comme il faut (mention spéciale au violoncelliste aux cheveux blancs !). Surtout, le chef sait créer des petits retards contrôlés, de brefs moments d'attente qui renforcent le caractère dansant de ce Scherzo. Je reste dans la même état de béatitude pendant le Finale, seulement distrait pendant quelques instants avec l'impression d'entendre un effet que Tchaikovski aurait peut-être pompé pour la Polonaise d'Eugène Onéguine. (Je fais parfois des associations un peu bizarres, par exemple, il y a un motif dans Tristan et Isolde que je surnommerais volontiers Le motif du Freischütz.)
Après que l'orchestre a été beaucoup applaudi, Iván Fischer se tourne
vers le public et demande (dans un français parfait) si nous souhaitons
entendre du Bartók ou du Schubert. Personne d'autre que moi ne doit
entendre mon cri Bartók !
. On vote en effet d'abord à celui qui crie
le plus fort puis à mains levées. La conclusion semble être Les
deux
. Le premier avait l'air d'être plus schubertien que bartókien et
les autres plus bartókiens que schubertiens, mais je n'y mettrais pas ma
main à couper.
Ailleurs : Palpatine, Klariscope.
2012-03-18 21:29+0100 (Orsay) — Culture — Musique
Cité de la musique — 2012-03-18
Les Dissonances
Quatuor à cordes nº1 Métamorphoses nocturnes, György Ligeti
David Grimal, violon
Concerto pour violon et orchestre à cordes Lumière lointaine, Pēteris Vasks
Cinq Mouvements, op. 5, Anton Webern
Métamorphoses, Richard Strauss
S'il n'y avait pas eu la série de concerts du Chamber Orchestra of Europe (en particulier le premier), mon concert de l'année aurait pour le moment été le concert Janáček aux Bouffes du Nord. Certains des musiciens qui jouaient alors faisant partie de l'ensemble Les Dissonances, je me réjouissais d'aller les écouter à la Cité de la Musique.
La première partie du concert a été absolument fabuleuse. Cela a commencé par un quatuor à cordes de Ligeti, peut-être aussi intense pour moi que les quatuors de Janáček précédemment entendus. Les musiciens me paraissent immédiatement sympathiques et pas seulement par la présence de grosses touffes de cheveux sur la tête de certains d'entre eux. Les quatre musiciens ont les uns vis-à-vis des autres des rôles très changeants au cours de ce quatuor. Une phrase musicale pourra être introduite par le violon I (Pierre Fouchenneret), puis reprise par le violon II (Guillaume Chilemme). Les associations peuvent également se faire entre le violon I et le violoncelle (François Salque) ou plus étonnamment entre le violon II et l'alto (Adrien Boisseau). Les motifs sont parfois joués successivement par deux ou plusieurs des musiciens. Au contraire, parfois comme dans un contrepoint le fil musical ne semble exister que par la superposition de toutes les parties. Parfois, et notamment dans les passages les plus vifs, les musiciens aux respirations synchronisées s'activent comme un seul instrument. La fin m'a particulièrement plu avec un petit motif de quatre notes qui est d'abord joué par le violon I, puis successivement par les autres musiciens, avec quelques variations. S'il a été plaisant de voir un certain équilibre entre les musiciens dans ce quatuor (chacun a des moments où il peut être considéré comme le soliste), ce quatuor recèle quelques passages humoristiques et une grande variété de timbres.
Le concerto pour violon de Pēteris Vasks est interprété par David Grimal. Comme dans tout le concert, il n'y aura sur scène que des instruments à cordes. C'est assurément un des plus beaux concertos pour violon que j'aie eu l'occasion d'entendre. La relation entre le violon et l'orchestre me fait penser à celle d'une voix accompagnée par l'orchestre. Le chant du violon n'est cependant pas des plus gais. Il est presque funèbre. Grossièrement, la structure du concerto est la suivante : mouvement lent, mouvement rapide, mouvement lent animé d'un accelerando frénétique, retour à le lenteur. Dans chacune des trois premières parties s'insère une cadence pour le violon. Cela change de la succession habituelle rapide-lent-rapide ! Certains thèmes sont d'abord joués par le soliste puis par l'orchestre. Parfois, comme dans le deuxième mouvement, c'est étrangement le contraire qui se passe. L'assurance et la complicité de cette belle équipe de jeunes musiciens m'a enthousiasmé !
Je suis un peu moins rentré dans les œuvres au programme de la deuxième partie du concert. Les Cinq Mouvements de Webern étaient assez contrastés, plus déliés que les fragments entendus récemment (dans une orchestration plus riche). Depuis ma place, certains des mouvements sonnent à mes oreilles comme un concerto pour alto (David Gaillard), ce qui ne gâche rien...
Bien que je sois allé avant le concert à la conférence d'introduction à cette œuvre, je ne suis pas vraiment rentré dans Les Métamorphoses (pour 23 cordes solistes) et à cause d'un certain état de fatigue je n'étais pas loin de m'endormir... Drôle de composition que ce surplace pantagruélique au bout duquel le compositeur se souvient qu'en vérité, il a été inspiré par le début du deuxième mouvement de la troisième symphonie de Beethoven.
2012-03-18 00:06+0100 (Orsay) — Culture — Musique — Danse
Théâtre des Champs-Élysées — 2012-03-17
William Forsythe, chorégraphie, costumes, conception lumières
David Morrow, musique
Rachel Shipp, réalisation lumières
Sylvie Guillem, Massimo Murru
Rearray
Jiří Kylián, chorégraphie, décor
Dirk Haubrich, musique
Joke Visser, costumes
Kees Tjebbes, lumières
Aurélie Cayla, Lukas Timulak
27'52"
Mats Ek, chorégraphie
Niko Rölcke, musique
Erik Berglund, lumières
Ana Laguna, Mats Ek
Memory
Mats Ek, chorégraphie
Beethoven, musique (Sonate pour piano op. 11, Arietta, enregistrement interprété par Ivo Pogorelich)
Katrin Brännström, décors et costumes
Erik Berglund, lumières
Elias Benxon, vidéo
Sylvie Guillem
Bye
Je n'avais pour le moment vu Sylvie Guillem que dans Éonnagata. Elle dansait dans deux des quatre pièces du programe dont avait lieu ce soir la troisième représentation au TCE.
Le premier ballet Rearray de William Forsythe est interprété par Sylvie Guillem et Massimo Murru. C'est la première fois que je vois un ballet de Forsythe. Je ferai encore quelques essais avec ce chorégraphie, mais il faut bien l'avouer : je me suis plutôt ennuyé en regardant ce ballet divisé en une douzaine de séquences séparées par des fondus au noir. La danse postmoderne avec ces mouvements aléatoires (générés par ordinateur ?), ce n'est pas trop mon truc. Un curieux phénomène lumineux s'est manifesté pendant cette pièce. J'avais en effet l'impression que les bras des danseurs ètaient poursuivis par une traînée de lumière, défiant les lois de la persistance rétinienne.
De Jiří Kylián, je n'avais vu que Kaguyahime, que j'avais adoré. 27'52" m'a un peu moins enthousiasmé, mais je l'ai nettement préféré au ballet précédent. Le chorégraphe utilise bien davantage la possibilité permise à deux danseurs (Aurélie Cayla et Lukas Timulak) de mettre leurs corps en contact. J'ai particulièrement aimé les différents portés. (Avec la succession des divers ballets, j'éprouve quelque difficulté à me souvenir des différentes musiques, mais il me semble que c'est la musique de ce ballet-ci que j'ai préférée.)
Le troisième ballet Memory a été pour moi le point culminant de ce spectacle. Il s'agit d'un bref, intense et poétique duo entre Mats Ek et Ana Laguna ! Très, très émouvant !
Après l'entr'acte, Sylvie Guillem interprète un solo de Mats Ek. Une trop grande part de l'ensemble se passe dans le tout petit angle mort que je ne vois pas depuis mon premier rang de corbeille excentré. Je ne saurais donc trop dire de quoi il est question dans ce ballet, si jamais il avait une quelconque part narrative. Pour le reste, cela reste très poétique, et moins déjanté que Une sorte de..., Appartement. Quand Sylvie Guillem fait plus ou moins le poirier près de l'avant-scène (le genre de choses qui curieusement font rire une partie du public), je peux entendre son souffle et voir pratiquement le moindre de ses muscles abdominaux se mouvoir périodiquement. Sinon, quels mollets !
Ailleurs : Blog à petits pas.
2012-03-16 01:54+0100 (Orsay) — Culture — Musique
Salle Pleyel — 2012-03-15
Katia et Marielle Labèque, pianos
Roland Daugareil, violon solo
Orchestre de Paris
Paavo Järvi, direction
Danses symphoniques, suite de West Side Story (Bernstein)
Battlefield, concerto pour deux pianos et double orchestre, op. 54 (Richard Dubugnon)
Roméo et Juliette, suite nº1, op. 64 bis (Prokofiev)
Le concert de ce soir de l'Orchestre de Paris est une exception au théorème énoncé dans un précédent billet. En effet, dès avant le début du concert, je sentais que l'ambiance était particulièrement bonne parmi les musiciens. Quand il a commencé à ajouter la suite extraite de West Side Story (Bernstein), l'orchestre était déjà survolté tandis que Paavo Järvi dansait sur son estrade.
Un réaménagement de la scène est nécessaire pour l'œuvre suivante, le double concerto Battlefield de Dubugnon. Les solistes sont les sœurs Labèque. Ce que j'ai vu et entendu ne me donne pas franchement envie de les revoir... Elles jouent presque tout très fort et projettent leur corps théâtralement vers l'arrière comme s'il subissait une contre-réaction à l'instant de la fin d'une phrase musicale. Comme pendant l'exécution de la fameuse symphonie de Rott, j'ai bien du mal à ne pas éclater de rire (davantage par le comportement des solistes que par la musique). Le double orchestre et les deux solistes se confrontent. L'œuvre dédiée à Didier de Cottignies est à sa suggestion inspirée par le triptyque La Bataille de San Romano. Les deux orchestres se répondent souvent. C'est violent. Ça saigne. Je me sens soulagé quand l'entr'acte intervient. (Une petite particularité instrumentale est à signaler dans cette œuvre. J'avais en effet sous mon nez six mini-gongs (accordés sur une note précise) sur lesquels étaient respectivement inscrits : b♮, c♯', g♯, Mi, f♯, a♯.)
En deuxième partie, je retrouve ma place d'arrière-scène pour la suite nº1 extraite de Roméo et Juliette de Prokofiev. L'orchestre est en pleine forme comme dans la première partie, et si on n'entend pas le tube qu'est La danse des chevaliers (qui n'est curieusement pas dans les suites tirées du ballet), j'aurai le plaisir d'entendre La Mort de Tybalt, l'extrait de cette musique de ballet que je préfère. Ce passage m'avait sidéré quand je l'avais entendu pour la première à l'Opéra Bastille. Non seulement ce morceau a été joué, mais il a été bissé. J'ai alors pu m'amuser à compter les coups pendant le solo de timbales (15 !) et apprécier la vivacité galopante des cordes, peut-être encore plus éblouissante lors du bis. La veste de l'altiste Ana Bela Chavez était décorée d'une fleur. Chez les contrebasses, le soliste était Bernard Cazauran, à qui je n'étais pas loin de demander un autographe quand il a fait une apparition au café Beaucour.
2012-03-15 11:53+0100 (Orsay) — Culture — Musique — Opéra
Opéra Bastille — 2012-03-14
Stéphane Degout, Pelléas
Vincent Le Texier, Golaud
Franz Josef Selig, Arkel
Julie Mathevet, Le petit Yniold
Elena Tsallagova, Mélisande
Anne Sofie von Otter, Geneviève
Jérôme Varnier, Un berger, Le médecin
Philippe Jordan, direction musicale
Robert Wilson, mise en scène et décors
Giuseppe Frigeni, co-metteur en scène
Frida Parmeggiani, costumes
Heinrich Brunke, Robert Wilson, lumières
Holm Keller, dramaturgie
Alessandro Di Stefano, chef de chœur
Orchestre et Chœur de l'Opéra national de Paris
Pelléas et Mélisande, Claude Debussy
Jusqu'à ce soir, je n'avais vu qu'un seul spectacle mis en scène par Robert Wilson. C'était il y a cinq ans avec La Passion selon Saint Jean au Châtelet. Si on voulait être méchant, on pourrait dire que ses spectacles se voient aussi bien, sinon mieux, en photo. Et des photographies de ses mises en scènes, j'en ai en effet vu un certain nombre. En vrai, c'est pareil. En dehors du presque bondissant petit Yniold et des éléments plus ou moins géométriques qui constituent le décor et qui se meuvent entre les tableaux, tout est extrêmement statique. Ce n'est pour autant pas le statisme flasque des metteurs en scène je-m'en-foutistes. Non, c'est un statisme tendu qui doit demander un certain effort physique aux chanteurs, surtout au niveau des bras et des épaules.
Depuis mon tout dernier rang de premier balcon de côté, je suis étonné de si bien entendre. La distribution vocale est absolument formidable. J'avais adoré le Golaud de Laurent Naouri au TCE l'année dernière, celui de Vincent Le Texier, plus froidement inquiétant, m'a également beaucoup plu ! L'Arkel de Franz Josef Selig est impérial. Dans le rôle de Mélisande, j'ai été ravi d'entendre Elena Tsallagova que je n'avais entendue que dans La petite renarde rusée et dans d'adorables rôles de moindre importance (Waldvogel dans Siegfried notamment). J'ai également pu réentendre Anne Sofie von Otter (Geneviève) que je n'avais pas vue depuis 2004 (dans un Couronnement de Poppée au TCE). N'ayant pas la possibilité de voir les surtitres depuis ma place, j'ai été heureux que le français de ces chanteurs soit parfaitement intelligible. On ne peut pas en dire tout à fait autant de Stéphane Degout (Pelléas) dont la voix est un peu trop lyrique, mais son texte restait tout de même à peu près compréhensible. Scéniquement moins contraint que les autres, le seul personnage qui parvienne à m'émouvoir, un peu, est Mélisande. Bref, le plaisir tiré de la mise en scène est légèrement glacé. Celle de Stéphane Braunschweig vue à l'Opéra Comique en 2010, quoiqu'elle fût aussi assez sobre, me semblait plus apte à maintenir un intérêt et à émouvoir.
Plus que des images, le plaisir vient de la musique. Des voix, bien sûr, mais surtout de l'orchestre, dirigé par Philippe Jordan. Le son est merveilleux, aussi bien chez les cordes que chez les vents (et tout particulièrement les hautbois et le cor anglais). Certains aspects illustratifs de la musique de Debussy que je n'avais jamais soupçonnés dans cet opéra paraissaient ici flagrants ! Les moments orchestralement les plus tendus m'ont semblé irrésistibles. Comme les coups de timbales au début du quatrième acte ont bien sonné !
Ailleurs : Zvezdo, Palpatine, Grignotages.
2012-03-14 13:11+0100 (Orsay) — Culture — Musique — Danse
Opéra Garnier — 2012-03-13
Frédéric Chopin, musique (Mazurkas op. 6 nº2 et nº4, op. 7 nº4 et nº5, op. 24 nº2, op. 33 nº3, op. 56 nº2, op. 63 nº3 ; Valse op. 34 nº2, op. 69 nº2 ; Grandes valses brillantes op. 34 nº1 et op. 42 ; Études op. 25 nº4, nº5 et op. 10 nº2 ; Scherzo nº1 op. 20 ; Nocturne op. 15 nº1)
Jerome Robbins, chorégraphie (1969) réglée par Jean-Pierre Frohlich
Joe Eula, costumes
Jennifer Tipton, lumières
Ben Huys, répétitions
Mathieu Ganio, en brun
Muriel Zusperreguy, en jaune
Benjamin Pech, en vert
Ludmila Pagliero, en rose
Karl Paquette, en violet
Mélanie Hurel, en bleu
Christophe Duquenne, en bleu
Eve Grinsztajn, en mauve
Agnès Letestu, en vert
Alessia Carbone, en rogue brique
Dances at a gathering
Mats Ek, chorégraphie (2000)
Peder Freiij, scénographie, objets et costumes
Erik Berglund, lumières
Jörgen Jansson, réalisation des lumières
Mariko Aoyama, répétitions
Fleshquartet, musique originale interprétée sur scène
Örjan Högberg, alto
Mattias Helldén, Sebastian Öberg, violoncelles
Christian Olsson, musique assistée par ordinateur
Veli-Pekka Peltokallio, répétitions
Marie-Agnès Gillot, Jérémie Bélingard, Simon Valastro, Nicolas Le Riche, Audric Bezard, José Martinez, Alice Renavand, Laure Muret, Amandine Albisson, Adrien Couvez, Clairemarie Osta, Christelle Granier
Appartement
Plus d'un mois sans aller à l'Opéra Garnier, cela m'a semblé une éternité. Ayant fait un saut à Pleyel pour récupérer la brochure 2012/2013, arrivant donc à Auber en prenant le RER A dans le sens opposé à mon habitude, j'ai même réussi à me tromper de sortie de métro.
À l'intérieur, rien n'a changé, des hôte-sse-s des invités d'une marque de cartes de crédit sponsorisant cette reprise sont habillés de façon très classique en noir, avec une peu discrète touche de rouge. L'Opéra se frotte au monde de la finance. C'est cohérent avec la politique tarifaire (l'annonce de la nouvelle saison a confirmé mes craintes ; seule bonne nouvelle, il est possible de s'abonner en catégorie 6 à Bastille, ce qui n'était pas le cas l'année dernière ; je me suis donc fait un abonnement minuscule de 5 spectacles pour être tranquille avec Bastille).
Le programme de cette première commence par Dances at a gathering de Jerome Robbins. Pendant une heure, on y entend diverses musiques pour piano de Chopin. Le ballet ne raconte pas d'histoire. Les dix danseurs dansent dans différentes configurations. Le début m'a semblé assez terne, presqu'ennuyeux. Il a fallu qu'Alessio Carbone et Muriel Zusperreguy entrent en scène pour leur pas de deux pour que je commence à trouver de l'intérêt à cette pièce, qui jusque là manquait d'éclat et d'humour. L'ensemble de six danseurs qui suivra (trois couples) me séduira aussi. Cependant, les plus grands moments de cette heure, ce sont les apparitions d'Agnès Letestu, superbifique dans ses deux solos. Pour une fois, Karl Paquette m'a presqu'enthousiasmé.
En deuxième partie, un ballet qui avait été créé pour l'Opéra : Appartement de Mats Ek. Comme dans Une sorte de..., l'espace scénique est prolongé jusqu'au-dessus de la fosse d'orchestre. C'est ici que Marie-Agnès Gillot danse le premier solo du Bidet de ce ballet en dix parties. Progressivement, de nouvelles parties de l'appartement sont dévoilées à chaque fois qu'est levé un nouveau rideau identique au rideau de l'Opéra Garnier. Dans la cuisine, on verra par exemple une scène de ménage entre Clairemarie Osta et Jérémie Bélingard. Comme dans La Maison de Bernarda, les danseurs parlent ou crient. Quand le troisième rideau est levé, on voit apparaître un quatuor de musiciens (Fleshquartet) disposé au fond de la scène. La musique qu'ils jouent est passée à travers quelques transformations électroniques. Il est assez inhabituel d'entendre une musique de ce type dans cette salle, mais elle est loin de m'avoir déplu. Les premiers extraits me rappeleront vaguement des mélodies de L'Art de la fugue (mais sans fugue !) et cette musique se fera assez subtile dans le superbe pas de deux dansé par Alice Renavand et Nicolas Le Riche près de la porte. Avant cela, le climax du ballet et de la musique aura été atteint pendant l'ébouriffante Marche des aspirateurs. Si certains mouvements chorégraphiques rappellent Une sorte de... (j'ai bien aimé la petite roulade par terre à la toute fin pour se glisser sous le rideau de scène avant qu'il n'atteigne le sol), l'ensemble paraît moins bordélique, mais tout autant enthousiasmant. Cela dit, n'ayant pas en tête les noms des différents tableaux, je ne voyais pas où Amélie voulait en venir quand en sortant elle me faisait part de son enthousiasme pour La Télévision, le deuxième tableau au cours duquel José Martinez se vautre flasquement sur son fauteuil. Absolument tous les danseurs étaient très investis, ils ont paru tous radieux et manifestement heureux d'avoir dansé lors des saluts.
Ailleurs : Blog à petits pas.
2012-03-12 10:12+0100 (Orsay) — Culture — Musique — Opéra
Théâtre des Champs-Élysées — 2012-03-11
Lioba Braun, Isolde
Stephen Gould, Tristan
Matthew Best, Marke
Brett Polegato, Kurwenal
Christianne Stotijn, Brangäne
Ben Johnson, Un marin, un timonier
Benedict Nelson, Melot, un berger
accentus
Pieter-Jelle de Boer, chef de chœur
Orchestre Symphonique de Birmingham
Andris Nelsons, direction
Tristan und Isolde, Richard Wagner
Côté spectacles, après le concerto en fa de Gershwin, les concerts du Chamber Orchestra of Europe (1, 2, 3), le Rundfunk-Sinfonieorchestrer Berlin et Jayanthi Kumaresh et Purbayan Chatterjee, mon mois de mars s'annonce presqu'aussi prometteur que celui de novembre dernier (la Naïla de Myriam Ould-Braham (×2), Lulu, Britten/Chostakovitch par le Philhar', Shakuntala au Cente Mandapa, Ananda Devi au Louvre, La symphonie fantastique (×2), Mallika Thalak (×2), Laxmi Myriam Quinio, Musique russe pour le Colonne, Batiashvili/Leleux et al. au TCE, Jephta, Shahid Parvez, LSO/Gergiev/Chostakovitch (×2) ; je n'ai gardé dans cette liste que le meilleur !).
Si entretemps, je ne suis pas vraiment rentré dans le Didon & Énée donné à l'Opéra Comique, j'ai par contre beaucoup aimé la représentation de l'opéra Tristan und Isolde donné en version de concert au TCE. C'était mon deuxième Tristan et Isolde. La première fois, j'avais eu du mal à ne pas m'endormir. Ce soir, avec l'orchestre symphonique de Birmingham dirigé par Andris Nelsons, je n'ai pas eu ce problème.
Depuis janvier 2011, je me prépare soigneusement aux représentations des opéras de Wagner auxquelles je vais assister : d'abord Siegfried, puis Parsifal, Le Crépuscule des Dieux, le Ring Saga et Tannhäuser. Je me suis ainsi préparé une fiche sur la base des motifs mentionnés dans Le voyage artistique à Bayreuth de Lavignac et je me suis écouté un enregistrement (Barenboim, Bayreuth 1995) en suivant sur la partition d'orchestre, ce qui permet parfois de voir des motifs avant de les entendre ou de remarquer des détails d'orchestration qui sinon pourraient passer inaperçus.
J'avais vu Andris Nelsons diriger l'Orchestre de Paris dans un programme Beethoven/Strauss (Eine Alpensinfonie). Je n'en ai pas parlé ici, donc allez voir les billets de Klari, andante con anima ou Palpatine. Le style de direction assez unique de ce chef m'avait enthousiasmé. Si j'avais jusqu'à maintenant quelque mal à distinguer son nom de celui de Mariss Jansons (avec lequel il a d'ailleurs travaillé, je me sens moins bête, du coup), après la représentation de ce soir au TCE, je pense que je garderai son nom en mémoire pendant un petit moment.
Mon placement est un tout petit peu meilleur que pour le concert de Jonas Kaufmann. Je suis deux rangs devant, mon champ de vision se réduit à la moitié de l'orchestre située à la gauche du chef. Par chance, Isolde et Brangäne apparaissent de ce côté, ce qui me permettra d'apprécier les trois robes portées par l'héroïne acte après acte. Je vois aussi Tristan et en me penchant un peu, je peux apercevoir Kurwenal, et parfois Marke.
Le chef dirige le plus souvent assis sur une chaise haute. Quand il se
lève, c'est pour déchaîner l'orchestre, parfois au prix d'un sonore appui
du pied sur l'estrade. Chez les cordes, je ne vois que les violons et les
altos. L'impression visuelle est très forte (quoique que parfois moins
irréprochablement rigoureuse que celle du Rundfunk-Sinfonieorchester Berlin entendu mardi). J'éprouve
quelques craintes avec l'interprète du rôle d'Isolde (Lioba Braun) au
premier acte tant l'orchestre la met à l'épreuve, mais ces craintes
s'évanouiront dans le deuxième acte, absolument sublime. L'instant du
Regard entre Isolde et Tristan a été fantastique, leur duo subséquent très
émouvant, les mises en gardes de Brangäne (Christianne Stotijn) s'y
incisant très harmonieusement. Le fait d'avoir travaillé les motifs avant
m'a sans doute fait apprécier encore davantage ce concert (et je ne me suis
pas senti perdu lors de la panne de surtitrage au milieu du deuxième
acte !). Cela dit, je basculais parfois du mode analytique
au mode
intuitif-émotif
...
Dans le troisième acte, le premier rôle est celui de Tristan, formidablement bien chanté par Stephen Gould (ok, il y a eu un ou deux mini-couacs). Je ne connaissais aucun des chanteurs de cette distribution. J'ai particulièrement aimé aussi Matthew Best dans le rôle de Marke. Chez les vents, le cor anglais (très beau solo joué depuis les coulisses) et la clarinette-basse se sont particulièrement distingués !
Quand Lioba Braun a commencé à chanter Mild und leise..., j'ai
oublié mes autres références dans le rôle d'Isolde et me suis laissé
entraîner par la musique qui s'est conclue par un long silence respectueux
pendant lequel j'ai bien eu du mal à contenir mes émotions. (L'abruti qui
avait crié Bravo
un micro-pouillème de seconde après la fin du
premier acte n'a heureusement pas récidivé !)
Ailleurs : Paris Broadway, Mes bouquins refermés.
2012-03-10 21:57+0100 (Orsay) — Culture — Musique — Culture indienne
Théâtre de la Ville — Place du Châtelet — 2012-03-10
Jayanthi Kumaresh, veena
Purbayan Chatterjee, sitar
Shahbaz Hussain, tabla
Tumkur Ravishankar, mridangam
Raga Hamsadhvani
Raga Madhuvanti/Dharmavati
Duo de percussions
Bhajan
Je crois que c'est la première fois que j'assiste à un concert de musique indienne de type Jugalbandi. Il s'agit en effet d'un duo dans lequel les deux musiciens sont sur un pied d'égalité. L'un vient du Nord et joue du sitar (Purbayan Chatterjee), l'autre joue de la veena (Jayanthi Kumaresh), et vient du Sud (ce qui ne se lit pas immédiatement sur son nom). Deux percussionnistes (mridangam et tabla) joueront avec eux en se faisant face. Entre eux, les deux musiciens ont pris place, chacun ayant auprès de soi le percussionniste issu de la même moitié de l'Inde.
Après une petite introduction musicale (qui n'est pas un Alap), les deux musiciens jouent une composition sur le Raga Hamsadhvani (carnatique). Si le son du sitar est joliment étincelant, j'éprouve une préférence pour les rondes sonorités de la veena de Jayanthi Kumaresh (qui n'était pas prévue initialement, mais que je réécoute avec plaisir suite à un autre concert en 2009). J'apprécie tout particulièrement ses phrasés et ornementations recherchées qui permettent de mettre en valeur les sonorités graves de son instrument. J'aime également sa façon de finir paisiblement ses phrases sur la note Sa. Dans ces improvisations sur un rythme à 16 temps (m'a-t-il semblé...), on a commencé à entendre un jeu de questions et réponses entre les deux solistes.
Dans le Raga suivant, plus élaboré, les musiciens travaillent dans un Raga appelé Madhuvanti dans la tradition hindoustanie et Dharmavati dans la tradition carnatique. Les deux musiciens jouent chacun à son tour un Alap sur ce Raga. C'est beaucoup trop court et rapide à mon goût (surtout côté sitar). On a à peine le temps d'apprécier un petit glissando entre deux notes que l'on est passé à autre chose. Ensuite viendra la composition et des passages plus improvisés. Un beau jeu de questions et réponses rythmiques va se développer entre Jayanthi Kumaresh et le joueur de mridangam, ce dernier reproduisant autant que possible le rythme, les nuances et le phrasé de la veena. Dans la musique carnatique, ce rôle est en général confié au violon. Les possibilités offertes par le mridangam s'avèrent étonnantes ! Les deux compères du Nord feront de même à la suite des deux du Sud. Je pardonne volontiers aux musiciens la fin quelque peu hydravionesque de ce Raga.
Vient ensuite un moment très intéressant du concert, le duo de percussions. Chacun des deux percussionnistes va commencer par y aller de son solo. Imperturbablement, Jayanthi Kumaresh clappe le Tala (Adi) à 16 temps utilisé pendant cette séquence. Il est évident que la musicienne est plus habituée à cet exercice que le sitariste. En effet, dans le Sud, il n'y a pas un concert de musique carnatique sans un solo de percussions au cours duquel le soliste clappe ostensiblement le Tala pour mieux apprécier l'art du percussionniste et fournir au passage un point de repère aux auditeurs... Après avoir exécuté leurs solos respectifs, les musiciens vont commencer leurs jeux de questions et réponses. D'abord sur une mesure complète de 16 temps. Ils vont ensuite se la diviser en 2, le premier jouant sur les premiers temps, le deuxième répondant aux phrases du premier sur les 8 derniers. Les sections vont se faire de plus en plus courtes. Après 16 et 8 temps, elles feront chacune 4, 2 et enfin 1 seul temps ! J'ai beaucoup aimé ce moment, mais l'atmosphère n'était pas aussi délectable qu'avec les deux percussionnistes que j'eus l'occasion d'entendre lors d'un concert de Sri Mohan Santhanam à Chennai.
Ce court concert (à peine 1h30) s'est achevé par un Bhajan.
(Ce concert a été enregistré par France Musique et sera diffusé le 2 mai à 22h30.)
2012-03-10 00:30+0100 (Orsay) — Culture — Musique
Je viens de visionner sur le site du Monde la vidéo La
parabole des Tuileries faite par David Castello-Lopes et Léonard
Cohen. Sous-titrée Quelques effets économiques postifis de
l'investissement public dans la culture
, elle parle d'un sujet qui me
tient évidemment à cœur, donc je recommande vivement de la regarder :
(Cliquer ici pour visionner la vidéo sur le site du Monde.)
Au delà de l'amusement premier procuré par une analyse de mon propre comportement culturel (la boulimie de spectacles), de voir une contrebasse dans la représentation iconographique d'un quatuor à cordes, cette vidéo m'agace quelque peu par la vision excessivement idéalisée qu'elle donne du rôle de l'État. L'évocation de ces sujets dans les médias est rare, l'initiative est louable, mais en écoutant le texte, il y a de quoi se demander si on entend une vidéo de propagande gouvernementale ou s'il s'agit d'un travail de journaliste.
Loin de moi l'idée de minimiser le rôle de l'État, puisque c'est lui qui
me verse mon salaire via une université autonome
, sans lui
je n'aurais pas eu la formation qui m'eût permis de l'obtenir, je ne me
serais pas fait à l'École
des amis
qui ayant baigné dans cette culture-là depuis leur enfance m'ont en quelque
sorte inité à la musique classique. Sans l'État (qui subventionne
indirectement la Salle Pleyel via la Cité de la Musique), je
n'aurais jamais assisté au concert de ma vie, qu'Il en
soit grandement remercié !
S'il est évidemment bon que l'État injecte de l'argent dans la culture,
il n'est pas interdit de réfléchir pour savoir s'il le fait bien. Puisque
l'on voit passer le logo de l'Opéra de Paris dans la vidéo, on peut se
demander si l'argent public est utilisé à bon escient dans cette
institution. Je ne dis pas que l'Opéra ne doit pas recevoir d'argent de
l'État, mais que la façon de l'utiliser pourrait sans doute être meilleure.
Attention : mode pifométrie ON
. L'Opéra de Paris reçoit
environ 100 millions de subventions et 50 millions en billeterie. Pour les
opéras, la majorité des spectateurs paye à peu près 100€ ou plus. Pour 100€
qu'ils ont donnés, l'État ajoute donc 200€. Pifomètre
désactivé.
Seules les catégories sociales les plus favorisées
peuvent se permettre de dépenser régulièrement de telles sommes. Étant très
loin d'être à plaindre, je ne pourrais me permettre cela
qu'exceptionnellement (sauf erreur, je ne pense avoir dépensé 100€ ou plus
qu'une seule fois pour assister à un spectacle). Est-il
véritablement dans l'intérêt de la société que l'État fasse un cadeau aux
catégories sociales les plus favorisées en divisant par trois leur
dépense ? S'il n'y a pas d'effet redistributif (notamment par une offre
comportant une proportion significative de billets à des tarifs plus
abordables), cela me semble difficilement défendable, or la politique de
l'Opéra va exactement dans le sens contraire. (La
brochure 2012/2013 de l'Opéra paraissant dans les jours prochains, on
pourra bientôt savoir si j'ai ou non fait ma Cassandre.)
Les subventions et les prix ne sont pas le seul frein à l'accès à la
culture classique
. Si vous avez une théière de thé devant vous,
lancez-vous dans la lecture du foisonnant billet de Djac Baweur Pourquoi
la musique classique, c'est ringard ? Si on doit pouvoir trouver
des exemples de personnes qui ont commencé à adorer la musique classique
grâce à une réminiscence de cours de musique de collège comme il est
suggéré dans la vidéo, je trouve quelque peu naïve la façon dont la vidéo
évoque cet amorçage
de l'intérêt pour cette culture. Je n'ai
peut-être pas eu de chance, mais mes seuls souvenirs de musique classique
entre le collège et le lycée, ce sont des extraits de Peer Gynt en
cours de musique et la mention du nom de Schönberg et de Boulez en cours
d'histoire au lycée (ah, si j'avais davantage écouté cette
enseignante !).
2012-03-09 22:20+0100 (Orsay) — Culture — Musique
Salle Pleyel — 2012-03-06
Marek Janowski, direction
Rundfunk-Sinfonieorchester Berlin
Six Pièces, op. 6 (Webern)
Nina Stemme, soprano
Wesendonck-Lieder (Wagner)
Mort et Transfiguration (Strauss)
Prélude et Mort d'Isolde de Tristan et Isolde (Wagner)
Autant de concerts fabuleux à Pleyel en aussi peu de temps, c'est presqu'inhumain. Après les trois concerts du Chamber Orchestra of Europe (vendredi, samedi et lundi), cette salle accueillait mardi le Rundfunk-Sinfonieorchester Berlin dirigé par Marek Janowski.
Le programme commence par du Webern, un compositeur dont je n'ai guère eu l'occasion d'entendre la musique. Comme une autre fois à l'Opéra Comique (en 2010), ce sont des fragments qui sont joués. Les morceaux font une petite poignée de minutes tout au plus (au total, les six pièces durent dix minutes !). L'atmosphère est très sinistre. Le troisième mouvement censé évoquer des bruyères me fait davantage penser à un environnement urbain déprimé (avec une canalisation d'eau qui fuit un peu). Le quatrième des six pièces est la plus développée, la plus stridente et la plus percussive de toutes. Contre toutes mes attentes, l'orchestre a réussi à m'enthousiasmer pour cette austère musique.
J'avais déjà eu l'occasion d'entendre Nina Stemme dans le rôle d'Elisabeth de Tannhäuser. Cette fois-ci, j'ai été immédiatement transporté par sa voix lors du premier des Wesendonck-Lieder (Wagner). J'apprécie le côté brünnhildien du deuxième Lied Stehe still!. Le troisième Lied Im Treibhaus est très sombre et fait immédiatement penser à Tristan et Isolde (motif de la Solitude). On y entend aussi un très beau solo d'alto. Certains accords entendus dans Schmerzen (notamment le tout premier) me font penser à d'autres entendus chez Wagner sans que je puisse dire lesquels. Bien qu'il s'agisse d'une berceuse, le cinquième et dernier Lied Traüme est loin de m'endormir...
Je suis en fait tout à fait bouleversé par ce que je viens d'entendre. Je retrouve Bladsurb et Klari à l'entr'acte et parvient à les convaincre de quitter le premier balcon pour me rejoindre au dernier rang du deuxième balcon pour la deuxième partie du programme. Les conditions acoustiques y sont en effet fabuleuses. Je n'ai toutefois pas pris autant de plaisir qu'à l'écoute du poème symphonique Une vie de héros il y a deux mois, mais cette Mort et Transfiguration était quand même une fichtrement belle bête. L'œuvre est peut-être un peu trop sérieuse ; cela manque un peu de second degré. Il m'a juste semblé entendre dans les dernières minutes un petit motif qui ressemblait à un autre entendu dans Salomé. L'orchestre passe par différents états et s'enflamme parfois littéralement dans des accès de violence. Une de mes héroïnes de la soirée, la joueuse de cor anglais est aux commandes pour faire redescendre l'orchestre des sommets de violence à de plus douces atmosphères. L'orchestre est très beau à regarder. Il bouge comme un seul corps. Que les violons I et II soient du même côté du chef accentue encore cette impression. Cependant, dans la foule de musiciens, la première des seconds violons est particulièrement énergique !
Vient ensuite le Prélude et la Mort d'Isolde (Wagner). C'est pour moi un exercice pratique avant d'entendre une version de concert de cet opéra au TCE dimanche. Je me prépare en effet depuis deux semaines à cette représentation en essayant de mémoriser les différents motifs. Comme exercice, ce n'est pas très concluant parce que j'ai été surchargé d'émotion avant même la fin du Prélude. J'ai bien reconnu la plupart des motifs, mais comme en passant, l'émotion étant ailleurs, mon plaisir étant ainsi très différent de celui, contenu et intérieur, presque froid, que j'avais ressenti en assistant pour la première fois à une représentation du très motivique Siegfried. La façon qu'a eu Nina Stemme de chanter les tout premiers mots ne m'a pas absolument enchanté, mais la suite m'a beaucoup plu. Certes, il y a pas mal de vibrato, mais quelle puissance vocale !
J'ai apprécié que le chef Marek Janowski parvienne à obtenir du public un silence respectueux de plusieurs secondes à la fin de chacune des œuvres jouées.
Ailleurs : Bladsurb, Paris — Broadway.
Le concert est disponible à la réécoute sur le site de France Musique.
2012-03-08 10:26+0100 (Orsay) — Culture — Musique
Salle Pleyel — 2012-03-05
Bernard Haitink, direction
Chamber Orchestra of Europe
Grand Chœur de la Radio néerlandaise
Jessica Rivera, soprano
Karen Cargill, mezzo
Roberto Saccà, ténor
Hanno Müller-Brachmann, baryton-basse
Edward Caswell, chef de chœur
Symphonie nº1 (Beethoven)
Symphonie nº9 Hymne à la joie (Beethoven)
Il y avait a priori de quoi se poser la question après le concert de vendredi avec l'ouverture Egmont et la Symphonie Pastorale : ce concert mémorable resterait-il à ce jour le concert de ma vie ? Le concert de samedi, intense, mais différemment, n'avait pas réussi à le détrôner.
Le Chamber Orchestra of Europe avait placé la barre de mes attentes très
haut dès la deuxième mesure de l'ouverture Egmont vendredi. On aurait ainsi
tort de se plaindre qu'au lieu d'être sublimissime, le dernier concert de
la série n'ait été que
sublime. C'est mon sentiment après avoir
assisté à ce concert de lundi au cours duquel furent jouées les symphonies
nº1 & 9 de Beethoven.
Si toutes les symphonies de Beethoven sont superbes, la première est peut-être moins génialissime que les autres. Si l'enthousiasme de l'orchestre est intact et qu'il joue toujours aussi fantastibuleusement bien, le plaisir pris à l'écouter s'en trouve cependant légèrement amoindri. Cela dit, quelques moments ont été irrésistibles, notamment dans les passages les plus vifs (mon dieu, la flûte pendant la dernière minute du dernier mouvement !)
Je n'avais pas réécouté la neuvième symphonie depuis longtemps. En
concert, cela remontait à octobre 2008 et je n'en ai strictement aucun
souvenir (faut aller voir chez Palpatine ;
j'avais d'ailleurs commenté sous son billet, en faisant un lien vers le
COE, mais malheureusement pas encore le Chamber Orchestra of Europe, mais le Council of Europe...). Je redécouvre ainsi
le début de l'œuvre. Au cours du premier mouvement, les instruments à vents
semblent vouloir installer un Raga (mais lequel ?) tant la partition leur
demande de tenir des notes très longuement. À la différence des pianistes
qui n'ont qu'à appuyer sur la pédale pour obtenir cet effet, au détriment
de l'intensité du son qui finit par décroître, nos instrumentistes doivent
souffler continuellement dans leurs instruments et au prix d'un souffle
héroïque, ils peuvent maintenir toute la force du son. Ces notes tenues me
donnent un sentiment cosmogonique de création du Monde, un ressenti à
rapprocher de ma rencontre récente avec la Symphonie nº1
“Titan” de Mahler. Ensuite, dans le deuxième mouvement, le rythme et le
fouettement des cordes me fait penser à une chevauchée dans une campagne où
quelque bruine dégoulinerait des cheveux sales de notre cavalier. Le son de
l'orchestre est en effet un tout petit moins propre
que lors des
concerts précédents. Le temps n'est plus aussi subtilement suspendu. La
trompette n'est peut-être pas non plus aussi parfaitement juste ou joliment
timbrée. La tension se relâche parfois un peu. Ma respiration n'est pas
coupée, la réanimation ne sera pas nécessaire. Toutefois, j'ai été ébloui
par les trombones (malheureusement ignorés par les caméras pendant ce
deuxième mouvement).
Après ces deux premiers mouvements très beaux mais pas absolument idéaux, le cavalier arrête sa monture dans une clairière. Il écoute le son de la nature. Les cordes reproduisent souvent les mini-bruits de petits oisillons. Ce troisième mouvement mettant superbement en valeur les instruments à vents a été pour moi le point culminant du concert.
Dans le quatrième mouvement, on entend le superbe chant de désespoir de quelque saule pleureur incarné par les violoncelles et les contrebasses tandis que le cavalier revoit en flashback ce qu'il a vécu au cours des deux premiers mouvements. L'atmosphère change progressivement. Les vents esquissent un nouveau thème. L'ivresse s'empare de l'orchestre en commençant par les violoncelles et les contrebasses qui énoncent pour la première fois complètement le thème de l'Hymne à la Joie. Le fait que la basse ne m'enchante pas tout à fait lors de ses premières interventions est compensé par le vivifiant accompagnement des vents (!!!) avant que le superbe Grand Chœur de la Radio néerlandaise et les autres chanteurs (bons, sans plus) se fassent entendre. Après, je me dis que le compositeur devait être complètement shooté quand il a composé le solo de contrebasson et tout ce qui s'ensuit, à partir de Froh, wie seine Sonnen fliegen et l'apparition du triangle...
Si je n'ai pas été continuellement au plus haut niveau de l'extase pendant les quelque soixante-dix minutes de cette interprétation, j'ai pris un très grand plaisir au cours de ce concert ! Je m'inscris aussitôt à la virtuelle Cihohi Appreciation Society et si je ne pourrai malheureusement pas réentendre cet orchestre avant l'été, j'espère qu'entre la Cité de la Musique et Dijon, la saison prochaine fourmillera d'autres occcasions...
Comme les deux autres, ce concert peut être revisionné sur ArteLiveWeb.
2012-03-05 09:30+0100 (Orsay) — Musique
Je pensais que je commençais à comprendre comment utiliser le nouveau
système de réservation de la Salle Pleyel (le même que celui de l'Opéra de
Paris), Secutix, décrit par Klari
comme la seule 'solution billetterie' qui garantit que 100% des
spectateurs ayant commis un achat en ligne sont authentiquement
motivés
.
Je tente ce matin de me prendre une place en plus pour le
concert Colonne de l'après-midi du 10 juin. Je choisis la catégorie, je
valide. Je m'attends à devoir choisir entre trois possibilités : l'envoi du
billet par la poste, l'impression à domicile et le retrait au guichet. Un
encadré sur la gauche m'annonce fièrement Ce service d'achat en ligne
vous permet d'imprimer directement vos billets à domicile, sur votre
imprimante (en noir et blanc ou en couleur).
Que nenni ! Je ne vois que
Courrier normal - Envoi postal
et Retrait au guichet - Billet
laissé au contrôle
. Heureusement l'envoi postal est gratuit (pas comme
à l'Opéra de Paris). Je valide cette option.
Quelle fût ma surprise quand je vis dans mon récapitulatif de commande
Mode de livraison : Courrier électronique
. Suis-je devenu fou ?
Quelques secondes plus tard, la confirmation de ma commande arrive et
m'indique que mes billets seront envoyés à mon adresse postale.
Sérieusement, il a été testé ce système de réservation avant d'être mis en route ?
2012-03-04 19:37+0100 (Orsay) — Culture — Musique
Salle Pleyel — 2012-03-03
Bernard Haitink, direction
Chamber Orchestra of Europe
Leonore III, ouverture (Beethoven)
Symphonie nº4 (Beethoven)
Symphonie nº7 (Beethoven)
Ce serait mentir de dire que j'aie été autant ému par le deuxième concert du Chamber Orchestra of Europe que par le premier de la série et tout particulièrement par la Symphonie Pastorale. Heureusement, d'ailleurs, parce qu'il serait à la longue passablement inconfortable de ne pas pouvoir tenir la durée d'un concert sans avoir le visage liquifié au bout de quelques secondes. Le choc de la première fois est passé, je n'oublierai jamais. Le temps est venu d'écouter ce merveilleux orchestre d'une façon plus sereine.
Cela tombe bien parce que l'ouverture Leonore III commence également de façon plus douce qu'Egmont. On entend ainsi par exemple les clarinettes sussurer un suave thème tiré de l'opéra. Et puis, après quelques péripéties, la tension va se mettre à monter progressivement. Je perd un peu le fil puisque sur ma droite au bout du rang devant moi, une femme enceinte semble avoir un petit malaise. Quand une porte conduisant aux coulisses s'ouvre à l'arrière-scène, je vois d'abord une trompette dépasser avec un trompettiste du COE au bout. Après l'évacuation, je reprends le fil de l'ouverture, et quand la même porte s'ouvre à nouveau, j'aperçois cette fois-ci le trompettiste lançant un appel quelque peu martial depuis les coulisses. Explorant les nuances depuis les plus douces jusqu'aux plus violentes, le déferlement orchestral qui suit est irrésistible...
La quatrième symphonie de Beethoven était la dernière qu'il me restait à entendre en concert. Quelques phrases des vents me rappellent délicieusement ce que j'ai entendu la veille dans la Pastorale. Si le clarinettiste Romain Guyot a été particulièrement divin pendant tout le concert, l'osmose entre les vents a été formidable. Pas seulement entre les vents, d'ailleurs, puisque la façon dont certains thèmes passaient entre les vents et les cordes était très belle. J'ai tout particulièrement aimé les premier et quatrième mouvements de cette symphonie. Dans le premier, l'énergie déployée par les cordes pour leurs démarrages en coup de fouets était impressionnante !
Une sensation qui ne m'a pas lâché pendant ce concert et le précédent, c'est le sentiment que le temps s'allongeait. Pas que je me sois ennuyé le moins du monde ou que les tempi aient été particulièrement lents (cela a été plutôt le contraire, comme cela le sera dans le voluptueux Allegretto de la Symphonie nº7), mais tout étant énoncé de façon tellement limpide et énergique, c'est comme si le fait de voir défiler une avalanche continue de sensations musicales induisait un étirement de la notion du temps.
Cette septième symphonie m'a procuré un grand plaisir du début à la fin. J'ai particulièrement apprécié le petit motif Pin-pon qui se fait entendre peu de temps après le début du troisième mouvement, joué par la flûte et la clarinette qui le refilent aux violons et aux altos avant de céder la place aux bassons, cors, violoncelles et contrebasses (cela a un petit air du motif de la Fonte de l'acier dans Siegfried). Conformément à l'impression énoncée ci-dessus, à la fin du troisième mouvement, j'ai eu comme un doute : l'orchestre est déjà déchaîné comme il doit l'être dans le dernier mouvement, serait-ce déjà fini ? sinon, comment pourrons-ils faire encore plus fort ? J'ai vite compris que c'était possible. Étant placé dans l'axe de l'instrument, les tonitruantes notes graves du deuxième cor ont donné un inquiétant goût de fin du monde à ma perception des violentes premières notes du quatrième mouvement Allegro con brio qui ont sonné comme Tin-Papa-PAAAAAAAAAH.
L'engagement physique de Bernard Haitink (dont c'est aujourd'hui le quatre-vingt-troisième anniversaire) a été très important dans cette symphonie, il s'est même pendant un instant transformé en timbalier virtuel. J'espère qu'il sera autant en forme lundi pour la Neuvième, et la Première aussi !
Comme celui de vendredi, ce concert a été enregistré pour ArteLiveWeb. Frissons garantis !
2012-03-03 14:42+0100 (Orsay) — Culture — Musique
Salle Pleyel — 2012-03-02
Bernard Haitink, direction
Chamber Orchestra of Europe
Renaud Capuçon, violon
Gautier Capuçon, violoncelle
Frank Braley, piano
Egmont, ouverture (Beethoven)
Triple concerto (Beethoven)
Symphonie nº6 Pastorale (Beethoven)
Que dire après un tel concert... En voyant l'énergie et la conviction déployée par tous les musiciens, je savais déjà après moins de cinq secondes d'ouverture Egmont que j'assistais au concert de ma vie. Je suis au premier balcon après avoir fait un semi-échange avec Klari pour que depuis l'arrière-scène elle puisse voir de face Bernard Haitink diriger le Chamber Orchestra of Europe. Je ne vois donc pour le moment Haitink que de dos, mais il est évident que le moindre de ses gestes est réfléchi et qu'aucun n'est superflu. Pendant l'exécution des œuvres, le temps se suspend et il nous fait entrer, nous immerge dans la musique, qui si elle peut paraître un peu bourrine jouée par d'autres, se déploie ici dans son suprême raffinement.
Faisons une avance rapide sur le Triple concerto pour lequel on aurait mieux fait de faire jouer les parties des solistes par des musiciens de l'orchestre, surtout celle de violoncelle. J'ai eu quelque mal à réprimer des gloussements de pervesse horreur en entendant le vibrato infâme de Gautier Capuçon au début du deuxième mouvement. Le trio de solistes qui se développe à partir de là m'a passablement ennuyé. Voilà, c'est dit. Passons à la deuxième partie du concert.
Je rejoins Klari à l'arrière-scène pour la sixième symphonie, une des deux dernières qu'il me reste alors à écouter en concert. Le chef a la bonne idée de faire de brèves pauses après les premier et deuxième mouvements pour me permettre de sécher mes larmes et de contrôler mes voix nasales pour affronter les émotions des trois derniers mouvements qui seront enchaînés.
Où que l'on regarde, on voit des musiciens débordant d'énergie. Que ce soient les contrebasses, au dernier rang des violons I, partout, absolument partout. D'autres orchestres ont des instants d'euphorie collective (le LSO, l'Orchestre de Paris, le Colonne, j'en vois qui en doutent, mais si, si, ça leur arrive aussi !), mais avec eux, c'est permanent et ça se voit et s'entend dès le début du concert. Le plus important, le son qui en sort, est magique. Les phrasés, les accents, les crescendos qui grimpent par vagues, chaque vague diffusant un son au timbre enrichi. Le phénomène est saisissant pendant le Ti.tatata.ta. Ti... que l'on entend dans le premier mouvement Éveil d'impressions agréables en arrivant à la campagne :
Cette séquence est analysée par Djac Baweur dans son superbe billet Comment Beethoven pulvérise les minimalistes américains.
Sinon, bien sûr, les vents sont fantastiques. Le hautbois et la clarinette, mais aussi le basson et la flûte, mais trève de bidules techniques, parce que cette symphonie s'appelle la Pastorale. Dans le premier mouvement, on entend ainsi souvent le chant des oiseaux. Plus loin, ce sera le coucou au fond des bois alors que se fait entendre l'eau du ruisseau frémissant. Les villageois se réjouissent, et puis PAF (mon dieu, cette timbale !), l'orage se déchaîne avant que tout le monde se dise au revoir.
C'est mon troisième concert de l'année à atteindre le niveau rouge des graduations du lacrimamètre (après La Traviata à Dijon et le concert Janáček aux Bouffes du Nord), mais celui-ci explose complètement tous les compteurs. Bravo à tous ces immenses artistes et à Bernard Haitink, qui dirigeait cette sixième symphonie de mémoire, mais en gardant devant lui la figure tutélaire de Beethoven symbolisée par une partition refermée.
Le concert a été enregistré pour ArteLiveWeb. Après avoir visionné quelques extraits, l'enregistrement vidéo semble très bien fait nonobstant le nombre réduit de caméras, qui ne gênaient donc nullement les spectateurs contrairement à ce qu'on a parfois constaté avec d'autres équipes techniques, notamment pour quelques concerts de l'Orchestre de Paris...
Ailleurs : Klari, Rick et Pick.
PS : Ayant pu réécouter ces deux concerts grâce à ArteLiveWeb pour l'un
et France Musique à l'autre, je reclasse rétroactivement le concert Janáček aux Bouffes du Nord du 23 janvier 2012
concert de ma vie
ex-aequo avec celui-ci.
2012-03-02 11:24+0100 (Orsay) — Culture — Musique
Salle Pleyel — 2012-03-01
Stefano Bollani, piano
Roland Daugareil, violon solo
Orchestre de Paris
Riccardo Chailly, direction
Porgy and Bess: Catfish Row, suite symphonique (Gershwin)
Rhapsody in Blue, pour piano et orchestre (Gershwin)
Concerto pour piano en fa majeur (Gershwin)
Après de nombreuses observations, voici un énoncé qui semble se dégager :
Théorème de l'Orchestre de Paris — Quels que soient le
chef d'orchestre et les œuvres jouées, un concert de l'Orchestre de Paris
admet la structure suivante : première partie mouaif
, entr'acte,
deuxième partie youpi
.
Remarque — Toutefois, comme pour les groupes simples finis et les systèmes de racines, sporadiquement, des exceptions ont été signalées, notamment quand Paavo Järvi dirige Haydn (cf. [1], [2]), quand les solistes sont Leonidas Kavakos ou Akiko Suwanai, ou encore quand Boulez dirige La Nuit transfigurée.
Dans ce programme Gershwin, on aura beau avoir tenté d'obtenir un contre-exemple en intervertissant l'ordre des deux œuvres jouées pendant la première partie, rien n'y a fait : si la première partie ne m'a pas déplu, elle ne m'a pas autant enthousiasmé que je l'espérais. L'orchestre dirigé par Riccardo Chailly a commencé par une suite extraite de Porgy & Bess. C'est une suite, donc on passe rapidement d'une chose à une autre, sans véritable transition. Ce n'est pas très original, mais j'ai particulièrement aimé quand Roland Daugareil a fait chanter à son violon l'air Summertime. La partie de piano avait l'air assez amusante aussi.
Ensuite, on a changé de piano et de pianiste pour Rhapsody in Blue, qui a commencé par un fabuleux solo de clarinette (Frédéric Berrod d'après Simon Corley). Et puis, je ne me suis pas vraiment ennuyé, mais il y avait un certain décalage entre l'enthousiasme et les grands gestes du chef sur son estrade et les musiciens. Cela dit, il est normal qu'il y ait un décalage, au moins temporel, puisqu'il dirige un peu en avance. Si le pianiste Stefano Bollani semble très attentif à ce que fait l'orchestre, j'ai l'impression que chacun joue à son tour sans que ça se mélange bien quand le piano est accompagné de l'orchestre (mais le fait d'être placé à l'arrière-scène influence sans doute ma perception). La façon d'interpréter la fin a été de toute beauté. Les cuivres ont entamé un crescendo, puis un petit decrescendo avant de reprendre le crescendo final, le tout dans un seul élan.
Après l'entr'acte, la configuration est restée la même pour le concerto
pour piano en fa majeur. Dès les premières notes, je me suis souvenu que
cette œuvre était sur l'unique disque Gershwin que je possède. L'attitude
des musiciens de l'orchestre trahit un enthousiasme plus grand qu'en
première partie. Le pianiste fait également des merveilles. Je décide de
passer résolument en mode youpi
au début du deuxième mouvement qui
met beaucoup en valeur les vents et les cuivres. J'ai été absolument sidéré
par la beauté du son du trompettiste solo (Frédéric Mellardi) ! De
l'euphorique troisième mouvement, je retiens la façon dont le pianiste
clappe le tal enfin bref la mesure avec son pied gauche. (D'ailleurs, j'ai
entendu une spectatrice se plaindre du fait qu'il portait des baskets.)
Après un bis pour piano et orchestre (non identifié, je n'étais pas assez près des percussionnistes pour lire le titre sur la partition), le pianiste est revenu pour trois bis supplémentaires en solo, résolument jazz. Le premier d'entre eux était basé sur un morceau de Scott Joplin (Maple Leaf Rag), auquel la main gauche du pianiste a apparemment ajouté des plaisanteries que je n'ai pas tout à fait saisies (mais qui ont fait glousser des musiciens de l'orchestre et une partie du public). Du dernier bis, je ne me souviens que de la suite d'accords très dissonants que le pianiste a joué quelques secondes avant la fin et sa façon peu orthodoxe de se lever tout en continuant à jouer ou encore de faire pencher son siège dangereusement vers l'avant...
2012-02-29 02:17+0100 (Orsay) — Culture — Musique
Salle Pleyel — 2012-02-28
Matthias Goerne, baryton
Christoph Eschenbach, piano
Winterreise (Schubert)
Le concert a bizarremment commencé avec plus de quinze minutes de
retard. Même dans une gare indienne, on aurait le droit à un petit message
Gāṛī number 12345 ā rahī hai
. Non, le seul indice que cela allait
finalement commencer a été la voix enregistrée annonçant la défense de
photographier et lors des saluts, quelques contrevenants se feront
effectivement réprimander.
Les préventions que j'avais envers le pianiste Christoph Eschenbach se sont provisoirement envolées pendant le premier Lied Gute Nacht. J'ai cependant retrouvé la voix quelque peu essoufflée de Matthias Goerne et ses grosses respirations sonores qui m'avaient déjà gêné lorsque les mêmes avaient interprété La Belle Meunière en novembre dernier.
Mon impression s'est par la suite inversée. J'ai ainsi véritablement apprécié la voix de Goerne que j'ai préférée lorsqu'elle s'évanouissait dans le dernier Lied plutôt que dans les moments où elle se faisait très forte. Il a été très à l'aise lors de certaines longues phrases, et aussi, quels beaux graves !
Je n'ai pourtant toujours pas aimé écouter le piano tel que joué par Eschenbach, souvent brutal, souvent trop lent au point que la mélodie semblait parfois disparaître. Surtout, sa façon d'utiliser la pédale m'a énervé. Je ne sais si c'est parce qu'il relâcherait celle-ci trop doucement, mais trop souvent, à la fin d'une note tenue, c'est comme si les étouffoirs avant de venir accomplir leur fonction venaient titiller la corde en dénaturant le son émis jusque là. Klari me suggère que c'est peut-être la faute du piano, mais le problème ayant déjà été manifeste la dernière fois, il eût sans doute été possible d'y remédier entretemps.
Ailleurs : Klari, Paris Broadway, Palpatine.
2012-02-26 20:22+0100 (Orsay) — Culture — Musique
Salle Pleyel — 2012-02-26
Natalie Dessay, soprano
Philippe Cassard, piano
Romance, inédit (Debussy)
Romance (L'âme évaporée) (Debussy)
Les Cloches (Debussy)
L'Archet, inédit (Debussy)
Rondel chinois (Debussy)
Clair de lune, pour piano (Debussy)
Clair de lune (Debussy)
En sourdine (Debussy)
Fête galante (Debussy)
Pierrot (Debussy)
Apparition (Debussy)
Chanson pour Jeanne (Chabrier)
Le temps des lilas (Chausson)
Invitation au voyage (Duparc)
Nocturne nº4, op. 33 en mi bémol pour piano (Fauré)
Coquetterie posthume (Debussy)
Regret (Debussy)
La Romance d'Ariel (Debussy)
Les Elfes, inédit, Debussy (création ?)
Nuit d'étoiles (Debussy)
Le matelot qui tombe à l'eau, inédit (Debussy)
Tu m'as donné le plus doux rêve, extrait de Lakmé (Delibes)
Concertant Natalie Dessay, je vais arrêter les frais pour le moment. Depuis quelques années, à chaque fois que je vais l'écouter, elle est dans un mauvais jour, qu'elle décide d'annuler ou de chanter malgré tout. Avec ce récital essentiellement consacré à Debussy, la souffrance de l'auditeur éprouvant une certaine empathie pour l'interprète a été poussée trop loin. J'en ai assez d'entendre cette voix qui en dehors des aigus est en permanence à la limite du craquage (et trop souvent du mauvais côté) ; je n'envisage pas de retourner l'écouter tant que je n'aurai pas eu suffisamment d'indications concordantes sur le fait que l'expérience sera plaisante aussi bien pour le public que pour l'interprète. Le seul morceau qui m'ait en quelque sorte ému a été le troisième bis extrait de Lakmé. Un autre problème avec ce récital est que les textes chantés étaient pratiquement inintelligibles. Je pensais avoir mis les chances de mon côté en achetant le programme, mais l'obscurité quasi-totale faite dans la salle m'a empêché de lire le texte en même temps. Si la déconvenue est totale du côté de la voix, cela a été au contraire un très grand plaisir pour moi d'écouter le pianiste Philippe Cassard !
2012-02-21 00:19+0100 (Orsay) — Culture — Musique
Théâtre des Champs-Élysées — 2012-02-20
Jonas Kaufmann, ténor
Helmut Deutsch, piano
Vergiftet sind meine Lieder (Liszt)
Im Rhein, um schönen Strome (Liszt)
Freudvoll und leidvoll (Liszt)
Der König in Thule (Liszt)
Ich Glocken von Marling (Liszt)
Die drei Zigeuner (Liszt)
Ich atmet' einen linden Duft (Mahler)
Liebst du um Schönheit (Mahler)
Blicke mir micht in die Lieder (Mahler)
Ich bin der Welt abhanden gekommen (Mahler)
Um Mitternacht (Mahler)
L'Invitation au voyage (Duparc)
Phidylé (Duparc)
Le Manoir de Rosamonde (Duparc)
Chanson triste (Duparc)
La Vie antérieure (Duparc)
Schlectes Wetter (Strauss)
Schön sind, doch kalt die Himmelssterne (Strauss)
Befreit (Strauss)
Heimliche Aufforderung (Strauss)
Morgen! (Strauss)
Cäcilie (Strauss)
Pas vraiment envie de développer mes impressions sur ce concert : pour la première fois, après 500 spectacles, j'ai véritablement eu l'impression de m'être fait escroquer par des organisateurs de concerts, ici, Les Grandes Voix et le Théâtre des Champs-Élysées. Je n'ai aucune répugnance à me lever pour voir la scène lors de ballets à Garnier, s'agissant de places achetées à 9€. Quand je paye 37€ comme c'était le cas ce soir, je m'attends à voir quelque chose de ce qui se passe sur scène. En m'asseyant à ma place, j'ai immédiatement compris que je ne verrais absolument rien. Pas un petit peu, non ! rien, absolument rien.
En me levant, ce qui n'aurais pas été possible à quelqu'un mesurant 5-10 centimètres de plus, je voyais quelque chose. Cela a été un bon concert, très différent de La Belle Meunière par les mêmes en 2010. Le chanteur a chanté les Lieder pratiquement comme des airs d'opéras. Pendant les Liszt, j'avais l'impression d'entendre du chant wagnérien. Pourquoi pas pour Liszt, mais cela m'étonne pour les autres compositeurs. La voix est presque toujours très puissante, ce qui limite les subtilités et l'émotion. Cependant, certains crescendos opérés sur une note tenue ont été du plus bel effet (notamment dans Befreit de Strauss, un compositeur dont on a entendu quelques espiègleries). Une chose est sûre, le chanteur ne s'est pas économisé !
Public en délire. Au bout d'un moment, je n'ai plus compté les bis : il y en a eu au moins 5...
2012-02-19 12:45+0100 (Orsay) — Culture — Musique
Salle Pleyel — 2012-02-18
Philippe Jordan, direction musicale
Renaud Capuçon, violon
Orchestre de l'Opéra national de Paris
Jeux d'eau pour violon et orchestre, Bruno Mantovani (création)
Symphonie nº1 en ré majeur Titan (Gustav Mahler)
Les musiciens de l'opéra sont sur la scène, et non dans la fosse de
Garnier ou de Bastille comme ils en ont l'habitude. Ils ont sorti leurs
habits pour l'occasion. Le programme de leur concert commence par la
création de Jeux d'eau de Bruno Mantovani. La bonne nouvelle,
c'est qu'en vingt minutes, il ne parvient pas véritablement à m'ennuyer.
Cependant, j'ai un peu trop l'impression de réentendre la musique de Siddharta et d'Akhmatova. J'ai vaguement vu Renaud Capuçon depuis
mon avant-dernier rang de deuxième balcon, mais je ne l'ai guère entendu
puisque le compositeur le fait lutter avec l'orchestre et les percussions
tout comme il a pu le faire avec les voix dans son dernier opéra. Le
violoniste joue cependant une sorte de vol du bourdon tout seul ou presque
dans une section lente au milieu de l'œuvre (pour l'anecdote, à un moment,
il ne sera pas loin de faire tomber son archet, le rattrapant de justesse).
La musique va alors partir dans un crescendo qui éclatera plus
loin en tempête. On réentendra sans déplaisir ni surprise les clarinettes
jouer la même sorte de vol du bourdon. Parfois, j'ai plus ou moins
l'impression d'entendre une imitation du bruit des insectes. Si le but du
compositeur était d'imiter la nature, en scientifique
(le mot est
employé par le compositeur dans le programme...), je trouve que c'est un
peu raté. Je préfère très nettement Albert Roussel (Le festin de
l'araignée) ou Jean-Michel Damase (Piège de
lumière).
Même si le public a fait un très bon accueil à cette création, la
deuxième partie du programme est beaucoup plus enthousiasmante. J'ai
découvert avec un grand plaisir la première symphonie “Titan” de Mahler
(jouée par 100 musiciens). Les seconds violons qui étaient 13 avant
l'entr'acte sont maintenant 14, l'effectif standard quand il y a 8
contrebasses. Ces mêmes deuxièmes violons jouent souvent le rôle de pédale
de dominante pendant le premier mouvement. En fait, ils ne sont pas les
seuls à tenir longtemps des notes pendant ce mouvement (celui que j'ai
préféré) comme on peut le voir sur la partition... Si la symphonie est
censée être inspirée par un roman relatant une histoire bien humaine,
Titan
me fait plutôt penser à un satellite de Saturne. C'est ainsi
davantage à une majestueuse atmosphère cosmique que me fait penser ce début
de symphonie, le son originel étant perturbé par les trompettes placées
initialement en coulisses. Je me surprends à m'imaginer parfois dans
Star Wars. L'atmosphère se fera ensuite plus terrestre,
joyeusement foisonnante, irrésistible. Quel beau son soyeux des cordes ! Il
contraste avec les phrasés rugueux du hautbois que j'ai aimé tout comme les
clarinettes. Les cuivres ont également été superbes. Le troisième mouvement
commence étonnamment par un duo timbale/premier contrebassiste. Il
s'enchaîne avec le violent début du quatrième mouvement. Je retrouve un peu
plus loin mon vaisseau spatial que j'imagine en train d'atterrir
paisiblement au milieu d'une clairière, les voyageurs galactiques
s'arrêtant pour contempler l'immensité du ciel. Je pensais que la symphonie
allait alors s'arrêter en douceur, mais il restait un gros module à faire
alunir sur Titan. Une seule tentative d'alunissage est permise, mais
qu'est-ce qu'elle a fait du boucan !
Pendant toute la symphonie, le chef Philippe Jordan semblait parfaitement maîtriser le gros instrument qui était à sa disposition. Les nombreux accelerando que comporte l'œuvre étaient négotiés avec une grande précision ! Il faut ajouter qu'il n'était pas distrait par la lecture de la partition, puisqu'aucun pupitre ne se tenait devant lui pendant cette deuxième partie. Le public (assez différent du public habituel de Pleyel, beaucoup de spectateurs tenant à la main un billet imprimé par l'Opéra) a réagi de façon très chaleureuse à la fin du concert.
Ailleurs : Bladsurb.
⁂
Sauf erreur de comptage, ce concert était le cinq-centième spectacle auquel j'aie assisté. Voici le décompte salle par salle :
Salle de spectacle | Nombre de spectacles | Pourcentage |
---|---|---|
Opéra Garnier | 79 | 15.8% |
Opéra Bastille | 76 | 15.2% |
Salle Pleyel | 75 | 15% |
Théâtre des Champs-Élysées | 68 | 13.6% |
Théâtre de la Ville — Les Abbesses | 17 | 3.4% |
Église des Billettes | 14 | 2.8% |
Église Saint-Roch | 13 | 2.6% |
Théâtre du Châtelet | 13 | 2.6% |
Opéra Comique | 13 | 2.6% |
Cité de la musique | 13 | 2.6% |
Théâtre de la Ville — Place du Châtelet | 12 | 2.4% |
R. K. Swamy Auditorium, Mylapore, Chennai | 12 | 2.4% |
Théâtre des Bouffes du Nord | 10 | 2% |
Autres | 85 | 17% |
Je fréquente donc quatre salles nettement plus que les autres : les deux grandes salles de l'Opéra de Paris, la Salle Pleyel et le Théâtre des Champs-Élysées. Ensuite viennent un certain nombre de salles auxquelles je vais de temps en temps (il est à noter qu'il y en a une située en Inde...). Plus bas dans le classement : d'autres salles où je suis allé moins de dix fois. Je suis ainsi allé par exemple 7 fois à Gaveau, mais je n'y suis plus retourné depuis 2008. J'ai assisté pareillement à 7 spectacles au Centre Mandapa, mais tous ces spectacles ont eu lieu en 2011 ! Dans les profondeurs du classement, on trouve trente six salles que je n'ai fréquentées qu'une seule fois (par exemple l'Église Notre Dame de Toute Joie à Grigny, où il est peu probable que je retourne, mais aussi le Weavers Studio Centre for the Arts à Kolkata où auront lieu je l'espère quelques concerts en juillet prochain...).
Il y a clairement eu un tournant vers 2008. D'une part, je suis devenu balletomane, ce qui fait que je suis allé bien plus souvent à l'Opéra Garnier et d'autre part j'ai voulu aller écouter davantage de musique symphonique, ce pour quoi j'ai préféré la Salle Pleyel au Théâtre des Champs-Élysées (le rapport confort/prix ayant eu une certaine importance dans ce choix). Il est probable que les courbes des deux salles de l'Opéra (et tout particulièrement Bastille) stagnent (cf. mon billet sur les tarifs). Le nombre de spectacles à Pleyel en 2012 sera plus grand que celui de 2011 (ne serait-ce que parce qu'il me reste plus de billets à utiliser d'ici juin 2012 que de billets utilisés pendant toute l'année 2011 !). Il va falloir être un peu plus raisonnable au moment de remplir mes formulaires d'abonnement 2012/2013...
2012-02-17 09:51+0100 (Orsay) — Culture — Musique
Salle Pleyel — 2012-02-16
Nicholas Angelich, piano
Roland Daugareil, violon solo
Orchestre de Paris
Juraj Valčuha, direction
Le Roi Étienne, ouverture, op. 117, Ludwig van Beethoven
Concerto pour piano et orchestre nº5 en mi bémol majeur L'Empereur, Ludwig van Beethoven.
Von fremden Ländern und Menschen, extrait des Kinderszenen (Schumann)
Mazurka en fa mineur, op. 63 nº2 (Chopin)
Symphonie nº3 Écossaise
(Mendelssohn)
Encore un superbe concert de l'Orchestre de Paris... Si d'autres concerts récents de cet orchestre ont contenu des moments d'apogée plus hauts encore, comme pour La Vie de héros (dirigée par Herbert Blomstedt), le concert de ce jeudi a été un égal régal.
Le programme commence par l'ouverture du Roi Étienne. À l'écoute des premières notes, aucun doute stylistique n'est permis, cela ne peut avoir été composé que par Beethoven. Cela ne commence pas par des gros accords, mais par une suite de quatre notes, chacune jouées par de plus en plus d'instruments, en descendant d'une quarte à chaque fois comme il est indiqué dans le programme et on peut le constater sur la partition. Petit couac de non synchronisation entre les pupitres lors du démarrage de la troisième note. Après cette entrée en matière, une joyeuse musique flûtée se fait entendre. Le jeune chef Juraj Valčuha se fait très souriant. On rembobine depuis le départ. Cette fois-ci, les démarrages seront parfaitement synchros. On repart sur la musique flûtée, et puis on se lance dans une grande chevauchée beethovenienne qui va s'étendre pendant environ huit minutes, avec quelques rappels des éléments du début et l'introduction de nouveaux thèmes.
J'avais déjà entendu en concert le concerto nº5 “L'Empereur” de Beethoven : c'était en 2007, Hélène Grimaud accompagnait la Staatskapelle de Dresde. Mis à part la tenue de la pianiste découvrant ses épaules, je n'ai aucun souvenir de ce concert. Ce soir, j'ai l'occasion d'entendre pour la première fois Nicholas Angelich. J'ai beaucoup aimé son interprétation, très contrastée, de la caresse des touches à leur martèlement. J'ai été étonné de percevoir le rythme de la musique même lors des séries de doubles croches du soliste, alors que les pianistes me donnent souvent l'impression d'émettre un flux continu de notes sans structure audible. J'ai apprécié aussi la façon dont certaines phrases passent du piano à l'orchestre puis d'un pupitre à un autre. Superbe premier bis avec le premier numéro des Kinderszenen joué d'une façon plus lente que samedi dernier à Dijon par Andreas Staier, et avec quelques discrètes ornementations aussi. Le deuxième bis était sans doute de Chopin.
J'avais déjà eu l'occasion d'entendre la symphonie “Écossaise” de Mendelssohn. C'était par le Cleveland Orchestra. J'avais plutôt aimé ; Klari avait joyeusement détesté, tout comme Djac Baweur. Comme je les comprends ! Je plaide la candeur : je ne savais pas à quoi, bien exécutée, cette symphonie pouvait ressembler... Cette interprétation est plus poétique, bien plus évocatrice que celle du Cleveland, qu'il s'agisse d'orages ou de chants d'oiseaux. Les musiciens se défonçent. C'est un grand plaisir de regarder le chef Juraj Valčuha diriger l'orchestre. Parfois, il bat la mesure avec précision, parfois il sembler s'exercer à la magie : il tend son bras vers un musicien, puis un autre, etc, et immédiatement ceux-ci se mettent à jouer. Dans les passages plus lents, il pose sa baguette, et sans se forcer à marteler le battement de la mesure, avec ses bras il donne forme à la matière sonore comme s'il s'agissait de pâte à modeler. Il paraît beaucoup moins autoritaire que ne l'était Franz Welser-Möst, il semble également plus à l'écoute de ce que font les musiciens, sinon son visage ne trahirait pas aussi souvent le plaisir manifeste qu'il prend à diriger cet orchestre. Du début à la fin, j'ai adoré cette interprétation. Mention spéciale au duo basson-clarinette dans le quatrième mouvement !
2012-02-13 21:05+0100 (Orsay) — Culture — Musique
Théâtre de Dijon — 2012-02-11
Andreas Staier, pianoforte
Kinderszenen op. 15 (Schumann)
Qu'il est triste de voir des salles de concert vides ! Ce samedi, à Dijon, le premier concert de la journée avait lieu au Théâtre. Le concert est le goûter Scènes d'enfants. Il n'a manifestement pas fait recette. Il faut dire qu'un tarif plein de 20€ pour environ 20 minutes de musique, c'est cher, trop cher pour attirer un public pour lequel cette somme est un plus grand sacrifice de pouvoir d'achat qu'elle ne le représente à Paris (ce serait d'ailleurs une bonne idée de partager pour de vrai une monnaie unique avec la province...). Bref, le parterre est à moitié vide. Je fais partie des quelques spectateurs qui se sont installés au balcon. De ma place, je vois parfaitement le clavier du piano Érard de 1839 (postérieur d'un an à la composition des Kinderszenen). Dans la discussion qui a précédé avec le compositeur Brice Pauset (dont L'opéra de la Lune sera créé à Dijon en mai), le pianofortiste Andreas Staier a expliqué qu'il respecterait les indications métronomiques du compositeur. Le premier numéro Von fremden Ländern und Menschen a ainsi été très rapide. D'autres ont été plus lents. Le plaisir d'écouter cette musique est modéré par le fait que le moindre chuchotis à l'autre bout du théâtre se fait entendre de partout. Il m'est ainsi impossible de me concentrer pendant le Träumerei, par exemple.
La discussion qui a suivi avec Brice Pauset n'a pas été inintéressante, mais je pense que le discours était complètement inadapté au public (essentiellement des enfants accompagnés de parents). C'est une bonne idée d'essayer d'intéresser des jeunes à la musique, mais je pense qu'il y aurait un certain effort à faire sur la manière de s'y prendre.
⁂
Auditorium de Dijon — 2012-02-11
Britten Sinfonia
Thomas Adès, direction musicale et piano
Pekka Kuusisto, violon
Les Baricades Mistérieuses pour piano (François Couperin)
Les Baricades Mistérieuses pour deux clarinettes, alto, violoncelle et contrebasse (François Couperin, arrangement par Thomas Adès)
Trois Études d'après Couperin (Thomas Adès)
Le Tombeau de Couperin pour petit orchestre symphonique (Ravel)
Extraits du Rossignol (Airs du Rossignol et Marche Chinoise) pour violon et piano (Stravinski, arrangement par Samuel Dushkin)
Deux suites pour petit orchestre (Stravinski)
Concerto pour violon Concentric Paths (Thomas Adès)
Humoresque 4 (Sibelius)
L'autre concert du jour est à l'Auditorium. Il est précédé par une rencontre avec le violoniste Pekka Kuusisto et Thomas Gould, premier violon du Britten Sinfonia. L'animateur de la rencontre, mort de trac, s'est un peu loupé, mais les deux jeunes musiciens ont bien fait le show !
En attendant le début de cette rencontre (dont j'ai un moment cru que je serais l'unique spectateur), j'ai lu le programme et ai été étonné par son intelligence et sa cohérence. L'ensemble, qui n'a pas de chef attitré, élabore ainsi parfois des programmes autour d'un chef, d'un soliste ou d'un compositeur, en l'occurrence ici le britannique Thomas Adès, qui cumule les casquettes de compositeur, de chef et de pianiste. Malhreusement, ce programme sera joué devant une salle vide comme je n'en avais jamais vue. Je ne sais pas s'il y avait du monde aux balcons ; en tout cas, il devait y avoir à tout casser une cinquantaine de spectateurs au parterre.
Le concert commence par deux versions des Baricades Mistérieuses de Couperin. L'original est d'abord joué au piano par Thomas Adès. Cinq musiciens (une clarinette-basse, une clarinette, un alto, un violoncelle et une contrebasse) entrent ensuite pour en interpréter un arrangement de Thomas Adès. Aussi bien l'original que la transcription m'ont plu. On continue ensuite avoir Couperin, cette fois-ci adapté plus en profondeur par Thomas Adès. Dans ces Trois études d'après Couperin, l'orchestre se fait double (la moitié gauche ne joue pas la même chose que celle de droite), ce qui fournit une configuration inédite (voir le billet de Klari pour les configurations plus standard d'un orchestre) :
Les deux premières études (adaptées de Les amusements et Les tours de passe-passe) me plaisent beaucoup. La deuxième tout particulièrement. La troisième L'Âme en peine, à l'orchestration plus tournée vers les cordes, imite peut-être un peu trop le style baroque pour m'éviter tout ennui.
Après que la configuration de l'orchestre est redevenue plus standard, la première moitié du programme se poursuit sur la thématique Couperin, cette fois-ci avec Le Tombeau de Couperin de Ravel. Je l'avais entendu en 2007 lors de mon troisième concert Pleyel. Je n'en avais plus aucun souvenir ! J'ai ainsi été agréablement surpris par le côté vivifiant de cette œuvre. L'utilisation des instruments à vents est absolument adorable. L'acoustique de la salle et mon placement font que j'ai l'impression que le son de ces instruments vient de toutes les directions simultanément. C'est cette œuvre qui m'a procuré le plus grand plaisir d'écoute. Les musiciens semblent prendre réellement plaisir à entendre leurs collègues jouer et à jouer eux-mêmes. Ces attitudes propres à chaque musicien, les vêtements sobres mais qui ne sont en rien des uniformes me rendent cet orchestre très sympathique.
Après l'entr'acte, Thomas Adès au piano et Pekka Kuusisto interprètent deux extraits du Rossignol. Comme dans le concerto pour violon d'Adès qui sera joué plus tard, on voit ce dernier passer d'un pied d'appui à un autre, changer d'attitude, pour ainsi dire danser, non pour faire le clown, mais parce que ces mouvements semblent lui être nécessaires pour bien interpréter ces extraits.
L'orchestre revient pour deux suites de Stravinski (et le violoniste Pekka Kuusisto revient aussi pour jouer la partie de piano). La première est trop néoclassique pour m'intéresser véritablement, mais la deuxième plus venteuse est délicieuse. Les quatre numéros de ces suites sont trop courts pour que l'ensemble n'ait pas le goût du trop peu.
Le plat de résistance de la soirée est le concerto pour violon Concentric Paths de Thomas Adès. Par rapport aux œuvres d'Adès entendues dans la première partie, on change assez radicalement de style. Certains effets du premier mouvement Rings me font penser à John Adams. Dans le deuxième Paths, le violon avance assez tranquillement sur son chemin tandis que l'orchestre effectue des variations sur des phrases dont la tension éclate brutalement dans des explosions de fin du monde. Le troisième mouvement Rounds est très entraînant, le violon partant dans les aigus tandis que diverses sections de l'orchestre reprennent un thème initialement introduit par la flûte.
En bis, un très beau Humoresque 4 de Sibelius !
2012-02-12 16:22+0100 (Orsay) — Culture — Musique — Danse — Danses indiennes — Culture indienne
Auditorium du Musée Guimet — 2012-02-10
Meenakshi Srinivasan, bharatanatyam
Jayashree Ramanathan, nattuvangam
Vasudha Ravi, chant
V. Vedakrishnaram, mridangam
Kalaiarasan Ramanathan, violon
Invocation de Krishna
Varnam (Raga Mallika)
Meera Bhajan (Raga Yaman)
Ashtapadi (Raga Bihag)
Tillana (Raga Sindhu Bhairavi)
Si j'avais été déçu par les précédents récitals de bharatanatyam auxquels j'avais assisté au musée Guimet (et davantage par celui de Priyadarshini Govind que par celui d'Urmila Sathyanarayanan), celui qu'a donné Meenakshi Srinivasan vendredi m'a véritablement enthousiasmé. C'est d'autant plus remarquable à mes yeux que les pièces les plus développées qu'elle a dansées appartiennent à un genre qui n'a en général pas ma préférence.
Le récital en cinq parties, intitulé Madhuram Madhavan, est entièrement consacré à Krishna qui ensorcelle les cœurs de bergères dans l'Invocation qui intervient après un prélude musical. Je ne connais pas le terme technique correspondant, mais la danse a commencé comme un adage, ce qui permet à la danseuse de mettre en valeur ses qualités d'expression (un aspect de la danse que je privilégie par rapport à la virtuosité de frénétiques suites de pas). La fluidité et la beauté de la chorégraphie est étonnante. Une comparaison littéraire de Krishna avec un lotus se traduit ainsi par un mouvement continu qui fait éclore un lotus qui se métamorphose en Krishna.
Déplaçant un micro vers le centre de la scène, la danseuse vient ensuite
présenter le Varnam, la pièce principale du récital. Elle le fait
dans un français presqu'impeccable. En résumé, la saveur (Rasa) de
ce récital est l'Amôr
. Effet tragi-comique involontaire, il ne
s'agit bien sûr pas de La Mort mais de l'Amour. C'est bien dans cette
ambiance d'adoration joyeuse de la divinité que, par sa danse
rafraîchissante, Meenakshi Srinivasan avait plongé le spectateur dans la
pièce introductive. Elle va s'incarner ici dans le personnage d'Andal. Au cours de cette
pièce très développée, on verra la danseuse exprimer dans son jeu les
émotions successivement éprouvrées par le personnage. Elle appelle Krishna.
Ardente, elle souffre d'être séparée de lui, elle perd goût à tout. Les
tintements de ses bracelets lui font mal. On croit apercevoir une
apparition de Krishna observant la jeune femme. Elle semble reprendre vie.
Ayant comme une vision elle lui fait une déclaration d'amour : elle veut
s'unir à lui. Le personnage redevient triste. Elle se sent seule. Elle
reprend espoir ! Où dont est-il ? C'est grâce à la prière qu'elle s'unit à
lui, l'archer Kama ayant décoché quelques flèches ! (Pendant ces dernières
scènes, la style de la musique a quelque peu changé, devenant plus vive à
la manière d'un Tillana). La pièce se termine comme elle avait commencé :
la jeune femme retrouve son miroir et enlève la guirlande ou le collier qui
symbolisait son union avec Krishna.
Au cours de ce Varnam, pas moins de cinq ou six passages rythmiques se sont insérés dans la danse narrative. S'ils ont souvent été très virtuoses (quels bras !), c'est d'abord la variété et l'intelligence de l'ensemble qui me frappe. Une fois même, le mouvement rythmique s'insérait tellement bien au reste de la pièce (et à la musique dont la partie mélodique ne s'éclipsait pas derrière le son des nattuvangam) qu'il en résultait une impression de continuité. Parmi les éléments qui m'ont beaucoup plu, il y a eu la façon de la danseuse de présenter des figures très asymétriques.
La pièce suivante est également cyclique. Mirabai est assise. Peut-être joue-t-elle d'un tampura ou d'un autre instrument à cordes de sa main droite comme elle est représentée dans l'iconographie. Elle retrouvera cette position après la parenthèse qu'a constituée son chant d'amour-dévotion à Krishna. Cette adoration est particulièrement exaltée. La danseuse effectue parfois des pirouettes en laissant tourner ses bras horizontalement dans une attitude d'abandon de soi typique de la bhakti dans sa forme la plus joyeuse. On voit par ailleurs la danseuse esquisser des comparaisons bucoliques, associant Krishna-Govinda aux oiseaux, aux poissons ou au lotus.
La suite du programme est très audacieuse puisque la danseuse reste couchée ou assise pendant toute la durée (ou presque) de la pièce suivante. Il s'agit de la représentation du réveil de Radha après une nuit d'amour avec Krishna. Leur jeu amoureux continue alors que Radha s'étire, demande à être ointe par Krishna de divers onguents. J'avais sorti mes jumelles pour bien apprécier le jeu et l'expression du visage de la danseuse pendant cette pièce aucunement ennuyeuse alors même que la musique prolongeait admirablement bien le peu d'énergie et les bâillements du personnage à son réveil.
Le programme s'est terminé par un Tillana. Ce type de musique avait déjà été entendue pendant le Varnam. La composition musicale utilisée dans de Tillana est de toute beauté. Les phrases musicales sont interprétées par la chanteuse et reproduites par le violoniste, tous les deux excellents. La pièce est inspirée du Rasa-Lila, la danse des gopis avec Krishna. Si c'est effectivement le point de départ de cette pièce, Krishna n'est progressivement plus uniquement le charmant flûtiste dont la position des pieds typique évoque la décontraction. C'est plus généralement de Hari-Vishnu qu'il s'agit et certains de ses multiples noms sont prononcés ! Presque furtivement, je crois voir un Vishnu tel que le représente l'iconographie. Il porte le disque dans la main droite et ce disque est animé d'un mouvement rotatif (tout comme dans le temple Shri Bhagavad-Gita de Vrindavan par exemple). Ce Tillana est semble-t-il très développé et pourtant je ne me suis ennuyé à aucun instant tant la danseuse évite de réduire ce type de pièces aux lieux communs auxquels il se réduit parfois (grands tours en ronds et danse pure stéréotypée sur une musique rythmée).
Le public en redemandant avec enthousiasme, la danseuse et les musiciens ont interprété une pièce supplémentaire. La musique est de Muthuswami Dikshitar. On s'écarte des thèmes krishnaïtes des pièces qui ont précédé. Il est ici question de l'abandon de la conscience de la danseuse alors que Shiva dans sa forme Nataraja du Seigneur de la danse effectue sa danse cosmique sur l'immanquable rythme du tambour, élément iconographique particulièrement mis en valeur par l'interprète. Les diverses positions (dont la position standard Shiva-Nataraja) ainsi que la façon de passer d'une position à une autre sont superbes. On retrouve aussi parfois le mouvement de rotation de la danseuse sur elle-même signifiant son abandon. Par ailleurs, la chorégraphie de cette pièce évoque différents aspects de Shiva. Je n'ai aucune certitude, mais il m'a bien semblé reconnaître l'évocation de sa puissance, de sa forme androgyne Ardhanarishwara, de Nilakantha (celui qui a la gorge bleue, référence au poison avalé par Shiva lors du barattage de la Mer de lait) ou encore de la descente de la Ganga perdue dans le chignon tressée de Shiva. Malgré l'effort que doit constituer un récital de danse de deux heures, l'interprète n'a aucunement paru faiblir dans l'exécution des passages rythmiques insérés dans ce bis.
Bref, cette danseuse entre directement dans mon Top 4 en compagnie de Srithika Kasturi Rangam, Lavanya Ananth et Mallika Thalak.
Ailleurs : Mille et une nuits à Paris.
2012-02-10 00:48+0100 (Orsay) — Culture — Musique — Opéra — Danse
Opéra Garnier — 2012-02-09
Maria Riccarda Wesseling, Nicolas Paul, Orphée
Yun Jung Choi, Alice Renavand, Eurydice
Zoe Nicolaidou, Charlotte Ranson, Amour
Balthasar-Neumann Ensemble & Chor
Ballet de l'Opéra
Pina Bausch, chorégraphie, mise en scène (1975)
Rolf Borzik, décors, costumes, lumières
Detlef Bratschke, chef des chœurs
Manlio Benzi, direction musicale
Orphée et Eurydice, Gluck
Il est scandaleux que sur les affiches de la reprise d'Orphée et
Eurydice à l'Opéra Garnier, on ne lise en sous-titre que opéra
dansé de Pina Bausch
. Un opéra, fût-il opéra-ballet, reste avant tout
l'œuvre de son compositeur : Christoph Willibald Gluck.
C'est de la fabuleuse interprétation de cette musique qu'est venu l'essentiel de mon plaisir lors de cette représentation. J'étais pourtant quelque peu dubitatif pendant la première partie deuil (une atmosphère dans laquelle le spectateur est immédiatement plongé du fait de l'omission de l'ouverture). J'avais alors l'impression d'entendre des effets un peu exagérés et parfois mal dégrossis ; le petit nombre de cordes (une seule contrebasse) fait que parfois certaines aspérités dépassent. En tout cas, il est évident que l'on est dans une interprétation überbaroque complètement assumée (bref, on ne joue pas uniquement ce qui est écrit !). Mon état d'esprit a changé à partir de la deuxième partie violence. L'entrée en matière ne ressemblait aucunement à mes souvenirs et références (la même production il y a trois ans, la version Berlioz à la MC93 Bobigny, et au disque René Jacobs et le Freiburger Barockorchester). L'entrée aux enfers se faisait ainsi au son vertigineusement ébouriffant des trombones à coulisses qui ne se contentent pas de tenir la note, mais qui en augmentent progressivement le volume de façon saisissante (je soupçonne les instrumentistes d'avoir aussi glissandé un peu). Pendant ce temps, le chœur alterne les postures. Pris dans l'action, il repousse Orphée de violents Nein!. Parfois, il commente comme un chœur grec : la musique ressemble alors davantage à un choral.
Dans la troisième partie paix, la musique s'adouçit. Paisiblement, les cordes ou le chœur se lancent dans des gammes ascendantes puis descendantes. Dans la quatrième partie mort, je retiens la très subtile interprétation de l'air J'ai perdu mon Eurydice, rien n'égale mon malheur (traduit en allemand en Ach, ich habe sie verloren, all mein Glück ist nun dahin !). Si l'interprète de ce rôle ne m'avait pas complètement convaincu jusque là (sa voix était par moments couverte par l'orchestre), elle a été superbe dans cet air-là. Dans la fosse, les pupitres ne cordes exploraient diverses techniques pour passer d'une note à une autre : parfois avec souplesse, parfois avec raideur, l'ensemble étant du meilleur effet. La conclusion reprenant la musique du début de la deuxième partie n'a évidemment pas été pour me déplaire !
Du côté des deux autres rôles principaux (Eurydice et Amour), j'ai aimé la façon de chanter assez mozartienne des deux chanteuses, et tout particulièrement Zoe Nicolaidou (Amour) qui est issue de l'Atelier Lyrique.
Si le ravissement a été presque total du côté de la musique, j'ai seulement aimé ce que j'ai vu, sans être enthousiasmé. Mon mauvais placement y est sans doute aussi pour quelque chose. Certes, c'est très esthétique (surtout dans la partie paix), mais cela manque de rugosité, certains gestes paraissant un peu trop lisses par rapport à ce que j'ai été habitué avec d'autres chorégraphies de Pina Bausch. À vrai dire, je trouve que cela manque un peu de danse, et surtout cela manque de solos et pas de deux... Cela dit, les ensemble m'ont plutôt convaincu, tout comme la brève apparition en Amour de Charlotte Ranson (qui danse ensuite dans le corps de ballet). Après avoir vu Le Sacre du printemps, il m'est difficile de revoir une autre pièce de Pina Bausch...
2012-02-07 21:54+0100 (Orsay) — Culture — Musique — Culture indienne
La dernière fois que j'étais allé au centre Mandapa, c'était pour un concert de dhrupad (inachevé, puisqu'il n'y avait eu qu'un Alap) et le nombre de spectateurs n'était pas très élevé, mais apparemment un groupe d'adeptes du yoga avait fait le nombre. Ce soir, pour le récital de chant khyal de Gauri Guha accompagnée du tabliste Matthias Labbé (un concert a priori plus mainstream que le concert de dhrupad !), nous n'étions que trois à avoir bravé le froid pour venir. Étant arrivé le premier, quand j'ai vu la salle d'attente vide, je me suis immédiatement dit qu'une issue possible serait l'annulation. Après un conciliabule téléphonique entre responsables du centre, c'est cette voie qui a été retenue. Du coup, pas de chroniquette de concert...
Tout n'est pas perdu puisque j'ai gagné une invitation pour un prochain spectacle, et j'ai profité de l'attente pour repérer quelques dates d'événements futurs sur les nombreuses affichettes disposées au Centre et acheter un kitchissime carnet où marquer des trajectoires de notes pour mes cours de dhrupad...
2012-02-05 13:38+0100 (Orsay) — Culture — Musique — Culture indienne — Dhrupad
Klari est formidable. Je me souviens que lorsque je l'ai rencontrée à l'occasion d'un concert Colonne, alors que nous nous installions à nos places, elle me disait qu'elle avait commencé à faire du chant dhrupad. Je ne sais plus très bien ce que je dis alors, mais à l'époque, ma seule expérience du dhrupad était le concert des Gundecha en clôture des vingt-quatre heures du râga et j'en avais plutôt un mauvais souvenir. Peut-être avais-je dit que j'avais cependant eu un gros déclic avec la musique de l'Inde du Nord : le récital de chant Gaayatri Kaundinya à Kolkata quelques mois auparavant m'avait fait apprécier ce type de musique. Il ne s'agissait pas de dhrupad, mais de khyal, qui est une forme de musique vocale plus répandue que le dhrupad.
Et puis, en juin 2011, elle m'a suggéré d'aller écouter Wasifuddin Dagar (cf. nos billets respectifs). Dans la foulée, il y eût le concert de Sayeeduddin Dagar. Après ces deux concerts, il était clair que le dhrupad me plaisait...
⁂
Le temps passe. Parfois, lors d'une discussion d'avant ou d'après concert, Klari me raconte à quel point le dhrupad lui plaît. Je laisse passer une ou deux occasions d'assister à des concerts. Et puis, elle m'annonce une conjonction favorable : sa prof va commencer un nouveau cours et organiser un stage d'initiation avec sa propre prof le week-end qui suit. Hop, je téléphone et je m'inscris. Quelques semaines se passent...
Mercredi dernier, pendant le premier cours (où nous sommes deux élèves),
nous commençons à étudier le Raga Yaman. Rien qu'à
écouter la prof prononcer des phrases musicales pour nous les faire
répéter, j'ai l'impression d'être comme à un concert... et je suis au
premier rang pour entendre le subtil raffinement de ce chant ! Quand il
s'agit de reproduire, la légère tension d'avoir à chanter (jamais fait ça
de ma vie) ajoutée à la froidure subie fait que je dois souvent reprendre
ma respiration très prématurément. Quand les notes sortent, ce ne sont pas
les bonnes, mais ce n'est pour autant pas complètement faux puisque d'après
la prof, je chante des harmoniques. Elle essaie de me guider vers la note
juste en reproduisant ma note puis en faisant du glissando vers la note
Sa
continuellement répétée par son tampura. Quelques exercices
suivent. Certaines ornementations apparaissent. Tiens, une phrase commencée
bouche ouverte se termine progressivement bouche fermée. Tiens, on répète
trois fois la même note mais elle est chantée différemment. Bref, dès la
première heure de cours, on commence déjà à entrevoir certaines directions
qui peuvent être explorées par les chanteurs de dhrupad.
Cela a continué samedi avec le stage d'initiation dirigé la prof de ma
prof. Avant de venir, j'étais loin de m'imaginer à quel point les quelques
heures de ce stage seraient enrichissantes. La prof du jour remarque
immédiatement que je ne chante pas la bonne note et me fait me rapprocher
du tampura de ma prof du mercredi pour que je l'entende mieux. Les
exercices se suivent. On explore la gamme de différentes manières, puis on
commence à travailler quelques phrases d'Alap (Raga Bhimpalasi).
En écoutant les phrases que nous devons répéter, il semble évident que s'il
est possible de faire plein de choses rien qu'avec une ou deux notes. Après
des essais collectifs, chacun des 7 ou 8 élèves répète la phrase seul et la
prof apporte des corrections. De mon côté, j'essaie de faire ce que je
peux. Il faut en effet préciser que je suis le plus béotien des présents,
tous les autres, s'ils sont certes de niveaux très variables, ont suivi des
cours depuis un an minimum... Je prends les remarques et compliments de la
prof pour la part de vérité qu'ils contiennent et surtout pour des
encouragements. Good technique, but wrong notes!
. Chez les autres,
elle va un peu plus loin en soulignant des détails dans les phrasés, et ce
toujours avec bienveillance, expliquant que toutes les variations
involontaires apportées par les élèves sont belles et pourraient être
utilisées, mais il faudrait pour cela qu'elles correspondent à une
intention.
Ces ornementations, donc, de quoi s'agit-il ? Prenez une suite de notes parfaitement justes :
En abscisse, le temps, en ordonnée la hauteur du son. C'est carré, mais c'est affreux. Typique de certaines horreurs entendues depuis quelques années (la première fois que j'ai entendu ça, c'était dans Believe de Cher). Voyez ce que ça donne sur la voix du Président américain.
En vrai, j'imagine que la courbe d'un chanteur normal serait pas mal plus arrondie. Dans le chant dhrupad, j'ai l'impression que non seulement on arrondit mais on réfléchit à la manière d'arrondir :
(PS: pour de vraies courbes tirées d'une composition, voir ce billet.)
De temps en temps, il doit bien y avoir des lignes droites, m'enfin en général tout est courbe et les possibilités sont énormes... et il ne s'agit là que d'un seul des paramètres !
Revenons au déroulé du stage. Nous avons travaillé une composition où ce type de techniques intervenaient. Comme le texte était écrit dans une langue proche du hindi, j'ai pu reconnaître que c'étaient des vers en l'honneur de Krishna. J'en ai eu la confirmation quand la prof a pris le temps d'expliquer le sens de ces vers, un égard que j'ai beaucoup apprécié ! Enfin, le cours s'est achevé paisiblement sur la syllabe ॐ.
À vrai dire, à la fin, j'ai eu un mini-cours particulier, la prof me
faisant travailler toutes les notes de la gamme jusqu'à ce que je les
chante à l'unisson avec elle, et concluant en s'exclamant auprès de la prof
du mercredi : See, the problem is fixed!
. J'ai comme l'impression
qu'il y aura un avant ce samedi 4 février et un après !
⁂
Salle Pleyel — 2012-02-04
Eva-Marie Westbroek, soprano
Orchestre National de Lille
Evelino Pidò, direction
Ouverture des Vêpres siciliennes (Verdi)
Air Tu che le vanità de Don Carlo (Verdi)
Air Ritorna vincitor de Aïda (Verdi)
Ouverture de La Force du destin (Verdi)
Air Pace, pace mio Dio! de La Force du destin (Verdi)
Air Io son l'umile ancella de Adrienne Lecouvreur (Francesco Cilea)
Air Poveri fiori de Adrienne Lecouvreur (Francesco Cilea)
Intermezzo de Manon Lescaut (Puccini)
Air Sola, perduta, abbandonata de Manon Lescaut (Puccini)
Ballet de La Gioconda (Amilcare Ponchielli)
Suicidio! de La Gioconda (Amilcare Ponchielli)
Chanson de Vilja (Lehar)
Air Vissi d'arte de Tosca (Puccini)
J'avais prévu de longue date d'aller ce samedi à la Salle Pleyel pour écouter Eva-Maria Westbroek que j'avais eu l'occasion d'entendre dans Lady Macbeth de Mzensk de Chostakovitch (à l'époque où les classes moyennes pouvaient entrer à l'Opéra Bastille au lieu d'avoir à se contenter de retransmissions au cinéma ; rendez-nous Mortier !). Rarement un concert de musique classique m'aura autant indifféré. C'est probablement dû en partie au fait que je ne connaissais pas ou très mal les airs d'opéra interprétés. J'avais également l'impression que le chef était comme un pantin désarticulé. Pas que les musiciens aient démérités, non, simplement je n'étais pas remis des folles émotions musicales de la journée de dhrupad. J'avais une impression de trop. Trop d'effets sans cause. En particulier, la plupart des œuvres jouées pendant la premières partie étaient fortement atteintes du syndrome de l'hydravion... Et surtout, il n'y avait aucune ornementation comme celles entendues tout au long de la journée. Bref, je me sens tout à coup complètement étranger à cet univers de la musique classique. Heureusement, ce n'est qu'un état transitoire puisque la première partie du récital s'est achevée en m'enthousiasmant grâce à l'air Pace, pace mio Dio! de La Force du destin.
En deuxième partie, j'ai une impression très étrange avec les airs joués. Pas d'hydravion, mais c'est du sucré-émouvant à la sauce Puccini (que je ne déteste pas). Par ailleurs, j'ai l'impression d'entendre des fragments d'opéras découpés à la hache : tous les morceaux joués se terminent au moment précis où la chanteuse finit une phrase.
Dans ce concert, mes plus grandes satisfactions viendront de l'orchestre lors des deux extraits instrumentaux. L'Intermezzo de Manon Lescaut me séduit, notamment grâce au début qui met en valeur des solistes chez les violoncelles, altos et violons. L'œuvre qui me procure un effet tout à fait inattendu est le Ballet de La Gioconda (Ponchielli). Quelle délicieuse musique de ballet ! C'est mignon comme tout, très espiègle, mais cette musique est surtout superbement jouée par l'Orchestre National de Lille !
La chanteuse a interprété deux bis. Le premier était en allemand. Le deuxième était l'air Vissi d'arte de Tosca. Si mes sensations lors de ce concert pâtissent de ma méconnaissance de toute une partie du répertoire opératique et de la juxtaposition avec le dhrupad, au moins, les deux parties de concert se sont achevées sur des airs qui m'ont laissé une très bonne impression !
⁂
Ce matin, il me faut écouter par hasard le duo Wir eilen mit schwachen de la cantate BWV 78 de Bach pour me dire que, quand même, la musique classique europénne, ça peut parfois être presque aussi fin et subtil que le dhrupad !
2012-01-28 17:10+0100 (Orsay) — Culture — Musique — Opéra
Mise à jour du 15 mars : Ce billet a été écrit alors que seule la tarification pour le Ring 2013 était connue. L'annonce de l'ensemble de la saison 2012/2013 confirme les craintes exprimées ici.
Les personnes suivant l'actualité de l'Opéra Bastille avaient entendu parler d'un projet de modification du dispositif de surtitrage pour que ces surtitres soient visibles de partout. Plus récemment, un article de propagande du Figaro faisait dire au directeur Nicolas Joel (sans tréma) :
Sur le plan tarifaire, depuis trois ans, les places n'augmentent pas. Elles vont même baisser la saison prochaine...
Tant de mauvaise foi en si peu de mots... D'un air désabusé, sur le
forum ODB, j'avais imaginé le pire :
Vu que des travaux pour que les surtitres soient visibles de partout ont
été annoncés, pourquoi ne pas faire disparaître la catégorie 7 (ou ne
laisser à la rigueur que les deuxièmes rangs de galeries et les 4
strapontins du deuxième balcon)...
.
Par curiosité, j'avais demandé il y a quelques semaines à recevoir la brochure pour le Ring 2012/2013 à l'Opéra Bastille (que j'ai déjà vu sur les années 2010 et 2011 : Das Rheingold, Die Walküre, Siegfried, Götterdämmerung). Je ne l'ai reçue qu'aujourd'hui, et j'ai pu constater que ma prédiction de malheur s'est réalisée.
Voici le plan de salle 2011/2012 :
Et voici celui de 2012/2013 :
Si vous n'avez pas l'habitude de ce plan, vous n'y voyez pas grand'chose, c'est normal... Le code couleur est le même dans les catégories Optima et 1-6. Les catégories 7-8 sont en blanc sur ce deuxième plan parce que ces places ne sont pas proposées par abonnement. Pour y voir plus clair, concentrons-nous sur un détail, le premier balcon de côté :
J'espère ne pas faire d'erreur de comptage, mais à gauche, on a 2 rangs rouges, 3 rangs bleus, 2 rangs bleu ciel, et 3 rangs orange (les hachures violettes correspondent à une tarification différente pour les ballets). Dans chaque colonne de dix rangs, on avait ainsi donc 2 places de catégorie 1, 3 places de catégorie 2, 2 places de catégorie 4 et 4 places de catégorie 7. Au tarif des superproductions (ratées, en général), cela fait 2×170€+3×150€+2×105€+3×15€=1045€.
À droite, il semble qu'il y ait 3 rangs rouges (catégorie 1), 2 rangs bleus (catégorie 2), 1 rang jaune (catégorie 3), 2 rangs bleu ciel (catégorie 4), 1 rang violet (catégorie 5) et 1 rang vert (catégorie 6). Avec le nouveau tarif (avant ristourne spécial Ring), cela nous fait 3×155€+2×135€+1×115€+2×90€+1×70€+1×35€=1135€.
À vrai dire, je m'aperçois du fait que la grille proposée (155€/135€/115€/90€/70€/35€) ressemble beaucoup à la grille du tarif N actuel (celle utilisée cette année pour les reprises de Don Giovanni et Rigoletto). Comme annoncé dans l'article du Figaro mentionné ci-dessus, elle correspond à une baisse de 5€ en catégories 4/5/6 par rapport au tarif N 2011/2012 : 155€/135€/115€/95€/75€/40€ (catégorie optima inchangée à 180€). Si je refais le calcul du prix d'une colonne de premier balcon de côté, j'obtiens 2×155€+3×135€+2×95€+3×15€=950€.
On nous annonce une baisse des tarifs et effectivement on observe une baisse de 5€ dans certaines catégories de places, mais pourtant on passe de 950€ de recettes par colonne de premier balcon de côté à 1135€ (environ 19% de hausse). Vous l'avez deviné depuis le début, il suffisait de changer les couleurs du plan de salle. On a vu le principe avec le premier balcon, mais il y a d'autres glissements de frontières entre catégories à d'autres endroits (en particulier au parterre). La seule bonne nouvelle que je voie est qu'au centre du deuxième balcon, il y a trois rangs qui passent de 75€ à 35€ (48 places).
Les conséquences immédiates, c'est que les gueux qui prenaient des places 15€, après avoir été écartés du parterre lors de la saison 2011/2012, seront écartés du premier balcon en 2012/2013. Il ne leur reste plus que 4 misérables strapontins au deuxième balcon et des places aux galeries. Vertigineux, s'abstenir.
Tant que j'y suis, je vous donne la grille tarifaire du Ring 2012/2013 incluant la remise (en divisant les chiffres par 4 pour garder un prix par représentation plutôt que par cycle) :
Catégorie de prix | Optima | 1 | 2 | 3 | 4 | 5 | 6 |
Sans remise | 180€ | 155€ | 135€ | 115€ | 90€ | 70€ | 35€ |
Avec remise spéciale ring | 144€ | 124€ | 114€¾ | 97€¾ | 81€ | 63€ | 35€ |
Taux de remise | 20% | 20% | 15% | 15% | 10% | 10% | 0% |
(Précision : ce sont les tarifs pour les cycles s'étendant sur plusieurs mois. Ceux du cycle de juin 2013 sont plus chers (et excluent pour le moment les catégories 5 et 6) : ajouter environ 60% puis 4×15€=60€ de programmes en vente liée.)
La TVA est traditionnellement considérée comme un impôt injuste par la gauche parce que le même taux s'applique à tout le monde, que l'on gagne peu ou beaucoup. Le principe de la redistribution fiscale (qui est plus ou moins celui de l'impôt sur le revenu), c'est d'appliquer un taux d'autant plus élevé que les revenus sont importants. L'Opéra applique une idéologie toute contraire. Si le même taux de réduction avait été appliqué à toutes les catégories, les réductions les plus importantes auraient déjà été accordées aux catégories les plus chères (puisque la réduction aurait été proportionnelle au prix), mais avec ce taux de réduction variant dans le mauvais sens, l'injustice est plus grande encore.
Du point de vue artistique, les rumeurs à propos de la saison 2012/2013 laissent à penser qu'elle sera globalement encore moins intéressante que la saison 2011/2012. Qu'aller à l'Opéra Bastille devienne inabordable fournit une raison de plus pour ne plus trop fréquenter ce lieu. L'herbe est peut-être plus verte ailleurs...
PS: Pour donner une idée de la façon dont les classes moyennes sont éjectées de l'Opéra Bastille, jusqu'à la saison 2010/2011, il y avait environ 320 places à 20€ et moins, en 2011/2012, 165 places (à 15€ et moins, le tarif à 20€ ayant disparu) et a priori, en 2012/2013, il n'en resterait plus qu'à peu près 85. Deux baisses consécutives de 50%, ça fait une baisse de 75%...
Voir aussi le billet de David-fomalhaut.
2012-01-24 03:47+0100 (Orsay) — Culture — Musique
Salle Pleyel — 2012-01-25
Viktoria Mullova, violon
Roland Daugareil, violon solo
Orchestre de Paris
Paavo Järvi, direction
Symphonie nº83 en sol mineur La Poule
(Haydn)
Concerto pour violon en ré majeur, op. 77 (Brahms)
Symphonie nº2 en ré majeur, Brahms
Décidément, l'Orchestre de Paris me plaît en ce moment. Il y a deux semaines, les musiciens jouaient sublimissimement Une vie de héros de Strauss. La semaine dernière, c'était la Symphonie alpestre, pas aussi extraordinairissime, mais quand même pas mâââl (allez voir chez Klari ou Andante con anima pour plus de détails).
C'est bien sûr pour la symphonie de Haydn La Poule
que j'avais
inclus ce concert à mon abonnement. Toutefois, j'ai un a priori
négatif avec les symphonies parisiennes de Haydn parce que ce sont celles
dont le style me semble le plus proche de celui de Mozart (ce qui n'est pas
un compliment pour moi : je préfère Haydn quand il est lui-même). Si
certains effets m'énervent un peu, globalement cela reste du Haydn, avec
son lot de plaisanteries. Dans le premier mouvement, on a effectivement
l'impression d'être dans une basse-cour. Dans le deuxième, on se prend de
temps en temps de grosses gammes descendantes aussi inattendues que pas
finaudes. Immédiatement après, les cordes répètent la même note sur un
rythme monotone en un decrescendo qui va jusqu'à évanouissement
complet du son. Un peu plus loin, on entendra un effet différent : la note
variera très légèrement et la façon de la jouer me rappelera immédiatement
le début du premier mouvement de l'Hiver de Vivaldi. Bref, comme
d'habitude, Haydn s'amuse pour le plus grand plaisir des auditeurs...
L'effectif orchestral grandit légèrement (on passe de 4 à 6 contrebasses). Entre la violoniste Viktoria Mullova, dans une affriolante robe noire toute en transparences. Je ne sais pas si c'est la faute à Brahms, à l'interprète ou à mon placement à l'arrière-scène, mais je n'ai vraiment pas passé un bon moment pendant l'écoute du concerto pour violon de Brahms. Je ne suis pas un grand admirateur de ce compositeur. Certes, il y a quelques passages orchestraux sympathiques (comme la mini-pièce de musique de chambre pour instruments à vents qui se trouve au début du deuxième mouvement). Toutefois, j'ai eu l'impression que la violoniste devait lutter contre l'orchestre pour se faire entendre, le résultat paraissant moins fignolé qu'on pourrait s'y attendre. Le chef semblait pourtant assez bienveillant, faisant diminuer le volume avant les entrées de la violoniste et libérant à fond les décibels quand elle finissait ses phrases.
Il semblerait que j'aie déjà entendu la deuxième symphonie de Brahms
lors d'un concert de l'orchestre de l'Opéra dirigé par
Georges Prêtre. Après le concert de ce soir, j'ai rétrospectivement
l'impression d'avoir été trompé sur la marchandise (à l'époque, je n'avais
déjà pas été très enthousiaste). L'effectif orchestral s'est encore étoffé
pour l'interprétation de cette œuvre (huit contrebasses). Avant le Haydn,
un couple de spectateurs ayant quelques décennies de plus que moi au
compteur se disputaient à ma droite pour savoir où étaient les clarinettes
et où étaient les hautbois. La dame m'a demandé mon opinion. Cela a sans
doute ragaillardi ma voisine de gauche qui à la fin de l'entr'acte a
sollicité mon expertise à propos des instruments rouges
(qui font
pouët-pouët aurais-je dû compléter), les fameux bassons.
Malgré les nombreux moments adorables dans cette œuvre, je pense qu'il me faudra encore quelques écoutes pour véritablement apprécier cette symphonie de Brahms tant elle m'a parue touffue (surtout le premier mouvement). Le chef Paavo Järvi que je n'avais pas vu depuis novembre et La symphonie fantastique semble avoir manifestement envie de très bien faire. Sans se défaire de sa bonhomie coutumière, il paraît très concentré. Quand le quatrième mouvement s'enchaîne au troisième, les musiciens semblent pris d'une ivresse collective. Chez les altos, David Gaillard (qui jouait lundi dernier aux Bouffes du Nord !) semble communiquer sa bonne humeur à son voisin Nicolas Carles. Partout dans l'orchestre, que ce soient chez les bassons ou les contrebasses, cela respire la joie de jouer. Les épaules se dandinent en rythme, que les musiciens jouent à ce moment précis ou non (pas la peine de nier, on vous a vus ! et on espère bien le revoir !). Cela fait très plaisir de voir l'orchestre dans cet état de volupté collective. Pour cette raison, je pardonne volontiers à Brahms la fin très hydravionesque de cette symphonie.
Ailleurs : Andante con anima.
2012-01-24 00:13+0100 (Orsay) — Culture — Musique
Théâtre des Bouffes du Nord — 2012-01-23
Alain Planès, piano
David Grimal, violon
Hans Peter Hofmann, violon
David Gaillard, alto
Xavier Phillips, violoncelle
Quatuor nº1 “Sonate à Kreutzer”, Janáček
Pohadka pour violoncelle et piano, Janáček
Dans les brumes (pour piano), Janáček
Sonate pour violon et piano, Janáček
Quatuor nº2 “Lettres intimes”, Janáček
Fantabulissime ! Je n'ai pas d'autre mot. Fantabulissime !
Ailleurs : Klari, Palpatine, Grignotages.
2012-01-22 23:59+0100 (Orsay) — Culture — Musique
Théâtre des Champs-Élysées — 2012-01-22
Anna Caterina Antonacci, soprano
Orchestre Philharmonique de Rotterdam
Yannick Nézet-Séguin, direction
Shéhérazade, trois poèmes pour voix et orchestre sur des vers de Tristan Klingsor (Ravel)
Wiener Singakademie
Daphnis et Chloé, ballet complet (Ravel)
Sublime concert Ravel de l'Orchestre Philharmonique de Rotterdam dirigé par Yannick Nézet-Séguin. Pendant la première partie du concert, on entend Shéhérazade, dont le texte est chanté par Anna Caterina Antonacci (que j'entends pour la douzième fois : elle égalise le score de Natalie Dessay et de Ludovic Tézier). Ce soir, habillée d'une superbe robe rouge (assortie aux très hauts talons) dont elle tient un pan de la main gauche, elle était assurément dans son élément. Le texte n'est pas parfaitement intelligible quand le vaillant orchestre prend le dessus, mais il l'est suffisamment pour que j'arrive à suivre. Si la voix de cette chanteuse que j'admire depuis longtemps m'avait parfois semblé un peu rauque par le passé, ce soir, son timbre de voix m'a paru au contraire très séduisant, parfaitement adapté à cette œuvre d'un exotisme qui peut sembler quelque peu dépassé aujourd'hui (ah, cette évocation de la Chine...).
L'orchestre est impressionnant. Les vigoureux coups d'archet semblent parfaitement synchronisés entre tous les pupitres. Les vents sont fabuleux (les flûtistes !). Le jeune chef dirige l'orchestre en battant la mesure de façon très énergique.
Pour la musique du ballet Daphnis et Chloé, les musiciens sont accompagnés d'un chœur de plus de 80 chanteurs, le Wiener Singakademie. Associé à l'orchestre, le chœur, qui ne chante que des vocalises (parfois bouche fermée) contribue aux atmosphères envoûtantes de l'œuvre.
2012-01-21 23:38+0100 (Orsay) — Culture — Musique
Ces jours-ci a lieu la biennale de quatuors à cordes à la Cité de la Musique. En 2010, j'étais allé à deux concerts. Cette année, j'en aurai vu cinq. J'ai suivi les conseils de Bladsurb, à savoir de tenter l'amphithéâtre, qui a été le lieu des trois premiers concerts de la série, concentrés le week-end dernier :
Amphithéâtre de la Cité de la musique — 2012-01-14
Quatuor Thymos
Eiichi Chijiiwa, Gabriel Richard, violons
Nicolas Carles, alto
Valérie Aimard, violoncelle
Quatuor à cordes nº1, opus 77 (Hob. III:81), Haydn
Quatuor à cordes nº9 “Quartettsatz”, Wolfgang Rihm
Quatuor à cordes nº14 (Beethoven)
Globalement, ce concert du Quatuor Thymos (avec un changement de violoncelliste depuis l'année dernière, est-ce temporaire ou permanent ?) a été le plus équilibré des cinq concerts que j'ai vus. Il est à noter que les deux violonistes ont échangé leurs rôles au cours du concert : Gabriel Richard a été violon I dans le Haydn, Eiichi Chijiiwa l'a été dans la suite du programme. Ce concerto de Haydn m'a procuré beaucoup de plaisir. Le quatuor nº9 de Rihm a été l'occasion de faire plus ample connaissance avec ce compositeur (passage quasi-obligé de tous les quatuors pendant la biennale). J'ai beaucoup craint pour l'instrument de Valérie Aimard, qui utilisait son archet comme un marteau pour frapper les cordes. À l'exception du quatuor de Rihm joué par le Borodin quartet, les autres quatuors de Rihm que j'ai entendus ces derniers jours faisaient un certain usage de cette technique, hum, surprenante... Si ces quatuors de Rihm ne m'ont guère passionné, certains moments n'étaient pas inintéressants.
Pour moi, la grande découverte est venue en deuxième partie de concert avec le quatorzième quatuor de Beethoven. Je ne connaissais pas du tout la musique de chambre de ce compositeur. Ce quatuor est absolument sublime. L'ambiance est toute différente de celle des quatuors de Haydn. Écouter Haydn, comme avec ces musiciens, cela devrait être toujours un plaisir (remboursé par la Sécu ?). On imagine que le compositeur utilise tous les stratagèmes pour attirer l'attention de l'auditeur et le divertir. Chez Beethoven, et particulièrement dans ce quatuor, on entre avec recueillement dans un autre monde, beaucoup plus intériorisé.
⁂
Amphithéâtre de la Cité de la musique — 2012-01-15
Quatuor Zemlinsky
František Souček, Petr Střížek, violons
Petr Holman, alto
Vladimír Fortin, violoncelle
Quatuor à cordes nº3 (Alexander von Zemlinsky)
Quatuor à cordes nº10, Wolfgang Rihm
Quatuor à cordes nº6 (Beethoven)
Cinquième mouvement de Cinq pièces pour quatuor à cordes (Erwin Schulhoff)
Je n'ai que peu de souvenirs du quatuor d'Alexander von Zemlinsky qui donne son nom à cette formation. Ce concert me donne cependant l'occasion de me dire qu'il faudrait accorder aux violonistes et altistes une dispense de porter le nœud papillon. Parmi les musiciens, il semble qu'il y ait deux stratégies. Le plus souvent la mentonnière de l'instrument vient écraser le nœud papillon : les dommages éventuels au tissu restent cachés. Dans de plus rares cas, le musicien applique la mentonnière sur l'autre face du nœud ce qui tend à faire pivoter celui-ci. C'est ce qui s'est passé avec le premier violon du quatuor, dont le nœud finissait systématiquement tourné presque de quatre-vingt-dix degrés à la fin des morceaux...
Un incident s'est produit pendant le très percussifs quatuor de Rihm qui
a été joué. Si le premier mouvement était entièrement pizz. (avec
en outre le curieux mot kata prononcé par les musiciens), la suite
a été percussive. Ainsi maltraité, l'archet de l'altiste a tenté de
s'enfuir en faisant un vol plané. Le musicien a heureusement pu le
récupérer, apparemment pas trop amoché par le crash, et continuer à
jouer. (Il est d'ailleurs à noter que ce musicien avait sur son pupitre la
partition complète du quatuor avec les quatre parties : le
conducteur
).
Le quatuor de Beethoven interprété était très différent de celui entendu la veille. L'atmosphère y était très vivifiante !
Un très bel extrait d'une œuvre d'Erwin Schulhoff a été jouée en bis ! (Cf. Youtube pour voir à quoi cela ressemble.)
Les concerts s'enchaînent, mais j'ai le temps de prendre un café avant celui qui suit :
Amphithéâtre de la Cité de la musique — 2012-01-15
Quatuor Tetraktys
Giorgos Panayiotidis, Kostas Panayiotidis, violons
Ali Basegmezler, alto
Dimitis Travlos, violoncelle
Quatuor à cordes nº6 “Blaubuch”, Wolfgang Rihm
Quatuor à cordes nº19 en do majeur KV 465 “Les Dissonances” (Mozart)
J'ai survécu à un Rihm de 50 minutes ! J'en ai complètement oublié le
quatuor de Mozart de la deuxième partie du concert. Si cela semble être
l'habitude à la Cité de la Musique d'ajouter les titres des bis sur la page
du concert sur le site Internet, curieusement, cela n'a pas été fait ici.
Je n'ai donc pas été le seul à n'avoir pas compris l'annonce du bis faite
en anglais avec un accent grec fort prononcé. On leur pardonne, ils sont
jeunes et fougueux, un jour ils sauront déclamer un Tchaikovski,
Andante cantabile
dénué de toute ambiguité comme le fera
impérieusement le premier violon du quatuor Borodin quelques jours plus
tard.
⁂
Cité de la musique — 2012-01-20
Quatuor Borodin
Ruben Aharonian, Sergei Lomovsky, violons
Igor Naidin, alto
Vladimir Balshin, violoncelle
Quatuor à cordes nº8 “Razumovski”, Beethoven
Grave — In memoriam Thomas Kakuska, Wolfgang Rihm
Quatuor à cordes nº9 “Razumovski”, Beethoven
Andanta cantabile du Quatuor à cordes nº1, Tchaikovski
Ce concert, comme le suivant, a lieu dans la salle des concerts (modulable). Même si je commence à m'y habituer, je ne fréquente pas si souvent que cela cette salle. En ouvrant ma pochette rouge de billets d'abonnements, je n'imaginais absolument pas que la place nº102 était située vers le milieu du premier rang de face. Est-ce la récompense d'avoir déposé mon formulaire d'abonnement le premier jour ?
L'interprétation du quatuor nº8 m'a modérément plu, même si chacun des musiciens a l'occasion de s'y mettre en valeur. Le Rihm en début de deuxième partie est beaucoup plus classique (par les sonorités) que les autres entendus précédemment. Il est pourtant un rien ennuyeux...
Le point culminant de ces cinq concerts sera atteint pour moi avec le quatuor nº9 de Beethoven. Le deuxième mouvement avec son rythme ternaire inlassablement marqué par les pizz. du violoncelle m'a particulièrement enthousiasmé ! Les fugues dans le troisième ! La virtuosité du quatrième !
La cohésion des musiciens est étonnante bien qu'ils jouent sans véritablement se regarder : je n'ai détecté qu'un œil droit d'altiste qui fixait le premier violon. En outre, mon intérêt est sans cesse ravivé par d'infimes petits détails d'interprétation comme certains changements presque subliminaux de dynamique et le vibrato...
(Ce concert sera retransmis sur France Musique le premier février à 14h.)
Zvezdo assistait également à ce concert, voici un lien vers son billet.
⁂
Cité de la musique — 2012-01-21
Quatuor Takács
Edward Dusinberre, Károly Schranz, violons
Geraldine Walther, alto
András Fejér, violoncelle
Quatuor à cordes nº53 en ré majeur “L'Alouette”, opus 64 nº5 (Hob. III:63), Haydn
Quatuor à cordes nº3, Britten
Marc Coppey, violoncelle
Quintette pour deux violons, alto et deux violoncelles D. 956 (Schubert)
Si j'ai pris un certain plaisir pendant le premier mouvement du quatuor de Haydn, je me suis ennuyé pendant toute la suite. C'est un comble de s'ennuyer pendant un quatuor de Haydn. Si l'attitude souriante du premier violon et celle plus intériorisée du violoncelliste sont séduisantes pour l'œil, les oreilles ne sont pas satisfaites par l'ensemble. Lors des précédents concerts, il s'est toujours trouvé des moments où le tout était indiscutablement meilleur que la somme des parties. Je n'ai pas éprouvé de tel plaisir harmonique au cours de ce concert. Si le Schubert m'a moins déplu que le reste, j'étais comme perdu au milieu de cette œuvre. En outre, étant encore placé au premier rang, mes yeux se prenaient la lumière dirigée vers l'avant-scène ; j'ai dû lutter pour rester éveillé...
2012-01-18 01:36+0100 (Orsay) — Culture — Musique — Opéra
Théâtre des Bouffes du Nord — 2012-01-17
Nicolas Chesneau, piano
Jérôme Billy, Koudriach
José Canales, Tichon Kabanov
Mathilde Cardon, Glasa
Elena Gabouri, Kabanicha
Paul Gaugler, Boris
Douglas Henderson, Kouliguine
Michel Hermon, Saviol Dikoj
Kelly Hodson, Katia
Céline Laly, Varvara
André Engel, mise en scène
Irène Kudela, direction musicale et études linguistiques
Ruth Orthmann, collaboration artistique
Nicky Rieti, scénographie
Chantal De la Coste-Messelière, costumes
André Diot, création lumières
Pippo Gomez, création son
Guillaume Lepert, régisseur plateau
Gérard Caldas, Grégoire Boucheron, régisseur lumière
Romain Vuillet, régisseur son
Béatrice Boursier, Siegrid Petit-Imbert, couturières
Kátia Kabanová, version de chambre de l'opéra de Leoš Janáček
Je ne sais pas pourquoi Nicolas Joel, le directeur de l'Opéra de Paris avait eu l'idée saugrenue de remonter la production de Salomé mise en scène par André Engel. Cela ne donnait pas très envie d'aller voir d'autres spectacles de ce metteur en scène. Heureusement, j'avais alors déjà acheté ma place pour la première de Kátia Kabanová mise en scène par celui qui avait déjà été l'auteur d'une belle production d'un autre opéra de Janáček : Příhody Lišky Bystroušky.
En m'installant à la corbeille, je peux déjà voir que le décor s'inscrit parfaitement dans le lieu. Ce décor est une terrasse surélevée à laquelle on accède à l'avant par un petit escalier. Un autre escalier est situé à l'arrière (côté jardin). Une porte à l'arrière de la terrasse sert d'entrée pour les rendez-vous nocturnes. La terrasse a la même couleur noire que le sol du théâtre et les surfaces verticales du décor sont en rouge-Bouffes-du-Nord. (Comme j'ai aperçu David, il sera sans doute possible de voir quelques photographies chez lui.)
Quand le personnage de Kátia entre sur scène, on sait immédiatement comment elle se donnera la mort. Elle s'approche en effet dangereusement du parapet de la terasse. Elle répétera plusieurs fois ce mouvement. Que ce geste devienne une évidence permet de mieux distinguer les nombreuses annonces de la mort de l'héroïne qui se trouvent dans le texte. Il n'y a pas d'autre issue possible.
Si la récente superproduction Manon était dénuée de théâtre, cette mise en scène n'en manque pas ! Le tyrannique personnage de Kabanicha mène tout le monde. Amorphe, son fils Tichon obéit sans réfléchir. Elle flagelle son amant Saviol qui ne demande que ça. Quand Kátia est morte, elle s'empare de son alliance et la met à son doigt...
La scène de l'orage est accompagnée de sons enregistrés et d'éclairages qui se propagent dans tout le théâtre pour donner l'illusion de la survenue d'éclairs. Les ruines que Kouliguine et Koudriach explorent et éclairent de leurs lampes au début de ce troisième acte ne sont rien moins que le théâtre lui-même ! Avec le décor, c'est véritablement une production sur mesure pour les Bouffes du Nord !
Une autre originalité de la mise en scène est la façon dont se passe le récit que Kátia fait à son amie Varvara de son rêve d'un amour (qui s'oppose forcément à sa morale chrétienne). La scène devient pour ainsi dire un duo d'amour tant Kátia se comporte comme si Varvara était son amant.
Tout cela est fort bien mené, on ne s'ennuie pas une seconde et on est tout étonné que cela se termine si vite. Les chanteurs (et particulièrement l'interprète du rôle de Kátia : Kelly Hodson) m'ont fait une bonne impression. Par rapport à l'expérience semblable qu'avait été La Flûte enchantée de Peter Brook, s'agissant d'une musique que je connais beaucoup moins, et dont j'ai pourtant pu apprécier l'extrême beauté dans toute sa richesse orchestrale il y a un an à Garnier, la magie opère moins sur moi du fait de la réduction de la musique au piano seul.
2012-01-15 01:56+0100 (Orsay) — Culture — Musique — Opéra
Opéra Bastille — 2012-01-14
Natalie Dessay, Manon
Giuseppe Filianoti, Le Chevalier Des Grieux
Franck Ferrari, Lescaut
Paul Gay, Le Comte Des Grieux
Luca Lombardo, Guillot de Morfontaine
André Heyboer, de Brétigny
Olivia Doray, Poussette
Carol García, Javotte
Alisa Kolosova, Rosette
Christian Tréguier, L'Hôtelier
Alexandre Duhamel, Ugo Rabec, Deux gardes
Isabelle Escalier, Une vieille dame
Robert Catania, Pascal Meslé, Deux voyageurs
Ghislaine Roux, Catherine Hirt-André, Deux voyageuses
Chae Hoon Baek, Un porteur
Nicolas Marie, Un marchand
Constantin Ghircau, Marc Chapron, Deux croupiers
Olivier Ayault, Jian-Hong Zhao, Deux joueurs
Nicole Monestier, La servante
Michel Derville, Le portier du séminaire
Evelino Pidò, direction musicale
Coline Serreau, mise en scène
Jean-Marc Stehlé, Antoine Fontaine, décors
Elsa Pavanel, costumes
Hervé Gary, lumières
Patrick Marie Aubert, chef du chœur
Orchestre et Chœur de l'Opéra national de Paris
Manon, Massenet
Nous n'en sommes qu'à la deuxième représentation, pourtant tout le monde a déjà pu lire un nombre invraisemblable de critiques toutes plus violentes les unes que les autres envers la nouvelle production de Manon (Massenet) mise en scène par Coline Serreau à l'Opéra Bastille.
Les décors sont loin d'être ratés. Celui du deuxième acte est même franchement réussi : une façade d'hôtel faisant environ un tiers de la largeur de la scène descend des cintres. Arrivée au sol, elle se penche vers l'avant, et étant maintenant complètement à l'horizontale, elle permet au spectateur de voir la chambre de Manon et du chevalier (le procédé ressemble à ce qu'avait fait Tcherniakov dans Macbeth). Ce qui est ridicule, c'est entre autres de faire paraître une couronne et une écharpe de Miss Arras quand Manon se voit belle (cela me rappelle l'armure qui descendait des cintres dans La Dame du Lac). Un certain nombre de détails du livret seront illustrés par des accessoires ou éléments de décors jetables (aussitôt utilisés aussitôt abandonnés). Il en va de même du cortège de femmes proscrites au cinquième acte : purement décoratif.
Les costumes qui mêlent toutes les époques n'ont rien de scandaleux. Encore faudrait-il en faire quelque chose d'intéressant ou de joli... Que Lescaut habillé en punk se déclare garant de l'honneur de la famille est assez ironique. Les coupes (qui n'étant pas expert ès Massenet je ne pourrai détailler) n'aident pas le spectateur à comprendre ce que la mise en scène ne montre pas. Je me demande ainsi comment on est censé comprendre pourquoi le chevalier se fait tabasser à la fin du deuxième acte.
Sur scène, le mouvement et les gesticulations ne manquent pas. On voit ainsi des patineuses à roulettes à Saint-Sulpice. Le cheval de Guillot est une moto à l'arrière de laquelle Manon grimpe en amazone (comme le font les Indiennes en sari...). Comme pour les décors et les costumes, je ne pense pas que ce soit cela qu'il faille moquer ou critiquer. À mon avis, le plus gros problème de cette production, c'est qu'il n'y a pas de théâtre. Les chanteurs, le dos bien droit, comme des piquets, chantent face au public. Un coup de foudre se déclare à vingt mètres de distance sans qu'un regard soit échangé. C'est d'un ennui glaçant.
J'avais un meilleur souvenir de l'œuvre de Massenet (que je ne connaissais que par le DVD de la production de David McVicar avec Dessay/Villazón). La musique contient trois ou quatre motifs (qui ne manquent pas de beauté). Ils reviennent dans l'œuvre comme des rappels d'un certain passé dans le point de vue du héros (qui est plutôt le chevalier Des Grieux que Manon). Peut-être que je fais maintenant davantage attention à ce genre de choses ? En tout cas, j'ai trouvé que la musique se répétait beaucoup.
L'orchestre et le chœur m'ont semblé très bons, tout comme les trois chanteuses issues de l'atelier lyrique : Olivia Doray (Poussette), Carol García (Javotte) et Alisa Kolosova (Rosette). Franck Ferrari (Lescaut) est le soliste que j'ai pris le plus de plaisir à écouter. Giuseppe Filianoti (Le chevalier Des Grieux) m'a paru moins à l'aise que dans les Contes d'Hoffmann. Il en impose trop. Ce serait mieux s'il chantait moins fort, sans crier. Il reste le cas Dessay (Manon). Sa voix est beaucoup critiquée. Je pense qu'elle a encore les moyens d'émouvoir par son chant. Cependant, ce soir, il y a eu une poignée de couacs. Le timbre s'altère parfois inopinément et une fois, la voix s'est éteinte au milieu d'une phrase musicale. Les notes aiguës n'ont pas l'air de lui poser de problème, même si elles sont moins éblouissantes que dans le passé. Ce qui m'a le plus gêné, c'est le manque de volume pendant de nombreux passages de récitatifs chantés. Il fallait vraiment tendre l'oreille pour entendre le son de sa voix, alors même que l'orchestre ne semblait pas jouer particulièrement fort. Le duo de Saint-Sulpice tenait la route, mais il a manqué d'émotions, comme la production dans son ensemble.
À la fin des actes, le public se met bizaremment à applaudir quelques secondes avant que la musique se termine. Une fois l'opéra exécuté, on a très vite rallumé les lumières, laissant très peu de temps aux chanteurs pour recueillir des applaudissements. Formidable ambiance. Encore une nouvelle production ratée ! Quand on pense que ces productions auront vocation à être reprises dans les années qui viennent... Je rappelle que pour le moment la seule nouvelle production de l'ère Nicolas Joel qui tienne la route est celle de Mathis der Maler.
Ailleurs : David, Paris Broadway, Gilda.
2012-01-13 01:13+0100 (Orsay) — Culture — Musique
Salle Pleyel — 2012-01-12
Till Fellner, piano
Roland Daugareil, violon solo
Orchestre de Paris
Herbert Blomstedt, direction
Concerto pour piano nº4 (Beethoven)
Une Vie de héros, poème symphonique, Richard Strauss
Les concerts de l'Orchestre de Paris se suivent et continuent à me plaire. La symphonie fantastique et La nuit transfigurée sont encore bien en mémoire et pourtant il faut déjà faire une petite place pour le concert de ce soir.
La première œuvre au programme est le quatrième concerto pour piano de Beethoven que j'ai déjà eu l'occasion d'entendre plusieurs fois en concert (la dernière fois avec Rafal Blechacz et le même orchestre). Au piano, Till Fellner, que je vois passer sur les programmes de concert depuis pas mal d'années déjà, mais que je n'étais malheureusement jamais allé écouter. Rarement une pianiste ne m'aura autant émerveillé par son jeu. La variété des sons produits, des différences de technique très marquées d'un passage à l'autre sont un régal pour les oreilles autant que pour les yeux, depuis ma place d'arrière-scène. Les cadences (qui ne sont semble-t-il pas les mêmes que celles dont je me rappelais) m'ont semblé particulièrement belles. C'est en homme plein de bonté que Herbert Blomstedt (84 ans) dirige l'orchestre. Il étire jusqu'à l'extrême lenteur le tempo du deuxième mouvement. L'attaque du troisième mouvement n'en est que plus brillante.
Pendant l'entr'acte, la scène est un champ de bataille. On n'arrive pas à faire sortir le piano. Un autre ascenseur semble bloqué en position basse à l'arrière de la scène où prendront place les percussionnistes et des cornistes. Après quelques minutes, une voix annonce ce que tout le monde pouvait constater, à savoir qu'il y avait un problème. Au bout d'un moment, les ascenseurs se remettent à fonctionner, ce qui permet notamment d'escamoter le piano et de replacer les chaises, en très grand nombre, puisque de quatre contrebasses pendant la première partie, on passe à huit contrebasses. Neuf cors, trois bassons et un contrebasson, etc.
Comme La symphonie fantastique (Berlioz), Une vie de héros (Strauss) est une œuvre symphonique autobiographique. Dans la première partie, le thème du héros (un tantinet pompeux) se fait entendre. Plus loin, les instruments à vents singent les ridicules critiques qui n'aiment pas Strauss. Ensuite, dans un mini-concerto pour violon (superbe Roland Daugareil), c'est la compagne du héros qui est évoquée. Après la présentation des personnages, c'est un déferlement orchestral qui intervient (Le Champ de bataille du héros). C'est d'une beauté insoutenable. Après un tel sentiment de plénitude, les deux dernières parties très apaisantes permettent de revenir sur terre.
Les applaudissements ont été particulièrement nourris et les claquements de pieds des musiciens pour féliciter le chef l'ont été tout autant. Celui-ci est allé serrer des mains un peu partout dans l'orchestre. En partant, il a fait un signe sympathique en direction de mon contrebassiste préféré. Je ne suis pas mécontent de savoir qu'il reviendra diriger l'orchestre en septembre 2012 et en janvier 2013.
2012-01-11 02:00+0100 (Orsay) — Culture — Musique — Danse
Opéra Garnier — 2012-01-10
Ballet royal du Danemark
Orchestre Colonne
David Levi, direction musicale
Sorella Englund, Nikolaj Hübbe, chorégraphie et mise en scène d'après August Bournonville (Napoli ou le Pêcheur et sa Femme)
Edvard Helsted, Holger Simon Paulli, Hans Christian Lumbye, musique des actes I & III
Louise Alenius, musique de l'acte II
Maja Ravn, scénographie et costumes
Mikki Kunttu, lumières
Camilla Hübbe, adaptation dramaturgique
Anne Marie Vessel Schlüter, Claire Still, assistantes à la mise en scène
Ulrik Birkkjær, Gennaro, un jeune pêcheur
Mette Bødtcher, Veronica, une veuve
Susanne Grinder, Teresina, sa fille
Andrew Bowman, Golfo, mauvais génie des eaux marines
Napoli, ballet en trois actes
Je sors peu enthousiaste de la dernière représentation de la compagnie du Ballet royal du Danemark à Garnier dans le ballet Napoli, créé en 1842 par August Bournonville et présenté ici dans une version remaniée en 2009 (avec en particulier une musique nouvelle dans le deuxième acte).
Au premier acte, on ne danse pratiquement pas. À part quelques petits
passages à deux entre les personnages de Teresina et Gennaro et d'autres
pour des petits groupes de danseuses ou de danseurs, il n'y a que de la
pantomime. (J'ai pensé comme Jean-Pierre Papin il y a quelques décennies
dans les Guignols : Mais quand est-ce qu'ils chantent ?
.) La mère de
Teresina n'apprécie guère que Gennaro s'approche de sa fille, qui se
chamaille parfois avec lui quand il semble intéressé par une autre jeune
femme. Les gestes des danseurs paraissent artificiels, exagérés. Les
quelques pas de danse manquent souvent de fluidité. Le peu de variété dans
les petits sauts effectués par les danseurs devient rapidement lassante.
Heureusement, mon intérêt est ranimé vers le milieu de l'acte par
l'insertion dans la musique d'un extrait du Barbier de Séville de
Rossini (l'air de la calomnie).
L'ambiance change radicalement au deuxième acte. À la fin du premier acte, Teresina s'était noyée (je n'ai pas vu comment, c'était dans un angle mort) et encouragé par une passante énigmatique Gennaro s'était décidé à plonger pour la sauver. La jeune femme se retrouve inanimée au centre de la scène vaporeuse où résident les naïades. On ne sait pas très bien si on est dans Giselle, Orphée et Eurydice, Le Sacre du printemps ou au Venusberg. La jeune femme est en effet entourée de naïades qu'elle va peut-être devoir rejoindre, un monstre marin ayant prévu d'en faire sa créature. Bien sûr, Gennaro arrive (guitare à la main) et sort son amie de là. Pour cela, il lui suffit de donner à Teresina son amulette pour qu'elle reprenne ses esprits et décide de repartir avec lui. Le monstre marin ne proteste même pas ! Très esthétique, ce deuxième acte se laisse bien regarder, même si la chorégraphie du personnage du monstre marin ne me convainc guère. La musique, jouée par l'Orchestre Colonne, m'a en revanche beaucoup plu (avec des voix spatialisées pour représenter les grognements du montre).
Au troisième acte, de nombreux solos et ensembles accompagneront les
célébrations du retour des amoureux. Du point de vue de la danse, c'est
plus intéressant que tout ce qui aura été vu jusque là, mais le
divertissement semble très artificiel (comme cela peut être aussi le cas
dans d'autres ballets, comme Paquita). Il ne s'agit que de
danse pure
qui n'exprime rien d'autre que la joie.
Bref, du point de vue narratif, c'est assez léger et naïf (comme le sont les projections animées utilisées comme décor de fond de scène). Aucune réelle émotion ne se fait ressentir, et à part peut-être au troisième acte, aucun passage n'est véritablement éblouissant techniquement. Heureusement, il y avait l'Orchestre Colonne !
Ailleurs : Le petit rat, Danses avec la plume, Blog à petits pas, Musica Sola, Palpatine, Mimy la souris.
2012-01-08 23:04+0100 (Orsay) — Culture — Musique — Opéra
Auditorium de Dijon — 2012-01-07
Irina Lungu, Violetta Valéry
Jesús León, Alfredo Germont
Dimitris Tiliakos, Giorgio Germont
Silvia De La Muela, Flora Belvoix
Anne Mason, Annina
Manuel Nuñez Camelino, Gastone, visconte de Létorières
Laurent Alvaro, Baron Douphol
Jean-Gabriel Saint-Martin, Marchese d'Orbigny
Maurizio Lo Piccolo, Dottor Grenvil
Rachid Zanouda, Servo
Yu Chen, Giuseppe, servo di Violetta
Zakaria Elbahri, Commissionario
Rainer Vilu, Domestico di Flora
Roberto Rizzi Brignoli, direction musicale
Jean-François Sivadier, mise en scène
Véronique Timsit, collaboratrice à la mise en scène
Alexandre de Dardel, scénographie
Virgine Gervaise, créatrice costumes
Philippe Berthomé, assistant lumières
Grégoire de Lafond, assistant lumières
Cécile Kretschmar, créatrice maquillage & coiffure
Salvo Sgrò, chef de chœur
Nathalie Steinberg, chef de chant
Maurizio Prosperi, pianiste accompagnateur
Patrick Dutertre, costumes
Ana Garcia, chorégraphie
Fabrice Kebour, lumières
Béatrice Arnal, créateur des surtitres
Kalmus, éditeur de la partition
Orchestre Dijon Bourgogne
Chœur de l'Opéra de Dijon
Estonian Philharmonic Chamber Choir
La Traviata, Verdi
Au début d'un concert, il suffit parfois de quelques secondes pour savoir si la soirée sera à mettre aux oubliettes (cf. la Cenerentola à Garnier). À l'inverse, une petite gamme vocalisée par le chanteur pour se chauffer la voix peut suffire à se décider qu'on va assister à un grand concert (cf. Wasifuddin Dagar). La représentation de La Traviata de ce samedi à Dijon appartient à cette deuxième catégorie. Après avoir entendu les toutes premières secondes du Prélude, je savais que ç'allait être un grand moment d'opéra pour moi. J'en avais déjà les larmes aux yeux. J'étais complètement liquéfié quand Irina Lungu (Violetta) a commencé à chanter.
Il faut dire aussi que j'étais dans de très bonnes dispositions. Je n'avais jamais eu l'occasion de voir La Traviata. Je m'étais décidé à m'abonner quand j'avais su que cet opéra était programmé. Par ailleurs, je faisais partie de la petite douzaine de spectateurs qui avaient assisté à la rencontre avec le metteur en scène Jean-François Sivadier (c'est la même production que celle du dernier festival d'Aix-en-Provence). Une rencontre ? plutôt une discussion à bâtons rompus qu'il a fallu interrompre quand les autres spectateurs ont afflué autour du bar et qu'on ne s'entendait plus. Il est dommage que la rencontre n'ait pas été annoncée plus largement... On peut penser que plus de 1% des spectateurs auraient été intéressés ! Il est par ailleurs dommage que cette rencontre fût apparemment réservée à ceux qui assistaient à cette représentation. Ah, en fait, j'ai compris : sur le site, la rencontre était annoncée pour le samedi 7 décembre...
L'auditorium a une drôle d'architecture (en forme de piano à
queue
). Il faut montrer patte blanche à l'entrée en bas d'un escalator
qui conduit à un no man's land au deuxième étage enjambant le
boulevard de Champagne avant de prendre d'autres escaliers mécaniques pour
redescendre au rez-de-chaussée... Cela me rappelle la BnF et les malls indiens.
Au bout du foyer, je m'installe donc pour la rencontre avec
Jean-François Sivadier. Sa façon de parler du théâtre et de la mise en
scène d'opéra m'a bien plu. En préambule, il avait commencé par dire
L'économie de l'opéra, c'est complètement absurde !
. Il a ensuite
expliqué qu'une grande partie de son travail était de faire que la
technique vocale soit partie intégrante du jeu d'acteur. Un violoniste
ne joue pas qu'il joue du violon.
Le point de départ de la mise en
scène est donc constitué des mouvements que doivent faire les chanteurs
pour interpréter la musique telle qu'elle a été conçue par Verdi. Il doit
aussi aller contre les clichés et idées préconçues que pourraient avoir les
chanteurs sur la façon de jouer. Il explique que l'axe de l'opéra oppose le
mot Jouir
que répète inlassablement Violetta au premier acte et
l'Amour que lui porte Alfredo. Avec cette idée en tête, pendant la
représentation, il est évident que pour Violetta, tout bascule dans la
dernière scène du premier acte : peu après qu'elle a dit gioir!...
gioir!...
, elle entend Alfredo chantant Amor, amor à palpito
depuis les coulisses.
Il explique aussi aimer diriger les chanteurs comme des danseurs et être fasciné par Pina Bausch. On peut d'ailleurs déceler une évidente référence à son univers dans sa mise en scène : à un moment, Violetta avance sans prendre garde aux chaises noires qui font obstacle devant elle et qu'un homme se précipite pour les écarter de son chemin (cf. Café Müller).
L'idée principale de la mise en scène est de concevoir que se déroule sur scène une énorme fête au début de laquelle un homme, qui pourrait être un spectateur, décide de déclarer son amour à Violetta, qui se prend à rêver que c'est vrai. Quelques chanteurs-comédiens sont déjà sur scène (à fumer) quand les spectateurs s'installent à leur place. Certains chanteurs entreront via les allées du parterre (où je suis impérialement placé ; c'est un petit plaisir bien plus abordable à Dijon qu'à l'Opéra Bastille !). Un rideau tiré d'un côté à l'autre de la scène (parfois à moitié) semble plus ou moins séparer deux univers : le réel et le rêve. Au cours de cette fête s'insère un épisode à la campagne : des panneaux descendus des cintres et représentant une végétation bucolique et un ciel transpercé de nuages viennent créer cette ambiance visuelle tout en cloisonnant l'espace scénique que l'on peut concevoir comme étant une maison de campagne divisée en plusieurs pièces.
Tous les chanteurs et choristes m'ont donné une impression de
vérité
dans leur jeu. J'ai rarement vu une telle cohésion et autant
de conviction partagée par tous sur une scène d'opéra. L'orchestre quand il
a de quoi se mettre en valeur (comme au début des premier et troisième
actes) le fait très bien. Malheureusement, le début du troisième a été
pourri par les tousseurs (dont un en particulier qui n'arrêtait pas à
quelques mètres derrière moi et qu'une de ses voisines suppliait de
sortir). L'orchestration n'est pas de Prokofiev ou de Britten, mais il y a
néanmoins de quoi prendre un certain plaisir à découvrir des détails
insoupçonnés lors de précédentes écoutes au disque (ou au DVD). Le chef
fait un remarquable usage du rubato, qui sert ici particulièrement
bien le drame. Du côté des voix, les trois rôles principaux sont
remarquablement bien interprétés. Irina Lungu (Violetta) était annoncée
souffrante, mais je n'ai rien remarqué de particulier, à part un timbre
légèrement altéré pendant les aigus du premier acte. Jesús León (Alfredo) a
été parfait. J'ai eu un tout petit peu peur lors de la première
intervention un peu criée de Dimitris Tiliakos (Germont), mais son volume
de voix s'est vite équilibré. On peut également noter un excellent Laurent
Alvaro dans le rôle de Douphol. Un seul petit maillon faible vocal est à
signaler dans le rôle d'Annina.
Standing-ovation méritée !
2012-01-05 20:22+0100 (Orsay) — Culture — Musique — Opéra
Je suis loin d'être d'accord avec tout ce qu'écrit Renaud Machart dans Le Monde, mais j'approuve le paragraphe suivant à propos de l'Opéra de Paris (dirigé par Nicolas Joel), extrait de l'article intitulé L'institution lyonnaise tient la dragée haute à la parisienne paru dans l'édition du 6 janvier 2012 du Monde :
Nicolas Joel dit volontiers qu'il préfère une production éprouvée à une nouvelle mise en scène ratée. L'ennui est que les productions venues d'ailleurs le sont aussi (ratées) le plus souvent et que les nouvelles productions ne le sont pas moins.
2011-12-25 22:22+0100 (Orsay) — Culture — Musique — Opéra — Danse — Lectures — Culture indienne
L'année dernière, après en avoir vu 107 au cours de l'année, je m'étais dit qu'il ne serait pas raisonnable d'augmenter encore la dose de spectacles et qu'il faudrait bien faire des choix. C'est bien entendu le contraire qui s'est produit : j'ai vu davantage de spectacles cette année. J'ai passé plus d'une soirée sur trois à assister à un spectacle, mais moins d'une sur deux...
L'opéra reste un des piliers de ces spectacles. J'ai assisté à 42
représentations d'opéra (j'inclus dans ce total les opéras en version de
concert) correspondant à environ 30 opéras, parmi lesquels se sont trouvés
22 opéras que je n'avais encore jamais vus. Parmi ceux-là, deux créations :
The Second Woman (Frédéric Verrières) et Akhmatova (Bruno Mantovani). Si le sujet du
deuxième m'a intéressé davantage, le plaisir procuré par le premier a été
supérieur. Cette année, j'ai diversifié quelque peu les lieux pour assister
à des opéras. J'ai ainsi vu une de bonnes productions d'Orphée et Eurydice à la MC93 Bobigny et de Carmen à Nancy. Plus près de l'Opéra, j'ai fait
deux belles découvertes
à l'Athénée ‒ Louis Jouvet : Didon & Énée (Purcell) et The
Turn of Screw (Britten). Ce lieu m'a également offert une des plus
détestables soirées d'opéra de ma vie : L'Egisto
(Marazzoli/Mazzochi). La musique était loin d'être inintéressante, mais le
théâtre était sclérosé (je sais gré à Peter Brook d'avoir introduit cette
notion il y a plus de quarante ans dans L'espace
vide). Du théâtre sclérosé, il y en a également eu une certaine
dose à l'Opéra de Paris : Francesca Da Rimini,
Salomé, Faust, La
Cenerentola. À l'inverse, il y eut en ces lieux une production
tout-à-fait honorable de La Clémence de Titus et
d'excellentes productions de Lulu, de Tannhäuser et de Kátia
Kabanová. Au TCE, j'ai eu l'occasion de voir quelques opéras en
version de concert. Il y eut ainsi un Ariodante
avec une formidable Joyce DiDonato, un Pelléas et
Mélisande avec un superbe Laurent Naouri et un lamentable Fidelio.
Parmi mes bonnes résolutions de l'année dernière, il y avait celle de mieux comprendre la musique de Wagner pour ne pas passer à côté des Siegfried et Götterdämmerung que j'avais prévu de voir à l'Opéra Bastille. Au début du mois de janvier, j'acquis ainsi une édition de 1903 du Voyage artistique à Bayreuth d'Albert Lavignac. Après quelques semaines d'efforts, je réussis à me mettre en tête la plupart des leitmotivs de la Tétralogie, devenant par la-même ringopathe. Mon expérience de spectateur en a été complètement transformée et le plaisir renouvelé avec Parsifal au TCE, le programme Wagner de l'Orchestre Colonne, Tannhäuser à Bastille, le Ring Saga à la Cité de la musique (et la Citéscopie parallèle) et dernièrement avec Le Ring sans paroles, suite symphonique jouée par le Philharmonique de Radio France. J'ai comme l'impression que je n'en ai pas fini avec Wagner...
Par rapport aux années précédentes, j'ai augmenté sensiblement la proportion de concerts Pleyel dans mes choix. Je vois donc un peu plus de concerts symphoniques que précédemment. Un des plus fabuleux concerts auxquels j'aie assisté cette année a été le programme Rameau orchestral du Concert des Nations dirigé par Jordi Savall. Pour ce qui est du baroque, j'ai également passé de très bons moments à écouter Damien Guillon et Pierre Hantaï. J'ai par contre dû remettre en cause mes standards de qualité en réécoutant La Passion selon Saint Jean dirigée par Ton Koopman. En revanche, avec Haydn, aucun problème avec Le Concert Spirituel pour Die Schöpfung, L'Orchestre de Paris et le Quatuor Thymos à l'Athénée. Ce dernier concert était un programme de musique de chambre. Les autres concerts de musique de chambre auxquels j'aie assisté m'ont procuré un certain plaisir, comme celui de Lisa Batiashvili, François Leleux, Sebastian Klinger, Guy Ben-Ziony, Milana Chernyavska au TCE ou encore celui du Quatuor Pražák et de quelques autres dans un programme Hindemith/Schönberg.
Parmi les concerts symphoniques, je garde un souvenir émerveillé de trois concerts LSO/Gergiev : Le chant de la nuit (Mahler) et Symphonies nº6 et 10 (Chostakovitch). Le concert de l'Orchestre de Paris du 14 octobre à Pleyel m'a procuré des émotions très contrastées puisque j'ai pu d'une part entendre pour la première fois le concerto pour violon de Tchaikovski interprété par Leonidas Kavakos et d'autre part tenter de réprimer des gloussements à l'écoute de la symphonie de Hans Rott. Un autre grand moment pour moi a été la première écoute de La symphonie fantastique. Pour le reste, j'ai eu le plaisir de réentendre du Roussel dans Bacchus et Ariane dirigé par Yutaka Sado. La présence d'œuvres contemporaines aux programmes des concerts Colonne m'a donné l'occasion d'adhérer complètement à une œuvre contemporaine dès la première écoute : Melancolia (Kremski). Un phénomène semblable s'est produit avec La nuit transfigurée de Schönberg lors du concert de l'Orchestre de Paris dirigé par Pierre Boulez.
Pour ce qui est du ballet, je me suis pour ainsi dire limité à la programmation de l'Opéra de Paris. Je retiens la belle création de La Source, la reprise d'Onéguine, de Roméo et Juliette et la Coppélia de Lacotte dansée par les élèves de l'école de danse (tellement plus intéressante que celle dansée par le ballet de l'Opéra). Bien sûr, il reste quelque chose du passage du Bolchoï : Flammes de Paris, Don Quichotte. Enfin, c'est devenu une évidence, mais la grande révélation de la saison, pour moi, c'est Myriam Ould-Braham, formidable Juliette, Naïla et Olga.
Il me reste maintenant à évoquer ce qui n'appartient pas aux formes
classiques européennes
. Pour moi, cela se réduit essentiellement à
l'Inde. Toutefois, de la nuit soufie, c'est bien le chant
du marocain Marouane Hajji que je retiendrai. Maintenant, venons-en à
l'Inde... Depuis le récital de Srithika Kasturi Rangam à
Chennai en 2010, j'ai développé un certain goût pour le
bharatanatyam. J'ai profité de mon séjour dans le Sud de l'Inde
cet été pour voir quelques récitals (à Mumbai, Bangalore et Chennai). Au cours de
l'année, j'en aurai vu une douzaine. Comme il n'y en a plus aux Abbesses,
je me suis déplacé au Musée Guimet pour voir Urmila
Sathyanarayanan et Priyadarshini Govind, deux
récitals relativement décevants (pour des raisons différentes). Comme ce
n'était pas suffisant, je suis également allé au Centre Mandapa ; mes plus grandes
satisfactions sont venues des récitals qui s'y sont déroulés. Parmi les
danseuses vues cette année, je retiendrai deux noms : Lavanya
Ananth, Mallika Thalak. Elles correspondent toutes
les deux à l'idéal que je me fais de ce style de danse.
Je n'ai longtemps entendu la musique carnatique que comme une musique d'accompagnement pour des récitals de bharatanatyam. Lors de mon séjour à Chennai en août, je suis allé plusieurs soirs de suite assister à des concerts de chant carnatique. Le plus remarquable a été celui de Sri Mohan Santhanam au Vani Mahal. À force d'écouter ce type de musique, j'ai commencé à comprendre la forme générale que prenaient les improvisations et compositions. J'espère que le plaisir d'écoute n'en sera que meilleur quand je réentendrai Aruna Sairam au Théâtre de la Ville en avril 2012.
En Inde, les formes les plus raffinées de musique viennent du Nord, il faut bien l'admettre. Au cours de l'année 2011, j'eus l'occasion d'entendre du khyal lors d'un triple-concert au cours duquel s'étaient particulièrement distingués Ustad Ulhas Kashalkar et Pandit Ajoy Chakrabarty. Quelques mois plus tard, j'ai également pu réentendre la fille de ce dernier, Kaushiki Chakrabarty. La grande découverte de l'année, je la dois à Klari grâce à qui j'ai pu découvrir le chant dhrupad avec deux représentants de la dynastie Dagar : Wasifuddin Dagar et Sayeeduddin Dagar. (J'avais déjà entendu les Gundecha en 2008, mais j'en garde un amer souvenir.) Récemment, le concert du sitariste Shahid Parvez au Théâtre de la Ville m'a permis d'entrevoir de façon moins superficielle que je ne le faisais jusque là certaines similitudes formelles entre ces musiques (instrumentales ou vocales). J'espère bien passer suffisamment de temps à Kolkata l'été prochain pour assister à plusieurs concerts !
Bon, maintenant, je peux l'avouer à ceux qui ont lu jusqu'au bout : j'ai assisté à cent soixante-trois spectacles en 2011. L'année prochaine, il faudra donc véritablement songer à faire des choix (réduire un peu l'abonnement Pleyel, continuer à quasi-boycotter le TCE, se limiter à deux représentations d'un même ballet, se limiter à une seule représentation d'un opéra ?).
PS: Pour ce qui est des lectures, le bilan est sur le Biblioblog.
2011-12-24 12:11+0100 (Orsay) — Culture — Musique — Cinéma
Salle Pleyel — 2011-12-23
Timothy Brock, direction musicale
Orchestre national d'Île de France
Ciné-concert City Lights
Jusqu'à présent, je n'avais pas eu de chance avec l'Orchestre national d'Île de France. Les deux fois que je les avais entendus à Pleyel, c'était lors de concerts d'après-midi lors de dimanches où en raison d'un état de fatigue avancé, j'aurais mieux fait de rester chez moi faire une bonne sieste. J'avais ainsi lamentablement somnolé pendant leur pléthorique Carmina Burana à 150 choristes. Dans les intervalles de lucidité, j'observais néanmoins l'engagement des musiciens et la belle homogénéité des cordes avant de rentrer prendre un sommeil réparateur.
Hier après-midi, un écran avait été installé pour deux séances de ciné-concert City Lights (Les Lumières de la ville) de Chaplin, qui non content d'être un brillant cinéaste et comédien était un estimable compositeur. Sa musique a été restaurée et orchestrée par Timothy Brock qui dirige ce concert. Elle est tournée autour de trois ou quatre motifs qui reviennent régulièrement au cours du film et comporte aussi des passages plus illustratifs de l'ambiance particulière à chaque scène.
Je pensais passer un bon moment, mais pas à ce point-là. Ce n'est pas la première fois que je vois un film muet en entier sur un grand écran, mais lors de cette séance, le plaisir à été total. Le film est excellent. On y rit et on y pleure. On y voit des formes d'humour disparues : du comique de répétition, des situations où on laisse clairement entendre au spectateur qu'il va se passer un gag bien précis, mais au moment où celui-ci croit que cela va arriver, on le fait mariner quelques secondes. Un des plus mémorables moments est la fameuse scène du combat de boxe. On a beau l'avoir déjà vue, cela marche à chaque fois.
L'expérience du visionnage de ce film est rehaussée par la présence de l'orchestre (et peut-être réciproquement suggèrera Klari après la séance). La musique, si elle paraît déjà belle et intéressant sur de vieux enregistrements, paraît ici sublime et extrêmement précise. On entend le moindre détail comme si c'était du Wagner joué d'une façon autant analytique qu'enthousiaste. Cette musique, jouée aussi superbement, semble une très bonne initiation à la musique orchestrale pour les nombreux enfants présents lors de cette séance. Certains, comme mon voisin, étaient un peu dissipés, mais on leur pardonne volontiers.
L'orchestre est malheureusement menacé par une réduction récente de ses subventions. Il est encore temps de signer la pétition.
2011-12-22 23:57+0100 (Orsay) — Culture — Musique
Basilique Sainte-Clotilde — 2011-12-22
Manna Ito, soprano
Anne-Marie Hellot, alto
Christophe Poncet, ténor
Mark Pancek, baryton
Ensemble baroque
Chœur de Radio France
Matthias Brauer, direction
Oratorio de Noël (cantates 1, 2, 3), BWV 248, Johann Sebastian Bach.
Parmi les œuvres qui m'ont fait apprécier la musique classique, l'Oratorio de Noël de Bach tient une place particulière. Je l'ai entendu huit fois en concert (et presque neuf si on compte un concert de cantates profanes dans lesquelles Bach avait puisé pour constituer son Oratorio). Tous les ans entre 2002 et 2009 (avec une exception en 2008 parce que ce n'était pas programmé), j'allais presque rituellement au Théâtre des Champs-Élysées en décembre, alors que les décorations de Noël scintillaient sur l'avenue Montaigne, afin d'écouter cette œuvre (jamais dans son intégralité puisque le plus souvent, des six cantates qui composent l'oratorio, seules quatre étaient jouées ; je n'ai ainsi jamais entendue la cinquième en concert).
J'avais été assez déçu par la dernière écoute (en
2009), avec la soprano Natalie Dessay et Spinosi à la direction. C'était
cependant sublimissime en comparaison de ce que j'ai entendu ce soir en la
Basilique Sainte-Clotilde. Je dis bien ce que j'ai entendu
, cela n'a
peut-être pas un grand rapport avec ce que les tout premiers rangs
entendaient et ce qu'entendront les auditeurs de France Musique le 10
janvier à 14h. Bien qu'arrivé une vingtaine de minutes avant le début, je
n'ai pu m'installer qu'au fond. Tant qu'à faire, je me suis mis au tout
dernier rang, derrière un enfant qui devait avoir une visibilité de 0% (ce
que même l'Opéra de Paris ne facture pas 12€ !). On avait curieusement
retourné les chaises de façon à ce que la scène et les spectateurs soient
dans la nef. Étant au dernier rang, j'étais au milieu de la croisée du
transept. Au lieu de voir l'autel en arrière-plan, le public voyait donc
l'orgue de l'église (qui n'était bien entendu pas utilisé). C'est
probablement ce qui a fait fuir le Dieu des Chrétiens, s'il existe.
Depuis mon dernier rang, je voyais vaguement le chœur quand il était debout et, à condition de me tenir bien droit, les têtes du chef et des solistes. De là, les conditions acoustiques étaient déplorables. Le genre d'expérience, si c'était la seule, à dégoûter de la musique. C'est simple, dans la bouillie sonore qui me parvenait, seul un groupe d'instrument pouvait ressortir. S'il y avait des cuivres, comme c'était le cas dans le chœur introductif Jauchzet, frohlocket, vu qu'il est impossible de jouer juste avec ces instruments baroques, c'était absolument atroce. Dans de nombreux autres passages, les détails qui font le joyeux raffinement de cette musique étaient noyés, par exemple parce qu'un hautbois ne se faisait pas entendre à côté des cordes. Des chanteurs solistes, quand leur voix me parvenait, je n'entendais que des phrasés d'enterrement (pas aidés par les tempi plutôt lents). Les seuls moments au cours desquels j'aie pris quelque plaisir étaient les chorals, mais de l'accompagnement musical, je n'entendais alors que l'orgue et le violoncelle, tant pis, il fallait bien faire avec, enfin plutôt sans. Le seul numéro musical qui m'ait semblé convaincant a été le chœur Herrscher des Himmels qui est joué au début et à la fin de la troisième cantate. Il a été joué en bis (en fait, plus précisément en ter). M'étant alors rapproché de la sortie, j'ai pu profiter davantage de cette prestation renouvelée. Ce qui a été enregistré par Radio France est sans doute écoutable, mais à entendre depuis les derniers rangs, c'était désespérant.
2011-12-22 02:45+0100 (Orsay) — Culture — Musique
Salle Pleyel — 2011-12-21
Bertrand Chamayou, piano
Philippe Aïche, violon solo
Orchestre de Paris
Pierre Boulez, direction
La Nuit transfigurée, op 4, version pour orchestre à cordes de 1943 (Schönberg)
Concerto pour piano nº2 (Bartók)
Concerto pour orchestre (Bartók)
C'était ce soir la deuxième fois que je voyais Pierre Boulez diriger un orchestre. Comme la fois précédente, je suis à l'arrière-scène. Une différence est que cette fois-ci les œuvres jouées ne sont pas de Boulez mais de Schönberg et de Bartók.
Le concert commence en effet par La Nuit transfigurée de
Schönberg, pour cordes. Au fait que l'on entende souvent très distinctement
les altos, aux échanges entre le violon solo et l'altiste solo, on sent
parfois que c'est une réorchestration d'un œuvre de musique de chambre (un
sextuor). Lors d'un test à l'aveugle, je n'aurais certainement pas deviné
que cette œuvre était de Schönberg. Je l'avais écoutée d'une oreille
distraite quelques heures avant le concert : cela m'avait semblé assez
classique
(en blindtest, j'aurais quand même probablement
trouvé le siècle, par chance, vu que le sextuor date de 1899). Cela a donc
été très inattendu, mais j'ai passé un merveilleux moment à écouter cette
œuvre dans les circonstances du concert. D'après Olivier qui était au parterre,
cela se voyait sur mon visage...
Si j'avais déjà vu Boulez, je ne l'avais pas vu diriger une œuvre
classique
. L'étendue de sa gestuelle paraît minimale. Les mains
s'aventurent rarement à plus de 10-15 centimètres de leur position de
repos. (Dans le DVD making-of du Ring de Bayreuth (1976-1980)
qu'il a dirigé, on le voit pendant quelques instants diriger lors de
répétitions : les mouvements y sont d'une tout autre amplitude.). On voit
bien qu'il compte des mesures qui ont le bon nombre de temps, mais comme
l'expliquera Zvezdo (qui était
aussi à l'arrière-scène), c'est qu'il dirige très-très en avance. Cela me
donnera pour ainsi dire l'impression qu'il pourrait presque diriger pour
lui-même, sans musiciens autour. Une forme d'ascèse...
Ceci étant, un petit mouvement d'un ou deux centimètres vers le haut de la main droite ou un mouvement rond vers l'avant de la gauche peut déclencher un ardent crescendo. En tout cas, dans ce Scönberg, cela a formidablement bien fonctionné.
La direction de l'orchestre se fait également à retardement lors des saluts à la fin de cette œuvre (et à la fin du concert). Alors que Boulez revient saluer, il fait signe aux musiciens de se lever, mais ceux-ci restent cloués à leurs sièges, lui laissant le privilège de recevoir les applaudissements. Ce n'est qu'après l'aller-retour en coulisses qui suit que l'orchestre se lève pour prendre sa part des suffrages.
Entre ensuite Bertrand Chamayou, un piano et des instruments autres que des cordes pour le concerto pour piano nº2 de Bartók. Le premier mouvement n'utilise pas les cordes frottées, uniquement le piano (très percussif) et les vents, les cuivres et les percussions. Depuis ma place d'arrière-scène, c'est tout simplement incompréhensible. J'apprécierai bien davantage les mouvements qui suivront, et tout particulièrement le deuxième (aux atmosphères multiples). De la timbalière, je ne vois que le visage concentré-impassible alors que pendant le même temps, ses mains s'activent en mouvements d'une étonnante précision, la synchro avec le pianiste semblant parfaite. Étant du côté des numéros impairs, je ne vois également que le visage du pianiste. La virtuosité de l'œuvre (apparemment surtout pendant le premier mouvement) est telle que pour une fois, le difficulté se lit sur le visage du pianiste qui n'en est rendu que plus humain. Les moments de silence des cordes feront que pour cette demi-heure de musique, certains pupitres de cordes auront à peine six pages à jouer. Cela m'a ainsi beaucoup amusé de voir les altos et violoncelles passer à la page 2 après environ un quart d'heure !
Après l'entr'acte, l'orchestre revient pour le concerto pour orchestre
de Bartók. Je ne pense pas avoir entendu de concerto pour orchestre
en dehors du baroque (en particulier Bach et ses concertos
Brandebourgeois). Les différents groupes d'instruments auront donc ainsi
chacun leurs passages solistes (les bassons ! le tuba !). Je ne sais plus
si c'est dans le quatrième ou le cinquième mouvement, mais il y a eu un
joli passage qui ressemblait plus ou moins à une fugue (à beaucoup de voix,
entre les vents et les cordes...). Dans le Finale, les mouvements
du chef se font plus vifs, plus amples. Cela fait terminer cette deuxième
partie de concert sur une bonne impression, le début m'ayant paru
un peu lent et froid.
Si cela avait été mon dernier concert de l'année, ç'aurait été une belle fin, mais il m'en reste encore...
Ce concert était filmé pour ArteLiveWeb. Quand on est deux mètres derrière un caméraman, on entend le bruit des instructions qu'il reçoit dans son casque... Le matériel en soi ne fait pas de bruit, mais à déplacer des caméras sur roulettes, on prend des risques. Dans un concert de rock, personne ne s'en rendrait compte, mais ce soir, pendant des pp, on a entendu des bruits de chocs des roulettes contre le bois de la scène en gradins. C'est d'autant plus dommage que le public a été particulièrement sage et concentré (au moins pendant la première partie du concert : pas de tousseurs et les retardataires ne sont entrés qu'après la fin de la première œuvre).
2011-12-21 00:51+0100 (Orsay) — Culture — Musique — Danse
Opéra Bastille — 2011-12-20
Sergueï Prokofiev, musique
Rudolf Noureev, adaptation, chorégraphie et mise en scène
Petrika Ionesco, décors
Hanae Mori, costumes
Guido Levi, lumières
Laëtitia Pujol, Cendrillon
Florian Magnenet, L'acteur-vedette
Nolwenn Daniel, Alice Renavand, Les sœurs
Simon Valastro, La marâtre
Alessio Carbone, Le producteur
Mallory Gaudion, Le professeur de danse
Pierre Rétif, Le père
Mattia Sanguineti, Sébastien Surel, Des violonistes
Mélanie Hurel, Printemps
Marie-Solène Boulet, Été
Charlotte Ranson, Automne
Ludmila Pagliero, Hiver
Ballet de l'Opéra
Orchestre de l'Opéra national de Paris
Fayçal Karoui, direction musicale
Cendrillon, ballet en trois actes d'après le conte de Charles Perrault
J'ai vu ce soir le ballet Cendrillon de Noureev pour la
deuxième fois. J'avais aussi assisté à la représentation du 27 novembre
avec Agnès Letestu et Stéphane Bullion dans les deux rôles principaux. Ce
soir, c'était Laëtitia Pujol qui interprétait le rôle de Cendrillon. Cela
commence comme on l'imagine, Cendrillon passant son temps soit près de la
cheminée soit un peu partout à nettoyer tandis que ses deux chipies de
sœurs de disputent. La partie magique est assurée par le producteur
(Alessio Carbone) qui débarque à la maison après un accident dans un engin
non identifié. C'est que Cendrillon aime le cinéma : quand elle en a le
temps, elle regarde des affiches de films ou fait un numéro de claquettes
dans le style de Charlie Chaplin. Un casting va avoir lieu, le producteur y
emmène Cendrillon. Dans les studios de cinéma, on commence par monter un
défilé de mode
au cours duquel les quatre saisons défilent. Ensuite,
les douze heures viennent avertir Cendrillon de l'échéance. Plus tard, on
passera d'un plateau de cinéma à un autre où se tournent trois films :
Trivial Pursuit, Burlesque Parade, King Kong -
Remake. Les deux sœurs de Cendrillon et la marâtre (Simon Valastro)
viennent tenter leur chance. Comme dans le premier tableau où un professeur
de danse venait tenter de leur apprendre à danse, ce même professeur leur
montre des pas et elles se plantent lamentablement. C'est qu'elles ont
l'intention de jouer avec l'acteur-vedette (Florian Magnenet). Celui-ci en
a rapidement marre de ces mauvaises partenaires. C'est alors que Cendrillon
fait une entrée de star, sous les flashs des photographes. Cendrillon est
émerveillée par tout ce qui l'entoure. L'acteur-vedette, évidemment, est
séduit. Cendrillon doit s'en aller avant que sonne minuit. Elle laisse
tomber une chaussure afin que l'acteur-vedette puisse la reconnaître. Tous
s'en vont finir la soirée dans un lieu de pertition, chacun selon ses goûts
et l'acteur-vedette fait la tournée des bars (au galop) pour essayer de
retrouver Cendrillon. La sœur verte (Alice Renavand) s'est échouée dans une
tavergne espagnole. L'acteur s'intéresse a elle mais il l'envoie valser
quand il constate que son pied ne rentre pas dans la chaussure. La scène se
reproduit dans une atmosphère chinoise avec l'autre sœur (Nolwenn Daniel).
Au petit matin, toute la famille (père alcoolique compris) se trouve à la
maison tandis que Cendrillon nettoie le sol. Certains ont l'air de
reconnaître en elle la fille qui la veille a réduit à néant leurs
possibilités de carrière dans le cinéma. Les deux sœurs se remettent à jouer
avec une quadruple testicule rouge. L'acteur-vedette vient armé d'une
chaussure et finalement, c'est Cendrillon qu'il reconnaît quand elle lui
montre l'autre chaussure. Cendrillon ne pense plus alors vraiment au
cinéma, mais seulement à l'acteur-vedette. Quand le producteur veut lui
faire signer un contrat, elle hésite mais finit par accepter. Le premier
tournage du couple d'acteurs peut commencer...
Je pense que j'ai préféré la distribution de ce soir à l'autre que j'ai vue il y a trois semaines. Laëtitia Pujol (que j'ai très peu vue danser) n'avait pas pu créer La Source en raison d'une blessure. J'ai ainsi été content de la voir. Dans son jeu ressortait bien les trois phases dans lesquelles évolue son personnage : dénuement dont elle ne s'évade que par le rêve, émerveillement quand le rêve se réalise, l'amour de l'acteur-vedette. Son partenaire était Florian Magnenet. L'acteur-vedette est un rôle de beau gosse ; il le fait très bien ! Je ne me suis pas ennuyé pendant le pas de deux final (qui m'avait semblé interminable avec Agnès Letestu et Stéphane Bullion). Dans le rôle de la marâtre, j'ai préféré Simon Valastro : Stéphane Phavorin en faisait un peu trop à mon goût dans ce rôle travesti. Dans les rôles où elles devaient souvent faire exprès de mal danser, Nolwenn Daniel et Alice Renavand ont été très très bien. Dans le rôle du producteur, Alessio Carbone m'a fait une meilleure impression que Karl Paquette. Le corps de ballet m'a semblé inégal, surtout chez les messieurs.
C'est un ballet bien sympathique, avec quelques effets à grand spectacle, comme la citrouille qui se transforme à vue en voiture ou encore King Kong qui se frappe les poings contre la poitrine et se dresse. On passe un bon moment et il y a une belle musique de Prokofiev (j'ai préféré celle de Roméo et Juliette). Ceci étant, c'est loin d'être aussi passionnant que peut l'être Onéguine qui se joue en même temps à Garnier...
Ailleurs : Danses avec la plume #1, #2, Blog à petits pas.
2011-12-15 01:57+0100 (Orsay) — Culture — Musique — Danse
Opéra Garnier — 2011-12-11
John Cranko, chorégraphie, mise en scène (1965)
Piotr Ilyitch Tchaikovski, musique
Kurt-Heinz Stolze, arrangements et orchestration
Jürgen Rose, décors et costumes
Steen Bjarke, lumières
Reid Anderson, Jane Bourne, Tamas Detrich, répétitions
James Tuggle, direction musicale
Evan McKie, Onéguine
Aurélie Dupont, Tatiana
Josua Hoffalt, Lenski
Myriam Ould-Braham, Olga
Karl Paquette, Le Prince Grémine
Ballet de l'Opéra
Orchestre Colonne
Onéguine, ballet en trois actes de John Cranko d'après Eugène Onéguine d'Alexandre Pouchkine
Le ballet Onéguine de Cranko que j'avais vu il y a deux ans et demi est un de ceux qui m'ont fait aimer le ballet classique, et incidemment Pouchkine. Le revoir m'a procuré à nouveau un très grand plaisir.
Dimanche dernier, le ballet était interprété par une distribution qui semble idéale... C'était à nouveau Aurélie Dupont qui interprétait le rôle de Tatiana. Nicolas Le Riche blessé a été remplacé par Ewan McKie (ballet de Stuttgart). Je ne saurais trop dire pourquoi cela a marché, mais il me semblait évident que ce partenariat fonctionnait comme jamais je ne l'ai vu chez aucun couple de danseurs ! Dans la scène de la lettre que Tatiana écrit à Onéguine s'insère un rêve où elle voit dans un miroir paraître Onéguine qui le traverse et danse avec elle un pas de deux. Quoique vu depuis le dernier rang de l'amphithéâtre (mal aux genoux !) et sans jumelles, ce pas de deux m'a semblé extrêmement émouvant, tout comme celui de la fin, quand quelques années plus tard, mariée au prince Grémine, Tatiana rencontre à nouveau Onéguine et le congédie. Onéguine avait autrefois tué dans un duel son ami Lenski qui était promis à Olga, la sœur de Tatiana. Ce couple formé par Myriam Ould-Braham (Olga) et Josua Hoffalt (Lenski) fonctionne également à merveille ! De son côté, Karl Paquette (Le Prince Grémine) ne démérite pas, mais quand il danse avec Aurélie Dupont (ce qui dans cette chorégraphie signifie qu'il n'arrête pas de la porter), on ne voit qu'elle tant elle est rayonnante !
Lors du premier entr'acte, Genoveva à qui je fais part de mon misérable placement me dégotte une très bonne place aux premières loges. Certes, je suis debout, mais je n'ai pas à faire de contorsions et je vois toute la scène de pas trop loin, et de face, ce qui me permet d'admirer les décors que je trouve très beaux.
Ce mercredi soir, j'y suis retourné pour voir une autre distribution, qui m'a semblé également très bonne, mais pas aussi enthousiasmante que la précédente. Je pense que c'était la première fois que je voyais Clairemarie Osta dans un grand rôle classique. Sans m'éblouir autant qu'Aurélie Dupont dans ce rôle, elle m'a fait une excellente impression. Son partenariat avec Benjamin Pech m'a bien plu aussi, mais cela m'a un peu moins touché que Dupont-McKie. Comme la fatigue physique était plus visible chez lui, Benjamin Pech a donné du personnage d'Onéguine l'image d'un homme plus fragile.
Un des autres intérêts de cette distribution était le couple Mathilde Froustey/Josua Hoffalt en Olga/Lenski. Je garde un excellent souvenir de la prestation de Mathilde Froustey dans ce rôle (avec Mathias Heymann) en 2009. J'aurais sans doute été aussi enthousiasmé ce soir si je n'avais pas vu Myriam Ould-Braham quelques jours auparavant. Son interprétation du rôle fait du personnage d'Olga une enfant insouciante et souriante. Pendant la quasi-totalité de la durée de sa présence sur scène (scène du duel exceptée), elle sourit ! Si c'est une bonne chose que l'effort physique lié à la danse ne transpire pas sur son visage, il est dommage que les émotions exprimées n'aient pas été un peu plus variées. Pour le reste, sa danse était impeccable !
Pour moi, la révélation de ce soir a été Josua Hoffalt. Si, vu de loin, il semble être évidemment un très bon danseur, quand on le voit de plus près ou quand on zoome grâce aux jumelles, il prend une tout autre dimension... J'ai beaucoup aimé son partenariat avec Mathilde Froustey : sachant être souriant, mais pas tout le temps. Son solo dans la scène qui précède le duel avec Onéguine était également très intéressant.
Enfin, pour en finir avec la distribution, Christophe Duquenne m'a semblé donner un peu plus d'existence au personnage du Prince Grémine.
Ce ballet de Cranko est une très belle chorégraphie. Les danseurs doivent très souvent porter leur partenaire. J'ai déjà dit que les décors étaient jolis. La scénographie n'est pas inintéressante non plus. Si le découpage en trois (relativement courts) actes donne lieu à deux entr'actes, le passage d'un tableau à un autre est géré sans réelle perte de continuité par l'utilisation d'un rideau transparent et d'un autre opaque entre lesquels les danseurs peuvent évoluer latéralement. L'avant-scène est également utilisée, comme au troisième acte lors d'un flashback vers la scène du duel.
Une des qualités de ce ballet est de très bien marier la danse des solistes et les ensembles. C'est particulièrement bien fait dans la scène de l'anniversaire de Tatiana au cours duquel tout le monde danse alors que tout se joue entre les personnages principaux. Certains contrastes sont saisissants entre l'ambiance générale qui est joyeuse et les tourments qui s'emparent des personnages : le rejet que Tatiana subit de la part d'Onéguine, qui commence à séduire Olga, rendant Lenski fou de jalousie...
Cela en a étonné plus d'un, mais si la musique est de Tchaikovski, elle n'est en rien celle de son opéra Eugène Onéguine. D'autres œuvres du compositeur ont été arrangées. En 2009, c'était l'Orchestre de l'Opéra de Paris que dirigeait James Tuggle. Cette fois, c'est l'Orchestre Colonne. Je trouve que cet orchestre a fait une prestation tout à fait honorable. Cependant, j'ai comme l'impression qu'il y a eu des imperfections dans le solo d'alto de la scène où Lenski est seul en scène peu avant le duel.
Ailleurs : Danses avec la plume, Blog à petits pas, Klariscope.
2011-12-10 02:15+0100 (Orsay) — Culture — Musique
Salle Pleyel — 2011-12-09
Hélène Collerette, violon solo
Orchestre philharmonique de Radio France
Académie philharmonique
Alan Gilbert, direction
Tasso, Lamento et Trionfo (Liszt)
Barry Douglas, piano
Totentanz (Liszt)
Suite symphonique d'après le Ring (Wagner)
Pour la première fois de la saison, je monte au deuxième balcon de la Salle Pleyel pour assister à un concert du Philharmonique de Radio France. Je pense que cela doit être la première fois que j'étais dans la partie centrale de ce balcon. L'effort de la grimpette jusqu'à ce sommet est récompensé par une très belle vue sur l'ensemble de l'orchestre et par des conditions acoustiques favorables.
La première œuvre jouée est pour moi une révélation. Dans le début de ce Tasso, Lamento et Trionfo, on entend des associations orchestrales qui font beaucoup penser à son contemporain Wagner, notamment dans la façon d'utiliser les vents (la clarinette-basse !) et les cuivres. Quelques beaux passages où une gamme descendante est jouée par les violons, les altos, les violoncelles et enfin les contrebasses. Ce n'est pas forcément très original, mais cela fait plaisir à entendre. Les moments de dialogue entre les violons I et II est très belle à regarder.
L'œuvre suivante suivante Totentanz me plaît un peu moins. On est là plutôt dans des excentricités pianistiques (un petit glissando par ci, des grosses basses par là, une utilisation du piano autant comme instrument mélodique ou harmonique qu'en tant que percussion). C'est à se demander si les pianos hongrois ne s'useraient pas plus vite que ceux installés dans le reste du monde. L'ensemble est très varié, et il y a même des moments où on a presque l'impression d'entendre du Bach contrapuntique. Si je ne suis pas autant aux anges qu'à l'écoute de la première œuvre jouée, mais c'est tout de même très beau.
La deuxième partie est fort logiquement consacrée à Wagner : une suite symphonique Le Ring sans paroles. L'effectif de l'orchestre est vertigineux : 18 violons I, 16 violons II, 14 altos, 10 violoncelles, 9 contrebasses, 6 harpes, 15 vents, 9 cors, 8 trompettes et trombones, un tuba, quatre percussionnistes. Total : 110 musiciens et un chef. Les musiciens ne sont pour autant pas trop serrés puisqu'une rallonge de scène a été installée.
L'exécution de ces extraits de la Tétralogie me procure un grand plaisir. Contrairement aux conditions d'écoute lors d'une représentation d'opéra, le spectacle réside ici uniquement dans l'orchestre. L'engagement des musiciens est manifeste. Certes, les trombones ne seront pas toujours très synchros, mais à part pour quelques occurrences du motif du Sort, les couacs de cuivres me gêneront nettement moins que lors d'autres concerts où ils étaient moins utilisés que dans Wagner.
Une petite frustration viendra pour moi de l'absence des voix. On aurait
pu imaginer, comme dans la Doctor Atomic Symphony de John Adams entendue récemment de remplacer une voix par un instrument.
Ce n'est pas le cas ici, et il me faut un peu d'imagination pour entendre
l'Adieu de Wotan dans la séquence ainsi nommée. Une autre
frustration vient du côté zapping de cette sélection. Les morceaux
sont enchaînés les uns aux autres, et on passe sans transition d'une scène
à une autre, ce qui a fait qu'à plusieurs reprises, je me suis dit : Ah
zut, cette partie-là est déjà finie, on est passé à autre chose...
.
Ainsi, par exemple, j'aurai bien aimé que l'extrait où Siegfried atteint le
rocher de Brünnhilde aille au moins jusqu'au Salut au monde. On
l'entendra cependant peu avant la Trauermarsch dans le récit de
Siegfried qui précède sa mort. À l'inverse, j'ai l'impression qu'on a un
peu trop entendu le motif qui est associé à Brünnhilde dans Le
Crépuscule des Dieux. J'ai même du mal à comprendre où ont été faites
certaines coutures.
Ceci étant dit, certains moments furent particulièrement beaux, comme celui du Voyage de Siegfried sur le Rhin et surtout le finale, un peu avant le moment où dans le texte Hagen dit Zurück vom Ring!. Autant j'avais été déçu par le côté brouillon de l'interprétation par les cordes du motif de la Rédemption par l'Amour par l'Orchestre de l'Opéra de Paris (en juin 2011), autant ici, les quelques apparitions de ce motif dans cette fin m'ont paru belles et très bien mises en valeur. (Klari me soufflait que les musiciens de ce soir n'avaient pas cinq heures de représentations dans les jambes...)
Le concert est disponible à la réécoute sur ArteLiveWeb.
(Vu du deuxième balcon, j'avais eu l'impression que le pianiste Barry
Douglas avait fait quelques glissandi de touches noires, mais la vidéo
permet d'infirmer cette observation
.)
2011-12-06 23:59+0100 (Orsay) — Culture — Musique
Salle Pleyel — 2011-12-06
Orchestre Colonne
Laurent Petitgirard, direction
Prélude à l'après-midi d'un faune (Debussy)
Jean-Claude Pennetier, piano
Concerto pour piano (Graciane Finzi)
Nuits dans les jardins d'Espagne (Manuel de Falla)
Soirée dans Grenade (Debussy)
España, Chabrier (bissé)
Après un programme russe, c'est un programme espagnol que le Colonne a donné ce soir à Pleyel.
Cela commence curieusement par le Prélude à l'après-midi d'un faune. Cette programmation semble liée à l'arrivée d'une nouvelle flûtiste solo dans l'orchestre. Le tempo m'a paru parfois légèrement lent, mais j'ai apprécié de réentendre cette œuvre que je n'avais pas entendue en concert depuis environ deux ans.
Vient ensuite l'œuvre contemporaine du programme. Je suis d'habitude assez content des choix du Colonne en la matière. Ce soir, j'ai été moins convaincu. Cela semble très bien joué, mais cela faisait quand même beaucoup musique de fin du monde. Une bombe nucléaire vient d'exploser. Les survivants essaient de tenir et rampent sur le sol... Les cordes poussent des cris stridents... Dans les deux premiers mouvements, on oublie presque que c'est un concerto pour piano. Jean-Claude Pennetier joue des suites d'accords plus ou moins brutaux. Cela devient subitement beaucoup plus virtuose dans le troisième mouvement, qui se termine avec un très violent crescendo (pour les spectateurs d'arrière-scène en tout cas...).
Je connais très mal la musique de Falla. Après l'entr'acte étaient
jouées les Nuits dans les jardins d'Espagne. C'est assez varié et
un peu plus moderne
que ce que j'imaginais a priori,
surtout dans le début de l'œuvre. La pièce de Debussy qui a été jouée
ensuite Soirée dans Grenade est tout autant adorable, mais le
style de la pièce me surprend encore plus ; j'ignorais que Debussy avait
écrit une musique aussi ethnique
.
Enfin, pour conclure le concert, España de Chabrier, que je connaissais, mais que je n'avais jamais entendu en concert. La direction est un peu lente la première fois qu'elle a été jouée. Cela m'a permis d'entendre des détails qui sinon resteraient cachées par la vitesse et les décibels, mais, ce morceau ayant été bissé, j'ai quand même préféré la deuxième interprétation, plus vive et plus énergique qui en a été faite quelques minutes plus tard.
Sinon, à signaler : quelques drôles de lascars dans le public. Devant moi, pendant tout le concert, un spectateur n'a pas arrêté de lire un manuel de corporate responsability et de tapoter des messages sur son téléphone portable. À côté de moi, un autre feuilletait un catalogue, toussait et s'est même levé de sa place pendant l'exécution d'une œuvre pour mieux voir ce qui se passait du côté des percussions (qui sont cachées depuis certaines places de l'arrière-scène).
2011-12-04 21:33+0100 (Orsay) — Culture — Musique — Danse
Opéra Garnier — 2011-12-04
Élisabeth Platel, introduction
Bertrand Barena, professeur
Tristan Lofficial, pianiste
Sixième division garçons
Véronique Doisneau, professeur
Yuko Tsuchiya, pianiste
Sixième division filles
Marc Du Bouaÿs, professeur
Tadeusz Gieysztor, pianiste
Cinquième division garçons
Marie-José Redont, professeur
Isabelle Van Brabant, pianiste
Cinquième division filles
Wilfried Romoli, professeur
Masako Shimura, pianiste
Quatrième division garçons
Fanny Gaïda, professeur
Richard Davis, pianiste
Quatrième division filles
Marie Blaise, professeur et accordéoniste
Sixièmes et cinquièmes divisions filles et
garçons, et stagiaires 1 an folklore
Claire Baulieu, professeur
Tristan Lofficial, pianiste
Deuxièmes divisions filles et garçons
contemporain
Yasmine Piletta, professeur
Cinquièmes divisions et stagiaires 1 an
filles et garçons mime
Jessica Choppe, professeur
Michel Myron Mytrowytch, pianiste
Quatrièmes divisions filles et garçons
danse de caractère
Scott Alan Prouty, professeur
Richard Davis, pianiste
Sixièmes et cinquièmes divisions filles et garçons
expression musicale
Démonstrations de l'École de danse de l'Opéra.
Opéra Garnier — 2011-12-04
Élisabeth Platel, introduction
Bernard Boucher, professeur
Michèle Linardi, pianiste
Troisième division garçons
Fabienne Cerutti, professeur
Claire Djourado, pianiste
Troisième division filles
Éric Camillo, professeur
Michel Myron Mytrowytch, pianiste
Deuxième division garçons
Francesca Zumbo, professeur
Ellina Akimova, pianiste
Deuxième division filles
Jacques Namont, professeur
Gaëlle Sadaune, pianiste
Première division garçons
Carole Arbo, professeur
Laurent Choukroun, pianiste
Première division filles
Roxana Barbacaru, professeur
Ellina Akimova, pianiste
Troisièmes divisions filles et garçons
danse de caractère
Wilfried Romoli, professeur
Laurent Choukroun, pianiste
Premières divisions filles et garçons
adage
Démonstrations de l'École de danse de l'Opéra.
Comme l'année dernière, j'ai passé une journée à
l'Opéra Garnier pour assister aux démonstrations de l'école de danse. Le
déroulement de la journée a été globalement assez semblable à celui de
l'année dernière (une différence notable est l'absence de neige cette
année). Je n'ai eu à changer que quelques noms d'enseignants et de
pianistes dans la distribution
ci-dessus, donc à la place d'un
compte-rendu détaillé, voici le sapin de Noël visible dans le Grand Foyer
de l'Opéra :
Sinon, en vrac, que dire :
exercicesa été singulièrement renouvelée cette année puisque chacune des danseuses a présenté une variation !
2011-12-03 01:46+0100 (Orsay) — Culture — Musique — Danse — Culture indienne
Auditorium du Musée Guimet — 2011-12-02
Priyadarshini Govind, bharatanatyam
Élisabeth Petit, voix
Balakrishnan Karipatil Sankaran, nattuvangam
Preethy Maheshwar, chant
Sakthivel Murugananthan Subramaniam, mridangam
Sigamani Natarajan, violon
Murugan Krishnan, lumières
J'ai assisté ce vendredi au premier des deux récitals que Priyadarshini Govind donne au Musée Guimet. J'en sors extrêmement déçu, davantage encore que du programme donné à Mumbai en février 2010 où elle partageait l'affiche avec la sublimissime chanteuse carnatique Aruna Sairam (qui viendra au Théâtre de la Ville en avril).
Après une chanson interprétée par quatre musiciens, dont au moins trois accompagnent régulièrement la danseuse, celle-ci a dansé en quelques sorte des salutations (sans les traditionnelles offrandes de fleurs, qu'elles soient mimées ou réelles). Cette pièce est jouée sur une musique essentiellement rythmique, relativement lente.
Vient ensuite un affreux interlude du violoniste à l'issue duquel la danseuse présente quelques mouvements pouvant aider à la compréhension de la suite, les explications étant données par une voix-off. Cette pièce est censée être narrative, racontant l'histoire d'une jeune femme qui se languit de Shiva. Je n'ai pas réussi à suivre le fil narratif de cette pièce entrecoupée de longs passages rythmiques (dans lesquels la danseuse n'est justement pas tout à fait en rythme comme ce fut le cas dans le premier). Initialement, se sentant abandonnée de Shiva, la jeune femme est très triste et tourmentée par un ardent amour. Étonnamment, une coulée de larmes descend de l'œil gauche de la danseuse et se répand sur sa joue. Après, je vois bien que Shiva entre en scène, mais le détail de l'histoire m'échappe. Je ne saurais trop dire s'il faut prendre au propre ou au figuré l'image qui a été montrée d'un insecte (papillon ou abeille ?) butinant une fleur de lotus...
Les deux pièces suivantes mettent en scène des amours illicites. Je n'en ai pas la totale certitude pour la première, mais il est certain que j'ai vu la deuxième à Mumbai. Dans la première, une dévôte de Shiva est charmée par Krishna. La pièce est assez lente et est surtout faite de pantomime. La danseuse montre la jeune femme à ses rites shivaïtes (on la voit ainsi arroser de lait un lingam). J'ai du mal à comprendre comment cela a pu m'échapper, mais je n'ai pas l'impression d'avoir vu un seul instant Krishna représenté dans la chorégraphie. On ne m'aurait pas dit avant que c'en était un personnage, je n'en aurais aucune idée...
La deuxième de ces pièces met en scène une femme adultère. Son mari s'en va en voyage. Son beau-père est probablement assoupi. Elle convoque son amant. (Tiens, cette fois-ci, on ne nous a pas dit que cet amant était le dieu Venkateshwarar...)
Le programme s'achève par un numéro rythmique. Dans cette pièce, on voit la danseuse exécuter des mouvements avec un ou deux genoux au sol.
En bis, elle a dansé une dernière pièce, la seule que j'ai trouvée
intéressante. Le problème, c'est que je n'ai pas compris l'histoire... Il
était peut-être vaguement question d'une femme exprimant sa dévotion envers
quelque dieu. J'ai cru entendre Muruga
une ou deux fois dans le
texte chanté. Ce ne sont que conjectures...
Si cette danseuse ne manque pas de qualités (par exemple : elle pris à au moins deux reprises la pose Shiva-Nataraja d'une superbe manière), ce récital ne m'a guère plu. Cela a manqué d'un certain nombre d'ingrédients : de la belle danse pure, de l'expression dans le visage, de la narration... Par ailleurs, les annonces faites par la voix-off m'ont semblé trop succintes. Autant rien dire ou distribuer à l'avance un programme résumant les différentes pièces. C'est ce que j'ai trouvé le plus frustrant. D'autres danseuses, par le seul langage chorégraphique, ont déjà réussi à me faire comprendre des histoires plus complexes...
2011-12-02 01:48+0100 (Orsay) — Culture — Musique — Opéra
Opéra Garnier — 2011-12-01
Javier Camarena, Don Ramiro
Riccardo Novaro, Dandini
Carlos Chausson, Don Magnifico
Jeannette Fischer, Clorinda
Anna Wall, Tisbe
Karine Deshayes, Angelina
Alex Esposito, Alidoro
Jean-Pierre Ponnelle, mise en scène, décors et costumes
Grischa Asagaroff, réalisation de la mise en scène
Michael Bauer, lumières
Alessandro Di Stefano, chef de chœur
Bruno Campanella, direction musicale
Orchestre et Chœur de l'Opéra national de Paris
La Cenerentola, Rossini
Je sors peu enthousiaste de la représentation de La Cenerentola qui vient d'avoir lieu à l'Opéra Garnier. La mise en scène est tradi-vieillote. Les décors sont semi-construits, mais il y a beaucoup de toiles peintes (qui ondulent quand un chanteur vient à les toucher). Par rapport à la fraîcheur de la production mise en scène par Irina Brook au TCE il y a quelques années (et que j'ai vue en 2010), c'est tristounet. On n'aurait pas perdu grand'chose à voir une version de concert à la place.
Le plus triste, c'est ce qui se passe dans la fosse. Avant même le début du spectacle, j'avais des craintes en découvrant le nombre réduit de premiers violons (8). L'entame du Sinfonia est très très lente et le volume sonore est très faible. Il y aura bien un petit crescendo et un léger accelerando, mais pas de risque d'hyperacusie ou d'excès de vitesse (non-sequitur : pourquoi ne pas regarder Poiret-Serrault dans le sketch Le permis de conduire un orchestre ?). J'ai des souvenirs bien plus vivifiants d'autres interprétations. La façon qu'a eu le chef Bruno Campanella de se retourner vers le public aussitôt la dernière note jouée pour ne pas laisser d'autre choix aux spectateurs que d'applaudir ce Sinfonia ne m'a pas particulièrement mis de bonne humeur.
Bien que l'effectif de l'orchestre soit réduit, le volume sonore émis par les chanteurs pendant une bonne partie du premier acte est trop faible : l'orchestre les couvre. Le tempo souvent trop lent à mon goût n'aide pas les chanteurs et on s'ennuierait presque, ce qui est tout à fait inattendu pour un opéra de Rossini...
Les chanteurs se libèrent quelque peu dans le deuxième acte. Les airs de Javier Camarena (Don Ramiro), Carlos Chausson (Don Magnifico), Riccardo Novaro (Dandini) et Alex Esposito (Alidoro) me plaisent beaucoup. Pendant l'entr'acte, je pouvais voir les musiciens autour du piccolo s'amuser de ce que la flûtiste répétât les premières notes de l'air Non più mesta. À la fin de l'opéra, son interprétation sera impeccable. La chanteuse Karine Deshayes (Angelina) l'a fort bien chanté (nettement mieux que dans la version DVD que je possède : je déteste ce que fait Cecilia Bartoli dans cet air...).
Si le deuxième acte ne m'a pas déplu, je ne pense pas que cette soirée entrera au Panthéon de mes soirées d'opéra...
2011-12-01 01:24+0100 (Orsay) — Culture — Musique
Salle Pleyel — 2011-11-28
London Symphony Orchestra
Valery Gergiev, direction
Hélène Grimaud, piano
Concerto pour piano en la mineur, op. 54 (Schumann)
Symphonie nº10 (Chostakovitch)
Le LSO a donné deux excellents concerts lundi et mardi. Cela avait
pourtant mal commenté. Pendant le concerto pour piano de Schumann, je n'ai
pratiquement entendu que le râle de fin du monde d'un spectateur dont je
n'ai pas réussi à identifier l'origine malgré mon placement à
l'arrière-scène. Le chef Valery Gergiev a également semblé émettre des
bruits assez peu seyants pendant ce concerto. Visuellement, il semblait
assez évident qu'il laissait l'orchestre et la pianiste en pilotage
automatique (il avait aussi l'air de prendre quelque peu ses marques :
Hum, voyons, où sont mes premiers violons ? Il tourne la tête vers la
droite. Tiens, ils ne sont pas là. Il la tourne vers la
gauche. Ah, vous voilà donc, je vous cherchais partout !
). Alors
que j'étais dans de bonnes dispositions vis à vis de cette œuvre (fût-elle
de Schumann) après l'avoir entendue par Dang Thai Son et
l'Orchestre de Paris, j'ai accueilli la fin du dernier mouvement avec
un certain soulagement. Je ne sais pas de qui était le bis joué par Hélène
Grimaud, mais c'était tout ce que je n'aime pas (ou ne sais pas apprécier)
chez certains pianistes : un déluge de notes simultanées dans lesquelles je
me noie (une impression que j'ai eue aussi à certains moments pendant le
concerto). Malgré la virtuosité évidente que cela demande de la part de la
soliste, cela me laisse indifférent.
La deuxième partie du concert est d'une tout autre qualité. Pour la dixième symphonie de Chostakovitch, le chef était beaucoup plus concentré. L'œuvre contient des passages sonnant plutôt agréablement aux oreilles et soudainement une folle furie dissonante peut s'emparer de l'orchestre. J'ai eu moins l'impression d'être perdu dans ce déferlement qu'à l'écoute de la Symphonie nº8 par le Philharmonique de Radio France. Les instruments à vents sont fabuleux : hautbois, bassons, piccolo, flûtes, etc. L'engagement coordonné de tous les musiciens est impressionnant, autant pour les yeux que pour les oreilles. Les graves des contrebasses (8) et des violoncelles (10) réunis sont sidérants. On entend parfois très distinctement les altos (12) ! Sur scène, on a aussi réussi à caser 14 violons II et 16 violons I.
⁂
Salle Pleyel — 2011-11-29
London Symphony Orchestra
Valery Gergiev, direction
Le Lac enchanté (Anatole Liadov)
Anne-Sophie Mutter, violon
Concerto pour violon en ré majeur, op. 35 (Tchaikovski)
Lichtes Spiel (Wolfgang Rihm)
Symphonie nº6 (Chostakovitch)
Le concert du mardi commence par Le Lac enchanté de Liadov. L'œuvre est tout en pianissimi et recèle de très belles atmosphères musicales. Après que les cordes soient passées de la configuration 16/14/12/10/8 à 14/12/10/8/6 (j'apprécie la régularité du nombre de cordes, le nombre total étant obtenu en ajoutant quatre au nombre de contrebasses puis en multipliant par cinq), Anne-Sophie Mutter entre en scène pour interpréter le concerto pour violon de Tchaikovski. Son interprétation est moins superlative que celle de Leonidas Kavakos (avec l'Orchestre de Paris). Cela reste néanmoins superbe. J'ai toutefois eu peu de mal à me faire aux sonorités de l'instrument pendant les premières minutes du concerto. L'interprétation s'accompagne d'un son souvent rêche ; cette âpreté est curieusement contrebalancée par davantage de vibrato. Toutefois, la cadence du premier mouvement m'a énormément plu. Le fait d'être un tout petit peu moins captivé par la soliste fait que j'ai pu apprécier davantage les parties orchestrales et entendre des détails qui m'avaient échappé. J'ai tout particulièrement été étonné de retrouver une technique d'orchestration typiquement tchaikovskienne : des phrases musicales dont les notes successives (groupées par petites grappes) sont jouées par différentes parties. C'est facile à repérer sur une partition d'orchestre :
Cette mesure extraite de la scène de la lettre de Tatiana dans l'opéra Eugène Onéguine (cliquer ici pour entendre ce passage) est la première chose qui me vient à l'esprit quand je pense à Tchaikovski...
Après l'entr'acte, Lichtes Spiel de Rihm (pour violon, vents et cordes en formation 6/6/4/4/2) me plonge dans une semi-léthargie. Je sens néanmoins un petit moment de panique et un silence sans doute involontaire chez la soliste lors d'une tourne récalcitrante.
Comme la veille, la symphonie de Chostakovitch programmée (ici la sixième) a conclu le concert d'une magnifique manière. L'œuvre m'a semblé beaucoup moins dissonante que la dixième symphonie. Le premier mouvement est joué sur un tempo très lent par un orchestre maintenant une sombre tension. L'atmosphère change radicalement lors deux derniers mouvements, plus rapides. La fin a été particulièrement brillante !
Ailleurs : Paris Broadway.
2011-11-26 22:28+0100 (Orsay) — Culture — Musique — Culture indienne
Théâtre de la Ville — Place du Châtelet — 2011-11-26
Shahid Parvez, sitar
Anuradha Pal, tabla
Jhinnan Frank, tampura
Raga Kirwani
Ce n'est que la deuxième fois que j'assiste à un concert centré autour du sitar. L'autre fois, c'était en septembre 2008 pour Ravi & Anoushka Shankar. Je ne me souviens plus de ce concert dans le détail, mais il m'a semblé que le concert de ce soir avait une structure qui se rapprochait davantage de ce qui se fait habituellement lors des concerts de musique du Nord de l'Inde.
Après avoir accordé son instrument (et le tanpura) de façon assez systématique (on dirait un accordeur de clavecin), le sitariste Shahid Parvez commence son récital avec un Alap/Jor dans le Raga Kirwani. Cette partie du concert est lamentablement gâchée par les énormissimes larsens qui sortent périodiquement des enceintes. Est-ce que l'instrument était trop près du micro ? Est-ce que le larsen venait d'un phénomène de résonance qui ne se déclenchait que lors du jeu d'une note particulière ? Toujours est-il qu'il m'est impossible de complètement apprécier une performance, si belle soit-elle, si je sais qu'à n'importe quel moment un bruit affreux peut m'agresser les oreilles. Heureusement, le problème se posera moins dans la suite du concert.
Pour la première fois dans un concert de musique instrumentale, j'ai été frappé par les similitudes formelles qui unissent les différentes musiques du Nord de l'Inde. Bien sûr, cela commence par un Alap au fil duquel les différentes notes de la gamme viennent s'insérer successivement. Le musicien joue sur deux notes, puis trois, etc. Il utilise parfois une technique que j'avais déjà vue à l'œuvre sur un sarod. Une fois actionnée, la corde a semble-t-il la faculté de vibrer très longtemps. Ainsi, avant l'évanouissement complet du son (vers lequel le musicien tend parfois), il aura utilisé un peu de vibrato ou de glissando. Ceci me rappelle certains phrasés et jeux sur la hauteur des notes qui sont utilisés dans le dhrupad.
La tabliste Anuradha Pal accompagne le sitariste pour les trois
compositions prévues. Dans la première, je suis saisi par la façon qu'a le
musicien de se lancer dans des improvisations, avant de finir
systématiquement ses phrases musicales sur la même mélodie de six notes.
Quand on a bien assimilé la mélodie et qu'on a compris le système, on n'a
qu'une envie : réentendre cette mélodie. Les improvisations soutiennent
cette attente, font montrer une tension qui s'apaise quand les notes du
motif mélodique viennent conclure la phrase. Rétrospectivement, je sais que
j'ai entendu ce type de procédés dans des concerts de musique khyal (Gaayatri Kaundinya !) et sans doute aussi dans le dhrupad,
mais peut-être pas de façon aussi systématique. La deuxième composition me
fascine par son rythme qui me donnait l'impression de n'avoir pas un nombre
entier de temps (1+1+½+1=3½ ? peut-être faut-il chasser les dénominateurs
et considérer qu'il y en avait sept ?). La troisième composition a été
absolument sublime, la plus planante
du concert. L'accompagnement
rythmique n'est venu qu'après quelques minutes et il fut très doux. Comme
dans la première composition, le musicien utilise un très beau motif
mélodique (de onze ou douze notes) pour conclure ses phrases musicales.
(Une quatrième composition a été jouée en bis.)
2011-11-26 12:00+0100 (Orsay) — Culture — Musique — Culture indienne — Dhrupad
Centre Mandapa — 2011-11-25
Arnaud Didierjean, chant dhrupad
Raga Malkauns
Ce soir, c'était mon quatrième concert de dhrupad après ceux des Gundecha, de Wasifuddin Dagar et de Sayeeduddin Dagar.
La salle du Centre Mandapa n'est pas très remplie. Il y avait une petite vingtaine de spectateurs. Une bonne surprise est que le concert n'est pas sonorisé. Le chanteur Arnaud Didierjean n'est accompagné que de son tanpura (je persiste à en faire un nom masculin puisque c'est le genre de ce mot en hindi). Il explique que le raga Malkauns comporte cinq notes Sa-Ni-Dha-Ga-Ma (drôle d'ordre) et si j'ai bien compris qu'il est permis de faire varier légèrement la hauteur de la note autour de Ni et de Ga.
J'ai eu une petite frayeur pendant la première minute du concert quand le chanteur a utilisé un peu toutes les notes. Ce n'était qu'une petite prière à Ganesh, et il a ensuite commencé son Alap, qui a duré un peu moins d'une heure (très approximativement). Les phrasés sont relativement variés. Les techniques vocales aussi. Celles-ci peuvent se mélanger dans une même phrase musicale. Le chanteur peut prononcer une voyelle, puis nasaliser avec la bouche fermée, puis revenir à la voyelle, et enfin la faire s'évanouir tout doucement, ce qui s'apprécie d'autant plus du fait de l'absence de sonorisation de la voix et du silence presque complet des spectateurs. Par moments, la voix se fait un peu plus forte. J'ai cependant préféré les moments plus doux, comme lors de la fin très apaisée de cet Alap.
Le chanteur a ensuite répondu à quelques questions des spectateurs. Manifestement, beaucoup d'adeptes du yoga et de la quête de spiritualité... (Cela a failli dégénérer à propos de cette religion qui engendre le système de castes. Je ne sais pas ce qui se serait passé s'il avait été précisé que des interprètes et non des moindres de cette musique sont musulmans, comme les Dagar, dont le chanteur de ce soir a d'ailleurs reçu indirectement des enseignements.)
J'ai quand même réussi l'air de rien à poser la question qui fâche sur l'absence de percussions : comme il venait de Lyon, il était compliqué pour le chanteur de travailler avec un percussionniste à Paris... Si l'Alap était très bien, ne pas entendre la composition et l'improvisation sur le rythme prescrit, c'est quand même un peu comme aller à un enterrement en Bretagne et s'en aller avant le goûter de crêpes qui suit.
2011-11-26 11:49+0100 (Orsay) — Culture — Musique
Salle Pleyel — 2011-11-24
Kurt Streit, Jephtha
Kristina Hammarström, Storgè
Katherine Watson, Iphis
David DQ Lee, Hamor
Neal Davies, Zebul
Rachel Redmond, L'Ange
Les Arts Florissants
William Christie, direction
Jephtha, Händel.
Après Armide et The Fairy Queen, c'était jeudi soir la troisième fois que j'entendais Les Arts Florissants dirigés par William Christie.
Il est étonnant qu'on puisse faire une œuvre aussi longue sur une histoire aussi simple. Jephtha s'en va guerroyer. S'il revient vainqueur du combat, il promet de sacrifier à Dieu la première créature qu'il verra. Ce sera sa fille Iphis. Celle-ci accepterait le sacrifice de sa vie. Finalement, un ange annonce la solution : Iphis devra seulement sacrifier son amour pour Hamor et se consacrer à Dieu. Le Happy ending n'est pas dans la version biblique de l'histoire.
Ce n'est pas l'œuvre de Händel qui souffre le plus de ce défaut de fabrication, mais il m'est tout de même assez pénible d'entendre des voyelles prononcées très longuement au milieu d'une phrase avec une hauteur de note qui ne cesse d'osciller. Si les ohohohoho, les ahahahahahah et les ihihihihihi passent encore, les èhèhèhèhèhèh me semblent terriblement disgraciiieux (s'il y avait des moutons dans cette histoire, je comprendrais, mais non, ce n'est pas ça).
Pour un orchestre baroque, l'effectif est plutôt fourni (plus de quarante musiciens). Le chœur l'est également (un peu moins de trente chanteurs). Dans l'orchestre, les vents sont moins sollicités que les cordes. En dehors de leurs quelques passages solistes, ils sont comme couverts par le reste de l'orchestre. J'ai particulièrement aimé la basse continue de Béatrice Martin (orgue et clavecin).
Le chœur m'a énormément plu. Comme les chanteurs solistes, ils chantent de mémoire, sans partition. Entre apprendre par cœur la musique et avoir mal aux bras et aux épaules après trois heures de concert, il est permis de faire un choix !
Les chanteurs m'ont tous plu. Je dois à l'un d'entre eux d'apprendre que rites profane, c'est aussi de l'anglais. le rôle d'Hamor était chanté par un contre-ténor. En règle générale, notamment chez Bach, je préfère entendre des voix de femmes dans cette tessiture (alto). Dans les oratorios de Händel, cela ne me gêne pas du tout. De toute façon, à l'aveugle, je ne pense pas que j'aurais deviné que la voix de David DQ Lee était celle d'un homme. Je réécouterais très volontiers ce chanteur ! Kurt Streit (Jephtha) m'avait plu dans Lulu récemment. Cela a encore été le cas lors de cette représentation, notamment lors du solennel moment où il prononce son vœu. L'interprète qui m'a le plus enthousiasmé a été Katherine Watson (Iphis), dont le personnage est celui qui évolue le plus au cours de l'oratorio (amoureuse de Hamor, jeune femme prête à sacrifier sa vie, puis son amour) et qui devient extrêmement important dans la deuxième moitié du concert (je ne suis pas sûr d'avoir bien compris où se situait précisément la limite entre le deuxième et le troisième acte, l'entr'acte étant intervenu au cours de l'acte du milieu). La soliste issue du chœur Rachel Redmond a été formidable également dans le rôle de l'Ange.
N'ayant pas besoin de porter une partition, les mouvements des chanteurs offraient davantage de possibilités que d'ordinaire pour la représentation d'un oratorio. Leurs déplacements sur la scène, leurs entrées, leurs sorties, leurs regards n'étaient pas loin de constituer une honnête mise en espace.
2011-11-26 11:30+0100 (Orsay) — Culture — Musique
Théâtre des Champs-Élysées — 2011-11-23
Lisa Batiashvili, violon
François Leleux, hautbois
Sebastian Klinger, violoncelle
Guy Ben-Ziony, alto
Milana Chernyavska, piano
Quatuor pour hautbois, violon, alto et violoncelle en fa majeur, KV 370 (Mozart)
Sonate pour violon et piano nº1 en fa mineur op.80 (Prokofiev)
Phantasy Quartet pour hautbois et cordes op. 2 (Britten)
Sonate pour violon et piano nº42 en la majeur, KV 526 (Mozart)
Adagio de la Sérénade Gran Partita, KV 361 (Mozart)
Quel beau concert que celui donné au TCE ce mercredi ! Quatre œuvres au programme. Les premières œuvres jouées au début du concert et après l'entr'acte mettent en scène quatre instruments : un violon, un alto, un violoncelle, un hautbois. Le premier quatuor est de Mozart. L'œuvre met nettement plus en valeur le hautbois que les cordes. Cela tombe bien, puisque je bénéficie d'un placement au deuxième rang du parterre avec une indécemment bonne vue sur François Leleux. Quel beau son ! En plus de jouer divinement bien, le hautboïste semble prendre un certain plaisir à écouter ses partenaires.
Après l'entr'acte, l'œuvre jouée par ce même quatuor sera le Phantasy Quartet de Britten. Ce quatuor met également en valeur le hautbois et les autres instruments. Le plaisir d'écoute est d'autant plus grand pour moi ! C'est en effet une chose que François Leleux puisse se mettre davantage en valeur que la première fois que je l'avais entendu, cela en eût été une autre qu'il n'y en eût que pour lui et heureusement, ce ne fut pas le cas ce soir puisque les cinq artistes auront eu tous l'occasion de montrer leur talent.
Avant l'entr'acte et après cette œuvre de Britten furent jouées deux sonates pour violon et piano. La première était de Prokofiev et la deuxième de Mozart. La dernière fois que j'ai écouté une œuvre de musique de chambre de Prokofiev en concert, c'était en 2003 dans un concert amateur, mais j'en garde encore un excellent souvenir. Le moins que l'on puisse dire est que cette œuvre de Prokofiev n'est pas très joyeuse (d'après Wikipedia, deux mouvements de cette œuvre furent joués lors des funérailles du compositeur, qui mourut le même jour que Staline). Le piano qui paraît assez secondaire au début de l'œuvre devient de plus en plus important au fur et à mesure que l'on avance. Le troisième mouvement Andante m'a paru particulièrement beau.
Lisa Batiashvili et Milana Chernyavska reviendront dans la deuxième partie du concert pour la sonate pour violon et piano nº42 de Mozart. Les rôles des deux musiciennes auront pour mes oreilles une importance égale. Cette sonate est beaucoup plus joyeuse que celle de Prokofiev ! Les œuvres de Mozart programmées ce soir me réconcilient quelque peu avec ce compositeur, dont certains tics orchestraux m'énervent (à la différence de Haydn, dont j'aime tout...). Bref, il faudrait que j'écoute plus souvent de la musique de chambre de Mozart...
Les cinq musiciens ont joué en bis une très belle adaptation de
l'Adagio de la Sérénade Gran Partita
que François
Leleux a dédié à Francis Chapochnik, luthier des z'hautboïstes
récemment décédé.
Grands mercis à Klari et Laurent grâce à qui j'ai pu assister à ce fabuleux concert.
Ce concert est disponible à la réécoute sur le site de France Musique.
2011-11-22 22:45+0100 (Orsay) — Culture — Musique
Salle Pleyel — 2011-11-19
Orchestre Colonne
Pavel Kogan, direction
Chœur de l'orchestre Colonne
Francis Bardot, chef de chœur
De Profundis, un poème pour chœurs (Monseigneur Archevêque Hilarion Alfeyev)
Xavier Phillips, violoncelle
Variations Rococo pour violoncelle et orchestre (Tchaikovski)
Tableaux d'une exposition (Moussorgsky, orchestration Ravel)
Habituellement, quand je vais voir un concert Colonne à Pleyel, c'est le directeur musical de l'orchestre (Laurent Petitgirard) qui officie. Samedi soir, il fut bien présent, mais seulement dans le public puisque c'est le chef Pavel Kogan qui avait été invité à diriger un programme constitué de musique russe.
Le programme s'ouvre sur De Profundis, un poème pour chœurs de Monseigneur Archevêque Hilarion Alfeyev, théologien orthodoxe mais aussi compositeur (il aurait été bien d'indiquer dans le programme l'année de création). J'ai eu un peu peur de m'ennuyer à l'écoute du premier mouvement orchestral dans lequel un motif descendant joué sur un rythme assez lent passe dans tout l'orchestre. C'est très agréable à l'oreille, mais un tout petit peu répétitif. L'œuvre me plaît davantage à partir du moment où le chœur entre en jeu, et à la fin, je suis assez enthousiasmé par ce que je viens d'entendre.
J'ai moins aimé l'œuvre suivante : Variations Rococo de Tchaikovski que j'ai presque pris comme une joyeuse plaisanterie destinée au pur divertissement. Cependant, cela permet d'entendre le violoncelliste Xavier Phillips faire preuve de sa virtuosité dans les variations successives, ce qu'il fera encore davantage dans le long bis improbable qu'il jouera ensuite et dans lequel il utilisera des techniques très diverses (notamment des glissandis un peu fous).
Après l'entr'acte vient l'œuvre qui est sans doute la plus attendue du programme : Tableaux d'une exposition de Moussorgsky dans l'orchestration de Ravel. Dès le début, il paraît évident que le chef a eu envie de jouer l'œuvre sur un tempo rapide. Pendant les f, le moins que l'on puisse dire est que les musiciens ne font pas semblant de jouer ! Très belle fin de La Grande Porte de Kiev avec l'apparition des cloches, la montée de la tension et le crescendo qui vient ensuite...
2011-11-18 01:31+0100 (Orsay) — Culture — Musique — Danse — Danses indiennes — Culture indienne
Centre Mandapa — 2011-11-17
Laxmi Myriam Quinio, bharatanatyam
Pushpanjali (chorégraphie de Smt. P. Subrahmanyam)
Jatiswaram (chorégraphie de Smt. P. Subrahmanyam)
Jagado Dharana
Shabdam (chorégraphie de V. S. Muttuswamy Pillaï)
Yaro Iver Yaro
Sri Devi Kirthana (chorégraphie de V. S. Muttuswamy Pillaï)
Bho Shambho (chorégraphie de Smt. P. Subrahmanyam)
Thillana Sindhubhairavi (chorégraphie de Dominique Delorme)
Krishna Damodara
Il ne faut pas faire la fine bouche. S'il ne m'a pas autant transporté que celui de Mallika Thalak il y a quelques jours, le récital de bharatanatyam de Laxmi Myriam Quinio m'a semblé assez remarquable.
La jeune danseuse commence son récital par deux pièces très vives : Pushpanjali et Jatiswaram. Elles sont presque trop éblouissantes par la vitesse d'exécution de ce qui dans le Jatiswaram est de la danse pure.
La pièce Jagado Dharana raconte quelques jeux entre Krishna et sa mère adoptive Yashoda. Plus loin, il y aura une pièce mettant en scène la rencontre entre Rama et Sita. Ces deux chorégraphies me décoivent légèrement par la façon un peu superficielle d'aborder ces deux thèmes. La similitude entre les deux conclusions (Yashoda voyant la forme universelle de Krishna, Rama reconnaissant en Sita la déesse Sri-Lakshmi) rend peut-être une des deux pièces redondante dans un même récital. Si l'interprète a été fort heureusement toujours du bon côté, elle n'était pas à mon goût assez loin de la frontière qui distingue une danseuse qui joue un rôle et un personnage incarné par une danseuse. Avant que les chorégraphies ne fassent de la danseuse un personnage, j'aurais aimé voir comme un masque de neutralité qui pourrait ensuite prendre vie subitement.
Entre ces deux pièces narratives étaient intercalée une pièce dans
laquelle une jeune femme se languit de Muruga. Cette pièce m'a semblé la
plus convaincante lors de ce début de récital. On verra ainsi Kama, le dieu
Amour, lui décocher quelques flèches. L'amour pour le dieu lui sera
tellement insupportable que le chant du rossignol lui sera pénible et que
le lait de vache la fera vomir. Il se trouve que dans le Manuel
traditionnel du Bharata-Nâtyam, Le Danseur Cosmographe de Katia
Légeret, je lisais récemment qu'à tel mudra était associé de multiples
sens, parmi lesquels vomir
. Je n'imaginais pas que je le verrais
sitôt utilisé en ce sens ! (Avant chacune des pièces narratives, la
danseuse montrait quelques mouvements en les expliquant de sa douce
voix.)
Les deux pièces suivantes évoquent successivement la dévotion pour la déesse-mère et pour Shiva. Dans la première, on verra l'évocation de différentes formes de la déesse : Parvati, Lakshmi, Saraswati (joueuse de vînâ), Kali (qui tire la langue), etc.
La pièce concernant Shiva m'a enthousiasmé au plus haut point. C'est aussi celle dont la musique me semblait la plus intéressante. Le texte était le typique Bho Shambhu/Shiva Shambhu Svayambhu, mis en musique d'une façon différente de ce que je connaissais déjà. Parmi les images frappantes, celle de Shiva en yogi, et surtout celle représentant Shiva-Nataraja. La façon qu'a eu la danseuse de prendre cette dernière pose est tout à fait unique. La jambe gauche est tendue vers l'avant et opère lentement une rotation vers la droite tandis que les mains prennent les poses habituelles. L'amplitude, la vélocité et la fluidité de certains mouvements de pieds et de jambes trahissent la formation multiple de la danseuse, en particulier dans la technique classique (européenne). Certains passages étaient ainsi très impressionnants.
Après un charmant Thillana qui ne se réduisait pas à de la danse pure (puisque l'on pouvait reconnaître quelques dieux vers la fin), la danseuse a interprété une pièce supplémentaire dont le texte chanté commençait par Krishna Damodara. Cette pièce m'a plu peut-être encore davantage que le Bho Shambhu. On y voyait plusieurs aspects de Krishna. L'enfant volait du beurre et se faisait réprimander. Plus grand, il jouait de la flûte et dansait avec les gopis. La danse avec les gopis était absolument extraordinaire. Par la vitesse d'exécution et une combinaison inédite de mouvements simultanés de toutes les parties du corps, on aurait presque dit que la danseuse se démultipliait comme la tradition explique que Krishna donne l'impression à chacune des nombreuses gopis qu'il ne danse qu'avec elle seule. Il sera également fait référence à Vishnu couché sur le serpent Shesha, et si ce n'est pas la première fois qu'en évoquant cette image je vois une danseuse montrer Lakshmi en train de lui masser les pieds, ce soir ce fut fait de la plus belle des manières.
Plutôt que les multiples pièces de longueur intermédiaire vues dans ce récital intitulé Sringaram (qui a quand même duré presque deux heures !), j'aurais peut-être préféré voir une pièce plus développée (Varnam). Cela dit, je reste très satisfait de ce spectacle.
2011-11-17 02:33+0100 (Orsay) — Culture — Musique
Théâtre des Champs-Élysées — 2011-11-16
Ensemble Orchestral de Paris
Douglas Boyd, direction
Lisa Larsson, soprano
A Mind of Winter pour soprano et orchestre, George Benjamin
Stephen Kovacevich, piano
Concerto pour piano nº18 Paradis, KV 456 (Mozart)
Ariane Jacob, piano
Air de concert Ch'io mi scordi di te ?, KV 505 (Mozart)
Symphonie nº31 Paris, KV 297 (Mozart)
Il y a six mois environ, j'étais allé écouter l'Ensemble orchestral de Paris pour Le songe d'une nuit d'été. J'avais assez moyennement aimé, entre autres parce que le chef m'énervait. Suite à des échanges de mails avec la com' de l'orchestre, on m'avait proposé des invitations.
Assister au concert de ce soir me permettait d'entendre à nouveau la soprano Lisa Larsson que j'avais entendue il y a quelques années dans la Messe en si mineur (deux fois) et L'Oratorio de Noël de Bach. Elle a chanté A Mind of Winter, une œuvre d'il y a trente ans de George Benjamin. Le texte parle d'un bonhomme de neige. Comme Deborah Nemtanu, premier violon, l'a expliqué dans L'entrée en musique une heure avant le début du concert, quand elle a ouvert la partition pour décider des coups d'archets (en commençant par la fin des phrases musicales, expliquait-elle), elle a remarqué que le compositeur avait détaillé ses instructions aux interprètes. Celles-ci visent à produire des effets faisant penser au froid qu'évoque le texte.
Alors que la chanteuse est prête et que le chef va commencer à diriger, il doit renoncer à cause d'une arrivée groupée de spectateurs retardataires. N'ayant pas d'yeux dans le dos, il demande aux musiciens de lui faire signe quand il pourra commencer. On nous avait annoncé un début avec des accords parfaits. Oui, mais en poussant l'archet sur toute sa longueur. Impossible donc de confondre avec de la musique ancienne, c'est bien du XXe siècle. L'œuvre n'est pas désagréable du tout à écouter si l'on excepte les conséquences sur les bronches de certains spectateurs du froid de l'atmosphère musicale et de l'atmosphère tout court. C'est sympathique pour un début de concert, mais pas inoubliable non plus.
Entre ensuite le pianiste Stephen Kovacevich pour le concerto pour piano nº18 de Mozart. Je ne suis pas fan de cette interprétation assez austère. Je me sens également frustré parce que pour une fois que j'entends un piano dont le couvercle oriente le son dans ma direction plutôt qu'à l'opposé (cf. arrière-scène de Pleyel...), j'ai l'impression que dès que l'orchestre intervient, il couvre le pianiste. Je me suis un peu réconcilié avec cette musique dans le troisième mouvement.
Le contraste a été saisissant entre la première et la deuxième partie du concert. La soprano Lisa Larsson est revenue vêtue d'une autre robe qu'en première partie pour interpréter un air de concert du même Mozart. Elle a manqué chuter de l'estrade en prenant place. L'air Ch'io mi scordi di te ? comporte une importante partie de piano. Elle est interprétée par Ariane Jacob. C'est le même piano que dans la première partie, mais il ne sonne pas de la même façon ! Même si le couvercle est presque complètement rabattu, le son paraît moins étouffé. La chanteuse, la pianiste, l'orchestre, tous semblent revivifiés après la froideur de la première partie.
Tout le monde est donc bien échauffé pour la symphonie nº31 de Mozart.
L'œuvre m'a beaucoup plu. Certaines nuances et équilibres trouvés par le
chef Douglas Boyd m'ont enthousiasmé. Une chose m'a étonné en revanche : on
ne m'avait pas dit que cette œuvre était un concerto pour violon. Je
pensais déjà beaucoup de bien de Deborah Nemtanu, violon solo
supersoliste
. Elle irradie tout le monde par sa présence, son attention
aux autres et l'attention que les autres lui portent (certains musiciens
des autres pupitres se calent en la prenant comme repère visuel). Rien dans
la partition ne semble distinguer une partie séparée pour le premier
violon. Pourtant, visuellement, c'était comme si elle jouait un concerto et
que les autres violons I se contentaient de faire des Ploum-ploum
. À
y regarder de plus près, quand ils n'avaient pas de parties séparées, tous
avaient cependant l'air de jouer les mêmes notes, mais il y avait comme une
dissonance visuelle, tant les mouvements de Deborah Nemtanu étaient plus
amples que ceux de ses collègues. Bref, avec ce phénomène dans mon champ de
vision, je n'ai pas vu grand'chose de ce qui se passait dans l'orchestre,
si ce n'est qu'un des violoncellistes a dû arracher un certain nombre de
crins à son archet à la fin du premier mouvement.
2011-11-13 21:21+0100 (Orsay) — Culture — Musique — Danse — Danses indiennes — Culture indienne
Centre Mandapa — 2011-11-13
Mallika Thalak, bharatanatyam
Kalikautam (chorégraphie de M. K. Saroja)
Alarippu (chorégraphie de V. S. M. Selvam)
Ardhanarishwara (transmis par Rama Vaidyanathan)
Ashtapadi (transmis par Rama Vaidyanathan)
Tillana (chorégraphie de V. S. M. Selvam)
Comme hier, je suis allé au Centre Mandapa pour assister à un récital de bharatanatyam. Le public a été moins nombreux et c'est bien dommage.
J'avais déjà eu l'occasion de voir danser Mallika Thalak dans le
spectacle Gangâ. J'avais noté qu'elle faisait aussi du
bharatanatyam (et qu'elle avait un port de tête exquisement
gracieux
), mais ce n'est qu'hier que j'ai fait le rapprochement avec
le nom de la danseuse programmée ce soir.
Je resors complètement émerveillé par sa danse. Ma théorie depuis un moment est que chaque danseuse a son style propre. Celui de Mallika Thalak me semble caractérisé par une incroyable beauté dans le geste et l'expression. J'étais déjà transporté avant même qu'elle effectue le moindre pas dans la première pièce en hommage à Kali qui a débuté par des mouvements de la moitié haute du corps. Elle a ensuite développé ce Kalikautam (orthographe incertaine) en évoquant principalement les aspects féroces de la déesse Kali.
La deuxième pièce, Alarippu, était exécutée sur une musique purement rythmique. La danseuse ne cherche pas à faire une démonstration de vitesse. Cela reste résolument fluide et extrêmement beau.
La pièce principale est Ardhanarishwara. Elle évoque cette forme androgyne mi-Shiva mi-Parvati. La danseuse alterne ainsi entre le côté droit (Shiva à l'œil foudroyant) et le côté gauche (la gracieuse Parvati). Sans jamais devenir mécanique ou perdre sa beauté, la danse s'est également faite virtuose dans certains passages rythmiques au très vif tempo.
La pièce suivante Ashtapadi a été assez développée. Elle racontait les jeux amoureux de Radha et de Krishna. Celui-ci, charmant Radha et les autres bouvières par la flûte n'hésitait pas à éclabousser celle qu'on avait précédemment vu se parer et se maquiller.
Le récital s'est conclu sur un charmant Tillana, ni trop long ni trop court, ni trop lent ni trop rapide...
La présentation des différentes pièces était faite par le père de la
danseuse malabare
. C'était un vrai plaisir de l'écouter raconter les
pièces et la philosophie sous-jacente à sa manière, tout en s'amusant de ne
pas être l'impresario de la danseuse, mais seulement son père.
La danseuse et son père ont rendu un hommage particulier aux chorégraphes de ces pièces et encore davantage aux personnes qui les lui ont transmises. Si cela tend à se perdre de nos jours, la transmission orale se fait traditionnellement de guru à disciple...
2011-11-12 23:29+0100 (Orsay) — Culture — Musique — Danse — Danses indiennes — Culture indienne
Centre Mandapa — 2011-11-12
Sabine Pandaredattil et al., bharatanatyam
En Inde, j'ai eu l'occasion de remarquer que le public n'avait pas forcément le même respect pour l'art et la façon de l'exprimer que, disons, des wagnériens. Les nuisances viennent par exemple des téléphones portables : les gens décrochent et répondent comme si de rien n'était.
Il est plus rare que ces nuisances viennent de l'entourage-même de la
danseuse comme ce fut malheureusement le cas ce soir. Tout d'abord, la
première rangée de places était couverte de feuilles où était écrit
réservé
. Ces places resteront vacantes, le clan s'étant installé au
deuxième rang (plus confortable).
Le plus gênant, ce furent les photographies avec flash prises tout au long du spectacle. Comment peut-on mépriser à ce point la personne en charge des lumières et les spectateurs en flashant à tout va, y compris quand la scène est dans la pénombre ? Il faut ajouter à cela les clic-clics hystériques des appareils-photos et la projection de lumière test que ces appareils doivent lancer avant la prise en vue pour se régler.
Il faut aussi tenir compte de la concurrence de la danse réalisée entre le premier rang et la scène par une jeune fille tout aussi inconsciente que ses parents de la gêne que cela pouvait occasionner pour les spectateurs, sans parler des danseurs.
C'est qu'il y avait plusieurs danseurs et c'est là un autre problème
avec ce spectacle. En Inde, j'ai appris à me méfier des spectacles annoncés
comme Bharatanatyam par les disciples de Guru Smt. X
. Je n'ai rien
contre le principe des démonstrations d'une école de danse, j'ai apprécié
celles que j'ai vues à l'Opéra de Paris pour ce qu'elles étaient. Je
n'aurais rien contre le principe pour ce spectacle de danse bharatanatyam,
si cela avait été clairement annoncé.
Je m'attendais à voir un récital de Sabine Pandaredattil (installée en France depuis une vingtaine d'années) et je n'ai vu qu'une succession de pièces courtes (avec deux mini-Varnam) dansées par la guru et ses élèves, et ce dans différentes configurations. Les élèves étaient au nombre de quatre : un jeune homme et trois jeunes filles.
Le jeune homme était tout-à-fait convaincant (notamment en Shiva). C'est la première fois que je vois sur une scène un danseur de bharatanatyam de ce niveau (les autres que j'ai vus étaient beaucoup plus jeunes). Ses frappes de pieds contre le sol étaient un instrument à part entière. Ses passages rythmiques furent ainsi particulièrement spectaculaires, les effets étant en outre amplifiés par sa grande taille. Par ailleurs, ses mouvements de mains et d'yeux m'ont bien plu aussi.
Une des trois jeunes femmes sortait assez nettement du groupe. Outre ses mouvements fluides et en rythme, sa maîtrise de son expression faciale faisait toute la différence. Elle s'est distinguée dans un duo avec une autre élève qui évoquait l'enfance de Krishna, avec bien sûr l'épisode du pot de beurre. Je ne regardais plus qu'elle. Elle ne doit plus être très loin du niveau qui lui permettrait de se produire en solo... J'ignore son nom tant les annonces faites au micro et dans un français trébuchant étaient incompréhensibles.
J'ai accueilli ces prestations d'élèves avec une certaine bienveillance.
Pour le reste, j'ai eu de quoi être déçu par la performance de Sabine
Pandaredattil elle-même. Dans ses solos et autres pièces avec ses élèves,
je n'ai vu que de la danse pure
: une succession de pas qui ne
racontaient pas d'histoire ni n'exprimaient d'émotion que je puisse
déchiffrer. Il n'y avait pratiquement que des passages purement rythmiques.
Entre ceux-ci, certaines séquences de pas étaient curieusement répétées
plusieurs fois. Au bout de la troisième reprise, j'avais vraiment
bien compris que la Ganga descendait du chignon tressé de Shiva ou encore
que du nombril de Vishnu-Padmanabha émergeait un lotus ! Merci, mais une
seule fois, cela m'aurait bien suffi ! Je ne fais pas le détail des pièces
successives (qui évoquèrent principalement Shiva, mais aussi Subhramaniam,
Ganesha et Vishnu). J'ai été également déçu par son Tillana qui était
exécuté sur un rythme étonnamment lent pour une pièce de ce type, en
général bien plus vive.
2011-11-11 21:33+0100 (Orsay) — Culture — Musique
Salle Pleyel — 2011-11-09
Dang Thai Son, piano
Philippe Aïche, violon solo
Orchestre de Paris
Paavo Järvi, direction
Les Offrandes oubliées, méditation
symphonique
(Olivier Messiaen)
Concerto pour piano en la mineur, op. 54 (Schumann)
Symphonie fantastique, épisode de la vie d'un artiste (Berlioz)
Mazurka en la mineur, op. 17 (Chopin)
Salle Pleyel — 2011-11-10
Akiko Suwanai, violon
Roland Daugareil, violon solo
Orchestre de Paris
Paavo Järvi, direction
Der Freischütz, ouverture (Weber)
Concerto pour violon nº2 en mi mineur, op. 64 (Mendelssohn)
Symphonie fantastique, épisode de la vie d'un artiste (Berlioz)
Je n'avais jamais entendu la Symphonie fantastique de Berlioz en concert. Comme les premières parties des deux concerts de l'Orchestre de Paris dont elle était le plat de résistance étaient complètement différentes, j'avais décidé de l'aller écouter deux fois.
Le programme du mercredi commence par Les Offrandes oubliées de Messiaen. Bien que les différentes parties soient enchaînées, la division est très apparente. La première partie La Croix ne sonne pas tellement comme du Messiaen ; cela semble assez classique. Dans la deuxième Le Péché, les forces du mal se font entendre de façon violente. Dans la troisième, intitulée L'eucharistie, bien qu'il ne soit plus fait appel qu'aux cordes, je retrouve une atmosphère envoûtante et éthérée très messiaenique qui me rappelle le Jardin du sommeil d'amour de la Turangalîla-Symphonie.
Je ne me serai pas déplacé pour le seul concerto pour piano en la mineur de Schumann. Ç'eût été dommage, car cette œuvre m'a semblé absolument adorable. Le deuxième mouvement, tout particulièrement. Le chef Paavo Järvi exprimait à l'égard de l'orchestre une joyeuse bienveillance. Le contrebassiste Bernard Cazauran semblait de très bonne humeur, je veux dire encore plus que d'habitude. Mon placement à l'arrière-scène n'était pas le plus favorable pour entendre le pianiste Dang Thai Son, mais il m'a permis de bien voir ses mains. J'ai aimé son bis, une Mazurka de Chopin.
Le lendemain, l'ouverture du Freischütz de Weber fait une très bonne entrée en matière. L'interprétation m'a bien plu. Je ne l'avais jamais remarqué jusqu'à ce soir, mais cela m'a bien fait bugger de me rendre compte d'une similitude entre deux mesures de cette ouverture et le ti-tou-tou:-ti-tou-tou:-ti-tou-tou: initial de la quarantième symphonie de Mozart (même rythme, même intervalle : un demi-ton entre le ti et le tou).
Le concerto programmé est le concerto pour violon nº2 de Mendelssohn, interprété par Akiko Suwanai. Le Stradivarius dont elle joue a été l'objet d'un incident de concert. Au cours du premier mouvement, une corde a lâché. Fort heureusement, elle a eu la présence d'esprit d'échanger immédiatement son instrument avec le premier violon. Roland Daugareil, véritable héros du jour, a manipulé pendant quelques minutes l'instrument pour remettre la corde (ou une autre ?). Il a joué pendant quelques instants sur ce Stradivarius ! ce qui lui a permis de vérifier que tout allait bien et puis un nouvel échange a eu lieu à un moment propice avant la fin du premier mouvement. Il faudrait demander aux auditeurs de Radio Classique qui écoutaient ce concert en direct s'ils ont remarqué quelque chose... Je ne pourrais absolument rien dire sur la prestation de l'orchestre pendant ce concerto tant mon regard ne pouvait se détourner de la violoniste, dont le public a réussi à obtenir deux très beaux bis.
Après l'entr'acte, aussi bien mercredi que jeudi, était programmée la Symphonie fantastique de Berlioz. Mercredi, j'étais à l'arrière-scène. Jeudi, j'ai échangé ma place d'arrière-scène avec celle de Klari au premier balcon. Je ne regrette pas du tout d'avoir écouté cette œuvre deux soirs de suite. Pour moi, cela a été une immense découverte. Chacun des mouvements est un programme a lui tout seul. Les atmosphères sont très différentes. La plus saisissante est celle du cinquième et dernier mouvement Songe d'une nuit du Sabbat. Les différents parties de l'orchestre s'y attachent à créer une atmosphère des plus macabres en produisant des sonorités étranges à leurs instruments.
Le concert du mercredi peut être revu sur Cité de la musique live. Attention, gros plans, éloignez-vous de l'écran !
Ailleurs : Palpatine, Klari, andanteconanima.
2011-11-06 00:24+0100 (Orsay) — Culture — Musique — Danse — Danses indiennes — Culture indienne
Centre Mandapa — 2011-11-05
Shakuntala, bharatanatyam
Muthuswami Pillai, chorégraphie
Bhakti, la lumière du cœur, Poèmes de Rumi
C'est un récital un peu à part auquel j'ai assisté ce samedi au centre Mandapa. Il était intitulé Bhakti, la lumière du cœur, et à la danse bharatanatyam devaient être associés des poèmes de Rumi. L'idée d'associer le bharatanatyam à une autre culture fait penser au programme Bhârata/Bach dansé par Maria-Kiran il y a quelques années, mais la réalisation sera toute différente.
Le récital sera en réalité en trois parties. Après que l'on a fait brûler de l'encens et allumé la lampe, un prélude musical se fait entendre : une invocation de Shiva. La danseuse entre ensuite en scène (elle n'en sortira plus avant la fin du récital, ce qui contribuera à une atmosphère étonnante que personne n'osera troubler par des applaudissements) pour des offrandes de fleurs. J'ai le plaisir d'entendre une guimbarde dans la musique enregistrée, cela faisait longtemps... Le style de la danse comporte beaucoup de tours de la danseuse sur elle-même. Le rythme est très rapide. Cela semble une façon de concevoir le voie de la Bhakti, sous la forme d'une sorte d'adoration joyeuse de la divinité qui permettrait d'atteindre l'Unité. La danse évoque les oreilles de Ganesh et la danse de Shiva-Nataraja.
Avant de danser la pièce suivante, la danseuse dévoile un peu du
dictionnaire de la danse en montrant des mouvements associés à un petit
texte qui résume la pièce. Il sera question d'une dévôte de Subramaniam
(aussi appelé Muruga, Skanda ou Kartikeya) qui s'adresse à lui en disant
Pourquoi tardes-tu à venir me donner ta bénédiction ?
. La narration
et l'illustration est entrecoupée d'assez longs passages de danse pure. La
chorégraphie n'est pas des plus belles que j'aies vues. Elle demande une
très grande rapidité d'exécution. Cependant, les mouvements et poses prises
par les mains sont réalisés avec une grande précision. Dans cette pièce
comme dans la précédente, malgré la vitesse, l'ensemble reste ainsi très
lisible.
Ayant enlevé ses grelots de chevilles et ayant passé une blanche
tunique, le récital prend une toute autre direction. Il ne s'agit plus
véritablement de danse bharatanatyam. La seule musique sera le silence et
un doux accompagnement de flûte. La danseuse se transforme en une
comédienne qui déclame des poèmes du mystique soufi Rumi tout en soulignant
le sens par des mouvements des bras et des mains qui appartiennent au
bharatanatyam. La plupart de ces poèmes sont structurés autour d'un mot ou
d'un groupe de mots qui est repété de nombreuses fois à la fin ou au début
des vers. Ainsi, dans le poème commençant par Toi qui ignores l'amour,
dors !
, toutes les phrases se terminent par la même injonction
Dors !
. Dans le suivant, ce sera Reviens à l'origine de ta propre
origine !
. Ensuite, alors que le poète se demande Qui est à la
porte ?
, il ne cesse de répéter Où m'enfuir ?
. Dans
l'avant-dernier, ce sera Donne quelque chose au derviche !
(qui suit
notamment une autre injonction comme Délivre de son moi celui qui est
attaché à lui-même
). Dans le dernier, divers reproches d'une femme à
son amant seront introduits par Souviens-toi
.
Certains de ces poèmes posent des questions d'une façon suffisamment
large pour n'être absolument pas hors-sujet dans un récital de
bharatanatyam appelé Bhakti
. La forme que cela a pris était à tout
le moins surprenante, mais j'ai trouvé que cela avait été une très bonne
manière de faire entendre ce texte tout en l'accompagnant d'une pantomime
sur un fond musical dépourvu des rythmes habituels de la musique
carnatique. Cela m'a davantage convaincu que ce que j'avais vu faire au
Théâtre des Bouffes du Nord par Nahal Tajadod et Jean-Claude Carrière il y
a deux ans. La performance physique est aussi impressionnante, parce qu'il
doit être bien difficile de ne pas perdre son souffle alors qu'il faut en
même temps réciter les vers et les accompagner d'autant de mouvements !
En troisième partie du récital, la danseuse a remis ses grelots pour
deux pièces de bharatanatyam. Les pièces de la première partie étaient
plutôt rapides. Celles-ci furent plus lentes. En particulier,
l'avant-dernière pièce du récital sera comme un adage évoquant les
différents aspects de la fille du roi des monts (Parvati). Je dis Parvati
parce que c'est le nom qui m'est venu en premier quand avant de se remettre
à danser, l'interprète a fait un résumé de la pièce accompagné de
mouvements chorégraphiques. Les noms qu'elle a employés étaient plutôt
Gauri, Uma, Shankari, Kaumari et Annapurna, mais cela revient au même...
Elle a fait un petit clin d'œil aux connaisseurs en mentionnant que les
seins de la déesse étaient en forme de Kumbha
.
Le récital s'est conclu par une pièce mettant en scène les dieux assistant à la danse cosmique de Shiva. Cette pièce a commencé par un travail chorégraphique centré sur les bras et les mains, et puis les pieds se sont aussi mis en mouvement. J'ai rarement vu ce fait souligné, mais ici, pour évoquer la danse cosmique de Shiva, la danseuse a mis un accent particulier sur les battements du tambour (Damaru).
2011-11-05 01:53+0100 (Orsay) — Culture — Musique
Salle Pleyel — 2011-11-04
Christine Schäfer, soprano
Hélène Collerette, violon solo
Orchestre philharmonique de Radio France
Jukka-Pekka Saraste, direction
Les Illuminations, op. 18 pour soprano et orchestre à cordes, sur des textes d'Arthur Rimbaud, Britten
Symphonie nº8 en ut mineur op. 65 (Chostakovitch)
L'orchestre de Radio France n'a pas rempli la salle Pleyel, mais il y a une certaine progression par rapport au concert de rentrée où la deuxième balcon avait été fermé. Ce soir, j'ai seulement été encouragé à me replacer à l'orchestre, où il y avait effectivement beaucoup de places libres. Je me suis ainsi retrouvé au rang F près de l'allée. Cela faisait longtemps que je n'avais pas vu un orchestre de face d'aussi près à Pleyel...
Le programme commence par Les Illuminations de Britten. Comme il est de Rimbaud, le texte chanté est en français. Cette langue n'est manifestement pas celle avec laquelle la chanteuse Christine Schäfer est la plus à l'aise. Musicalement, c'est une très belle découverte. L'orchestre n'est constitué que de cordes. Cela commence par une sorte de combat entre les violons I et les altos, très spectaculaire à voir d'aussi près. C'est très vif et assez illustratif du texte. La variété de sons produits par les musiciens est étonnante : à un moment, j'avais presque l'impression qu'on avait caché une trompette quelque part ! Dans le numéro Being Beauteous, la musique me rappelle le thème de Schéhérazade (Rimski-Korsakov). Le plaisir aurait été encore plus grand si l'excellente chanteuse qu'est Christine Schäfer avait mieux fait entendre le texte...
Après l'entr'acte, le plat de résistance : la huitième symphonie de Chostakovitch. Il ne faudrait pas écouter ce genre de musique trop souvent de peur de finir archi-névrosé, mais une fois de temps en temps (la dernière fois pour moi, c'était en janvier 2011), c'est un plaisir intéressant. J'ai eu peur après quelques minutes de musique d'avoir mal lu le programme tant le début de l'Adagio sonne bien. Et puis, brutalement, l'orchestre est devenu ardemment et violemment dissonnant. Il y a eu quelques accalmies, quelques quasi-interludes sortis dont ne sait où, et puis la symphonie s'est terminée après environ une heure de façon apaisée.
2011-11-04 00:47+0100 (Orsay) — Culture — Musique — Danse
Opéra Garnier — 2011-11-03
Koen Kessels, direction musicale
Orchestre de l'Opéra national de Paris
Ballet de l'Opéra
Léo Delibes, Ludwig Minkus, musique
Version réalisée par Marc-Olivier Dupin
Livret d'après Charles Nuitter et Arthur Saint-Léon
Jean-Guillaume Bart, chorégraphie
Éric Ruf, décors
Christian Lacroix, costumes
Dominique Bruguière, lumières
Clément Hervieu-Léger, Jean-Guillaume Bart, dramaturgie
Florence Clerc, assistante du chorégraphe
Anne Salmon, répétitrice
Dominique Schmitt, assistante décors
François Thouret, assistant lumière
Myriam Ould-Braham, Naïla, esprit de la Source
Florian Magnenet, Djémil, chasseur
Laura Hecquet, Nouredda, promise au Khan
Aurélien Houette, Mozdock, frère de Nouredda
Alessio Carbone, Zaël, elfe de Naïla
Aurélia Bellet, Dadjé, favorite du Khan
Emmanuel Hoff, Le Khan
La Source
Après avoir vu quatre fois le superbe ballet La Source, il faut se rendre à l'évidence : Naïla, c'est Myriam Ould-Braham. Si Charline Giezendanner est loin d'avoir démérité le 1er novembre, les deux prestations que j'ai vues de Ludmila Pagliero, créatrice du rôle, furent moins convaincantes à mes yeux.
Comme dans le cas du rôle de Juliette (qu'elle n'a interprété qu'une seule fois), on n'a à aucun moment l'impression de voir une jeune femme qui danse certes fort bien. On voit en réalité un personnage, ici Naïla, qui est interprété par une danseuse. Cela fait toute la différence. Dans son rôle de fée, elle flotte sur la scène, elle touche à peine le sol. Outre la fluidité de ses mouvements, son expression rend son rôle passionnant pour le spectateur. Plus que les autres interprètes du rôle, elle donne un sens au sacrifice qui est celui de son personnage. Ainsi, dès la Valse des nymphes, quand Naïla est entourée d'une ronde de nymphes, son visage trahit le fait qu'elle sait qu'elle ne pourra que se sacrifier. Lors du pas de deux avec Djemil, ses tentatives sont désespérées, elle sait que Djemil n'aimera jamais que Nouredda. Enfin, elle se sacrifie après un émouvant pas du talisman.
Malgré quatre visionnages, je n'aurai pas vu toutes les distributions possibles. Il me manque essentiellement le trio Ould-Braham/Hoffalt/Zusperreguy. Clairement, dans ce que j'ai vu, la meilleure combinaison est celle de ce soir (3 novembre). Dans le rôle de Djemil, Florian Magnenet m'a davantage plu que Karl Paquette. Si c'est un beau gosse et qu'il en joue (un peu trop diront certaines), ses sauts et réceptions sont plus propres. Il donne un peu l'impression que Djemil est un gentil idiot (qui ne comprend pas qu'en faisant tomber la fleur à la toute fin, il fait mourir Naïla), alors qu'avec Karl Paquette, on a l'impression que Djemil est un type un peu perdu qui subit les événements.
Du côté des Zael, Mathias Heymann est éblouissant. Il saute très bien, mais au deuxième acte, il sait aussi jouer d'une certaine cruauté quand il vient gâcher la fête de Nouredda et se moquer d'elle quand elle doit s'en aller. Alessio Carbone m'a également beaucoup plu dans ce rôle dont il donne une image un peu plus sympathique et plus émouvante aussi dans la scène finale où il est le seul à être témoin de la souffrance de Naïla. Allister Madin est plus proche de Heymann que de Carbone, mais il donne moins une impression de facilité.
Pour Mozdock, frère de Nouredda, entre Vincent Chaillet et Aurélien Houette, c'est Vincent Chaillet qui m'a fait la plus forte impression, en particulier dans les danses de guerriers caucasiens, très spectaculaires. Avant-hier, Aurélien Houette ne m'avait pas semblé très en forme, mais ce soir, c'était très nettement mieux. Du côté de la pantomime, Aurélien Houette fait impression : on n'a pas envie d'être à la place du personnage qu'il tabasse ! (Cela effacerait presque mon souvenir de la vision d'Aurélien Houette en Monsieur de Charlus se faisant violemment flageller dans Proust ou les intermittences du cœur.)
Je n'ai vu que deux Dadjé : Nolwenn Daniel et Aurélia Bellet. Chez Nolwenn Daniel, j'ai aimé certains gestes qui montrent la cruauté des relations de rivalité entre les femmes du harem, en particulier la façon dont elle se réjouit de la dégradation de la note de Nouredda par le Khan.
Il reste essentiellement le cas du rôle de Nouredda. Lors de la création, j'ai trouvé Isabelle Ciaravola tellement émouvante que pour moi, c'était elle le premier rôle et non Naïla. J'avais tout particulièrement aimé son premier acte et l'attitude qui la caractérisait de jeune femme terrifiée à l'idée d'aller rencontrer le Khan. L'interprétation de Laura Hecquet est toute différente. Elle paraît moins terrifiée au premier acte et adopte au deuxième acte une attitude résolument séductrice envers le Khan. Dans le pas de deux avec Djemil (Florian Magnenet), elle fait monter la tension et presque la violence de ce tumultueux face à face. Ces deux interprètes de Nouredda sont très différentes ; globalement, j'ai du mal à décider laquelle des deux je préfère.
Lors des trois premières représentations que j'ai vues, il m'a semblé que l'orchestre se bonifiait à chaque fois. Ce soir, manifestement, ce n'était pas le même sous-ensemble de l'effectif de l'orchestre qui jouait (en tout cas je suis sûr que ce n'étaient pas les mêmes que les 27 octobre et 1er novembre) et cela s'est malheureusement un peu entendu dans le deuxième acte.
Vivement la prochaine reprise de ce ballet ! (Mais n'achetez pas le futur DVD !)
2011-11-03 01:22+0100 (Orsay) — Culture — Musique — Opéra
Opéra Bastille — 2011-11-02
Laura Aikin, Lulu
Jennifer Larmore, Gräfin Geschwitz
Andrea Hill, Eine Theatergarderobiere, Ein Gymnasiast, Ein Groom
Johannes Koegel-Dorfs, Der Midizinalrat, Der Professor, Ein Polizeikommissär
Marlin Miller, Der Maler, Der Neger
Wolfgang Schöne, Dr. Schön, Jack
Kurt Streit, Alwa
Scott Wilde, Der Tierbändiger, Der Athlet
Franz Grundheber, Schigolch
Robert Wörle, Der Prinz, Der Kammerdiener, Der Marquis
Victor von Halem, Der Theaterdirektor, Der Bankier
Julie Mathevet, Eine Fünfzehnjährige
Marie-Thérèse Keller, Ihre Mutter
Marianne Crebassa, Die Kunstgewerblerin
Damien Pass, Der Journalist
Ugo Rabec, Ein Diener
Orchestre de l'Opéra national de Paris
Michael Schønwandt, direction musicale
Willy Decker, mise en scène
Wolfgang Gussmann, décors et costumes
Hans Toelstede, lumières
Lulu, Alban Berg
J'ai assisté aux première et cinquième représentations de la reprise de Lulu de Berg qui passe ces jours-ci à Bastille. Les détails de l'histoire sont assez touffus : lors des saluts, pas moins de seize chanteurs viennent saluer et parmi eux, certains cumulent deux voire trois rôles ! Quelques chanteurs paraissent au troisième acte dans des rôles qui font écho à d'autres vus au premier acte.
La musique est nettement plus accessible que ce à quoi je m'attendais : c'est cent fois plus agréable à l'oreille que le Mantovani d'Akhmatova. Ce qui est un peu gênant avec les deux représentations que j'ai vues, c'est que l'orchestre ne joue pas très fort. Ainsi, l'attention se porte beaucoup plus facilement sur l'action et le texte, au détriment de la musique, dont, à moins de se déconcentrer volontairement de l'action, on ne profite pleinement que pendant les interludes orchestraux. J'ai tout particulièrement apprécié celui qui se trouve au centre de l'œuvre et qui a une structure palindromique avec au milieu le motif de Lulu joué au piano.
Le premier élément de décor que l'on voit est l'escabeau sur lequel se tient Lulu alors que les spectateurs s'installent à leurs places (ou comme moi, à d'autres laissées vacantes). Cet escabeau se présente à l'œil comme un V renversé, avec des barreaux pour monter, mais aussi pour descendre. Visuellement, c'est tout comme le motif ascendant puis descendant de Lulu, et c'est aussi la trajecture de l'héroïne, femme fatale et cynique, dont les amants et maris se succèdent, jusqu'à sa déchéance finale (arrestation, choléra, prostitution, assassinat).
La mise en scène est très bien faite. Elle s'inscrit dans un décor constitué d'une grande pièce entourée d'un mur arrondi où s'alignent onze portes. En arrière-plan, des marches montent en amphithéâtre. De là-haut, on peut descendre par des échelles dans la pièce centrale. On verra même un chanteur sauter ; à peine arrivé, le personnage mourra quelques secondes plus tard ! Parmi les accessoires, un portrait en pied de Lulu, en plusieurs morceaux. Un de ses maris successifs était peintre ; il s'est suicidé.
Parmi les chanteurs, c'est bien sûr Laura Aikin (Lulu) qui fait la plus forte impression. Parmi les autres personnages, les plus émouvants furent pour moi ceux de la comtesse Geschwitz (Jennifer Larmore), lesbienne amoureuse de Lulu et d'Alwa (Kurt Streit), qui tout comme son père avant lui aime Lulu.
Ailleurs : Zvezdo.
2011-10-27 01:13+0200 (Orsay) — Culture — Musique
Salle Pleyel — 2011-10-26
The Cleveland Orchestra
Franz Welser-Möst, direction
Symphonie nº3 Écossaise
(Mendelssohn)
Doctor Atomic Symphony (John Adams)
Boléro (Ravel)
Arioso du Concerto en ré majeur Bâle pour orchestre à cordes, Stravinski
Au menu de la première partie de ce concert du Cleveland Orchestra, la
symphonie écossaise
de Mendelssohn. D'après mes archives, je l'ai
écoutée (au disque uniquement) une fois il y a sept ans et une fois il y a
trois ans. Autant dire que c'était comme si je l'entendais pour la première
fois. Pendant le premier mouvement, le chef Franz Welser-Möst a des gestes
crispés, presque mécaniques. J'ai l'impression de voir un dictateur ou un
général commander à des armées (composées chacune d'un nombre impair de
recrues). Une fois lancées les armées jouent ensemble. Le chef les regarde
faire en battant moins nettement la mesure, puis il reprend en main tout le
monde. Le chef contrôle ses troupes comme des corps constitués, mais
parfois, d'un geste courbe de la main gauche, il joue avec comme si
c'étaient des ondes ou des bulles de savon dont il ferait varier les
volumes en soufflant dedans ou en aspirant. Les indications des entrées aux
timbales et aux cuivres sont très précises. À partir du deuxième mouvement,
à part une ou deux rechutes, la direction se fera beaucoup apaisée. Bref,
visuellement, voir ce chef (depuis l'arrière-scène bien sûr) est un
spectacle en soi, quoique légèrement anxiogène.
Pour ce qui est de la musique, les deux premiers mouvements et le début du troisième furent pour moi un plaisir rare (qui a pensé tout bas que j'ai connu d'aussi bonnes voire de meilleurs sensations pas plus tard qu'hier dans le Hindemith ?). Les pizz. à la toute fin du deuxième mouvement étaient mignons comme tout. J'ai également apprécié la façon qu'a eu le chef d'entamer chaque mouvement aussitôt le mouvement précédent terminé, sans laisser le temps aux spectateurs de penser à se racler la gorge (voir chez Klari pour quelques horror-stories liées à des incivilités de spectateurs).
L'œuvre pour laquelle j'avais sélectionné ce concert intervient après l'entr'acte : Doctor Atomic Symphony de John Adams. C'est tiré de l'opéra Doctor Atomic. Heureusement, c'est moins long : je me suis ennuyé à mourir en visionnant en DVD cet opéra (2h40 !). L'ennui ne venait pas tant de la musique que de la manière dont le texte, soit trivial soit quasi-hermétique, est mis en musique (avec l'exception notable du personnage de Kitty Oppenheimer). Certes, on comprend parfaitement les paroles, mais c'est trop parlé pour que je l'apprécie comme du chant. J'ai également peu goûté la façon de traiter le sujet (peut-être intéressant) en faisant reposer une bonne partie de l'action sur la question de la météo dans les heures qui précédèrent le premier essai nucléaire.
J'avais cependant quelqu'espoir que réduite à l'état de symphonie de 24 minutes, cette œuvre pourrait être suffisamment aimable. Cela n'a pas été le cas. Je n'ai entendu des choses pour me plaire que dans les dernières minutes, quand est utilisée la musique du chant d'Oppenheimer Batter my heart, three-person'd God (vers de John Donne) à la fin du premier acte : une partie très spectaculaire des violons alterne avec le chant d'Oppenheimer qui est confié à la trompette. À part ça, rien à signaler.
Enfin, une autre raison indépendante d'assister à ce concert était le Boléro de Ravel programmé en fin de programme. C'est la première fois que je l'entendais en concert. J'ai été tout étonné quand cela s'est terminé. Quoi ? Déjà fini ‽
Une valse inconnue de moi à été jouée en bis. Petit couac à la fin du concert, le chef ayant été trop gourmand en saluts : il faut savoir plier bagage au bon moment, sinon, on se retrouve à revenir sur scène piteusement alors que la moitié du parterre est déjà debout... et ce alors même que les applaudissements ont été plutôt chaleureux.
À voir : Jacques Villeret dans Le Batteur du Boléro, court-métrage de Patrice Leconte (avec le directeur musical de l'Orchestre Colonne et une charmante timbalière en guest-stars).
2011-10-26 01:02+0200 (Orsay) — Culture — Musique
Amphithéâtre de la Cité de la musique — 2011-10-25
Quatuor Pražák
Pavel Hůla, violon, direction
Alda Caeillo, sprechgesang
Vlastimil Holek, violon
Josef Klusoň, alto
Michal Kaňka, violoncelle
Václav Kunt, flûte, piccolo
Milan Polak, clarinette, clarinette basse
Jaromir Klepáč, piano
Quatuor op. 16, Hindemith
Pierrot lunaire, op. 21, Schönberg
Je ne m'étais jamais aventuré au fond de la boutique de disques et de livres de la Cité de la musique. Virage à gauche au fond, descente des marches, traversée le hall, entrée dans l'amphithéâte, par en haut !
Je m'installe à une place excentrée du premier rang. Si de Pavel Hůla, premier violon du quatuor Pražák, je ne vois pratiquement que le bras droit, pour ce qui est de l'altiste Josef Klusoň, il est comme en face de moi, et je le vois jeter quelques coups d'œil à ses partenaires. Entre le dos du premier violon et l'instrument du second (Vlastimil Holek), je vois assez bien le violoncelliste Michal Kaňka, qui pour ses cordes à vide, laisse s'échapper sa main libre qui vient presque toucher son menton, façon Penseur de Rodin.
La première œuvre de ce programme est bien sûr un quatuor à cordes : l'opus 16 de Hindemith. J'ai vraiment adoré ce quatuor dont l'atmosphère générale m'a semblé industriello-urbaine, certains passages pouvant évoquer le bruit mécanique de machines. À un moment, le deuxième violon produisait des sons qui bizarrement semblaient assez proches de ceux d'une flûte. J'étais surtout très bien placé pour voir l'altiste interpréter ses parties, fort jolies (Hindemith était aussi altiste, et c'est lui-même qui a créé ce quatuor à cordes...). Quel plaisir d'écouter une telle œuvre avec de tels interprètes dans les sièges si douillets de l'amphithéâtre !
Après l'entr'acte sont entrés un pianiste, un flûtiste (traversière et
piccolo), un clarinettiste (jonglant aussi entre deux instruments). Pour
les violon et alto, on jongle entre le deuxième violon et l'altiste du
quatuor, ce qui produit un manège amusant (l'altiste par ailleurs tourneur
de pages du pianiste s'asseyant à la place du violoniste qui devient
tourneur de pages et réciproquement). Le premier violon dirige l'ensemble
qui comprend aussi bien sûr une sprech-chanteuse, Alda Caeillo.
C'est qu'on joue Pierrot lunaire de Schönberg. C'est uniquement
par curiosité pour cette œuvre que j'avais choisi ce concert. Je
m'attendais à quelque chose d'assez inécoutable, mais je me suis surpris à
trouver l'ensemble très agréable. Du côté de la voix, cela ne ressemble à
rien de ce que je connaissais. C'est parlé-chanté
. Des phrases se
terminent par des vocalises. Dans d'autres, l'interprète va jusqu'à crier.
C'est presque toujours exacerbé d'une façon ou d'une autre. La façon d'Alda
Caeillo d'interpréter le texte me semblait cohérent avec les côtés quelque
peu glauques et macabres du texte. Bref, ce fut un très beau concert !
Ailleurs : Bladsurb.
2011-10-23 02:16+0200 (Orsay) — Culture — Musique — Danse
Opéra Garnier — 2011-10-22
Koen Kessels, direction musicale
Orchestre de l'Opéra national de Paris
Ballet de l'Opéra
Léo Delibes, Ludwig Minkus, musique
Version réalisée par Marc-Olivier Dupin
Livret d'après Charles Nuitter et Arthur Saint-Léon
Jean-Guillaume Bart, chorégraphie
Éric Ruf, décors
Christian Lacroix, costumes
Dominique Bruguière, lumières
Clément Hervieu-Léger, Jean-Guillaume Bart, dramaturgie
Florence Clerc, assistante du chorégraphe
Anne Salmon, répétitrice
Dominique Schmitt, assistante décors
François Thouret, assistant lumière
Ludmila Pagliero, Naïla, esprit de la Source
Karl Paquette, Djémil, chasseur
Isabelle Ciaravola, Nouredda, promise au Khan
Vincent Chaillet, Mozdock, frère de Nouredda
Mathias Heymann, Zaël, elfe de Naïla
Nolwenn Daniel, Dadjé, favorite du Khan
Christophe Duquenne, Le Khan
La Source (création)
Ce soir, j'ai assisté pour la première fois à la création d'un ballet classique à l'Opéra. L'événement était attendu des balletomanes. Il s'agit d'une re-création du ballet La Source d'après le livret original de Charles Nuitter et Arthur Saint-Léon et sur une musique de Léo Delibes et, hélas, Ludwig Minkus.
J'en sors très enthousiaste, avec l'impression d'avoir vu le Ballet de
l'Opéra à son meilleur. Le premier acte se place auprès de la source. Elle
n'est qu'indirectement représentée sur scène par la végétation dont elle
favorise le développement. Dans la description du décor d'origine par
Nuitter (citée dans le programme du spectacle, p. 46), on lit : Au fond,
des flancs d'un rocher, s'échappe un filet argentin d'une source ; autour
de la source, des plantes verdoyantes fleurissent ; des lianes grimpantes
s'enroulent aux branches des arbres, d'où elles laissent retomber des
grappes de fleurs
. Ce sont manifestement ces lianes grimpantes qui ont
inspiré le décorateur Éric Ruf. Ces lianes sont des cordages qui rappellent
ceux qui apparaissent sur le rideau en trompe-l'œil de l'Opéra. Auprès de
la source évoluent des nymphes et des elfes. Leurs costumes sont très
brillants ! Parmi ces elfes, Zaël (Mathias Heymann) bouge et saute comme un
marsupilami.
Le chasseur Djémil (Karl Paquette) arrive, puis une caravane de Caucasiens s'arrête. Mozdock (Vincent Chaillet) conduit sa sœur Nouredda (Isabelle Ciaravola) qui est promise au Khan. Elle demande qu'on lui apporte une fleur apparemment inaccessible. Les hommes de Mozdock essayent de grimper, mais n'y arrivent pas. Djémil se propose de l'aller chercher et y parvient. C'est pour ainsi dire par magie que Karl Paquette s'est hissé le long de cette corde (effet spécial très réussi). Dans les épopées indiennes, réussir une telle épreuve aurait immédiatement valu à Djémil d'obtenir la main de Nouredda (ainsi Rama obtint-il Sita et Arjuna Draupadi). Au lieu de cela, après avoir retiré le voile de Nouredda, il a été violenté par Mozdock et ses hommes. C'est alors qu'apparaît la fée de la source, Naïla (Ludmila Pagliero). Elle lui dit que la fleur est un talisman. Son pouvoir lui permettra de se venger de son affront et d'obtenir le cœur de Nouredda. En vérité, elle est amoureuse de Djémil, et ne fait cela que pour lui plaire.
Au deuxième acte, le décor utilise encore des cordes verticales, qui
représentent comme des barreaux de prison enfermant les femmes du Khan
(Christophe Duquenne) dans le zenana. L'atmosphère quasi-carcérale
est amplifiée par les lumières venant du fond de la scène, ce qui donne de
longues ombres en éventail des barreaux traversant toute la profondeur de
la scène. La favorite du Khan, Dadjé (Nolwenn Daniel) ne sait pas encore
qu'elle va perdre son statut en raison de l'arrivée de Nouredda. Quand
celle-ci arrive dans son palanquin, elle met en effet le Khan en émoi.
Pour elle, les femmes du harem dansent le pas des voiles
. C'est le
passage du ballet qui est le plus indianisant, limite bollywoodien (et non
hollywoodien comme il est écrit dans le programme p. 77 !). Ensuite,
arrivent Zaël, quelques autres elfes et Djémil habillés en troubadours. En
fait, ce sont plutôt des magiciens. Ils font paraître des fleurs de la même
espèce que celle que l'on a vu au premier acte. Nouredda reconnaît aussi
ces fleurs, et puis Naïla apparaît. Le Khan est immédiatement séduit, et il
décide de renvoyer Nouredda chez elle. S'ensuit quelque énervement de la
part de Mozdock. Finalement, la caravane repart d'où elle est venue.
Dans le dernier tableau, la scène est vide. Il ne reste pour ainsi dire plus que Djémil, Nouredda et Naïla. Nouredda est inanimée. Au cours du Pas du talisman, Naïla va se sacrifier par amour pour Djémil : elle va transférer son âme vers le corps de Nouredda, qui pourra ainsi continuer à vivre et aimer Djémil. Ainsi meurt Naïla.
J'avais lu le livret d'origine à la BnF il y a quelques mois. Il y a une semaine, lors d'une rencontre au Studio Bastille, le dramaturge Clément Hervieu-Léger avait résumé pour les personnes présentes le synopsis du ballet (de façon plus détaillée que ci-dessus). La différence principale par rapport au livret d'origine était la suppression du personnage de la bohémienne. Elle apparaissait au premier acte, rejoignait la suite de Nouredda et au début de ce qui était alors le troisième acte, elle aidait Nouredda à se venger contre Djémil par la faute de qui le Khan s'intéressait à Naïla et donc se désintéressait d'elle. La bohémienne était en effet capable de jeter des sorts. Ceci donnait a priori une complexité psychologique plus grande au personnage de Nouredda.
J'avais ainsi plusieurs sujets de questionnement avant la création :
Concernant le corps de ballet féminin, le pas des voiles dans le deuxième acte était un moment que j'attendais et je n'ai pas été déçu. À vrai dire, et c'est une agréable surprise, la séquence où le corps de ballet a été le mieux mis en valeur a été à la fin du premier acte : une vingtaine de nymphes saluant quelque lumière (est-ce une évocation du tropisme des plantes envers le Soleil ?) ou prenant diverses configurations géométriques (dans la rencontre mentionnée plus haut, le chorégraphe Jean-Guillaume Bart avait cité Émeraudes de Balanchine parmi ses influences...). Les femmes faisant partie de la caravanes auront aussi quelques danses dans des styles caucasiens à propos duquel le chorégraphe s'est documenté.
Le pas du talisman a beaucoup manqué d'émotions. La Source faisait parfois plus penser à une poupée désarticulée (cf. Coppélia). Plutôt que d'être ému, le public a ri quand elle est entrée par ascenseur à travers une petite ouverture ronde (c'est peut-être le mécanisme employé dans Giselle qui a été réutilisé à l'envers). Cela a été une certaine déception pour moi. J'espère que je l'apprécierai mieux lorsque je le reverrai, dansé par Ludmila Pagliero comme ce soir ou par d'autres interprètes. Pourtant, le pas de deux qui avait précédé avec Djémil m'avait plutôt plu ; la musique utilisait d'ailleurs la musique de l'Entr'acte situé entre les deuxième et troisième actes de Lakmé. Les autres ajouts musicaux sont venus d'œuvres peu connues de Delibes, ce qui permet d'éviter de surcharger une scène dansée par la situation de l'opéra dont les lyricomanes peuvent se souvenir. C'était assez dévastateur par les contresens que cela engendrait dans la Coppélia de Patrice Bart. Ici, l'ajout de cet extrait de Lakmé passe beaucoup mieux. (Plus généralement, dans la musique de ce ballet, j'ai très nettement préféré les parties dues à Delibes à celles dues à Minkus. Ce n'est pas vraiment un test en aveugle puisqu'il est assez facile de deviner qui a écrit quoi !)
Si le rôle de Naïla ne m'a pas complètement comblé, une très bonne surprise est venue de celui de Nouredda. Il fut fabuleusement interprété par Isabelle Ciaravola, aussi bien lors de son solo dans le tableau du Khan que dans son pas de deux avec Karl Paquette dans le dernier tableau. L'interprétation a commencé par une attitude de discrète réserve dans le premier acte, celle d'une jeune femme que l'on conduit à un futur mari inconnu. Le personnage a ensuite été beaucoup plus développé que je ne l'attendais. Sur la base de la représentation de ce soir, j'ai un peu envie de dire que c'est elle, le premier rôle ! De son côté, Karl Paquette a semblé être un très bon partenaire aussi bien pour l'une et que pour l'autre des deux héroïnes.
D'autres satisfactions sont venues des autres danseurs, comme Vincent Chaillet (Mozdock), très convaincant dans le premier acte (danses caucasiennes).
Les costumes de Christian Lacroix sont superbes. Le palanquin décapotable de Nouredda est très joli aussi. Le décor déplaira sans doute à ceux qui ne jurent que par le style tradi. J'ai eu quelques doutes au début, mais j'ai fini par l'apprécier, ce décor, tout comme les lumières, aussi austères qu'elles puissent paraître. Parmi les petits défauts ou choses qui m'ont échappées, je n'ai pas très bien compris comment Nouredda se retrouvait inanimée au début du dernier tableau. Aussi, il y avait peut-être un certain manque de lisibilité dans la promesse faite par Naïla à la fin du premier acte d'aider Djémil à gagner l'amour de Nouredda, et sur le rôle du talisman. Cela dit, le chorégraphe avait prévenu qu'il y aurait peu de pantomime...
Après les déceptions que furent pour moi L'Anatomie de la sensation et Psyché, La Source me semble une grande réussite. Dix-huit représentations sont prévues jusqu'au 12 novembre...
Ailleurs : Blog à petits pas, Musica Sola.
2011-10-22 01:58+0200 (Orsay) — Culture — Musique — Opéra
Athénée Théâtre Louis-Jouvet — 2011-10-21
Murial Ferraro, Egisto
Charlotte Plasse, Alvida, Virtu
Anouschka Lara, Eurilla, Volutta
Dagmar Saskova, Moschino, Une Nymphe
Blandine Folio Peres, Rosilda, Silvia, Ozio
Christine Tocci, Lucinda, Une Nymphe
Lucile Richardot, Dorillo, Une Nymphe
Matthieu Chapuis, Zanni
David Witczak, Coviello
Marc Valéro, Narnese, Un berger
Jan Jeroen Bredewold, Silvano
Jérôme Correas, direction musicale
Jean-Denis Monory, mise en scène
Lorenzo Charoy, collaboration artistique
Françoise Denieau, chorégraphie
Gilles Poirier, assistant chorégraphie
Adeline Caron, scénographie et décors
Olivier Oudiou, lumières
Chantal Rousseau, costumes
Mathilde Benmoussa, maquillages et coiffures
Julies Coffinières, masques
Corinne Paccioni, assistante mise en scène
Les Paladins
L'Egisto, Marco Marazzoli et Virgilio Mazzocchi
Bilan très mitigé pour cet Egisto de Marco Marazzoli et Virgilio Mazzocchi présenté à l'Athénée environ trois siècles et demi après sa création à Rome. En 1646, ce fut paraît-il le premier opéra joué en entier au Royaume de France. La partition n'a été retrouvée que très récemment par Barbara Nestola.
La musique a commencé par me plaire. Du côté de la voix, il y a très peu
de numéros qui pourraient s'appeler airs
. Ainsi, on ne trouve pour
ainsi dire pas de répétitions de paroles (tant mieux !). La frontière est
ténue entre la façon de chanter comme dans les airs
, celle propre
aux récitatifs et les passages un peu plus parlés. Bref, en gros, entre les
intermèdès musicaux, c'est un long récitatif chanté qui, sans trop dévier,
se déplace parfois, brièvement, vers une sorte d'air ou vers une sorte de
dialogue.
Musicalement, donc, cela me plaisait franchement jusqu'à l'arrivée des
personnages bouffons, au service du noble désargenté Egisto (qui n'a rien à
voir avec l'Égisthe de
la mythologie Grecque). Le livret est certes comique, mais tout semble
terriblement surjoué. Cela donne un mélange entre Funès, Mr. Bean et
Danyboon. Cette façon de jouer la comédie m'a semblé très déplaisante, tout
particulièrement après l'entr'acte avec l'intermède de la Foire de
Farfa
précédant le troisième acte.
Le décor est pour ainsi dire le même que celui de La Flûte enchantée de Peter Brook, les tiges de bambou verticales étant remplacées par de hautes planches. Le problème, c'est que là où Brook les organisait pour suggérer quelque chose, ici, en dehors de la scène où elles représentent vraisemblablement une forêt, elles ne signifient en général rien.
Il faut ajouter à cela des costumes très très tradi', une mise en scène qui souligne le moindre micro-détail du livret touffu, auquel on a visiblement ajouté quelques gags. Les orchestres baroques passent en général beaucoup de temps à se réaccorder. C'est un fait. Ce soir, l'ensemble s'est accordé encore plus souvent que d'ordinaire, puisque l'action principale faisait partie d'une représentation à l'intérieur de la représentation, introduite par le prologue pendant lequel la Vertu choisit le rôle de la veuve Alvida, qui finira par épouser Egisto, lequel retrouvera sa fortune et la sœur Lucinda dont il avait été séparé. Forcément, au début de cette représentation dans la représentation, l'orchestre se réaccorde...
Pour moi, après un bon début, cette représentation a viré au cauchemar. Quel contraste avec le bonheur qu'avait été The Turn of Screw en ce même lieu la semaine dernière.
2011-10-20 01:59+0200 (Orsay) — Culture — Musique — Opéra
Opéra Bastille — 2011-10-19
Roberto Alagna, Faust
Paul Gay, Méphistophélès
Inva Mula, Marguerite
Tassis Christoyannis, Valentin
Angélique Noldus, Siebel
Marie-Ange Todorovitch, Dame Marthe
Alexandre Duhamel, Wagner
Rémy Corrazza, Faust II
Orchestre et Chœur de l'Opéra national de Paris
Alain Altinoglu, direction musicale
Jean-Louis Martinoty, mise en scène
Johan Engels, décors
Yan Tax, costumes
Fabrice Kebbour, lumières
Patrick Marie Aubert, chef du chœur
Faust, Gounod
Au moins, je n'y aurai pas perdu trop d'argent : 15€ pour une place de
deuxième rang de galerie nº5. Je vois les deux tiers de l'orchestre et
presque toute la scène (à condition de me lever de temps en temps). Tout le
monde l'a déjà dit, la mise en scène, les décors et les costumes sont
abominables (je me contenterai de dire que l'entrée en scène du jeune Faust
m'a fait penser à une scène du Rocky Horror Picture Show). L'œuvre
en elle-même présente peu d'intérêt, au-delà du divertissement musical et
des tubes
qu'elle contient. Cela fait bizarre de se sentir comme
étranger à ce monument national qu'est le grand opéra français, alors que
le public manifeste un enthousiasme particulier à l'issue de cette deux
mille six cent soixantième représentation de Faust à l'Opéra de
Paris.
L'histoire n'est sans me rappeler celle de Yayati qui est racontée dans le Mahābhārata : pour continuer à jouir de ses plaisirs, Yayati demande à un de ses fils de lui prêter sa jeunesse.
J'ai apprécié les moments purements orchestraux (assez variés). Du côté de la distribution, l'ensemble est très bon. Je l'avais déjà entr'entendu dans d'autres rôles, mais ce soir, Paul Gay (Méphistophélès) a été pour moi une très belle découverte. Il passe même à l'applaudimètre devant Roberto Alagna (Faust). Superbes Angélique Noldus (Siebel) et Tassis Christoyannis (Valentin). D'Inva Mula (Marguerite), la chouchou du directeur de l'Opéra Nicolas Joel, j'avais préféré les prestations dans les rôles d'Antonia ou de Mimi.
2011-10-15 02:22+0200 (Orsay) — Culture — Musique — Opéra
Athénée Théâtre Louis-Jouvet — 2011-10-14
David Curry, Le narrateur et Peter Quint
Chantal Santon Jeffery, La gouvernante
Rachel Calloway, Mrs Grose, l'intendante
Liisa Viinanen, Miss Jessel, l'ancienne gouvernante
Matthieu Haering, Miles, le garçon
Agathe Becquart, Flora, la jeune fille
Jean-Luc Tingaud, direction musicale
Olivier Bénézech, mise en scène
Alain Lagarde, scénographie
Xavier Lauwers, lumières
Frédéric Olivier, costumes
Élisabeth Delesalle, maquillages
Sébastien Fèvre, assistant mise en scène
Élisabeth Brusselle, chef de chant
Orchestre-Atelier Ostinato
The Turn of Screw, Britten
Ce fut pour moi une fascinante soirée d'opéra au Théâtre de l'Athénée Louis-Jouvet avec Le Tour d'écrou de Britten. Quelques minutes avant le début de la représentation, un rideau de scène a été baissé puis immédiatement remonté, sans raison, laissant à penser que le Théâtre était hanté...
Après un prologue, de nombreuses scènes se suivent, espacées par des interludes orchestraux. La musique est jouée par l'Orchestre-Atelier Ostinato (que j'avais déjà entendu dans Orphée et Eurydice). L'effectif des musiciens est réduit (13, m'a-t-il semblé), mais l'orchestration est aux petits oignons. Certaines combinaisons d'instruments sont étonnantes ! (Ah, ces voix accompagnées par les timbales !)
Tout concourt à créer une atmosphère mystérieusement oppressante autour du huis-clos de la situation représentée dans cet opéra. Une jeune femme est embauchée comme gouvernante auprès de deux enfants (un garçon et une fille) sur qui ne veille alors que Mrs Grose, l'intendante. Avant, il y avait Mr Quint (responsable du domaine) et Miss Jessel (l'ancienne gouvernante), mais ils sont morts. La nouvelle gouvernante est laissée à elle-même, elle doit gérer la situation quoiqu'il arrive, l'oncle qui l'a embauchée ne voulant en aucun cas être dérangé. Très vite, elle remarque des présences qui troublent aussi les enfants. Ce sont les fantômes de Mr Quint et Miss Jessel. Avant de mourir, leur conduite avait été loin d'être exemplaire...
Les voix ne sont pas du tout sollicitées de la même manière que dans les autres opéras que je connais. Les paroles chantées comportent beaucoup de récits. Parfois, ils s'adressent à un autre personnage. Parfois, ils commentent la situation, s'adressent au personnage lui-même ou informent le spectateur. Les personnages des enfants sont interprétés par de jeunes chanteurs du Chœur maîtrisien du Conservatoire de Wasquehal. Ils ont tous les deux été formidables. Leurs voix forment un charmant mini-chœur au début, comme quand ils récitent leur leçon de latin. Plus loin, les rôles se différenciant, les deux voix prendront chacune son autonomie. Dans le rôle du garçon, j'ai particulièrement aimé la façon de faire s'évanouir le son de certaines syllabes finales en decrescendo. La voix de Rachel Calloway (Mrs Grose) convient parfaitement au rôle. J'ai aussi aimé celles des fantômes, et tout particulièrement celle de David Curry (Quint) dont les vocalises et appels au petit Miles hanteront le théâtre. Le rôle apparemment le plus exigeant est celui de la gouvernante, et Chantal Santon Jeffery m'y a fait une forte impression.
La mise en scène et la scénographie sont relativement simples. On entre et on sort. On fait descendre les lits des enfants depuis les cintres avant que leurs occupants s'y installent. On utilise l'imperméable de la gouvernante et une poupée pour construire une scène au bord de quelque lac. Le décor reste sombre. À cette sobriété s'ajoute un remarquable travail de direction d'acteurs et des lumières bien pensées et réalisées. L'émotion ne vient pas vraiment de prouesses vocales, plutôt des situations et des contrastes qui se créent entre les unes et les autres.
Je n'aurai malheureusement pas beaucoup d'occasions de retourner dans ce théâtre au cours de l'année. D'ailleurs, pour une raison d'agenda, je revends 15€ une place payée 18.40€ (23€ moins 20% de réduction abonné) pour L'histoire du soldat de Stravinski le samedi 16 juin 2012 à 20h. Le billet est au balcon, deuxième rang de face, en bout de rang, ce qui permet de ne pas trop être à l'étroit tout en ayant une bonne vue sur la scène ; la fosse d'orchestre n'est que partiellement visible.
Ailleurs : Zvezdo.
2011-10-14 11:34+0200 (Orsay) — Culture — Musique
Salle Pleyel — 2011-10-13
Leonidas Kavakos, violon
Roland Daugareil, violon solo
Orchestre de Paris
Paavo Järvi, direction
Symphonie nº11 (Eduard Tubin)
Concerto pour violon en ré majeur, op. 35 (Tchaikovski)
Sarabande, Bach
Symphonie en mi majeur (Hans Rott)
Du mouvement de la symphonie nº11 de Tubin, il ne me reste pas grand'chose. Ensuite, j'ai eu l'impression de (re)découvrir un nouvel instrument, le violon, dans le concerto de Tchaikovski interprété par Leonidas Kavakos. Je ne l'ai pourtant vu pratiquement que de dos puisque j'étais à l'arrière-scène, mais pendant les moments où son instrument restait silencieux, il se retournait vers l'orchestre et donc vers moi. Mêmes les notes suraiguës paraissent belles jouées par ce violoniste qui a également offert un magnifique bis (Bach ?). Une petite frayeur quand à la fin de sa première intervention dans le concerto le violoniste a fait un petit geste brusque vers l'arrière. Un déséquilibre plus grand eût pu être fatal à son Stradivarius. J'ai aimé la façon dont le musicien a joué sans la main gauche pour une petite corde à vide dans le concerto.
Après l'entr'acte, la symphonie en mi majeur de Hans Rott a été pour moi comme une franche rigolade. Cela dit, les premières minutes m'ont paru très belles, l'orchestration faisant souvent penser à Wagner (beaucoup de cuivres, trémolos des cordes, etc.). Et puis, j'ai compris pourquoi cette symphonie est... incroyable. C'est en fait un pot-pourri de diverses ambiances sans lien apparent, dans le genre du premier mouvement de la Cantate des paysans Mer hahn en neue Oberkeet de Bach, BWV 212, mais sans la même ironie. Le compositeur a aussi tendance à étirer le matériau musical. Je ressens ceci notamment pendant la fin très apaisée du deuxième mouvement. Il s'en fallut de peu que je ne gloussasse au début des mouvements suivants. Au troisième, on trouve des danses à trois temps. Au quatrième, ce seront des notes très espacées jouées sauf erreur par la clarinette. Les trilles des flûtes un peu plus loin seront le pompon qui me fera définitivement perdre tout sérieux. Prise isolément, chaque ambiance orchestrale était très belle, mais le passage du coq à l'âne m'empêche de l'apprécier comme une œuvre intéressante et originale (puisqu'elle précède dans le temps le travail de Mahler). Je savais l'œuvre longue (une heure), pourtant je n'ai pas trouvé d'excessives longueurs dans les trois premiers mouvements. Elles sont arrivées dans le quatrième mouvement qui est un long développement qui est le morceau de musique le plus atteint du syndrome de l'hydravion que j'aie eu l'occasion d'entendre. Pendant environ une demi-heure, on cherche à faire amerrir l'hydravion. Les tentatives sont multiples. Le temps mauvais engendre de nombreuses tergiversations. Finalement, après tous les efforts demandés à l'orchestre, une accalmie et un petit arc-en-ciel permet à l'engin de grimper au Walhalla et à la symphonie de s'achever tout comme se termine Das Rheingold (en particulier, même genre de motif des timbales). Quelle énergie tout cela a dû demander aux musiciens pour la mise en place. Indiscutablement, ça valait le déplacement !
2011-10-10 01:17+0200 (Orsay) — Culture — Musique — Opéra
Cité de la musique — 2011-10-07 — 2011-10-09
Ivan Ludlow, Wotan, Wanderer
Fabrice Dalis, Loge, Mime
Nora Petročenko, Fricka, Helmwige
Donatienne Michel-Dansac, Freia, Gutrune
Alexander Knop, Donner, Gunther
Lionel Peintre, Alberich
Johannes Schmidt, Fafner, Hagen
Martin Blasius, Fasolt, Hunding
Mélody Louledjian, Woglinde, Gerhilde, Waldvogel
Jihye Son, Wellgunde, Sieglinde
Louise Callinan, Flosshilde, Erda, Waltraute
Marc Haffner, Siegmund
Cécile De Boever, Brünnhilde
Jeff Martin, Siegfried
Peter Rundel, direction musicale
Antoine Gindt, mise en scène
Remix Ensemble Casa da Música
Élodie Brémaud, collaboration à la mise en scène
Janick Moisan, assistanat à la mise en scène
Aleksi Barrière, Laurent Prost, dramaturgie, traduction, surtitres
Élise Capdenat, assistée de Piia de Compiègne, scénographie
Daniel Levy, lumière
Tomek Jarolim, création numérique
Fanny Brouste, assistée de Peggy Sturm, costumes
Véronique Nguyen, assistée d'Alexandre Bacquet, maquillage et coiffure
Martin Gautron, accessoires
Léo Warynski, conseiller musical et assistant du directeur musical
Fabrice Goubin, copie, corrections et adaptation
Nicolas Chesneau, Christophe Manien, Nicolas Fehrenbach, pianistes répétiteurs
Ring Saga : Das Rheingold, Die Walküre, Siegfried, Götterdämmerung, Wagner (version de Jonathan Dove et Graham Vick, 1990)
Outre les conférences de la Citéscopie “La Tétralogie de Wagner”, j'ai assisté entre vendredi et dimanche à une représentation des quatre opéras dans une version contractée et réduite pour 19 musiciens et 14 chanteurs. J'en sors globalement content, peut-être parce que contrairement à d'autres, je n'avais pas formé de trop hautes espérances. Peut-être aussi parce que j'ai préféré voir les verres à moitié pleins qu'à moitié vides. N'allant voir des opéras que depuis environ huit ans, il faut dire aussi que ce n'est que mon deuxième Ring après celui de l'Opéra Bastille de 2010 et de 2011, très décevant du point de vue scénique (mais fort appréciable musicalement parlant).
La mise en scène n'est pas désagréable à regarder. Les chanteurs jouent raisonnablement bien la comédie. Il n'y a ni trop de chahut ni trop de sur-place. Un placement au septième rang (donc au dernier rang du parterre de la Salle des Concerts dans cette configuration) me permet d'apprécier le jeu et l'expression faciale des uns et des autres, un plaisir qui me demande d'ordinaire de sortir mes jumelles. La scénographie est basée sur l'utilisation d'un plan légèrement incliné percé d'une ouverture transversale (au centre de la scène). Pour passer de gauche à droite et réciproquement, les chanteurs doivent enjamber le fossé. J'espère qu'aucun accident ne sera à déplorer lors les prochaines représentations. Les costumes et accessoires renvoient volontiers aux bandes dessinées de superhéros (notamment pour le costume des Géants). Dans l'ensemble, c'est assez lisible. Cependant, je ne comprends pas pourquoi on a inutilement rendu obscures certaines scènes. Ainsi, plusieurs combats de Siegfried se font à mains nues plutôt qu'avec l'épée. Dans la scène de l'enlèvement dans Le Crépuscule des dieux, Brünnhilde et Siegfried sont assis l'un et l'autre sur des sortes de sièges de bar placés de part et d'autre de l'espace scénique. Dans la scène finale, si on utilise de façon très jolie visuellement un grand drap animé de mouvements pour représenter les flots du Rhin est très esthétique (procédé similaire pour la représentation du géant Fafner dans Siegfried), la tentative ratée de s'emparer de l'anneau par Hagen et sa noyade dans le Rhin sont tout-à-fait illisibles. L'ambiance de chaque scène est rehaussée par l'utilisation d'un grand écran en fond de scène. Pendant l'essentiel du Ring Saga, cela m'a semblé complètement inutile. Cela ne trouve véritablement son utilité que lors de la Marche funèbre en l'honneur de Siegfried pendant laquelle des images tirées de tout ce qui précède sont passées en flashback.
Du côté de l'orchestre (qui d'après plusieurs comptages de spectateurs indépendants, moi y compris, comptait 19 musiciens et non 18 comme on le lit çà et là), il y a de quoi être charmé par les cuivres et les vents. La réduction qui tient la route du côté des cuivres (3 cors au lieu de 8 dans le prélude de l'Or du Rhin) passe moins bien chez les violons (1+1=2 au lieu de 16+16=32). Après avoir passé les trois premiers opéras en ne voyant que la tête du chef, j'ai pu voir l'orchestre lors de la dernière journée, ce qui m'a permis d'avoir un peu plus de bienveillance pour ces musiciens transformés en solistes dont chaque microcouac s'entend. Si la texture orchestrale n'est pas nouvelle dans les passages utilisant surtout les cuivres, les vents et les instruments à cordes les plus graves (violoncelles, contrebasse), il n'en va donc pas de même avec les autres (violons, alto). Le son des cordes devient plus rèche. Cependant, pour certains passages, les sonorités m'ont semblées tout-à-fait plaisantes. Ainsi furent les frémissements des cordes autour de l'apparition de l'Oiseau dans Siegfried. Dans le Salut au monde, cela aurait aussi été le cas si la harpe n'avait émis dans l'ensemble des représentations et cette séquence en particulier des sons particulièrement disgracieux. Je ne sais pas si c'est un problème de sonorisation de la harpe, mais j'avais l'impression que la harpiste devait en permanence forcer pour faire entendre son instrument, dont le son manquait donc beaucoup de délicatesse.
Il faut bien aussi parler des coupes. Si on est reconnaissant aux concepteurs de permettre au public de voir l'ensemble du Ring sur un week-end et qu'il n'est pas déraisonnable de passer sous silence certaines scènes (comme celle des Nornes dans le Prologue du Crépuscule des dieux qui raconte une histoire en dehors du temps principal de l'action, même si on ne peut pas forcément ne retenir d'une épopée que son action principale), certaines coupes engendrent des frustrations. Une d'entre elles est la coupe de certains passages dans la scène lors de laquelle Siegfried reforge Notung. Ainsi disparut le sympathique motif de la Fonte de l'acier qui procède du contraste entre les notes détachées de la deuxième mesure et les notes liées ensuite, comme soudées :
Ceci est bien sûr très anecdotique. Beaucoup moins le sont les coupes intervenues dans le Crépuscule des Dieux. Le plus frustant est la coupe de tout le très beau passage où avant d'être transpercé la lance de Hagen, Siegfried raconte sa vie et ses exploits à ceux qui sont encore ses compagnons de chasse. Ceci permet normalement de réentendre de nombreux motifs et d'apprécier de délicieux moments comme lorsque Siegfried reprend les phrases musicales de l'oiseau... Il ne reste plus que l'évocation de Brünnhilde (rappel du Salut au monde).
Avant cette scène, la rencontre entre Siegfried et les Filles du Rhin avait aussi été considérablement réduite (ce qui n'est pas forcément un mal). Juste après, on entend la Marche funèbre qui, sacrilège, est raccourcie. Heureusement, les cinq dernières minutes de l'ouvrage n'ont pas subi pareil triturage.
Si la mise en scène, l'orchestre et les coupes m'ont causé quelques contrariétés, je suis globalement plutôt content d'avoir assisté à ces représentations. En effet, une grande satisfaction est venue des chanteurs. Comme on peut le voir ci-dessus dans la distribution, certains chanteurs ont assurés deux voire trois rôles différents dans un ou plusieurs des opéras de ce Ring Saga.
Il est intéressant de voir comment une impression sur un chanteur peut évoluer d'un jour sur l'autre. Ainsi, pendant Das Rheingold, entre les deux géants Fasolt et Fafner interprétés respectivement par Martin Blasius et Johannes Schmidt, j'avais une nette préférence pour le premier. Quand il jouèrent séparément les rôles de Hunding, Fafner ou Hagen, je les ai trouvé tous les deux également convaincants. Dans l'ensemble de la distribution, mon coup de cœur va à Ivan Ludlow (Wotan) dont les récits étaient passionnants. La Fricka de Nora Petročenko était merveilleuse aussi, tout comme la Sieglinde de Jihye Son. Sans Cécile De Boever qui a été une formidable Brünnhilde tout du long des trois journées, la représentation du Crépuscule des Dieux eut perdu beaucoup de son intérêt. Dans une des scènes de Die Walküre, elle chantait comme si elle pleurait en même temps. L'effet était saisissant.
Certains chanteurs ont eu souvent du mal à passer l'orchestre. Le problème s'est surtout posé dans les scènes tirées des premier et troisième actes de Siegfried, et marginalement avec certains interprètes dans Götterdämmerung. Ceci a fait que l'opéra qui m'a semblé le mieux réussi et m'a procuré le plus d'émotions a été Die Walküre.
Les représentations de Strasbourg d'il y a une semaine ont été filmées. Elles peuvent être visionnées sur ArteLiveWeb.
Ailleurs : Musica Sola, Paris-Broadway, Palpatine, Bladsurb, Klariscope.
2011-10-10 01:07+0200 (Orsay) — Culture — Musique — Opéra
Après Tannhäuser jeudi, j'ai enchaîné de vendredi soir à dimanche soir les quatre opéras de la tétralogie du Ring (cf. entrée suivante). Les matinées de samedi et dimanche étaient par ailleurs occupées par des conférences musicologiques dans le cadre de la Citéscopie proposée en marge de ces concerts à la Cité de la Musique.
Les conférences étaient pour la plupart intéressantes. En voici un très succint résumé. Hélène Cao a discuté samedi des sources littéraires pour le Ring (principalement, l'Edda et les Nibelungen). On a ainsi entendu par exemple un enregistrement vocal avec une musique reconstruite de quelques strophes de l'Edda racontant la rencontre entre Sigurðr et Brynhildr dont le texte ressemblait très fortement à celui du Salut au Monde lors de la rencontre entre Siegfried et Brünnhilde dans Siegfried. Le dimanche, elle a parlé sur le thème Les sons et les sens du Ring. Il fut question bien sûr des motifs. Il aurait sans doute été préférable que cette conférence eût lieu samedi matin de façon à ce que ceci puisse servir de préparation à l'écoute des trois journées du Ring (à défaut du prologue). Il n'était pas question de faire un inventaire exhaustif des motifs, seulement d'expliquer certains mécanismes : motifs construits à partir de celui du Rhin, exemples de transformations de motifs, différents aspects harmoniques, mélodiques, rythmiques. Vu que j'avais déjà fait le travail de mémorisation des motifs, c'est surtout sur l'aspect harmonique des choses que cette conférence a commencé à m'ouvrir un peu les yeux .
Dimanche matin avait lieu une conférence de Philippe Godefroid Mettre
en scène le Ring aujourd'hui ?
. Si l'antisémitisme est une propriété
avérée de Wagner, je ne pense pas qu'il était nécessaire d'y consacrer plus
de la moitié de la durée de la conférence, qui s'est terminée par la
projection de plusieurs films issus de différents productions pour une même
scène de Siegfried : celle où le héros joue du marteau pour forger
l'épée Notung. Cela n'a guère permis que de visualiser différentes
conceptions esthétiques pour le décor et les costumes, puisque dans à peu
près tous les cas, Siegfried interprétait le Chant des soufflets
tout en tapant en rythme avec le marteau, Mime étant en train de préparer
une tambouille empoisonnée dans son coin. Forcément, si la partition
contraint ainsi les mouvements de Siegfried, le metteur en scène ne peut
pas faire grand'chose d'original, le seul cas intéressant montré étant
celui de Chéreau (Bayreuth 1976) où le marteau est hors-scène et le métal
passé dans une machine.
L'autre conférence du samedi, d'Emmanuel Reibel, était centrée sur la
dramaturgie. Elle était en trois parties : Traces du Märchenoper
et du Romantische Oper, le modèle du grand opéra français, et
approfondissement et parachèvement d'une dramaturgie narrative. Pour le
premier, de l'exemple de la Flûte enchantée, on peut remarquer une
similitude entre les Trois dames et les trois Filles du Rhin. Pour le côté
féérique, on remarque dans Siegfried la présence de l'Oiseau
(Waldvogel). La différence, c'est que chez Wagner, ces éléments ne sont pas
décoratifs, mais font avancer l'histoire. Du grand opéra français, Wagner a
gardé l'organisation en tableaux plutôt qu'en numéros musicaux (airs, duos,
etc). Il a aussi gardé les scènes où c'est la parole qui fait l'action
(paroles performatives) comme dans les serments. Dans la troisième partie,
il a expliqué que le livret wagnérien contenait beaucoup de récits (un
personnage raconte ce qu'il a fait). Entendre Die Walküre peu
après cette conférence était particulièrement saisissant puisque dans le
premier acte, Siegmund, Hunding et Sieglinde raconteront chacun leur
histoire. C'est aussi le procédé épique de la narration à l'intérieur de la
narration d'une histoire. L'orchestre joue un rôle de contrepoint
sémantique du texte
(l'orchestre peut ainsi faire allusion à un
personnage qui n'est pas sur scène). La conclusion était une triple
quasi-disparition, des chœurs (remplacés par l'orchestre), des ensembles
vocaux et du final d'acte (gratuitement spectaculaire : l'effet sans
cause
).
Dimanche en début d'après-midi avait lieu une table-ronde présentée par Timothée Picard à propos de l'ouvrage dont il a dirigé l'édition : Dictionnaire encyclopédique Wagner (Actes Sud/Cité de la musique). Il est intervenu avec deux de ses auteurs : Hélène Cao et Jean-François Candoni. Cela donnait bien sûr très envie, m'enfin, c'est quand même 79€ le pavé de 2469 pages.
2011-10-07 01:44+0200 (Orsay) — Culture — Musique — Opéra
Opéra Bastille — 2011-10-06
Christof Fischesser, Hermann
Christopher Ventris, Tannhäuser
Stéphane Degout, Wolfram von Eschenbach
Stanislas de Barbeyrac, Walther von der Vogelweide
Tomasz Konieczny, Biterolf
Eric Huchet, Heinrich der Schreiber
Wojtek Smilek, Reinmar von Zweter
Nina Stemme, Elisabeth
Sophie Koch, Venus
Sophie Claisse, Anne-Sophie Ducret, Virginia Levia, Xenia D'Ambrosio, Vier Edelknaben
Alix Le Saux/Laure Muller, Ein junger Hirt
Sir Mark Elder, direction musicale
Robert Carsen, mise en scène
Paul Steinberg, décors
Constance Hoffman, costumes
Robert Carsen, Peter Van Praet, lumières
Philippe Giraudeau, chorégraphie
Patrick Marie Aubert, chef du chœur
Orchestre et Chœur de l'Opéra national de Paris
Maîtrise des Hauts-de-Seine, Chœur d'enfants de l'Opéra national de Paris
Tannhäuser, Wagner
Ce soir avait lieu la première de Tannhäuser à l'Opéra Bastille. L'opéra est très-accessible. Il est très facile de s'y retrouver dans les motifs (peu nombreux) et dont le sens est évident (pas comme dans le Ring...).
L'opéra présente l'histoire de Heinrich Tannhäuser qui passe le premier acte auprès de Vénus dans le Venusberg. Cela fait de lui un très mauvais chrétien et il a l'audace de défendre sa vision sensuelle de l'amour au deuxième acte au cours d'un concours dont le lot au vainqueur est Elisabeth. Avant lui, Wolfram en aura défendu une plus chaste image. Tannhäuser est puni. Qu'il fasse le pélerinage à Rome afin d'obtenir l'absolution. Au troisième acte, Elisabeth se languit de lui et, ne voyant pas Tannhäuser rentrer avec les autres pélerins, elle entreprend son dernier voyage. Tannhäuser arrive finalement, mais sans avoir obtenu l'absolution. Il cherche à retrouver Vénus qui vient le tenter à nouveau, mais à la mention du nom d'Elisabeth, il recueille en mourant les mérites du sacrifice d'Elisabeth.
La mise en scène de Robert Carsen est superbe. Au lieu de représenter des chanteurs, elle fait de Tannhäuser, de Wolfram et des autres des peintres. Dans le premier acte, il peint avidement un modèle ayant la tenue traditionnellement attribuée à Vénus. (Il est accompagné dans ses mouvements par un ballet de danseurs sur la musique de la Bacchanale du Venusberg, la version de l'opéra jouée étant celle de Paris, 1861, mais en allemand !) Le deuxième acte se passe dans un musée. Le concours est un vernissage dans lequel on acclame le talent de Wolfram et on dénonce le style de Tannhäuser. Il a pu paraître surprenant que les lumières de la salle ne fussent pas éteintes lors du début de cet acte. Peut-être l'intention du metteur en scène est-elle de donner au public l'opportunité de se mieux mirer comme dans un miroir tant l'aspect mondain costumes, légions d'honneur, petits-fours qui transpirait sur scène peut parfois ressembler au public de l'Opéra (surtout un soir de première). Le refus de la peinture de Tannhäuser trouvera un écho en les ridicules huées qui accompagnèrent les saluts du metteur en scène. Vers la fin de la représentation, je me disais que l'on avait réussi à nous immerger dans l'univers de la peinture sons nous montrer le moindre tableau...
Cette transposition se fait au prix d'une parfois peu honnête traduction
du livret apparaissant en surtitrage, les références au chant étant
remplacées par un mot plus général : Art
.
Du point de vue musical, cela m'a semblé superbe. Le chœur de l'Opéra
était dans un grand jour. C'est qu'il y a plus de chœurs dans cet opéra que
dans tous les autres opéras de Wagner entendus par moi réunis. Les
chanteurs des quatre rôles principaux m'ont tous fait au minimum une très
bonne impression. Ayant eu un petit coup de barre pendant le premier acte,
j'ai été dans l'incapacité de complètement apprécier Sophie Koch (Venus).
Nina Stemme (Elisabeth) faisait ses débuts à l'Opéra. Elle a reçu un
accueil très chaleureux du public. Christopher Ventris a été vaillant du
début à la fin dans le rôle de Tannhäuser. La plus grande satisfaction est
venue pour moi de Stéphane Degout que j'ai trouvé phénoménal dans le rôle
de Wolfram, autant dans son chant du concours
que dans la
Romance de l'Étoile après l'adieu à Elisabeth.
C'était la première étape d'un marathon wagnérien qui va se poursuivre ce week-end avec un Mini-Ring à la Cité de la musique.
2011-10-05 23:59+0200 (Orsay) — Culture — Musique
Amphithéâtre de l'Opéra Bastille — 2011-10-05
Juliane Banse, soprano
Martin Helmchen, piano
Lieder sur des poèmes d'Eduard Mörike : Begegnung, Nimmersatte Liebe, Lied vom Winde, Nixe Binsefuss, Im Frühling, Er ist's (Hugo Wolf)
Lied sur un poème de Johann Mayrhofer : Geheimnis (Schubert)
Lieder des poèmes de Johann Wolfgang von Goethe : An Mignon, Mignons Gesang “Kennst du das Land”, Mignon I-II-III “Heiß mich nich reden”, “So laßt mich scheinen”, “Nur wer die Sehnsucht kennt” (Schubert)
Lieder des poèmes de Johann Gabriel Seidl (Sehnsucht), Karl Gottlieb Lappe (Der Einsame), Goethe (Der König in Thule, Auf dem See), Johann Gabriel Seidl (Bei dir allein), Schubert
Lieder des poèmes de Johann Wolfgang von Goethe : Heiß mich nich reden, Nur wer die Sehnsucht kennt, So laßt mich scheinen, Kennst du das Land (Hugo Wolf)
Der Schäfer (Hugo Wolf)
Der Musensohn (Schubert)
C'était ce soir une des premières soirées Convergences
à
l'amphithéâtre Bastille, en tout cas la première de la saison pour moi.
Cette programmation est l'œuvre du directeur de la dramaturgie, Christophe
Ghristi, qui donne de sa personne en annonçant avant le concert qu'il est
interdit de prendre des photographies et en donnant en fin de concert le
bouquet de fleurs à la chanteuse Juliane Banse (et rien du tout au pianiste
Martin Helmchen).
Contrairement aux années précédentes, ces concerts à l'amphithéâtre ne sont pas particulièrement conçus pour faire écho aux spectacles programmés dans les deux grandes salles de la maison. La programmation est plutôt alléchante. Je pense que j'essaierai d'y retourner au moins pour le récital de Sophie Karthäuser, la reconstitution du premier tableau de l'acte III des Maîtres Chanteurs de Nuremberg (Wagner) telle qu'il fut représenté à l'Opéra Garnier en 1897 (donc en français) et aussi pour deux opéras inachevés de Debussy d'après Poe. (Pas suffisant pour considérer cette série de plus de dix concerts en mode glouton, Pass Convergences, pour 80€ je prends tout.)
J'ai rarement eu l'occasion d'entendre des Lieder dans une salle de spectacle de taille modérée comme l'est l'amphithéâtre. Les conditions d'écoute eussent été idéales si, l'été finissant pour de bon, les tousseurs parmi lesquels figuraient quelques spécimens de compétition n'avaient produit de trop nombreux bruits parasites et même complètement pourri un des Lieder, pourtant sublime, Im Frühling dans le premier cycle.
Il est difficile de rendre compte des impressions qui se forment au cours d'une telle soirée puisque plus d'une vingtaine de Lieder se succéderont, et pour la plupart, je les entendais pour la première fois, sans en être toujours tout-à-fait sûr, puisque chez Schubert au moins j'avais parfois le sentiment d'entendre quelque chose de connu, si ce n'est quelque mélodie, comme dans Geheimnis, au moins la façon du compositeur.
Ce qui m'a frappé immédiatement lors de ce concert, c'est la grande qualité de l'accompagnateur de Juliane Banse : Martin Helmchen. Les premiers Lieder de Hugo Wolf lui donnent l'occasion de créer des atmosphères musicales toutes différentes (comme dans Im Frühling et Er ist's qui évoquent tous les deux le printemps, mais de bien différentes manières). Cela doit être la première fois aussi que je vois un pianiste utiliser d'autres pédales que celle de droite.
Parmi mes moments préférés du concert, l'interprétation du Chant de
Mignon Kennst du das Land? dont chaque strophe se finit par un
très appuyé Dahin! Dahin
suivi d'un effervescent refrain (Möcht
ich mit dit, o mein Geliebter, ziehn
au premier passage ; il est altéré
dans les strophes suivantes). J'ai tout particulièrement aimé aussi Der
Einsame (Schubert), autour pour le chant que pour la partie de
piano.
Le programme a également permis de faire entendre les mêmes poèmes de Goethe sur Mignon mis en musique par Schubert et Wolf. Dans le cycle de Wolf, mon préféré a été Nur wer die Sehnsucht kennt. J'ai apprécié aussi Kennst du das Land? dont le refrain demande de la chanteuse d'utiliser une technique plus lyrique.
Après ce programme, la chanteuse a interprété deux très beaux bis, Der Schäfer (Wolf) et Der Musensohn (Schubert).
2011-10-02 02:13+0200 (Orsay) — Culture — Musique — Culture indienne
Cité de la musique — 2011-10-01
Nuit soufie
Ensemble Syubbanul Akhyar (Jakarta, Java, Indonésie)
Yasin Nanang Kurnia, chant
Sakiran Fuad Hasym, hajir
Zainie Ahmad Ihfadz, dumbuk
Tohir Zulkarnain, oud
Mutaqin Engkin Zainal, flûte suling
Firmansyah Heru, hajir
Muhammad Yusup Chaerul, kamanga
Abdul Wahid Muhammad Yusuf, marawis
Chant et musique hajir marawis
Les fakirs de Gorbhanga (Bengale, Inde)
Armaan Fakir, chant, dotara et jhuri
Golam Fakir, chant et dotara
Babu Fakir, chant, harmonium et dotara
Akkas Fakir, chant et duggi
Gopen Debnath, dhol et khol
Chants de l'Homme libre — Poésie mystique et bangla qawwali
Marouane Hajji et l'Ensemble Akhawan El Fane (Fès, Maroc)
Marouane Hajji, chant
Taïeb Ouezzani Chahdi, oud
Hamza Amri Mohammed, kaamnga
Hassan El Khouni, daff
Mohammed Meknassi, nay
Younes Chraaïbi, chœur
Othmane El Ajjani, chœur
Mohammed Adli Hajii, danse
Tarik Saloui, danse
Chants de la confrérie Skallia de Fès
Ce samedi, je me suis rendu pour la première fois de la saison à la Cité
de la musique afin d'assister au concert Nuit soufie
. En réservant
ma place d'abonnement, j'ignorais à quelle heure cela se terminerait. Cela
m'avait d'ailleurs fait hésiter (je veux bien d'une nuit qui se termine
vers l'heure du premier RER, mais pas au milieu de la nuit...). Finalement,
la fin était programmée à 23h30, mais en fait le concert s'est terminé une
demi-heure plus tôt que prévu.
C'est un ensemble indonésien qui a commencé la soirée. Un chanteur est à l'avant de la scène, il est entouré par sept musiciens tous habillés couleur fuchsia. Parmi les instruments, on trouve notamment une flûte, un oud et un violon électrique. C'est résolument agréable à écouter et il y a même quelques fioritures qui dans le premier morceau joué font dangeureusement tendre le style vers celui des chansons des films de Bollywood des années 1950. Les morceaux suivants seront un peu plus sérieux. Cependant, aussi agréables fussent-ils, leur structure et le texte m'a semblé très répétitive, sans variations. Pendant une des chansons, deux jeunes gens de l'ensemble ont dansé une petite chorégraphie, pas ridicule, mais dont on pourrait difficilement dire qu'elle contribue à l'art de chercher le divin en soi...
Après cinquante petites minutes de chants d'Indonésie, la deuxième partie du programme a été assurée par un ensemble originaire du Bengale indien. J'ai plutôt aimé le premier morceau chanté par le plus âgé des musiciens qui s'accompagnait lui-même au dotara (instrument à cinq cordes, qu'il tenait d'une façon un peu étrange, l'instrument reposant sur le poignet complètement replié de la main gauche). À mon avis, le reste de la prestation a été consternant (notamment du fait d'un des chanteurs qui essayait de détourner l'attention vers sa propre personne, quitte à pourrir le chant de ses camarades). Malgré les encouragements du public en délire, cela n'a heureusement pas duré plus longtemps que l'ensemble précédent.
Après l'entr'acte, l'atmosphère a changé avec l'arrivée d'Akhawan El
Fane, un ensemble marocain de Fès. Tous habillés de blanc, ils accompagnent
le jeune chanteur Marouane Hajji. Des trois parties du concert, c'est
évidemment celle-ci qui a été de la meilleure qualité. Dans chaque morceau,
le temps s'étire et la musique a le temps de se développer, mais ce n'est
jamais répétitif et le chanteur fait des merveilles. La forme est plus
austère que celle des deux ensembles précédents (ce qui n'empêche pas
d'interpréter un chant en l'honneur du vin, typique des mystiques soufis),
mais quel plaisir ce fut pourtant à entendre ! Lorsqu'ils ont quitté la
scène, je me suis dit : Comment ! Déjà !
. (Dans l'ensemble, il y
avait un violoniste. Il utilisait son instrument d'une façon tout-à-fait
originale, ni celle de la musique classique occidentale ni celle de la
musique indienne carnatique. Il était assis, son instrument posé
verticalement sur sa cuisse gauche. Les doigts de la mains gauche étaient
positionnés sur les cordes et la main droite actionnait l'archet dans un
mouvement de va-et-vient horizontal. Pour jouer d'une corde plutôt que
d'une autre, plutôt que de changer la trajectoire de l'archet, c'est le
violon qui tournait autour de son axe vertical...)
2011-09-30 01:46+0200 (Orsay) — Culture — Musique — Danse
Opéra Garnier — 2011-09-29
Koen Kessels, direction musicale
Orchestre national d'Île de France
Ballet de l'Opéra
Georges Auric, musique (1950)
Serge Lifar, action dansée
Jean Cocteau, rideau, décor et costumes
Chorégraphie réglée par Claude Bessy
Marie-Agnès Gillot, Phèdre
Nicolas Le Riche, Thésée
Alice Renavand, Œnone
Karl Paquette, Hippolyte
Myriam Ould-Braham, Aricie
Christine Peltzer, Pasiphaé
Hugo Marchand, Minos
Phèdre
César Franck, musique (1890)
Alexei Ratmansky, chorégraphie
Karen Kilimnik, décors
Adeline André, costumes
Madjid Hakimi, lumières
Chœur de Radio France
Denis Comtet, chef de chœur
Aurélie Dupont, Psyché
Stéphane Bullion, Eros
Amandine Albisson, Vénus
Mélanie Hurel, Géraldine Wiart, Les deux Sœurs
Mallory Gaudion, Daniel Stokes, Simon Valastro, Adrien Couvez, Quatre Zéphirs
Psyché
J'ai été voir trois fois le programme Phèdre/Psyché présenté au Palais Garnier depuis le 22 septembre (et non le 21 comme l'indique encore le site de l'Opéra, cette représentation-gala ayant été annulé en raison d'une grève). Dimanche dernier, j'ai eu une vue de face. Hier, j'étais côté gauche. Ce soir, côté droit. (Cliquer sur les différents liens pour voir les distributions respectives. Celle affichée ci-dessus étant celle de ce soir, le 29 septembre.)
Si aucun des deux ballets ne m'a vraiment enthousiasmé, dans les deux cas, la musique jouée par l'Orchestre national d'Île-de-France m'a semblé d'excellente qualité.
Hier, le chorégraphe Wayne McGregor assistait à la représentation. Ce soir, au centre du premier rang de balcon était assise Claude Bessy. Elle a assisté à la représentation du ballet qu'elle a remonté (Phèdre), mais elle n'a pas reparu après l'entr'acte.
J'étais aujourd'hui dans une première loge de côté. Ayant opté pour la
place nº5 (9€), je suis sans doute le spectateur de la loge qui a le mieux
profité du spectacle. Certes, pour ce type de place, il faut consentir à
rester debout pour voir quelque chose... Au premier rang de la loge, deux
spectatrices ont probablement dû payer 70€ chacune, mais le sans-gêne d'une
spectatrice placée dans la loge voisine a très-certainement pourri leur
soirée. L'attitude de la fautive est davantage digne d'une cour de
récréation que d'une salle de spectacle. On eût dit qu'elle faisait exprès
de se pencher excessivement pour empêcher les spectatrices de la loge
d'à-côté d'y voir (dans le cas général, c'est une raison pour préférer la
place nº1 à la place nº2 pour les loges de côté). La spectatrice du premier
rang de ma loge (rappel : 70€ la place nº2) s'est avisée de lui faire
observer que sa posture n'était pas sans maladresse. Elle l'a même
peut-être effleurée. Plutôt que de lui répondre en chuchotant, la sans-gêne
a gagné son nom en reprenant de plus belle sa position, en allant trouver
une feuille de papier dans son sac pour la plier en deux, la couper par
déchirure (bruits subséquents), y apposer quelques mots et la placer devant
son infortunée voisine. À la fin du spectacle, quand les lumières ont été
rallumées, j'ai pu apercevoir ce message. Je ne pense pas trahir la
propriété intellectuelle de son auteure en le citant intégralement : Je
vous interdit de me toucher. Malpoli ! (sic)
.
Ce n'est que la deuxième fois que j'ai commencé à un peu apprécier ce ballet de Lifar. Les costumes colorés sont extrêmement laids. Moult mouvements chorégraphiques du corps de ballet paraissent ridicules. Heureusement, la musique de Georges Auric qui fait penser à Dutilleux (Le Loup) ou Stravinsky (Le Sacre du printemps) est fort appréciable. Je pense néanmoins qu'elle passerait difficilement l'épreuve d'une exécution en concert.
Phèdre, c'est aussi une question d'interprètes. Avantage à Agnès Letestu par rapport à Marie-Agnès Gillot dans le rôle de Phèdre. Je n'avais pas eu énormément l'occasion de voir Agnès Letestu sur scène : elle m'avait plutôt décu dans Kaguyahime, mais j'avais été ému par son interprétation du rôle de Nikiya (La Bayadère). Là où je ne voyais que de grands mouvements de bras de l'interprétation de Marie-Agnès Gillot, Agnès Letestu m'a paru plus convaincante.
Dans le rôle de Thésée, j'ai vu deux fois Nicolas Le Riche (avec Marie-Agnès Gillot). La première fois, en matinée, il avait paru un peu fatigué et son maquillage était complètement raté (presque comme si sa perruque avait été collée sur son front avec du scotch). Ce soir, il était en très grande forme et son maquillage était beaucoup mieux réussi. Dans ce rôle, j'ai également apprécié Stéphane Bullion (qui dansait avec Agnès Letestu).
Le rôle d'Hippolyte me semble être le rôle masculin le plus important, puisqu'il a un pas de deux aussi bien avec Aricie qu'avec Phèdre. Entre Karl Paquette et Josua Hoffalt, ma préférence va à ce dernier qui a été tout simplement épatant hier. L'interprétation du pas de deux Hippolyte/Aricie a été assez différente entre les deux couples Hoffalt/Froustey et Paquette/Ould-Braham. J'ai préféré l'Aricie de Myriam Ould-Braham, même si j'ai bien aimé la façon tendre et amoureuse qu'avaient Josua Hoffalt et Mathilde Froustey d'interpréter le pas de deux.
Outre la Phèdre d'Agnès Letestu, les plus beaux moments lors de ces représentations sont venus de l'interprétation du rôle d'Œnone par Alice Renavand (qui depuis que je vais à l'Opéra m'a toujours au minimum enchanté).
Le deuxième ballet de la soirée est de Ratmansky (qui a aussi commis Flammes de Paris). Le ballet a été créé le 22 septembre dernier. C'est un beau spectacle, qui flatte le spectateur en ce qu'il est immédiatement accessible, voire simpliste. Les décors sont à peu près inutiles : avec un fond noir (ou bleu), cela aurait été aussi bien. La simplicité de l'argument fait qu'en dehors des passages explicitement narratifs, la chorégraphie ressemble essentiellement à du remplissage. Cela reste mignon comme tout à regarder, mais le balletomane s'ennuie un peu (mais quand même mille fois moins que pendant L'Anatomie de la sensation !).
L'argument est essentiellement le suivant. Psyché est portée par des zéphyrs. Elle rencontre Eros, mais elle ne doit pas chercher à connaître son visage. Manipulée par ses deux sœurs jalouses (elles-mêmes un peu manipulées par Vénus), elle utilise une lampe pour voir son visage. Sa punition est d'être exilée dans un lieu repoussant. Mais tout s'arrange après qu'avec Eros, elle a supplié Vénus de la pardonner.
Pendant les scènes centrales, on doit subir l'attentat au bon goût que constituent les costumes de six couples de danseurs qui en quelque sorte commentent l'action. Les filles sont des filles-fleurs, les garçons ont des costumes faisant penser à des animaux (mais le costume d'un d'entre eux, s'il est peut-être censé évoquer un crapaud, fait plutôt penser à un nageur en combinaison et bonnet de bain).
Si je ne me suis pas excessivement ennuyé pendant ces représentations, c'est grâce à la musique de Franck. Pendant les p, on aurait presqu'envie de chuchoter aux danseurs de réduire le bruit de leurs pas (ce n'est pas le genre de choses qui pourraient arriver avec du Minkus !). Cela dit, on a parfois l'impression d'entendre des thèmes de sa symphonie en ré mineur. Dans Lohengrin (Wagner) il se trouve un motif appelé Le Mystère du nom. Elsa a l'interdiction de chercher à connaître le nom du héros. Bien sûr, elle n'arrivera pas à se retenir de poser la question. J'ai été amusé d'avoir l'impression d'entendre dans la musique de Franck un motif qui semble attaché à la même idée. Ce motif est d'abord chanté par le chœur :
Mais, Psyché, souviens-toi
Que tu ne dois jamais
De ton mystique amant connaître le visage
Le motif sera repris plus loin par l'orchestre.
Chose inhabituelle pour un ballet, il y a en coulisses le Chœur de Radio
France. Le texte n'en reste pas moins presque parfaitement intelligible. Il
y a au moins un moment où il y a une incohérence entre le texte chanté et
ce qui se passe sur scène. Quand le chœur chante Amour, Elle a connu ton
nom.
puis Son châtiment commence...
, Psyché, sur scène, est en
train de se faire manipuler par ses sœurs. Elle n'a pas encore connu le nom
d'Amour...
Du côté des interprètes, même si j'ai toujours un faible pour Dorothée Gilbert, j'ai préféré Aurélie Dupont dans le rôle de Psyché. Je ne sais pas si cela tient au fait que les cheveux de cette dernière étaient attachés dans un soigneux chignon tandis que ceux de Dorothée Gilbert (sauf erreur de ma part) flottaient au vent des zéphyrs. L'interprétation de Dorothée Gilbert et Mathieu Ganio étaient beaucoup plus légère et insouciante que la plus sérieuse manière qu'avaient Dupont et Bullion de danser.
Dans le rôle de Vénus, Alice Renavand ne m'a pas paru très à l'aise (mais est-il raisonnable de la solliciter à ce point : elle danse tous les soirs dans Phèdre ou dans Psyché...). J'ai donc préféré Amandine Albisson qui m'a tout particulièrement enchanté ce soir.
J'espère que la prochaine création à l'Opéra (La Source) tiendra davantage ses promesses que celle-ci...
2011-09-28 01:03+0200 (Orsay) — Culture — Musique
Salle Pleyel — 2011-09-27
Barbara Hannigan, soprano
Académie du Festival de Lucerne
Ensemble Intercontemporain
Pierre Boulez, direction
Pli selon pli (Boulez)
Ce soir, beaucoup des habitués de la Salle Pleyel étaient là pour écouter Pli selon pli de Boulez dirigé par Boulez. Il y avait même un peu de people : Pierre Bergé, Pascal Dusapin & consort. Le directeur Laurent Bayle et le ministre Mitterrand retardataire étaient relégués au rang A de côté.
Plutôt plus de musiciens sur scène que ce à quoi je m'attendais. Depuis l'arrière-scène, les cordes sont à droite, les vents et les cuivres à gauche, des harpes au milieu. Derrière, quelques xylophones, vibraphones et des percussions. Quelque piano et quelque célesta sont aussi sur scène (pour une fois, plutôt au centre que sur les côtés). À la gauche du chef qui pendant le premier et cinquième mouvements manipule une énorme partition (format A2 minimum) se tient la soprano Barbara Hannigan, qui porte une robe grise (plutôt sobre pour les standards de cette chanteuse).
Quand il dirige, Pierre Boulez ne laisse transpirer aucune émotion. Les mouvements de ses mains sont de faible amplitude, et on ne peut deviner si son geste va déclencer un délicat pizz. ou un gros boum (comme au tout début). On avance dans l'œuvre sans qu'elle me déplaise. Un petit incident marque la fin du premier mouvement. Le chef ayant commencé à diriger sans lunettes éprouva plus loin le besoin de les porter, puis il se ravisera, finissant ce premier mouvement sans lunettes. Il s'est alors éclipsé pendant quelques minutes en s'excusant et est revenu, les lunettes bien en place.
Le mouvement que j'ai préféré est le troisième (Improvisation II sur Mallarmé). Il ne fait appel qu'aux xylo/vibra-phones, aux harpes, aux instruments à clavier et aux percussions. Je ne saurais dire exactement ce qui m'a plu, mais j'ai aimé fermer les yeux pour éprouver plus fermement la spatialisation (naturelle) du son émanant des différents pupitres. J'ai tout autant aimé les ouvrir pour regarder le chef, qui tête penchée sur la partition (apparemment format A4 standard), lançait des gestes précis en direction de différents musiciens, déclenchant d'étranges jgloing d'une harpe (particulièrement peu mélodique !), et d'autres du pianiste, tandis qu'un semblant de mélodie venait parfois des xylo/vibra-phones. Ce mouvement m'a presque ému.
Dans le cinquième, l'ensemble de l'effectif orchestral a été utilisé. J'ai été amusé par le motif quasi-mélodique de cinq notes qui est répété plusieurs fois vers la fin de ce mouvement.
Ce que le compositeur demande à la soprano Barbara Hannigan était tout simplement invraisemblable. Je n'ai pas compris un seul mot sorti de sa bouche (de dos, cela n'aide pas). De toute façon, le texte de Mallarmé est assez peu intelligible...
Ce n'était pas du tout gagné d'avance, mais je pense que c'est une œuvre que je réécouterais volontiers.
Concert disponible à la réécoute sur Cité de la musique live.
2011-09-18 00:00+0200 (Orsay) — Culture — Musique
Salle Pleyel — 2011-09-17
Helena Juntunen, soprano
Sarah Connolly, alto
Paul Groves, ténor
Matthew Rose, basse
London Symphony Orchestra
London Symphony Chorus
Sir Colin Davis, direction
Missa Solemnis (Beethoven)
Contrairement à la veille, la Salle Pleyel était bien pleine ce samedi soir pour la rentrée de la saison du London Symphony Orchestra qui commence avec la Missa Solemnis de Beethoven.
Le chœur comprend environ 120 chanteurs disposés à l'arrière-scène. Quatre solistes sont sur scène, mais par rapport au chœur ils auront un rôle moins important. L'orchestre d'environ 80 ou 90 musiciens est dirigé par Sir Colin Davis, qui est assis tout comme Mikko Franck la veille.
Le texte chanté semble être le texte standard pour la messe en latin.
Pendant le Kyrie, je me sens en confiance parce que le style n'est
pas trop déconcertant par rapport à Bach ou Mozart. Le début du
Gloria est beaucoup plus brutal. Globalement, même s'il est très
bon, j'ai trouvé que le timbalier était un peu trop sollicité (même en
tenant compte du fait que ce soit du Beethoven). Le début du Domine
Deus me fait un peu penser à un passage de Fidelio. Parmi les
moments spectaculaires, l'entrée du chœur pour le Et Resurrexit.
Le chœur se fait particulièrement beau à la fin de la partie Credo
(vers le Et expecto). J'apprécie également beaucoup le(s)
Osanna in excelsis de la partie Sanctus. L'atmosphère
orchestrale devient alors absolument délicieuse avant que commence le
merveilleux Benedictus agrémenté d'un bellissime solo du premier
violon. La fin m'a semblée très bizarre. Contrairement à Bach qui termine
la Messe en si mineur par un mouvement basé sur la seule phrase
Dona nobis pacem
précédé d'un autre sur Agnus Dei qui tollis
peccata mundi, miserere nobis
, Beethoven a mis tout ce texte dans le
même élan. Après avoir entendu une première fois Dona nobis pacem
,
j'ai ainsi été très surpris de réentendre Agnus Dei...
. Pendant les
dernières minutes, je ne voyais pas du tout dans quelle direction allait la
musique. Même si cela eût paru inapproprié, je suis sûr que Beethoven
aurait fait mieux avec une fin hydravionesque.
Le chœur m'a fait un très bonne impression. Dans l'orchestre, j'ai pris un plaisir particulier à écouter les flûtes, dont le son vient parfois se mêler discrètement aux ensembles. J'ai passé un agréable concert qui m'a permis de découvrir cette œuvre. Cela dit, entre la Missa Solemnis (Beethoven) et la Messe en si mineur (Bach), à mon avis, il n'y a pas photo...
2011-09-17 02:44+0200 (Orsay) — Culture — Musique
Salle Pleyel — 2011-09-16
Hilary Hahn, violon
Orchestre philharmonique de Radio France
Mikko Franck, direction
Concerto pour violon et orchestre (Edgar Meyer)
Symphonie nº5 en si bémol majeur, op. 100 (Prokofiev)
J'entendais ce soir pour la dixième fois le Philharmonique de Radio
France, dont c'était le concert de rentrée. Le programme commence par le
concerto pour violon d'Edgar Meyer composé pour l'interprète de ce soir,
Hilary Hahn, qui a choisi une robe rouge. L'œuvre ne me plaît pas
beaucoup : elle est assez répétitive, presque minimaliste. L'intérêt vient
surtout de la prestation de la violoniste, qui n'est pas désagréable du
tout à écouter ni à regarder (le public n'étant pas tout-à-fait au
rendez-vous, le deuxième balcon a été fermé et j'ai dû me replacer au
parterre). J'ai particulièrement apprécié la technique de double
corde
de la violoniste.
Pour la deuxième partie du concert, avec Klari, nous avons migré à l'arrière-scène (moitié vide lors de la première partie, pleine pendant la deuxième). Ceci permit de mieux voir ce que faisait le jeune chef Mikko Franck, qui dirige en position assise (j'ignore si c'est un choix délibéré, ou bien la conséquence d'une incapacité passagère ou permanente de se tenir debout de façon prolongée). J'entendais la Cinquième Symphonie de Prokofiev pour la première fois. J'ai surtout apprécié les deuxième et quatrième mouvements, ceux pendant lesquels le chef a paru le plus investi (cela dit, il faisait aussi des clins d'œil aux violons I). Dans les autres mouvements, il a semblé se contenter de battre la mesure, tout en donnant l'impression d'être heureux de diriger cet orchestre. Globalement, cette deuxième partie de concert m'a plu, mais j'en suis resorti moins enthousiaste qu'après la Cinquième de Beethoven de la veille.
2011-09-16 02:30+0200 (Orsay) — Culture — Musique
Salle Pleyel — 2011-09-15
Khatia Buniatishvili, piano
Roland Daugareil, violon solo
Orchestre de Paris
Paavo Järvi, direction
Ouverture du Corsaire, op. 21, H. 101 (Berlioz)
Concerto pour piano nº2 en fa mineur, op. 21 (Chopin)
Liebesträum (Liszt)
Symphonie nº5 en ut mineur, op. 67 (Beethoven)
Presque trois semaines après la rentrée, je retrouve enfin le chemin de
la Salle Pleyel. Avenue Hoche, quelques voitures de méga-riches sont garées
devant le Royal Monceau. Les ouvreuses et ouvreurs de la Salle Pleyel ont
de nouveaux uniformes, sobrement noirs (C'était mieux avant !
). La
café est toujours à 3€ et il faut encore passer par les numéros pairs pour
accéder aux numéros impairs de l'arrière-scène. Quelques habitués
(Palpatine, Christian, Serendipity) ont trouvé de fort bonnes places aux
rangs A et B. L'équipe de direction de l'Orchestre de Paris est au rang des
people au nombre desquels on comptera aujourd'hui Jacques
Toubon.
La première œuvre au programme est l'Ouverture du Corsaire de Berlioz. C'est espiègle et vivifiant. Est-ce une tentative de convertir le public au pastafarisme ? En tout cas, il est suggéré aux enfants de venir déguisés en pirates lors du concert en famille de samedi...
Le piano était déjà sur scène depuis le début du concert. Khatia Buniatishvilii (certes, isolé, son nom est très prononçable, mais quand le cerveau a aussi en mémoire le nom de sa compatriote Lisa Batiashvili, il y a de quoi s'emmêler les pinceaux), la jeune pianiste peut donc s'installer au piano, habillée dans une robe qui pourrait être la même que celle que décrivrait Klari suite à un récent concert à Sceaux (et que l'on peut maintenant voir chez Palpatine). L'œuvre programmée ce soir est le deuxième concerto pour piano de Chopin. Dans les premières minutes, l'orchestre exprime une parole qui semble tourmentée comme peut souvent l'être la musique romantique. Alors que je crois écouter ce concerto pour la première fois, il me semble que les effets liés à l'orchestration sont très prévisibles. Les choses sérieuses commencent quand la pianiste commence à jouer. L'orchestre n'aura dès lors pratiquement plus qu'un rôle décoratif, en arrière-plan. La difficulté de certains passages paraît absolument redoutable. Les sonorités que la pianiste tire du piano sont saisissantes. L'ensemble est plutôt varié. De façon assez amusante, un des mouvements contient un passage qui pourrait être une danse. (Après vérification, une explication possible pour le fait que j'aie trouvé certains passages prévisibles et que certains thèmes me dissent quelque chose est que j'ai en fait déjà entendu ce concerto dans la musique du ballet La Dame aux camélias il y a un an et demi.) À la fin du très beau bis (qui ressemblait à du Chopin, mais c'était du Liszt me dirent les trois camarades de concert rencontrés à l'entr'acte), la pianiste a un petit peu joué avec le public en retirant tout doucement ses mains du clavier, retenant ainsi d'éventuels applaudissements, qui ont déferlé par la suite.
Le clou de la soirée était l'interprétation de la Cinquième symphonie de
Beethoven 1. Pour cette symphonie,
l'effectif de l'orchestre a été augmenté. On est passé de six contrebasses
à huit. (D'après la formule qui veut que pour avoir une estimation du
nombres d'instruments à cordes frottées, il suffit de compter le nombre de
contrabasses, d'ajouter quatre, puis de multiplier par cinq, voir chez Djac pour
les explications, il devait donc y avoir environ 60 cordes). Le chef Paavo
Järvi n'a désormais plus besoin de la partition. Il semble aussi
décontracté que s'il devait diriger du Haydn. Le premier
mouvement est joué d'une façon très vive. La deuxième mouvement n'est pas
si lent que ça. Le chef aurait manifestement aimé enchaîner le troisième
mouvement aussitôt après la fin du deuxième, mais il a renoncé devant le
chœur des tousseurs du public. J'ai beaucoup aimé le troisième mouvement.
Au milieu, on entend en effet un sublime passage fugué. J'apprécie les
regards amusés que se lancent deux contrebassistes (dont Bernard C.) quand
le chef prend la peine de leur indiquer leur pizz. (genre, Eh
oh, on savait très bien quand on devait entrer, mon bon monsieur !
). Le
plus beau en fait, cela a été la fin du mouvement et la transition avec le
quatrième mouvement. La dynamique (indiquée pp ou ppp) a
été descendue très bas (et personne pour tousser !). Cependant, on sent
bien à ce moment-là qu'il y a encore une certaine tension et bien sûr,
l'entrée dans le quatrième mouvement est explosive (ff). À part
peut-être un petit couac des cors, rien n'en venu entacher mon
plaisir !
[1] Pour compléter ma collection de symphonies de Beethoven entendues en concert, il ne me reste plus que la Quatrième et la Sixième, ce qui sera fait en mars avec le Chamber Orchestra of Europe et Bernard Haitink.
2011-09-11 01:32+0200 (Orsay) — Culture — Musique — Opéra
Opéra Garnier — 2011-09-10
Klaus Florian Vogt, Tito
Hibla Gerzmava, Vitellia
Amel Brahim-Djelloul, Servilia
Stéphanie d'Oustrac, Sesto
Allyson McHardy, Annio
Bálint Szabó, Publio
Willy Decker, mise en scène
John Macfarlane, décors et costumes
Hans Toelstede, lumières
Alessandro Di Stefano, chef du chœur
Adam Fischer, direction musicale
Orchestre et Chœur de l'Opéra national de Paris
La Clémence de Titus, Mozart
Après la rentrée à Bastille avec Salomé, c'était ce soir la première représentation de la saison à Garnier : La Clémence de Titus.
Les costumes ne font pas référence à l'époque romaine. Ils me rappellent
ceux qu'on pouvait voir dans Andrea Chénier. Bref, ils
renvoient plutôt à l'époque de la composition de l'opéra. Le décor est plus
ou moins conceptuel. Le sol est un rond en imitation marbre. Il est entouré
d'une structure en demi-cylindre penché qui donne l'impression d'être à
l'intérieur de la tour de Pise. Cette structure est en deux morceaux. Ils
peuvent être écartés pour permettre des entrées et sorties par l'arrière.
Au centre, un gros bloc parallélépipédique en marbre qui fait à première
vue penser à celui, noir, de 2001, l'Odyssée de l'espace. Il
s'agit en fait d'un projet de sculpture représentant Titus. Dans la
première scène, on écrit Titus
dessus. À la fin de l'opéra, le bloc
aura été sculpté pour représenter Titus et le nom qui n'était marqué que de
façon éphémère sera gravé en dur (en majuscules, avec un U
en forme
de U
et non de V
...). Entretemps, le bloc sera passé par des
phases intermédiaires. Je suppose qu'il faut comprendre que le caractère de
Titus est en formation et qu'il n'aura fait ses preuves comme souverain que
lorsqu'il aura pardonné à ceux qui avaient voulu sa mort. Alors, sa
sculpture monumentale pourra apparaître dans toute sa splendeur.
Un autre accessoire est manipulé presqu'en permanence : la couronne de Titus. D'autres que lui la voudraient bien. Lui hésite entre le pouvoir d'un côté et de l'autre l'amour et l'amitié. Donner la mort ou pardonner. Plaire au peuple ou persister à aimer Bérénice.
Pour ne pas déplaire aux Romains, il abandonne Bérénice (rôle muet interprétée par une comédienne non créditée) et décide d'épouser Servilia, qui aime Annio. Annio cache ses sentiments à Titus, mais Servilia avoue qu'elle aime déjà quelqu'un. Elle préfère laisser entendre à Titus d'honnêtes paroles déplaisantes plutôt que de lui plaire hypocritement. L'homme bon qu'il l'est l'en remercie. Son troisième choix est Vitellia. Celle-ci n'ayant pas supporté de n'avoir pas figuré dans les deux premiers choix, elle décide de comploter contre lui. Flattant Sesto (par ailleurs frère de Servillia et ami d'Annio), qui l'aime, elle arrive à le pousser à commettre l'irréparable. À la fin du premier acte, on comprend que Sesto n'a pas tué Titus, mais un autre homme qui portait son habit. Dans le deuxième acte, Titus finira par pardonner à tout le monde, Sesto ayant dans un premier temps endossé toute la responsabilité avant que Vitellia n'avoue elle-aussi.
Si c'est le dernier opéra seria de Mozart, l'intrigue est typique de ses opéras de jeunesse avec des histoires d'amour tordues qui se finissent bien façon deus ex machina (voir par exemple Lucio Silla).
Stylistiquement, je n'ai pas l'impression d'avoir découvert un autre Mozart que celui que je connaissais déjà. On retrouve ses effets habituels et la proximité furtive de certains passages avec d'autres déjà connus est assez frappante (notamment il y a un moment qui m'a beaucoup fait penser au tout début du Hm! hm! hm! hm! de La flûte enchantée). Cela dit, cela se laisse bien écouter. Le chef d'orchestre Adam Fischer, qui dirige de mémoire, paraît immédiatement très sympathique. Il bat la mesure de façon très claire, signale les entrées aux musiciens, félicite tel soliste pendant que le public applaudit un air. Le principal, c'est qu'il a réussi à maintenir mon attention pendant la durée de l'opéra, me faisant oublier que mes genoux cognaient contre le rebord du premier rang de l'amphithéâtre (au premier acte, le strapontin le plus à gauche, et la place voisine libérée à l'entr'acte pendant le deuxième).
La mise en scène n'a rien d'extraordinaire, mais elle se laisse regarder. Un point faible est l'usage un peu trop systématique de précipités. Certes, cela fait paraître d'assez jolis rideaux peints dans un style vaguement expressionniste. Je ne sais pas s'il est courant de représenter sur scène une Bérénice muette. En tout cas, j'ai trouvé que cela fonctionnait très bien. Le personnage de Titus passe un certain temps au sommet du bloc de marbre qui deviendra à la fin une statue à son effigie. Chanteurs ayant le vertige s'abstenir. Globalement, sans m'enthousiasmer, cette mise en scène ne m'a pas trop déplu.
Stéphanie d'Oustrac (Sesto) domine assez largement le plateau vocal. La dernière fois que je l'avais entendue, c'était dans Armide de Lully. J'ai été très content de la réentendre ce soir. Lors de son air Parto, parto au premier acte, j'ai eu comme l'impression que la soirée commençait véritablement. J'ai également eu un certain plaisir à réentendre Amel Brahim-Djelloul (Servilia). Dans le rôle secondaire de Publio, la basse Bálint Szabó m'a bien plu. Les trois autres chanteurs m'ont semblés plus inégaux au cours de la soirée, mais ils ont eu tendance à se bonifier après l'entr'acte. Le grand air de Vitellia (Hibla Gerzmava) au deuxième acte a effacé mon impression mitigée du premier acte. Je n'ai pas été complètement convaincu par Klaus Florian Vogt (Tito), mais c'est plus une question de goût personnel (je n'aime pas le timbre de sa voix) qu'autre chose. S'il a moins brillé au premier acte, c'est peut-être aussi tout simplement parce que son personnage y est plus fragile, moins déterminé qu'il ne le sera lors du deuxième acte, en particulier quand il devra prendre une décision à propos de Sesto.
2011-09-09 01:25+0200 (Orsay) — Culture — Musique — Opéra
Opéra Bastille — 2011-09-08
Angela Denoke, Salomé
Stig Andersen, Herodes
Doris Soffel, Herodias
Juha Uusitalo, Jochanaan
Stanislas de Barbeyrac, Narraboth
Isabelle Druet, Page der Herodias
Dietmar Kerschbaum, Erster Jude
Eric Huchet, Zweiter Jude
François Piolino, Dritter Jude
Andreas Jäggi, Vierter Jude
Antoine Garcin, Fünfter Jude
Scott Wilde, Erster Nazarener
Damien Pass, Zweiter Nazarener
Gregory Reinhart, Erster Soldat
Ugo Rabes, Zweiter Soldat
Thomas Dear, Ein Cappadocier
Grzegorz Staskiewicz, Ein Sklave
Pinchas Steinberg, direction musicale
André Engel, mise en scène
Nicky Rieti, décors
Elizabeth Neumüller, costumes
André Diot, lumières
Françoise Gres, chorégraphie
Dominique Muller, dramaturgie
Orchestre de l'Opéra national de Paris
Salomé, Richard Strauss
Ce soir, c'était la rentrée de l'Opéra de Paris, avec la première de Salomé à Bastille. J'avais déjà vu cet opéra dans une autre mise en scène (Lev Dodin). D'Angré Engel, j'avais aimé la mise en scène de La Petite Renarde rusée. Dans Salomé, le travail est beaucoup moins convaincant (et on peut se demander l'intérêt de cette reprise).
Le décorateur avait dû trouver que la scène de Bastille était trop grande. Ainsi, l'espace dans lequel les personnages peuvent évoluer n'est qu'un angle réduit. L'univers et dans une moindre mesure les costumes sont orientalisants.
Le premier problème que j'ai eu avec cette production (dans une moindre mesure aussi avec celle de Lev Dodin) est l'éclairage très réduit. À de nombreuses reprises, je ne voyais tout simplement pas qui chantait (malgré la réduction de l'espace scénique, il y avait un personnage tout à gauche, un autre tout à droite, d'autres au milieu, tous évoluant dans la pénombre). S'il se trouve quelques blafardes lampes, la lumière ne vient essentiellement que du personnage de Jochanaan. De sa prison, mais aussi de lui-même quand Salomé obtient de le voir. À ce moment-là, une porte sur le côté droit s'ouvre et laisse entrer une vive lumière. J'imagine que le metteur en scène a voulu donner en même temps l'impression d'une tempête de sable, mais les artifices utilisés semblent être les mêmes que ceux d'une tempête de neige.
La danse des sept voiles
est inexistante. Tranquillement assise,
Salomé semble attendre que cela se passe. À la fin, elle fait quelque pas
avec Herodes. Entretemps, elle aura enlevé ses chaussures. Dans cette
séquence, la seule idée, symbolique, est de faire venir un personnage (le
page de Herodias ?) pour essuyer avec un tissu blanc le sang qui était
resté après que le corps de Narraboth avait été emmené. C'est un peu
léger.
Bref, ce n'est pas avec les yeux qu'il faut apprécier cette représentation, mais avec les oreilles. L'orchestre dirigé par Pinchas Steinberg est tout simplement sublime. On peut apprécier cette musique dans sa continuité. La tension ne retombe jamais : longs trémolos des cordes, motifs joués par les vents qui s'insèrent très clairement, etc. J'ai presqu'eu l'impression de découvrir un nouvel opéra tant la richesse de cette musique était pour moi inouïe. Je suis donc très content d'avoir pu bénéficier d'un placement favorable du point de vue acoustique au tout dernier rang du deuxième balcon. (Ce placement empêche souvent de voir la partie supérieure des décors. Donc, j'ignore si la Lune, très présente dans le livret, était évoquée dans cette mise en scène.)
Du côté des chanteurs, il y a de quoi être largement satisfait, avec notamment Stanislas de Barbeyrac (Narraboth), Isabelle Druet (Page der Herodias), Juha Uusitalo (Jochanaan), et bien sûr Angela Denoke (Salomé).
2011-08-27 21:37+0200 (Orsay) — Culture — Musique — Culture indienne — Voyage en Inde X
Vani Mahal, Chennai — 2011-08-25
Sri Mohan Santhanam, chant carnatique
Sri S. Varadarajan, violon
Srimushnam V. Rajarao, mridangam
Sri E. M. Subramaniam, ghatam
De tous les concerts auxquels j'ai assistés ces derniers jours à Chennai, celui de Sri Mohan Santhanam jeudi au Vani Mahal a été le plus remarquable. Cela a aussi été le plus long (2h35), d'autant plus que la voix du chanteur était beaucoup sollicitée dans la mesure où les brefs silences de la voix laissaient peu de place au violoniste, pourtant très bon dans les solos qu'il a joués.
Il semble qu'il ne faille pas se fier à la première pièce d'un récital de musique vocale carnatique... Même si le chanteur a commencé par une très belle et caverneuse vocalise pour se chauffer la voix, la première pièce rapide qu'il a chantée m'a semblée assez bordélique.
La deuxième pièce a été de longueur moyenne, sur le shloka Sri Santha
Shiva Kumara
. Il a fait quelques improvisations solfiées sur un rythme
à 8 temps qu'il a clappé très régulièrement (comme pendant tout le reste du
concert). Les phrases musicales faites sur le nom des notes se terminaient
par un des mots du shloka, comme j'avais vu faire par les Chinmaya Sisters.
La suite du concert n'a pratiquement plus comporté que des compositions de longue durée. Il y a en a eu quatre à la suite. Le chanteur a exceptionnellement annoncé avant la première dans quel tal elle serait. C'était le tala Adi. Ne connaissant pas la classification, cela ne me renseignait pas beaucoup. Je saurai maintenant que c'est un rythme à 8 temps (le même que dans la pièce précédente d'ailleurs). Dans ses improvisations solfiées, il a introduit des sortes de repos venant rompre le caractère métronomique des suites de notes improvisées.
Dans la deuxième composition, le chanteur a fait descendre sa voix assez bas dans les graves pendant la partie des questions/réponses avec le violon (qui a eu un rôle mineur). Après le solo de violon, le chanteur a introduit le shloka sur un rythme à 12 temps, puis a improvisé en chantant le nom des notes. Comme avant, il a rallongé certaines notes et a aussi inséré des syllabes issues du shloka entre des noms des notes.
Le rythme à 8 temps de la troisième composition était joué de façon
assez lente. Après le dialogue entre le chanteur et le violon, ce dernier a
eu un solo. Le chanteur a ensuite dit quelques mots en tamoul parmi
lesquels il m'a semblé entendre Thyagaraja Swami
. J'ai pensé qu'il
voulait dire que la composition qui allait suivre était due à ce grand
compositeur de musique carnatique, mais je ne trouve pas de
Rajarajeshwari
dans le catalogue. En tout cas, ce fut un très beau
morceau de musique (à 8 temps) que je garde encore un peu en tête. Au cours
du développement, il y a eu de vraies questions et réponses avec le violon,
des improvisations solfiées et un retour au shloka en conclusion.
La dernière composition commence par des improvisations discrètement
accompagnées par le violon. Le chanteur utilise une succession de syllabes
qui semble un peu passe-partout : Tadarina
. Pendant le solo de
violon, j'entends des réactions indéchiffrables dans le public. Je suis
complètement incapable de dire si c'étaient des signes d'approbation ou
bien le fait de quelques Beckmesser. Le shloka apparemment dédié à Rama a
été chanté sur un rythme à 16 temps. Après le shloka, un trio entre le
violon et les deux percussionnistes. Les deux percussionnistes ont ensuite
joué des solos et un long duo. Les deux musiciens n'étaient pas des plus
jeunes, mais il était évident qu'ils avaient plaisir à jouer. Pendant le
duo, ils se sont fait des questions et réponses. L'un jouant pendant les
quatre temps d'une des divisions du tala, l'autre lui répondant
immédiatement dans la division suivante. Plus loin, ils se répondaient de
façon encore plus vive par segments de deux temps. L'ensemble fut un très
beau moment. Il est à noter qu'il a fallu réaccorder le mridangam en cours
de route... Le shloka a été repris en conclusion par le chanteur juste pour
la forme.
Le concert s'est terminé par deux courtes compositions à 8 temps, toutes les deux dédiées à Krishna. La deuxième était probablement en hindi.
2011-08-25 12:58+0530 (சென்னை) — Culture — Musique — Culture indienne — Voyage en Inde X
Vani Mahal, Chennai — 2011-08-24
Chinmaya Sisters, chant carnatique
Usha Rajagopalan, violon
Melakkaveri K. Balaji, mridangam
Manganallur S. Swaminathan, ghatam
Ms. Saraswathi, tanpura
Je suis retourné au Vani Mahal pour une autre soirée du festival auquel j'assistais déjà hier. Par hasard, ce sont encore les Chinmaya Sisters que j'ai entendues il y a quelques jours qui chantaient. Uma et Radhika sont dans des saris de couleurs semblables, mais inversées par rapport à la fois précédente. Elles sont accompagnées par la même violoniste, mais ce soir deux percussionnistes jouent avec elles : mridangam et ghatam.
Au bout d'une demi-heure, je commençais à redouter l'ennui parce que ce qu'elles chantaient et la façon dont elles le chantaient ressemblait à ce que j'avais déjà entendu. La différence audible était que les thèmes des chansons étaient liés à Krishna.
La première longue composition commençait par des questions et réponses entre sari vert et le violon, puis un solo de violon est intervenu. À partir d'un shloka sur Krishna, des improvisations solfiées ont été faites par les deux chanteuses sur un rythme à seize temps.
Après un morceau court, sari fuchsia (Uma ? la plus expérimentée des
deux chanteuses) a improvisé en se faisant accompagner du violon. Quelques
notes tenues longtemps et quelques descentes dans les graves. Ensuite, il y
a eu un solo de violon. Enfin, les chanteuses alternant avec le violon ont
produit des improvisations d'un type que je ne connaissais pas. Au lieu
d'utiliser des syllabes extraites d'un vers ou des notes de la gamme, elles
ont utilisé des noms correspondant à la longueur des notes. Apparemment, le
redoublement Tata
est équivalent à un Num
. A priori,
cela pourrait paraître monotone, mais la façon de chanter ces syllabes
était très ornementée.
Une nouvelle longue composition est intervenue ensuite, sur le même rythme que la première (16 temps). Cela a commencé par un shloka et des improvisations solfiées par la chanteuse au sari fuchsia (manifestement très en forme). Cette composition a fait l'objet d'un long développement, entrecoupé de solos de violons et de percussions. Pendant les dialogues entre les percussionnistes, les chanteuses et la violoniste ne s'arrêtaient pas de clapper le tal.
L'avant-dernier morceau était encore en l'honneur de Vishnu
(Srinivasa
, Jagannatha
) et le dernier était un morceau rapide
ressemblant plus ou moins à un Thillana. Le concert a duré environ 2h15.
2011-08-24 14:31+0530 (சென்னை) — Culture — Musique — Culture indienne — Voyage en Inde X
Vani Mahal, Chennai — 2011-08-23
Kunnakudi Sri R. Balamuralikrishna, chant carnatique
Kumbakonam Sri M. R. Gopinath, violon
Shertalai Sri R. Anantakrishnan, mridangam
Vani Mahal
n'est que le surnom du Sri Chandrasekarendra
Saraswathi Mahaswami Auditorium du Sri Thyaga Brahma Gana Sabha à T. Nagar,
Chennai. C'est plus facile à faire comprendre à un chauffeur de rickshaw...
Il s'agit d'une grande salle d'environ 500 sièges. Je me suis installé au
deuxième rang, le premier étant numéroté VIP
. Le remplissage pour ce
concert de musique carnatique devait être d'environ 10 ou 20%.
Le concert a lieu dans le cadre du deuxième festival de musique Sri Jayanthi à la mémoire de Sri Obul Reddy et Smt. P. Gnanamba. Ces jours-ci, il est apparemment beaucoup plus facile d'assister à des concerts qu'à des récitals de danse.
Le chanteur a mis un peu de temps à rentrer dans le concert. La première
pièce a été un grand mix incohérent. La deuxième chanson a mis en
évidence que le contexte est ici plutôt vishnouïste. En effet, sur la scène
en arrière-plan, on lit le nom du festival écrit sur une grande affiche en
trois panneaux faisant la publicité pour Sri Krishna Sweets tout en
montrant Krishna bouvier/flûtiste et Krishna jouant avec le pot de beurre
dans un cadre bucolique. Le texte renvoie ainsi à Sri Krishna Gopala
ou à Narayana
. Dans le troisième morceau, c'est apparemment de
Rama/Raghu qu'il est question et le chanteur commence à tenir des notes
assez longtemps.
Le concert démarre véritablement avec le développement qui va suivre. Le chanteur joue assez longtemps au jeu des questions et réponses avec le violoniste. Ainsi, le chanteur énonce une phrase musicale, et le violoniste la répète aussitôt, éventuellement légèrement modifiée. Dans ses improvisations, le chanteur n'utilise ni les noms des notes de la gamme ni des syllabes faisant sens. À la suite de cette séquence, un solo de violon. Enfin, le chanteur énonce le shloka, qui me semble encore en l'honneur de Krishna, puis il se remet à improviser, parfois en utilisant le nom des notes, parfois non. Après un duo entre le violon et le mridangam, le shloka est revenu lors de la conclusion.
Le style du chanteur est pas mal plus agressif et brut que celui des Chinmaya Sisters entendues récemment. Cependant, dans la
composition suivante intitulée Sri Balakrishna Bhaje
, il sait aussi
se faire beaucoup plus doux, dans ce lent mouvement commençant sans
accompagnement rythmique. Chaque réapparition du vers introductif a été un
véritable délice pour moi.
Le chanteur a enchaîné avec une composition très rapide et des
improvisations solfiées. Un deuxième long développement est intervenu
ensuite, mais il m'a moins convaincu que le premier. La structure est en
gros la même : questions et réponses avec le violon, solo de violon, shloka
Shri Krishna
, duo mridangam/violon, improvisations solfiées, solo de
mridangam, reprise du shloka. Deux courtes compositions (dont la première
au moins était encore sur le thème de Krishna) ont conclu ce concert de
2h15.
Même si le chanteur clappait le tal de façon très peu lisible, ce concert a été une de mes toutes meilleures expériences de spectateur de musique carnatique.
2011-08-22 19:04+0530 (சென்னை) — Culture — Musique — Culture indienne — Voyage en Inde X
Narada Gana Sabha, Chennai — 2011-08-19
Chinmaya Sisters, chant carnatique
Dans le cadre du même festival que le spectacle précédent et à la suite de celui-ci, les Chinmaya Sisters ont chanté un programme de musique carnatique. L'une est en sari vert, l'autre en sari fuchsia. Leur chant est accompagné par un percussionniste (mridangam) et une violoniste. Le percussionniste utilisera non seulement un marteau mais aussi une clef pour régler son instrument.
Le programme m'a semblé de bonne qualité. Peut-être un peu long (onze compositions), parce que pendant la troisième heure (en comptant le récital de danse précédent) je commençais à trouver mon siège assez inconfortable.
Les compositions étaient le plus souvent à six temps. Certaines étaient de durées relativement courtes. Deux ont été très développées. Dans ce cas-là, une des deux chanteuses commençait à chanter seule, accompagnée par la violoniste, puis la violoniste jouait un solo. L'autre chanteuse et le percussionniste se mettaient ensuite à jouer, ce dernier improvisant ou non un solo. Enfin, les voix concluaient la pièce en revenant au vers qui avait servi de base au début.
Dans certaines chansons, je n'ai compris qu'un seul mot. Dans deux
chansons différentes, c'était Pashupati
(Shiva, comme gardien du
troupeau), dans une autre, c'était Parthasarathy
(Krishna, comme
cocher de Partha-Arjuna). Une autre fois, c'était Ganesh. Dans deux autres,
c'était Shiva Shankari
.
Dans les improvisations (où elles se passaient le relais l'une à
l'autre, sans vraiment de questions-réponses avec le violon), elles ont
principalement utilisé la technique consistant à chanter le nom des notes.
Cependant, dans une des chansons, chaque phrase musicale improvisée se
concluait néanmoins par le mot Pashupati
.
Malgré les 2h15 du concert, je ne me suis pas ennuyé du tout...
2011-08-22 18:37+0530 (சென்னை) — Culture — Musique — Danse — Danses indiennes — Culture indienne — Voyage en Inde X
Narada Gana Sabha, Chennai — 2011-08-19
Kumari Sukanya Kumar, bharatanatyam
Vendredi après-midi, je me suis rendu au Narada Gana Sabha Mini-Hall, une salle que je connaissais déjà. Il s'y est tenu un festival de quelques jours : le dixième festival annuel de musique et de danse sur des composition de Dr. Rukmini Ramani. Celle-ci était installée au premier rang. Ayant pris place de l'autre côté de l'allée, je l'ai vue bénir la jeune danseuse qui était venue recueillir sa bénédiction en lui présentant ses grelots de chevilles et en se prosternant à ses pieds.
Le programme interprété sur une musique enregistrée n'a duré qu'une heure, mais la danseuse m'a semblé faire preuve de grandes qualités.
La première pièce évoquait Shiva-Nataraja avec et sans les pieds et dans sa chorégraphie elle a représenté un éléphant de la plus belle des manières.
Dans la deuxième, elle a inséré des passages rythmiques alors même que la musique restait mélodique (contrainte du festival...). La pièce représentait des oiseaux, une jeune femme et a évoqué divers arts : écriture, sculpture, danse (shiva-Nataraja), musique (flûte, vîna). Shiva a aussi été représenté sous la forme du lingam.
Tout ce que je sais du Varnam, la pièce principale, est qu'elle était sur le raga Vasanta. Cette fois-ci, la musique enregistrée contient de vraies parenthèses rythmiques. La pièce semble centrée sur Shiva : son troisième œil, sa puissance, son chignon d'ascète. Élément original de la chorégraphie : une courte suite de pas qui sera répétée quatre fois au cours du Varnam. L'aspect narratif de la pièce m'échappe. À un moment, une femme s'écroule. Est-elle morte ? Se lamente-t-elle ? En tout cas, la pièce se termine avec la danseuse en équilibre dans la pose Shiva-Nataraja.
Dans la pièce suivante, la danseuse évoque l'enfance de Krishna et son
rôle de cocher dans le Mahabharata. Ensuite, dans une pièce au
rythme rapide, elle a évoqué la déesse Devi et notamment ses aspects
furieux
. L'avant-dernière pièce était une sorte de divertissement
dans lequel l'intrigue semblait reposer sur des sortes d'haltères, mais je
n'ai pas compris où cela allait. Enfin, dans son Thillana, la danseuse a
encore une fois évoqué Shiva.
Si la technique de la danseuse m'a plu, je suis déçu d'être autant passé à côté des aspects narratifs des chorégraphies.
2011-08-15 15:32+0530 (திருவண்ணாமலை) — Culture — Musique — Danse — Danses indiennes — Culture indienne — Voyage en Inde X
Khincha Auditorium, Bharatiya Vidya Bhavan, Bangalore — 2011-08-13
Smt. Subhashini Vasanth, bharatanatyam
Samedi soir, je suis allé au Bharatiya Bidya Bhavan sur Racecourse Road à Bangalore pour assister au récital de bharatanatyam de Smt. Subhashini Vasanth. Ce récital, gratuit, était organisé par l'Indian Council for Cultural Relations. Le thé, le café et les petits gâteaux étaient offerts avant le spectacle.
Étant arrivé en avance, j'ai assisté à la préparation de la scène. On a installé un Shiva-Nataraja doré flanqué de deux servantes sur le côté. On les a décorés de fleurs oranges et blanches et on a allumé la lumière.
Le récital a été précédé d'un petit discours en kannada, puis d'un numéro purement musical : une prière dans laquelle les noms de quelques divinités étaient prononcés.
La danseuse est entrée en scène pour une pièce presqu'uniquement rythmique. Il s'agissait de rendre hommage à Shiva-Nataraja et de lui offrir (au sens propre) des fleurs. Bizarrement, quand elle évoque Shiva-Nataraja, le seigneur de la danse, la danseuse n'utilise que ses mains et ses bras. Ce sera une constante jusqu'à la fin du récital : à aucun moment, elle ne lèvera la jambe gauche au-dessus du genou droit. C'est la première fois que je vois ça.
Le Varnam, la pièce principale, est centré sur une Nayaki, une femme qui se languit de Shiva. Apparemment, elle arrive à ses fins. La danseuse est accompagnée d'un joueur de nattuvangam qui m'a fait une très bonne impression dans les nombreux passages rythmiques de danse pure, le joueur de mridangam m'ayant moins convaincu. La chanteuse et la flûtiste jouaient aussi très harmonieusement. Malheureusement, on n'entendait la vîna (un instrument que j'apprécie beaucoup) que dans ses solos du fait d'un mauvais réglage des micros. Lors de ce Varnam, la danseuse va évoquer plusieurs aspects de Shiva. De façon opposée aux passages rythmiques rapides, il y aura aussi une sorte d'adage. Je n'ai pas très bien compris la fin où le texte et la chorégraphie semblaient évoquer l'onde de l'Océan (Sagara).
Ce type de sujets (femme se languissant de Krishna ou de Shiva) n'est pas parmi mes préférés. Tout est centré sur l'attitude de la jeune feme. Il n'y a pas vraiment d'histoire puisque c'est essentiellement du sur-place. Il y a du remplissage avec les passages rythmiques (pas toujours très synchro). Ce n'est ni abstrait ni narratif. Bref, ce n'est pas ma tasse de thé.
Dans la pièce suivante où l'interprète âgée de vîna peut enfin se mettre
en valeur, la danseuse devient une dévôte de Devi qui se plaint auprès de
la Déesse : Ne suis-je qu'une marionnette pour Toi ?
. Beaucoup de
travail au sol dans cette pièce où est représenté le culte ordinaire.
L'avant-dernière pièce présente des scènes du Ramayana sur un Bhajan de Tulsidas. Après un prologue dans lequel le poète Tulsidas est inspiré par Saraswati, la première scène est le Janaki Swayamvaram : l'épreuve que Rama réussit pour obtenir la main de Sita, fille de Janaka. Dans cette épreuve, les prétendants doivent bander l'arc de Shiva. Seul Rama est représenté, et sa réussite est montrée de façon très furtive. Je n'ai pas bien situé la deuxième partie de la pièce où il était question de la croissance d'un enfant et où apparaissait aussi une femme vieille ou bossue. Cela pourrait être Manthara, mais présenter la naissance des fils de Dasharatha après le mariage de Rama serait curieux d'un point de vue chronologique. C'est pourtant cette pièce que j'ai le plus appréciée.
Le récital s'est conclu par un Thillana, de la danse pure rythmée évoquant Krishna joueur de flûte. La musique de cette pièce s'est enchaînée avec celle de Vande Mataram, tandis que la danse passait de la rapidité d'exécution à l'adage.
Ce n'était pas un des meilleurs récitals de bharatanatyam auxquels j'aie assisté. D'une part, le style des pièces n'étaient pas ceux que je préfère. D'autre part, la très-honorable prestation de la danseuse n'était pas exceptionnelle.
⁂
Je suis retourné au même restaurant que la veille. À l'entrée, il est impressionnant de voir plus d'une trentaine de poulets embrochés par cinq en train de rôtir. La veille, juste après le coucher du soleil, la plupart des client étaient manifestement musulmans. Le lendemain, un peu plus tard dans la soirée, il y avait hindous et musulmans. Curieusement, les plats du Sud de l'Inde (dosa, appam, idli, etc) n'y sont pas servis avec du sambhar avec avec d'autres plats (masalas divers).
À la table devant la mienne, un quatuor d'hommes d'apparence ordinaire
mangeaient. Quand ils sont partis, le premier s'est avéré être un nain. Le
deuxième était en béquilles. Le troisième normal
et le quatrième,
qui était le plus souvent dans mon champ de vision s'est déplacé vers le
côté de la banquette. Il m'a paru encore plus petit que le nain. Puis il a
touché le sol. L'explication est venue : il n'avait pas de jambes...
How unexpected!
2011-07-25 14:32+0530 (पुणे) — Culture — Musique — Danse — Danses indiennes — Culture indienne — Voyage en Inde X
Dance Theatre Godrej, National Centre for the Performing Arts, Mumbai — 2011-07-23
Gayatri Sriram (disciple de Smt. Minal Prabhu), bharatanatyam
Panchakanya
Avant-hier soir, je suis allé au NCPA pour voir Panchakanya, le récital de bharatanatyam de Gayatri Sriram (chorégraphié par sa guru Smt. Minal Prabhu). La première impression n'a pas été extraordinaire. Il y avait pourtant un effectif musical inhabituellement fourni : mridangam, nattuvangam, voix, flûte, sitar. Mais par ailleurs, on laissait entrer n'importe comment les retardataires. D'autres sortaient, re-rentraient, voire dans un cas, re-sortaient pour de bon en cours de route. Bref, difficile de se concentrer sur le spectacle.
La pièce introductive est une invocation de la déesse, Devi. Elle s'enchaîne avec la première partie du programme Panchakanya proprement dit. La première des cinq (Panch) jeunes femmes (Kanya) est Ahilya (sic). Les cinq femmes évoquées successivement étant des personnages du Ramayana (quatre) ou du Mahabharata (une seule), je connaissais déjà très bien leur histoire qui a de toute façon été rappelée avant chaque partie. Pourtant, je n'ai à peu près rien saisi de la partie concernant Ahalya (et je ne suis même pas certain d'avoir bien compris où était la transition par rapport à la pièce introductive). J'ai vaguement cru comprendre qu'il y avait une femme dévôte et qu'à la fin elle était en quelque sorte prise en flagrant délit d'adultère (Indra ayant pris la forme de son époux Gautama). A priori, rien sur la malédiction qui l'avait transformée en pierre avant que Rama ne la libère.
Je commençais à avoir de gros doutes et puis est venue la partie
consacrée à Draupadi. Elle comptait deux scènes. La première était celle de
son svayamvar : une cérémonie au cours de laquelle une jeune femme
choisit
son époux. En l'occurrence, le choix devrait se porter sur
celui qui montrerait son adresse à l'arc. C'est Arjuna qui l'emporte. Il me
semble que la danseuse a plusieurs fois souligné le fait que celui-ci était
un brâhmane, en tout cas au moins un deux-fois-né, reconnaissable à son
cordon sacré. Alors en fuite après l'incendie de la maison de laque, Arjuna
se cachait en se faisant passer pour un brâhmane. La deuxième scène est
celle du jeu de dés. Yuddhishthira a tout perdu contre Duryodhana (qui
faisait jouer un tricheur à sa place), y compris lui-même et Draupadi.
Duryodhana envoie Duhshasana la chercher. Elle refuse de se laisser faire,
mais il la traîne de force par les cheveux (c'est beaucoup moins soutenable
que la dernière scène du premier acte du Crépuscule des Dieux où
Siegfried ayant pris les traits de Gunther malmène Brünnhilde). Ensuite, il
tire sur son sari, mais de nouveaux mètres de tissu apparaissent
prodigieusement au fur et à mesure. Elle avait en effet adressé une prière
à Krishna. Cette deuxième scène du jeu de dés était tout particulièrement
bien chorégraphiée et très émouvante.
Comme dans tout le programme, la musique semble le résultat d'un très
bon travail visant à accompagner la dramaturgie. Cela se voit dans le
texte, que je ne comprends pas, mais qui contient suffisamment de
mots-clefs pour qu'il soit évident que les mots employés collent à
l'action. L'utilisation des différents instruments et les choix de
dynamique permettent de souligner les passages importants. De façon assez
originale, les passages purement rythmiques
sont accompagnés non pas
seulement du mridangam et du nattuvangam (auxquels s'ajoutent la voix de la
guru dictant le rythme), mais aussi de la voix du
chanteur, absolument extraordinaire (je n'ai jamais entendu un chant d'une
telle qualité lors d'un récital de bharatanatyam, à part Aruna Sairam, mais
c'était dans un contexte un peu particulier.
Il s'agit donc d'un récital de bharatanatyam dans un style très
narratif, comme j'en ai rarement vu. C'est cependant moins dansant que ne
l'était Srithika Kasturi Rangam. Cela dit, les passages
rythmiques de danse pure
étaient très bien.
Après Draupadi, c'est au tour de Sita. Là encore, l'histoire est parfaitement claire. Elle est découverte dans un sillon de terre par Janaka, qui l'élève. Lors de son svayamvar, Rama l'obtient en bandant l'arc de Shiva. J'avais déjà vu plusieurs fois cette scène particulière lors d'autres récitals. Ici, comme dans l'ensemble du récital, cela pèche un peu par la consision du propos. Il aurait été intéressant (et sans doute plus divertissant) de ne pas montrer seulement Rama en train de réussir l'épreuve, mais aussi de souligner la difficulté de la tâche en montrant quelques autres en train d'échouer plus ou moins lamentablement (le même problème se posait aussi avec l'épreuve réussie par Arjuna). Le plus beau passage de cette partie est intervenu ensuite. Alors qu'elle est dans la forêt avec Rama et Lakshmana, elle aperçoit une antilope dorée (en fait un démon qui a pris cette forme pour la tromper) ; elle demande à Rama de la lui capturer. Lakshmana finit par y aller aussi. Laissée seule, elle est enlevée par Ravana, que la danseuse a caractérisé en suggérant la présence de multiples têtes. Là, il y a eu une brutale ellipse, puisqu'on s'est retrouvé presqu'aussitôt à la fin de la guerre entre les démons d'un côté et Rama et les singes de l'autre. C'est seulement par les lumières qu'a été suggéré l'épreuve du feu que s'inflige Sita pour prouver sa vertu (cela a été presque furtif, pas du tout spectaculaire). Ensuite, la rumeur publique s'empare du bon sens de Rama qui envoie son frère abandonner Sita dans la forêt. Le public mumbaïte a laissé échapper quelques applaudissements lorsque Sita est brièvement sortie de scène (en pensant sans doute que cela signifiait la fin de la pièce) pour revenir aussitôt en ayant donné naissance à ses deux fils jumeaux. La fusion finale de Sita avec la Terre au moment où Rama venait la reprendre n'a été malheureusement suggérée que par les lumières.
C'est Tara, une autre femme du Ramayana, qui a été évoquée ensuite. Cela m'a semblé moins clair, la seule scène bien identifiable a été celle où Rama tue d'une flèche le singe Valin au cours du duel entre Valin et son frère Sugriva.
La dernière femme évoquée est Mandodari, l'épouse de Ravana. Essentiellement, on la voit jouir du luxe de Lanka, puis se lamenter de la mort de Ravana après qu'il a été tué par Rama.
Bien qu'il ne m'ait pas semblé entièrement satisfaisant, j'ai beaucoup apprécié ce récital, qui s'est conclu par les salutations traditionnelles dans un Mangalam.
2011-07-16 01:06+0200 (Orsay) — Culture — Musique — Danse
Opéra Garnier — 2011-07-15
José Martinez, chorégraphie, adaptation
Marc-Olivier Dupin, musique
François Roussillon, adaptation
Ezio Toffolutti, décors
Agnès Letestu, costumes
André Diot, lumières
Arantxa Sagardoy, assistante du chorégraphe
Jean-François Verdier, direction musicale
Agnès Letestu, Garance
José Martinez, Baptiste
Florian Magnenet, Frédérick Lemaître
Vincent Chaillet, Lacenaire
Clairemarie Osta, Nathalie
Caroline Robert, Madame Hermine
Yann Saïz, Le Comte
Aurélien Houette, Avril, complice de Lacenaire
Arnaud Dreyfus, Jéricho, le marchant d'habits
Takeru Coste, Arlequin
Aurélie Bellet, Rigolette
Christelle Granier, Pamela
Charlotte Ranson, Desdémone
Sarah Kora Dayanova, La Ballerine
Ballet de l'Opéra
Orchestre de l'Opéra national de Paris
Les Enfants du paradis, ballet en deux actes d'après le scénario de Jacques Prévert et le film de Marcel Carné
Approchez Mesdames et Messieurs. Pour la dernière fois ce soir, et
sans majoration du prix des places : Les Adieux de José Martinez
. C'est
ce qu'un des personnages crie lors de la première scène Le boulevard du
Temple. La première de cette reprise ayant été annulée (j'ai déjà reçu
le virement de remboursement !), c'est donc uniquement à cette dernière que
j'assiste. Je l'avais réservée dès qu'il avait été annoncé que José
Martinez y danserait pour la première et dernière fois le personnage de
Baptiste.
Je retrouve un ballet que j'avais aimé lors de sa
création. Entretemps, j'ai vu le film de Marcel Carné (curieusement ;
lors de la création, le ballet était d'après le scénario de Jacques
Prévert
, lors de cette reprise, c'est d'après le scénario de Jacques
Prévert et le film de Marcel Carné
). Tant qu'à faire, on aurait aussi
pu recatégoriser l'ouvrage en ballet-pantomime
, puisque pendant plus
de deux heures, c'est quand même avant tout de pantomime qu'il s'agit. Il
se trouve cependant quelques très beaux moments vraiment dansés.
Les rôles principaux sont tous interprétés de façon enthousiasmante
voire très enthousiasmante. Bien sûr, il y avait le couple principal Agnès
Letestu (Garance) et José Martinez (Baptiste), et les autres, mais ceux qui
m'ont le plus impressionné sont Yann Saïz (Le Comte) et surtout Florian
Magnenet (Frédérick Lemaître), dont on se demande s'il n'a pas été un peu
inspiré par Ivan Vasiliev (en sautant un peu moins haut, certes). Le
passage dansé le plus spectaculaire est le ballet à l'intérieur du ballet
Robert Macaire où, accompagné par le corps de ballet, Frédérick
Lemaître danse avec la Ballerine (Sarah Kora Dayanova). Il était décidément
partout parce qu'à l'entr'acte, il mettait à mort Desdémone (Charlotte
Ranson) au Théâtre du Grand Escalier
, passage que j'ai mieux vu
cette fois-ci, depuis le niveau des deuxièmes loges, même si un éblouissant
chandelier m'a empêché d'apprécier la fin.
Du côté de la musique, on a l'impression d'entendre un remix de tout le
répertoire (il y a par exemple quelques passages très mozartiens dans le
premier acte). C'est indiscutablement agréable à écouter, le rythme est
assez marqué et la musique est suffisamment répétitive pour qu'on soit
entraîné par la musique. On entend quelques emprunts et citations
(notamment le début de la musique de la pub' CNP
: la Valse nº2 de
la Suite pour orchestre de variété nº1 de Chostakovitch).
Cependant, il y a aussi des transitions à la façon des musiques de film
d'horreur qui sont à la limite du vulgaire. Que ce soit pour la musique ou
la danse, on est loin d'assister à un ballet intellectualisant, on est
plutôt dans le grand spectacle.
Les saluts ont été particulièrement émouvants pour cette dernière de
José Martinez (qui reviendra comme étoile invitée l'année prochaine...). On
a vu des lâchers de ballons aux couleurs de l'Espagne. Le danseur a été
très longuement applaudi et il y a eu une énorme standing ovation.
Vers la fin, il est même descendu triompher au milieu du public le long de
l'allée au milieu du parterre (les strapontins n'étant pas utilisés puisque
le personnage de Garance doit emprunter ce même chemin dans le ballet).
Quelques ¡Olé!
...
2011-07-15 00:24+0200 (Orsay) — Culture — Musique — Danse
Théâtre du Châtelet — 2011-07-14
Miami City Ballet
Edward Villella, direction artistique
Orchestre Prométhée
Gary Sheldon, direction musicale
Maurice Ravel, musique (Valses nobles et sentimentales, La Valse)
George Balanchine, chorégraphie (1951)
Karinska, costumes
Jean Rosenthal, lumières
Jennifer Carlynn Kronenberg, Carlos Guerra
Isanusi Garcia-Rodriguez, la mort
La Valse
Frédéric Chopin, musique (quatre nocturnes pour piano, op. 27 nº1, op. 55 nº1 et 2, op. 9 nº2)
Jerome Robbins, chorégraphie (1970)
Anthony Dowell, costumes
Jennifer Tipton, lumières
Francisco Rennó, piano
Tricia Albertson, Didier Bramaz
Mary Carmen Catoya, Reyneris Reyes
Jeannette Delgado, Renato Penteado
In the Night
Igor Stravinski, musique (Symphony in Three movements)
George Balanchine chorégraphie (1972)
Karinska, costumes
John Hall, lumières
Katia Carranza, Carlos Guerra
Tricia Albertson, Daniel Baker, Patricia Delgado, Renan Cerdeiro
Symphony in Three Movements
J'ai décidé au dernier moment d'aller voir le Miami City Ballet au Châtelet : ce soir, il y avait un programme Balanchine/Robbins.
Le premier ballet, sur une musique de Ravel, était un fort agréable divertissement bourgeois. Des couples dansent la valse. Dans le couple principal, la danseuse se fait séduire par un homme en noir qui lui offre des bijoux et de nouveaux vêtements noirs. C'est la mort incarnée. Le ballet est tout juste divertissant, aucunement désagréable à voir, mais la musique interprétée par l'orchestre de jeunes Prométhée me plaît (jolis glissandos des harpes).
Le deuxième ballet est In The Night de Jerome Robbins que j'avais déjà vu dansé par des danseurs du ballet de l'opéra. Je n'ai plus de souvenir précis du décor d'alors. Celui du Miami City Ballet est peut-être un petit peu kitsch : on voit quelques étoiles briller dans le fond. Pour moi, le problème avec cette représentation a été le pianiste. Cela m'a paru très mécanique, sans nuances, bref cela manquait d'interprétation... au point que les deux premiers nocturnes joués m'ont paru presqu'insupportables (en temps normal, je ne suis déjà pas très friand de Chopin, alors là...). Comme la première fois, c'est surtout le pas de deux du troisième couple qui m'a plu, tout comme la quatrième et dernière partie où ils reviennent tous.
Le dernier ballet présenté a été Symphony in Three Movements de Balanchine, sur une musique du même nom de Stravinski. Lors le premier mouvement de cette symphonie, j'ai souvent pensé au Sacre du printemps (un peu plus loin, on trouve aussi un duo de bassons !). Le pianiste de l'orchestre aurait probablement été meilleur que le soliste entendu dans In The Night... Pour ce qui est de la danse, cela m'a fait un peu penser à Rubis (Joyaux) du même chorégraphe. Cela fait assez plaisir de voir les ensembles de danseurs évoluer de façon homogène sur le plateau. Pour le reste, je ne sais pas ce que ce ballet raconte. Vu les costumes, cela pourrait être des jeux plus ou moins sportifs (une sorte d'aérobic) situés sur une plage...
Sans me plaire ou m'étonner autant que d'autres compagnies invitées ici ou là (Ballet du Théâtre Bolchoï, Ballet de Hamburg, Béjart Ballet Lausanne, Ballet national de Chine, Ballet royal du Cambodge), le Miami City Ballet m'a fait passer une bonne soirée et j'ai été content de découvrir deux autres ballets de Balanchine.
2011-07-05 00:37+0200 (Orsay) — Culture — Musique — Opéra
Opéra Bastille — 2011-07-04
Aleksandrs Antonenko, Otello
Sergei Murzaev, Jago
Michael Fabiano, Cassio
Francisco Almanza, Roderigo
Carlo Cigni, Lodovico
Roberto Tagliavini, Montano
Tamar Iveri, Desdemona
Nona Javakhidze, Emilia
Chae Wook Lim, Un araldo
Andre Serban, mise en scène
Peter Pabst, décors
Graciela Galan, costumes
Joël Hourbeigt, lumières
Alessandro Di Stefano, chef de chœur
Marco Armiliato, direction musicale
Orchestre et Chœur de l'Opéra national de Paris
Maîtrise des Hauts-de-Seine, Chœur d'enfants de l'Opéra national de Paris
Otello, Verdi
Je reviens de la première des représentations de cette série d'Otello où Tamar Iveri chante le rôle de Desdemona. J'ai déjà eu l'occasion de dire que je n'appréciais pas spécialement cette chanteuse. Pourtant, lors de la représentation de ce soir, j'ai vraiment apprécié son interprétation (qui semble tendre parfois à rapprocher Verdi de Puccini), nettement meilleure que celle de Renée Fleming... en particulier, dans la chanson du saule et la prière qui suit.
La mise en scène d'Andrei Serban est la meilleure des trois que j'ai vues de ce metteur en scène (après Lucia di Lammermoor et L'Italienne à Alger). Ce n'est pas extraordinaire, mais il y au moins quelques belles images, comme le feu de joie au premier acte. L'idée principale consiste à projeter des vidéos en surimpression sur les décors ou quelque grand voilage quand la situation le suggère ou quand des personnages ont des pensées en flashback. Au début, pendant la tempête, on voit ainsi des images que l'on aurait aussi bien pu voir au début du Tristan et Isolde avec les vidéos de Bill Viola. Cela dit, les feux d'artifice et les ciels bleus, à force, cela lasse un peu. Je ne sais pas exactement pourquoi j'aurais voulu que Otello étouffe Desdemona avec un oreiller, mais ici, il l'étrangle avec un voile blanc. Parmi les images frappantes : le décor de la chambre était complètement blanc, comme le costume de Desdemona lors de ce quatrième acte. La façon dont Otello transperce alors avec son épée des sortes de cloisons faites de voiles blancs encadrés était légèrement ridicule, mais la mise en scène ne m'a paru à aucun moment grotesque.
Grimé en Maure
, Aleksandrs Antonenko est un peu plus crédible
scéniquement que dans la version sans décor et
accessoire. Cela dit, son rôle est assez statique. Vocalement, il m'a
semblé un peu moins à l'aise que la première fois. Le Jago de Sergei
Murzaev n'a tout simplement rien à voir avec celui de Lucio Gallo. Sa
technique est toute différente, plus subtile que celle de Gallo, qui était
cependant meilleur comédien.
Pour ce qui est de l'orchestre, même depuis une place acoustiquement moins favorable que la première fois (mon replacement ninja au fond du premier balcon de face n'a tenu que jusqu'à la fin du premier acte où on a fait entrer des retardataires), cela m'a semblé sublime. Encore une fois bravo au chef Marco Armiliato. Les instruments à vents ont sonné formidablement bien lors de leur ensemble au début du quatrième acte et l'entrée des cordes s'est faite sans rupture. C'est cette même continuité wagnérisante qui m'avait séduit lors de la fois précédente.
2011-07-04 00:22+0200 (Orsay) — Culture — Musique — Culture indienne
Maison de l'Inde, Cité universitaire — 2011-07-03
Ustad H. Sayeeduddin Dagar, chant dhrupad
Pandit Mohan Shyam Sharma, pakhawaj
Raga Marwa
Raga Lalitha-Gauri
Raga Abhogi
Raga Gumkali
Raga Malkauns
C'est un drôle de concert que celui qui a eu lieu en fin d'après-midi à la Maison de l'Inde et dont j'avais connu l'existence grâce à Klari. Il s'agissait d'un concert de Ustad H. Sayeeduddin Dagar, oncle de Ustad F. Wasifuddin Dagar que j'avais entendu il y a un mois (mais dont j'ai manqué le concert du 21 juin du fait de la grève dans les transports).
Cela a commencé en effet très bizarremment. Alors qu'on s'attendait à un
Alap, le maître (72 ans) a commencé par un śloka dédié à
Ganesh. Il avait dit avant dans un anglais difficilement intelligible qu'il
commençait tous ses récitals ainsi. Il a ensuite repris un programme plus
traditionnel par un raga d'après-midi (Marwa). Le problème, c'est
que le son de sa voix ne portait pas jusqu'au jusqu'au quatrième rang de ce
concert assez confidentiel (une trentaine de spectateurs). Le son des trois
tanpuras était trop amplifié par rapport à la voix du chanteur. Il était
vraiment impossible d'entendre ce que faisait le chanteur. Pendant plus
d'une dizaine de minutes, il y avait vraiment de quoi se dire Au
secours ! Qu'est-ce que je fais ici ?!
.
J'ai été soulagé quand le réglage du son a été corrigé. Il a été
possible de comprendre un peu mieux ce que faisait le chanteur. Cela m'a
paru moins limpide que lors du concert de Wasifuddin Dagar, mais malgré la
voix un peu fatiguée et une gorge parfois capricieuse, le chanteur a fait
un beau développement. Il a parfois fait signe à un de ses étudiants de
chanter un peu. Ce premier raga a duré environ quarante minutes. Il a été
suivi du double raga Lalitha-Gauri, que contrairement au premier,
il a été possible d'apprécier du début à la fin, pendant vingt-cinq
minutes. Pendant cette partie, on a parfois vu le chanteur plaisanter sur
son grand âge, dont résulterait quelques insuffisances, ou, lors d'une
démonstration d'une technique vocale particulière, prononcer un aphorisme
comme The pitch can go against the water.
. On l'a parfois vu en
quelque sorte s'amuser de devoir passer son tour en ratant le train du
rythme imposé par le brillantissime percussionniste (Pandit Mohan Shyam
Sharma, qui accompagnait aussi Wasifuddin Dagar).
Après une pause, la concert a repris. Il a expliqué qu'il était en conflit avec le percussionniste parce que pour jouer certain raga du soir, il lui faudrait davantage d'obscurité (actionner les stores n'y a rien fait, à 20h, c'était comme en plein jour). Le Raga Abhogi qui a été joué sur un rythme très lisible à 5+4+5=14 temps a été absolument sublime. Je n'ai pas vu le temps passer pendant ce développement. En jetant un coup d'œil à l'horloge, j'ai été stupéfié en découvrant qu'il avait duré 40 minutes.
Le rythme à sept temps du Raga suivant, Gumkali, a été plus
difficile à saisir... C'est le seul morceau du concert dont j'aie compris
quelques mots du śloka : Bhaje Damaru
. Il devait donc
probablement s'agir d'un vers dédié à Shiva (comme j'en avais entendu lors
du récital de Gaayatri Kaundinya à Kolkata). Un quart
d'heure plus tard, le public en redemandant, le chanteur a interprété le
Raga Malkauns.
Sans atteindre les sommets du concert de Wasifuddin Dagar et malgré un début raté, cela restera sans doute un fort bon souvenir. Arriver à chanter pendant environ trois heures sans faire naître l'ennui, c'est déjà en soi très remarquable !
2011-07-02 23:51+0200 (Orsay) — Culture — Musique — Danse
Opéra Bastille — 2011-07-02
Mark Anthony Turnage, musique (Blood on the Floor, 1994)
Wayne McGregor, chorégraphie
John Pawson, scénographie
Moritz Junge, costumes
Lucy Carter, lumières
Laïla Diallo, assistante du chorégraphe
Jérémie Bélingard, Mathias Heymann, Marie-Agnès Gillot, Dorothée Gilbert, Laurène Lévy, Audric Bezard, Alice Renavand, Josua Hoffalt, Myriam Ould-Braham, Simon Valastro, Aurélie Dupont
Ballet de l'Opéra
Ensemble Intercontemporain
Peter Rundel, direction musicale
John Parricelli, guitare électrique
Peter Erskine, batterie jazz
Martin Roberston, saxophone, clarinette
Michel Benita, guitare basse
Willi Bopp, son
L'Anatomie de la sensation, pour Francis Bacon (création)
Je n'avais pas prévu d'aller à la création de L'Anatomie de la sensation, pour Francis Bacon de Wayne McGregor. Elle devait avoir lieu vendredi dernier, en même temps que la première de la reprise des Enfants du paradis. J'avais choisi cette dernière, mais les deux représentations ont été annulées en raison d'une grève des personnels de l'Opéra à propos de leur régime spécial de retraites.
La deuxième représentation, prévue samedi à 14h30, a également été annulée par manque de répétitions. Mon billet pour cette troisième représentation m'a donc permis, par hasard, d'assister à la création du ballet. Celle-ci a été retardé d'une bonne dizaine de minutes pour faire rentrer les nombreux retardataires (l'entrée dans l'Opéra Bastille n'étant pas facilitée les mesures de sécurité inquisitoriales associées à une manifestation qui avait lieu sur la place de la Bastille à propos de la Côte d'Ivoire).
Ce ballet ne m'a procuré aucune émotion. Ni adhésion, ni rejet. Juste un vide. La musique de Mark Anthony Turnage (1994) n'est pas extraordinaire non plus. Que ce soit dans la musique ou dans la chorégraphie, on ne voit pas du tout où cela mène. Dans la musique, quelques passages pas désagréables du tout grâce à la guitare électrique, mais cela ne fait que deux ou trois numéros sur les neuf parties de la partition et du ballet. La seule chose qui m'ait plu, c'est la scénographie. Le décor est constitué de deux grands panneaux blancs verticaux qui peuvent tourner. Ce serait plus précisément deux éléments comprenant chacun deux panneaux blancs reliés le long d'un côté commun (vertical), les panneaux formant un léger angle (qui est peut-être variable, je ne suis pas sûr d'avoir bien vu). Cela m'a laissé légèrement dubitatif au début, mais par la suite, les lumières et les rotations des panneaux ont créé de très belles configurations, dans lesquelles les danseurs passaient parfois de la lumière à la pénombre.
Autant chez Anna Teresa de Keersmaeker, on peut croire qu'il y a une organisation subtile derrière le désordre apparent, autant ici, tout semble aléatoire, comme passé par un générateur automatique de chorégraphies. Il y a bien eu quelques moments peu déplaisants, mais dans l'ensemble, je trouve que c'est assez mauvais. Comment un chorégraphe peut-il faire en sorte qu'on ait des difficultés à reconnaître Myriam Ould-Braham ?! Parmi les danseuses dont j'arrive à retenir quelques images de ce spectacle, il y a Marie-Agnès Gillot, Alice Renavand et Aurélie Dupont. (J'avais d'ailleurs pris cette place en plus de mon abonnement pour voir Aurélie Dupont qui revient dans cette série de représentation après un congé de maternité. On la voit en tout moins de dix minutes...)
J'avais mal lu la fiche de distribution et pensais que l'œuvre ne comportait que huit parties. Quand Alice Renavand et Josua Hoffalt ont terminé leur partie Crackdow, je pensais que c'était terminé. La neuvième et dernière partie Dispelling the Fears a été un quasi-supplice pour moi, parce que d'une part la musique me déplaisait franchement, et d'autre part il y avait un voile à l'avant-scène qui faisait qu'on ne distinguait plus grand'chose de ce qui se passait sur la scène (qui était faiblement éclairée).
Bref, c'est sans aucune doute ma plus mauvaise expérience de spectateur avec le Ballet de l'Opéra. La seule autre fois où j'étais sorti vraiment peu enthousiaste, c'était pour la soirée Amoveo/Répliques/Genus des chorégraphes Millepied/Paul/McGregor. Pourtant, ce soir-là, j'avais plutôt apprécié Genus...
2011-07-01 02:15+0200 (Orsay) — Culture — Musique — Opéra
Opéra Bastille — 2011-06-30
Torsten Kerl, Siegfried
Iain Paterson, Gunther
Peter Sidhom, Alberich
Hans-Peter König, Hagen
Katarina Dalayman, Brünnhilde
Christiane Libor, Gutrune, Dritte Norn
Sophie Koch, Waltraute
Nicole Piccolomini, Erste Norn, Flosshilde
Caroline Stein, Woglinde
Daniela Sindram, Zweite Norn, Wellgunde
Philippe Jordan, direction musicale
Günter Krämer, mise en scène
Jürgen Bäckmann, décors
Falk Bauer, costumes
Diego Leetz, lumières
Otto Pichler, chorégraphie
Stefan Bischoff, création images vidéo
Patrick Marie Aubert, chef du chœur
Orchestre et Chœur de l'Opéra national de Paris
Götterdämmerung, Wagner
J'ai assisté ce jeudi à la dernière du Crépuscule des dieux à
Bastille. Mon impression a été tout autre que la première
fois. Cela tient peut-être moins à l'interprétation qu'à ma
disposition physique. Lors de la matinée
du 12 juin, j'étais souvent
au seuil de l'endormissement. Ce soir, à la fin, après minuit, j'aurais pu
sans problème enchaîner avec un autre opéra de Wagner.
Lors de cette dernière, je n'avais plus aucune attente vis-à-vis de la mise en scène. J'ai donc pu me concentrer sur la musique, délaissant même les sur-titres, et je ne me suis pas ennuyé une seule seconde. Du côté des voix, la distribution est sans failles. La Waltraute de Sophie Koch m'a ébloui. Pas de surprises avec Hans-Peter König (Hagen), tout simplement extraordinaire. Très bonnes prestations des autres chanteurs. J'attendais beaucoup de Katarina Dalayman (Brünnhilde). Si cela n'a pas été absolument parfait, je l'ai nettement préférée à Brigitte Pinter. Sa façon d'incarner le rôle m'a paru plus convaincante (dans les limites de la mise en scène de Krämer...). Sa voix m'a également semblé moins fragile. Si la scène finale ne m'a pas ému autant que je l'eusse espéré, il s'est trouvé d'autres moments qui m'ont procuré de bonnes émotions.
Du côté de l'orchestre, je peux retirer quelques uns des griefs qui étaient sans doute liés à une incapacité passagère d'écouter de la musique. Sans être uniformément enthousiaste du début à la fin, j'ai passé une très bonne soirée grâce à l'orchestre. J'ai retrouvé les sublimes clarinettes et hautbois dans l'interlude précédant la rencontre entre Waltraute et Brünnhilde. Le rappel par les violoncelles des adieux de Wotan dans cette scène m'a paru très émouvante. La mort de Siegfried a été superbe, tout comme les réminiscences qui avaient précédé (comme la reprise des motifs associés à l'Oiseau par l'orchestre et Siegfried). Le langage des motifs m'a été intelligible tout du long. Cependant, je n'ai pas été emballé par certains débuts de phrases des cuivres, en particuliers des cors, notamment quand ils ont repris le motif du Rhin. À la fin, les premières apparitions du motif de la Rédemption par l'Amour m'ont semblées un peu disgracieuses (parce qu'à moitié camouflées par le reste de l'orchestre). Toutefois, contrairement à ce qu'il m'avait semblé entendre lors de l'autre représentation à laquelle j'ai assisté, la dernière occurrence de ce motif a été très majestueuse.
Événement rare, le parterre a fait une véritable standing ovation aux artistes.
2011-06-26 21:54+0200 (Orsay) — Culture — Musique — Culture indienne
Théâtre de la Ville — Place du Châtelet — 2011-06-26
Kaushiki Chakrabarty, chant khyal
Subhankar Banerjee, tabla
Gourab Chatterjee, harmonium
Ranjana Gathak, tanpura
Raga Madhuvanti
Raga Kedar
Raga Pilu (Thumri)
Raga Bhairavi (Bhajan)
Je n'avais pas réécouté les enregistrements des concerts de Kaushiki Chakrabarty il y a trois ans lors des Vingt-quatre heures du râga. Ce n'était pas vraiment la peine puisque lorsqu'elle a commencé à chanter cet après-midi, j'ai retrouvé les sensations produites par son style. Au fur et à mesure que l'on avançait dans la première composition (Raga Madhuvanti), quand elle introduisait une nouvelle technique d'ornementation ou d'improvisation, je me sentais comme en terrain connu, quoique déserté depuis trois ans.
Cette première composition a duré un peu moins d'une heure. C'est cette partie du concert que j'ai préférée. Après d'austères vocalises (très ornementées), les percussions sont entrées en douceur. Je n'ai pas du tout compris le vers qui a été chanté et à partir duqeul la chanteuse a improvisé, mais elle a fait preuve d'une technique éblouissante, notamment dans les passages solfiés, où sur un rythme fou, elle prononçeait le nom des notes chantées. Elle a en fait utilisé toutes sortes de techniques différentes, les combinant parfois dans le même mouvement.
Dans cette première pièce, j'ai cependant été plusieurs fois mal à l'aise du fait des multiples incompréhensions qui se sont fait voir et entendre entre la chanteuse et le tabliste.
Après un tel développement, il m'a été difficile de me remettre dans l'atmosphère de la double pièce suivante (Raga Kedar). Après ces pièces de style khyal, Kaushiki Chakrabarty a chanté un thumri (Raga Pilu), une lamentation amoureuse. Au bout d'environ deux heures, le concert s'est terminé par un très beau Bhajan (Raga Bhairavi ?).
2011-06-21 01:18+0200 (Orsay) — Culture — Musique — Opéra
Théâtre du Châtelet — 2011-06-20
Plácido Domingo, Pablo Neruda
Charles Castronovo, Mario Ruoppolo
Amanda Squitieri, Beatrice Russo
Cristina Gallardo-Domâs, Matilde
Patricia Fernandez, Donna Rosa
Victor Torres, Giorgio
Laurent Alvaro, Di Cosimo
Pepe Martinez, Le Père de Mario
David Robinson, Le Prêtre, Cura
Randy Razafijaonimanana, Pablito
Orchestre Symphonique de Navarre
Chœur du Châtelet
Jean-Yves Ossonce, direction musicale
Alexandre Piquion, chef de chœur
Ron Daniels, mise en scène
Riccardo Hernandez, décors et costumes
Jennifer Tipton, lumières
Jesse Belsky, recréation des lumières
Philip Bussmann, projections vidéo
David Bridel, chorégraphie
Il Postino, Daniel Catán
Je reviens de la première française de l'opéra Il Postino adapté du film du même nom qui était lui-même adapté du livre Ardiente Paciencia d'Antonio Skármeta. Il s'agit d'une fiction imaginée à partir de la vie de Pablo Neruda. Pendant son exil en Italie au début des années 1950, il se serait lié d'amitié avec un postier, Mario, dans lequel il aurait fait naître un intérêt pour la poésie.
Neruda est avec Matilde. Mario séduit Beatrice, mais sa tante Donna Rosa veille. Il vont se marier, mais Mario va mourir lors d'une manifestation communiste qui dégénérera. Pendant ce temps, Neruda sera rentré au Chili, semblant oublier les moments passés avec eux en Italie. Quand il reviendra, il ne retrouvera que Beatrice et son fils, appelé Pablito en hommage au poète. (En trame de fond, il y a aussi un contexte politique de promesses électorales, qui, dans cette localité, tourne autour de la construction d'un réseau d'alimentation en eau digne de ce nom.)
Cette production d'opéra m'a semblé assez peu intéressante. Malgré un
hautbois quelque peu défectueux, on passe plutôt un bon moment avec une
musique douce aux oreilles (nonobstant l'utilisation du piano comme
instrument à percussions). La musique créée une atmosphère, mais elle ne
semble former qu'un arrière-plan pour les voix. La façon dont les voix
chantent (en espagnol) fait beaucoup penser aux opéras de Puccini (en
particulier La Bohème). J'ai trouvé que cela sonnait vraiment trop
à la manière de
, même si ce n'est pas particulièrement désagréable
(je ne snobe pas Puccini !).
Du côté des chanteurs, Plácido Domingo (Neruda) a encore de beaux restes ! et dans le rôle de Mario, Charles Castronovo est véritablement excellent. Je ne l'avais entendu jusqu'à maintenant que dans Mireille. Je suis moins convaincu par les deux sopranos Cristina Gallardo-Domâs (Matilde) et Amanda Squitieri (Beatrice) qui ont des voix puissantes, mais dont j'ai trouvé les aigus assez déplaisants.
La mise en scène est assez triviale. Il y a un certain gâchis dans l'utilisation des décors et accessoires. Toutes les cinq minutes environ, on vient déplacer des accessoires pour en remettre d'autres ou on fait un précipité pour installer un nouveau décor qui servira pendant cinq minutes. L'idée est sans doute de faire quelque chose d'un peu cinématographique (on note quelques travellings avant de décors de l'arrière de la scène vers l'avant). Enfin, bref, ce n'est pas très convaincant.
2011-06-19 23:31+0200 (Orsay) — Culture — Musique — Danse — Danses indiennes — Culture indienne
Au bout de l'Allée des Berges, Sucy-en-Brie — 2011-06-19
Brigitte Chataignier, Hélène Marionneau, Mallika Thalak (Compagnie Prana), danse
Brigitte Chataignier, direction artistique et chorégraphique
Zéno Bianu, texte, voix
Alain Kremski, musique, piano et bols chantants
Denis Gambiez, réalisation sonore
Philippe Lacroix, scénographie
Joe Ikareth, costumes
Sylvain Labrosse, régie plateau
Brigitte Prost, aide dramaturgie
Gangâ
Je suis retourné au festival de l'Oh ce dimanche après-midi. Cette fois-ci, c'est à Sucy-en-Brie, à un kilomètre environ de la station de RER. J'arrive un peu avant une conférence-débat Les paysans indiens face aux techniques modernes avec Esha Shah, ingénieure environnementale et anthropologue, qui s'est intéressée au phénomène du suicide des paysans en Inde. Dans son exposé, elle a présenté quelques aspects de la Révolution verte en Inde, entreprise à partir du milieu des années 1960. Elle a expliqué que paradoxalement, ce ne sont pas les paysans les plus pauvres qui se suicident : ce sont plutôt ceux qui, ayant terrains, machines et main d'œuvre, n'arrivent plus à exporter du fait de la concurrence internationale et ne parviennent plus à rembourser leurs dettes. Des expérimentations prometteuses ont été faites pour retourner à une agriculture sans pesticides, mais cela reste encore très minoritaire.
La dernière représentation du spectacle Gangâ a lieu ensuite. Le décor s'inscrit dans le cadre naturel de ce bord de Marne. Avant la représentation, les danseuses balayent le praticable en bois avec des balais de brindilles typiquement indiens. Au piano électronique, Alain Kremski, dont j'avais tant aimé Melancolia créé à Pleyel il y a un mois, se dégourdit les doigts en jouant quelques mesures de la Première Gymnopédie (Satie).
Le spectacle commence. Il met en scène trois danseuses en kurta-pyjamas (jaune, bleu et rouge) et un récitant-poète. Le texte, quasiment chuchoté, est une poésie rimée évoquant la Gangâ dans un style dépouillé et hermétique. Il ne m'en reste presqu'aucun souvenir, si ce n'est une énumération de villes et villages où passe la Gangâ (ou certains de ses affluents, puisque Kedarnath apparaissait dans cette liste). À de nombreux moments, vu l'extrême lenteur des mouvements, on est vraiment à la limite de la danse. Il faut quand même noter la difficulté qu'il doit y avoir à maintenir certaines postures pendant de longues secondes, alors que le vent s'immisce dans cette représentation en plein air.
La chorégraphe Brigitte Chataignier (que j'avais trouvée plus
convaincante en danseuse de mohiniattam) utilise dans sa
chorégraphie contemporaine
des éléments issus des danses indiennes :
mouvements rythmiques des pieds, langage des mains et des bras (évocation
des poissons, des éléphants, etc). Curieusement, quand elle prend une
posture qui ne peut vraisemblablement être que celle de Shiva-Nataraja, son
bras gauche est orienté vers le bas alors qu'usuellement, il serait être
tourné vers la droite, quasi-flasque, faisant penser à une trompe
d'éléphant. Dans une scène parlée (mais inaudible) dans une langue
indéterminée, il semble que les danseuses reproduisent
une scène de lavandières travaillant au bord de la rivière. Plus loin, on
les verra danser de façon plus enjouée sur une musique enregistrée
Bollywood, circa 1950 ; ce sera le seul passage que l'on pourrait qualifier
de pas de trois
.
Parmi les moments saisissants, celui où la danseuse en bleu Hélène Marionneau trempe sa longue chevelure dans un mini-bassin carré placé au fond de la scène, puis se dresse, projetant ses cheveux vers l'arrière, décochant de multiples gouttelettes. La troisième danseuse (en jaune) Mallika Thalak m'a semblé particulièrement à l'aise avec les éléments de la chorégraphie provenant du bharatanatyam, en commençant par un port de tête exquisement gracieux.
La réalisation sonore de Denis Gambiez reproduit l'ambiance de scènes
réelles enregistrées au bord de la Gangâ. J'ai trouvé que cela avait une
importance un peu trop grande par rapport à la musique interprétée par
Alain Kremski. Celle-ci se termine tout en beauté par l'utilisation de
bols chantants
, des instruments à percussions tout en résonance.
Globalement, le spectacle m'a un peu plu, mais sans m'enthousiasmer au plus haut point.
2011-06-18 18:04+0200 (Orsay) — Culture — Musique — Opéra
Opéra Bastille — 2011-06-17
Aleksandrs Antonenko, Otello
Lucio Gallo, Jago
Michael Fabiano, Cassio
Francisco Almanza, Roderigo
Carlo Cigni, Lodovico
Roberto Tagliavini, Montano
Renée Fleming, Desdemona
Nona Javakhidze, Emilia
Chae Wook Lim, Un araldo
Andrei Serban, mise en scène
Peter Pabst, décors
Graciela Galan, costumes
Joël Hourbeigt, lumières
Alessandro Di Stefano, chef de chœur
Marco Armiliato, direction musicale
Orchestre et Chœur de l'Opéra national de Paris
Maîtrise des Hauts-de-Seine, Chœur d'enfants de l'Opéra national de Paris
Otello, Verdi (sans décors ni accessoires)
Une grève à l'Opéra a fait que cette représentation de l'Otello
de Verdi s'est faite sans décors. Le mouvement devait être plus étendu que
d'habitude puisque les chanteurs n'avaient à leur disposition aucun
accessoire. En sus, parmi eux, il y en avait au moins deux qui ne jouaient
pas (Otello et Desdemona). Scéniquement, c'était bien en dessous de ce qui
se voit dans les représentations d'opéras annoncées à l'avance comme étant
en version de concert
. Lors de la dernière série de représentations
de L'Italienne à Alger, j'avais trouvé que la
version sans décors avec mise en scène improvisée était meilleure que la
version normale (mise en scène par Andrei Serban). Je n'ai pas encore vu
sa mise en scène d'Otello, je pourrai comparer plus tard...
Le renoncement d'un certain nombre de spectateurs m'a permis, avec d'autres, de bénéficier d'un replacement de première catégorie au premier rang centré du premier balcon.
Du côté de la musique (l'orchestre de l'Opéra dirigé par Marco Armiliato), j'ai trouvé cette représentation sublime. Les sonorités de l'orchestre passent par de nombreux états au cours de l'opéra, les orchestrations des différents moments étant très variées, chacune convenant aux sentiments ou à la situation particulière. Dans la mise en musique du texte, on trouve peu de passages que l'on pourrait qualifier d'airs. On observe au contraire une grande continuité dans la musique, dont la tension ne retombe jamais. Bref, c'est assez wagnérien... L'atmosphère d'une phrase musicale confiée aux violoncelles me fait d'ailleurs penser à un passage similaire dans le premier acte de La Walkyrie. On trouve même des motifs, en tout cas au moins un, utilisé au dernier acte comme réminiscence de l'amour d'Otello et Desdemona avant que la jalousie n'y fît obstacle. Parmi les moments très forts, j'ai apprécié l'utilisation des contrebasses pour accompagner l'entrée en scène d'Otello alors qu'il va commettre l'irréparable.
S'il avait été un peu plus comédien, j'aurais été totalement convaincu par Aleksandrs Antonenko (Otello). Le jeu de Renée Fleming (Desdemona) a été également très en retrait, mais je n'ai pas beaucoup apprécié sa voix, qui quoique dotée d'un joli timbre, m'a semblée assez inconstante et peu puissante. Mon impression négative sur la première partie de la représentation s'est cependant un peu améliorée dans les deux derniers actes. J'ai lu beaucoup de commentaires assassins sur le baryton Lucio Gallo (Jago). Moi, je l'ai trouvé très bien. C'était aussi le seul à véritablement jouer son rôle, qui est tout en duplicité.
2011-06-15 02:57+0200 (Orsay) — Culture — Musique — Danse — Danses indiennes — Culture indienne
Le Moulin Brûlé, Maisons-Alfort — 2011-06-14
Sanjip Dasgupta, sarod
Raga Desh
Brigitte Chataignier, danse
Deux pièces de Mohiniattam
À la suite de deux exposés épuisants (51 transparents en deux heures) et bien que faisant ainsi je manquais le cocktail de cette école d'été (sic), je me suis précipité à Maisons-Alfort pour aller écouter une conférence à propos de la Ganga comme me l'avait suggéré un des organisateurs, par ailleurs lyricomane.
La conférence a lieu au Moulin Brûlé, situé sur l'île de Charentonneau au bord de la Marne. Elle est précédée par deux programmes culturels.
Cela commence par un Raga de la saison des pluies (la post-traduction en français a été plus que fantaisiste sur ce point-là !) : Raga Desh, interprété au sarod par Sanjip Dasgupta, originaire de Kolkata. Le début fait penser à une traduction dans cet instrument de ce qui se fait dans la musique vocale hindustani. Pendant la première partie, les suites de notes jouées commencent systématiquement par les mêmes deux premières notes (du grave vers l'aigu). Les notes suivantes se compliquent au fur et à mesure que l'on avance. L'interprète utilise une technique élaborée de vibrato. Dans la musique carnatique, j'ai très souvent vu des violonistes jouer une note, puis faire monter le son vers l'aigu ou le grave en faisant glisser amplement le doigt de la main gauche vers le haut ou vers le bas. Il me semble que le geste n'était jamais que dans une seule direction. Ce que fait l'instrumentiste de ce soir est plus évolué : après avoir fait vibrer la corde, il peut déplacer le doigt dans une direction pour faire baisser la hauteur, puis, sans relancer la vibration de la corde, faire repartir son doigt dans l'autre direction. Plus tard, l'interprétation se fait plus virtuose et le musicien est rejoint par un tabliste (que la faible amplification de l'instrument ne permettra pas véritablement d'entendre). La sonorité du sarod (que je n'avais entendu qu'au disque) est une très belle découverte.
Ensuite, la danseuse Brigitte Chataignier entre en scène pour interpréter deux courtes pièces de Mohiniattam, la danse traditionnelle féminine du Kerala (que je n'avais vue qu'une fois lors des vingt-quatre heures du Raga). Comme il m'avait semblé la première fois, les mouvements et posture des mains rappellent ceux du bharatanatyam. Les pieds semblent avoir essentiellement un rôle rythmique (grelots aux chevilles), l'essentiel étant fait par le haut du corps. On est très loin de la recherche d'effets et de vitesse que l'on observe parfois dans le bharatanatyam. De façon amusante, il semble que comme dans la danse/théâtre du Kerala, le kathakali, un effort particulier soit porté sur l'expression faciale, par le contrôle le plus individualisé que possible des muscles faciaux (permettant de faire bouger un sourcil en maintenant le reste du visage impassible...). La première pièce était sur le Raga Cakravaka et se finissait par une prière à Shiva et Parvati, des divinités qui ont été presque furtivement évoquées dans la chorégraphie.
La deuxième pièce est un Padam (Raga Ahari ?). L'annonce du thème m'a presque fait sursauter tant il est typique : une femme se languit de Vishnu auprès de sa confidente (le Dieu est désigné par un nom inconnu de moi, peut-être parce que c'était en malayalam ?). Ce dernier sera évoqué dans la chorégraphie sous la forme où on le voit couché sur l'océan cosmique. Quand le dieu Kama lui lancera des flèches, on se serait cru dans Armide et Renaud, ballet à l'intérieur du ballet Flammes de Paris. La femme se fera ensuite aussi belle que possible pour aller à la rencontre du Dieu. Cette danse étant lente et dépourvue de spectaculaire, il me semble a priori extrêmement délicat de l'interpréter de façon convaincante. Pourtant, j'ai été assez convaincu par cette danseuse.
La conférence, qui devrait être faite par Veer Bhadra Mishra, est faite par un autre responsable de la Sankat Mochan Foundation : Prof. S. N. Upadhyay. Il commencera par expliquer le sens religieux de la Ganga pour les hindous (expliquant curieusement que les habitants de Varanasi n'en sont pas, puisqu'ils pratiqueraient le Sanatana Dharma). Sur les transparents de la présentation, on peut lire un certain nombre de śloka sanskrits avec ou non une traduction en anglais. (Il y avait une traduction simultanée en français sur écouteurs, mais j'ai préféré écouter la VO.) Du côté de la mythologie, il a fait référence à la légende suivante qui est notamment racontée dans le premier livre du Rāmāyaṇa (pour plus de détails, voir mon résumé...) :
Ils se dirigent maintenant vers Mīthilā, le royaume de Janaka. Durant ce trajet, Viśvāmitra raconte de nombreuses histoires, notamment celle de la traversée des mondes de la Gaṅgā pour rejoindre l'océan. Le roi Sagara avait obtenu de Bhṛgu une nombreuse descendance par ses austérités : sa première épouse eut un fils Asamañja et sa deuxième épouse préféra donner naissance à soixante mille fils. Sagara voulut célébrer un sacrifice de cheval, mais Indra vola le cheval, ce qui devait plonger Sagara dans le malheur. Il demanda à ses fils de retrouver le cheval : ils parcoururent la surface de la terre, puis creusèrent, creusèrent, à tel point que la terre (identifiée à l'épouse de Viṣṇu) se mit à crier. Aux extrémités des mondes souterrains, ils rencontrèrent les énormes éléphants gardiens des points cardinaux. Mais Brahmā avait tout prévu : les soixante mille fils de Sagara devaient être brûlés par l'ardeur de Viṣṇu qui avait pris la forme du sage Kapila. Le petit-fils Aṃśumān de Sagara par Asamañja était un homme bon, son grand-père lui donna la mission de retrouver ses soixante mille oncles et de retrouver le cheval du sacrifice. Il fallait procéder aux rites funéraires de ces soixante milles hommes ; la solution fut trouvée par Bhagīratha, le petit-fils d'Aṃśumān : satisfait de son ascétisme, Brahmā fit tomber les eaux de Gaṅgā sur la chevelure de Śiva. Guidée par Bhagīratha, Gaṅgā finit par s'écouler sur la terre et atteindre l'océan et les mondes souterrains pour submerger les cendres des fils de Sagara.
L'embouchure de la Ganga, au Sud de Kolkata, est justement voisine de l'île de Gangasagar. Il s'y trouve un temple qui fait référence à cette légende (mais je n'ai pas encore eu l'occasion d'y aller). C'est aussi pour cette raison qu'une des deux rivières qui confluent à Devprayag pour former la Ganga s'appelle la Bhagirathi.
Il a expliqué l'état désastreux de pollution de la Ganga (et du Varuna
et de l'Assi) autour de Varanasi, la principale source de pollution étant
les nombreuses évacuations d'égoûts directement raccordées au fleuve. Il a
expliqué le projet de sa fondation de construire une canalisation passant
sous les ghats et dans laquelle les égoûts se déverseraient plutôt que dans
le fleuve, cette canalisation acheminant les eaux usées jusque sur un
terrain situé au Nord Est de la ville (au prix peut-être du détournement
d'un petit bras du fleuve, je ne suis pas sûr d'avoir bien compris), ce
terrain (appartenant au gouvenement) pouvant accueillir un certain nombre
de bassins de décantation et de retraitement (par des moyens
naturels
). La raison pour laquelle Veer Bhadra Mishra n'était pas
présent était justement qu'il devait discuter auprès du gouvernement
central de ce projet. Un autre projet-test de retraitement des eaux usées a
également été évoqué : sous-dimensionné, il sera situé en amont du fleuve,
non loin de la Banaras Hindu University.
Le Festival de l'Oh (centré cette année autour de la Ganga) continue ce week-end...
2011-06-13 00:16+0200 (Orsay) — Culture — Musique — Opéra
Opéra Bastille — 2011-06-12
Torsten Kerl, Siegfried
Iain Paterson, Gunther
Peter Sidhom, Alberich
Hans-Peter König, Hagen
Brigitte Pinter, Brünnhilde
Christiane Libor, Gutrune, Dritte Norn
Sophie Koch, Waltraute
Nicole Piccolomini, Erste Norn, Flosshilde
Caroline Stein, Woglinde
Daniela Sindram, Zweite Norn, Wellgunde
Philippe Jordan, direction musicale
Günter Krämer, mise en scène
Jürgen Bäckmann, décors
Falk Bauer, costumes
Diego Leetz, lumières
Otto Pichler, chorégraphie
Stefan Bischoff, création images vidéo
Patrick Marie Aubert, chef du chœur
Orchestre et Chœur de l'Opéra national de Paris
Götterdämmerung, Wagner
Épisodes précédents :
Comme je l'avais fait pour le prologue et les deux premières
journées
du festival scénique du Ring, voici un résumé de
la dernière. Dans le prologue du Crépuscule des Dieux, trois
nornes se lamentent sur les fautes commises par Wotan : il a bu à une
source, il a fait tomber le frêne du monde, il a dompté le feu Loge. Elles
annoncent l'incendie du Walhalla. On retrouve ensuite Siegfried et
Brünnhilde là où on les avait laissés à la fin de Siegfried. On
assiste à une scène d'adieux, Siegfried s'en allant pour de nouveaux
exploits. Il laisse à Brünnhilde le soin de conserver l'anneau.
Au début du premier acte, de nouveaux personnages (Gibichungen, vivant au bord du Rhin) préparent un mauvais tour à Siegfried. Hagen, fils d'Alberich, voudrait que Gutrune et Gunther se marient. À Gunther, il vante les mérites de Brünnhilde, mais il dit aussi qu'elle réside dans un lieu inaccessible pour lui. La seule solution est que Siegfried aille l'y prendre pour lui. En échange, on lui donnera la main de Gutrune. (Ce qui intéresse Hagen, c'est bien sûr l'anneau !) Comme par hasard, Siegfried passe par là, on lui sert quelque breuvage enchanté, et il tombe immédiatement sous le charme de Gutrune. Il a complètement oublié Brünnhilde. Il accepte d'aller la chercher en prenant les traits de Gunther grâce au pouvoir du Tarnhelm. De leurs sangs mêlés, Gunther et Siegfried scellent un pacte. Mort à celui qui viendrait à le rompre. Nous sommes de retour au rocher de Brünnhilde, où celle-ci reçoit la visite de Waltraute, une autre Walkyrie. Les deux femmes ne peuvent se comprendre. Waltraute voudrait qu'elle rende l'anneau aux filles du Rhin, mais pour Brünnhilde, ce serait trahir Siegfried. C'est celui-là-même qui vient la trahir, comme il a été manigencé plus haut. Il lui arrache l'anneau des mains. Ils passent la nuit ensemble, mais l'honneur selon Siegfried est sauf puisqu'ils sont séparés l'un de l'autre par l'épée Notung.
Au début du deuxième acte, Alberich vient attiser les désirs de Hagen, l'incitant à tuer Siegfried. Plus tard, Siegfried, précédant Gunther et Brünnhilde revient chez les Gibichungen. Il explique à Hagen et Gutrune ce qui vient de se passer. On s'apprête à célébrer l'union de Gunther et Brünnhilde et de Gutrune et Siegfried. Quand le nom de Siegfried est prononcé, Brünnhilde comprend qu'elle a été trahie (pour l'enlever, Siegfried avait pris la forme de Gunther, elle ne pouvait donc pas le reconnaître, mais d'un autre côté, elle avait la promesse de Wotan que seul un vaillant héros pourrait traverser les flammes pour la rejoindre...). Brünnhilde décide de provoquer la zizanie. Elle s'étonne que ce soit Siegfried qui porte l'anneau à son doigt, vu que c'est Gunther qui est censé l'avoir enlevée. Siegfried est persuadé d'être tout ce qu'il y a de plus honorable, il ne comprend pas ce que dit la femme de Gunther. Ces paroles déclenchent la colère de Gunther, qui est attisée encore davantage par Hagen. Avec Brünnhilde, ils décident de tuer Siegfried. Elle leur indique que la seule manière est de l'atteindre dans le dos. Par égard pour Gutrune, on décide de faire passer le meurtre pour un accident de chasse.
Au troisième acte, lors de la chasse, Siegfried s'est détaché du groupe. Il se retrouve au bord du Rhin et rencontre les trois filles du fleuve. Celles-ci chantaient, espérant voir arriver celui qui leur rendrait l'anneau. Elles lui expliquent que l'anneau est maudit et que la seule manière de lever cette malédiction est qu'il leur donne l'anneau. Lui explique qu'il n'a pas appris la peur. Elles lui annoncent qu'il va mourir le jour-même. À un moment de la discussion, il offrirait bien l'anneau contre l'amour d'une des filles du Rhin, quoique ce soit inconvenant vis-à-vis de Gutrune. Après quelques hésitations, Siegfried garde finalement l'anneau. Hagen, Gunther et les autres chasseurs le rejoignent. On discute, on discute. Siegfried se retrouve à raconter son enfance... Il en vient à expliquer qu'il a obtenu la faculté de comprendre le langage des oiseaux en tuant le dragon Fafner. Il raconte ce que l'oiseau lui avait chanté dans Siegfried. Pour lui faire retrouver encore un peu mieux la mémoire, on lui faire boire un nouveau breuvage. Il prononce avec ardeur le nom fatidique de Brünnhilde. Hagen le tue d'un coup de lance dans le dos. Dans la dernière scène, on rentre de la chasse. Gutrune est inquiète. Serait-il arrivé quelque chose à Siegfried. On n'arrive pas à lui cacher longtemps la vérité. Elle se lamente du malheur apporté par Brünnhilde. Celle-ci demande qu'on dresse un bûcher funéraire. Avant de s'y jeter, elle lance un trait enflammé en direction du Walhalla... Le Rhin envahit les lieux. Les filles du Rhin s'emparent de l'anneau. Devenu fou, Hagen se précipite désespérémment dans le Rhin pour tenter de récupérer l'anneau, en vain.
Du côté de la mise en scène de Günter Krämer, si celles de Das Rheingold et de Die Walküre m'avaient déplu et si celle de Siegfried m'avai semblée assez satisfaisante, il y avait dans tous les cas de la matière (avec laquelle on pouvait ou non être en accord). Dans Götterdämmerung, il n'y a strictement rien et tout est extraordinairement statique. On n'observe aucune cohérence d'ensemble entre les quatre volets de la tétralogie, ou si on avait pu croire qu'il y en avait une, le metteur en scène montre que ce n'était qu'une vaste plaisanterie. Le fameux grand escalier qui reliait la terre au Walhalla reparait ici il me semble deux fois. Une fois quand Waltraute descend pour rencontrer Brünnhilde. C'est normal. Plus loin, le même escalier fait office de gradins pour le chœur en rang d'Oignon qui accueille l'arrivée de Gunther et Brünnhilde. Un troisième lieu de villégiature a été donné à Brünnhilde. Alors qu'on l'avait quittée sous une simple table dans Die Walküre, elle avait reparu couchée sur le grand escalier, légèrement en hauteur. Dans ce dernier volet, on la retrouve dans un nouveau lieu avec néanmoins toujours ladite table. Quand Waltraute viendra la voir, il y aura encore eu des changements, des meubles ayant été ajoutés faisant de Brünnhilde une parfaite bourgeoise.
Les Nornes sont habillées de sobres robes noires. Dans la deuxième partie du prologue, elles restent immobiles au fond de la scène. Vers la fin, elles passent par dessus leur robe le costume hideux des Filles du Rhin vu dans Das Rheingold. Quelques secondes plus tard, elles retrouvent leur costume précédent et font cependant quelques mouvements ondulatoires avec les mains derrière un grand écran vertical transparent où s'animent des images fluviales. Pourquoi pas. Mais pourquoi donc s'en vont-elles à peu près précisément au moment où les motifs présents dans la musique se mettent justement à évoquer le Rhin (Siegfrieds Rheinfahrt). À ce moment-là, un ballet ridicule est exécuté par des hommes habillés en femmes qui disposent des tables et des bancs (dont on ne fera aucun usage plus tard).
Le grand écran électrique transparent devient le principal ingrédient
scénographique de cette production. Cela fait d'ailleurs un peu peur dans
la première partie quand on voit ce haut échafaudage tourner avec tout le
décor autour d'un axe tandis que les nornes s'avancent. À la fin de
l'opéra, avant la réapparition des filles du Rhin, il n'y a en scène que
Brünnhilde, le grand écran et le corps de Siegfried. La scène m'a paru bien
ennuyeuse... Elle se termine en pied de nez : sur l'écran apparaissent des
images d'un jeu vidéo style Doom
où il faut dégommer le maximum de
dieux.
L'autre trouvaille a été de faire de Hagen un personnage en fauteuil
roulant, plus ou moins manipulé par Alberich, qui, scandâââle, prononce les
dernières paroles de l'opéra : Zurück vom Ring!
, alors que ce sont
les derniers mots de Hagen dans le livret.
Il y a peut-être une scène qui est à peu près réussie : celle où Siegfried prend la forme de Gunther grâce au Tarnhelm pour enlever Brünnhilde. Les interprètes de Siegfried et Gunther sont tous les deux en scène, Siegfried posté derrière Gunther en tenant le Tarnhelm devant lui pour dissimuler son visage à la vue de Brünnhilde. On pourrait penser que pour le metteur en scène, seul Siegfried est présent et Gunther n'est qu'une marionnette (incapable de faire du lip synch) apparue par le pouvoir du Tarnhelm, mézalor il est étrange que les interprètes de Brünnhilde et Gunther se retrouvent couchés collés l'un contre l'autre tandis que de l'autre côté de la scène Siegfried jure devant Notung qu'il reste à l'écart de l'épouse de Gunther. Ou bien il faut penser que Gunther est aussi présent avec Siegfried, mézalor on contredit la suite du livret puisque Gunther n'est censée rencontrer Brünnhilde que le lendemain.
Parmi les autres bizarreries, dans les moments qui précèdent le meurtre de Siegfried, celui-ci refuse de prendre le breuvage (du whiski probablement) que lui tend Hagen. Comment retrouve-t-il la mémoire sans ça ?
Pour moi, des quatre mise en scène que l'on a vu dans ce cycle, c'est indiscutablement celle qui est la plus ratée.
Du côté de la musique, alors que j'avais été véritablement enchanté par la prestation de l'orchestre dans Siegfried, je sors de cette représentation relativement déçu. Il s'est trouvé un certain nombre de passages où j'avais l'impression qu'il y avait des hésitations au démarrage et d'autres où des phrases musicales m'ont paru méconnaissables (exemples : motifs des Gibichungen, du meurtre, de la rédemption par l'amour), en tout cas moins claires que ce à quoi je suis habitué. Cette impression générale est peut-être liée au fait qu'il soit beaucoup fait usage des cuivres dans cet opéra. Parmi les bonnes choses, il y a eu les fabuleuses interventions des clarinettes puis des hautbois reprenant le motif de Brünnhilde, repris par l'orchestre et culminant en un rappel du Salut au monde avant l'entrevue de Brünnhilde avec Waltraute. Dans la marche funèbre de Siegfried, on a entendu un fort beau déploiement de décibels. (À noter aussi, cela dure une demi-heure de plus que la version Boulez/Chéreau !)
Du côté des voix, presque tous les rôles me semblent fort bien interprétés. Hans-Peter König est superbe en Hagen, comme Iain Paterson en Gunther. J'ai aussi aimé les Filles du Rhin, les Nornes, Gutrune, Waltraute. Même Torsten Kerl (Siegfried) que j'avais eu du mal à entendre dans Siegfried passe sans souci la rampe.
Mon principal problème avec cette représentation vient de l'interprète de Brünnhilde, Brigitte Pinter, qui a dû remplacer Katarina Dalayman (souffrante). Conditions peu idéales pour une prise de rôle ! J'ai été gêné par la voix un peu fatiguée qui ne tient pas toujours jusqu'au bout des phrases et qui est parfois recouverte par l'orchestre. Cela n'admet pas vraiment d'explication rationnelle et cela ne se commande pas, mais je suis très étonné de n'avoir absolument pas été ému par la scène finale.
PS : Mon avis sur l'orchestre s'est bonifié lors de la dernière représentation.
2011-06-06 00:54+0200 (Orsay) — Culture — Musique — Culture indienne — Dhrupad
Institut des Cultures d'Islam — 2011-06-05
Ustad F. Wasifuddin Dagar, chant dhrupad
Pandit Mohan Shyam Sharma, pakhawaj
Raga Multani
Raga Bhupali
Deuxième concert de dhrupad de ma vie après celui des Gundecha Brothers à la fin des Vingt-quatre heures du râga en 2008. C'est grâce à Klari que j'ai eu connaissance de ce concert à l'Institut des Cultures d'Islam. Nous n'avons pas très bien compris comment il eût fallu faire pour réserver. Comme c'était gratuit, on a été suffisamment gentil pour nous laisser entrer et nous installer sur des petits coussins au deuxième rang, le public plutôt fourni s'étant assis comme nous sous le dais transparent abritant la scène ou ayant trouvé un banc ou une chaise auprès des tables situées tout autour. Ce sentiment des minutes précédentes de ne pas savoir si je pourrais assister au concert m'a fait penser aux expériences semblables que j'ai faites en Inde : voir le jour-même l'annonce d'un programme potentiellement intéressant dans un lieu inconnu, noter l'adresse, essayer de trouver un moment au cours de la journée pour aller sur Internet pour récupérer des informations éventuelles sur le lieu, passer des coups de fil pour voir si c'est payant ou non, s'il faut réserver avant de venir, estimer le temps nécessaire (voir large) pour s'y rendre, se perdre en chemin, le retrouver et apprécier un concert inoubliable comme celui de Gaayatri Kaundinya lors de mon dernier séjour à Kolkata.
Le chanteur Ustad F. Wasifuddin Dagar sera accompagné par le percussionniste Pandit Sharma (pakhawaj) et de deux tanpuras actionnés par deux femmes. Je n'ai jamais été aussi près de ces instruments, à l'impressionnante caisse de résonance. De plus, bien que nous soyons en plein air dans une cour, la sonorisation, qui mettra un certain temps à être réglée, est très légère. Ceci fait que l'on a pu entendre très clairement le son des tanpuras lorsque l'Ustad les a accordés. Cela doit d'ailleurs être un des premiers concerts de musique indienne sans tanpuras électroniques auxquels j'assiste.
Le raga interprété pendant la première partie du concert est Multani. Avant de commencer, Wasifuddin Dagar a bredouillé une explication pas très nette sur le sens du vers qu'il utiliserait dans la composition. Bien qu'il soit musulman, le vers utilisé provient de la mythologie hindoue. Je comprends juste qu'il est à la fois question de Hari (nom de Vishnu, souvent attribué à son avatar Krishna, qui est aussi appelé Giridhar, celui qui porte la montagne (pour protéger les bouviers des pluies diluviennes déclenchées par Indra à ceux qui ne voulaient pas lui rendre de culte), voyez cette photographie d'une représentation à Vrindavan) et de Har(a) (nom de Shiva, dont le chignon tressé amortit la descente de la rivière Ganga, voir par exemple le kitschissime jet d'eau vertical qui sort des cheveux de cette statue de Shiva dans le temple Shri Durgiana à Amritsar ou la petite tête qui dépasse du sommet du chignon sur cette photographie prise lors d'une cérémonie du soir au bord de la Ganga à Rishikesh).
Après une présentation de la gamme qui serait utilisée, le concert proprement dit a commencé. Je ne sais pas exactement combien de temps a duré cet Alap ; je dirais au moins une demi-heure ! Avec le seul accompagnement des tanpuras, le chanteur a laissé les différentes notes entrer progressivement dans le système. Le tout a été fait avec une douceur extrême seulement perturbée par quelque bruit de klaxon ou de moteur dans les environs qui ont fait poindre quelque sourire au bord des lèvres du musicien. Il se montre capable de tenir une note pendant une durée invraisemblable tout en faisant un decrescendo poussé jusqu'au complet évanouissement de la note. Il me semble aussi entendre des ornementations dans lesquelles le chanteur fait varier très légèrement la hauteur du son autour de la note juste.
Le percusionniste entre ensuite en action. J'ai été surpris par le rythme frénétique de sa première intervention, se superposant à la pulsation plus modérée du chanteur. Pourtant, les deux musiciens m'ont semblé jouer ensemble en bonne intelligence. Le chanteur passe des vocalises au texte du vers. Dans un premier temps, les phrases musicales paraissent assez régulières. Dans un deuxième temps, le chanteur et le percussionniste laissent se développer leur sens de l'improvisation. Les phrasés sont souvent très fluides, parfois plus hachés. Toutes sortes de techniques vocales sont utilisées, comme la nasalisation bouche fermée. Un silence respectueux accompagne le moment où la dernière note s'éteint, suivi d'applaudissements enthousiastes.
J'ai beaucoup aimé ce raga qui aura été développé sur un peu plus d'une heure. La maîtrise du pppp par le chanteur est stupéfiante. Les techniques d'improvisation m'ont paru moins éblouissantes que celles de la sus-nommée Gaayatri Kaundinya (chant khyal) qui reste ma référence en la matière. Dans la séance de questions-réponses avec le public qui a suivi l'entr'acte, il a notamment expliqué que dans la tradition d'interprétation à laquelle il appartient (Dagarvani), les phrases musicales ressemblent plus à des phrases d'une voix naturelle, par opposition à d'autres styles comme le khyal où ce serait plus découpé. Dans toutes ses réponses, il a fait preuve d'un certain sens de l'humour. Un autre raga, Bhupali, a été joué pour conclure le concert : on est entré beaucoup plus vite en matière et cela a été malheureuseument assez court, faute de temps.
Wasifuddin Dagar chantera au même endroit le 21 juin prochain...
2011-05-29 03:30+0200 (Orsay) — Culture — Musique
Temple des Batignolles — 2011-05-28
Orchestre des Concerts Gais
Marc Korovitch, direction
Mathieu Rolland, alto
Romance pour alto et orchestre, op. 85 (Max Bruch)
Konzertstück pour 4 cors et orchestre, op. 86 (Schumann)
Christine Dune, soprano
Ich bin der Welt abhanden gekommen (Mahler)
Pavane, op. 50 (Fauré), version orchestrale
Ballade nº4, op. 52 (Chopin), orchestration d'Anthony Girard
Pop-corn (Gershon Kingsley), orchestration de Mathieu Rolland
J'ai assisté samedi soir au temple des Batignolles à un concert de l'Orchestre des Concerts Gais. Full disclosure : que l'orchestre ait parmi ses membres Djac Baweur, Klari et Zvezdo a de quoi tempérer quelque peu mon impartialité. Bien que l'on n'aille évidemment pas voir un orchestre amateur dans le même état d'esprit que l'on va écouter le LSO, mon impression sur ce concert a été très bonne.
Le programme commence par la Romance pour alto et orchestre de
Max Bruch, un
compositeur que je ne connaissais pas. L'œuvre est très agréable à écouter
(et à voir, à moins de deux mètres du soliste...), elle porte bien son nom
romance
. Les spectateurs des premiers rangs avaient été prévenus du
fait que quatre cors prendraient place juste devant eux. En effet, ils sont
maintenant là pour le Konzertstück pour quatre cors et orchestre
de Schumann. Certes, c'est du Schumann, fortement atteint par un syndrome
hydravionesque à la fin du premier mouvement, mais le deuxième mouvement
(lent) est quand même très beau.
Après un entr'acte où spectateurs et musiciens peuvent découvrir une buvette bien plus appétissante que celle de tous les les théâtres parisiens réunis (mais je me suis retenu de goûter à un seul des gâteaux présentés), l'orchestre a repris place pour un Lied de Mahler : Ich bin der Welt abhanden gekommen (Me voilà coupé du monde). Il est chanté par la soprano Christine Dune. Pour moi, cela a été le point culminant de ce concert. Parmi les instruments à vents, on entend un fabuleux hautbois (un cor anglais me précise Klari). Les équilibres trouvés dans la riche orchestration sont superbes. L'interprétation de la chanteuse et de l'orchestre m'a semblé extrêmement émouvante.
La Pavane de Fauré qui suit est manifestement aussi agréable à
écouter pour les spectateurs qu'à jouer pour les musiciens. Le programme se
conclut avec une version orchestrale de la Ballade nº4 de Chopin
dont j'avais quelque souvenir d'un enregistrement au piano. J'ai rarement
eu l'occasion de faire des comparaisons entre des versions orchestrées ou
non d'œuvres, mais en tout cas ici les dynamiques prennent des dimensions
énormes. Vu la présence de quelques silences, on pouvait penser que des
panneaux indicateurs Don't clap!
eussent été nécessaires pour éviter
tout impair, mais il n'en a rien été. Si j'ai cru à plusieurs moments que
l'œuvre se terminait, le public, comme moi, est resté assez concentré pour
n'applaudir que lors de la véritable fin de l'œuvre ! Les bis ont engendré
une amusante petite panique dans certains pupitres pour retrouver les
bonnes partitions à jouer. Outre le bis de la fin du Chopin, on a eu une
version orchestrée de Pop-corn !
Le jeune chef Marc Korovitch, très grand, bat la mesure d'une façon qui, malgré l'absence d'estrade, doit être lisible de partout tant ses mains montent très haut et descendent bas. Il semble qu'il communique aussi par sourires sympathiques. Il paraît évident qu'il prend plaisir à diriger, mais il n'oublie pas pour autant de donner des indications précises, comme lors des entrées du timbalier ou du harpiste.
Ailleurs : Bladsurb.
2011-05-27 00:30+0200 (Orsay) — Culture — Musique — Danse
Opéra Garnier — 2011-05-26
Steve Reich, musique (Music for eighteen musicians pour ensemble avec voix, 1976)
Anne Teresa De Keersmaeker, chorégraphie (2001)
Jan Versweyveld, décors et lumières
Dries Van Noten, costumes
Aouatif Boulaich, Anne-Catherine Kunz, assistante aux costumes
Jakub Truszkowski, responsable des répétitions
Marta Coronado, Cynthia Loemij, Ursula Robb, Clinton Stringer, répétitions
Fumiyo Ikeda, Elizaveta Penkova, Taka Shamoto, Igo Shyshko collaboration aux répétitions
Ensemble Ictus
Synergy Vocals
Georges-Elie Octors, direction musicale
Alex Fostier, ingénieur du son
Florian Magnenet
Amandine Albisson
Sarah Kora Dayanova
Christelle Granier
Laurence Laffon
Marc Moreau
Charlotte Ranson
Caroline Robert
Adrien Couvez
Juliette Hilaire
Rain
Rain est la deuxième pièce d'Anna Teresa de Keersmaeker que je vois après Zeitung au Théâtre de la Ville en 2009. Je ne suis pas excessivement enthousiaste après la deuxième représentation de Rain par le corps de ballet de l'Opéra de Paris. Les dix danseurs sont en effet sujets, coryphées ou quadrille. On voit ainsi de nombreux danseurs qu'on ne voit pas forcément souvent dans des rôles importants. Malheureusement, ce n'est pas aujourd'hui que j'avancerai dans la connaissance du trombinoscope du corps de ballet, n'ayant identifié distinctement que Charlotte Ranson et Florian Magnenet...
C'est une banalité de le dire, mais la musique de Steve Reich est répétitive. Elle met en scène 18 musiciens. (En fait, il y en avait 19 avec le chef qui jouait aussi occasionnellement d'un instrument.) Dans la fosse, on aperçoit quatre pianos et un nombre invraisemblable de xylophones (et quelque vibraphone). Un violon, un violoncelle, des clarinettes, des chanteuses, des maracas. Les pianos ont une utilité mélodique, mais ils servent aussi d'instruments à percussions. On en joue simultanément jusques avec douze mains ! Malgré la sonorisation et un ingénieur du son crédité, on lit dans le programme que la représentation de cette œuvre ne nécessiterait que des instruments acoustiques, ce que j'ai du mal à croire, n'ayant pas compris l'origine de certains effets sonores. La musique est répétitive, mais pourtant on a bien l'impression d'un certain mouvement autour d'un motif rythmique de base, qui au début des sections n'est pas énoncé immédiatement, mais progressivement, chaque répétition développant un peu plus ce qui était laissé en suspens avant. On perçoit à un moment donné un retour au début de l'œuvre...
La chorégraphie mobilise les dix danseurs, qui sont rarement immobiles. Plutôt marcher ou courir que ne rien faire. Ils évoluent sur un décor de forme ovale délimité par réseau de cordes pendues à une armature. Au sol, de nombreuses lignes et points sont marqués en de diverses couleurs. Elles serviraient d'indications de placement pour les danseurs. La danse est très physique (courses, roulades, sauts, mouvements isolés qui semblent inspirés du hip-hop, etc.), elle paraît très compliquée dans son organisation et périlleuse dans les moments d'effleurements ou de contacts entre les danseurs. Je ne sais pas si c'est fait exprès, mais tout a été comme si les fermetures-éclair avaient lâché dans le dos de deux danseuses.
Depuis ma quatrième loge de côté quasiment de trois-quarts, je vois pratiquement toute la scène. Le problème, c'est que c'est une vue d'en-haut. Comme cela avait été mon cas pour Zeitung de cette chorégraphe, je pense qu'il faudrait voir cette pièce depuis un angle rasant pour mieux apprécier le travail des danseurs. Vu d'en-haut, on a parfois l'impression de voir de très loin des sportifs en train de faire de l'exercice dans un gymnase omnisport (avec des marques au sol diverses et variées pour délimiter des zones particulières à différents sports). Impression fausse vu la difficulté des figures exécutées.
À certains moments de la chorégraphie, les dix danseurs se regroupent tous ensemble, agglutinés en quelque lieu de la scène, puis se dispersent pour repartir de plus belle. On ne comprend pas toujours très bien ce qui se passe. Dans les ensembles (où tout paraît le plus souvent asymétrique), on distingue néanmoins au moins deux pas de trois, un mettant en scène les trois danseurs hommes et un autre avec une femme et deux hommes. Dans celui-là, j'ai apprécié la performance de Charlotte Ranson.
Par moments, les mouvements des corps m'ont un peu fait penser à ceux chorégraphiés par Pina Bausch (mais en plus fluide) et à ceux vus plus récemment chez Mats Ek (mais en plus organisé).
Ailleurs : Blog du petit rat, Danses avec la plume, Blog à petits pas.
2011-05-26 13:24+0200 (Orsay) — Culture — Musique
Cité de la musique — 2011-05-25
Amel Brahim-Djelloul, chant
Rachid Brahim-Djelloul, violon, chant, direction
Nourreddine Aliane, oud, chant
Dahmane Khalfa, derbouka, percussions
Sofia Djemai, mandoline
Achour Oukacha, guitare
Amel Brahim-Djelloul chante la Méditerrannée, Souvenirs d'Al-Andalus
J'en avais déjà eu un aperçu lors d'un concert avec le Pasdeloup au Châtelet ; cette fois-ci, le programme de ce concert de la soprano Amel Brahim-Djelloul est tout entier consacré à des musiques traditionnelles méditerranéennes. Elle est accompagnée par plusieurs musiciens. Par rapport aux chansons qui avaient été chantées au cours du concert au Châtelet, la plus grande différence qui se fait entendre dans les premières chansons est l'importance de la mandoline de Sofia Djemai. Le concert est divisé en quatre suites qui contiennent chacune des chansons de styles différents, des chansons d'Andalousie dans la première, de Turquie dans la deuxième, de Kabylie pour la troisième (où intervient la guitare). Dans la dernière, des mélodies recueillies ou composées par Francisco Salvador-Daniel au XIXe. On n'y entend plus les consonnes inconnues du français présentes dans les autres parties du concert, puisque la plupart de ces mélodies sont en français. Le compositeur a même laissé échapper quelques instants presque lyriques.
La performance vocale est remarquable d'un bout à l'autre du concert, qui est sonorisé, mais je crois bien que c'est la première fois que la sonorisation ne me gêne absolument pas, même si pendant les toutes premières minutes, je trouvais bizarre d'entendre les percussions situées à la droite de la scène venir également de la gauche et de la droite.
2011-05-25 00:36+0200 (Orsay) — Culture — Musique
Théâtre des Champs-Élysées — 2011-05-24
Ensemble Orchestral de Paris
François Leleux, hautbois
Joseph Swensen, direction et violon
Lise Berthaud, alto
Marc Coppey, violoncelle
Concerto luminoso op. 80 nº4 L'été, Nicolas Bacri (création)
Sandrine Piau, soprano
Three Love Songs op. 96 pour soprano et orchestre d'après des fragments poétiques de Rûmî, Nicolas Bacri
Isabelle Druet, mezzo-soprano
Le jeune chœur de Paris
Le songe d'une nuit d'été, Mendelssohn
Contraste d'ambiances au TCE au lendemain d'un superbe Ariodante. Ce soir, le concert commence par une création d'un concerto pour quatre solistes (hautbois, violon, alto, violoncelle) et orchestre de cordes de Nicolas Bacri. Il faudrait sans doute entendre le cycle complet pour comprendre pourquoi ce concerto s'appelle L'Été, puisque s'il est qualifié de luminoso, comme l'explique le compositeur dans le programme à la maquette biscornue ce concerto est en fait très sombre... Joseph Swensen dirige non pas depuis le violon, mais avec violon. Son archet est sa baguette. La main gauche tenant le violon fait la même chose. Je n'ai pas l'impression que c'était la meilleure manière d'entendre le hautboïste François Leleux. Quatre solistes pour un concerto de onze minutes, cela ne permet pas vraiment à chacun de se mettre en valeur. L'œuvre n'est cependant pas désagréable à écouter. Il y a même de quoi s'amuser avec quelques petits passages franchement dissonants. La conclusion est gagesque comme une certaine plaisanterie de Haydn.
Patricia Petibon, que je n'ai encore jamais entendue en concert, est souffrante. Elle est remplacée par Sandrine Piau ! En robe rouge, elle interprète Three Love Songs du même compositeur. Orchestralement parlant, cela me plaît bien plus que le concerto. Lors du premier numéro, l'atmosphère orchestrale fait me penser davantage à un bord de mer qu'à l'Orient, mais cela change un peu avec les deux autres. Dans le premier numéro aussi, il faut vraiment tendre l'oreille pour entendre la voix de Sandrine Piau, tant l'orchestre lui laisse peu de place. C'est peut-être fait exprès, vu que de toute façon le texte anglais, d'après Rûmî, a probablement un sens insaisissable... Par la suite, elle arrivera à véritablement faire entendre son interprétation des deux autres chansons (vu les conditions d'un remplacement au pied levé, c'est un certain exploit !), mais quel sadisme de la part du compositeur pour la voix !
L'exécution du Songe d'une nuit d'été de Mendelssohn est assez honorable, mais me plaît moindrement que celle de l'Orchestre Colonne à Pleyel en novembre dernier (même si ce n'est pas faire injure au soliste enfant d'alors que je lui ai préféré Sandrine Piau !). Ce qui m'a le plus énervé pendant ce concert, c'est l'attitude quasi-narcissique du chef d'orchestre. Il bat la mesure des deux mains et libère les épaules quand il faut donner du sentiment. Pour le reste, au moins vu de trois-quart dos, on n'a pas l'impression qu'il transmette grand'chose aux musiciens. Heureusement, ceux-ci paraissent se bien diriger eux-mêmes, comme la violon solo super soliste Deborah Nemtanu, qui semble attentive à tout ce qui se passe dans l'orchestre ! J'ai l'impression que si le résultat a été correct, c'est davantage aux musiciens qu'au chef que le crédit en revient. Toutefois, la Marche nuptiale a été le numéro que j'ai trouvé le moins réussi. Chaque musicien faisait peut-être individuellement ce qu'il devait, mais globalement, cela paraissait assez déséquilibré.
L'autre chanteuse soliste pour ce Songe est Isabelle Druet qui est fort bizarremment accoutrée. Je présume que c'est un problème de concertation sur la couleur des robes qui a conduit à ce curieux habillage, mais par-dessus sa robe, elle portait une sorte de kimono trop court pour ne pas déceler cinquante centimètres du bas de la robe, qui était de la même couleur que celle de Sandrine Piau...
Les moments vocaux sont assez brefs, mais Isabelle Druet fait entendre le beau timbre de sa voix. Attention peu surprenante de sa part, elle incarne son rôle d'une fée, dans son attitude comme dans la façon de chanter et d'articuler son texte, seule ou accompagnée par le jeune chœur de Paris installé au dernier rang de la scène.
2011-05-24 02:00+0200 (Orsay) — Culture — Musique — Opéra
Théâtre des Champs-Élysées — 2011-05-23
Joyce DiDonato, Ariodante
Marie-Nicole Lemieux, Polinesso
Karina Gauvin, Ginevra
Sabina Puértolas, Dalinda
Nicholas Phan, Lurcanio
Matthew Brook, Le Roi
Paolo Borgonovo, Odoardo
Il Complesso Barocco
Alan Curtis, direction
Ariodante (Händel)
Superbe version de concert dans un TCE plein à craquer pour cet Ariodante. L'effectif orchestral est plutôt réduit. Au centre, un clavecin. À gauche, les violons (5+2). À droite, les deux violoncelles, le théorbe, la contrebasse et les deux altos. Au fond, les deux hautbois, les deux cors (naturels, donc buggés...) et le basson (formidable). Alan Curtis, le chef d'Il Complesso Barocco, a l'air de diriger des musiciens qui savent ce qu'ils ont à faire. Dans le fond, les altos se synchronisent par sourires interposés. Dans le style très reconnaissable de Händel, on entend néanmoins quelques effets qui m'étaient jusqu'alors inconnus.
Ariodante doit épouser Ginevra, la fille du roi, mais Polinesso, qui l'aime aussi, complote avec le complicité innocente de sa suivante Dalinda qui passe les habits de Ginevra. Tout le monde croit que Ginevra trompe Ariodante. On annonce qu'il s'est suicidé. Ginevra clame son innocence et veut se suicider aussi. En fait, personne n'est mort, sauf le méchant qui est tué et tout finit par s'arranger.
Absolument tous les chanteurs me font une bonne impression. Parmi eux, on trouve notamment Karina Gauvin (Ginevra) que j'entends pour la première fois. Si les chanteurs ont tous été copieusement applaudis, les suffrages du public se concentrent sur les interprètes des deux rôles travestis. Pour bien montrer qu'elle a un rôle de méchant, Marie-Nicole Lemieux (Polinesso) violente quelque peu les pupitres et sa partition. Elle m'a davantage convaincu ce soir que les deux autres fois que l'ai entendue.
La Reine de la soirée est incontestablement Joyce DiDonato (Ariodante). Comme sur la pochette de son dernier CD Diva Divo, elle a joué le jeu du travestissement en portant un costume masculin. D'un bout à l'autre de l'opéra, elle a réalisé prouesses vocales sur prouesses vocales. Mais comment fait-elle pour respirer ? Certains choix audacieux de dynamiques sont tenus sans accroc jusqu'au bout des phrases. Les stupéfiantes vocalises si typiquement händeliennes sont lancées avec autant de conviction que si elles véhiculaient un sens. J'avais déjà une opinion très-favorable de cette chanteuse (septième fois que je l'entends en concert) et me demandais où elle pourrait encore nous entraîner. Je crois qu'on n'a pas fini d'en entendre parler !
Je ne pense pas avoir précédemment vu le public réagir de façon aussi
chaleureuse lors d'un opéra (que ce soit en version scénique ou en version
de concert). Les applaudissements et bravos lancés après les airs de Joyce
DiDonato correspondent bien à l'idée que je me fais du mot
triomphe
.
(Le minutage 2×1h20 était quelque peu optimiste, puisque le concert programmé à 20h s'est terminé vers 23h45...)
2011-05-17 03:28+0200 (Orsay) — Culture — Musique
Salle Pleyel — 2011-05-16
Orchestre Colonne
Laurent Petitgirard, direction
Cécile Perrin, soprano
Jean-Philippe Lafont, baryton
Ouverture de Tannhäuser (Wagner)
Wesendonck Lieder Im Treibhaus, Schmerzen, Träume (Wagner)
La Ballade du Hollandais Volant (Wagner)
Melancolia, Alain Kremski (création)
Prélude et Mort d'Isolde de Tristan et Isolde (Wagner)
Les Adieux de Wotan (extrait de Die Walküre), Wagner
J'avais aimé le Colonne dans la Première symphonie de
Brahms. Ce soir, j'ai pu l'apprécier dans un programme Wagner. Cela a
commencé par l'Ouverture de Tannhäuser (très beaux cors, gag involontaire
avec la baguette du chef qui après un choc a fini au premier rang du
parterre), puis les trois derniers Wesendonck Lieder chantés par Cécile
Perrin. C'est le dernier qui m'a le plus plu, les deux premiers me semblant
moins aptes à mettre en valeur le timbre de la chanteuse. Un très beau solo
d'alto dans le premier Lied est cependant à signaler. Jean-Philippe Lafont
est ensuite venu chanter la Complainte du Hollandais Volant, un opéra que
je n'ai pas encore étudié
, mais on reconnait cependant ici ou là des
motifs de l'Ouverture.
Après l'entr'acte, replacement à l'arrière-scène de côté, un placement de rêve pour voir ce qui se passe dans l'orchestre. On crée une pièce d'Alain Kremski (frère du chef Laurent Petitgirard), une magnifique œuvre avec une partie de choix pour les timbales, la grosse caisse et autres percussions. Pas da tamtams frénétiques, mais des pulsations entêtantes sans être agressives, un paysage orchestral qui change au fur et à mesure que les musiciens tournent les pages : dissonances des cordes, pizz. rapides pour tous, moments plus apaisants, belles sonorités des vents (qui me font davantage penser à Debussy qu'à Wagner auquel la pièce rend hommage). L'atmosphère générale est bien résumé par le titre de la pièce : Melancolia. Je crois que des quelques créations (douze d'après mon compte) auxquelles j'ai assistées, c'est celle qui m'a le plus enthousiasmé. (Et c'est un fait que plus généralement le choix de programmation de l'orchestre Colonne en matière de musique contemporaine convient parfaitement à mon goût.)
L'apogée du concert intervient ensuite avec le Prélude et la Mort d'Yseult. Via des fans de la soprano qui était initialement programmée, j'avais cru comprendre que l'on n'aurait qu'une version instrumentale (comme avec le Lamoureux en février au TCE). A priori, je trouve qu'il manque quelque chose à la version orchestrale (que l'on peut reconstituer à l'écoute avec un peu d'imagination), mais ce soir, pas de problème puisque ce sera bien la version avec voix. J'ai été fasciné par cette interprétation et par le privilège de pouvoir observer la rotation qui s'opère entre les musiciens des différents pupitres pour jouer les motifs du prélude et leurs développements. La Mort d'Isolde est un morceau extrêmement émouvant. Je pensais avoir identifié le moment où, habituellement, l'émotion me submerge, à savoir quand Isolde chante ceci :
Soll ich schlürfen,
untertauchen?
Süss in Düften
mich verhauchen?
Ce soir, c'est venu beaucoup plus vite. Je n'étais alors plus trop en état de regarder l'orchestre attentivement.
Le temps pour Klari et moi de nous replacer sur la pointe des pieds au cinquième rang du parterre sur le côté, le concert s'est conclu sur le final de La Walkyrie : le chant d'Adieu de Wotan à Brünnhilde. Les motifs qui dominent sont ceux liés au Sommeil de Brünnhilde. On entend aussi furtivement le Walhalla, ou encore un Siegfried presque triomphant (qui viendra délivrer Brünnhilde de son sommeil) et les inquiétants motifs du Sort et du Traité. Bien sûr, le feu Loge est longuement développé pour signifier les flammes qui entourent le séjour de Brünnhilde. Avant cela, Wotan aura notamment chanté Zum letzenmal..., le déchirant chant d'adieu, une phrase qui sera reprise plus loin par l'orchestre. Dans son rôle de Wotan, tout comme le précédent, Jean-Philippe Lafont se montre assez convaincant, davantage à mon goût que dans les clowneries qu'il devait faire dans La Fiancée vendue à Garnier en décembre.
Je suis donc plus que satisfait de ce concert !
Ailleurs : Klari.
2011-05-15 21:56+0200 (Orsay) — Culture — Musique — Danse
Grâce à des échanges de places entre balletomanes et à une place à 8€ achetée jeudi aux guichets (il en restait encore de convenables), j'ai pu revoir les deux programmes proposés par le Bolchoï à Garnier.
J'ai revu Don Quichotte jeudi dernier dans une distribution différente que mardi. C'est une question de goût, mais à l'interprétation de Natalia Osipova dans le rôle de Kitri, j'ai préféré celle d'Ekaterina Shipulina (qui incarnait la Reine des Dryades mardi et que j'ai aussi préférée dans ce rôle à Anna Nikulina qui l'interprétait jeudi). Certes, elle saute moins haut, tourne moins vite sur elle-même que Natalia Osipova, mais hors de la danse pure, elle incarne bien davantage son personnage et lui faisant exprimer bien plus d'émotions. Dans le rôle de Basilio, Alexandr Volchkov est moins impressionnant qu'Ivan Vasiliev : moins de tours dans les sauts. Cependant, si je n'avais pas vu ce dernier avant, j'aurais trouvé cette prestation plus que satisfaisante ! Cependant, il ne donnait pas une impression de facilité dans les portés et on a eu quelques frayeurs lorsqu'il a dû porter sa partenaire d'une seule main ou quand elle saute vers l'avant pour retomber dans ses bras.
Cet après-midi, c'était la dernière des Flammes de Paris, avec encore Osipova/Vasiliev. Vu la proximité de ma première loge de côté, je me suis passé des jumelles. Cette fois-ci, j'ai été moins gêné par les détails de la pantomime que j'avais trouvés exagérés la première fois. Pour le reste, on a encore eu un Vasiliev volant au deuxième acte. Dans les autres rôles, il y avait cette fois-ci Anna Rebetskaya dans le rôle d'Adeline. Son attitude m'a paru un peu plus patricienne que celle de Nina Kaptsova dans le même rôle. Comme le vendredi 6 mai, son amoureux est joué par Viacheslav Lopatin, dont la danse m'a plus passionné vue de près. Bizarremment, je n'ai pas eu le même effet avec le rôle de Mireille de Poitiers/Armide, dansé cet après-midi par Nina Kaptsova. Cela m'a pourtant bien plu, mais il n'y avait plus l'effet de surprise procuré par une technique que je n'avais jamais vu la première fois. La danse des furies est toujours un moment savoureux de ce ballet dans le ballet.
Si j'ai été largement rassasié avec deux places pour chacun des deux programmes de cette tournée, je regrette un peu de n'avoir pas eu l'occasion de voir Maria Alexandrova.
2011-05-14 16:31+0200 (Orsay) — Culture — Musique — Opéra
Opéra Bastille — 2011-05-13
Christopher Maltman, Il Conte d'Almaviva
Dorothea Röschmann, La Contesse d'Almaviva
Julia Kleiter, Susanna
Erwin Schrott, Figaro
Isabel Leonard, Cherubino
Ann Murray, Marcellina
Maurizio Muraro, Bartolo
Robin Leggate, Don Basilio
Antoine Normand, Don Curzio
Christian Tréguier, Antonio
Zoe Nicolaidou, Barbarina
Olivia Doray, Carol García, Due Donne
Dan Ettinger, direction musicale
Giorgio Strehler, mise en scène et lumières
Humbert Camerlo, réalisation de la mise en scène et des lumières
Marise Flach, collaboration aux mouvements
Ezio Frigerio, décors
Ezio Frigerio, Franca Squarciapino, costumes
Vinicio Cheli, lumières
Jean Guizerix, chorégraphie
Alessandro Di Stefano, chef du chœur
Denis Dubois, clavecin
Orchestre et Chœur de l'Opéra national de Paris
Les Noces de Figaro, Mozart
Les jours de grève des transports semblent coïncider avec mes tentatives pour aller voir Les Noces de Figaro à Bastille. En septembre/octobre, j'avais renoncé à aller une représentation sans les décors, faute de savoir si je pourrais rentrer chez moi après le spectacle. Hier, j'y suis allé malgré ce risque, et effectivement je ne suis arrivé à rentrer chez moi qu'à 5h15 (après deux heures d'attentes infructueuses à Denfert où j'ai vu passer trois noctiliens complets ; j'ai pris un noctilien d'une autre ligne qui me déposait à une dizaine de kilomètres de chez moi et il a bien fallu finir le trajet à pieds).
La mise en scène de Giorgio Strehler a été créée en 1973. La deuxième série de représentations commencée hier en constitue la vingtième reprise. C'est la première fois que je la vois. Il est évident qu'elle fonctionne bien. Les costumes sont traditionnels. Les décors d'Ezio Frigerio aussi. Les changements de décors après le premier et le troisième acte ont été interminables (on comprend que ce n'est pas simple à faire, mais à Bastille, on est tellement habitué à voir la scène se transformer complètement en quelques dizaines de secondes...). Une partie non négligeable du public a alors cru pouvoir sortir de la salle et revenir. Les premiers airs ont été systématiquement applaudis, ce qui a un peu cassé le rythme de la représentation, mais on est heureusement devenu un peu plus raisonnable. On a également entendu un spectateur pourrir complètement un des airs de Susanna en émettant des bruits de toux invraisemblablement forts.
Je ne suis pas des plus ardents admirateurs de Mozart. La musique de la première partie, et tout particulièrement le premier acte, m'a montré ceux des effets stylistiques du compositeur que je n'apprécie pas. Je n'ai pas été très enthousiasmé par cette musique, dirigée par Dan Ettinger, d'autant plus que dans les moments où la musique ne s'efface pas devant le chant ou y répond, l'orchestre, sans couvrir complètement les voix, ne laisse plus entendre grand'chose de distinct de celles-ci. Ce n'est à mon avis pas un problème des chanteurs, mais bien de la direction puisque dans les récitatifs, les chanteurs se font très bien entendre, et comme il m'est déjà arrivé, mais assez rarement, j'aurais parfois presqu'eu envie d'applaudir à la fin d'un récitatif... Après l'entr'acte, il m'a semblé que l'orchestre a joué nettement moins fort que lors de la première partie, ce qui a permis de mieux mettre en valeur les chanteurs, et pas seulement dans les récitatifs.
Même si je n'ai pas entendu la distribution A (octobre/novembre), il est
évident que cette distribution B
est tout sauf une distribution au
rabais. On y trouve ainsi notamment Erwin Schrott (Figaro), Julia Kleiter
(Susanna), Christopher Maltman (Almaviva), Dorothea Röschmann (La Contesse
d'Almaviva), Isabel Leonard (Cherubino). Dans les petits rôles, on trouve
quelques jeunes chanteuses de l'Atelier lyrique : Olivia Doray et Carol
García dans un duo, et surtout Zoe Nicolaidou (qui m'avait impressionné
dans le concert donné samedi
dernier au Studio Bastille pour l'opération Tous à l'opéra)
dans le rôle de Barbarina (qui a plusieurs récitatifs et un air en
ouverture du quatrième acte).
Pour le reste, à propos de la production, on a manifestement voulu accentuer dans l'éclairage le déroulement de cette folle journée. Ainsi, au premier acte, la pièce où évoluent les personnages est dans la pénombre. Dans le deuxième, la chambre de la contesse est éclairée par la gauche, tout comme le décor tout en profondeur du troisième acte. On retrouve la pénombre dans le quatrième acte. Cela fait quand même deux actes où on distingue à peine les chanteurs... On dira que je ne suis jamais content parce que j'ai trouvé très bizarre que l'on ait éclairé brutalement l'avant de la scène le temps où Figaro s'y est posté pour son air. (Parmi les effets lumineux involontairement étranges, on peut noter que les musiciens de l'orchestre et le chef ont éteint les lumières de leur pupitre au début au quatrième acte, ce afin que l'on comprenne bien qu'il faisait nuit. Mais quand le pupitre du chef d'orchestre est rallumé, l'œil du spectateur est comme agressé par le changement soudain d'intensité lumineuse...)
Mis à part ces bizarreries de lumières, j'ai vraiment adoré ce quatrième acte, où les personnages se jouent des tours les uns aux autres grâce au travestissement.
2011-05-11 00:52+0200 (Orsay) — Culture — Musique — Danse
Opéra Garnier — 2011-05-10
Ballet du Théâtre du Bolchoï
Orchestre Colonne
Pavel Sorokin, direction musicale
Ludwig Minkus, musique
Marius Petipa et Alexandre Gorski, chorégraphie
Nouvelle version d'Alexeï Fadeyechev (1999)
Mikhaïl Tsivin, assistant du chorégraphe
avec des danses chorégraphiées par Kasyan Goleizovsky, Rostislav Zakharov et Anatoly Simachev
Sergeï Barkhin, décors
Costumes d'après Vasily Diyachkov (1903)
Tatiana Artamonova et Yelena Merkurova, réalisation des costumes
Natalia Osipova, Kitri
Ivan Vasiliev, Basilio
Alexeï Loparevich, Don Quichotte, chevalier errant
Alexandr Petukhov, Sancho Pança, son écuyer
Denis Savin, Gamache, un riche noble
Anna Rebertskaya, Olga Kishneva, Juanita et Piccilia, deux amies de Kitri
Andreï Merkuriev, Espada, un toréador
Anna Leonova, La Danseuse de rue
Kristina Karaseva, Mercedes
Egor Simachev, Lorenzo, aubergiste, le père de Kitri
Anastasia Vinokur, Sa femme
Alexeï Fadeechev, Le Duc
Olga Suvorova, La Duchesse
Roman Simachev, Le Patron de la taverne
Ekaterina Shipulina, La Reine des Dryades
Yulia Grebenshchikova, Olga Marchenkova, Angelina Vlashinets, Trois Dryades
Svetlana Pavlova, Yulia Lunkina, Maria Prorvich, Maria Vinogradova, Quatre Dryades
Nina Kaptsova, Cupidon
Ekaterina Barykina, Liudmila Ermakova, Anna Balukova, Danse espagnole
Anna Antropova, Danseuse gitane
Anna Balukova, Anton Savichev, Boléro
Anna Tikhomirova, Première variations du Grand pas
Anna Nikulina, Seconde variation du Grand pas
Don Quichotte, ballet en un prologue et trois actes d'après le livret de Marius Petipa inspiré du roman El Ingenioso Hidalgo Don Quijote de la Mancha de Cervantès
C'était ce soir la première de Don Quichotte par le Bolchoï.
J'en sors avec globalement les mêmes impressions que pour Flammes de Paris. S'il y a une histoire, ce n'est
qu'un prétexte pour faire place à des danses virtuoses. Dans ce ballet-ci,
les costumes sont particulièrement riches et variés. La musique est de
Minkus... L'homologue du ballet dans le ballet est ici un épisode rêvé qui
est une scène en blanc
(avec toutefois un peu de couleur) dans
lequel Don Quichotte rêve de Dulcinée et de dryades (on y voit aussi un
adorable Cupidon). C'est très beau, cela met en valeur davantage de
solistes que Flammes de Paris. Il est impossible pour moi de tous
les retenir. Je retiendrai cependant qu'on a vu à un moment une danseuse
d'une souplesse invraisemblable courber le dos vers l'arrière de façon à ce
que sa tête vienne presque toucher le sol...
Sinon, il y avait bien sûr Natalia Osipova et Ivan Vasiliev, dont les prouesses physiques éclatent cette fois-ci au troisième acte. J'ai même une impression de déjà-vu. On reverra ainsi Osipova refaire des tours sur elle-même assez semblables à ceux qu'elle faisait dans deuxième acte de Flammes de Paris. Mais quand elle s'est jetée quand les airs pour retomber dans les bras d'Ivan Vasiliev ou quand ce dernier a porté sa partenaire d'une seule main (voire sans les mains), le public a été parcouru d'un frisson. Il a été encore une fois émerveillé par ce danseur, très très copieusement applaudi lors des saluts à l'issue de ses variations.
Tout cela serait parfait s'il y avait aussi un peu d'émotion qui ne soit
pas liée uniquement à la danse pure
...
2011-05-08 20:32+0200 (Orsay) — Culture — Musique — Opéra
Athénée Théâtre Louis-Jouvet — 2011-05-08
Isabelle Druet, Didon
Arnaud Guillou, Énée
Camille Poul, Belinda
Edwige Parat, La seconde suivante
Anna Wall, L'enchanteresse
Agathe Boudet, Fiona Mc Gown, Les sorcières
François Rougier, Le marin
Antoine Strub, L'esprit
Sébastien d'Hérin, direction musicale
Bernard Lévy, mise en scène
Bérangère Gros, assistante à la mise en scène
Giulio Lichtner, scénographie
Christian Pinaud, lumières
Romain Vuillet, Jérôme Tuncer, vidéo
Fabienne Robineau, maquillages et coiffures
Atelier du Théâtre musical de Besançon, réalisation des décors
Pascal Doudement, réalisation de l'écorce de l'arbre
Atelier du Théâtre musical de Besançon, Atelier Lilas en scène, réalisation des costumes
Chœur AEdES
Les Nouveaux Caractères
Didon et Énée, Purcell
Deuxième spectacle pour moi à l'Athénée après le concert Humour noir. Cette fois-ci, la salle est pleine pour l'opéra de Purcell Didon et Énée. Vu le minimalisme de la mise en scène et des décors (à l'exception d'un tronc d'arbre qui descend des cintres pour la deuxième scène du deuxième acte), je pense que j'aurais autant préféré assister à une version de concert. Une traduction du texte est projeté au fond du décor, intégré à des animations vidéos.
La musique qui sort de la fosse est absolument superbe. Elle est jouée par un tout petit effectif musical (Les Nouveaux Caractères, sept musiciens). Le chef Sébastien d'Hérin (qui dirige depuis le clavecin) semble très attentif dans sa direction du chœur AEdES qui est sur le côté droit de la fosse. Certains rôles sont d'ailleurs interprétés par des membres du chœur, qui reviennent dans la fosse une fois leur rôle terminé.
Si les chanteurs m'ont semblé bons, vu la brièveté de l'œuvre, c'est surtout la musique qui m'a frappé. Isabelle Druet, qui interprétait le rôle de Didon, fera un récital le 21 mai à 15h dans le même théâtre (et vu la réduction qui était proposée aux spectateurs de cette représentation, il doit rester des places...).
2011-05-07 00:30+0200 (Orsay) — Culture — Musique — Danse
Opéra Garnier — 2011-05-06
Ballet du Théâtre du Bolchoï
Orchestre de l'Opéra national de Paris
Pavel Sorokin, direction musicale
Boris Asafiev, musique
Alexeï Ratmansky, chorégraphie d'après Vasili Vainonen
Alexandr Belinsky, Alexeï Ratmansky, livret d'après le livret original de Nikolaï Volkov et Vladimir Dmitriev, inspiré du roman historique Les Rouges du Midi de Felix Gras
Ilya Utkin, Evgeny Monakhov, scénographie
Yelena Markovskaya, costumes
Damir Ismagilov, lumière
Iouri Burlaka, dramaturgie musicale
Natalia Osipova, Jeanne, fille de Gaspard et Lucille
Viacheslav Lopatin, Jérôme, son frère
Ivan Vasiliev, Philippe, un Marseillais
Iouri Klevstov, Le Marquis Costa de Beauregard
Nina Kaptsova, Adeline, sa fille
Ekaterina Kryssanova, Mireille de Poitiers, une actrice
Artem Ovcharenko, Antoine Mistral, un acteur
Yulianna Malkhasyants, Jarcasse, une vieille femme
Alexandr Vodopetov, Gilbert, capitaine des Marseillais
Ruslan Skvortsov, Le roi Louis XVI
Olga Suvorova, La reine Marie-Antoinette
Alexandr Petukhov, Gaspard, un paysan
Natalia Novikova, Lucille, sa femme
Chinara Alizade, Amour
Olga Kishneva, L'Apparition de la fiancée
Flammes de Paris, ballet en deux actes et quatre tableaux
Le sentiment d'avoir vu quelque chose d'extraordinaire, mais pas pour autant exempt de reproches.
Dans ce ballet Les Flammes de Paris de Ratmansky (d'après l'original créé en URSS en 1932), l'histoire est extrêmement facile à suivre. Tout est parfaitement clair, et la musique on ne peut plus pompière (contrastes d'ambiances : chants révolutionnaires pour les révolutionnaires, lullysmes pour les nobles). La gestuelle et le visage des danseurs n'expriment que des émotions primitives, exagérées, on se croirait presque dans un film muet... passé en accéléré parce que les mouvements des corps se font à une vitesse folle.
Outre cette rapidité d'éxécution, je suis impressionné par les nombreuses figures que je n'avais je crois jamais vu faire par les danseurs du Ballet de l'Opéra. La technique est différente et elle me semble mettre surtout en valeur les danseuses. Le plus beau passage de ce premier acte se trouve dans le ballet dans le ballet Armide et Renaud (dont je connaissais à peu près l'histoire grâce à mes souvenirs de l'opéra de Lully). L'histoire est très lisible : de ses flèches, l'Amour enflamme le cœur des ennemis Armide et Renaud. Plus tard, quand Renaud essaiera de fuir par la mer, elle le fera périr grâce à sa magie (danse des furies). Outre la gracieuse interprète du rôle d'Amour, cette partie met en valeur Ekaterina Kryssanova (Armide). Elle impressionne par sa technique de rotation sur un pied tendu en pointe jambe fléchie (du jamais-vu pour moi).
Ceci se passait bien sûr chez les nobles. Le deuxième acte montre le début de la Terreur. On guillotine du noble, dont la malheureuse Adeline qui aimait un des combattants, Jérôme, qui n'arrivera pas à la sauver. Le pas de deux entre ces deux personnages est le seul moment vaguement émouvant du spectacle. Pour le reste, on apprécie aussi les danses de caractères du corps de ballet. C'est très vif. Les danseurs-garçons se mettent plus en valeur dans le deuxième acte qu'au premier.
Ce qu'on retiendra surtout de ce deuxième acte, c'est la démonstration de virtuosité des deux principaux solistes de la soirée : Natalia Osipova (Jeanne) et Ivan Vasiliev (Philippe). La première réalise pirouettes et fouettés à très vive allure. Les sauts réalisés au premier acte étaient déjà assez spectaculaires. C'est virtuose, mais cela ne traduit aucunement quelque sentiment que ce soit dans le cœur du personnage. La grande révélation de la soirée, incroyablement applaudi par le public en délire, c'est Ivan Vasiliev. Quel athlète ! Jamais je n'ai vu un danseur sauter aussi haut. Et en plus il tourne sur lui-même de toutes les manières qui soient, retombe gracieusement sur ses pieds, on ne se demande bien comment ! Les clameurs montent du public presque à chaque saut triomphalement exécuté. Une grande prouesse physique, mais pas vraiment au service d'une histoire...
La scénographie est plutôt réussie. Elle comporte plus d'effets que l'on en trouve d'ordinaire dans les ballets représentés à Garnier. Pourtant, malgré tous ces effets, presque tout le rectangle du plateau de scène reste pratiquement en permanence vide de tout accessoire ou élément de décor. Cela donne l'impression que l'on pourrait danser un peu n'importe quoi dans cet espace... Parmi les jolies choses vues, un effet de lumière représentant un quadrillage 3×3 permettait de signifier que le personnage de Jérôme était mis en prison.
2011-05-05 01:19+0200 (Orsay) — Culture — Musique — Opéra
MC93 Bobigny — 2011-05-04
Alisa Kolosova, Orphée
Ilona Krzywicka, Eurydice
Olivia Doray, Amour
Geoffroy Jourdain, direction musicale
Dominique Pitoiset, Stephen Taylor, mise en scène
Dominique Pitoiset, scénographie
Axel Aust, costumes
Christophe Pitoiset, lumières
Cécile Kretschmar, création des maquillages
Franck Guillemain, réalisation et montage vidéo
Orchestre-Atelier Ostinato
Le Jeune Chœur de Paris
Orphée et Eurydice, Gluck (version Berlioz)
Je me suis rendu pour la première fois à la MC93 Bobigny pour assister à la deuxième production scénique de la saison pour l'Atelier lyrique de l'Opéra de Paris après Street Scene. La MC93 est accessible en métro, il n'y a qu'à marcher cinq minutes (fléchage indiscutablement spectaculaire) pour accéder à cette salle située boulevard Lénine. On y trouve une restauration à bas coût, une librairie et en entrant dans la salle de spectacle (environ 600 places), on est saisi par son côté monumental : des gradins à la pente prononcée, un décor brut et noir d'où débordent des tuyaux. La fosse d'orchestre est très profonde. C'est une gorge dont l'accès est protégé par une sorte de parapet dont la partie supérieure n'est qu'un épais câble métallique torsadé. La beauté de la salle n'est pas en mesure d'interférer avec la beauté de ce qui se passera sur scène !
La version de l'Orphée et Eurydice de Gluck jouée ce soir est celle adaptée par Berlioz, en français. L'absence de surtitrage se fait malheureusement sentir, que ce soit pour les trois chanteurs solistes ou pour le chœur. Cependant, chacun aura l'occasion de chanter des passages (notamment ceux qui se rapprochent du récitatif) dans lesquels le texte, quelque peu suranné, se fait entendre. Ayant déjà vu une version allemande, j'aimerais bien un jour voir une production scénique de la version d'origine en italien...
La mise en scène de Dominique Pitoiset et Stephen Taylor m'a paru assez intelligente. Le décor, unique, présente l'intérieur très-moderne d'un appartement. Des fauteuils, des armoires, des tiroirs, un réfrigérateur, un coin bar avec évier (fonctionnel !). La profession d'Orphée est signalée par la présence d'un pupitre et d'une harpe. Dans la première scène, les membres du chœur (habillés en noir et portant chacun une rose rouge) viennent présenter leurs condoléances à Orphée dont l'épouse est morte. Une rotation du décor permet ensuite de montrer son autre face : la salle de bain et la chambre à coucher. On comprend qu'Eurydice s'est suicidée. Des constatations légales sont en train de se faire.
Amour (jeune femme dynamique en perruque blonde, mais personnage plus sombre que dans d'autres versions) vient apporter quelque réconfort à Orphée. La solution pour lui semble être de partir dans un enfer artificiel (mélange alcool-drogues aidant). Le reste de l'histoire est connu...
Contrairement à certaines versions de l'opéra de Gluck, cette version-ci, je l'ai découvert au cours de la représentation, mais vu le parti pris de mise en scène, comment eût-il pu en aller autrement ? cette version-ci, disais-je, se finit très mal. Si j'ai bien compté, Eurydice sera morte trois fois et Orphée réussit à se suicider.
Au-delà du décor et des idées, le travail de mise en scène proprement dit est remarquable : le placement, les mouvements et l'attitude des membres du chœur sont saisissants (le genre de choses que je n'ai pas souvent le loisir de mesurer en vision directe, ce que j'ai pu apprécier ici depuis mon placement au quatrième rang !). Cela vaut aussi pour les trois solistes, mais vu son importance, c'est le plus frappant pour le rôle d'Orphée.
Du côté de la musique, cette version Berlioz semble contenir quelque fantaisie quasi-rossinienne, et en même temps tellement française, à la fin du premier acte. Passage a capella, vocalises redoutables pour Alisa Kolosova qui s'en sort plus que bien. (Après vérification, il s'agit de l'air Amour, viens rendre à mon âme.)
Malgré le petit bémol concernant le texte pas toujours intelligible, je suis plus que très agréablement surpris par la qualité de ce spectacle ! Et malgré un commencement à 20h30 (légèrement retardé), j'ai été tout étonné d'être rentré à Orsay dès 23h30.
2011-05-01 13:19+0200 (Orsay) — Culture — Musique — Danse
Opéra Bastille — 2011-04-30
Sergueï Prokofiev, musique
Rudolf Noureev, chorégraphie et mise en scène, réglées par Patricia Ruanne et Frederick Jahn
Ezio Frigerio, décors
Ezio Frigerio et Mauro Pagano, costumes
Vinicio Cheli, lumières
Yuri Uchiumi, choréologue
Christophe Duquenne, Roméo
Myriam Ould-Braham, Juliette
Yann Saïz, Tybalt
Marc Moreau, Mercutio
Yannick Bittencourt, Benvolio
Laura Hecquet, Rosaline
Julien Meyzindi, Pâris
Vincent Cordier, Le Seigneur Capulet
Vanessa Legassy, Dame Capulet
Ghyslaine Reichert, La Nourrice
Arnaud Dreyfus, Frère Laurent
Ballet de l'Opéra
Orchestre de l'Opéra national de Paris
Vello Pähn, direction musicale
Roméo et Juliette, ballet en trois actes d'après William Shakespeare
Je n'ai vu que trois des cinq distributions de la série de représentations de Roméo et Juliette à Bastille. Pour le couple Juliette/Roméo, j'avais vu Laëtitia Pujol/Mathieu Ganio lors de la première, puis Agnès Letestu/Florian Magnenet le 16, et enfin samedi après-midi, Myriam Ould-Braham/Christophe Duquenne.
Si le Roméo que j'ai préféré a été celui de Mathieu Ganio, du côté des Juliette, celle qui m'a le plus convaincu a été Myriam Ould-Braham que je voyais pour la première fois dans un grand rôle (ses apparitions dans les pas de trois du Lac des cygnes ou de Paquita et sa participation au même ballet dans le rôle de Rosaline m'avaient déjà fait fort impression).
On ne pourra pas dire qu'elle en a trop fait ou pas assez. Elle a tout simplement été Juliette du premier au troisième acte ! (Dansant d'ailleurs malgré un bug de costume au niveau de la fermeture éclair du dos...) J'ai été particulièrement ému par son solo à la fin de la première scène du troisième acte.
2011-04-30 02:00+0200 (Orsay) — Culture — Musique — Danse — Danses indiennes — Culture indienne
Cela faisait un peu plus d'un an que je n'avais pas vu de bharatanatyam. Je suis donc allé au musée Guimet pour en voir. Avant cela, je suis allé voir l'exposition Lucknow, une cour royale en Inde (organisée par le Los Angeles Country Museum of Art) qui présente des pièces assez variées (des miniatures, accrochées presque bord à bord sur les murs, ce qui vu l'affluence empêche de les apprécier sereinement, des objets de la vie quotidienne richement ouvragés, des photographies datant d'avant la révolte de 1857-1858, et quelques unes datant d'après, comme la Residency ravagée...). J'ai été surpris de voir Qaisar Bagh, photographié 1864-1865, que je n'ai pas vu lors de mon séjour à Lucknow : forcément, il a été détruit par les Anglais. Quelques photographies ou peintures représentant La Martinière/Constantia. Quelques unes des œuvres montrées avaient été en leur temps commandées par le colonel Polier, qui fut un des premiers occidentaux à avoir connaissance à la littérature indienne ancienne, en particulier le Mahabharata, et sa version de l'épopée a été publiée par Georges Dumézil (Gallimard). Pour ce qui est des miniatures, il était évidemment difficile de faire aussi intéressant que l'exposition à la BnF il y a un an. C'est surtout la diversité des types d'œuvres qui fait l'intérêt de cette exposition. (Par exemple, à un moment j'ai craint qu'on ne montre que Lucknow avant la mutinerie, mais plus loin, on trouve aussi comme je le dis plus haut quelques photographies montrant des monuments détruits.)
⁂
Auditorium du Musée Guimet — 2011-04-29
Urmila Sathyanarayanan, bharatanatyam
Swamimalai Kalidas Suresh, chant et nattuvangam
Dhananjayan, mridangam
J. B. Sruthi Sagar, flûte
Le récital d'Urmila Sathyanarayanan ne m'a convaincu qu'à moitié. La première pièce Pushpanjali évoquait Surya, le dieu du Soleil. Cette pièce semble commencer par un lever du Soleil, lent et solennel, la danseuse étant de dos, presqu'immobile. Par la suite, on voit Surya éclairer successivement diverses directions de l'espace. La pièce se finit élégamment sur la chevauchée du Soleil sur son char céleste.
La pièce qui m'a le plus déçu est la pièce principale du récital, le Varnam, dans lequel une femme se languit de Krishna (sujet on ne peut plus classique dans le bharatanatyam). Dès le début de la première pièce, le style de la danseuse s'était affirmé, sans exubérance, renvoyant assez souvent à l'iconographie, mais plus tournée vers la pantomime que vers la danse. On voit la jeune femme choisir un sari pour se faire belle pour Krishna, reconnaissable à sa flûte. Plus tard, elle se maquille. Je ne suis pas très convaincu par cette pièce dans laquelle s'insèrent quelques passages rythmiques (le premier est arrivé de façon très abrupte quelques secondes seulement après le début du Varnam).
Entre cette pièce et la suivante, le temps pour la danseuse de changer de costume, on a inséré un interminable intermède musical (de flûte). Entre les pièces suivantes, il faudra encore supporter ces intermèdes. Le percussionniste s'est fait extrêmement discret au cours du récital. En revanche, le chanteur et joueur de nattuvangam m'a plu.
Dans la pièce dansée suivante Padam, une courtisane se prépare à accueillir un client. Que ce soit Shiva, Vishnu ou Brahma, qu'il paye 6000 pièces d'or ! Quand elle aura vu Shiva, elle changera d'attitude et se laissera séduire. Dans cette pièce, la danseuse travaille beaucoup au sol, comme on imagine la courtisane confortablement installée sur un sofa.
Une autre pièce suit, Javali, évoquant l'amour d'une héroïne
pour Srinivasa (il eut été sympathique d'expliquer que c'est un des noms de
Vishnu...). Curieusement, le dieu Kama (homologue de Cupidon) est tout
simplement appelé Cupid(on)
dans la présentation. Dans cette pièce,
on verra la représentation de Vishnu couché sur l'océan cosmique et
l'héroïne viendra lui masser les pieds (tout comme le fait Lakshmi dans
l'iconographie). Cependant, j'ai déjà vu plusieurs fois cette même
représentation de Vishnu évoquée de façon plus élégante par d'autres
danseuses (notamment par la courbe du bras pour évoquer les têtes du
serpent Ananta/Shesha). Comme dans la pièce précédente, une part
significative de la danse-pantomime se fait au sol.
La pièce où le talent particulier de la danseuse s'est le mieux exprimé est peut-être le Padam sur un sujet que je n'avais encore jamais rencontré dans le bharatanatyam, celui de l'amour d'une mère pour sa jeune fille. On est encore plus complètement dans la pantomime. Il n'y a pas vraiment de pas de danse et peu de gestes semblent appartenir à quelque codification que ce soit. Très mignon.
Traditionnellement, un récital se finit par un dynamique Thillana. Celui-ci, s'il n'a pas manqué de mérites, était vraiment beaucoup, beaucoup, beaucoup trop long.
Et après la fin, la danseuse vient également présenter ses hommages aux musiciens, à la divinité tutélaire (Shiva-Nataraja) et au public. Cette partie, souvent complètement formelle, a été beaucoup plus développée que d'ordinaire puisqu'on a en vérité assisté à une petite pièce supplémentaire évoquant, sur un chant dévotionnel vishnouïste, le culte ordinaire : prière, offrandes. La danseuse a même eu l'idée amusante d'insérer une apparition d'un Krishna espiègle venant mettre un peu de pagaïe dans la cérémonie.
Le récital a été inhabituellement long : un peu plus de deux heures ! C'est à tempérer par le fait que les intermèdes musicaux ont été trop longs et pas extraordinairement passionnants. Si j'étais très déçu à l'issue du Varnam, les pièces suivantes ont fait remonter mon intérêt et ont eu le mérite de me faire partir sur une bonne impression.
2011-04-27 01:13+0200 (Orsay) — Culture — Musique — Opéra
Théâtre des Bouffes du Nord — 2011-04-26
Jean-Yves Aizic, Le pianiste et répétiteur
Jean-Sébastien Bou, Le baryton
Elizabeth Calleo, La cantatrice
Jeanne Cherhal, La chanteuse
Marie-Ève Munger, La colorature
Philippe Smith, Le metteur en scène
Frédéric Verrières, idée, musique
Bastien Gallet, livret
Guillaume Vincent, mise en scène
Marion Stoufflet, dramaturgie
James Brandily, scénographie
Sébastien Michaud, lumières
Fanny Brouste, costumes
Olivier Pasquet, musique électronique
Jean Deroyer, direction musicale
Ensemble Court Circuit
The Second Woman, Frédéric Verrières (création)
Je reviens de la création de l'opéra The Second Woman du jeune compositeur Frédéric Verrières au Théâtre des Bouffes du Nord.
Je suis assez partagé, puisque la première partie m'a beaucoup fait rire, mais ce n'était pas un opéra, en fait, c'était plutôt un anti-opéra. La deuxième partie était davantage musicale, mais il s'agit de musique zarbi pendant lequel le temps est un peu long (pourtant, au total la représentation, sans entr'acte, ne fait qu'un peu plus d'une heure et demie).
L'idée de l'opéra est inspirée du film Opening Night de John
Cassavetes (que je n'ai pas vu) et dans lequel Gena Rowlands joue dans une
pièce intitulée The Second Woman. Dans la première partie, on
assiste à des répétitions d'un opéra. La cantatrice Elizabeth (prénom de la
chanteuse qui interprète le rôle) est en retard, du coup, c'est la
chanteuse sympa Jeanne (Jeanne Cherhal) qui commence le spectacle en
interprétant une sorte de lamentation (qui reviendra de nombreuses fois).
Le metteur en scène sans idées entre. Elizabeth commence la chanson et
l'interprète de façon caricaturalement lyrique. On lui reproche son
vibrato, etc. Tout semble aller contre le genre de l'opéra. On
croit l'entendre chanter un air de Tosca (en tout cas, il semble
qu'on entende distinctement Scarpia
à un moment), puis c'est la
scène de la folie de Lucia di Lammermoor qui est pastichée. La
musique citée est cependant rendue assez méconnaissable (mais au moins dans
ce cas précis, l'orchestration est amusante). Le texte fait référence à une
sœur, Yelena. Une troisième chanteuse (la colorature, qui ne s'appelle pas
Yelena mais Marie-Ève) entre. On entend un peu du duo des fleurs de
Lakmé. Ah, et puis bien sûr, des vocalises de Zerbinetta dans
Ariadne auf Naxos !
Il y a en effet un raprochement évident à faire avec cet opéra de Strauss, puisque comme dans ce dernier, on trouve des réflexions sur l'opéra, la voix, la mise en scène, dans une première partie en forme de prologue qui comporte des parties parlées, avant que la musique prenne le dessus dans la deuxième.
L'histoire devient alors à moitié surréaliste. On ne sait plus très bien si on est pendant la répétition, dans le rêve de la cantatrice, etc. On est peut-être même dans une bobine de film puisque par exemple à un moment, un effet de lumières stroboscopiques fait voir un mouvement saccadé des personnages qui avancent, et qui se mettent à reculer, puis à avancer à nouveau en répétant leur texte...
Pendant que la cantatrice est ailleurs, Jeanne s'amuse à répéter une chanson avec un baryton un peu coincé. Il est amusant de la voir pasticher le style de Brigitte Bardot, de Britney Spears, de citer une émission de Taratata avec Yannick Noah... Toutes idées que le personnage du metteur en scène approuve.
C'est un curieux spectacle, certainement amusant et déroutant, avec une scénographie très réussie (qu'il est sans doute préférable de suivre depuis des places centrées au parterre). (Je dis déroutant, mais pas volontairement incompréhensible comme l'était la Passion de Pascal Dusapin, qui assistait à cette création.)
2011-04-25 23:36+0200 (Orsay) — Culture — Musique — Danse
Opéra Garnier — 2011-04-25
Mats Ek, chorégraphie (1978)
Johann Sebastian Bach, musique (extraits de pièces pour orgue)
Musiques traditionnelles de guitares espagnoles
Marie-Louise Ekman, décors et costumes
Jörgen Jansson, lumières
Ana Laguna, assistante du chorégraphe
Veli-Pekka Peltokallio, répétitions
Kader Belarbi, Bernarda
Alice Renavand, La Servante
Mélanie Hurel, La Sœur aînée
Laure Muret, La Sœur bossue
Eleonora Abbagnato, La Jeune sœur
Béatrice Martel, La Première jumelle
Christine Peltzer, La Seconde jumelle
Audric Bezard, Un Homme
Andrey Klemm, Un Technicien
La Maison de Bernarda, ballet en un acte d'après la pièce de Federico García Lorca La Maison de Bernarda Alba
Mats Ek, chorégraphie (1997)
Henryk Mikolaj Górecki, musique (Petit requiem pour une polonaise op. 66, Concert pour clavecin et orchestre symphonique op. 40)
Maria Geber, décors et costumes
Ellen Ruge, lumières
Mariko Aoyama, Margareta Lidström, répétitions
Nolwenn Daniel, Nicolas Le Riche, Premier pas de deux
Miteki Kudo, Benjamin Pech, Second pas de deux
Muriel Zusperreguy, Caroline Bance, Christelle Granier, Géraldine Wiart, Amandine Albisson, Letizia Galloni
Aurélien Houette, Nicolas Paul, Simon Valastro, Daniel Stokes, Adrien Couvez, Alexandre Gasse
Une sorte de...
Je suis retourné voir la soirée consacrée au chorégraphe Mats Ek. Dans
La Maison de Bernarda, on a une distribution sans étoile
(curieusement, l'ancien danseur étoile Kader Belarbi apparaît comme
artiste invité
plutôt qu'étoile invitée
, bizarre). Pourtant,
globablement, j'ai préféré cette distribution à celle de la première. C'est peut-être une question de point de vue
(première loge de côté quasi de trois quarts par rapport au même angle
trois étages plus haut). C'est aussi peut-être lié au fait que je revoyais
cette pièce. Toujours est-il que j'ai trouvé que cela fonctionnait un peu
mieux. L'histoire m'a semblé plus intelligible aussi. Lors de la première,
je n'avais même pas remarqué que la sœur bossue était rendue bossue par le
costume. J'avais alors eu quelque mal à m'y retrouver entre les cinq sœurs
et la servante. Là, tout m'a paru plus clair. Le jeu des danseurs m'a parlé
davantage, et par exemple, j'ai mieux compris le sens du coffre rose
(pourtant évident...).
Dans la distribution, ce n'est guère une surprise pour moi, mais la danseuse qui m'a le plus épaté a été Alice Renavand. Parmi les bonus : contrairement à Marie-Agnès Gillot, quand elle hurle des insultes, on comprend ce qu'elle dit ! Dans le rôle de la mère, Kader Belarbi est certes moins athlétique que José Martinez, mais j'ai préféré sa façon de montrer l'empire qu'il a sur les filles. En même temps, son corps un peu plus âgé ajoute à la faiblesse du même personnage dans la scène avec le Christ. Au moment où il le repose sur la croix, on a véritablement l'impression qu'il fait un chemin de croix, la statue du Christ ayant évidemment la même forme que la croix. Mélanie Hurel paraît assez bien distribuée dans le rôle de l'aînée. En sœur bossue, Laure Muret joue très bien la comédie, mais Clairemarie Osta était plus impressionnante dans son solo. Il est difficile de départager les couples Charlotte Ranson/Stéphane Bullion et Eleonora Abbagnato/Audric Bézard tant l'interprétation a été différente, ces derniers étant tout autant sensuels que les premiers, mais de façon un peu plus enflammée.
La deuxième pièce me semble toujours Une sorte de... grand n'importe quoi. Depuis les premières loges, les effets sont plus saisissants et on entend mieux les danseurs crier vers le début. Les petites variations entre les distributions (dans les six couples hors solistes) me permettent de mettre un nom sur un visage (de quadrille). Parmi les autres danseurs, il y en a un que je sais reconnaître depuis longtemps à son crâne, Aurélien Houette, qui est toujours assez impressionnant physiquement parlant. Même son ombre projetée d'éclateur de ballon est impressionnante !
2011-04-23 01:53+0200 (Orsay) — Culture — Musique
Théâtre des Champs-Élysées — 2011-04-22
Marlis Petersen, soprano
Maarten Engeltjes, contre-ténor
Tilman Lichdi, ténor
Klaus Mertens, basse
The Amsterdam Baroque Orchestra and Choir
Ton Koopman, direction
La Passion selon Saint Jean, BWV 245, Johann Sebastian Bach.
Je crois que dans mon expérience de dilettante un cycle s'est terminé ce soir. Il y a exactement huit ans (selon le calendrier liturgique), donc le Vendredi Saint de l'an 2003, j'allais écouter au TCE la Passion selon Saint Jean par The Amsterdam Baroque Orchestra and Choir dirigés par Ton Koopman. C'était un des tous premiers concerts de musique classique auquels j'assistais. La deuxième fois au TCE après un Oratorio de Noël le 7 décembre 2002 dont je garde encore un fort bon souvenir.
Ce soir, rebelote, et même plus que ça, puisque c'était la huitième fois que j'assistais à une Passion selon Saint Jean :
Inutile de dire que maintenant, j'ai un peu l'impression de connaître cette œuvre par cœur. C'est un peu le problème, parce que du coup, je n'ai presque plus aucune surprise. Je sais exactement à quel moment m'avancer sur mon siège de balcon pour voir les vigoureux coups d'archets des violoncelles et de la contrebasse évoquant la terre qui tremble au moment de la mort de Jésus.
Si depuis huit ans, j'ai appris à apprécier d'autres œuvres que les
Passions de Bach, et surtout d'autres styles, c'est une musique
que j'apprécie toujours autant, mais comment se fait-il que je sois à ce
point blasé pour que, contrairement au reste du public, très nombreux (et
par ailleurs respectueux des silences, en particulier celui demandé par le
chef à la fin), j'aie été déçu par une prestation qui était au minimum
bien
?
L'orchestre était dans une formation assez réduite : un peu plus de vingt musiciens. Une violoniste et une altiste pouvaient se transformer un violistes lors de deux mouvements de la deuxième partie (le temps que les violes soient accordées, on aurait eu le temps de caser un entr'acte !). Deux orgues sont disposées sur scène, un dans un coin, un autre devant le chef, qui en joue pendant les récitatifs.
La version jouée ce soir est tout à fait standard. Contrairement à la façon qui se répand de réduire au maximum le nombre de chanteurs (huit l'année dernière à Pleyel), ici, en plus des quatre solistes principaux, on entend un chœur d'environ vingt chanteurs (parmi lesquels était cachée une amie d'un collègue mathématicien et violoncelliste, que j'avais d'ailleurs eu plusieurs fois l'occasion d'entendre chanter de la musique ancienne à l'ENS il y a quelques années).
Si j'ai été déçu par cette soirée, c'est d'abord du fait de l'évangéliste Tilman Lichdi que j'avais auparavant apprécié lors d'un Oratorio de Noël pourtant décevant. Est-ce en raison d'une tournée pour jouer cette Passion à tous les coins de l'Europe autour de cette fatidique date ? (C'est une hypothèse : je n'ai pas trouvé un agenda de l'orchestre à jour.) Toujours est-il que cet évangéliste m'a semblé comme fatigué. On sent qu'il a envie de bien faire, certains passages de ses airs sont même très intéressants, mais j'ai trouvé que son interprétation de ce rôle était désincarnée (tout l'inverse de Markus Brutscher l'an dernier à Pleyel). Mais pour qu'une Saint Jean fonctionne, il faut un excellent évangéliste !
Le résultat est que cette interprétation de la Passion me paraît extrêmement austère, dépouillée. Autant j'apprécie la façon dont Ton Koopman fait parfois varier le tempo, autant je suis étonné que bien souvent il ne joue pas sur la dynamique. De nombreux passages qui normalement sont spectaculaires paraissent fades. La façon dont le chœur dit Wohin ?... nach Golgatha m'avait complètement saisi il y a huit ans (oui, je m'en souviens encore). Ce soir, c'était plus égal. Du côté de l'orchestre, vers la fin de l'air d'alto Es ist vollbracht (et non pas Er (sic) ist vollbracht comme il est écrit par deux fois dans le programme du TCE), le frissonomètre reste en berne alors que tout devrait exploser sur Der Held aus Juda siegt mit Macht / Und schließt den Kampf. La soprano Marlis Petersen n'a pas trouvé grâce à mes yeux (pourtant, sa robe rouge a été la seule entorse à l'atmosphère austère de la soirée) : s'il ne me déplairait pas de l'entendre à l'opéra, elle paraît moins à l'aise dans ce répertoire. La basse Klaus Mertens, que j'apprécie beaucoup normalement, n'a pas paru dans une forme éblouissante non plus dans son Betrachte, meine Seel et son Eilt, ihr angefochten Seelen, mais son Mein teurer Heiland, laß dich fragen m'a presque consolé.
Cela me rend triste de relever autant de points négatifs... Du côté des choses positives, j'ai vraiment apprécié le chœur, notamment dans les chorals, ou dans le chœur final Ruht wohl....
2011-04-21 16:46+0200 (Orsay) — Culture — Musique — Opéra — Danse
Ce n'était pas sans éprouver quelques contrariétés que j'avais rempli mon formulaire d'abonnement à l'Opéra pour l'année prochaine. J'avais coché tous les ballets (sauf le Roméo et Juliette de Sasha Waltz) et étais même allé jusqu'à sélectionner quelques opéras (notamment un Tannhäuser à Bastille).
Aujourd'hui, j'ai reçu mon récapitulatif de réservation. J'avais demandé, comme les années précédentes à être prioritairement aux troisièmes ou quatrièmes loges à Garnier, et que l'amphithéâtre ne soit envisagé qu'en tout dernier recours. Pour cette année, ces préférences avaient été prises en compte. Je n'ai eu qu'une place d'abonnement à l'amphithéâtre, pour Giulio Cesare où je m'étais en plus retrouvé derrière un grand chevelu. Un petit mot sur le récapitulatif de l'année dernière s'était excusé par avance du désagrément de ne pas voir tous mes vœux de placement satisfaits.
Sur le récapitulatif reçu aujourd'hui, pas moins de huit billets
réservés étaient à l'amphithéâtre. Une fois ou deux par an, cela peut
aller, mais à ce niveau, le déplaisir serait trop grand. Heureusement, il
faut confirmer son abonnement avant qu'il soit validé. Avant, cela
permettait aussi de faire d'éventuelles retouches et cela se passait plutôt
bien. Là, au téléphone, quand j'ai demandé s'il était possible de revoir le
placement, on m'a dit à peu près que La direction de l'Opéra a toujours
été très claire. Les préférences de placement ne sont respectées que dans
la mesure des disponibilités. Si cela n'a pas été le cas, c'est que c'était
vraiment impossible.
. L'impossibilité ainsi constatée d'évoquer des
retouches aux réservations cache plus certainement une volonté
d'efficacité
(traitement plus rapide des dossiers, moins de temps
passé au téléphone avec ces enquiquineurs) qu'un souci de la satisfaction
des désirs du spectateur (satisfaits fin juin plutôt que fin avril dans mes
souvenirs des années précédentes, ce qui permettait aussi de commencer à
payer l'abonnement un peu plus tard). En effet, comment expliquer sinon que
les dates retenues fussent systématiquement la première des trois que
j'avais données alors qu'il était évident que j'avais mis une priorité sur
le placement. (Je passe sur le fait que les billets qui m'avaient été
réservés à Bastille étaient absolument tous vers le fond du parterre, où
jusqu'à cette année ces places étaient vendues trois fois moins
chères.)
Heureusement, j'avais établi ma stratégie avant d'appeler. C'était soit négociation soit annulation. J'ai donc décidé d'annuler mon abonnement 2011/2012 à l'Opéra. Mes finances ne vont que s'en mieux porter ! Et tant pis si j'arrive pas à aller voir tous les ballets que je voudrais à 9€ ou 12€...
2011-04-21 01:58+0200 (Orsay) — Culture — Musique — Danse
Opéra Garnier — 2011-04-20
Mats Ek, chorégraphie (1978)
Johann Sebastian Bach, musique (extraits de pièces pour orgue)
Musiques traditionnelles de guitares espagnoles
Marie-Louise Ekman, décors et costumes
Jörgen Jansson, lumières
Ana Laguna, assistante du chorégraphe
Veli-Pekka Peltokallio, répétitions
José Martinez, Bernarda
Marie-Agnès Gillot, La Servante
Ludmila Pagliero, La Sœur aînée
Clairemarie Osta, La Sœur bossue
Charlotte Ranson, La Jeune sœur
Aurélia Bellet, La Première jumelle
Amélie Lamoureux, La Seconde jumelle
Stéphane Bullion, Un Homme
Andrey Klemm, Un Technicien
La Maison de Bernarda, ballet en un acte d'après la pièce de Federico García Lorca La Maison de Bernarda Alba
Mats Ek, chorégraphie (1997)
Henryk Mikolaj Górecki, musique (Petit requiem pour une polonaise op. 66, Concert pour clavecin et orchestre symphonique op. 40)
Maria Geber, décors et costumes
Ellen Ruge, lumières
Mariko Aoyama, Margareta Lidström, répétitions
Nolwenn Daniel, Nicolas Le Riche, Premier pas de deux
Miteki Kudo, Benjamin Pech, Second pas de deux
Muriel Zusperreguy, Caroline Bance, Christelle Granier, Géraldine Wiart, Peggy Dursort, Ninon Raux
Aurélien Houette, Nicolas Paul, Simon Valastro, Daniel Stokes, Adrien Couvez, Alexandre Gasse
Une sorte de...
La salle s'est remplie plus doucement que d'habitude, mais au final, elle m'a semblé relativement bien garnie alors que la programmation fait que l'on s'aventure en dehors du répertoire le plus traditionnel de la maison.
Le premier ballet au programme La Maison de Bernarda (Mats Ek) raconte un huis-clos dans une maison espagnole où la mère force toute la maisonnée à porter le deuil du père. La chorégraphie est plus proche des styles classiques que je m'y attendais. Certaines scènes sont dansées sans aucun accompagnement musical. Souvent, les danseurs parlent, enfin, plutôt crient, je veux dire, HURLENT. La musique (enregistrée) s'ouvre et se conclut par du Bach pour orgue (avec à la fin, Toccata et Fugue sans la fugue malheureusement). Au milieu, de la guitare espagnole. La chorégraphie se fait parfois presque mécaniste dans des scènes où la famille devient un peu folle (les personnages s'assommant les uns les autres, en rythme avec la musique). Pour revenir à l'histoire, deux des filles, l'aînée (Ludmila Pagliero) et la jeune (Charlotte Ranson) n'ont pas vraiment envie de porter le deuil, d'autant plus qu'elles sont séduites par un homme (Stéphane Bullion). La fin tragique arrive quelque peu abruptement, après un solo de Clairemarie Osta en costume simili-nudité.
José Martinez (Bernarda) est toujours aussi stupéfiant. Tous les autres danseurs m'ont fait une bonne impression, mais j'ai particulièrement aimé Ludmila Pagliero et Charlotte Ranson (coryphée) que je voyais pour la première fois dans un rôle important.
Le deuxième ballet de Mats Ek au programme Une sorte de... est beaucoup plus facile à regarder, mais on n'y comprend rien... On fait exploser des ballons sur les diverses éminences que recelle le corps humain. On se roule par terre. On s'enferme dans des valises. On boit dans la chaussure de sa partenaire, on purifie le corps de l'autre au pistolet à eau. Fait intéressant : le plateau de scène s'étend jusque sur la fosse d'orchestre, ce qui produit une impression de proximité plus grande qu'habituellement, même depuis ma quatrième loge... Pour ce qui est de la musique de Henryk Mikolaj Górecki utilisée pour ce ballet, je ne l'ai pas trouvée désagréable, mais quand même un peu répétitive.
Nolwenn Daniel avait une belle présence scénique pendant son pas de deux avec Nicolas Le Riche (au moins en partie sans accompagnement musical, il me semble). Après l'avoir vue dans le rôle de l'Élue dans Le sacre du printemps, j'ai beaucoup aimé de voir Miteki Kudo dans un rôle important et fort différent.
Ailleurs : Palpatine, Blog à petits pas.
2011-04-20 00:33+0200 (Orsay) — Culture — Musique
Salle Pleyel — 2011-04-19
Georges Prêtre, direction musicale
Orchestre de l'Opéra national de Paris
Symphonie nº2 en ré majeur, Brahms
Les Biches, Poulenc
Daphnis et Chloé, suite nº2, Ravel
Barcarolle (Les Contes d'Hoffmann), Offenbach
Au fond, Georges Prêtre (86 ans) est un grand enfant. Pendant la deuxième symphonie de Brahms, il s'amuse avec le grand joujou extra qu'est l'Orchestre de l'Opéra national de Paris.
Sur son estrade, l'absence de rambarde et de pupitre-partition montre qu'il est dans autre chose que la direction d'orchestre au sens habituel. À vrai dire, il réalise un véritable ballet-pantomime pour les musiciens et les spectateurs situés à l'arrière-scène, dont je suis. C'est beau à regarder, mais on aurait quand même envie de lui dire que la musique de ballet n'est programmée qu'après l'entr'acte ! Dans les mouvements lents, il harangue la foule de musiciens à mains nues. Dans les rapides, la baguette devient parfois comme une épée menaçante. Le vénérable chef donne en effet des satisfecits et des remontrances aux différents pupitres. Je ne suis pas fan de Brahms (malgré quelque bon moment avec le Colonne) et cela ne va pas changer avec cette interprétation de la deuxième symphonie. Je suis assez perplexe devant les problèmes de synchronisation des différents pupitres (ça se voit dans les coups d'archets et ça s'entend dans les débuts de phrases musicales). L'effet n'est pas si surprenant tant le chef se dispense de battre la mesure et laisse l'orchestre en pilotage automatique. La fin de la symphonie est fortement atteinte d'une variante du syndrome de l'hydravion, mais j'hésite : était-ce une diligence ou un train à vapeur que l'on voulait arrêter au juste ?
Après l'entr'acte, l'effectif de l'orchestre est augmenté pour la musique du ballet Les Biches de Poulenc. L'œuvre me plaît. On sent que le chef se montre un peu plus sérieux. Pendant la dernière pièce, la deuxième suite de Daphnis et Chloé de Ravel, Georges Prêtre se fait encore beaucoup plus convaincant. Cette œuvre, que je découvre aussi, repose beaucoup sur les instruments à vents (notamment la flûte) et me donne beaucoup de plaisir !
Pour conclure le concert après une vraie standing ovation (même le ministre Mitterrand s'est levé), on donne en bis la Barcarolle des Contes d'Hoffmann d'Offenbach très bien interprétée, sur un tempo un tout petit peu lent.
Ailleurs : Palpatine, Paris Broadway.
2011-04-16 02:11+0200 (Orsay) — Culture — Musique — Opéra
Théâtre des Champs-Élysées — 2011-04-15
Natalie Dessay, Mélisande
Simon Keenlyside, Pelléas
Marie-Nicole Lemieux, Geneviève
Laurent Naouri, Golaud
Alain Vernhes, Arkel
Khatouna Gadelia, Yniold
Nahuel di Pierro, Un médecin
Chœur de l'Orchestre de Paris
Orchestre de Paris
Louis Langrée, direction
Pelléas et Mélisande, Claude Debussy
Après la belle production présentée à l'Opéra Comique l'année dernière, c'était ce soir mon deuxième Pelléas et Mélisande, cette fois-ci en version de concert. J'étais dans des conditions de confort à peu près semblables à celles d'hier pour Parsifal, mais j'ai payé bien plus cher cette place d'abonnement...
La salle du TCE est pleine comme elle l'est rarement. Le deuxième balcon de côté est très bien rempli et il semble que quelques personnes se cachent derrière les meurtrières situées dans les hauteurs du théâtre.
Par rapport au Parsifal d'hier, les entrées et sorties sont un peu mieux gérées et les expressions faciales et les attitudes expriment davantage le sentiment particulier de chaque situation. Conformément à la tradition du TCE, pas de surtitres pour les opéras en français, mais le texte est presque tout le temps parfaitement intelligible. Il y a cependant des moments où le volume de l'orchestre fait que l'on entend encore le son des voix mais plus le sens des paroles.
Sur le papier, on a une distribution de rêve : Natalie Dessay (Mélisande), Simon Keenlyside (Pelléas), Laurent Naouri (Golaud), Marie-Nicole Lemieux (Geneviève), Alain Vernhes (Arkel). Les promesses sont bien tenues. J'ai été particulièrement content d'entendre pour la première fois Simon Keenlyside, qui avait une attelle au coude gauche. Le chanteur qui m'a fait la meilleure impression a été Laurent Naouri, phénoménal Golaud (voix puissante, belles dynamiques, texte parfaitement compréhensible, un jeu idéal compte tenu des limites de la version d'un concert). Dans le rôle de Mélisande, Natalie Dessay a fait une bonne prestation, notamment dans la première scène du troisième acte avec Simon Keenlyside. Il y a cependant des moments, en particulier au début de certaines phrases, où le timbre de sa voix est comme altéré, mais je suis néanmoins content de n'avoir à aucun moment éprouvé la désagréable tension ressentie lors de précédents concerts de cette chanteuse (Giulio Cesare, La Sonnambula) : la crainte que la voix exploserait en plein vol. Espérons que cela continue ! Alain Vernhes et Marie-Nicole Lemieux ont également été très bons, tout comme Nahuel di Pierro dans le rôle du médecin (et du berger) et Khatouna Gadelia dans celui d'Yniold.
À force de voir l'Orchestre de Paris, il y a des visages qui tendent à devenir comme familiers. J'ai été très impressionné par les cordes, dont j'ai apprécié la variété des ambiances sonores produites. Je n'ai pas été immédiatement emballé par les instruments à vents lors de la première apparition d'un motif caractéristique (dans les toutes premières mesures), je ne saurais pas exactement dire pourquoi, mais par la suite, je les ai appréciés aussi, et mon impression sur l'orchestre en général s'est encore fortifiée à mesure que les actes se succédaient. Le chef Louis Langrée avait l'air assez attentif aux chanteurs, se tournant parfois vers eux en faisant du lip sync. Les quelques moments forts vocaux sont bien mis en valeur, mais il est quelque peu dommage que l'enthousiasme communiqué à l'orchestre ait parfois nui à l'intelligibilité du texte. Mais dans l'ensemble, j'ai passé un très bon concert !
2011-04-15 02:46+0200 (Orsay) — Culture — Musique — Opéra
Théâtre des Champs-Élysées — 2011-04-14
Michael Volle, Amfortas
Steven Humes, Titurel
Kwangchul Youn, Gurnemanz
Nikolai Schukoff, Parsifal
John Wegner, Klingsor
Angela Denoke, Kundry, une voix du ciel
Kevin Conners, Premier chevalier
Levente Molnár, Second chevalier
Ulrich Reß, Kenneth Roberson, Ecuyers
Solistes du Tölzer Knabenchor, Ecuyers
Hanna-Elisabeth Müller, Laura Tatulescu, Gabriela Scherer, Evgeniya Sotnikova, Tara Erraught, Okka von der Damerau, Filles-fleurs de Klingsor
Orchestre de la Staatsoper de Munich
Chœur de la Staatsoper de Munich
Kent Nagano, direction
Parsifal (Wagner)
Je n'avais pas prévu d'aller écouter ce Parsifal au TCE, mais la possibilité d'obtenir des places de première catégorie (en l'occurrence, un premier rang de première loge de face) à 30€ m'avait décidé. Faute de temps, je m'y étais préparé plus sommairement que pour Siegfried, mémorisant quelques motifs parmi les plus importants comme La Cène, Le Graal, La Foi, La Lance, Kundry, Le baume, Parsifal...
Il vaut mieux avoir quelques points de repère pour pouvoir maintenir une activité intérieure et défier la fatigue pendant le concert, très long (début à 18h, fin de la standing ovation vers 23h30), le tempo étant d'ailleurs presque tout le temps très lent.
La grande surprise que j'ai eue lors du premier acte est venu du rôle de Gurnemanz qui y a une fonction qui fait penser à celle de l'Évangéliste dans les Passions de Bach. L'excellente basse Kwangchul Youn arrive à maintenir un intérêt constant pour ce rôle qui n'est a priori pas le plus flatteur (je garde également un très bon souvenir de la performance de ce chanteur dans le rôle de Wurm dans Luisa Miller en 2008). Kundry (Angela Denoke) sert les chevaliers du Graal et le premier d'entre eux (Amfortas) à qui elle administre un baume. Nous sommes en situation de crise : du fait de sa souffrance, il ne peut plus célébrer comme il faut le Graal, touché qu'il a été par la Lance (tout comme le Christ) après que Klingsor l'avait détourné de son vœu de chasteté. On annonce qu'un être innocent pourra récupérer cette Lance, c'est bien sûr Parsifal qui se fait remarquer lors de son entrée parce qu'il commet le sacrilège de tuer un cygne. De façon amusante, Wagner utilise le même motif que dans Lohengrin pour évoquer le cygne. Nikolai Schukoff n'est pas très convaincant dans son rôle au cours de ce premier acte. Il le sera bien davantage dans le deuxième où il va conquérir la Lance. Entretemps, il aura été tenté par les Filles-fleurs, puis par Kundry qui est maintenant sous l'emprise de Klingsor. Angela Denoke est tout aussi impressionnante dans ce rôle que dans Kátia Kabanová. Au troisième acte, on se retrouve au même endroit qu'au premier acte. Gurnemanz reconnaît en Parsifal celui qui va les sauver, Parsifal puis Kundry sont baptisés. Alors qu'Amfortas (remarquable Michael Volle) rappelle qu'il voudrait mourir pour ne plus souffrir de sa blessure, Parsifal entre pour le soigner en mettant la Lance en contact avec son flanc. Parsifal peut alors succéder à Amfortas en maître de cérémonie.
Par rapport à une version scénique, on y perd un peu en cohérence. Dans ce troisième acte, Angela Denoke ne reparaît que pour répéter le mot Dienen (servir) alors qu'à plusieurs reprises, on s'adresse à Kundry alors qu'elle n'est plus en scène. De même, au premier acte, l'interprète de Parsifal est sorti de scène après ses dernières paroles. Pourtant, il est censé assister silencieusement à la cérémonie qui se tient jusqu'à la fin de l'acte, où Gurnemanz lui dit d'aller voir ailleurs.
L'orchestre de l'opéra d'état de Munich dirigé par Kent Nagano a été remarquable. J'ai bien du mal à détailler tant j'étais comme hypnotisé par la musique. Comme je l'ai dit, à part Nikolai Schukoff en demi-teinte, les chanteurs ont tous été excellents. Par ailleurs, chose appréciable, et assez inhabituelle chez Wagner, l'œuvre comporte plusieurs chœurs (certains étant chantés depuis les coulisses) et fait aussi entendre six solistes en filles-fleurs lors du deuxième acte. Bref, cela a été un plus qu'excellent concert !
2011-04-13 00:54+0200 (Orsay) — Culture — Musique — Danse
Opéra Garnier — 2011-04-12
Élèves de l'école de danse de l'Opéra
Orchestre de l'Opéra national de Paris
Marius Stieghorst, direction musicale
Piotr Ilyitch Tchaikovski, musique (1882) (Trio pour piano, violon et violoncelle en la mineur, op. 50 : deuxième mouvement, Thème et variations)
John Taras, chorégraphie (1948)
Jean-Yves Sébillotte, piano
Éric Lacrouts, violon
Matthieu Rogué, violoncelle
Alice Catonnet, Caroline Osmont, Clotilde Tran Phat, Claire Trouvé
Natan Bouzy, Germain Louvet
Dessins pour six
Léo Delibes, musique (1870)
Pierre Lacotte, chorégraphie et adaptation (1973) d'après la version d'Arthur Saint-Léon
Charles Nuitter, livret (d'après le conte d'E.T.A. Hoffmann, L'Homme au sable (1816)
Décors d'après les maquettes de Jean-Émile Daran (1875), inspirées de celles de Charles-Antoine Cambon (Actes I et III, 1870) et celles d'Edouard-Désiré Desplechin et Jean-Baptiste Lavastre (Acte II, 1870)
Costumes d'après les maquettes d'Alfred Albert (1870)
Alizée Sicre, Swanilda
Mathieu Contat, Frantz
Julien Guillemard, Coppélius
Raphaël Bouttier, Le Bourgmestre
Éléonore Thomas, La Paysanne
Cyprien Bouvier, Le Persan
Pascal Bayart, Le Chinois
Isaac Lopes-Gomez, Le Cymbalier
Marie Le Révérend, La Poupée
Coppélia ou la fille aux yeux d'émail, ballet en trois actes
Je suis retourné voir le spectacle de l'école de danse sur une place à 8€. Cela devait être une des toutes meilleures places de cette catégorie ! Facile à repérer sur le plan de salle, un fond de deuxièmes loges de côté quasi de trois-quart (déflation du prix parce que derrière un pilier, heureusement non gênant). Assis, j'aurais vu quelque chose, mais debout j'avais à la fois une vue presque frontale sur la scène et une bonne vue sur l'orchestre (je manquais seulement la première rangée de violons). Avec ou sans jumelles, je voyais bien mieux que depuis une place située à peu près exactement deux étages au-dessus le soir de la première.
La distribution de Dessins pour six est changée à moitié. La prestation des élèves ce soir m'a bien davantage plu que lors de la première. Cette fois-ci, pas de sortie sur un porté spectaculaire comme lors de la première, mais l'interprétation a été beaucoup plus propre et maîtrisée. Des disparités entre les niveaux de souplesse et d'aisance des différentes danseuses se font voir, mais la précision de l'ensemble fait que mon impression sur ce ballet a été complètement modifiée. On va dire que je ne le déteste plus.
J'étais donc dans des dispositions encore meilleures que lors de la première pour le deuxième ballet au programme, Coppélia ou la fille aux yeux d'émail. La magie de cette version ne disparaît pas au deuxième visionnage. La distribution des trois rôles principaux est différente que lors de la première. Il m'est difficile de dire laquelle des deux Swanilda j'ai préférée, tant elles ont été toutes les deux fantastiques à la fois comme danseuses et comme comédiennes. Si Alizée Sicre laissait transpirer une légère impression de fatigue dans le troisième acte, elle m'a fait une excellente impression. Très gracieuse et élégante dans sa danse, elle a magnifiquement bien joué la comédie. Son couple avec Mathieu Contat (Frantz) était très harmonieux. Lui aussi a été très convaincant et très charmeur dans son jeu et dès sa variation du premier acte, il a fait preuve de belles qualités de danseur, qui me mettaient en appétit pour le troisième acte, où il a semblé n'éprouver aucune difficulté lors des portés. Très belle pantomime aussi pour Julien Guillemard (Coppélius). Du côté des ensembles, le positionnement m'a paru plus régulier ; il est intéressant de voir que le niveau progresse d'une représentation sur l'autre ! J'ai encore une fois apprécié la musique de ce ballet, qui s'accorde très bien à la chorégraphie, non sans quelques pointes d'humour.
2011-04-12 01:47+0200 (Orsay) — Culture — Musique — Danse
Opéra Bastille — 2011-04-11
Sergueï Prokofiev, musique
Rudolf Noureev, chorégraphie et mise en scène, réglées par Patricia Ruanne et Frederick Jahn
Ezio Frigerio, décors
Ezio Frigerio et Mauro Pagano, costumes
Vinicio Cheli, lumières
Yuri Uchiumi, choréologue
Mathieu Ganio, Roméo
Laëtitia Pujol, Juliette
Stéphane Bullion, Tybalt
Mathias Heymann, Mercutio
Christophe Duquenne, Benvolio
Myriam Ould-Braham, Rosaline
Julien Meyzindi, Pâris
Vincent Cordier, Le Seigneur Capulet
Delphine Moussin, Dame Capulet
Ghyslaine Reichert, La Nourrice
Arnaud Dreyfus, Frère Laurent
Ballet de l'Opéra
Orchestre de l'Opéra national de Paris
Vello Pähn, direction musicale
Roméo et Juliette, ballet en trois actes d'après William Shakespeare
Ce ballet de Noureev ne m'a pas excessivement enthousiasmé. On retrouve
des caractéristiques de son style, comme des hommes qui dansent ensemble.
Pas mal de vulgarité aussi : on tripote les seins de Rosaline, plus loin,
via un tour de passe-passe, c'est l'entrejambe de Mercutio qu'on frôle.
Mais, ce ballet, c'est surtout du grand spectacle. Vers le début du premier
acte, on assiste à une lutte entre les verts (Montaigu) et les rouges
(Capulet). On est un peu comme dans une cour de récréation ou en marge d'un
match OM-PSG. On se fait des bras d'honneur. On violente quelque fille du
camp adverse. C'est très spectaculaire, mais ce n'est rien par rapport aux
combats à l'épée auxquels on assiste à la fin du deuxième acte. On trouve
quelques effets cinématographiques
, comme lorsque le Frère Laurent,
côté cour, explique à Juliette comment elle va feindre la mort : pendant ce
temps, au centre de la scène, on voit l'action qui devra se dérouler
ensuite. On trouve aussi de belles danses pour Juliette (Laëtitia Pujol),
en solo ou avec Roméo (Mathieu Ganio). J'ai également aimé voir Myriam
Ould-Braham dans le rôle de Rosaline (qui subjugue Roméo avant que celui-ci
voie Juliette). Les autres solistes et le corps de ballet ont bien dansé
aussi, mais globalement je n'ai que moyennement aimé la chorégraphie. (À un
moment, il m'a semblé qu'il y avait un passage bizarre entre deux scènes :
la musique dansante continuait alors que la scène était dans l'obscurité
totale. Au climax du ballet, il y a eu (en coulisse ?) un bruit de fin du
monde qui détonnait un peu, on se serait cru dans une Passion de
Bach quand l'évangéliste raconte que le voile du temple se fend en
deux.)
Pour moi, l'intérêt principal de la soirée était d'entendre la musique absolument extraordinaire de Prokofiev ! Je n'avais jamais rien entendu de tel. On nous dit dans le programme qu'il l'a orchestré au rythme de vingt pages par jour. Des orchestrations comme ça, si je pouvais en avoir plus souvent, je dirais pas non !
(Lors d'un entr'acte, ma voisine feuilletait la brochure de l'année prochaine. Et puis elle a regardé les tarifs des abonnements...)
Ailleurs : Blog à petits pas, Danses avec la plume.
2011-04-10 02:57+0200 (Orsay) — Culture — Musique — Opéra
Opéra Comique — 2011-04-09
Sophie Karthäuser, Agathe
Andrew Kennedy, Max
Virginie Pochon, Annette
Gidon Saks, Gaspard
Matthew Brook, Kouno
Samuel Evans, Kilian
Robert Davies, Ottokar
Luc Bertin-Hugault, L'Ermite
Christian Pélissier, Samiel
Charmian Bedford, Katy Hill, Lucy Roberts, Louise Le Boutillier, Kate Symonds Joy, Vanessa Heine, Les demoiselles d'honneur
The Monteverdi Choir
Orchestre Révolutionnaire et Romantique
Sir John Eliot Gardiner, direction musicale
Dan Jemmett, mise en scène
Dick Bird, décors
Sylvie Martin-Hyszka, costumes
Arnaud Jung, lumières
Cécile Bon, chorégraphie
Philipp von Steinaecker, assistant musical
Meriam Korichi, collaboratrice à la mise en scène
Laetitia Mateos, assistante décors
Magali Perrin-Toinin, assistante costumes
Nathalie Steinberg, Martin Surot, chefs de chant
Le Freischütz, Weber (version Berlioz)
Je ne m'étais pas préparé particulièrement à ce Freischütz. J'en avais lu le livret il y a quelques mois. Je n'avais pas voulu écouter la musique pour en avoir l'entière surprise le soir de la représentation.
Je connaissais seulement l'ouverture. En fait, cette ouverture appartient à la catégorie des ouvertures best-of. On réentendra donc assez souvent des développements de passages déjà entendus dans l'ouverture. (Depuis ma place, je n'avais pendant l'ouverture vue que sur le timbalier qui avait tout juste le temps de régler ses timbales entre deux interventions.)
Il y a à peu près un an, j'avais entendu un extrait de cet opéra à la radio et cela m'avait beaucoup donné envie de l'entendre. J'avais donc de grandes attentes du côté musical. Je m'attendais à trouver quelque chose qui serait à tout moment hybride entre Mozart et les compositeurs allemands ultérieurs. En fait, pendant un acte et demi, j'ai un peu eu l'impression d'entendre du Mozart, et du Weber pour l'autre moitié du deuxième acte et le troisième.
Au premier acte, on apprend qu'Agathe, la fille de Kouno épousera le gagnant du concours de tir qui aura lieu le lendemain, le gagnant obtenant aussi la fonction héréditaire de Kouno auprès d'Ottokar. Max, l'amoureux d'Agathe, vient de subir sa première défaite contre le villageois Kilian. S'il commettait une aussi grande erreur le lendemain, il ne pourrait s'unir à Agathe. Pour augmenter ses chances, il se laisse influencer par Gaspard qui lui promet de lui fournir des balles enchantées. C'est en fait un agent du démon Samiel qui vient réclamer à Gaspard quelqu'offrande. La septième et dernière balle atteindra Agathe, sacrifiée pour lui. Au début du deuxième acte, Agathe discute avec son amie Annette qui essaie, sans bien convaincre, de lui remonter le moral suite aux mauvais présages qui se produisent. Contre l'avis d'Agathe, Max s'en va nuitamment à la Gorge-aux-Loups où Gaspard va fondre les sept balles enchantées. Elles seront gaspillées au début du troisième acte de sorte qu'il n'en restera plus qu'une à Max au moment où il devra faire preuve de son habileté. Au moment de tirer sur la colombe indiquée par Ottokar, Agathe viendra crier que la colombe, c'est elle (comme elle l'aura vu en rêve). Finalement, la balle atteint Gaspard. Tout le monde apprend que Max a pactisé avec le Diable. Suite à l'intervention d'un pieux ermite, Ottokar accepte que Max et Agathe se marient quand même, mais un an plus tard.
Il y a donc un certain contraste entre les situations mélodramatiques du
début et l'atmosphère fantastique qui apparaît lors de la scène de la
Gorge-aux-Loups. Cette scène m'a semblé très réussie. Gidon Saks (Gaspard)
qui paraissait un peu brouillon dans le premier acte y était beaucoup plus
convaincant, y compris dans les passages parlés, presque chuchotés de cette
scène. Le démonique Samiel apparaît sur scène, joué par Christian
Pélissier, le plus souvent silencieux lors des invocations de Gaspard, mais
quand il répète en écho Une
, Deux
, etc, à chaque fois qu'une
nouvelle balle est fondue, on peut entendre son impressionnante voix
caverneuse. J'ai bien aimé tous les autres chanteurs. La chanteuse qui m'a
fait la plus forte impression est Virgine Pochon (Annette) qui a
véritablement incarné son rôle (quelle présence scénique ! quel jeu !) et
sa partie vocale n'a pas l'air d'être des plus faciles ! Dans le rôle
d'Agathe, j'ai retrouvé Sophie Karthäuser qui avait été pour moi une des
rares consolations d'un Fidelio de sinistre
mémoire. La mise en scène a apparemment accentué le côté très sage de
ce personnage, ce qui ne donne pas à la chanteuse l'occasion de
briller
.
Pour décrire brièvement cette production, il suffit de dire qu'elle a été transposée dans le monde de la fête foraine. Kouno est à la tête d'un stand de tir. Agathe et Annette discutent devant leur roulotte ou à l'intérieur de celle-ci. Cela fait un tout petit peu peur au début de l'opéra, très vif, mais cela me semble une bonne idée. Mis à part l'affadissement du personnage d'Agathe, la mise en scène m'a semblé réussie. Il y a quelques passages étonnants, comme lorsque dans la scène de la Gorge-aux-Loups Max voit des apparitions de sa mère et d'Agathe, il est face au public et ces deux personnages traversent le fond de la scène, dans son dos ! Quand Max tire de son fusil au troisième acte, à sa droite Agathe et à sa gauche Gaspard tombent tous les deux alors que Max visait dans d'autres directions ! Sur le coup, on ne comprend pas bien l'influence de l'ermite qui est censé avoir protégé Agathe. Ce que j'ai trouvé assez frappant, c'est la façon dont on laisse mourir Gaspard sans se préoccuper le moins du monde de son sort. On se réjouit joyeusement qu'Agathe n'ait pas été touchée par le coup de fusil tandis que l'autre est en train de mourir ; on se réjouit même de ce que le diabolique soit puni.
À un moment, j'ai un peu buggé parce que j'ai eu l'impression d'entendre une musique que je connaissais déjà, ce qui était bizarre vu que je n'ai que l'ouverture dans ma discographie... En fait, très vite, j'ai reconnu L'Invitation à la valse du même Weber que je connaissais parce que c'est la musique du ballet Le spectre de la rose présenté à Garnier dans le programme Ballets russes en décembre 2009. Le programme explique que la tradition française voulant que les opéras inclussent des scènes de ballets, Berlioz avait inséré cette pièce de Weber (originellement pour piano et qu'il avait donc dû orchestrer). En dehors des applaudissements accompagnant la fin de quelques airs, du fait de la transformation (et réduction) des parties parlées en récitatifs par Berlioz, la musique se déroule presque sans interruption dans chacun des trois actes. Dans cette version française de l'opéra, on arrive à comprendre ce que chantent la plupart des chanteurs !
2011-04-08 01:26+0200 (Orsay) — Culture — Musique — Danse
Opéra Garnier — 2011-04-07
Élèves de l'école de danse de l'Opéra
Orchestre de l'Opéra national de Paris
Marius Stieghorst, direction musicale
Piotr Ilyitch Tchaikovski, musique (1882) (Trio pour piano, violon et violoncelle en la mineur, op. 50 : deuxième mouvement, Thème et variations)
John Taras, chorégraphie (1948)
Jean-Yves Sébillotte, piano
Éric Lacrouts, violon
Matthieu Rogué, violoncelle
Alice Catonnet, Caroline Osmont, Clotilde Tran Phat, Roxane Stojanov
Mathieu Contat, Hugo Marchand
Dessins pour six
Léo Delibes, musique (1870)
Pierre Lacotte, chorégraphie et adaptation (1973) d'après la version d'Arthur Saint-Léon
Charles Nuitter, livret (d'après le conte d'E.T.A. Hoffmann, L'Homme au sable (1816)
Décors d'après les maquettes de Jean-Émile Daran (1875), inspirées de celles de Charles-Antoine Cambon (Actes I et III, 1870) et celles d'Edouard-Désiré Desplechin et Jean-Baptiste Lavastre (Acte II, 1870)
Costumes d'après les maquettes d'Alfred Albert (1870)
Marie Varlet, Swanilda
Germain Louvet, Frantz
Natan Bouzy, Coppélius
Raphaël Bouttier, Le Bourgmestre
Éléonore Thomas, La Paysanne
Cyprien Bouvier, Le Persan
Pascal Bayart, Le Chinois
Isaac Lopes-Gomez, Le Cymbalier
Marie Le Révérend, La Poupée
Coppélia ou la fille aux yeux d'émail, ballet en trois actes
Comme l'année dernière, je suis allé voir le spectacle de l'école de danse de l'Opéra. Cela a commencé par une court ballet de John Taras dont j'avais tant aimé Piège de lumière programmé l'année dernière dans le spectacle. Ce ballet pour six danseurs (quatre filles et deux garçons) ne m'a pas beaucoup intéressé. La musique de Tchaikovski est pour une formation de chambre : piano, violon, violoncelle. Le piano commence par énoncer un thème et de nombreuses variations suivent. Cette pièce ne m'a pas enthousiasmé outre mesure, mais ayant un petit faible pour la configuration piano-violoncelle, je ne me suis pas ennuyé pour autant. Sur la scène vide (fond bleu), les six danseurs évoluent, par trois, par deux, par six, etc. Cela ne raconte pas d'histoire et il n'y a pas non plus un déluge d'émotions (il y en a quand même un tout petit peu). Une belle variation pour un couple se termine par une sortie sur un porté acrobatique. Beaucoup de moments où les danseuses font presque du sur place sur pointes en tournant autour de leurs camarades. C'est au mieux mignon, mais dans un genre voisin, je préfère encore Apollon de Balanchine, qui ne m'avait pourtant pas beaucoup plu.
L'essentiel de la soirée est consacré à l'autre ballet au programme, Coppélia ou la fille aux yeux d'émail de Pierre Lacotte, d'après Arthur Saint-Léon (livret de Nuitter d'après Hoffmann). Il s'agit en fait d'une reconstitution du ballet d'origine, où on a cependant confié le rôle de Frantz à un danseur plutôt qu'à une danseuse travestie comme lors de la création de 1870.
La comparaison entre ce spectacle de l'école de danse et la Coppélia de Patrice Bart par le ballet de l'Opéra est cruelle... mais elle est nettement à l'avantage de l'école de danse !
Tout d'abord, dans la fosse, c'est l'Orchestre de l'Opéra de Paris dirigé par Marius Stieghorst qui avait déjà fait des merveilles l'année dernière pour la musique de Piège de lumière (Damase). Par rapport au résultat obtenu par Koen Kessels, il y a une grande différence ! Et pourtant, j'avais été satisfait par l'orchestre Colonne, notamment dans les passages extraits de Lakmé. Ici, à un numéro près, on entend que la musique d'origine de Delibes pour Coppélia. Elle est jouée de façon beaucoup plus vivifiante, enjouée. Le tempo est plus rapide (privilège de la jeunesse ! La chorégraphie est aussi moins tortueuse). Du côté de la dynamique, le chef met apparemment plus volontiers en valeur les p que les f. Quelques instruments à percussion insolites (dans le prélude du début du deuxième acte, je n'ai fait que regarder les deux percussionnistes, qui ne faisaient rien ! mais regardaient beaucoup autour d'eux). Les musiciens ont donné l'impression de prendre un certain plaisir à jouer pour les élèves de l'école de danse, comme le harpiste, qui était apparemment Emmanuel Ceysson ce soir.
Cette version de Coppélia a une histoire beaucoup plus claire que celle de Patrice Bart. Coppélius est bien un vieux pervers. Il veut transférer l'âme de Frantz qu'il a drogué dans Coppélia, la fille aux yeux d'émail dont Frantz s'était amouraché pour l'avoir vue depuis la rue. En fait, quand Swanilda et ses amies avaient été surprises par Coppélius après qu'elles étaient entrées chez lui et avaient vu ses divers automates, elles avaient toutes fui, sauf Swanilda qui avait pris la place de Coppélia. Coppélius croit insufler un souffle vital dans Coppélia, mais c'est Swanilda qui fait semblant de se mouvoir comme un automate, puis progressivement, au fur et à mesure que les doses d'âme successives arrivent, elle se met à se déplacer comme une véritable jeune fille.
Dans la version de Bart, en plus du corps de ballet, la danse reposait sur trois individualités : Swanilda, Frantz, Coppélius. Dans cette version, tout ou presque repose sur les épaules de la seule Swanilda ! au moins dans les deux premiers actes. Le personnage de Frantz n'y a en effet pas beaucoup à danser, et il est heureux que Pierre Lacotte ait ajouté une variation au personnage. Coppélius n'a que de la pantomime, mais elle est très réussie, ce qui rend d'autant plus convaincant le spectacle dans son ensemble. Bien sûr, on trouve aussi de très beaux ensembles au premier acte.
Ce soir, c'était Marie Varlet qui dansait le rôle de Swanilda. Elle a été absolument fantastique. La métamorphose de Coppélia au deuxième acte a été merveilleuse, passant d'un automate désarticulé à une vraie jeune fille, et rapassant sans cesse de ce rôle en métamorphose à son rôle de Swanilda inquiète du sort de Frantz endormi à la table de Coppélius dès que celui-là a le dos tourné.
Le troisième acte s'achève sur les noces de Frantz et de Swanilda. Il permet de mettre en scène une succession d'ensembles. Le rôle de Frantz devient alors résolument dansant et on apprécie l'aisance avec laquelle il porte sa partenaire. Certes, tout n'a pas été absolument parfait, mais quel beau spectacle cela a été !
Pierre Lacotte est venu saluer, et Elisabeth Platel, la directrice de l'école de danse, a eu le temps de quitter son strapontin du dernier rang de l'orchestre pour venir saluer aussi avant de s'écarter pour laisser aux élèves le mérite qui leur revient.
2011-04-05 01:04+0200 (Orsay) — Culture — Musique — Culture indienne
Théâtre de la Ville — Place du Châtelet — 2011-04-04
Shashank, flûte murali
Parupally Phalgun, mridangam
Satyajit Talwalkar, tabla
Je n'étais pas retourné au Théâtre de la Ville (Place du Châtelet)
depuis presque un an (c'est comme y aller pour la première fois, d'ailleurs
je ne m'étais même pas rendu compte que sur la façade on pouvait encore
lire Sarah Bernhardt
; je croyais que ce nom avait été abandonné
depuis longtemps !). La dernière fois, c'était pour un concert Tambours sacrés de
l'Inde assez inintéressant.
Le concert de ce soir est un récital du flûtiste Shashank, que j'avais
déjà entendu lors des vingt-quatre heures du raga. Je
n'ai pas été excessivement enthousiasmé par ce concert. Le flûtiste, qui
lors des silences insérés s'éponge le visage, change de flûte ou boit de
l'eau, est accompagné de deux percussionnistes, l'un du Sud (mridangam),
l'autre du Nord (tablas) (ah oui, j'ai peut-être oublié de le préciser,
mais ils viennent bien sûr tous d'Inde !), ce qui donne un côté un peu
hybride à la formation. Je me serais bien contenté d'un seul des deux, avec
une préférence pour Parupally Phalgun qui avait l'air davantage dans son
élément. Chose inhabituelle pour un musicien du Sud, la première partie est
un Alap annoncé sur une gamme pentatonique. J'entends quelque
spectatrice murmurer Qu'est-ce que c'est que ce truc ?!
. J'aurais
bien eu envie de lui répondre d'attendre un peu... C'est qu'il a plutôt
pris son temps, tenant des notes assez longtemps, insérant des silences,
avant de laisser se développer librement la mélodie, bientôt suivie de
l'entrée des percussionnistes. Après, il a interprété la composition
principale sur le mode Purvi Kalyani. Une deuxième composition est venue
ensuite ; il en a d'abord chanté le śloka en l'honneur de Krishna
(sous le nom de Gopala). Au cours de de cette pièce comme dans la
précédente, on assiste à quelques questions/réponses entre les musiciens,
chose qui semblerait plus courante dans la musique du Sud par rapport à
celle du Nord (en tout cas, dans les récitals de danse bharatanatyam, c'est
systématique !). On assiste à un déluge de virtuosité du flûtiste, mais
c'est carrément trop démonstratif, au point de me faire oublier d'apprécier
la musique... La fin des morceaux est systématiquement atteinte du syndrome
de l'hydravion (il a beaucoup de mal à atterrir le pauvre aéronef, tous
les effets et manœuvres sont essayés, on touche l'eau, mais non, on est
obligé de remettre les gaz et cinq minutes plus loin, on a bien fini
par y arriver, mais complètement épuisé).
Deux dévotionnels sont ensuite joués. Le premier est un duo rythmique
(avec un tout petit peu de flûte à la toute fin) sans intérêt si ce n'est
le petit jeu de questions/réponses entre les percussionnistes, jusqu'à en
arriver à frapper leurs peaux respectives un temps sur deux à tour de rôle.
Le deuxième est intitulé quelque chose comme Indu Bharavi
. Le public
en redemandant, un dernier morceau non prévu est joué pour conclure ces
presque deux heures de musique.
2011-04-03 02:05+0200 (Orsay) — Culture — Musique
Athénée Théâtre Louis-Jouvet — 2011-04-02
Quatuor Thymos
Eiichi Chijiiwa, Gabriel Richard, violons
Nicolas Carles, alto
Marie Leclercq, violoncelle
Michel Fau, lecteur
Textes d'Olivier Py, Aristote, Copi
Trois pièces pour quatuor à cordes, Stravinski
Quatuor à cordes nº2, opus 33 (Hob. III:38), Haydn
Quatuor à cordes nº2, Charles Ives
Ouverture sur Le Vaisseau Fantôme comme joué à vue par un orchestre de seconde zone à 10h du matin sur la place du village, Hindemith
Quel beau concert que celui de ce quatuor à cordes (Thymos) formé de musiciens de l'Orchestre de Paris au théâtre de l'Athénée — Louis Jouvet. C'est la première fois que j'y mets les pieds, à deux pas de l'Opéra (ne pas confondre avec l'hôtel Plaza Athénée situé tout près du TCE...). J'en avais entendu parler par Klari à propos d'un précédent concert de la série.
Le lieu est tout ce qu'il y a de plus charmant, accueillant et sympathique. Malheureusement, la salle est remplie à peine aux deux tiers (seuls l'orchestre et la corbeille de face sont bien garnis). Un ouvreur m'a fait signe au moment où je commençais à envisager une migration depuis le dernier rang du balcon. Je ne me suis pas fait prier pour saisir l'opportunité qui m'était faite de m'installer au premier rang de corbeille sur l'extrême côté, tout près de la scène.
Je crois que je n'ai jamais été dans d'aussi bonnes conditions autant visuelles qu'acoustiques pour un concert de musique de chambre. Le thème est l'humour noir. En prélude au concert et entre les pièces, le comédien Michel Fau lit remarquablement bien quelques textes très drôles (je me disais bien que sa tête me disait quelque chose : d'après mes archives, je l'avais déjà vu dans L'Orestie à l'Odéon en 2008). On entendra ainsi un sermon du Diable extrait de L'Apocalypse joyeuse d'Olivier Py, un texte attribué à Aristote évoquant six systèmes politiques (royauté, aristocratie, timocratie, tyrannie, oligarchie, démocratie), les trois derniers étant les versions corrompues respectives des trois premiers. Le dernier sera un texte de Copi extrait du Bal des folles où un inverti raconte son histoire d'amour avec un Pierre amouraché à un(e) Marilyn ayant un serpent pour animal de compagnie. Nombreux fous-rires dans la salle.
Venons-en maintenant à la musique. Cela commence par trois courtes pièces de Stravinski utilisant des sonorités très variées. La violoncelliste et le violon II échangent leurs places. Vient ensuite l'œuvre qui m'a le plus enthousiasmé : le quatuor à cordes nº2, opus 33 (Hob. III:38) de Haydn. J'apprécie de voir les musiciens se faire de petits signes, sourires et grimaces. Les deux premiers mouvements sont assez espiègles. Le troisième, lent, est plus sage. Lors du quatrième, je me dis d'abord qu'on est à côté du thème, mais la toute fin me fait comprendre la raison de son insertion au programme : après plusieurs répétitions du thème de ce mouvement, il faut bien terminer le quatuor et c'est fait en introduisant quelques silences à divers endroits des derniers développements de façon à ce qu'à plusieurs reprises on puisse avoir l'impression que le quatuor est terminé. Et cela recommence... encore... une dernière fois... allez, encore une autre... C'est bon, maintenant, vous pouvez applaudir. Si j'ai aimé cette œuvre, je crois que ce n'est pas seulement parce que c'était de Haydn... mais peut-être aussi parce que c'était merveilleusement bien interprété.
La troisième œuvre au programme est un quatuor en trois mouvements de
Charles Ives (dont je ne connaissais le nom que parce qu'il apparaît dans
le titre d'une œuvre de John Adams, jouxtant dans la discographie son
remarquable concerto pour violon électrique The Dharma at Big
Sur). Elle est précédée d'une petite introduction du violoniste
Gabriel Richard qui était jusque là violon II et qui passe violon I, les
musiciens ayant repris la configuration standard du quatuor (de gauche à
droite : violon I & II, alto, violoncelle). Il nous explique que
l'œuvre met en jeu quatre hommes (sic) qui lors du premier mouvement
(Andante emasculata !) vont parler chacun dans leur coin, lors du
deuxième mouvement se disputer ouvertement, et lors du troisième joindre
leurs efforts pour aller à l'assaut d'une montagne jusques auprès du
firmament. (Il indique aussi beaucoup d'emprunts, mais je ne les ai pas
reconnus.) C'est annoncé comme atonal
, mais cela s'écoute finalement
très bien, en tout cas beaucoup plus que l'atonal qui se joue
ces jours-ci à Bastille.
Le concert se termine par l'ouverture du Vaisseau fantôme (Wagner) revisitée par Hindemith (cf. plus haut pour le titre complet...), ce qui donne lieu à un grand n'importe quoi où l'on reconnaît parfois un peu l'œuvre d'origine mais aussi des délires qui semblent singer d'autres genres musicaux. Au début, les musiciens étaient affalés dans des fauteuils et un lit (du décor de la pièce qui se joue ces jours-ci dans ce théâtre). Il faudra toute la persuasion de Michel Fau pour que, apparemment sans conviction, les musiciens voulussent bien se lever, se mettre devant leurs pupitres, mettre la bonne partition devant leurs yeux fatigués et jouer tout en essayant de donner l'impression qu'ils déchiffrent l'œuvre. Dans ce numéro, Gabriel Richard et Nicolas Carles sont plus joueurs que leurs deux collègues.
2011-03-31 07:53+0200 (Orsay) — Culture — Musique — Opéra — Lectures
Opéra Bastille — 2011-03-28
Janina Baechle, Anna Akhmatova
Atilla Kiss-B, Lev Goumilev
Lionel Peintre, Nikolai Pounine
Varduhi Abrahamyan, Lydia Tchoukovskaia
Valérie Condoluci, Faina Ranevskaia
Christophe Dumaux, Le Représentant de l'Union des écrivains
Marie-Adeline Henry, Olga
Paul Crémazy, Un sculpteur, un universitaire anglais
Vladimir Kapshuk, Un étudiant, deuxième universitaire
Ugo Rabec, Un agent
Sophie Claisse, Une femme du peuple
Laura Agnoloni, Une vieille femme du peuple
Emanuel Mendes, Solo ténor
Slawomir Szychowiak, Solo baryton
Pascal Rophé, direction musicale
Christophe Ghristi, livret
Nicolas Joel, mise en scène
Wolfgang Gussmann, décors
Wolfgang Gussmann et Susana Mendoza, costumes
Hans Toelstede, lumières
Patrick Marie Aubert, chef du chœur
Marguerite Borie, collaboration à la mise en scène
Orchestre et Chœur de l'Opéra national de Paris
Akhmatova, Bruno Mantovani (création)
J'ai assisté lundi dernier à la création d'Akhmatova (Mantovani) à Bastille. Mes impressions sont sur le Biblioblog.
2011-03-27 01:50+0100 (Orsay) — Culture — Musique
Salle Pleyel — 2011-03-26
London Symphony Orchestra
Valery Gergiev, direction
Symphonie nº7 Chant de la nuit (Gustav Mahler)
Ce n'est pas exactement la première fois que j'entends du Mahler en concert, puisque les Kindertotenlieder (et des œuvres d'autres compositeurs) avaient été chantés par Thomas Hampson au TCE il y a deux mois. Cependant, c'est la première fois que j'entends une symphonie de Mahler en concert (dans ma CD-othèque, je n'ai que la dixième symphonie, écoutée une unique fois il y a plus de deux ans). Entendre est un mot bien faible pour décrire l'expérience toute physique dont le corps fait l'objet pendant toute la durée du concert.
Comment ai-je pu me tenir éloigné de cette musique pendant si longtemps ! Jamais un concert ne m'avait fait me sentir autant minuscule devant la grandeur de la musique, qui m'a saisi dès le premier mouvement. Vu les explications amusantes de Klari dont j'ai hérité de ma place à l'arrière-scène, il est évident que l'on ne saisit pas tout ce qui se passe, loin s'en faut ! Il se passe tellement de choses en même temps ! Cela dit, certains thèmes et rythmes, même s'ils passent d'un pupitre à un autre, sont parfois installés de façon assez insistante pour qu'on arrive à suivre, un peu.
C'est aussi ma première fois avec le London Symphony Orchestra. Je me réjouis par avance de la série de concerts de cet orchestre à laquelle je me suis abonné pour l'an prochain. En revanche, j'avais déjà aperçu Valery Gergiev diriger un Lohengrin à Bastille il y a quatre ans. Cette fois-ci, je suis on ne peut mieux placé pour le voir remettre sa mèche de cheveux en place sur le crâne (il l'a par exemple fait à trente secondes de la fin comme pour se faire beau pour les saluts, mais entretemps, la mèche avait déjà repris sa liberté). Passons sur ce détail capillaire. Le style de direction n'est manifestement pas du genre à utiliser avec un orchestre sous-excellent ! Pendant le premier mouvement, et un peu moins par la suite, il avait les yeux constamment rivés sur la partition, regardant cependant un peu de temps en temps les vents et les cuivres, battant la mesure de la main droite et donnant des indications aux premiers violons de la gauche. Tout le reste semble passer par messages subliminaux signifiés par des muscles faciaux d'un micropouillième carré ! Parfois, les indications sont faciles à comprendre pour le béotien que je suis, mais le plus souvent, il fait une drôle de moue en direction de quelques musiciens ; il doit falloir être initié pour comprendre ce que cela signifie... Je ne sais pas si c'était juste pour passer le temps, pour analyser ou simplement pour être sûr de prendre le train en marche, mais il y avait dans mon champ de vision, tout devant moi, un joueur de mandoline (absolument silencieux pendant les trois premiers mouvements) qui suivait sur une édition de poche de la partition d'orchestre ! Comme je dis plus haut, par moments, on est pas trop perdus, mais à d'autres, cela court dans tous les sens. Les cordes ont a un moment, deux ou trois fois de suite, produit un bruit sec avec leurs archets. Malgré la répétition, je n'ai pas réussi à ne serait-ce que voir ce qui se passait. À l'oreille, on aurait dit qu'ils n'avaient vraiment pas peur de casser en deux leurs archets.
Si le premier mouvement est tendu et assez imposant du point de vue du volume sonore, les mouvements centraux contiennent des passages plus apaisés, presqu'amusants (jusqu'à l'utilisation de cloches de vaches). Je ne sais pas comment cela se compare à d'autres interprétations, en tout cas, ce soir, la symphonie a été jouée en 1h15.
(Le concert sera diffusé sur France Musique le lundi 11 avril à 9h07.)
2011-03-27 00:57+0100 (Orsay) — Culture — Musique
Théâtre du Châtelet — 2011-03-26
Amel Brahim-Djelloul, soprano
Gilles Apap, violon
Rachid Brahim-Djelloul, violon
Nourredine Aliane, ud
Dahmane Khalfa, derbouka et percussions
Jason Meyer, violon solo
Orchestre Padeloup
Benoît Girault, direction
Shéhérazade, Rimski-Korsakov
La Serena
Klaa Beni Abbes
Deux Mélodies hébraïques, Maurice Ravel
Concerto pour violon et orchestre (deuxième mouvement), Khatchaturian
Ce samedi après-midi, ma visite semestrielle au Théâtre du Châtelet pour
un concert sélectionné pour la très-charmante soprano Amel Brahim-Djelloul.
L'occasion aussi d'entendre une première fois l'orchestre Pasdeloup. Le
programme n'était pas très clair ; je n'ai compris le déroulé du
concert qu'en cours de route. Au lieu de jouer les quatre mouvements de
Shéhérazade à la suite, on a en effet intercalé diverses œuvres
méditerranéenisantes entre les différents mouvements. Les chansons
originaires d'Espagne ou du Maghreb La Serena et Klaa Beni
Abbes sont jouées au violon par Rachid Brahim-Djelloul, le frère de la
soprano, avec aussi un ud et des percussions. Vu la différence de style par
rapport au lyrique, il fallait être particulièrement audacieux pour chanter
ces chansons sans sonorisation dans un tel théâtre. Cela passe étonnamment
bien ! Du point de vue vocal, j'ai surtout aimé la première mélodie
hébraïque de Ravel (orchestrée). La deuxième est en yiddish ; cela m'a fait
bizarre parce que c'est la première fois que j'entends un chant dans cette
langue que j'eusse prise pour de l'allemand si je ne l'avais pas lu dans le
programme. On a aussi inséré un mouvement du concerto pour violon de
Khatchaturian. Les solos de violons sont joués par Gilles Apap, que ce
soit dans ce concerto que dans Shéhérazade (à part au tout début
où c'était Rachid Brahim-Djelloul). Au lieu de rester à la place
traditionnelle du soliste dans un concerto pour soliste et orchestre, à
savoir à la gauche du chef, il entrait et sortait de scène, passait devant
l'orchestre, derrière le chef, tout en jouant et en gardant un air
décontracté. Cela pouvait se défendre dans Shéhérazade parce que
cela coïncidait toujours avec l'apparition-réapparition du même thème qui
semblait à chaque fois revenir de loin, m'enfin dans le mouvement de
concerto pour violon, cela ne faisait juste pas très sérieux. (J'ai aussi
remarqué une technique violonistique que je n'avais encore jamais vue :
parfois, au lieu de maintenir le violon dans le cou avec le menton sur la
mentonnière, le violon était parfois tourné vers l'avant, dans un plan
presque vertical, la tranche
contre le menton. Cela porte
un nom ?)
Bien que j'aie plutôt passé un bon moment, ce concert s'effacera probablement assez vite de ma mémoire. Comme j'avais du temps devant moi avant le concert qui suivait, je suis resté pour la séance de dédicaces et ai ainsi pu féliciter Amel Brahim-Djelloul pour son interprétation des Quatre poèmes hindous mis en musique par Maurice Delage (dans son album Les 1001 nuits avec la pianiste Anne Le Bozec) ; j'aime tout particulièrement Lahore : Un sapin isolé (pas de lien parce que pas trouvé sur Deezer).
2011-03-27 00:52+0100 (Orsay) — Culture — Musique
Église des Billettes — 2011-03-25
Christophe Rousset, clavecin
Suite en ré mineur (Prélude, Allemande, Courante, Sarabande, Canaries, Volte, La Pastourelle, Chaconne), Louis Couperin
Dix-septième ordre (La Superbe, ou La Forqueray. Fièrement, sans lenteur, Les Petits Moulins à Vent. Très légèrement, Les Timbres. Rondeau, Courante, Les Petites Chrémières de Bagnolet. Légèrement & coulé), François Couperin
Suite en do mineur (Prélude, Allemande La Précieuse, Courante, Sarabande, Gigue, Chaconne La Bergeronnette), Louis Couperin
Huitième Ordre (La Raphaèle, L'Ausoniène, allemande. Légèrement & marqué, Première Courante, Seconde Courante, Sarabande L'Unique. Gravement, Gavotte. Tendrement, Rondeau. Gayement, Gigue, Passacaille, Rondeau, La Morinète. Légèrement & très lié)
Vendredi soir à l'Église des Billettes : récital Couperin de Christophe
Rousset. Couperin, oui, mais lequel ?
comme le claveciniste dira en
introduction à un bis. Louis et François alternent. Même si un des bis
s'appelle malicieusement Les Amusements (F. Couperin), ce n'est
pas une musique très drôle. C'est très austère surtout chez Louis Couperin,
mais tellement français. Quelques passages très virtuoses dans le
Dix-septième ordre de François Couperin. Une tourne plus rapide
qu'un éclair dans une des pièces qui suivront.
Depuis ma place au deuxième étage du mauvais côté, je pouvais quand même voir le premier clavier et le claveciniste de trois-quarts face. Il faudrait vraiment que les productions Philippe Maillard revoient leur système d'éclairage de la scène en configuration récital de clavecin, parce que le visage de Christophe Rousset n'arrêtait pas de passer de l'ombre à la lumière. Lors du récital de Benjamin Alard auquel j'avais assisté depuis une place à peu près symétrique, la partition était dans l'ombre du claveciniste. Je pense que ce n'est agréable ni pour le public ni pour le soliste...
Malgré le retour dans l'audience du spectateur à moitié fou des Concerts Parisiens que je n'avais pas aperçu depuis des lustres (quand après une petite heure de concert, j'ai entendu dans mon dos les bruyants pas de quelqu'un s'installant au deuxième rang et faisant toutes sortes de bruits, même dans le noir complet, j'étais sûr que c'était lui !), j'ai beaucoup apprécié ce concert. Christophe Rousset rejoint donc Pierre Hantaï au sommet de ma liste de clavecinistes préférés.
2011-03-25 01:32+0100 (Orsay) — Culture — Musique
Théâtre des Champs-Élysées — 2011-03-24
Jean-Yves Thibaudet, piano
Sarah Nemtanu, violon solo
Orchestre national de France
Yutaka Sado, direction
Air de la troisième suite pour orchestre, BWV 1068 (Bach)
Gwendoline (Ouverture) (Chabrier)
Concerto pour piano et orchestre nº5 L'Égyptien en fajeur opus 103 (Saint-Saëns)
The Shining One, concerto pour piano et orchestre (Guillaume Connesson)
Intermezzo nº2 en la majeur (Brahms)
Bacchus et Ariane (Suites nº1 et 2), Roussel
Un peu plus d'un mois s'est écoulé depuis le catastrophique Fidelio dirigé par Kurt Masur. On reprend ce soir le même orchestre, mais cette fois-ci heureusement dirigé par Yutaka Sado, dont je m'aperçois que je ne l'avais vu que deux fois avant avec l'orchestre Lamoureux.
En hommage aux victimes du tsunami et en présence de l'ambassadeur du Japon, l'orchestre commence par l'Air de la troisième suite pour orchestre de Bach, suivi d'une minute de silence. Oui, le TCE a été parfaitement silencieux une minute, c'est absolument incroyable : les toux maladives n'ont surgi qu'à la toute fin. Vint ensuite l'ouverture de Gwendoline de Chabrier. On a beau dire que c'est wagnérien, comme avec Franck, je préfère de loin l'original. En dehors du Roi malgré lui, il n'y a à peu près rien de Chabrier que je puisse supporter... Je ne dirai rien du concerto pour piano L'Égyptien de Saint-Saëns pendant lequel je n'étais pas loin de m'assoupir (par fatigue plus que par indifférence). Le court concerto pour piano et orchestre de Guillaume Connesson (qui est venu saluer) dédié à et créé en 2009 par Jean-Yves Thibaudet est plutôt agréable à écouter. Le concerto est intitulé The Shining One. C'est raccord avec le bijou brillant et über-bling-bling que le pianiste porte au niveau de la ceinture.
Si je suis venu assister à ce concert, c'est pour la deuxième partie où l'on joue les suites pour orchestres tirées du ballet Bacchus et Ariane d'Albert Roussel, un compositeur que j'ai découvert par son opéra-ballet Padmâvatî et grâce à qui j'ai eu l'idée de visiter Chittorgarh. Si la musique de ce ballet est dans ma CD-othèque, ce n'est pas celle que je connais le mieux : mon rêve serait de voir représenter Le Festin de l'araignée, ce pour quoi il y aurait un petit espoir puisqu'il est au répertoire de l'École de danse de l'Opéra. Fuyant un renifleur que j'ai eu à subir en première partie et profitant de la vacance de nombreux sièges à tous les étages, je me suis replacé au quatrième rang du parterre, un peu sur le côté, du côté des seconds violons. Les premiers violons sont en face de moi, les contrebasses sont visibles entre les rangs des seconds violons. Je vois quelques altos, un flûtiste, et aperçois dans le fond quelques percussionnistes. Bien sûr, je vois le très grand et sautillant Yutaka Sado. Dès les premières secondes, je comprends que je vais passer un très-agréable moment. Quelques thèmes reparaissent épisodiquement. À certains moments, je me dis qu'assurémment, cette œuvre a été composée après Le sacre du printemps... N'ayant pas suffisamment préparé mon écoute, je n'arrive pas à mettre une histoire sur tout ce que j'entends, à part au début de la deuxième suite où il est évident qu'on est au moment où Ariane, abandonnée, va se réveiller.
Avec un bon pilote, l'ONF tient parfaitement la route !
Ce concert est à réécouter sur le site de Radio France.
2011-03-21 00:46+0100 (Orsay) — Culture — Musique
Salle Pleyel — 2011-03-20
Solistes des Berliner Philharmoniker
Wenzel Fuchs, clarinette
Guy Braunstein, violon
Christoph Streuli, violon
Amihai Grosz, alto
Ludwig Quandt, violoncelle
Quintette pour clarinette et cordes en la majeur, KV 581 (Mozart)
Guy Braunstein, violon
Amihai Grosz, alto
Olaf Maninger, violoncelle
Janne Saksala, contrebasse
Yuja Wang, piano
Quintette pour piano et cordes La Truite (Schubert)
Quatrième mouvement du Quintette pour piano et cordes La Truite (Schubert)
Première fois avec le Berliner Philharmoniker, enfin un tout petit sous-ensemble de musiciens de cet orchestre pour ce programme de musique de chambre.
Pendant le quintette de Mozart, j'ai eu l'impression que le volume sonore des musiciens était assez sous-dimensionné par rapport à la taille de la salle. Comme avec les voix à l'opéra, l'oreille s'y habitue néanmoins au bout d'un certain temps, mais gare aux bruits parasites provenant des autres spectateurs ! Pendant le premier mouvement Allegro (pas très rapide pourtant), les musiciens semblent donc rivaliser pour être celui qui jouera le moins fort. Encore un peu plus et ils eussent été complètement inaudibles depuis le premier balcon où j'ai pu bonifier ma place située derrière les barrières par quelque petit replacement de l'autre côté de l'escalier. L'impression qui se dégage de cette formation (dont l'effectif est unique dans la production de Mozart) est celle de la douceur qui semble transmise à l'ensemble par le jeu du clarinettiste. Le premier mouvement m'a paru être un véritable délice. Le deuxième m'a semblé à la limite ennuyeux, d'autant plus que le tempo était très lent. Le Menuet du troisième m'a réveillé et arrivé au quatrième mouvement, je me disais que cela allait malheureusement se terminer bientôt... Il est à noter que cette œuvre est totalement exempte de celles des caractéristiques stylistiques habituelles de Mozart qui en général m'exaspèrent !
En deuxième partie de programme, le quintette La Truite de Schubert que j'avais déjà eu l'occasion d'entendre en concert. J'ai nettement préféré cette deuxième écoute en concert, ne serait-ce que pour des raisons acoustiques (l'année dernière, le son du piano de François-Frédéric Guy m'avait paru comme étouffé ; je ne sais pas d'où sort le conte selon lequel l'acoustique de la Cité de la Musique serait exceptionnelle). Parmi les détails qui font plaisir à voir, il y a les petits gestes et mimiques que les musiciens complices se font pour maintenir la cohésion de l'ensemble. Bien sûr, il y a aussi la très belle Yuja Wang que je voyais pour la première fois en concert, dont malgré un placement aux numéros pairs je vois les mains courir sur le clavier à chaque fois que l'altiste se penche un peu en avant. Comme j'avais perdu un peu de mon attention lors de ce mouvement, j'ai été tout particulièrement content que le quatrième mouvement ait été bissé !
Ce fut un programme un petit peu court (faisant toutefois partie d'une série de concerts sur l'ensemble du week-end), mais fort agréable. J'ai été très amusé par la concurrence qui existait entre la distribution gratuite du programme (sur une feuille toute simple) par les ouvreurs de la salle et la vente à la criée du programme des producteurs Piano ****. (Par rapport à d'autres salles, j'apprécie que le programme soit pratiquement tout le temps gratuit Salle Pleyel et le plus souvent téléchargeable sur Internet quelques jours à l'avance. Cela me fait toujours bizarre les rares fois où il y a là-bas un programme payant !)
2011-03-20 01:07+0100 (Orsay) — Culture — Musique — Danse
Opéra Garnier — 2011-03-19
Léo Delibes, musique
Patrice Bart, chorégraphie et mise en scène
Ezio Toffolutti, décors et costumes
Yves Bernard, lumières
Claude de Vulpian, assistante du chorégraphe
Nolwenn Daniel, Swanilda
Karl Paquette, Frantz
Stéphane Phavorin, Coppélius
Aurélien Houette, Spalanzani
Ballet de l'Opéra
Orchestre Colonne
Koen Kessels, direction musicale
Coppélia, ballet en deux actes d'après Arthur Saint-Léon
Ce ballet Coppélia de Patrice Bart ne m'a guère intéressé. Il s'agit d'un remake d'un ballet du même nom d'Arthur Saint-Léon. C'est vaguement inspiré d'Hoffmann, la même source qui inspira l'acte d'Olympia dans Les Contes d'Hoffmann d'Offenbach. Il ne reste en vérité plus grand'chose du conte d'origine. Le jeune homme (Frantz) est tout simplement un amoureux de Swanilda et celle-ci est bien de chair. Certes, il a un peu regardé l'image d'une jeune fille dans le livre de Coppélius, mais cela ne justifie qu'une petite chamaillerie d'amoureux. Celui en lequel la confusion s'installe, l'opium aidant, est Coppélius, qui aimerait faire revivre la jeune fille de son livre (curieusement, Coppélius est habillé en beau jeune homme, ce qui a de quoi induire une confusion entre les rôles de Coppélius et de Spalanzani, que je n'ai pu élucider qu'au fait que je pouvais reconnaître Stéphane Phavorin). Coppélius arrive à attirer Swanilda jusques à chez lui où règnent les automates. En enfilant le costume de la reine du blé, elle est comme désaisie de sa propre personnalité. Heureusement, elle s'en rend compte et parvient à se défaire de cette influence.
Le premier acte m'a paru assez inintéressant. La danse manque
d'émotions. On a essentiellement le droit à un numéro pittoresque,
Mazurka et czardas, et une querelle entre Swanilda et Frantz qui
voudrait lui offrir sa collection de papillons. Pourtant, la musique de
Delibes s'avère plus intéressante que la musique moyenne des ballets,
d'autant plus qu'à la musique du ballet d'origine ont été ajoutées d'autres
compositions de Delibes, et tout particulièrement des numéros de son opéra
Lakmé. Peut-être est-ce parce que je connais très bien cet opéra ?
toujours est-il que les moments les plus marquants musicalement dans ce
ballet m'ont semblé être ceux tirés de cet opéra. (Cela dit, l'à-propos de
l'utilisation des morceaux autres que ceux qui étaient déjà prévus pour des
épisodes dansés dans l'opéra peut paraître douteux. Pour moi, certains
thèmes de cette musique sont lourdement chargés émotionnellement par les
paroles de l'opéra : à un moment, il me semblait pouvoir entendre Il
faut qu'il meure ! Vengeance ! Vengeance !
se superposer à la musique
alors que sur scène, entre Swanilda et Frantz, tout allait pour le mieux et
il n'était pas question de suicide par ingestion de datura !) On notera
cependant que pour les autres numéros, les pas de danse et la musique
s'accordent extrêmement bien et non sans humour.
À la fin du premier acte, Coppélius fait une entrée sur une Coda sans les chœurs extraite de Lakmé, ce qui ranime mon intérêt pour le ballet. Au début du deuxième acte, il n'y aura presque plus de danse, mais j'avoue que j'ai pris un certain plaisir à regarder cette pantomime. Swanilda entre chez Coppélius par une porte située en hauteur et d'où descend un escalier. Elle est accompagnée de ses amies (parmi lesquelles Mathilde Froustey a le rôle le plus important, ce qui me donne pour la première fois l'occasion d'apprécier sa pantomime). On se moque des soldats-automates (de ma place excentrée, je n'en voyais qu'un), on s'amuse à regarder les trois danseuses-automates que Swanilda imite. Un petit numéro de ballet dans le ballet avec les amies de Swanilda qui exécutent un peu mécaniquement des exercices comme des danseuses devant une barre et Swanilda qui vient pointer les défauts. À la fin, on retrouve Swanilda et Frantz dans un pas de deux, à nouveau sur la musique de Lakmé (Ouverture et Entr'acte de l'acte III). Cela permet de finir le ballet sur une bonne impression.
L'orchestre Colonne m'a semblé très bien, autant que je puisse en juger par rapport aux numéros musicaux que je connaissais déjà (qui sont ceux tirés de Lakmé). Bien sûr, le tempo est parfois un peu lent, mais il ne faut pas oublier qu'il y a aussi des danseurs... Compliments particuliers à la hautboïste pour Persian !
En bref, il y a de la belle musique, mais cela manque un peu de danse.
Mes impressions sur la danse ne sont pas très précises vu que j'étais à une
troisième loge excentrée et sans jumelles... Cependant, j'ai bien aimé
Stéphane Phavorin dans le rôle de Coppélius (mais existe-t-il un seul rôle
dans lequel il ne soit pas bon ?). C'était la première fois que je voyais
Nolwenn Daniel dans un premier rôle. Je l'ai trouvée convaincante en
Swanilda. J'ai bien aimé son pas de deux avec Karl Paquette (Frantz). Je ne
connais pas grand'chose dans la technique, mais il me semble que je n'avais
jamais vu certains types de sauts qu'il a réalisés lors du premier acte
dans lesquels on a l'impression qu'il tourne à l'envers
!?
À propos des décors, si on a vu ceux de La petite danseuse de Degas, il paraît évident qu'ils sont du même décorateur !
La représentation du 30 mars à laquelle j'assisterai aussi (visibilité incertaine puisque ce sera sur une place à 8€ !) sera précédée du défilé du ballet à l'occasion des adieux de Patrice Bart.
Ailleurs : Blog à petits pas.
2011-03-19 00:25+0100 (Orsay) — Culture — Musique
Église des Billettes — 2011-03-18
Damien Guillon, contre-ténor
Eric Bellocq, luth
Isabelle Saint-Yves, viole de gambe
Kevin Manent-Navratil, clavecin
If Musick be the food of Love (Purcell)
Strike the Viol (Purcell)
Alamand — instrumental (Purcell)
Here, let my life (Purcell)
Now, O now, I needs must part (John Dowland)
Sir John's Smith (John Dowland)
What then is Love but mourning (Philip Rosseter)
Can she excuse my wrongs — pour luth (anonyme)
Can she excuse my wrongs (John Dowland)
Tis Nature's voice (Purcell)
Saraband — instrumental (John Blow)
Musick for a while (Purcell)
Gaillarde sur Lachrymae — instrumental (John Dowland)
Flow my tears (John Dowland)
Pavane — instrumental (John Dowland)
Sorrow stay (John Dowland)
Eglantine — pour luth (anonyme)
Awake sweet love (John Dowland)
From Rosie Bowr's (Purcell)
Almand — instrumental (Purcell)
Here the deities approve (Purcell)
Mon passage précédent à l'Église des Billettes m'avait mis assez mal à l'aise. Le concert de ce soir a au contraire plus que satisfait mes attentes et je n'ai manifestement pas été le seul puisque l'applaudimètre m'a semblé atteindre un niveau qu'il ne m'avait jamais été donné d'ouïr depuis que je fréquente ce lieu.
Lors d'un précédent concert, j'avais été enthousiasmé par la voix du contre-ténor Damien Guillon. J'avais donc en début d'année choisi de réserver une place pour ce concert consacré principalement à Henry Purcell et à John Dowland : de la musique baroque pas mal plus ancienne que celle que j'écoute le plus souvent (en clair, plus ancien que Bach).
Depuis la place la plus excentrée des deuxièmes loges
, je peux
voir les trois instrumentistes : Isabelle Saint-Yves à la viole de gambe
(déjà entendue dans L'Art de la Fugue avec l'ensemble Sit Fast), Eric Bellocq au luth et Kevin
Manent-Navratil au clavecin. Lors des nombreux réaccordages, une des cordes
de la viole persistait à ne pas vouloir s'accorder, il fallait de
nombreuses manipulations de la cheville correspondante pour arriver au bon
résultat. Jeu de chaises musicales puisqu'on entendra lors du concert
toutes sortes de configuration : voix seule, voix accompagnée du luth, du
luth et du clavecin, clavecin seul, tous ensemble, etc, jusqu'à des gags
lors des rappels avec quelque musicien qui sort de scène par erreur alors
qu'ils étaient bien à l'effectif de la pièce proposée. Apparemment, le
chanteur est debout pour Purcell, mais reste assis pour les autres
compositeurs. Comme les partitions ont l'air de contenir toutes les voix et
d'être assez espacées, on voit souvent des tournes assez spectaculaires,
surtout pour la violiste qui arrive à jouer cordes à vide de la main droite
tout en se penchant vers le pupitre pour faire glisser la page de
l'autre.
De ma place, disais-je, je vois les musiciens, enfin surtout le claveciniste et la violiste, mais pas tant que cela le luthiste que je vois de dos et de dessus, ce qui est bien dommage. Pour ce qui est du chanteur Damien Guillon, j'en vois le profil droit, mais le principal est que je l'entends très bien (malgré le ruissellement subséquent à la tombée de la pluie qui bruite en arrière-plan). Si le concert m'a ravi du début à la fin, le moment qui m'a le plus ébloui a été lors de la chanson Now, O now, I needs must part de John Dowland (1563-1626). Je crois que je ne vais pas tarder à me procurer son disque Dowland qui vient tout juste de sortir...
2011-03-17 01:12+0100 (Orsay) — Culture — Musique
Salle Pleyel — 2011-03-16
Rafal Blechacz, piano
Roland Daugareil, violon solo
Orchestre de Paris
Paavo Järvi, direction
Symphonie nº88, Haydn
Concerto pour piano nº4 (Beethoven)
Symphonie en ré mineur, Franck
Je me rends compte que ce n'est que la deuxième fois que j'assiste à un concert de l'Orchestre de Paris dans son lieu de résidence, la Salle Pleyel. La première avait été pour le concert inaugural de la saison de l'Orchestre de Paris, dirigé son directeur musical Paavo Järvi, qui est également aux commandes ce soir et dont on a appris samedi dernier lors de la présentation de la prochaine saison à Pleyel que son contrat était renouvelé (jusqu'en 2016 si j'ai bien entendu). Vu la façon dont j'ai renseigné mon formulaire d'abonnement lundi dernier, j'aurai l'occasion de réentendre cet orchestre au grand minimum une dizaine de fois l'année prochaine.
Le concert commence joyeusement. La meilleure recette pour rendre un orchestre heureux et souriant, c'est de lui faire jouer du Haydn, ici, la Symphonie nº88 très rythmée que je m'étais réécoutée en prévision de ce concert (même à plus d'un an d'intervalle de l'écoute précédente, j'avais l'impression de retrouver un terrain connu). L'orchestre fait très plaisir à voir (depuis l'arrière-scène, j'ai vue sur mon contrebassiste préféré), le chef est également tout sourire et semble glisser quelques plaisanteries dans son style de direction. J'aime bien la façon qu'il a de faire signe de la bouche aux bassons... Il accentue le côté dansant du menuet du troisième mouvement. Je suis aux anges (je crois que je vous ai déjà dit que j'aimais Haydn, qui n'est pas autant joué que je l'aimerais, d'ailleurs mon billet de ce soir est le résultat d'un échange à la billeterie suite au changement de programme puis annulation d'un concert qui devait lui être entièrement consacré puisqu'il s'agissait des Saisons ; j'ai déjà noté qu'il y aura début avril 2012 une semaine avec trois programmes de concerts avec beaucoup de Haydn).
C'est ensuite au tour du quatrième concerto pour piano de Beethoven, interprété par le jeune pianiste Rafal Blechacz. Par certains moments, alors que je retenais de ce concerto (entendu en concert il y a un peu moins de six ans joué par un ensemble amateur) une impression de fraîcheur quasi-espiègle, la teneur donnait presque l'impression d'être tourmentée, plus obscure. Pourquoi pas. N'ayant qu'un seul enregistrement dans ma discographie, je n'étais pas conscient qu'il y avait des cadences... J'ai donc été complètement captivé par celles jouées par l'interprète (dans lesquelles reviennent les thèmes du concerto), une longue lors du premier mouvement, une plus courte au troisième. Le pianiste reviend ensuite pour donner deux bis non identifiés.
Après l'entr'acte, l'effectif musical est augmenté. Je redoutais quelque peu cette symphonie de César Franck. Cela tourne un peu en rond autour de quelques motifs. Le premier mouvement me donne une impression de trop plein orchestral. À la toute fin de ce moment, les altos ne font vraiment pas semblant de jouer fff leurs trémolos ! Je me réconcilie avec l'œuvre avec le deuxième mouvement qui permet aux oreilles de se reposer un peu le temps qu'un thème introduit par la harpe se développe un peu. Le troisième mouvement commence de façon à peu près calme, mais on sent qu'un nouveau déluge va arriver. En effet, les quelques thèmes de la symphonie sont effectivement repris dans un crescendo final. C'est plus qu'un peu wagnérien, mais je préfère l'original...
2011-03-13 00:36+0100 (Orsay) — Culture — Musique — Opéra
Opéra Garnier — 2011-03-12
Angela Denoke, Kátia
Vincent Le Texier, Saviol Dikoy
Jane Henschel, Kabanicha
Donald Kaasch, Tichon Kabanov
Jorma Silvasti, Boris Grigorievitch
Ales Briscein, Kudriach
Andrea Hill, Varvara
Michal Partyka, Kouliguine
Virginia Leva-Poncet, Glacha
Sylvia Delaunay, Fekloucha
Marie-Cécile Chevassus, Une femme
Ulrich Voss, Un homme
Tomas Netopil, direction musicale
Christoph Marthaler, mise en scène
Joachim Rathke, co-metteur en scène
Anna Viebrock, décors et costumes
Olaf Winter, lumières
Thomas Stache, chorégraphie
Patrick Marie Aubert, chef du chœur
Orchestre et chœur de l'Opéra national de Paris
Pierre Lénert, viole d'amour
Kátia Kabanová, Leoš Janáček
La production de l'opéra Kátia Kabanová qui passe actuellement à Garnier est une très belle réussite. Si mon impression était un peu mitigée après la répétition générale une semaine plus tôt, celle-ci s'est très nettement bonifiée lors de cette deuxième représentation. Il faut bien dire que lors du premier acte, il n'est pas évident de bien comprendre qui est qui, les chanteurs interprétant les rôles du mari et de l'amant de Kátia ne paraissant pas très jeunes (Janáček ayant projeté une partie de lui-même sur l'amant, cela ne choque pas pour ce rôle, mais pour le mari, tyrannisé par sa mère, cela passe un peu moins bien).
Le décor représente une cour avec fontaine bordée par un angle entre immeubles ayant un nombre visiblement variables d'étages (zéro depuis ma place de la générale, un lors de cette représentation ; en vrai, il y en a deux). Dans un recoin aveugle depuis ma troisième loge impaire est incrustée la chambre de Kabanicha, la belle-mère de Kátia. Les immeubles sont délabrés, si le couple Kabanicha-Saviol est censé être d'un statut social un peu élevé, on n'est visiblement pas dans la plus haute bourgeoisie.
Lors de cette représentation, la plus grande émotion est procurée par l'orchestre (dirigé par le jeune Tomáš Netopil), en très grande forme (tout comme hier quand je suis retourné voir Siegfried). L'impression a été toute autre que lors de la générale lors de laquelle il fallait compter avec les clic-clic des photographes. Certes, à certains pupitres, on papote et on somnole pendant les longues périodes de silence, mais je n'aurais pas remarqué ces choses si la beauté de la musique (extrêmement variée) n'avait été telle que j'ai souvent laissé s'égarer mon regard sur la fosse de façon prolongée. Les peu souvent sollicités trombones à coulisse font plaisir à entendre, tout comme la harpe, les instruments à vent, les cordes (quelques beaux moments avec les violoncelles et les contrebasses), les percussions, les cors, sans oublier la viole d'amour jouée depuis le premier étage du décor par Pierre Lénert (que je n'avais pas pu apercevoir lors de la générale depuis ma quatrième loge). De loin, on pourrait prendre l'instrument pour un violon, mais vu nombre invraisemblable de chevilles, cela ne peut être qu'une viole.
À propos de l'intrigue, c'est une histoire d'adultère. Kátia trompe son mari parti en voyage d'affaires. Lors d'un orage (c'est le titre de la pièce d'origine), elle avoue à tout le monde la chose. Nostalgique de sa jeunesse et du temps passé à l'église, elle est torturée par son péché. Devenue quasiment aliénée, elle se jette dans la Volga.
Deux autres couples jouissent sans complexe. Un des deux unit des vieux : la veuve Kabanicha et Saviol, l'oncle de le Boris (l'amant de Kátia). L'autre est beaucoup plus frais et insouciant : Varvara, la confidente de Kátia, et l'instituteur Kudriach.
Sans être absolument géniale, la mise en scène de Marthaler m'a beaucoup plu (surtout au deuxième passage, quand j'ai un peu mieux compris l'histoire). Lors de cette reprise, on peut constater avec plaisir qu'un plus que très honnête travail a été fait dans la direction des comédiens-chanteurs. Cet opéra tient en effet presque du théâtre vu qu'à la musique s'adjoint les intonations si particulièrement de la langue tchèque. C'est aussi une démonstration que l'on peut faire un bel opéra sans chercher la virtuosité vocale à tout prix. L'équilibre entre l'orchestre et les voix est parfait (alors que précédemment dans La petite renarde rusée du même Janáček, j'avais été gêné par la faiblesse relative du volume sonore des voix ; mais c'était à Bastille...). Cependant, parmi les rôles, il y en a un qui paraît très exigeant, c'est celui de Kátia. Angela Denoke y paraît épatante. (Il m'est impossible de détailler mes impressions sur les autres chanteurs ; je noterai simplement que j'ai aimé revoir un des jeunes membres de l'Atelier Lyrique, Michal Partyka, dans le rôle de Kouligine, un ami de Kudriach.)
Pour revenir à la mise en scène, tout le monde aura noté le sens pornographique du jet d'eau de la fontaine quand les couples s'échappent aux regards des spectateurs (ou non, suivant le placement pour le cas Kabanicha-Saviol). Lors du tableau de l'orage au troisième acte, les ruines dans lesquelles l'action est censée se passer sont signifiées par un comédien incarnant un fou furieux (alcoolique comme d'autres des personnages) qui casse un peu tout sur le plateau en criant des paroles incompréhensibles (couvrant largement le son du chœur qui se chante alors). Elle est aussi marquées par l'invasion de la scène par des détritus apportés par le vent.
Le plus surprenant dans cette mise en scène, c'est la façon dont les personnages se tournent vers le décor, dos au public, abandonnant Kátia qui va finir par se suicider. Cela donne l'impression très forte que c'est la société toute entière (nous, les spectateurs) qui constituons le tribunal où elle est jugée. Cela peut surprendre aussi, mais la façon dont Kátia se suicide est tout sauf spectaculaire : elle s'allonge tout simplement dans la fontaine (où se trouve déjà depuis le début un très-symbolique cygne blanc mort).
Ce n'est certainement pas le spectacle d'opéra le plus facile d'accès qui soit, mais c'est de la qualité ! La salle était particulièrement pleine et a ovationné les interprètes. (Comme lors de la générale, il y a eu un bug-flottement lors des saluts, cette fois-ci provoqué par un rideau coincé d'un côté à trois-quart de la hauteur.)
Ailleurs : David.
2011-03-11 01:32+0100 (Orsay) — Culture — Musique — Opéra — Danse
Je ne vais pas commenter en détail la programmation de l'Opéra de Paris ; d'autres, bien plus connaisseurs que moi, s'en sont déjà chargés : Rameau (Opéra, Danse), David.
S'il était peut-être encore permis d'en douter, il ne fait maintenant plus aucun doute que la direction de l'Opéra est de droite, hypocrite et décomplexée.
Depuis avant-hier, sur le site Internet de l'Opéra, on peut lire La
mission de l'Opéra national de Paris est d'amener la musique au plus grand
nombre
. L'année prochaine, le plus grand nombre ne pourra pas s'abonner
pour voir des opéras puisque le seuil tarifaire pour l'abonnement libre qui
était jusques alors de 35€ par opéra (en tarif R) passe à 55€ (et au risque
de se retrouver au tout dernier rang du parterre, l'horreur absolue). Comme
l'a noté David dans l'article cité ci-dessus, sans donner l'impression
d'augmenter les tarifs au niveau de la grille, on les a quand même
augmentés mécaniquement parce qu'un certain nombre de places glissent d'une
catégorie à l'autre (des places à 20€ passent ainsi à 35€, 55€ ou 75€ !).
On savait le système de réservation opaque ; il le devient encore plus. Les
quelques places à peu près raisonnables à 15€, on ne sait pas encore
vraiment comment on pourra se les procurer de façon sûre. Jusqu'à présent,
la méthode standard était d'aller à la file d'attente puisque ces places
n'étaient vendues qu'aux guichets. Maintenant, on lit Les places de
septième catégorie sont vendues notamment aux guichets
. (Par ailleurs,
le nombre de places debout à 5€ est à peu près divisé par deux et ces
places sont délocalisées dans les plus hautes galeries.)
Dans les deux doubles-pages (p. 122—125) de Legalese présentes
dans la brochure que je viens de recevoir, on ne voit pratiquement qu'une
énumération d'obligations s'imposant aux clients (vous avez bien lu, nous
ne sommes apparemment plus des spectateurs mais des clients) et
d'exonérations de responsabilités pour l'Opéra. Il y en a une dont il n'est
pas exclu que l'on entende parler : En cas d'annulation d'un spectacle
du fait de l'Opéra national de Paris, sauf cas de force majeure auxquels
sont expressément assimilés les cas de réquisition de l'Opéra par toute
autorité publique pour quelque motif que ce soit, et cas de grève
nationale, la valeur du prix facial du billet payé par le client à l'Opéra
national de Paris sera remboursée...
. Fin de la spécificité parisienne
des opéras sans décor mais avec costumes (dans une mise en scène improvisée
parfois meilleure que l'originale) ? Pas sûr, parce
qu'une phrase un peu plus haut nous dit que c'est un cas expressément
prévu. Ouf, on est rassuré.
On aura beau écrire de telles inepties dans des Conditions générales
de vente
, si de telles clauses sont illégales, elles sont nulles. Parmi
les autres clauses, on en trouve de manifestement illégales et se parant
pourtant des vertus de la loi du 27 juin 1919 puisque ce que cette loi
interdit, ce n'est pas de revendre des billets, mais de les revendre à un
prix supérieur au prix initial.
Les hausses et bouleversements de prix sont nettement moins choquants à Garnier qu'à Bastille. Vu les intentions présidant à la contruction de l'Opéra Bastille il y a plus de vingt ans, c'est un retournement assez paradoxal...
Plus de détails chez Rameau.
2011-03-08 02:08+0100 (Orsay) — Culture — Musique — Opéra
Opéra Comique — 2011-03-07
Blandine Staskiewicz, Cendrillon
Michèle Losier, Le Prince Charmant
Eglise Gutiérrez, La Fée
Ewa Podleś, Mme de la Haltière
Laurent Alvaro, Pandolfe
Aurélia Legay, Noémie
Salomé Haller, Dorothée
Laurent Herbaut, Le Roi
Vincent de Rooster, Le Doyen de la Faculté
Julien Neyer, Le Surintendant des plaisirs
Paul-Henri Vila, Le Premier Ministre
Elizabeth Calleo, Sylvaine Davené, Leila Zlassi, Claire Delgaro-Boge, Caroline ChampyTursun, Sophie Van de Woestyne, Six Esprits
Luciana Dariano, Alex Sander Dos Santos, Ana Mariolani, Danila Massara, Gudrun Skamletz, Danseurs
Orchestre et Chœur des Musiciens du Louvre-Grenoble
Marc Minkowski, direction musicale
Benjamin Lazar, mise en scène
Louise Moaty, collaboration à la mise en scène
Cécile Roussat et Julien Lubeck, chorégraphie
Adeline Caron, scénographie
Alain Blanchot, costumes
Christophe Naillet, lumières
Mathilde Benmoussa, maquillage
Thierry Collet, effets spéciaux
Micholas Jenkins, assistant musical et chef de chœur
Malanda Loumouamou, assistante scénographie
Nathalie Dang et Marine Thoreau La Salle, chefs de chant
Cendrillon, Massenet
J'espère que je n'assisterai pas de sitôt à une représentation d'un opéra aussi mauvais que ce Cendrillon de Massenet. Par rapport à Werther et Manon, la musique est franchement mauvaise. Le livret n'est pas mieux. C'est d'un niveau de niaiserie que je n'imaginais pas voir sur une scène d'opéra. Les effets manquent de finesse et de subtilité. Certes, il est évident que tout a été conçu spécialement pour le public de 1899 afin de déclencher des rires avec le personnage ridicule de Madame de la Haltière, des larmes lors d'une lamentation pathétique façon bondieuserie, l'admiration pour les vocalises insensées et complètement gratuites de la Fée.
Heureusement que la scénographie est féérique, avec de jolis effets spéciaux tournant autour des lumières électriques (qui étaient une nouveauté à l'époque de la création). Par exemple, j'ai bien aimé la scène du Chêne des Fées où Cendrillon et le Prince Charmant sont séparés par un rideau semi-opaque sur lequel un réseau de lumières représente l'arbre.
Fuyant le cirque général, les seuls personnages en lesquels je pouvais trouver refuge lors du premier acte étaient ceux de Cendrillon (Blandine Staskiewicz) et du Prince Charmant (chanté par la soprano Michèle Losier). Puis au troisième acte, je me régalerai avec le Pandolfe semi-incestueux de Laurent Alvaro, qui a d'ailleurs à un moment donné un passage parlé accompagné par l'orchestre, dépareillant avec les plus usuels récitatifs chantés. J'ai vu avec plaisir Blandine Staskiewicz pour la première fois dans un premier rôle manifestement très exigeant. (Je ne doute pas que son interprétation est très différente de celle de Judith Gauthier, les deux chanteuses alternant.)
Malgré l'aspect visuel féérique (les mouvements chorégraphiques et les scènes véritablement dansées, avec même des pointes !) et des chanteurs enthousiasmants, je suis très déçu par cet opéra qui ne m'a procuré aucune émotion. Bref, sur des sujets voisins, je préfère très largement The Fairy Queen (Purcell) et La Cenerentola (Rossini).
2011-03-02 10:50+0100 (Orsay) — Culture — Musique — Opéra
Opéra Bastille — 2011-03-01
Torsten Kerl, Siegfried
Wolfgang Ablinger-Sperrhacke, Mime
Juha Uusitalo, Der Wanderer
Peter Sidhom, Alberich
Stephen Milling, Fafner
Qiu Lin Zhang, Erda
Elena Tsallagova, Waldvogel
Katarina Dalayman, Brünnhilde
Philippe Jordan, direction musicale
Günter Krämer, mise en scène
Jürgen Bäckmann, décors
Falk Bauer, costumes
Diego Leetz, lumières
Otto Pichler, chorégraphie
Orchestre de l'Opéra national de Paris
Vladimir Dubois, cor solo
Siegfried, Wagner
Cette soirée de première avait plutôt mal commencé. Il y a eu un embouteillage à l'entrée de la porte 15. On a éteint les lumières alors qu'il restait une bonne vingtaine de personnes à placer (et ce n'étaient pas des retardataires : cela a bouchonné bien vingt minutes avant le lever de rideau). Avec le bruit de tous les fantômes qui cherchaient leurs sièges, je n'ai pas vraiment pu apprécier dans de bonnes conditions les premières minutes de musique qui évoquent notamment le Dragon.
Depuis L'Or du Rhin, le géant Fafner a en effet pris cette forme et veille sur le trésor qu'il a récupéré. Lors de La Walkyrie, Siegfried a été conçu par Siegmund et Sieglinde et il pu vivre grâce à l'aide prodiguée par Brünnhilde qui avait suivi l'ordre d'aider Siegmund que Wotan avait pourtant retiré. Elle en avait été punie ainsi : elle sommeillerait dans un endroit inaccessible aux peureux jusqu'à ce que Siegfried vienne la libérer.
C'est ainsi que va se conclure Siegfried. Avant cela, on aura eu un aperçu de son enfance avec Mime qui l'a recueilli dans le but de l'utiliser pour s'octroyer l'Anneau. Le jeune homme, vif, n'est pas très heureux avec lui. À la fin du premier acte, il forge Notung, l'épée de Siegmund que Wotan avait brisée et que Mime avait été incapable de reconstituer jusque là.
Au deuxième acte, il tue Fafner. En léchant quelques gouttes de sang du géant restées sur l'épée, il obtient la connaissance du langage des oiseaux. L'un d'entre eux lui fait un résumé de la tétralogie et lui explique que c'est le moment d'aller rejoindre sa future épouse.
Enfin, au troisième acte, il l'a réveille. Il l'a prend d'abord pour sa mère. Il ne comprend pas ce qui lui arrive. Il a peur. Il l'aime. Brünnhilde lui fait la suite du résumé, puis hésite à accepter son amour. Quand elle a renoncé à son statut d'autrefois pour celui de simple mortelle, les deux amoureux peuvent enfin être unis.
(J'ai résumé très grossièrement l'intrigue. Parmi les personnages
principaux, il faut aussi mentionner Wotan qui est Le Voyageur
qui
vient mettre son grain de sel un peu partout. Il vient fichtre les jetons à
Mime au premier acte. Il embête Alberich et Fafner au deuxième. Au
troisième, il réveille Erda de son sommeil infini, décide de laisser
Siegfried accomplir son destin, mais trouve quand même le moyen de le
contrarier en lui barrant provisoirement le chemin menant au séjour de
Brünnhilde ; il est vrai que Siegfried se comportait avec lui de façon un
peu fruste.)
Si je n'avais vraiment pas aimé les deux premiers volets de cette production Günter Krämer, je suis plus enthousiasmé par celui-ci. (Cela dit, je m'inquiète un peu sur la cohérence de l'ensemble des opéras de la tétralogie. Si pour le moment, on retrouve des éléments communs (l'escalier conduisant au Walhalla, les lettres Fraktur, le grand miroir), au niveau des costumes, on aura un peu tout vu. Peut-être faut-il y voir une dégradation progressive du statut des personnages (et des dieux en particulier) au fur et à mesure qu'on avance ?)
Le décor du premier acte représente l'endroit où vivent Mime et
Siegfried. Comme nous sommes chez les Nibelungen, on voit sur la gauche une
sorte de village de nains de jardins. Les deux semblent vivre en marge du
monde. Mime n'inspire pas confiance, le look de Siegfried fait un peu
junkie. On voit d'ailleurs une plantation de cannabis sur la
droite. Quand Wotan vient voir Mime pour lui demander l'hospitalité en
l'échange de la réponse à trois questions, il est habillé en clochard et à
l'attitude de Mime, il est manifeste qu'il sent très mauvais. Quand Wotan
se sera fait reconnaître, il enlèvera son pardessus pour laisser paraître
un costume grisâtre et un pantalon crotté. Plus tard, il paraîtra en noir
avec chapeau. Dans ce décor, il y a aussi un ascenseur par lequel descend
l'ours ami de Siegfried pour venir sur scène. On voit aussi un écran de
télévision noir et blanc, qui lorsque Mime voudra apprendre la peur à
Siegfried (parce que dans la malédiction de
brâhm...^W^W^W
prédiction funeste de Wotan, la tête de Mime
sera prise par celui qui ne connaît pas la peur), ceux qui ont de bons yeux
ou des jumelles verront un film mettant en scène quelque reptile. À la fin
de l'acte, le décor va se surélever pour laisser paraître la magnifique
forge située en-dessous. Le chant des soufflets
est facile à
reconnaître puisqu'on voit Siegfried actionner un soufflet avec le pied !
On entend un très joli motif joué par les cordes quand l'acier fond : des
notes détachées alternent, puis les notes deviennent liées. (On le réentend
au deuxième acte, je ne sais plus dans quel contexte, joué par des
instruments à vents.) Petit incident de mise en scène quand Siegfried
travaille le métal sur l'enclume en rythme comme le demande la partition :
il a cassé le marteau. Torsten Kerl en a saisi un autre, mais il ne faisait
plus du tout le même bruit !
Lors du deuxième acte, le sol est recouvert de feuilles. Des petits hommes verts (complètement nus) trimbalent le trésor de l'Or du Rhin en procession. Quand ils ouvrent les caisses, ce sont en fait des armes qu'ils sortent. Je ne suis pas sûr d'avoir bien compris tous ce qui se passait au niveau du décor, mais c'était certainement très-esthétique. Il m'a paru plausible que la sorte de dais un peu gris que l'on voit onduler au début de l'acte sur toute la largeur de la scène représente le dragon, mais je n'en suis pas sûr. Quand Fafner est tué et que Siegfried lèche son épée, on ne voit pas de sang ; je trouve que c'est un peu dommage. Je n'ai pas trouvé très convaincante la façon dont on a fait jouer le rôle de l'oiseau à un enfant (qui essaie de se faire comprendre de Siegfried en faisant des gestes des mains). Pourquoi n'avoir pas fait jouer ce rôle par la chanteuse Elena Tsallagova ? Quand les flammes qui entourent Brünnhilde sont évoquées, on les voit projetées sur un écran.
Visuellement, le début du troisième acte était très beau. Les nornes
parées de voiles sont installées à des tables comme dans une bibliothèque
(lumières vertes, la couleur qui domine cet opéra, jusqu'à avoir été
choisie pour être la couleur du programme, après l'or et le rouge pour les
deux précédents) et lisent ce qui doit être le livre de l'avenir. La scène
entre Siegfried et Wotan se passe à l'avant-scène, rideau baissé, ce qui
permet la mise en place du décor de la dernière scène. Il y a à ce
moment-là un temps mort dans la mise en scène : on a l'impression qu'il n'y
a pas que Brünnhilde qui doit être réveillée, mais aussi Siegfried. On
retrouve l'escalier qui conduisait au Walhalla aperçu dans les opéras
précédents. Le feu est visible sur les trois grosses lettres Ger
qui
jonchent l'escalier. Brünnhilde est installée à mi-hauteur sur une petite
plate-forme posée sur une marche. Il n'y a pas de cohérence avec le moment
où on l'a quittée dans La Walkyrie puisqu'elle s'était alors
réfugiée sous une table (un mouvement que je n'avais pas compris dans
l'instant...) Étant entendu que c'est un escalier qui relie la terre aux
nuées, qu'elle soit alors dans une position intermédiaire et que, devenue
résolument une simple mortelle, elle finisse, à la fin de l'opéra, en bas
de l'escalier avec Siegfried n'est pas si mal trouvé que ça.
Si je me suis plus facilement laissé convaincre par cette production, outre ses qualités, c'est peut-être aussi parce que l'essentiel de mon attention était tournée vers la musique. Je m'y étais préparé depuis janvier, voir notamment cette entrée. En lisant Le Voyage Artistique à Bayreuth, je me suis familiarisé avec les motifs principaux que l'on entend dans la tétralogie 1. La difficulté par rapport à un opéra isolé est que beaucoup de motifs ont déjà été introduits lors des opéras précédents et que Wagner en réutilise évidemment beaucoup !
Bien que lors des deux volets précédents je m'étais préparé aussi un tout petit peu en les visionnant en DVD, cette préparation plus poussée a complètement changé mon expérience de spectateur. C'est un contentement d'une nature très différente de ceux, plus immédiats, que peut me procurer l'écoute d'autres musiques, c'est plus contenu, mais c'est au moins aussi bon ! Quand on a le dictionnaire en tête, presqu'à chaque instant, quand l'orchestre s'anime, on comprend l'idée que le compositeur veut évoquer. Quand Mime et Wotan se posent à l'un et à l'autre des questions au premier acte, la réponse est déjà dans la musique au moment où la question est posée ! Quand on veut nous faire comprendre que le Voyageur est Wotan, on entend le motif du Walhalla (qui me semble dans Siegfried évoquer plus souvent Wotan que le Walhalla). Le motif qui traverse tout l'opéra et qui a été annoncé dès la fin de La Walkyrie, c'est le motif de Siegfried, gardien de l'épée :
Il y en a tant d'autres qui sont beaux qu'il n'y aurait aucun intérêt à les citer tous. Parfois, on entend un déluge de motifs où l'on ne sait pas très bien quand celui-ci ou celui-là commence ou finit. D'autres fois, on sent que le compositeur s'est amusé à en dévoyer quelques uns : ce qui m'a frappé lors de cette écoute, c'est l'aspect peu glorieux que prend à un moment donné du premier acte le motif de la Compassion (qui s'est surtout appliqué à Sieglinde vis-à-vis de Siegmund lors de La Walkyrie) : façon de nous dire que Mime n'était pas sans arrière-pensées quand il a recueilli Siegfried.
Sur l'interprétation de l'orchestre, j'ai été parfois un peu dubitatif lors du premier acte (par exemple, du côté des cuivres lors de la première mention du Walhalla). Lors des deux derniers actes, je me suis régalé comme jamais ! (Ceux qui doutent que Philippe Jordan puisse faire jouer l'orchestre ff seront peut-être surpris par le superbe crescendo qui accompagne le Salut au monde de Brünnhilde.)
Du côté du chant, cela a semblé assez inégal. J'ai été tout particulièrement impressionné par Stephen Milling (Fafner) et Katarina Dalayman (Brünnhilde). J'ai bien aimé Elena Tsallagova (L'oiseau), Qiu Lin Zhang (Erda) et Peter Sidhom (Alberich). Le Mime de Wolfgang Ablinger-Sperrhacke était plus que convaincant, mais il y a par exemple quelques moment du premier acte où les choix ou les impératifs d'interprétation m'ont un peu déplu (c'est parfaitement subjectif). À propos de Torsten Kerl (Siegfried) et Juha Uusitalo (Der Wanderer), si leur chant était intéressant à écouter quand l'orchestre était silencieux ou presque, quand le volume de l'orchestre se faisait plus fort, je ne les entendais pratiquement pas.
Les huées qui ont accompagné l'arrivée de l'équipe de production lors des saluts m'ont vraiment fait mal au cœur. C'est un peu tard pour acheter des places pour les représentations qui vont suivre (sur Internet, il n'en reste qu'à 160€ et 180€), mais cela vaut peut-être le coup de tenter les places à 5€.
PS: (Après la représentation du 11 mars où j'ai eu une place debout puis un strapontin au parterre.) La mise en scène paraît beaucoup plus belle et convaincante depuis le parterre. Ainsi, on n'est pas gêné par les quelques baissers de rideaux réduisant la profondeur lors de plusieurs scènes puisque celle-ci se fait moins sentir en vue rasante. Par ailleurs, le décor du deuxième acte, juste beau, devient intelligent : la sorte de dais représente la forêt, le bas flottant de ce dais délimite horizontalement la forêt et le monde souterrain, l'antre du dragon. Torsten Kerl (Siegfried) et surtout Juha Uusitalo (Der Wanderer) étaient en meilleure forme que lors de la première.
Ailleurs : David, Palpatine, Zvezdo, Paris — Broadway, Klari.
[1] Rétrospectivement, je pense que la méthode la plus simple pour ce faire serait de visionner un DVD ou d'écouter des CD en (re)lisant simultanément l'analyse musicale des opéras qui est faite dans Le Voyage Artistique à Bayreuth : tout apparaît clairement. Au besoin, on peut s'aider de l'aide-mémoire que je me suis fait. Retrouver en quelques secondes un motif dans le livre n'est pas très facile (que ce soit avec un vieux livre de 1903 ou un long fichier PDF). Par ailleurs, dans la réduction pour piano et voix de ce livre, si comme moi on est pas doué, on ne voit pas forcément immédiatement où est la substantifique moëlle du motif. J'ai essayé de ne garder que ce qui est important. Il n'est pas exclu que je me sois parfois trompé.
2011-03-01 01:20+0100 (Orsay) — Culture — Musique
Théâtre des Bouffes du Nord — 2011-02-28
Gustav Leonhardt, clavecin
Praeludium en do majeur (Johann Christoph Bach)
Adagio en sol majeur, BWV 807 (transcrit de la Sonate pour violon seul, BWV 1005)
Suite en mi mineur pour le Lautenwerk, BWV 996
Sinfonia en sol mineur, BWV 797
Sinfonia en mi bémol majeur, BWV 791
Prélude & fugue en do mineur, BWV 871 (Livre II du Clavier bien tempéré)
Prélude & fugue en mi majeur, BWV 878 (Livre II du Clavier bien tempéré)
Suite française en ut mineur, BWV 813
Aria variata, BWV 989
Deux polonaises (1765), Wilhelm Friedemann Bach
Quand j'avais vu apparaître le nom de Gustav Leonhardt dans la programmation du théâtre des Bouffes du Nord, j'avais eu quelque mal à croire mes yeux. Pourtant, à 82 ans, il allait effectivement donner un récital de clavecin.
En arrivant dans le hall, je vois immédiatement que la famille Hantaï sera bien représentée dans le public puisque j'ai reconnu au moins Marc (flûtiste, dont je ne compte plus les apparitions inattendues dans diverses formations) et Pierre (dont je me délectais encore récemment de son art du clavecin, qu'il a d'ailleurs étudié avec le maître). (Vu où ils se sont installés, ils ont très certainement payé leur place.) Parmi le public se trouve un spectateur bruyant et aussi irresponsable quoiqu'en un sens différent que ses parents qui l'ont amené là. Je n'ai rien contre l'éveil précoce des enfants à la musique, mais le concert de musique baroque à moins d'un an, c'est un peu juste.
Entre le programme annoncé et le programme réel, il n'y a pratiquement rien en commun. Je suis donc un peu déçu de n'avoir pas pu entendre les extraits promis de L'Art de la fugue. Pourtant, je pense que je garderai un très bon souvenir de ce concert. J'ai pris place au parterre du côté pair et ai ainsi vue sur la main droite de Gustav Leonhardt et occasionnellement sur sa main gauche enveloppée dans un gant noir ne découvrant que les doigts. Les partitions posées sur le pupitre sont pour la plupart d'entre elles jaunies, usées par le temps ; quelques unes sont toutes blanches, peut-être fraîchement sorties d'une imprimante.
Le programme est centré sur Bach, Johann Sebastian. Cependant, Johann Christoph (1642-1703) et Wilhelm Friedemann (1710-1784) ouvrent et concluent respectivement le programme (hors bis non-identifié). (Il me semble que le programme s'emmêle les pinceaux entre les différents Johann Christoph de la famille Bach, à moins que l'erreur soit sur Wikipédia, puisque dans la famille Bach, si on se limite à la génération du père de J. S. B., il y a deux Johann Christoph, un dont les dates sont (1642-1703) comme indiqué sur le programme pour le Praeludium en do majeur et un autre (1645-1693) qui était jumeau de Johann Ambrosius, père de Bach. Or, la notice de programme nous dit que le Johann Christoph dont il s'agit était le frère jumeau du père et que même leurs épouses respectives avaient du mal à les reconnaître... Le plus probable est que le bon J. C. ne soit pas le frère du père de Bach mais le cousin de celui-ci et par ailleurs oncle de la première épouse de Bach. C'est pourtant simple.).
S'il est vrai que la prestation instrumentale de ce soir n'a pas été sans imperfections (mais en musique baroque, une fausse note, à moins de connaître la partition par cœur, on peut toujours se dire que c'était peut-être une trille), j'ai été saisi par la beauté de l'interprétation de certains morceaux. J'ai tout particulièrement apprécié l'Allemande de la Suite en mi mineur pour le luth-clavecin (BWV 996), la Suite française en ut mineur (BWV 813) ou encore le Sinfonia en sol mineur, BWV 797. L'autre Sinfonia m'a paru à la limite de la rupture, la main gauche paraissant visiblement moins sous contrôle que la droite.
Ce que j'ai aussi apprécié dans le concert de ce soir (au cours duquel le public a eu la bonne idée de marquer les brèves pauses entre les pièces d'un silence respectueux, pour mieux applaudir à la fin), c'est la dignité et l'immense humilité dont fait preuve Gustav Leonhardt.
(Le gros moins de ce concert, outre le bébé mentionné ci-dessus, c'est le courant d'air parfumé pestilentiellement de fumée tabagique qui s'est engouffré depuis l'extérieur jusqu'à la place où j'étais resté assis à l'entr'acte près de l'allée des numéros pairs.)
2011-02-28 01:13+0100 (Orsay) — Culture — Musique — Opéra
Opéra national de Lorraine, Nancy — 2011-02-27
Isabelle Druet, Carmen
Chad Shelton, Don José
Changham Lim, Escamillo
Claudia Galli, Micaëla
Pascale Beaudin, Frasquita
Sylvia de La Muela, Mercédès
Jean-Vincent Blot, Zuniga
Philippe-Nicolas Martin, Moralès
Olivier Grand, La Dancaïre
Julien Dran, Le Remendado
Sandra Stauch, Denis Pigot, figurants
Claude Schnitzler, direction musicale
Carlos Wagner, mise en scène
Rifail Ajdarpasic, décors
Patrick Dutertre, costumes
Ana Garcia, chorégraphie
Fabrice Kebour, lumières
Orchestre symphonique et lyrique de Nancy
Chœur de l'Opéra national de Lorraine
Chœur de l'Opéra-Théâtre de Metz Métropole
Jeune ensemble vocal du Conservatoire régional du Grand Nancy
Carmen, Georges Bizet
Ce week-end, pour la première fois, j'ai pris un TGV pour aller assister à une représentation d'opéra. J'aurais sans doute mieux fait de faire l'aller-retour dans la journée, mais j'avais l'ambition de visiter un peu la ville. Le mauvais temps du samedi a limité mon ardeur exploratrice et je me suis contenté de visiter le musée des Beaux-Arts et quelques librairies, où j'ai presque réussi à me retenir d'acheter quoi que ce soit vu que je n'ai ajouté à mon bagage que sept gnossiennes (dont je découvre avec surprise que c'est de la musique essentiellement non mesurée !).
Dimanche après-midi, après avoir fait bombance (samedi soir, je m'étais
déjà régalé dans dans un restaurant pakistanais où j'ai pu faire
l'expérience que si on a l'audace de demander un biryani assez
épicé
, on peut manger un plat qui ramone la gorge et les voies
respiratoires ; aucun problème de toux à prévoir pour la représentation !),
après avoir mangé, disais-je donc, je me suis rendu à l'Opéra de Lorraine,
situé Place Stanislas, et dont l'architecture extérieure, comme pour bon
nombre de bâtiments aperçus, est désespérément carrée. (Dans la ville, dans
l'ensemble, on voit des rues se croisant à angles droits entourées
d'immeubles de faible hauteur. Un nombre invraisemblable d'édifices
religieux est à signaler.)
En arrivant, première bonne surprise : le programme ne coûte que 2€. Si quelques institutions parisiennes pouvaient adopter de tels tarifs (quitte à renoncer au papier glacé malodorant), je ne pense pas que quiconque s'en plandrait.
Si dès septembre dernier, j'avais décidé de venir, c'était pour assister à une des représentations de la série (à Metz et à Nancy) au cours de laquelle Isabelle Druet ferait sa prise du rôle de Carmen. (Je ne l'avais alors vue que dans Armide. Depuis, je l'ai vue dans Cadmus et Hermione et en récital.) Quelques commentaires lus ces derniers jours à propos de la mise en scène, de l'orchestre et des chanteurs (hors rôles de Carmen et Don José) avaient de quoi m'alarmer, mais mon impression a été toute contraire puisque j'ai été véritablement ravi par cette représentation.
Le fond de la salle et le rideau sont rouges, comme pour nous préparer aux grandes émotions qui vont suivre. Les sièges sont confortables (à peu près le modèle de ceux du parterre du TCE, si ce n'est qu'ils sont rabattables). À première vue, il semblerait qu'à moins peut-être d'être tout en haut, on a toutes les chances d'avoir une bonne visibilité.
Ce qui me frappe le plus dans cette production, c'est le noir qui se
décline dans tous ses aspects. L'atmosphère est très obscure. Pour une
fois, je ne me plaindrai pas d'un manque de luminosité puisque j'y voyais
très bien (premier balcon de côté, avec vue sur la moitié gauche de
l'orchestre, sur la harpe installée dans la loge de la préfète
, si
j'ose ainsi appeler la loge qui se trouve en face de la loge réservée à
Monsieur le préfet (cf. photo ci-contre).
Si des décalages se font parfois sentir, il m'a malgré tout semblé que l'orchestre symphonique et lyrique de Nancy a fait une prestation plus qu'honorable. J'ai entendu quelques détails dans la musique que je n'avais encore jamais soupçonné. Le jeu des choristes, comédiens, chanteurs et danseurs m'a aussi paru très bien réglé (on ne saurait reprocher aux plus jeunes enfants leurs hésitations dans le placement). À Paris, on ne voit pas toujours des productions dont les détails de mise en scène soient aussi fignolés... (Exemples qui viennent à l'esprit : Luisa Miller et La Fiancée vendue par Gilbert Deflo, Francesca Da Rimini par Giancarlo Del Monaco, La donna del lago par Lluís Pasqual.)
Visuellement, c'est donc le noir qui domine (même si à l'exception de Carmen, les cigarières sont en blanc, et les militaires sont en bleu). La structure du décor, unique, semble à tout moment appropriée. Au premier acte, les cigarières et les militaires sont séparés par une barrière métallique coulissante. Plus tard, au quatrième acte, un pan de décor viendra tourner et réaliser une autre séparation entre la corrida d'Escamillo (dont on n'entend que la clameur) et la scène de la mise à mort de Carmen, absolument inoubliable, comme le dit le directeur de l'Opéra de Metz Métropole dans l'intéressant reportage vidéo ci-lié (qui permet aussi d'admirer les lumières, mieux que je ne le pouvais depuis ma place situé sur le côté opposé). La cruauté est également au centre de cette production. Au troisième acte, les contrebandiers ne trafiquent pas de la marchandise ordinaire, puisque ce sont des passeurs. On voit ainsi avec effroi des familles prendre place dans de grandes caisses en bois. La cruauté prend aussi la forme d'un authentique feu lors de l'immolation du lieutenant à la fin du deuxième acte (mes souvenirs se brouillent, je ne suis pas tout à fait sur de l'identité de la victime). On voit aussi les contrebandiers traiter de façon peu amène trois malheureux douaniers.
Pour apprécier cette mise en scène, il faut cependant être capable
d'accepter l'utilisation de quelques arrêts sur images
fixant
certains personnages tandis que d'autres font évoluer l'action par ailleurs
et ne pas craindre l'intrusion de quelques éléments anachroniques sur
scène. L'amour de Don José au deuxième acte est ainsi représenté par des
ballons en forme de cœur. Lors de l'entrée d'Escamillo, on voit des flashs
d'appareils-photos modernes. Les caisses des contrebandiers sont poussées
par des transpalettes (la version intelligente de ce qui s'est vu dans le
Giulio Cesare passé à Garnier récemment). Dans
le duo puis trio des cartes, quand Frasquita et Mercédès disent à leur
cartes Parlez, mes belles de l'avenir... Dites-nous qui nous trahira
,
elles portent le jeu de cartes à leurs oreilles comme elles feraient d'un
téléphone portable.
Bref, c'est peu dire que j'ai adoré cette mise en scène, du début à la fin, où Don José, transformé en boucher puis en taureau, gagne son duel contre une Carmen qui a passé le costume d'un torero. Pour ma part, je pardonnerai volontiers à Carlos Wagner d'avoir remplacé la fleur jetée par Carmen à Don José par un cigare ! (Cela dit, un cigare, c'est 100% végétal, non ?)
Lors de ces deux heures et demie de musique qui ne sont pas interrompues
par des passages parlés, puisqu'on a choisi la version avec récitatifs
chantés, j'ai apprécié la prestation de tous les chanteurs. Pour celle
d'Isabelle Druet, c'est une évidence. L'ayant vue dans des rôles ou
situations plus joyeux
, j'attendais avidemment de la voir incarner
ce rôle qui change dramatiquement dès la fin du deuxième acte. Certes, dans
cette production, on a construit une Carmen beaucoup moins sexy
que celles incarnées par Anna Caterina Antonacci à Londres ou à l'Opéra Comique. S'il est aussi vrai que la gestique et les
poses que la mise en scène lui font prendre paraissent parfois un peu
forcées (quoique moins que ce à quoi se laisse souvent aller Natalie
Dessay), cela reste on ne peut plus convaincant. En Don José, Chad Shelton
l'est également. À la fin de son air La fleur que tu m'avais
jetée, il réalise un aigu cristallin sur Et j'étais une chose à
toi
, un si bémol aigu [...] en falsetto
explique le
chef Claude Schnitzler dans la vidéo sus-liée. Ce qui m'a aussi marqué, à
la toute fin de cet air sur la syllabe t'ai
de Carmen, je
t'aime
(qu'on entend à 11:30 dans le reportage), c'est la ressemblance
avec l'harmonie du Cygne de Lohengrin. (Quand je vous dis que la
wagnérite, c'est une véritable maladie, il faut me
croire.) L'Escamillo de Changham Lim n'est pas du tout catastrophique comme
je le craignais. Sa diction est tout ce qu'il y a de plus intelligible et
si sa voix était un peu couverte lors de son premier air, c'était tout
simplement parce que l'orchestre impétueux a joué un peu trop fort. J'ai
aussi été scotché par l'interprétation de Claudia Galli dans le rôle de
Micaëla. Il est vrai que sa voix a mis un petit moment à s'échauffer et que
les mouvements que lui imposait la mise en scène faisaient parfois
faiblir sa voix. Pourtant, au troisième acte, lors de l'air Je dis que
rien ne m'épouvante, elle a été sen-sa-tion-nelle. L'émotion du
personnage s'est traduite dans son interprétation sans nuire en rien à la
justesse et à l'intelligibilité du chant. Elle détrônerait presque dans mon
panthéon personnel Anna Moffo dont je chéris l'interprétation de cet air.
(Le récitatif qui se trouve au début de cet air a malheureusement été
complètement gâché par un odieux chœur de tousseurs.)
C'est flou, mais c'est la moins pire des photographies prises lors des saluts.
Sur la Place Stanislas, c'est tout comme s'il ne s'était rien passé au cours de l'après-midi !
(Les quelques autres photographies
sont là.)
PS: Dans ce compte-rendu déjà trop long, j'ai oublié de préciser que les airs de Carmen avaient été interprétés dans des tempi plutôt lents.
PS2: De belles photographies du spectacle sur le site du décorateur.
2011-02-22 21:46+0100 (Orsay) — Culture — Musique — Opéra — Culture indienne
Cela fait un peu plus d'un mois que je me prépare aux représentations des opéras Siegfried et Götterdämmerung auxquelles je vais assister en mars et en juin. J'ai lu Le Voyage Artistique à Bayreuth. Pour avoir en tête le décodeur, je réécoute chacun des opéras de la tétralogie et note l'endroit où les motifs principaux apparaissent (que ce soit dans l'enregistrement dont je dispose ou dans la partition d'orchestre), et puis en tire un petit aide-mémoire (source Lilypond) pas encore tout à fait fini.
Ensuite, imaginez que pour me changer les idées, je sorte de sa pochette le CD de la musique du génial film Sita sings the Blues. Il s'y trouve une musique qui n'a absolument rien à voir avec Wagner, normalement, n'est-ce pas ? On y entend en alternance des chansons d'Annette Hanshaw (c'est d'abord pour ça que j'ai commandé le CD) et des titres plus modernes. J'écoute le CD et patatras, dans le morceau qui apparaît à l'entr'acte du film (Intermission, Nik Phelps & the Sprocket Ensemble), la musique a priori la plus innocente qui soit, il me semble entendre très distinctement les cinq premières notes de ça :
Dans le contexte du film (avec un bruit de fond supplémentaire), cela apparaît vers 4:03 dans cet extrait quand Sita passe devant l'écran. Dans la bande originale écoutable sur Deezer, cela paraît au bout de vingt secondes.
Halluciné-je ? Veut-on nous faire comprendre qu'à ce moment-là du film, Sita est soumise à son époux Rama ?
Bon, je retourne visionner le deuxième acte de Siegfried...
2011-02-22 00:48+0100 (Orsay) — Culture — Musique
Théâtre des Champs-Élysées — 2011-02-21
Melanie Diener, Leonore
Buckhard Fritz, Florestan
Matthias Goerne, Pizzaro
Kurt Rydl, Rocco
Sophie Karthäuser, Marzelline
Werner Güra, Jaquino
Bálint Szabó, Fernando
Chœur de Radio France
Orchestre national de France
Kurt Masur, direction
Fidelio (Beethoven)
Que le concert de ce soir au TCE m'a mis mal à l'aise ! J'avais sélectionné ce Fidelio (Beethoven) en version concert parce qu'ayant malencontreusement oublié de réserver une place lors du dernier passage à l'Opéra Garnier, je voulais l'entendre en concert malgré tout. La piètre interprétation de ce soir ne va pas contribuer à revenir sur ma décision de réduire très fortement mes achats pour la saison prochaine au TCE.
De peur de voir mes propos dévier vers un manque de respect à quelqu'un en relation avec un affaiblissement dû à la vieillesse et vraisemblablement aussi à la maladie, je me garderai de faire un compte-rendu un peu détaillé de ce concert...
Cet opéra de Beethoven me semble plus que tout autre opéra un terrible torture test pour les chanteurs, surtout si on les place derrière l'orchestre comme c'était le cas ce soir. À côté, Wagner, c'est de la rigolade.
Dotée d'un très beau timbre, Sophie Karthäuser (que d'après mes archives, j'avais déjà entendue en 2004 dans des cantates de Bach) chante avec fraîcheur le rôle de Marzelline. Mais c'est surtout Melanie Diener (Leonore/Fidelio) que j'avais appréciée dans le rôle d'Ursula dans Mathis der Maler qui par son impressionnante présence sauve ce concert.
Ailleurs : Opera Cake, ConcertoNet, Le petit concertorialiste.
2011-02-20 02:46+0100 (Orsay) — Culture — Musique — Culture indienne
Salle Pleyel — 2011-02-19
Ustad Ulhas Kashalkar, chant
Suresh Talwalkar, tabla
Ajay Joglekar, harmonium
Kengo Saito, tanpura
Raga Puriya
Raga Bahar
Raga Desh
Ustad Rashid Khan, chant
Prasad Khaparde, chant
Yogesh Samsi, tabla
Ajay Joglekar, harmonium
Kengo Saito, tanpura
Raga Yaman
Pandit Ajoy Chakrabarty, chant
Brajeswar Mukherjee, chant et tanpura
Yogesh Samsi, tabla
Ajay Joglekar, harmonium
Raga Rajeshwari
Je crois que si j'avais été autant ébloui par le récital de musique khyal de Gaayatri Kaundinya, outre le développement de son raga, c'était grâce au jeu de questions-réponses entre elle et le percussionniste qui l'accompagnait ce soir-là. Les improvisations réalisées par les chanteurs du concert marathon (environ 1000 milli Maîtres-Chanteurs de Nuremberg) de ce soir Salle Pleyel étant d'autres types, les satisfactions viendront d'ailleurs et le concert aura tenu au moins deux tiers de ses promesses. Ayant achevé ma lecture d'un extraordinaire premier roman (celui d'Ananda Devi, Rue la Poudrière datant de 1988), j'ai pu renouer avec la technique consistant à rédiger le billet sur le chemin du retour...
J'avais curieusement réservé une place pour ce concert au moment des abonnements il y a environ un an, donc avant même d'être convaincu de l'intérêt et du plaisir que pouvait me procurer cette musique. Ma place est au rang E ! qui est surélevé et où s'installent ordinairement les invités de luxe de la salle (ministres, directeur de Radio France, compositeurs et consorts, etc.). Cependant, je ne suis pas dans la partie centrale (probablement non ouverte à la réservation) puisqu'au lieu d'avoir beaucoup de place pour les jambes, j'ai en fait moins d'espace qu'avec un siège λ. La sonorisation est trop forte ! Les faux-tanpuras utilisés par le premier chanteur résonnent de leur sonorité métallique pendant de longues minutes, le temps que les instruments soient accordés et que quelques coups de marteaux aient heurté les tablas.
Au cours du développement du raga du soir Puriya, Ustad Ulhas Kashalkhar aura fait une impressionnante démonstration de ses talents d'improvisation, avec des ornementations d'un très beau raffinement (accompagnées d'une gestique très parlante et qui ne serait peut-être pas inadaptée à l'utilisation d'un thérémine). J'ai toutefois trouvé que les percussions étaient entrées dans le jeu de façon quelque peu abrupte. Même si le percussionniste semblait prendre un plaisir évident à jouer avec ce chanteur, il n'y a guère eu de dialogue entre les deux musiciens. Ce fut unidirectionnel, tout reposant sur les épaules du maître. Le texte chanté était apparemment en hindi (et par le voculaire utilisé devait être un chant d'amour). Pour conclure son récital, il a interprété deux autres ragas : Bahar et Desh. J'ai surtout aimé ce dernier où après une très belle introduction furent servies de très nombreuses variations vocalisées sur un vers unique (ou presque ?), la même mélodie étant reproduite quasi-continûment par l'harmonium.
Après le premier entr'acte est arrivé Ustad Rashid Khan. Si sa
prestation n'a pas été déplaisante pour les oreilles, elle a semblé moins
intéressante. Le timbre un peu caverneux de sa voix est très flatteur.
Pendant la très belle introduction de son Raga Yaman, que Klari m'interdit d'appeler
Alap, il a ponctué chacune de ses phrases musicales d'un raclement
de gorge. Il était opportunément accompagné d'un jeune chanteur dont la
voix a un timbre plus ingrat. Les tablas sont entrés en jeu de façon moins
brutale que lors du premier récital, mais cette deuxième partie m'a semblé
peu variée, tournant en rond, quasi-soporifique. L'attitude du chanteur a
été très différente de celle d'Ustad Ulhas Kashalkar pour lequel la musique
semblait ressentie de façon beaucoup plus intériorisée. Ustad Rashid Khan a
souvent semblé prendre un air autosatisfait, comme lorsqu'il parvenait à
maintenir une note de façon très prolongée. Pour ce qui est du texte, je
n'ai vraiment aucune idée de ce qui était censé être chanté (hors séquences
solfiées
). Sa deuxième pièce, plus courte était un chant d'amour
puisque quelque vers commençait par मोरे
पिया
(More Piya
, comme dans une des chansons
du film Devdas). (Digression linguistique : si Klari et moi
pouvions nous accorder pour nous dire que मेरे
पिया
(Mere Piya
, Mon bien-aimé
) serait plus
correct en hindi, mon dictionnaire m'apprend que la forme More
serait une variante locale de certaines régions qui se trouvent
actuellement dans l'Uttar Pradesh, dont est originaire le chanteur.)
Après cet intermède quelque peu décevant, reculade de quelques rangs (moins de dB et plus de m2) pour mieux profiter du dernier récital de la soirée.
Je ne peux guère trouver de mots pour décrire l'absolu plaisir que fut pour moi d'audition du Raga Rajeshwari interprété par Pandit Ajoy Chakrabarty. Il y a une grande douceur dans tous les aspects de son attitude, aussi bien dans sa voix, dans sa façon d'avancer dans le raga, dans son respect pour le public (commençant littéralement par présenter ses respects aux spectateurs) et pour les musiciens qui l'accompagnaient, notamment un jeune chanteur qui secondait formidablement bien le maître. Ainsi, à un moment donné, par inadvertance, les deux chanteurs ont commencé rigoureusement en même temps une phrase musicale. Ajoy Chakrabarty a très élégamment laissé la priorité au jeune chanteur après avoir laissé échapper une première note. Dans ses techniques d'improvisation, on reconnaît un peu la façon de sa fille Kaushiki Chakrabarty, entendue lors des Vingt-quatre heures du râga à la Cité de la Musique. Le récital qui avait commencé par une prière adressée au Tout-Puissant s'est terminée dans un état d'esprit semblable (avec des vers sanskrits m'a-t-il semblé) à la fin de la dernière composition.
Ailleurs : Klari.
2011-02-13 01:21+0100 (Orsay) — Culture — Musique
Salle Pleyel — 2011-02-12
Anna Caterina Antonacci, soprano
Orchestre national de France
Chœur de Radio France
Matthias Brauer, chef de chœur
Sir John Eliot Gardiner, direction
Le Roi Lear, Ouverture opus 4, H.53 (Berlioz)
Cléopâtre, scène lyrique (Berlioz)
Marche funèbre pour la dernière scène d'Hamlet, extrait de Tristia (Berlioz)
Pétrouchka (Stravinski)
Natalie Dessay serait passée devant sans ses deux annulations dans la série des Giulio Cesare, mais c'est bien Anna Caterina Antonacci qui reste l'artiste lyrique que j'aie le plus souvent entendue en concert. Si je n'ai pas toujours estimé que le timbre de sa voix était d'un type qui flatte le plus l'oreille et s'il s'est trouvé un récent malheureux concert pour me faire douter, je pense qu'avec le concert de ce soir, elle m'a définitivement conquis !
La première partie du programme est consacrée à Berlioz, un compositeur que je connais très mal. L'ouverture Le Roi Lear, aux atmosphères variées, ne me déplaît pas. Vient ensuite la scène lyrique Cléopâtre, qui est la raison principale qui m'a fait inclure ce concert dans mon abonnement. J'avais en effet déjà entendu Anna Caterina Antonacci chanter cette œuvre au TCE en 2008. Alors qu'elle avait pu paraître quelque peu tendue lors de ce concert, sa façon de l'interpréter ce soir m'a paru superbe. Quelle conviction, quel engagement ! Son interprétation a été celle de la grande tragédienne que l'on connaît. Au prix d'un peu de concentration, il était tout-à-fait possible d'entendre le texte (sauf peut-être pendant l'unique vers pendant lequel sa voix fut couverte par l'orchestre). J'ai fait cet effort au début, puis me suis laissé entraîner par l'émotion qui jaillissait de ce moment musical. Alors qu'elle paraît d'ordinaire très en retenue lors des saluts, cette fois elle a semblé déceler un peu de sa joie. Après cela, je n'ai pour ainsi dire pas pu me concentrer pour écouter la dernière œuvre berliozienne programmée.
Après l'entr'acte, l'orchestre et le chef sont revenus pour interpréter la musique du ballet Pétrouchka de Stravinski. Je dois avouer n'avoir pas été particulièrement emballé par cette interprétation. Peut-être est-ce la faute d'un micro-climat acoustique au niveau du rang ZZ (que j'ai préféré au rang Z) ? C'est anecdotique, mais j'ai bizaremment eu l'impression d'entendre un peu discret bruit de percussions à un endroit très inapproprié dans les toutes premières mesures ; cela n'a rien à voir, mais l'orchestre a aussi eu à lutter avec une sonnerie de téléphone...
Essentiellement, cette interprétation m'a donné un sentiment d'inouï. Ce fut en effet très différent de mes références (Vello Pähn et l'Orchestre de l'Opéra de Paris en décembre 2009, Iván Fischer et le Budapest Festival Orchestra il y a un an, Isaac Karabtchevsky et l'Orchestre National des Pays de la Loire pour l'enregistrement dont je dispose). Si certains passages m'ont semblé très intéressants et si le pianiste a été excellent, j'ai été déçu par d'autres passages. Celui que j'attendais plus que tout autre était le début du quatrième et dernier tableau. Normalement, cela doit être effervescent et me donner l'impression que l'orchestre est traversé par une onde, mais je n'ai pas du tout ressenti cela ce soir. Plus loin, la Danse des cochers a été très jolie, quoiqu'un peu lente à mon goût. J'ai aussi été quelque peu troublé par la fin, peut-être pas tout-à-fait canonique (dans mes souvenirs et d'après la partition que je n'ai pas consultée sur IMSLP puisque je n'habite pas aux États-Unis d'Amérique, cela se terminait par un gros fff plutôt que par un doux p).
Ce concert sera diffusé sur France Musique le lundi 28 février 2011 à 9h07 ! (Et sera disponible sur le site de la radio pendant un mois, peut-être seulement après la première diffusion ?)
2011-02-12 01:24+0100 (Orsay) — Culture — Musique
Salle Pleyel — 2011-02-11
Le Concert Spirituel
Chœur de la Radio flamande
Sandrine Piau, soprano
Topi Lehtipuu, ténor
Andrew Foster-Williams, baryton-basse
Hervé Niquet, direction
Die Schöpfung, Haydn.
Je crois que je l'ai déjà dit ici, mais Haydn est un de mes compositeurs préférés. Un de mes meilleurs souvenirs de concerts provient des Saisons dirigées par Gardiner.
Ce soir, c'était la Création, interprétée par le Concert Spirituel et le Chœur de la Radio flamande. Le chœur est disposé d'une façon un peu originale, en deux groupes situés à gauche et à droite du chef, vers l'avant de la scène. Le premier rang de choristes étant assis, le deuxième debout. Hervé Niquet arrive en ayant l'air très décontracté. Il bouge beaucoup, tourne les bras à vive allure. Il faudrait presque un quadruple garde-fou sur l'estrade où il a pris place pour prévenir à coup sûr un accident. Cela dit, ce qui compte, c'est ce qu'on entend. On est très loin de la version éthérée enregistrée par Karajan ! Ici, tout sera plus vivifiant, et incarné. Le tempo est plutôt rapide aussi. J'ai quelque mal à entendre certains détails dans la Représentation du chaos, et surtout, l'arrivée de la Lumière a été interprétée sans la moindre envie de créer un effet spectaculaire (contrairement à la dernière fois). C'est d'ailleurs que viendra le plaisir de cette nouvelle écoute.
Ce qui m'a le plus frappé ce soir est que j'ai presqu'eu l'impression d'assister à une représentation d'opéra en version de concert, dans un style mozartien. Les chanteurs, et tout particulièrement le baryton-basse Andrew Foster-Williams ont très bien joués leurs rôles respectifs. Il a eu la tendance amusante à rouler les r de façon surexagérée dans certains vers contenant quelqu'allitération. Il a chanté avec Sandrine Piau de très beaux duos quand ils sont réunis dans la troisième partie en tant qu'Adam et Ève.
Du point de vue musical, il y aussi de quoi se délecter avec la figuration des diverses créatures dans le langage orchestral. Pour ma part, j'ai notamment apprécié le rossignol, le lion, le tigre, ou encore les mignonnes petites notes de clarinette lors de l'air de Gabriel Nun beut die Flur das frische Grün, qui comporte également de fort belles vocalises.
C'est une œuvre très réjouissante (malgré le caractère assez naïf du livret) à l'écoute de laquelle on ressort moins fatigué qu'en arrivant...
2011-02-06 22:08+0100 (Orsay) — Culture — Musique
Théâtre des Champs-Élysées — 2011-02-06
Les jeunes musiciens des Petites Mains
Eric Du Faÿ, direction
Prélude de Carmen (Bizet)
Mes pleurs (Vincent Artaud)
Farandole de L'Arlésienne (Bizet)
Orchestre Lamoureux
Marco Parisotto, direction
Ouverture du Vaisseau fantôme (Wagner)
Symphonie, Olivier Kaspar (création)
Prélude de l'acte III de Lohengrin (Wagner)
Ouverture de Rienzi (Wagner)
Prélude et Mort d'Isolde de Tristan et Isolde (Wagner)
Ouverture des Maîtres Chanteurs de Nuremberg (Wagner)
Après le Colonne vendredi, c'est un autre des plus vénérables orchestres parisiens que je suis allé écouter : l'orchestre Lamoureux, qui fête son cent-trentième anniversaire.
Comme j'ai pu le découvrir en lisant Le Voyage Artistique à Bayreuth d'Albert Lavignac qui contient une liste des Français étant allés au festival de Bayreuth à la fin du XIXe, Charles Lamoureux a fait plusieurs fois le voyage (tout comme Édouard Colonne). Il n'est donc pas illogique que cet orchestre joue la musique de Wagner lors d'un programme-anniversaire.
En préambule au concert, trois pièces ont été jouées par un orchestre d'enfants (7 à 13 ans), Les Petites Mains dirigées par Eric Du Faÿ. Cela a commencé par un fort honorable Prélude de Carmen (Bizet), puis la création de Mes pleurs de Vincent Artaud et cela a fini sur une Farandole de L'Arlésienne (Bizet) un peu moins maîtrisée.
L'orchestre Lamoureux et le chef Marco Parisotto sont arrivés ensuite. Ma première impression fut de penser qu'il devait être fou pour oser diriger une création sans partition. En fait, dès les toutes premières notes, il fut évident qu'il y avait eu une permutation dans le programme et que l'on commençait par l'Ouverture du Vaisseau fantôme. Intervint ensuite la création de Symphonie d'Olivier Kaspar, très décevante puisqu'on se dit en l'écoutant et en voyant le chef tourner les pages qu'elle aurait très bien pu être composée il y a un siècle, au moins.
Après l'entr'acte, nous n'entendrons plus que du Wagner, en commençant par le Prélude du troisième acte de Lohengrin qui se finit superbement sur le motif du Mystère du nom. L'ouverture de Rienzi qui suit, si elle n'utilisait pas ainsi les cuivres, dans un blindtest, je pense que j'eusse eu bien du mal à l'attribuer à Wagner, mais c'est un charmant morceau.
Le point culminant du concert à été Le Prélude et la Mort d'Isolde de Tristan et Isolde. J'ai rarement été autant transporté par une œuvre orchestrale. D'un point de vue visuel, il est aussi extrêmement fascinant de regarder l'orchestre jouer le prélude. La Mort d'Isolde perd à mes yeux et mes oreilles une partie de son intérêt en l'absence d'une chanteuse pour incarner Isolde. Je ne pouvais m'empêcher d'imaginer la voix de quelque grande chanteuse superposée à ce que j'entendais, et ce sans pour autant gâcher le plaisir d'écouter l'orchestre.
Le concert s'est conclu une œuvre à laquelle je n'ai pris goût que très récemment : l'ouverture des Maîtres Chanteurs de Nuremberg.
2011-02-05 02:00+0100 (Orsay) — Culture — Musique
Salle Pleyel — 2011-02-04
Orchestre Colonne
Jean-Philippe Collard, piano
Laurent Petitgirard, direction
Gautama Symphonie (Premier mouvement : Naissance et vie de famille), Jean-Philippe Bec
Concerto nº3 pour piano et orchestre, Rachmaninov
Cinquième prélude (op. 32), Rachmaninov
Symphonie nº1, Brahms
Quel charmant concert que celui qu'a donné ce soir l'Orchestre Colonne ! J'avais sélectionné ce concert sur la seule foi du titre de la première pièce au programme : Gautama Symphonie (Premier mouvement : Naissance et vie de famille). Je ne suis pas déçu par cette œuvre à la musique cuivrée envoûtante (un peu japonisante) alors que j'ai pris place dans un siège de côté à l'arrière-scène. Ce placement est très intéressant parce qu'on a une vue d'ensemble sur l'orchestre (et contrairement aux places plus centrales, les pupitres n'occultent pas les instruments). Les cuivres sont suffisamment éloignés pour qu'on les entendent bien sans qu'ils fassent mal aux oreilles. J'ai eu un peu peur en me rendant compte que j'étais juste derrière la grosse caisse, mais l'instrumentiste ne fera que la caresser doucement avec une brosse ! Quand le compositeur Jean-Philippe Bec est venu saluer, il a joint les mains à l'indienne pour remercier le chef Laurent Petitgirard.
On fait ensuite venir un piano pour le concerto pour piano nº3 de Rachmaninov. C'est la première fois que j'entends une œuvre de ce compositeur en concert. J'en ai surtout apprécié le premier mouvement, qui commence sur un charmant thème. Le deuxième mouvement me plaît un peu moins. Il s'y trouve des passages que j'apprécie et d'autres qui m'énervent un peu. C'est sans que je m'en rende compte que nous arrivons au troisième mouvement qui est un déluge de virtuosité de la part du pianiste Jean-Philippe Collard, qui nous gratifiera ensuite d'un bis (que je n'ai pas identifié, cela ressemblait un peu à du Satie ; d'après une source très bien informée, c'était le douzième prélude de l'opus 32 de Rachmaninov ; à vrai dire, il semblerait que ce soit le cinquième prélude du même opus). Pendant ce concerto, mon placement me permettait de voir très bien les mains du pianiste, mais acoustiquement, tout est prévu pour que le son soit dirigé vers la salle plutôt que vers l'arrière-scène, donc la balance n'était pas toujours idéale. Pas de problème en revanche pour apprécier le très beau son de cor !
Après l'entr'acte, je reviens et constate que le seul percussionniste est maintenant au centre, j'aurai donc de très bonnes conditions d'écoute pendant la première symphonie de Brahms. A priori, je déteste ce compositeur. Pourtant, c'est bien pendant l'écoute de cette œuvre que je me suis le plus éclaté. Je trouve aussi que l'orchestre s'y est vraiment surpassé. Est-ce uniquement la faute à l'étude que j'entrepends ces jours-ci de la Tétralogie de Wagner si je ne peux pas dissocier un des motifs rythmiques Plammm-plam-Plammm-plam que l'on entend dans le premier mouvement de cette symphonie (et qui réapparaît dans le quatrième) à la deuxième partie du motif de l'Adoration de l'or que chantent les filles du Rhin dans la première scène de Das Rheingold. Je me régale pendant les trois premiers mouvements de la symphonie, qui font entendre de très belles nuances. J'ai moins aimé le quatrième et dernier mouvement qui fait un peu trop penser à Beethoven. Les nuances se font moins fines aussi. Pendant certains passages où les cors jouent, on n'entend plus les violons qui produisaient des sonorités un peu wagnériennes que j'aurais préféré entendre mieux. Les autres instruments à vents étaient délicieux à écouter.
Ailleurs : Klari.
2011-02-02 02:12+0100 (Orsay) — Culture — Musique — Opéra
Opéra Garnier — 2011-02-01
Lawrence Zazzo, Giulio Cesare
Christophe Dumaux, Tolomeo
Varduhi Abrahamyan, Cornelia
Isabel Leonard, Sesto
Natalie Dessay, Cleopatra
Nathan Berg, Achilla
Dominique Visse, Nireno
Aimery Lefèvre, Curio
Emmanuelle Haïm, direction musicale
Laurent Pelly, mise en scène et costumes
Chantal Thomas, décors
Agathe Mélinand, dramaturgie et collaboration à la mise en scène
Joël Adam, lumières
Alessandro Di Stefano, chef des chœurs
Chœur de l'Opéra national de Paris
Orchestre du Concert d'Astrée
Giulio Cesare, Händel
Je reviens de la sixième représentation de la nouvelle production de Giulio Cesare in Egitto, la troisième consécutive pour moi (j'y suis retourné samedi après y être déjà allé jeudi) et la troisième et deux tiers interprétée par Natalie Dessay.
Je suis à une place quasi-symétrique de celle de samedi : première loge 11, place 5, une place d'où l'on voit très bien si l'on consent à se tenir debout. La représentation est filmée (est-ce pour une captation DVD ? des essais pour la retransmission du 7 février ?).
Pas plus cette fois-ci que les précédentes je n'ai eu le sentiment que que la mise en scène fonctionnait (j'ai repéré un truc rigolo non remarqué les deux fois précédentes : parmi les musiciennes de scène habillées en robe à paniers se cache Atsushi Sakaï, un excellent gambiste rendu méconnaissable par le déguisement !). Natalie Dessay et Jane Archibald ont des façons bien différentes d'incarner le rôle de Cleopatra. Jane Archibald jouait le rôle de façon plutôt sérieuse tout du long. Chez Natalie Dessay, qui en rajoute un peu beaucoup, le rôle d'abord léger devient plus sérieux à mesure qu'on avance dans l'opéra. Les plus fins observateurs des premières représentations avaient remarqué que Natalie Dessay portait une poitrine postiche, qui est par moments découverte (il s'agit en fait d'un costume ayant la couleur de la peau) ; Jane Archibald n'a apparemment pas utilisé de tels artifices.
Du côté des voix, j'ai toujours autant apprécié Isabel Leonard (Sesto), Varduhi Abrahamyan (Cornelia) et Lawrence Zazzo (Giulio Cesare). Restait l'inconnue Natalie Dessay. Pendant le premier acte, une petite gêne dans sa voix se laissait souvent percevoir en début de vers. Cependant, même un peu modifiée et malgré la tension de tout le monde, je trouve toujours que c'est un plaisir unique que de l'entendre chanter. Si comme je dis plus haut, elle en rajoute un peu du côté de son jeu, quand elle chante, c'est pour de bonnes raisons qu'elle capte toute l'attention ! Au deuxième acte, elle s'est apparemment un peu plus lâchée : son Venere Bella fut très beau. Bizarrement, Emmanuelle Haïm a semblé faire signe au public d'arrêter d'applaudir à la fin de cet air (pourtant, c'était safe, Giulio Cesare était derrière la porte, attendant de faire son entrée). Plus loin, son Se pietà a été absolument superbe. (Mais il faudrait enfermer le spectateur qui a crié Bravo ! beaucoup trop tôt lors du baisser de rideau.) Au troisième acte, son Da tempeste a été un peu hésitant au début, mais cela s'est très bien fini avec un très beau duo avec Lawrence Zazzo.
Le public m'a semblé carrément frigorifié. À la fin de plusieurs airs du premier acte qui eussent pourtant mérité un tel hommage, il n'y eu aucune interruption pour des applaudissements. À la fin de la représentation, le nombre de baissers/levers de rideau a été moindre que d'ordinaire et les lumières ont été rallumées très vite. Cela dit, quand Emmanuelle Haïm a rejoint les chanteurs pour saluer, Natalie Dessay et elle n'ont plus arrêté de discuter, se désintéressant totalement des saluts.
2011-01-31 00:55+0100 (Orsay) — Culture — Musique
Salle Pleyel — 2011-01-30
Los Angeles Philharmonic
Gustavo Dudamel, direction
Kelley O'Connor, mezzo-soprano
Slonimsky's Earbox (John Adams)
Symphonie nº1 Jeremiah (Bernstein)
Symphonie nº7 (Beethoven)
Les spectateurs qui sont allés ce soir Salle Pleyel comme pour aller voir une rock-star ont été comblés. Les autres apparemment un peu moins.
C'est que le chef d'orchestre tant attendu était Gustavo Dudamel, qui dirigeait le Los Angeles Philharmonic. Je ne l'avais encore jamais vu sur scène. Du coup, Klari m'a plus que très gentiment proposé d'échanger nos places respectives lors de la première partie du concert. Au lieu du dernier rang du premier balcon, je me suis retrouvé en arrière-scène.
La première pièce est une composition assez récente de John Adams, dont j'avais beaucoup aimé Harmonielehre. Il s'agissait de Slonimsky's Earbox, qui m'a bien plu. La deuxième pièce était la première symphonie Jeremiah de Bernstein, qui est beaucoup moins drôle que la précédente...
Gustavo Dudamel a dirigé cette première partie de programme sans faire le moindre excès d'effusion. Il était presque en retenue, battant assez sobrement la mesure (quoiqu'avec une baguette quelque peu flexible dont l'une des extrémités était animée d'un mouvement ondulatoire parasite).
L'entr'acte arrivant, alors que nous sommes tout près d'un célèbre quoique controversé biographe d'Hemingway, je retrouve Klari à qui je rends sa place et file au premier balcon m'installer pour la deuxième partie. La dernière œuvre programmée (hors les bis qui étaient manifestement très programmés aussi) est la septième symphonie de Beethoven que je n'avais entendue avant en concert qu'une seule fois, en juin 2005. Si les pp ont un volume sonore vraiment très faible, les ff sont loin d'atteindre l'extrême symétrique. Je ressens un très bel équilibre entre les différentes parties de l'orchestre pendant un passage du deuxième mouvement où pendant que l'on entend les instruments à vent, les cordes situées à gauche jouent arco tandis que celles de droite jouent pizz.. Le chef se fait ensuite un peu plus bouillonnant ; des grands gestes des mains de bas en haut culminent en sautillements. Le dernier mouvement est joué dans un tempo très rapide.
C'était plutôt pas mal, mais absolument pas au-dessus de la moyenne de ce qu'on entend habituellement Salle Pleyel. Pourtant, les premiers rangs du parterre se sont levés pour faire une standing ovation.
2011-01-28 02:39+0100 (Orsay) — Culture — Musique — Opéra
Opéra Garnier — 2011-01-27
Lawrence Zazzo, Giulio Cesare
Christophe Dumaux, Tolomeo
Varduhi Abrahamyan, Cornelia
Isabel Leonard, Sesto
Jane Archibald, Cleopatra
Nathan Berg, Achilla
Dominique Visse, Nireno
Aimery Lefèvre, Curio
Emmanuelle Haïm, direction musicale
Laurent Pelly, mise en scène et costumes
Chantal Thomas, décors
Agathe Mélinand, dramaturgie et collaboration à la mise en scène
Joël Adam, lumières
Alessandro Di Stefano, chef des chœurs
Chœur de l'Opéra national de Paris
Orchestre du Concert d'Astrée
Giulio Cesare, Händel
Je reviens d'une représentation de Giulio Cesare in Egitto (Händel) à l'Opéra Garnier. Ce fut particulièrement fatigant du fait de mon placement à l'amphithéâtre. Mon strapontin s'avère plus confortable que le siège voisin vacant, quoiqu'on y voie moins bien. (Place d'abonnement payée 45€, je suis sûr que je serai plus à l'aise lors des deux prochaines représentations dans des petites places à 10€, même en restant assis...)
La mise en scène est ratée. Elle est de Laurent Pelly, il y a donc quelques idées rigolotes, mais pour le reste, on a une mise en scène et des décors qui sont presque sans rapport avec l'intrigue. Cela se passe dans un musée, manifestement en Égypte. Les personnages de l'opéra investissent la réserve. Ils sont parfois encadrés ou encagés (dans une boîte en verre avec une légende écrite en arabe en-dessous). Quand ils ont besoin d'accessoires (comme un couteau), ils se servent dans le bric-à-brac. Les manutentionnaires du musée prennent parfois part à l'action. Cela ne me convainc pas terriblement. Gros point noir du côté des lumières. J'en ai rarement vu d'aussi mauvaises. Je ne dis pas qu'il n'y a pas eu parfois des images non désagréables à voir, mais pour la nième fois, quand je vais à l'opéra, j'aime que les chanteurs ne soient pas constamment dans la pénombre.
La soirée est heureusement rachetée par la musique ! Écoutant pas mal de Wagner ces jours-ci, j'ai cependant du mal à ne pas trouver qu'il y a beaucoup de répétitions, dans le texte, et dans la musique, avec cette forme de l'aria de capo. Certains airs me paraissent donc quelque peu interminables, mais c'est apparemment la loi du genre et ce n'est pas désagréable quand ce qui se fait entendre plaît à mes oreilles. La musique est interprétée par Le Concert d'Astrée dirigé par Emmanuelle Haïm qui fait ses débuts à l'Opéra. Dans le rôle de Jules César, Lawrence Zazzo que je n'avais pas revu depuis cinq ans est très bien (certains commentateurs regrettent un manque de projection ; je n'ai pour ma part ressenti aucune gêne pour l'entendre). Dans celui de Cléopatre, Jane Archibald a remplacé Natalie Dessay (elle la remplacera aussi le 29 janvier). Quelques hurluberlus l'ont huée lors des saluts alors qu'elle a fait une excellente prestation. Dans le rôle secondaire de Nireno, Dominique Visse ne chante pas beaucoup, et ne fait heureusement pas trop de pitreries, parce que c'est d'un fatigant... Christophe Dumaux s'en sort très bien dans le rôle de Tolomeo. Si Varduhi Abrahamyan est très convaincante en Cornelia (épouse de Pompée dont la tête a été offerte en cadeau à César au début de l'opéra), la révélation de la soirée vient d'Isabel Leonard dans le rôle de Sesto (le fils de Pompée).
2011-01-22 01:02+0100 (Orsay) — Culture — Musique
Église des Billettes — 2011-01-21
Benjamin Alard, clavecin
Le clavier bien tempéré, Premier livre, préludes & fugues XII, XI, XXI, XVI, I, XX, V, XV, X, XXIII, XIV, XXIV (BWV 857, 856, 866, 861, 846, 865, 850, 860, 855, 868, 859, 869), Johann Sebastian Bach.
À l'Église des Billettes, il y avait ce soir un concert de Benjamin Alard au clavecin : Le clavier bien tempéré, Premier livre (Première partie). Je ne suis pas arrivé très en avance, mais j'ai aperçu en arrivant la place la plus excentrée du deuxième étage, avec vue plongeante sur l'instrument, même sans avoir à me pencher sur la rambarde puisque les deux claviers s'encadrent plus que largement entre deux barreaux. J'ouvre le programme et suis presque tenté de redescendre le changer contre un correspondant au bon concert. Je suis en effet très surpris de voir que le premier prélude & fugue programmé n'est pas catalogué BWV 846, mais BWV 857. Je me dis, ah, il va jouer les douze premiers préludes & fugues dans le désordre. En fait, même pas, il s'agit seulement de la première moitié d'une partition arbitraire de l'ensemble des vingt-quatre préludes & fugues du premier livre (on cherchera en vain une explication dans le programme). On entendra ainsi successivement les préludes & fugues numérotés XII, XI, XXI, XVI, I, XX, V, XV, X, XXIII, XIV, XXIV.
Je ne sais pas ce qu'il faut incriminer. Les lumières insuffisantes qui projetaient la tête et les épaules de l'interprète en ombre sur la partition et le milieu des claviers ? Un instrument déficient ? Toujours est-il qu'il m'a semblé que le concert nous a fait entendre un nombre inhabituellement élevé de couacs. Les plus flagrants étaient pour moi dans le seul prélude de Bach dont je connaisse la partition vraiment par cœur, à savoir le premier (cinquième dans l'ordre du programme) : des notes à la fin de certaines mesures ont apparemment été jouées en mode silencieux.
Je ne dis pas qu'il n'y a pas eu des moments intéressants, j'ai eu une bonne première impression (m'amusant à voir ses mains parcourir les claviers comme des crabes qui se rejoignent parfois) et j'ai plutôt bien aimé son interprétation des préludes & fugues V et X. Mais, finalement, je suis déçu par ce concert et je ne suis pas trop mécontent de ne pas être disponible pour la deuxième partie (notez la publicité mensongère : le dernier prélude & fugue a déjà été joué ce soir...).
La fin du concert a produit une scène très étrange. Parfois, à la fin de certaines œuvres (comme les Passions de Bach et quelques autres), après que la dernière note s'est tue, le chef d'orchestre garde parfois les mains en l'air et le public, quand il comprend le message, maintient un silence respectueux tant que les mains restent en suspension. Je ne m'explique pas ce qui s'est passé ce soir : quand Benjamin Alard a terminé le prélude XXIV (qui est très long par rapport aux autres), il a été récompensé par un silence de mort, glacial. Je n'ose pas imaginer ce qui a pu se passer dans la tête de l'interprète à ce moment-là. Il était pourtant très-évident qu'il en avait terminé avec son programme (pas la peine d'avoir compté que douze préludes & fugues avaient passé !). Au bout d'une bonne dizaine de secondes de silence absolu, il y a de quoi hésiter entre se faire remarquer en lançant le mouvement et l'intérêt de l'expérience sociologique consistant à observer au bout de combien de temps les applaudissements vont démarrer. Je n'avais pas de chronomètre, mais je pense qu'il s'est écoulé entre trente secondes et une minute avant que quelqu'un se décide à soulager tout le monde. Quelques bravos enthousiastes.
⁂
Au retour, galère de RER B, j'ai mis un peu moins de deux heures à rentrer. Cela m'a permis de terminer ma lecture du deuxième roman de Tatiana Arfel, Des clous.
2011-01-19 00:51+0100 (Orsay) — Culture — Musique
Opéra Bastille — 2011-01-18
Philippe Jordan, direction musicale
François-Frédéric Guy, piano
Orchestre de l'Opéra national de Paris
Concerto nº2 pour piano et orchestre en si bémol majeur, op. 83, Brahms
Symphonie nº15 en la majeur, op. 141, Dimitri Chostakovitch
Je reviens du concert de l'Orchestre de l'Opéra de Paris dirigé par Philippe Jordan à Bastille. Je n'y allais évidemment pas pour le concerto pour piano nº2 de Brahms, un compositeur qui m'ennuie peut-être même encore plus que Schumann. Comme je l'avais constaté l'année dernière, ce type de concerts attire un public assez différent, plus jeune que d'ordinaire pour le lieu (s'ils reviennent ensuite, tant mieux !) ; un jeune couple se retrouvera d'ailleurs dans le même quatuor de places assises dans le RER B et je ne résisterai pas à la tentation de trancher le débat qui les animait en faveur de la demoiselle sur la question de savoir si c'était sonorisé ou non. Palpatine rencontré à la sortie s'étonnait de ce qu'on eût réussi à remplir la salle. C'est pourtant évident : les billets étaient à des prix relativement modérés.
Je n'étais pas venu pour le Brahms, mais je n'imaginais pas que ce concerto serait pour moi un tel supplice. Quelle monstruosité ! Je ne dis pas que c'était mal joué, qu'il n'y avait pas des moments où les sonorités du piano et les nuances n'étaient pas jolies, mais ce concerto semble être une très mauvaise plaisanterie tellement le niveau de virtuosité gratuite qu'il paraît exiger paraît indécent. On y trouve plein d'effets du plus mauvais goût, surtout dans les deux premiers mouvements. L'obscurité n'ayant pas été faite complètement dans la salle, ma voisine a carrément repris la lecture d'un roman. Je l'aurais presqu'encouragée. Ce que je ne cautionne pas, cependant, c'est qu'elle le rouvrît lors de la quinzième symphonie de Chostakovitch, qui elle n'est pas du tout une plaisanterie, malgré les multiples citations de l'ouverture de Guillaume Tell que l'on entend dans le premier mouvement. C'est parfois tendu, angoissant, mais formidablement beau (notamment grâce aux cuivres et aux percussions, aux solos de violoncelle, etc.), et cela se termine dans une sorte d'apaisement. On aura entendu entretemps le leitmotiv du Sort de la tétralogie de Wagner au tout début du quatrième mouvement.
2011-01-16 23:45+0100 (Orsay) — Culture — Musique
Théâtre des Champs-Élysées — 2011-01-16
Thomas Hampson, baryton
Wolfram Rieger, piano
Der Atlas, Ihr Bild, Das Fischermädchen, Die Stadt, Am Meer, Der Doppelgänger, extraits de Schwanengesang (Schubert)
Night Wanderers (Samuel Barber)
A Green Lowland of Pianos (Samuel Barber)
Solitary Hotel (Samuel Barber)
Nocturne (Samuel Barber)
Three Songs (Rain has fallen, Sleep now, I hear an army) (Samuel Barber)
Kindertotenlieder (Mahler)
J'ai rarement passé une soirée aussi pourrie lors d'un concert. D'abord, au niveau de la programmation, il y a tromperie sur la marchandise. Qu'il y ait çà et là, occasionnellement, des retouches aux programmes, des modifications dans les distributions, soit, mais qu'on remplace Winterreise par tout autre chose (avec un peu de Schubert quand même), c'est se moquer du monde.
Ensuite, il y avait à ma droite, avec heureusement un siège vacant d'isolation, un homme dont la respiration faisait un bruit invraisemblable de soufflerie (imaginer quelqu'un qui ronfle, mais éveillé). Très régulier en plus, presque synchrone avec le tic-tac d'une montre bruissant dans les environs. Quand deux spectateurs assis devant lui ont chuchoté pour se dire que c'était insupportable, il leur a carrément mis un petit coup dans les côtes.
Bref, pendant tout concert, il m'a été pratiquement impossible de me concentrer. Les extraits de Schwanengesang ne m'ont pas vraiment ébloui. L'ambiance a pas mal changé avec quelques Songs de Barber, mais en fait, il n'y a que les deux derniers des Kindertotenlieder de Mahler qui m'aient vraiment plu. Ajouter à la liste des motifs de mécontentement la manie du pianiste Wolfram Rieger de faire durer, durer interminablement la fin de chaque morceau, et une fois que la dernière corde a été frappée, la pédale enfin relâchée, laisser en suspension les mains pendant quelques secondes encore avant de passer au Lied suivant.
2011-01-16 01:28+0100 (Orsay) — Culture — Musique
Église des Billettes — 2011-01-14
Pierre Hantaï, clavecin
Pavane et galliarde en ré mineur (Orlando Gibbons)
Irish Toye (John Bull)
The Woods so wilde (William Byrd)
Doctor Bull's Goodnight, Trumpet Pavan, Regina Galliard (John Bull)
Fantasia (Giles Farnaby)
Three pieces (John Bull)
My Lady Nevell's Ground (William Byrd)
Toccata en ré mineur (Michelangelo Rossi)
Toccata en fa majeur (Girolamo Frescobaldi)
Pavana (Thomas Tomkins)
The King's Hunt (John Bull)
Quelques préludes et fugues
(Bach)
Suite anglaise nº2 en la mineur, BWV 807 (Bach)
Vendredi soir, récital de clavecin de Pierre Hantaï à l'Église des
Billettes. Le clavecin est positionné dans un angle qui doit faire que
seulement une poignée de spectateurs puissent apercevoir ses mains. Au
programme de la première partie, on trouve principalement des pièces de
compositeurs anglais datant du début du dix-septième siècle, mais aussi de
Rossi et de Frescobaldi. Je ne connaissais pas du tout ces œuvres.
L'austérité d'un récital de clavecin dans une église toute obscure ne se
fait plus sentir après quelques minutes de l'enchantement qu'est
l'interprétation du claveciniste. Après l'entr'acte, lumières éteintes,
l'interprète ne revient pas. Il devait peut-être décider en dernière minute
des Pièces à déterminer
annoncées, puisques une fois arrivé, il a
annoncé qu'il avait vu ça dans le programme et qu'il jouerait quelques
préludes et fugues de Bach. Après ceux-là, gag, il tourne les pages de son
classeur dans tous les sens. Visiblement, pas de Suite anglaise
nº2. Au bout de quelques minutes, ne le voyant pas revenir des
coulisses, je commençais à me dire qu'il y aurait un changement de
programme, mais il est bien revenu, partition en main nous l'interpréter
ainsi que de nombreux bis.
⁂
Salle Pleyel — 2011-01-15
Le Concert des Nations
Jordi Savall, direction
Manfredo Kraemer, concertino
Naïs (1748), Suite d'orchestre, Jean-Philippe Rameau
Les Indes galantes (1735), Suite d'orchestre, Jean-Philippe Rameau
Zoroastre (1749), Suite d'orchestre, Jean-Philippe Rameau
Les Boréades (1764), Suite d'orchestre, Jean-Philippe Rameau
Ce soir, salle Pleyel, avait lieu un concert intitulé L'Orchestre de
Louis XV. Le relatif volume sonore des percussions baroques et
l'absence de voix m'avaient fait choisir de prendre une place à
l'arrière-scène. Cela m'a permis de voir que la salle était très pleine
(signes distinctifs : bergeries complètes, quelques places vacantes
seulement au fond du deuxième balcon). L'ensemble orchestral est
L'Orchestre des Nations, dirigé par Jordi Savall. Quelques jeunes musiciens
suivant une formation d'interprétation de la musique ancienne ont rejoint
l'ensemble. À la fin du concert, on verra quelques gestes amicaux de
félicitations des anciens
envers les plus jeunes.
C'est que ce concert a été un ravissement. J'ai toujours aimé Rameau, mais hors opéra (Zoroastre et Platée), je n'avais entendu en concert que des pièces jouées sur clavecin seul, exception faite du Troisième concert (1741) il y a trois ans lors d'un concert Salle Gaveau où tous les interprètes avaient pour nom de famille Hantaï ou Kuijken. Au programme, il y eut les suites pour orchestre Naïs, Les Indes galantes, Zoroastre et Les Boréades. Après cela, je crois que je vais me mettre à cocher tous les concerts Rameau qui passent.
Je ne sais plus après quel morceau contenant un solo de flûte, j'ai
regardé la liste des interprètes dans le programme et me suis dit, bien
sûr ! c'est Marc Hantaï que j'aurais pourtant dû reconnaître de dos, rien
qu'à la chevelure. Juste devant moi se trouvent deux cornistes. Derrière
leurs chaises sont posées plein de tubes. Pendant presque tout le concert,
ils feront atelier montage et démontage. Entre deux manipulations, il
joueront, fort bien. Le drôle d'instrument du jour est la musette de cour,
une sorte de cornemuse que l'on entend dans les mouvements justement
intitulés Musette
. À propos des techniques de jeu, pendant les
Tambourins de Naïs, j'ai vu les second violons jouer de
leur instrument comme s'il s'agissait d'une guitare (en fait, vu la taille,
plutôt un ukulélé) ! Amusant, je pense que c'est la première fois que je
vois cette technique. La disposition des violonistes est inhabituelle
aussi, puisqu'à un moment donné, je me suis dit qu'il devait y avoir un
gros problème de synchronisation entre les seconds violons. En fait, celui
qui n'était pas synchro' avec les autres semblait jouer la partie des
premiers violons.
Ailleurs : Palpatine, Musica Sola.
2011-01-02 01:28+0100 (Orsay) — Culture — Musique — Danse — Théâtre
Théâtre des Champs-Élysées — 2011-01-01
Sylvie Guillem, Robert Lepage, Russell Maliphant, conception et interprétation
Michael Hulls, lumières
Alexander McQueen, costumes
Jean-Sébastien Côté, design sonore
Éonnagata
Étant tombé récemment sur une vidéo de Sylvie Guillem, je m'étais dit que ce serait bien d'aller la voir danser un de ces jours. C'était le bon moment puisqu'une série de représentation de Éonnagata était programmée au Théâtre des Champs-Élysées.
C'est un très beau spectacle, mais commercialement, ç'a l'air d'être un ratage monumental en dépit d'une importante campagne d'affichage publicitaire. Je n'ai jamais vu le Théâtre des Champs-Élysées aussi vide, il n'y avait par exemple presque personne au deuxième balcon. Curieusement, le parterre était presque plein : sans doute des ninjas et des invités. Les places étaient à 15€, 40€, 60€, 78€ et 95€. J'ai fait un fort bon tirage, puisque pour 15€, j'ai eu une place au premier rang de corbeille, certes excentrée, mais qui ne laissait qu'un petit angle mort au fond du côté cour, d'autant plus que j'ai pu me décaler un peu grâce aux places vides...
Les trois concepteurs du spectacle, Sylvie Guillem, Robert Lepage et Russell Maliphant en sont aussi les interprètes. Ils jouent, parlent, chantent, dansent tous les trois. L'histoire est très facile à suivre, peut-être un peu trop d'après Rosita Boisseau dans Le Monde. En effet, dès après quelques minutes, Sylvie Guillem raconte un résumé de l'histoire du chevalier d'Éon, espion travesti dont l'identité sexuelle fut plus qu'ambiguë ; il est alors aisé de reconnaître dans chaque scène le moment de la vie du chevalier auquel elle renvoie.
Dans les scènes dansées, Sylvie Guillem et Russell Maliphant paraissent plus à l'aise que Robert Lepage, qui s'en sort quand même fort bien. Un passage des plus spectaculaires se trouve au début du spectacle, qui semble représenter une leçon de clavecin qui dégénère. Les clavecins sont figurés par de simples tables en bois qui seront réutilisées à d'autres fins par la suite. Les danseurs sautent, glissent sur les tables, tournent. Dans cette scène et d'autres, Sylvie Guillem est impressionnante de fluidité et de souplesse.
Dans ce spectacle, tout tourne autour de l'ambiguité du personnage. Pour le spectateur, il y a également ambiguité sur l'interprète. Ainsi, à un moment, on croit voir paraître un homme en ombres chinoises au fond de la scène. Mais c'est Sylvie Guillem, dont le costume aura été rembourré à l'entrejambe. La mise en scène est ainsi véritablement magique. Même au plus près de la scène, on est constamment surpris par les tours qui sont faits, comme dans cette scène située vers la fin du spectacle où lorsque Russell Maliphant se regarde dans un miroir (fixé sur une table en bois), sans qu'on l'ait vue arriver, Sylvie Guillem reproduit les mouvements de son partenaire en symétrique. Cette magie se trouve aussi dans la manipulation de marionnettes géantes et dans les nombreux changements de costumes et d'accessoires qui se font derrière d'étroits rideaux noirs qui traversent la scène. Parmi les merveilleuses trouvailles de mise en scène, on compte aussi des accessoires qui changent subitement de fonction, comme lors de la scène où le chevalier fait une chute de cheval. Les lumières de Michael Hulls sont très belles aussi : souvent, ce sont elles qui créent une sorte de décor mouvant dans lequel évoluent les interprètes.
Le spectacle renvoie aussi à la culture japonaise, mais de façon plutôt modérée. Outre la géante marionnette, on verra une référence aux tambours japonais tels qu'on pouvait les voir et les entendre dans Kaguyahime.
Bref, ce me semble être un spectacle très intelligement conçu, très beau, très intelligible (il diffère en cela de Passion de Dusapin/Waltz). Il reste encore plein de places à vendre pour les six dernières représentations...
Ailleurs : Anne Deniau.
2010-12-31 23:59+0100 (Orsay) — Culture — Musique — Opéra — Danse — Lectures — Culture indienne
Cette année, sauf erreur de comptage, j'ai vu environ 107 spectacles (dont 26 à l'Opéra Garnier, 20 à l'Opéra Bastille, 14 Salle Pleyel, 10 au Théâtre des Champs-Élysées et 8 au R. K. Swamy Auditorium à Mylapore...). Sur l'ensemble, j'en ai chroniqué 77. Comme il ne serait pas très raisonnable d'augmenter encore ces nombres, à l'avenir, il faudra bien faire des choix.
Du côté des spectacles en rapport avec l'Inde, j'ai eu l'occasion de diversifier un peu les genres et les lieux. Voir des spectacles en Inde pendant de courts séjours demande un peu d'organisation et un peu de chance. Pour ce qui est du bharatanatyam, le spectacle de Srithika Kasturi Rangam vu à Chennai a été énorme choc pour moi : c'est le récital qui m'a fait comprendre que cette danse pouvait être véritablement narrative. Les nombreux autres récitals vus m'ont un peu mieux familiarisé avec le langage de cette danse. Pour ce qui est du kuchipudi, j'ai vu deux très beaux récitals cette année : Smt. Radha Prasanna à Chennai et Shantala Shivalingappa aux Abbesses. Mon dernier séjour à Kolkata m'a donné l'occasion d'entendre la jeune Gaayatri Kaundinya interpréter le Raga Maru Bihag, ma première rencontre vraiment réussie avec la musique vocale du Nord de l'Inde. À Mumbai, j'ai pu entendre Aruna Sairam dans un superbe programme de musique carnatique. Certes, j'ai aussi vu Amitabh Bachchan au TCE, mais comme ce spectacle ne m'a pas laissé un souvenir impérissable, cela ne pourra plus guère que me servir à impressionner d'éventuels Indiens qui me demanderaient si j'ai entendu parler d'Amitabh Bachchan...
Du côté de l'opéra, je retiendrai notamment les productions suivantes qui m'ont fait découvrir quelques œuvres du répertoire : Norma mise en scène par Peter Mussbach, Les Contes d'Hoffmann mis en scène par Robert Carsen, Pelléas et Mélisande à l'Opéra Comique, Don Giovanni au TCE, Eugène Onéguine à Bastille, Ariadne auf Naxos à Bastille. Cette année, j'ai également pu voir le prologue et la première journée de la Tétralogie de Wagner : Das Rheingold à Bastille, Die Walküre à Bastille. J'espère avoir le temps de mieux me préparer aux deux derniers opéras pour mieux en apprécier la musique de Wagner et la mise en scène de Günter Krämer. S'ils ne sont pas les plus intéressants qui soient dans l'absolu, deux opéras m'ont enthousiasmé parce qu'ils ont confirmé mon goût pour la voix de Natalie Dessay (La Sonnambula à Bastille, id. (deuxième)) ou éveillé mon intérêt pour celle de Joyce DiDonato (La donna del lago à Garnier, id. (suite)), une chanteuse que j'ai aussi eu l'occasion d'entendre deux fois au TCE en récital. Si je n'ai pas pu entendre Jonas Kaufmann dans Werther, j'ai beaucoup apprécié son interprétation de La Belle Meunière. Une production aux dimensions modestes m'a particulièrement enthousiasmé : Une Flûte Enchantée aux Bouffes du Nord.
Mon goût pour le ballet s'est confirmé. Parmi les moments forts de cette année, il y a eu Le spectacle de l'école de danse de l'Opéra (dans lequel j'ai particulièrement apprécié Piège de lumière de John Taras), Dorothée Gilbert dans Le Concert de Jerome Robbins, La Bayadère à Garnier, Kaguyahime à Bastille (où j'ai préféré Alice Renavand à Agnès Letestu dans le rôle de la princesse), Le défilé du ballet et Roland Petit à Garnier (Nicolas Le Riche dans Le Jeune Homme et la Mort, la musique de Dutilleux dans Le Loup, Isabelle Ciaravola dans Le Rendez-Vous), Parzival à Garnier (où j'ai découvert Harmonielehre de John Adams), Le Lac des cygnes à Bastille et enfin Le Sacre du Printemps à Garnier.
Pour ce qui est de mes lectures, les bilans sont sur le Biblioblog. Cette année, contrairement à l'année dernière, je n'ai lu que 62 livres. Il faut dire que depuis un peu plus de six mois, cette activité est concurrencée par un début d'apprentissage du piano, qui avance tout doucement...
2010-12-23 01:11+0100 (Orsay) — Culture — Musique — Opéra
Amphithéâtre de l'Opéra Bastille — 2010-12-22
Jeff Cohen, direction des études musicales
Irène Bonnaud, mise en scène
Claire Le Gal, scénographie
Nathalie Prats, costumes
Daniel Lévy, lumières
Jean-Marie Piquemal, chorégraphie
Sophie-Aude Picon, assistante à la mise en scène
Olivia Doray, Rose Maurrant, Une Lycéenne
Ilona Krzywicka, Mrs Maurrant
Zoe Nicolaidou, Mae Jones, Une Lycéenne, La Première Nurse
Chenxing Yuan, Mrs Fiorentino
Marianne Crebassa, Mrs Olsen
Carol García, Jenny Hildebrand
Letitia Singleton, Mrs Jones, La Seconde Nurse
Manuel Muñez Camelino, Abraham Kaplan, Lippo Fiorentino
Cyrille Dubois, Sam Kaplan, Daniel Buchanan
Alexandre Duhamel, Mr Olsen
Michal Partyka, Henry Davis
Damien Pass, Mr Maurrant, Dick McCann
Florian Sempey, Harry Easter, Mr Jones
Chloé Ghisalberti, Alphonse Cemin, piano
Lorenzo Di Toro, Ygo Mahieux, pianistes-chefs de chant
Songs from Street Scene: An American Opera, Kurt Weill
Aujourd'hui, c'était seulement la deuxième fois que j'allais à l'amphithéâtre Bastille. Je ne me souvenais même plus comment on y accédait. À peu près au même moment, les retardataires de la représentation d'Ariadne auf Naxos arrivaient (et certain se mit encore plus en retard en se trompant de file...). En fait, c'était tout simple, on y descend par le hall où j'ai le temps de dire bonjour à d'autres qui vont au même spectacle que moi. Je n'aurais probablement pas sélectionné ce spectacle si la place ne m'avait pas été proposée gratuitement comme dédommagement pour une place de spectacle qui m'avait déjà été remboursée (la représentation des Noces de Figaro qui se fit sans décors et pour laquelle j'avais craint de ne pas trouver de RER à l'heure du retour, du fait des grèves d'alors). Ce n'est que la cinquième fois que je vais à l'Opéra en quatre jours (voir ici, là, sans oublier une séance de rattrapage de Balanchine/Brown/Bausch avec notamment Jérémie Bélingard en Apollon et Alice Renavand en Élue).
Le programme a de quoi faire un peu peur a priori puisqu'il s'agit d'un opéra de Kurt Weill, un compositeur de la première moitié du vingtième siècle, dont je connaissais l'existence, mais auquel je n'avais jamais été confronté en concert. Si c'est parfois un peu dissonnant, c'est en fait très accessible. J'ignore si on a eu l'opéra en entier ou seulement des extraits, le titre du spectacle étant Songs from Street Scene: An American Opera. Cela se passe à New York, dans un immeuble d'un quartier pauvre. Commérages, amourettes, rêveries, pauvreté, alcoolisme, violence, on trouve un peu de tout (il y a même une référence au communisme, pas franchement bienvenu aux États-Unis d'Amérique). Les scènes se suivent, mais l'ensemble est très cohérent, avec en fil conducteur la relation entre Sam (Cyrille Dubois) et Rose (Olivia Doray). Sam va peut-être s'en sortir grâce aux études, Rose est confrontée à des parents qui se déchirent, Mrs Maurrant (Ilona Krzywicka) et Mr Maurrant (Damien Pass). Cela se termine en crime passionnel. L'histoire commence un soir et se finit le lendemain matin. Au cours de la nuit, un accouchement aura aussi eu lieu dans l'immeuble et une famille sera expulsée.
C'était un fort beau spectacle (cette représentation était la quatrième et dernière). Le décor est une estrade en bois qui se termine par le mur de l'immeuble (en bois et les détails, comme l'entrée, sont tracés en blanc à la craie) auquel conduisent quelques marches et dont dépassent deux balcons. Les chanteurs sont jeunes, pour la plupart en cours de formation à l'atelier lyrique de l'Opéra. Non seulement ils chantent bien et jouent leurs rôles de manière convaincante dans cette mise en scène d'Irène Bonnaud, mais ils dansent aussi parfois sur une chorégraphie de Jean-Marc Piquemal. La voix parlée est aussi travaillée dans les dialogues (en français) qui ont été manifestement un peu adaptés (le rôle d'une étrangère étant interprété par Chenxing Yuan, on a ajouté un peu de chinois !).
Bien que je ne sois pas arrivé parmi les premiers et malgré le placement libre, j'ai trouvé à m'installer légèrement de côté, au premier rang ! Un coup d'œil à gauche et je pouvais voir la chef de chant Chloé Ghisalberti interpréter la musique au piano, à quatre mains avec Alphonse Cemin pendant certains morceaux. J'ai été impressionné la diversité des différents morceaux qui composent ce spectacle et par la faculté de la pianiste à les rendre. C'est très américain. À un moment, je crois reconnaître dans la musique une référence à Summertime.
Bien sûr, ce n'est pas aussi bouleversant qu'une excellente
représentation d'opéra grandeur nature
, mais cela fait quand même
bien plaisir de voir ces jeunes chanteurs communiquer leur enthousiasme au
public.
2010-12-21 01:42+0100 (Orsay) — Culture — Musique — Opéra
Opéra Bastille — 2010-12-20
Franz Mazura, Der Haushofmeister
Martin Gantner, Ein Musiklehrer
Sophie Koch, Der Komponist
Stefan Vinke, Der Tenor (Bacchus)
Xavier Mas, Ein Tanzmeister
Vladimir Kapshuk, Ein Perückenmacher
Vincent Delhoume, Ein Offizier
Yuri Kissin, Ein Lakai
Jane Archibald, Zerbinetta
Ricarda Merbeth, Primadonna (Ariadne)
Elena Tsallagova, Najade
Diana Axentii, Dryade
Yun Jung Choi, Echo
Edwin Crossley-Mercer, Harlekin
François Piolino, Scaramuccio
François Lis, Truffaldino
Michael Laurenz, Brighella
Orchestre de l'Opéra national de Paris
Philippe Jordan, direction musicale
Laurent Pelly, mise en scène et costumes
Michel Jankeliowitch, réalisation de la mise en scène
Chantal Thomas, décors
Joël Adam, lumières
Agathe Mélinand, dramaturgie et collaboration à la mise en scène
Franziska Roth, responsable des études musicales
Ariadne auf Naxos, Richard Strauss
Si j'avais passé un bon moment pendant la première représentation de la série, c'était très peu en comparaison de la représentation d'Ariadne auf Naxos d'hier soir. Ce n'est pas ça qui va faire baisser le niveau de mon addiction pour l'opéra.
Si j'avais eu quelques moments de fatigue la première fois, cette
fois-ci j'étais concentré tout du long. Quelle musique merveilleuse, c'est
un enchantement absolu du début à la fin. Je n'ai rien à redire sur le
prologue dans lequel Sophie Koch était formidable. Le début de l'opéra
proprement dit m'a plu encore davantage. Le chœur
de Nayade, Dryade
et de l'Écho fonctionne très bien. Cela ne m'avait pas frappé la première
fois, mais quel beau rôle que celui de l'Écho (Yun Jung Choi) qui reprend
souvent des mélodies en vocalises. Ce n'était pas visible depuis ma place
impaire, mais cette fois-ci, depuis le côté pair, j'ai pu voir l'Écho dans
un coin en train de tricoter de la laine ! Plus loin, l'air de Zerbinetta
(Jane Archibald) m'a semblé encore mieux assuré que lors de la première ;
je ne l'avais pas remarqué la première fois, mais on la voit à un moment
sortir de la scène pour draguer un des personnages du prologue. Les
tousseurs sont toujours aussi pénibles, mais je ne sais par quel mystère je
ne les ai plus du tout entendus à partir du milieu de l'opéra, je devais
être complètement sous l'empire de la remarquable tragédienne qu'est
Ricarda Merbeth (Ariane).
Ma seule crainte venait de la prestation de Stefan Vinke dans le rôle de Bacchus. Il me semble que cela n'a pas été parfait, mais qu'est-ce que cela a été mieux que le soir de la première ! La mise en scène du personnage a un air un peu vieillot (je plante mes pieds, je brandis un bras, je chante fort), mais c'est sans doute fait exprès. L'équilibre entre les voix de Bacchus et d'Ariane était excellent dans le final, un sommet musico-émotionnel. Dans cette mise en scène, Ariane finit seule ; ce Bacchus n'était qu'une illusion...
L'orchestre est sagement resté dans la fosse pendant les applaudissements finaux et a même applaudi son chef Philippe Jordan. Cela fait plaisir de voir qu'il y a aurait une certaine entente entre les uns et les autres.
2010-12-21 01:07+0100 (Orsay) — Culture — Musique — Danse
Opéra Garnier — 2010-12-19
Élisabeth Platel, introduction
Bernard Boucher, professeur
Michèle Mérou, pianiste
Troisième division garçons
Fabienne Cerutti, professeur
Claire Djourado, pianiste
Troisième division filles
Éric Camillo, professeur
Michel Myron Mytrowytch, pianiste
Deuxième division garçons
Francesca Zumbo, professeur
Ellina Akimova, pianiste
Deuxième division filles
Jacques Namont, professeur
Richard Davis, pianiste
Première division garçons
Carole Arbo, professeur
Laurent Choukroun, pianiste
Première division filles
Roxana Barbacaru, professeur
Isabelle Van Brabant, pianiste
Troisièmes divisions filles et garçons
danse de caractère
Bernard Boucher, professeur
Ellina Akimova, pianiste
Premières divisions filles et garçons
adage
Démonstrations de l'École de danse de l'Opéra.
J'ai passé toute ma journée de dimanche à l'Opéra Garnier pour assister aux démonstrations de l'école de danse de l'Opéra. L'année dernière, je n'avais assisté qu'à une après-midi, lors de laquelle seuls les plus grands dansaient. Je n'ai pas grand'chose à ajouter à ce que j'avais déjà dit alors.
La différence, cette année, c'est que j'ai dû me lever à une heure
invraisemblable pour arriver à l'heure avec une marge suffisante pour
éviter d'éventuels problèmes de RER (c'est qu'il neige beaucoup). Au lieu
d'arriver en retard, je suis arrivé en avance. L'accès à la salle n'était
même pas encore ouvert ! Cette année, un programme de l'école de
danse
est vendu (15€). Il s'agit d'un très beau document (format A4,
cela rentre tout juste sur l'étagère qui contient mes autres programmes du
Ballet de l'Opéra) où on insiste sur les différents aspects de la formation
des élèves, leur complémentarité et qui contient aussi de très belles
photographies, dont certaines sont issues du spectacle de
l'école de danse de l'année dernière (avec notamment Amélie Joannidès
et Juntaro Coste dans Suite de danses de Clustine et une image
saisissante de Piège de lumière de Taras en double-page).
L'autre différence par rapport à l'année dernière, c'est qu'au lieu
d'être placé aux quatrièmes loges de façon très excentrée, je suis à la
baignoire 14, place 3 (à la même place le matin et l'après-midi !). Alors
que les élèves des troisièmes divisions me semblaient minuscules l'an
passé, vus d'en bas, je trouve grands même les plus petits ! Les classes
passent les unes après les autres garçons puis filles en commençant par les
plus jeunes, le matin de la sixième division jusqu'à la quatrième et
l'après-midi de la troisième à la première. L'accompagnement musical est
assuré par les pianistes de l'école auquels, conformément au cliché, les
professeurs demandent parfois d'aller un peu moins vite. Certains d'entre
eux démarrent avant même d'avoir été sollicités par le professeur, d'autres
doivent se faire attendre : (silence) Monsieur Machin... (silence)
patapatapa patapa...
. Les professeurs auront à chaque fois présenté
rapidement l'exercice, le type de difficulté qu'il contient. On nage en
plein vocabulaire technique : Faites attention à vos cinquièmes, soignez
bien vos secondes.
. À la fin de la journée, quelques positions étaient
rentrées dans ma tête, mais je pense que je les aies déjà oubliées. En tant
que professeur da la quatrième division garçons tout comme étoile invité,
Wilfried Romoli a la classe. Il insiste pour qu'on entende le pied des
garçons frotter le sol lors des pas qu'il leur demande de faire (alors que
l'après-midi, un autre professeur demandera que les réceptions de sauts
soient aussi silencieuses que possible).
Après un premier passage, les élèves reviennent dans d'autres
configurations afin de présenter d'autres enseignements. Marie Blaise vient
avec son accordéon montrer des danses folkloriques. Les deuxièmes divisions
filles et garçons viennent ensuite montrer des pas de danse contemporaine
(je n'ai pas saisi le nom du chorégraphe dont il était question) ; très
impressionnant, la danse contemporaine, ce n'est pas une plaisanterie.
Vient ensuite un enseignement sans musique : le mime. Les enfants ont
présenté, et apparemment improvisé un peu, à partir d'une situation où des
pêcheurs s'en vont pêcher (les filles représentant l'onde) alors que des
méchants chasseurs viennent les prendre pour des lapins. Vient ensuite la
danse de caractère avant que la matinée se termine avec l'enseignement de
Scott Alan Prouty (annoncé de façon pas très British par la
professeure précédente). Cela s'appelle expression musicale
. Cela
ressemble beaucoup à ce qu'il fait avec le chœur Sotto Voce. Les enfants se
mettent en scène, chantent, bougent les bras. C'est assez
rafraîchissant.
J'ai une petite heure et demie pour déjeuner. Cela et le fait qu'il y a de la gadoue me décide à renoncer à aller jusques à un restaurant japonais de la rue Sainte-Anne. Je ne vais pas plus loin que le Boulevard des Capucines/Italiens où après avoir trouvé quelques portes closes, je trouve un très bon restaurant indien.
⁂
Opéra Garnier — 2010-12-19
Élisabeth Platel, introduction
Bertrand Barena, professeur
Tristan Lofficial, pianiste
Sixième division garçons
Véronique Doisneau, professeur
Yuko Tsuchiya, pianiste
Sixième division filles
Marc Du Bouaÿs, professeur
Tadeusz Gieysztor, pianiste
Cinquième division garçons
Marie-José Redont, professeur
Isabelle Van Brabant, pianiste
Cinquième division filles
Wilfried Romoli, professeur
Masako Shimura, pianiste
Quatrième division garçons
Fanny Gaïda, professeur
Anna Simon, pianiste
Quatrième division filles
Marie Blaise, professeur et accordéoniste
Sixièmes divisions filles et garçons, et
stagiaires 1 an folklore
Claire Baulieu, professeur
Tristan Lofficial, pianiste
Deuxièmes divisions filles et garçons
contemporain
Yasmine Piletta, professeur
Cinquièmes divisions filles et garçons
mime
Isabelle Herouard, professeur
Michel Myron Mytrowytch, pianiste
Quatrièmes divisions filles et garçons
danse de caractère
Scott Alan Prouty, professeur
Tristan Lofficial, pianiste
Sixièmes et cinquièmes divisions filles et garçons
expression musicale
Démonstrations de l'École de danse de l'Opéra.
C'est maintenant au tour des grands. Je n'arrive plus très bien à
distinguer les classes rétrospectivement. Si on observe parfois quelques
déséquilibres, quelques problèmes de synchronisation, l'ensemble est
globalement très bien assuré. Les filles montrent des pirouettes, des
pointes, des fouettés (spectaculaires !). Les garçons sautent, tournent sur
eux-mêmes, retombent en arabesque, etc. Le passage de la première division
garçon était éblouissant. Après un peu de danse de caractère
avec
les troisièmes divisions, les premières divisions filles et garçons
reviennent ensemble pour la classe d'adage
. Cela fait moins
bouquet final
que la fin du programme du matin, mais c'est fort beau
à voir. L'après-midi, les professeurs ont beaucoup insisté sur
l'artistique
. Ici, les couples de danseurs se succèdent dans des pas
de deux (dont un sera présenté simultanément en miroir par deux couples). À
la fin, tout le monde vient saluer, y compris celle que les professeurs
appellent Mademoiselle Platel
. La révérence était d'ailleurs un
exercice qui venait clore chacun des passages (ce qui montre que cela n'a
rien d'évident !).
Musicalement, cela avait pourtant bien commencé avec du Bach (Premier prélude du Clavier bien tempéré), mais cela a vite dégénéré avec du Chopin et même du Schumann... Cela dit, dans le Schumann, ce n'était pas le pire puisqu'il y a notamment eu des extraits d'une pièce de circonstance : Kinderszenen.
2010-12-13 20:41+0100 (Oberwolfach) — Culture — Musique — Opéra
Opéra Bastille — 2010-12-11
Franz Mazura, Der Haushofmeister
Martin Gantner, Ein Musiklehrer
Sophie Koch, Der Komponist
Stefan Vinke, Der Tenor (Bacchus)
Xavier Mas, Ein Tanzmeister
Vladimir Kapshuk, Ein Perückenmacher
Vincent Delhoume, Ein Offizier
Yuri Kissin, Ein Lakai
Jane Archibald, Zerbinetta
Ricarda Merbeth, Primadonna (Ariadne)
Elena Tsallagova, Najade
Diana Axentii, Dryade
Yun Jung Choi, Echo
Edwin Crossley-Mercer, Harlekin
François Piolino, Scaramuccio
François Lis, Truffaldino
Michael Laurenz, Brighella
Orchestre de l'Opéra national de Paris
Philippe Jordan, direction musicale
Laurent Pelly, mise en scène et costumes
Michel Jankeliowitch, réalisation de la mise en scène
Chantal Thomas, décors
Joël Adam, lumières
Agathe Mélinand, dramaturgie et collaboration à la mise en scène
Franziska Roth, responsable des études musicales
Ariadne auf Naxos, Richard Strauss
J'étais avant hier soir à la première représentation de la reprise d'Ariadne auf Naxos à l'Opéra Bastille. Je connaissais l'histoire d'Ariane à Naxos (pour avoir lu récemment une traduction d'un extrait des Noces de Thétis et de Pélée de Catulle), mais je découvrais la structure de l'opéra le soir même.
Au cours de cet opéra, trois grandes chanteuses vont s'illustrer. Dans le prologue, Sophie Koch va jouer le rôle du Komponist qui a composé un opéra Ariadne auf Naxos tout spécialement pour les festivités organisées par l'homme le plus riche de Vienne. On voit passer la prima donna, mais on découvre aussi Zerbinetta qui a aussi été invitée à jouer son propre rôle pour un baisser-de-rideau qui racontera ses amours multiples. Le compositeur est horrifié que son art jouxte de telles niaiseries. À la fin du prologue, dans un coup de théâtre, le majordome annonce que le comte a décidé un changement de programme : la pièce bouffone ne sera jouée ni avant ni après l'opéra, mais en même temps. Consternation, mais il faut bien obéir au maître. Des tensions naissent : ni le ténor qui chante Bacchus ni la prima donna qui chante le rôle d'Ariane ne veulent voir les airs coupés.
Après l'entr'acte, le rideau se lève sur un décor qui pourrait être le
décor précédent en cours de construction (ou de destruction). Deux
chanteuses vont s'illustrer de fort belles façons, opposées autant sur la
forme que sur le fond. Ariane est la femme d'un seul homme, Thésée, qui l'a
abandonnée sur l'île. Elle se lamente sur son sort ; Naïade, Dryade et
l'Echo ne peuvent que le constater. Zerbinetta débarque en bikini et paréo,
accompagnée de quatre galants. Ils essayent d'attirer l'attention d'Ariane,
mais celle-ci est ailleurs. Elles ne peuvent de toute façon pas se
comprendre, Zerbinetta changeant sans cesse d'homme (quoiqu'elle admette en
avoir parfois deux en même temps). Les vocalises de Jane Archibald dans ce
rôle sont très spectaculaires. Dans le rôle beaucoup plus dramatique
d'Ariane, Ricarda Merbeth est également éblouissante. Son air Es gibt
ein Reich contient déjà un bon nombre de passages musicaux qui
reviennent au cours de l'opéra, dont la musique n'est pas sans rappeler
parfois Salomé. L'orchestre que dirige Philippe Jordan est très
réduit et l'orchestration distingue nettement les passages dramatiques et
ceux bouffe
de Zerbinetta et ses quatre compagnons (notamment par
l'utilisation des instruments à clavier).
La mise en scène n'est pas inintéressante, mais ce n'est pas ma préférée parmi celles de Laurent Pelly (dont j'avais adoré la mise en scène du Roi malgré lui). Les lumières de Joël Adam, elles sont très belles (ce qui compense avec le décor en parpaings).
Le grand drame de cette représentation d'opéra a été la prestation de
Stefan Vinke dans le rôle de Bacchus (et au premier acte celui du ténor).
Bien que je découvrisse l'opéra en direct, il m'a semblé qu'il y avait un
problème et jamais cela ne m'avait semblé aussi flagrant lors d'une
représentation d'opéra. Cependant, il y a eu quelques passages où il était
tout sauf ridicule, espérons que cela s'améliorera lors des prochaines
représentations (je vais y retourner deux fois...). Pour reprendre le fil
de cette Ariane..., Bacchus débarque après avoir fui Circé. Ariane
le prend pour Thésée ou pour la mort. Elle accepte son étreinte et s'en
retrouve métamorphosée, comme soulagée. Enfin, Zerbinetta revient pour
rappeller ce qu'elle avait déjà dit : Lorsqu'un nouveau dieu arrive,
nous nous abandonnons sans un mot !
.
Malgré le problème avec l'interprète du ténor (et aussi un peu avec le Tanzmeister), j'ai apprécié ce spectacle. L'idée de faire coexister deux types de personnages de mondes opposés est assez amusante. Je ne trouve cependant pas que ce soit le chef d'œuvre absolu comme je l'ai lu dans les textes très-enthousiastes du programme. L'intrigue de la partie mythologique est vraiment très réduite et l'intervention de Zerbinetta est faite dans une unique élan. Après son premier passage (mais quel passage !), la mise en scène nous la montre en train de conduire le minibus pour sortir du décor (et ne plus revenir qu'à la toute fin). Cependant, au cours de la soirée, on aura été rassasié par les performances de trois chanteuses dans des styles très différents, ce qui est en soi assez exceptionnel. Dans le prologue, on pouvait également apprécier d'autres personnages, comme celui, parlé, du majordome (Franz Mazura), ou celui du Musiklehrer (Martin Gantner). Très belles prestations aussi des trois chanteuses jouant les rôles de Najade (Elena Tsallagova), Dryade (Diana Axentii) et de l'Echo (Yun Jung Choi).
Le volume sonore peu imposant et la beauté de la musique faisaient que
la présence de tousseurs dans la salle était particulièrement pénible, tout
comme l'individu (probablement unique) qui a crié Bouh !
à la toute
fin juste avant la première salve d'applaudissements.
2010-12-11 15:58+0100 (Orsay) — Culture — Musique — Danse
Opéra Garnier — 2010-12-10
Vello Pähn, direction musicale
Orchestre de l'Opéra national de Paris
Ballet de l'Opéra
Igor Stravinski, musique (Apollon musagète)
George Balanchine, chorégraphie (1928)
Mathieu Ganio, Apollon
Émilie Cozette, Terpsichore
Ève Grinsztajn, Calliope
Nolwenn Daniel, Polymnie
Apollon
Laurie Anderson, musique (enregistrée)
Trisha Brown, chorégraphie
Vija Celmins, décor (Night Sky #18, 1999)
Elisabeth Cannon, costumes
Jennifer Tipton, lumières
Neal Beasley, Carolyn Lucas, assistants de la chorégraphe
Clairemarie Osta, Nicolas Le Riche, Josua Hoffalt
O złożony / O composite
Igor Stravinski, musique
Pina Bausch, chorégraphie
Rolf Borzik, scénographie, costumes et lumières
Dominique Mercy, Mariko Aoyama, Josephine-Ann Endicot, Kenji Takagi, répétitions
Miteki Kudo, L'Élue
Wilfried Romoli, étoile invitée
Eleonora Abbagnato, Stéphanie Romberg, Muriel Zusperreguy, Amandine Albisson, Caroline Bance, Aurélia Bellet, Christelle Granier, Laurence Laffon, Laure Murret, Alice Renavand, Séverine Westermann, Géraldine Wiart, Amélie Lamoureux, Charlote Ranson, Caroline Robert
Alessio Carbone, Vincent Chaillet, Josua Hoffalt, Bruno Bouché, Aurélien Houette, Alexis Renaud, Simon Valastro, Pascal Aubin, Matthieu Botto, Adrien Couvez, Daniel Stokes, Alexandre Carniato, Alexandre Gasse, Samuel Murez, Francesco Vantaggio
Le Sacre du Printemps
Hier avait lieu la première du spectracle Balanchine/Brown/Bausch. L'espace disponible à Garnier est plus restreint que d'habitude et beaucoup de gens s'affairent : des tables n'ont pas encore fini d'être dressées et décorées pour un souper post-représentation.
L'ouvreuse qui m'ouvre ma troisième loge pas mal excentrée est assez distraite : elle m'ouvre la loge 6 alors que j'étais à la loge 8 puis m'indique la place 2 alors que j'avais la place 1... Depuis ma place, je vois que les deux places centrales du premier rang du balcon sont occupées (il arrive assez souvent qu'elles soient vides), en l'occurrence s'y trouve un ancien premier ministre balletomane dont la presse a récemment parlé de problèmes de gestion de son argent liquide.
La première pièce est de Balanchine : Apollon. Apollon (Mathieu Ganio) et les trois muses Terpsichore (Émilie Cozette), Calliope (Ève Grinsztajn) et Polymnie (Nolwenn Daniel). Ils sont tous en blanc, l'espace scénique est essentiellement vide (fond bleu). Chaque muse est munie d'un attribut qui caractérise son art : une lyre, une feuille de papier, un masque. C'est mignon comme tout, mais pas de quoi m'enthousiasmer. L'orchestre de l'Opéra est uniquement constitué de cordes (la violoniste qui était dans la lune pendant La Fiancée vendue était plus concentrée !). À l'aveugle, je ne pense pas que j'aurais deviné que la musique était de Stravinsky. S'il y a quelques passages qui font penser à lui, il y en a aussi un certain nombre qui font presque penser à la musique baroque. Le contraste avec la dernière pièce au programme sera très important.
La deuxième pièce O złożony / O composite est sur une musique enregistrée de Laurie Anderson. Trois danseurs occupent l'espace dont le fond est étoilé : Clairemarie Osta, Nicolas Le Riche, Josua Hoffalt. Honnêtement, je ne comprends rien, mais c'est très beau. Chaleureusement applaudissements pour la chorégraphe Trisha Brown qui vient saluer.
Pendant l'entr'acte, quelques hommes procèdent à des travaux de terrassement pour répartir de la terre sur le grand rectangle que constitue l'espace scénique. Vu l'effort physique que cela représente, je me dis que ce serait bien de les applaudir ; le mouvement sera opportunément lancé au bon moment. L'orchestre reprend place. Les nombreuses places qui étaient vides lors de la première pièce se remplissent avec des instruments à vent. Le noir est fait. On aperçoit une danseuse (Alice Renavand il me semble) se positionner, couchée sur une robe rouge. La musique commence, très douce au début par un thème joué par le basson, puis au bout d'environ trois minutes, on entre dans le vif du sujet avec des rythmes fous, entêtants. Les danseuses et les danseurs dansent en groupe de façon soit synchronisée soit de façon apparemment désordonnée. La robe rouge passe de main en main. Des conciliabules ont lieu entre les femmes. Chacune prend la robe rouge et se dirige vers le mâle dominant (Wilfried Romoli), puis renonce. Il y a presqu'un vrai suspense sur la question de savoir laquelle sera sacrifiée. Dans la petite feuille donnant la distribution, le nom des danseuses sont données à la suite, indistinctement. Il fallait avoir regardé sur le site Internet de l'Opéra pour savoir qui serait l'Élue ce soir. Parmi celles qui ont pris en main la robe rouge, on veut ainsi notamment Eleonora Abbagnato, Alice Renavand et Géraldine Wiart qui joueront aussi le rôle de l'Élue lors des représentations suivantes. Finalement, c'est bien Miteki Kudo qui s'empare de cette robe et l'enfile. Un rituel très érotique et violent met en scène des couples de danseurs. L'Élue terrifiée est traînée sur la terre, puis va danser jusqu'à la mort. Pendant ce Sacre du Printemps de Pina Bausch, on est scotché du début à la fin, la tension monte rapidement et se relâche très brutalement à la fin !
2010-12-08 01:50+0100 (Orsay) — Culture — Musique — Opéra — Danse
Opéra Garnier — 2010-12-08
Oleg Bryjak, Krušina
Isabelle Vernet, Ludmilla
Inva Mula, Mařenka
Michael Druiett, Mícha
Marie-Thérèse Keller, Háta
Andreas Conrad, Vašek
Piotr Beczala, Jeník
Jean-Philippe Lafont, Kecal
Heinz Zednik, Le Maître de manège
Valérie Condoluci, Esmeralda
Ugo Rabec, L'Indien
Gilbert Deflo, mise en scène
William Orlandi, décors et costumes
Roberto Venturi, lumières
Micha Van Hoecke, chorégraphie
Guy De Bock, réalisation de la chorégraphie
Alessandro Di Stefano, chef de chœur
Constantin Trinks, direction musicale
Orchestre et Chœur de l'Opéra national de Paris
La Fiancée vendue, Smetana
Je ne sors pas franchement enchanté de la deuxième représentation de La Fiancée vendue de Smetana (apparemment le premier opéra en langue tchèque). L'histoire est mignonne. Mařenka (Inva Mula) et Jeník (Piotr Beczala) s'aiment, mais les parents de Mařenka ont accepté de la donner en mariage arrangé à l'idiot Vašek (Andreas Conrad), fils de Mícha (Michael Druiett). C'est Kecal (Jean-Philippe Lafont) qui s'occupe des négociations pour le compte de la mère de Vašek, Háta (Marie-Thérèse Keller). Il faut convaincre Jeník de renoncer à Mařenka. Contre de l'argent, il accepte de signer un papier comme quoi il laisse Mařenka au fils de Mícha. C'est une ruse, parce qu'il est rigoureusement exact qu'il est le fils de Mícha : il a été chassé de la maison par Háta quand elle a épousé Mícha devenu veuf. Tout se termine bien. Cependant, la pauvre Mařenka a longtemps cru qu'elle avait été trahie, vendue par Jeník. On a aussi beaucoup ri au dépens de Vašek, qui s'est aussi ridiculisé en se faisant embobiner par une Esmeralda (Valérie Condoluci) pour jouer le rôle d'un ours dans un cirque, dans lequel on trouve aussi un faux amérindien (Ugo Rabec) et un directeur qui parle trop (Heinz Zednik).
La musique est belle, très rythmée. Depuis ma troisième loge excentrée, j'avais une vue plongeante sur l'orchestre. Je ne pouvais donc pas ignorer qu'une des violonistes était sur une autre planète pendant l'ouverture, complètement décalée (coups d'archets pas très synchro ni dans le même sens que les voisins), manifestant toujours de la surprise quand elle voyait les autres violonistes se préparer à se remettre à jouer ; et elle en riait avec sa voisine !
Si le décor (unique) et le rideau de scène faits dans un style naïf coloré sont mignons, si les mouvements du chœur sont bien maîtrisés et les danses rigolotes (les chorégraphies de Micha Van Hoecke ont une grande importance dans ce spectacle), je reste déçu par la mise en scène de Gilbert Deflo (qui avait déjà sévi dans Un bal masqué et dans Luisa Miller) dans cette production, reprise de l'ère Mortier (dans le programme, on a gardé la mise en page d'origine, mauvaise odeur du nouveau papier en plus). Dans la première partie (deux premiers actes), c'est particulièrement frappant. Malgré une sincérité évidente, les gestes des chanteurs sont souvent hésitants, maladroits. Quand ils chantent, ils restent debouts, immobiles. Tout repose sur charisme et le jeu un rien exagéré d'Inva Mula (chanteuse fétiche du nouveau directeur : en deux ans, c'est le quatrième opéra dans lequel je la vois à l'Opéra après Mireille, La Bohème et Les Contes d'Hoffmann, j'en ai peut-être raté). Cela s'appuie aussi sur le personnage de Kecal, mais si les grimaces et la présence scénique y sont manifestes, je suis moins convaincu par la voix de Jean-Philippe Lafont. À cette exception près, j'ai aimé les prestations vocales de la plupart des autres chanteurs, tout particulièrement Inva Mula, Piotr Beczala et Andreas Conrad pour les rôles principaux, mais aussi Marie-Thérèse Keller et Valérie Condoluci pour les autres.
Un des plus beaux numéros musicaux de l'opéra intervient au troisième acte quand Kecal et les parents de Mařenka et de Vašek annoncent à Mařenka qu'elle a été trahie par Jeník. Il se trouve là un chœur a cappella de toute beauté, tout comme la scène de désespoir subséquente de Mařenka.
Bref, c'est un spectacle un peu paradoxal, avec pas mal d'aspects enthousiasmants (au point qu'une partie du public va pousser des cris lors des saluts) mais aussi un désagréable arrière goût du fait de la mise en scène.
2010-12-04 18:55+0100 (Orsay) — Culture — Musique — Opéra — Danse
Opéra Comique — 2010-12-04
André Morsch, Cadmus
Claire Lefilliâtre, Hermione
Arnaud Marzorati, Arbas, Pan
Jean-François Lombard, Nourrice, Dieu champêtre
Isabelle Druet, Charite, Mélisse
Arnaud Richard, Draco, Mars
Camille Paul, Amour, Palès
Geoffroy Buffière, Le Grand Sacrificateur, Jupiter
David Ghilardi, Le Soleil, Premier Prince Tirien
Romain Champion, Premier Africain, Envie
Vincent Vantyghem, Second Prince Tirien
Luanda Siqueira, Junon, Aglante
Eugénie Warnier, Pallas
Tarik Bousselma, Second Africain
Jeroen Bredewold, Échion
Eugénie Lefebvre, L'Hymen
Catherine Padaut, Vénus
Le Poème Harmonique, Danseurs, chœur et orchestre
Vincent Dumestre, direction musicale
Benjamin Lazar, mise en scène
Gudrun Skamletz, chorégraphie
Louise Moaty, collaboration à la mise en scène
Adeline Caron, scénographie
Alain Blanchot, costumes
Christophe Naillet, lumières
Mathilde Benmoussa, maquillage
Antoine Fontaine, réalisation des toiles peintes
Daniel Bargier, chef de chœur
Cadmus et Hermione, Jean-Baptiste Lully
Cette année, je vais très peu fréquenter l'Opéra Comique à cause de l'opacité de leur système de réservation. Comme leur site Internet s'était débloqué au bout de quelques semaines, j'avais quand même réussi à réserver une ou deux places de plus. Je ne sais pas comment cela se fait, mais pour 40€, je tombe presque tout le temps sur un troisième rang de premières loges de face (18.5), ce qui est presqu'idéal si les têtes de devant ne sont pas trop hautes, ce qui était le cas hier soir lors d'une représentation de Cadmus et Hermione de Lully, le premier opéra de l'histoire de la musique française.
Depuis ma place, j'ai une vue frontale sur la scène et peut
voir les écrans latéraux où parait le texte de Quinault, qui, nous dit le
programme, a pas mal modifié le mythe raconté par Ovide. Sur ces écrans,
l'orthographe est moderne. La prononciation, elle, ne l'est pas ! Les
s
, x
ou z
finaux sont prononcés, tout comme certains
ent
finaux qui d'ordinaire sont muets, oi
est souvent
prononcé ouè
, la nasalisation des voyelles est quelque peu
différente de ce qu'on entend d'habitude. Par exemple Et c'est pour
obéir / aux oracles des dieux / Qu'il faut m'arrester en ces lieux.
sera prononcé Et c'est pour obéir / aux oracles des dieusses / Qu'il
faut m'arrêter en ces lieusses.
, ou Chantons la gloire de son
cours.
prononcé Chantons la glouère de son cource.
. Cela
surprend au début, mais on finit par s'y habituer. Sans être limpide comme
dans un Pelléas et Mélisande, le texte est relativement
intelligible, en tout cas davantage que dans mes expériences précédentes
avec des tragédies lyriques de Lully.
Il y a relativement peu de parties musicales que l'on pourrait qualifier
d'airs
. Ce qu'on entend est plus proche du récitatif. Au cours du
prologue et des cinq actes, on assiste aussi à de nombreuses scènes
dansées. Tout ceci est tellement français... La distribution vocale est
assez homogène. On entend notamment André Morsch (Cadmus), Claire
Lefilliâtre (Hermione) dans les deux premiers rôles, et aussi Arnaud
Marzorati (Arbas, Pan) et Isabelle Druet (Charite, Mélisse). Arbas est un
suivant de Cadmus, fier mais couard ; les scènes comiques de l'opéra
reposent sur lui. Charite est une compagne d'Hermione, et c'est me
semble-t-il le seul rôle ayant à chanter plusieurs airs
. Il va sans dire que je suis content d'y avoir entendu
Isabelle Druet. Comme Arnaud Marzorati, elle joue extrêmement bien.
Parfois, alors qu'elle est muette, elle parvient à exprimer la pensée de
son personnage par des mouvements presqu'imperceptibles.
Si la prononciation a apparemment été pensée dans l'idée d'une recréation de l'œuvre en essayant de se placer dans le contexte de l'époque (1673), c'est aussi le cas pour le reste. Les musiciens du Poème harmonique dirigés par Vincent Dumestre (que je ne pouvais voir depuis ma place) utilisent des instruments qui ont été faits aux dimensions appropriées. L'éclairage est assez original aussi. Là encore, de ma place, je ne voyais pas tous les artifices, mais les comédiens, chanteurs et danseurs étaient situés derrière une ouverture cachée par un panneau de bois d'où s'échappait de la lumière. Le programme n'est pas très explicite sur le sujet, mais il n'est pas impossible que cet éclairage ait été réalisé à la bougie... Ce qui est certain, c'est que l'éclairement du décor vacillait parfois de façon irrégulière. Du coup, afin qu'ils soient bien visibles, les chanteurs sont toujours de face, au centre de la scène. Cependant, il ne s'agit pas d'une négation du théâtre : les mouvements expressifs des bras notamment empêchent la représentation de tomber dans la monotonie. Par ailleurs, les costumes sont très colorés et tous les chanteurs ont des coiffes et autres ornements capillaires extravagants.
Bref, c'est un charmant spectacle qu'icelui. Curieusement, alors que la fin du spectacle était programmée pour 22h15, la deuxième partie reprend à 22h10 après l'entr'acte, pour une toute petite demi-heure. Bizarre découpage !
2010-12-02 23:51+0100 (Orsay) — Culture — Musique — Danse
Opéra Bastille — 2010-12-02
Piotr Ilyitch Tchaikovski, musique
Rudolf Noureev, chorégraphie et mise en scène, d'après Marius Petipa et Lev Ivanov
Ezio Frigerio, décors
France Squarciapino, costumes
Vinicio Cheli, lumières
Émilie Cozette, Odette/Odile
Karl Paquette, Le Prince Siegfried
Stéphane Phavorin, Wolfgang, le précepteur/Rothbart
Béatrice Martel, La Reine
Myriam Ould-Braham, Ludmila Pagliero, Christophe Duquenne, Pas de trois
Charline Giezendanner, Axel Ibot, Czardas
Sarah Kora Dayanova, Sabrina Mallem, Audric Bezard, Florian Magnenet, Danse espagnole
Victoire Debay, L'Apparition du Cygne blanc
Mélanie Hurel, Emmanuel Thibault, Danse napolitaine
Ballet de l'Opéra
Orchestre Colonne
Simon Hewett, direction musicale
Le Lac des cygnes, ballet en quatre actes, sujet de Vladimir Begichev et Vassili Gueltzer
Quel beau spectacle que ce Lac des cygnes dont c'était ce soir la deux cent vingt-deuxième représentation ! La salle est très pleine. Aux derniers étages, des tables sont préparées pour un souper où de grandes entreprises se régaleront.
Alors qu'il va devoir choisir sa future épouse, le prince Siegfried voit en rêve Odette, une princesse-cygne. Il ne veut épouser qu'elle. Réveillé, il repousse d'abord toutes les prétendantes, mais il se laisse séduire par Odile, toute pareille qu'Odette si ce n'est qu'elle est en noir. Il s'agit en fait de la créature de Rothbart, le double maléfique du précepteur Wolfgang. Après cette trahison, Odette et Siegfried ne peuvent se réconcilier, puisque Rothbart, en grand oiseau noir, enlève Odette.
Le premier acte est étonnant par la façon dont Noureev fait danser les danseurs hommes en couples. Mon point de vue au tout dernier rang du deuxième balcon empêche d'ignorer parfois quelques petits problèmes d'alignement. Cependant, l'engagement physique des danseurs semble extrême. C'est très impressionnant. Un très beau pas de trois avec Myriam Ould-Braham, Ludmila Pagliero et Christophe Duquenne. Le deuxième acte est un acte en blanc. Les ensembles de cygnes blancs sont superbes ! On les retrouvera au quatrième acte. Entre temps, on aura assisté à diverses danses populaires (notamment une danse napolitaine avec Mélanie Hurel et Emmanuel Thibault) dans la fête où le prince doit choisir son épouse.
Le personnage de Rothbart qui hante Siegfried a une très grande importance dans ce ballet, et Stéphane Phavorin y fait impression, tout comme Karl Paquette (Siegfried) et Émilie Cozette (Odette/Odile).
Avant tout, ce qui m'a surpris dans ce ballet, c'est la qualité de la musique, qui est de Tchaikovski. Bravo à l'Orchestre Colonne et au chef Simon Hewett !
2010-11-30 23:59+0100 (Orsay) — Culture — Musique
Salle Pleyel — 2010-11-30
The English Concert
Anna Caterina Antonacci, soprano
Sara Mingardo, contralto
Harry Bicket, orgue et direction
Salve Regina, Nicola Porpora
Nisi Dominus, Antonio Vivaldi
Stabat mater, Giovanni Battista Pergolese
Je pense que le concert de ce soir à Pleyel est de ceux à oublier rapidement. Je l'avais sélectionné pour le Stabat Mater de Pergolèse et la présence d'Anna Caterina Antonacci, que j'entendais ce soir pour la dixième fois en concert.
La première œuvre au programme est un Salve Regina de Nicola Porpora. Indépendamment de l'interprétation, cette œuvre ne me plaît guère. C'est un peu händelien parfois. Vocalement, il s'agit essentiellement de vocalises. La voix d'Anna Caterina Antonacci est très opératique, ce qui a de quoi étonner dans ce répertoire religieux. Lors du dernier numéro musical, il faut bien admettre que cette chanteuse que j'admire beaucoup a sombré. Je ne sais pas ce qui s'est passé, mais au moment de tourner une page de sa partition, elle a apparemment perdu le fil et il lui a fallu deux ou trois mesures pour reprendre ses esprits.
La pièce suivante est de Vivaldi, dont je méconnais complètement l'œuvre vocale. Il s'agissait du Nisi Dominus, chanté par la contr'alto Sara Mingardo que j'avais déjà entendue dans un Messie. J'avais alors été déçu par le manque d'éclat de sa voix. Elle chante en effet tout en retenue. Ce qu'on entend du faible son de sa voix est très beau, mais ce n'est vraiment pas très fort. On la distingue parfois assez mal sous le volume de l'orchestre baroque en petite formation (une quinzaine d'instrumentistes). Pour les besoins d'un solo, le premier violon (qui au passage utilisait un archet über-baroque) a un moment donné changé d'instrument pour ce qui est peut-être une viole (ici, une sorte de violon très allongé). Le son de cet instrument était absolument affreux. Le retour au violon normal lors du numéro musical suivant fut d'un grand soulagement. Cette œuvre m'a quand même davantage plu que la première.
À la fin de l'entr'acte, ma voisine entreprend de me demander ce que j'ai pensé de la première partie. Embarras de ma part à propos d'Anna Caterina Antonacci... Nous discutons des qualités des voix d'altos. Je préfère celles de femmes, celles des hommes (Jarrousky, etc.) ne lui déplaisent pas. Je manifeste quelques doutes quand elle me dit qu'originellement, les parties de sopranos et altos des cantates de Bach étaient chantées par des castrats et des garçons... Discussion néanmoins plutôt intéressante globalement.
L'orchestre a fini de se réaccorder. Les chanteuses sont arrivées et le chef et organiste Harry Bicket aussi. Commence le Stabat Mater. Cette version n'est pas non plus inoubliable. Le contraste entre les voix d'Anna Caterina Antonacci et de Sara Mingardo est trop marqué. Lyrisme de l'une, retenue de l'autre. Mauvais casting. Je ne dis pas qu'elles ne sont pas faites pour chanter cette œuvre, mais toutes les deux ensemble, cela ne colle pas du tout. Si Anna Caterina Antonacci était un peu plus convaincante que dans la première partie, je suis quand même assez déçu. Du côté de la direction, j'ai été très surpris par les choix de tempi du chef. Autant le Cujus animan gementem me semblait joué trop lentement, autant les moments forts que sont pour moi le Quæ mœrebat et dolebat et le Inflammatus et Accensus ont été joués à une vitesse folle.
J'espère que ça ira mieux la prochaine fois.
2010-11-19 01:00+0100 (Orsay) — Culture — Musique
Les Trois Baudets — 2010-11-18
Isabelle Druet, mezzo-soprano
Christian-Pierre La Marca, violoncelle
Racha Arodaky, piano
Stéphane Milleret, accordéon
C'est beau l'amour (Fauré, Poulenc, Hahn, Gounod, Duparc, Debussy, Piaf, Vian, Brel, etc)
Avant ce soir, je n'avais vu chanter Isabelle Druet qu'une seule fois, c'était dans un triple rôle secondaire dans Armide au TCE il y a deux ans. J'avais alors apprécié autant ses qualités vocales que le caractère convaincant de son jeu.
J'avais par la suite voulu renouveler l'expérience d'un concert où elle chanterait. Un voyage en Inde m'avait empêché d'aller l'écouter dans un récital à l'Opéra Comique. Mon billet était alors allé dans d'autres mains qui avaient été enchantées par ce concert.
Tout récemment, une grève au TCE avait entraîné l'annulation du Carnaval de Venise dans lequel elle devait chanter.
Pour mettre fin à cette malédiction, je suis alors tout simplement allé sur le site de son agent pour trouver son programme de concerts et réserver au plus vite une place aux Trois Baudets pour un concert de la série D'une rive à l'autre (Petit Palais/Les Trois Baudets).
J'ai donc trouvé un nouveau lieu de débauche... musicale ; pour le reste, le théâtre étant situé entre Pigalle et Blanche, les sollicitations illégales pour des prestations tarifées, lesquelles sont légales (hypocrisie du législateur), pleuvent : cinq en cent mètres aller-retour. Ce n'est donc pas exactement la même ambiance que celle qui conduit au tout proche Théâtre de la Ville — Les Abbesses. Ce soir, dans la toute petite salle ont pris place une cinquantaine de personnes. Je me retrouve à environ trois mètres des musiciens !
Au programme de ce programme intitulé C'est beau l'amour, des
chansons françaises classiques, populaires ou traditionnelles. Les chansons
sont annoncées par la chanteuse qui fait preuve de beaucoup d'humour. Elle
est accompagnée de Christian-Pierre La Marca (violoncelle), Racha Arodaky
(piano) et Stéphane Milleret (accordéon). D'ailleurs, un petit nombre de
chansons sont chantées
par le seul violoncelle.
Du côté du classique, on entendra ainsi des mélodies de Fauré, Poulenc, Gounod (Boléro), Hahn (L'heure exquise), Debussy (Colloque sentimental, qui est venu après la chanson traditionnelle Les tristes noces). Avant qu'elle ne chante Mon amant de Saint Jean, j'entends derrière moi quelque moquerie à propos de l'interprétation de Patrick Bruel. Dans les chansons plus récentes, il y eut notamment La chanson des vieux amants (Brel), Les amants d'un jour (Piaf). La dernière chanson a été Fais-moi mal, Johnny (Vian), qui comme le rappela la chanteuse fut créée par Magali Noël dans ce même théâtre.
Dans chacune de ces chansons, Isabelle Druet est presqu'autant comédienne qu'elle ne chante. Sa gestuelle accompagne toujours le texte. Ses attitudes, ses mimiques (quand le violoncelle s'accorde, quand elle va interpréter une nouvelle chanson, etc.) maintiennent une très bonne ambiance dans la salle qui semble autant que moi conquise. En deuxième bis, on aura une deuxième incarnation de Fais-moi mal, Johnny encore plus déjantée que la première. Elle a aussi fait de charmantes espagnolades dans le Boléro de Gounod, ce qui n'est pas sans me rappeler qu'elle chantera bientôt Carmen, à suivre donc...
2010-11-17 22:44+0100 (Orsay) — Culture — Musique — Opéra
Opéra Bastille — 2010-11-16
Scott Macallister, Albrecht von Brandenburg
Matthias Goerne, Mathis
Thorsten Grümbel, Lorenz von Pommersfelden
Wolfgang Ablinger-Sperrhacke, Wolfgang Capito
Gregory Reinhart, Riedinger
Michael Weinius, Hans Schwalb
Antoine Garcin, Truchsess von Waldburg
Eric Huchet, Sylvester von Schaumberg
Melanie Diener, Ursula
Martina Welschenbach, Regina
Nadine Weissmann, Die Gräfin von Helfenstein
Vincent Delhoume, Der Pfeifer des Grafen
Orchestre et chœur de l'Opéra national de Paris
Christophe Eschenbach, direction musicale
Olivier Py, mise en scène
Pierre-André Weitz, décors et costumes
Bertrand Killy, lumières
Joseph Hanimann, dramaturgie
Wissam Arbache, collaborateur à la mise en scène
Jochen Rieder, maestro suggeritore
Patrick Marie Aubert, chef du chœur
Mathis der Maler, Hindemith
J'ai assisté hier soir à la première de Mathis der Maler de Hindemith à Bastille. Cet opéra, dont Hindemith a rédigé lui-même le livret, est inspiré par la vie du peintre du Retable d'Issenheim exposé à Colmar (je cite la Wikipédia germanophone puisque c'est la seule que j'aie vue qui montre les trois vues possibles sur le retable). Pendant les trois heures que dure cet opéra, je me suis parfois désintéressé des surtitres. J'ai donc dû manquer quelques subtilités. D'après ce que j'en ai compris sur le moment et des extraits que j'ai eu le temps de lire depuis, cela m'a semblé un texte beau et riche.
Les décors étant de Pierre-André Weitz comme pour L'Orestie que j'avais vu à l'Odéon, je m'attendais certes à un décor tout en transformations, mais pas à quelque chose d'aussi impressionnant ! Pourtant, cela avait commencé assez sobrement. En effet, pendant tout le spectacle, on voit à l'avant-scène un simple lit à gauche, un tas de gros livres au milieu et un chevalet à droite. Mathis (Matthias Goerne) entre sur le plateau de scène qui est essentiellement vide en portant une lumière qu'il pose au centre. (Il y a eu un cafouillage au tout début de la représentation, peut-être un problème d'éclairage dans la fosse d'orchestre qui a fait que la représentation s'est interrompue au bout de quelques dizaines de secondes. Mathis a reculé vers l'arrière de la scène et la représentation a recommencé depuis le début ; c'est la première fois que je vois un tel bug dans un spectacle.) Il s'installe sur son lit et commence à avoir des visions : une structure de décor ayant la forme du retable apparaît (un grand panneau central, deux sur les côtés et une partie basse) et des comédiens prennent une pose figurant une des vues possibles sur le retable que l'on aperçoit en ombres chinoises. Cette vue évoque principalement la Crucifixion (dans la partie basse, le corps du Christ en slip est amené au tombeau). Il est dommage que dans le programme (12€) qui fait plus de 200 pages, s'il est vrai que l'on trouve quelques reproductions de bonne qualité de quelques parties du retable, pour certaines d'entre elles, seuls certains détails sont montrés (parfois trop agrandis au point de paraître pixelisés), alors même que des textes du programme font référence à d'autres détails...
L'histoire que raconte cet opéra mêle des éléments très différents. Une des directions est celle de la révolte des paysans contre le pouvoir de leurs maîtres et du clergé. Mathis accepte que Schwalb, le chef des paysans, et sa fille Regina se réfugient chez lui avant de repartir. Dans un autre tableau (le quatrième), il s'opposera au contraire aux excès de ces batailles en sauvant la comtesse Helfenstein qui était un peu plus que violentée par les combattants. Il n'est pas étonnant de voir des drapeaux rouges brandis par les paysans dans cette révolte. Ce qui ne paraît pas choquant non plus dans cette mise en scène, vu la période où Mathis le Peintre a été composé et les problèmes qu'eut Hindemith avec le régime national-socialiste, c'est que le pouvoir qui réprime la révolte soit en uniformes nazis (on voit même un tank ! et dans le fond, on aperçoit parfois l'image d'une ville en ruines, s'agirait-il de photographies ayant suivi les bombardements de Mayence lors de la deuxième guerre mondiale ?). Ce sont les mêmes qui organisent des autodafés de livres luthériens. En effet, la ville de Mayence est alors divisées entre papistes et luthériens. Le riche bourgeois Riedinger, luthérien convaincu, voudrait voir le luthérianisme se développer. Il tente de convaincre Capito, le conseiller du cardinal Albrecht, de l'intérêt qu'il y aurait à faire en sorte que celui-ci se convertisse et se marie avec sa fille Ursula. Il n'est alors question que de politique et d'argent, puisque le cardinal manquant de liquidités, un riche mariage le sauverait financièrement parlant. Celui-ci ne voit d'abord que l'intérêt du gain éventuel, mais si ce personnage semble un catholique plutôt progressiste (il aime sincèrement l'art par dessus tout : quand il commande un tableau, il veut que le peuple soit ému et que celui-ci ne se demande pas si c'est par la scène religieuse qu'il représente ou par le talent de l'artiste), un mariage, ce serait aller trop loin. Dans le grand moment vocal de cet opéra, Ursula (Melanie Dieter) va néanmoins convertir Albrecht à sa foi et celui-ci va décider d'abandonner les richesses pour vivre austèrement (on voit une très intelligente transformation du décor au moment de cette conversion : l'imposant décor doré symbolisant le catholicisme se retourne pour devenir noirâtre). La duplicité de Riedinger apparaît explicitement dans le texte puisqu'il n'était pas tant intéressé par le fait de convertir le cardinal que par celui de lui faire accepter sa fille et son argent de sorte que les luthériens eussent un symbole qui pût faire progresser la Réforme.
Les décors de ce spectacle sont spectaculaires. Dans le deuxième
tableau, on voit apparaître de grands éléments de décors. Ils sont très
mobiles, y compris verticalement, puisqu'à certains moments, le décor a
jusques à trois étages ! Dans le troisième tableau (celui de l'autodafé),
on voit ainsi apparaître les caves de Riedinger (à qui on a promis qu'on ne
fouillerait pas sa bibliothèque trop en profondeur), alors que les nazis
sont à l'extérieur, à l'étage du dessus. Certains décors ne sont pas faits
pour être réalistes
, comme celui qui voit le cardinal déposer une
relique dans un reliquaire doré dans un mur concave tout aurant doré. Ils
ne sont pas tous très pratiques, puisque dans les scènes où apparaît le
décor du premier tableau, les personnages ayant à se déplacer de l'avant
par l'arrière ou réciproquement doivent pas mal se baisser pour traverser
ce qui correspond à la partie basse du retable.
Au cours de la soirée, de nombreuses images du retable sont évoquées. Outre celles déjà mentionnées, on trouve le Concert des Anges qui est représenté, entre autres, par une comédienne prenant une pose semblable à celle que l'on peut voir sur le tableau. La fenêtre que l'on aperçoit au fond de l'Annonciation est utilisé comme motif dans la façade des décors dorés. Depuis le deuxième balcon, je ne voyais pas toujours toute la partie supérieure de la scène, mais dans le décor conceptuel doré (où a été déposé le reliquaire), il m'a semblé apercevoir une moyenne boule dorée installée en haut comme une lumière : cela fait beaucoup penser à celle que l'on voit dans la Résurrection. À un moment, un des gardiens romains (détail de cette Résurrection) est représenté par un homme en armure, de façon assez peu convaincante par rapport à d'autres images vues dans ce spectacle (mais cependant très au-dessus du niveau de ce qui était fait dans La donna del lago !).
L'image la plus frappante de cet opéra (qui est celle utilisée en couverture du programme et sur le site de l'Opéra) représente La Tentation de Saint Antoine. Mathis est identifié à ce personnage. Diverses créatures monstrueuses viennent le hanter. D'autres douées de parole viennent le tenter en utilisant divers arguments (dont trois jeunes comédiennes en petite tenue). Elles sont identifiées à certains personnages rencontrés au cours de l'opéra. La plus présente est Ursula (dont je n'ai pas dit qu'elle était amoureuse de Mathis, qui s'en est détourné pour Regina). Dans la foulée, le livret évoque la visite de Saint Antoine à Saint Paul (identifié au cardinal, qui a abandonné la vie sociale).
Le dernier tableau commence par une très belle scène entre Ursula et
Regina. Il y est entre autres question d'un ruban. Au début de l'opéra,
Ursula avait donné un ruban à Mathis. Quand Regina avait débarqué chez lui
avec son père, elle avait chanté pour Mathis une chanson Un chevalier
s'en vint à cheval à la fontaine, auprès de la jeune fille.... Le chevalier
lui offrit un ruban de soie...
. Pas insensible, Mathis avait rendu son
geste conforme au texte de la chanson. À l'approche de la mort des
personnages, Regina souhaite pouvoir reconnaître Mathis au royaume des
morts. Elle donne le ruban à Ursula (qui reste silencieuse à la nouvelle de
cette trahison) pour qu'elle le lui donne comme un signe qui le distinguera
des autres.
Ensuite, cela traîne un peu en longueur. À la fin, Mathis range sa
chambre, emporte quelques symboles (un livre, le ruban, un drapeau rouge,
etc.) et s'approche d'une ouverture au centre de la scène. Le texte dit
En route donc pour ce dernier bout de chemin, je veux franchir le seuil
avec légèreté. Tout comme mes fruits se sont détachés de moi, je veux
donner à la terre cette dernière feuille de l'automne mûr.
. Je me dis
alors irrésistiblement qu'il va les lancer à travers l'ouverture avant d'y
sauter lui-même. La suite me donnera raison sur le premier point, mais
l'extinction des lumières aura lieu sans qu'eût lieu le saut qui eût
constitué le climax de cet opéra. Curieusement, quand Matthias Goerne est
venu saluer, il boitait. Je me demande ce qui a bien pu se passer.
Au premier visionnage, il est difficile de se concentrer sur tous les
aspects de l'opéra en même temps. Vocalement, le chanteur qui m'a le plus
enthousiasmé est Melanie Diener (Ursula), notamment dans la scène de la
conversion d'Albrecht. C'était la première fois que je voyais Matthias
Goerne. Ma première impression dégagée dans le premier tableau où j'avais
du mal à simplement l'entendre est plus mitigée ; dans les passages où
l'orchestre était silencieux ou presque, il a cependant eu indéniablement
de très beaux passages. Lors d'un de ses airs
, Scott Macallister
(Albrecht) m'a semblé laisser un peu trop éclater les émotions de son
personnage au détriment de son chant. Pour le reste, je ne sais pas trop
que dire sur les voix en général puisqu'entre la lecture des surtitres,
l'éclairage un peu sombre et le grand nombre de personnages sur scène, à
pas mal de moments, je ne voyais pas qui chantait (même avec les
jumelles...).
Si cet opéra date du XXe, il n'y a vraiment aucune raison d'avoir peur en se disant que ce sera bizarre... Cette œuvre de Hindemith n'est pas plus difficile à entendre que d'autres œuvres de styles plus classiques (certes, ce n'est pas du Rossini !). Certains passages empruntent d'ailleurs à d'autres styles, comme la chanson populaire (cf. la chanson du ruban) ou le chant grégorien.
Ce que j'ai le plus aimé dans ce spectacle, c'est la manière de mettre en scène des images du retable d'Issenheim. Le tour de force de machinerie autour des décors fait aussi fort impression. Parmi les points négatifs, je noterais l'éclairage de la scène de l'attaque du chateau de Königshofen par les paysans. Certes, là encore, les éléments de décors mobiles représentant le château bien amoché sont spectaculaires, mais les paysans sont éclairés comme des fugitifs le seraient par des projecteurs. Le problème, c'est qu'il y a une multitude de tels projecteurs, que les zones éclairées n'arrêtent pas de bouger ad nauseam et surtout qu'il en est ainsi pendant toute la scène. La mise en scène, si elle est toujours cohérente avec le livret, n'est pas non plus parfaite de mon point de vue puisque j'ai parfois eu du mal à voir qui chantait. C'est que pendant leurs passages chantés, les chanteurs sont souvent assez statiques. Le positionnement du chœur dans certaines scènes m'a aussi semblé étrange aussi, comme dans la scène de l'autodafé. Cela dit, globalement, j'ai trouvé cette production vraiment très intéressante (ce n'est sans doute pas étranger au fait que ce soit mon plus long billet de blog sur une représentation d'opéra).
2010-11-13 01:51+0100 (Orsay) — Culture — Musique — Danse
Opéra Garnier — 2010-11-12
John Adams, Arvo Pärt, Richard Wagner, musiques
John Neumeier, chorégraphie, mise en scène, costumes et lumières
Peter Schmidt, décors
Edvin Revazov, Parzival
Joëlle Boulogne, Herzeleide, sa mère
Dario Franconi, Gabmuret, son père
Carsten Jung, Le Roi pécheur
Hélène Bouchet, Orgeluse, la jeune femme charmante
Anna Laudere, La Femme qui ne rit jamais
Aleix Martinez, L'Hermite
Kiran West, Ither, le chevalier Vermeil
Ivan Urban, Gornemans de Gorbaut
Thiago Bordin, Gawain, un chevalier
Alexandr Trusch, Bohort, un chevalier
Yohan Stegli, Lionel, un chevalier
Ballet de Hamburg
Parzival : Épisodes et Écho, d'après Chrétien de Troyes et Wolfram von Eschenbach
Non, ce n'est pas une coquille, cela s'écrit bien Parzival avec
un z
et non un s
comme dans le titre de l'opéra de Wagner.
C'est qu'au Palais Garnier, on joue depuis ce soir Parzival : Épisodes
et Écho de John Neumeier, dont je n'avais que modérément aimé La Dame aux camélias. Comme j'avais décidé d'aller
voir toute la saison de danse comme l'année dernière, j'avais inclus ce
ballet comme toutes les autres à mon abonnement à l'Opéra.
Les danseurs sont ceux du Ballet de Hambourg que dirige Neumeier (fondée en 1678, cette compagnie n'est cadette de celle de l'Opéra que d'une neuvaine d'années !). Le rideau en trompe-l'œil traditionnel est remplacé par un autre sur lequel est projeté une animation physico-mathématique qui représente des mouvements gyroscopiques (mot savant pour parler de toupies). Je m'installe à ma troisième loge #4, place une. Un vieil homme est assis à côté de moi. Sa manifestement peu flexible colonne vertébrale l'empêchant de se pencher en avant, il doit voir à peu près un tiers de la scène et rater les mouvements des danseurs principaux. Il s'est endormi, n'a heureusement pas ronflé, et il est parti à l'entr'acte. J'ai donc eu une grande loge pour moi tout seul...
Le seul ballet que j'aie vu qui soit un peu comparable était Siddharta de Preljocaj. La démesure de la scénographie et de l'espace de l'Opéra Bastille était écrasante. Ici, les impressions fortes, les très belles images, si elles utilisent une grande partie de la profondeur de scène disponible, utilisent des décors beaucoup moins lourds. Les costumes sont très intéressants aussi. Celui de la mère de Parzival (Joëlle Boulogne) est très spécial. À la base, c'est une sorte de sari monochrome très fin. Mais, il peut se nouer de toutes sortes de manières. Elle peut le laisser traîner autour d'elle. Elle peut l'enrouler comme un sari. Elle se le mettre sur le visage pour en faire un masque. Ce qui m'impressionne le plus, c'est qu'avec tous les mouvements que la danseuse doit faire, il ne finisse pas déchiré de partout.
Ne connaissant rien de l'histoire de Parzival et n'ayant pas eu le temps de lire tout le programme avant que le spectacle commence, j'ai été un peu surpris par le début où on voit paraître le jeune Parzival (Edvin Revazov) habillé en fille (je me suis demandé pendant cinq bonnes minutes à quel genre appartenait le danseur !). Comme l'indique le titre de la première partie, on voit plusieurs épisodes de sa vie : sa relation avec sa mère, sa rencontre avec des chevaliers, des combats, son initiation, ses histoires avec les femmes, une rencontre avec un homme dans un bateau. Dans la deuxième partie, on le voit notamment regarder trois gouttes de sang (représentées par trois danseuses toutes de rouge vêtues, exception faite d'un chapeau pointu à la Merlin), rencontrer un homme apparemment démuni qui prie. La fin est un retour sur le passé.
Les images qui surgissent de ce ballet sont magnifiques. L'esthétique est très différente de celle de La Dame aux camélias ! La scène est essentiellement vide, sombre, mais magnifiquement éclairée. Dans le fond, on aperçoit parfois un sobre décor. La chorégraphie fait beaucoup appel aux qualités athlétiques des danseurs. On voit ainsi plusieurs mouvements d'ensembles très rapides. Les mouvements des solistes comportent de très nombreux portés : des couples de danseurs (censés représenter des oiseaux ?) font des diagonales sans que ces aériennes demoiselles ne touchent le sol... ou si peu. On voit aussi parfois des personnages marcher sur le corps d'autres danseurs. Le corps allongé de la mère roulera sur des corps transformés en troncs d'arbres. Quelques passages quasi-immobiles sont très saisissants aussi, comme au début de la deuxième partie. Quelques solistes comme ceux qui dansent les rôles de Parzival, sa mère ou encore le Roi pêcheur (Carsten Jung) m'ont tout particulièrement fait bonne impression.
Une dernière raison d'apprécier ce spectacle réside dans la musique (enregistrée). Elle fait appel à trois compositeurs : Wagner, Pärt, Adams. Je ne connaissais les deux derniers que de nom. Si Für Alina pour piano d'Arvo Pärt m'a laissé indifférent, j'ai été très enthousiasmé par la musique de John Adams. Je pense que je vais me procurer un enregistrement de Harmonielehre (j'ai un peu moins aimé The Wound-Dresser pour baryton et orchestre). Je m'aperçois avec joie que dans mon abonnement à Pleyel, il y a un concert dirigé par Gustavo Dudamel avec une de ses œuvres au programme. Peut-être ferai-je quelque détour par la Cité de la Musique pour entendre davantage d'œuvres de ce compositeur...
2010-11-10 02:39+0100 (Orsay) — Culture — Musique — Opéra — Théâtre
Théâtre des Bouffes du Nord — 2010-11-09
Franck Krawczyk, piano
Antonio Figueroa, Tamino
Agnieszka Slawinska, Pamina
Leila Benhamza, La Reine de la Nuit
Betsabée Haas, Papagena
Virgile Frannais, Papageno
Patrick Bolleire, Sarastro
Jean-Christophe Born, Monostatos
William Nadylam, Abdou Ouologuem, comédiens
Peter Brook, mise en scène
Peter Brook, Franck Krawczyk, Marie-Hélène Estienne, adaptation
Christophe Capacci, conseiller artistique
Philippe Vialatte, lumières
Une Flûte Enchantée, librement adaptée d'après la partition de Mozart et le livret de Emanuel Schikaneder
Je reviens absolument enchanté du Théâtre des Bouffes du Nord où avait lieu ce soir la première d'Une Flûte Enchantée mise en scène par Peter Brook. Cet homme est un génie !
L'opéra de Mozart a été adapté par Peter Brook, Marie-Hélène Estienne et par Franck Krawczyk qui a adapté la partition qu'il interprète au piano. Cela commence ainsi par quelques accords de l'Ouverture, puis très vite on entend l'appel à l'aide de Tamino (Antonio Figueroa). Point de trois dames pour le secourir : c'est Papageno (Virgile Frannais) qui entre en scène...
Si j'ai eu quelques frayeurs à propos du niveau des chanteurs au tout début, j'ai très vite été rassuré. Les jeunes chanteurs qui composent la distribution sont aussi d'excellents comédiens. Il y a une fraîcheur et une espièglerie dans l'attitude de Tamina, qui est interprétée par Agnieszka Slawinska qui décèle un délicieux accent à la Romy Schneider pendant les passages parlés (en français). Après l'air (impeccable) de la Reine de la Nuit (Leila Benhamza), on la voit évoluer. Ce n'est plus une enfant. On la verra ensuite avec une cape rouge. Parmi les nuances intéressantes apportées par cette version, j'ai aimé l'attitude de séduction plus qu'ambiguë de la Reine de la Nuit envers Tamino. Sarastro (Patrick Bolleire) apparaît comme un sage bienveillant et sympathique. L'interprète fait entendre de très beaux graves. Les deux scènes où apparaissent ensemble Papageno et Papagena (Betsabée Haas) sont délicieuses. Des idées qui par d'autres metteurs en scène eussent peut-être paru vulgaires passent ici très bien. Il faut en effet noter que quelques pincées d'humour ont été ajoutées au livret...
Ce qui surprend le plus au début de ce spectacle, c'est le rôle multiple voué au comédien William Nadylam. C'est un personnage qui parle autant au public qu'il interagit avec les autres personnages. Une sorte de récitant qui n'interromprait pas l'action dramatique. C'est aussi un magicien, un machiniste. Bref, un homme bien mystérieux. La distribution est complétée par un autre comédien, Abdou Ouologuem, dont le rôle est plus secondaire, et par Jean-Christophe Born (Monostatos).
En m'installant à ma place et en regardant vers le fond rugueux-rougeâtre du plateau de scène, je remarquais que l'espace vide ne comportait que quelques tiges de bambou dressées verticalement, chacune sur un petit support. Je me demandais ce que le metteur en scène en ferait. Elles constituent un des rares éléments de décor de cette production. Suivant l'arrangement qu'elles font, elles peuvent en fait représenter des colonnes, des portes que Tamino n'arrive pas à franchir, les montants du lit de Pamina et bien d'autres choses encore. C'est très convaincant. L'impression faite est rehaussée par les lumières très cohérentes de Philippe Vialatte. Par exemple, quand Tamino et Papageno sont dans le noir, l'obscurité quasi-complète est faite dans le théâtre ! Les lumières appuient aussi des effets de mise en scène quasi-cinématographique, en flash-back, comme lorsque Pamina fait sa première apparition.
J'ai rarement été autant saisi par un spectacle d'opéra. Le fait que les chanteurs-comédiens soient aussi près des spectateurs y est sans doute pour quelque chose (quoiqu'à l'échelle du théâtre, j'étais plutôt loin puisqu'au sixième rang), mais ce ne serait rien sans l'exceptionnel travail de mise en scène.
Pas moins de quarante-cinq représentations sont programmées jusqu'au 31 décembre (plusieurs distributions tournent). Il reste des places dans la dernière catégorie pour pas mal de dates ; pour en avoir de meilleures, il semble qu'il faille plutôt viser les dates à la fin du mois de décembre.
2010-11-07 01:36+0100 (Orsay) — Culture — Musique
Salle Pleyel — 2010-11-06
Ensemble Modern Orchestra
Peter Eötvös, direction
Postludium, Bruno Mantovani (création)
Dithyrambes pour grand orchestre en un mouvement, Jens Joneleit (création)
Cinq Pièces pour orchestre (opus 16), version originale pour grand orchestre, Arnold Schönberg
Contrebande (On Comparative Meteorology II) pour grand orchestre, Johannes Maria Staud (création)
Variations pour orchestre (opus 31), Arnold Schönberg
Je suis allé ce soir Salle Pleyel pour assister à quelques créations d'œuvres orchestrales. Vue du parterre, la salle avait l'air d'être bien remplie. J'étais au milieu du rang L. Les trois jeunes compositeurs se sont installés au rang E. D'autres personnalités du monde artistique ne sont pas loin, comme la compositrice Kaija Saariaho, la directrice de la danse à l'Opéra de Paris Brigitte Lefèvre, le directeur de la dramaturgie Christophe Ghristi et d'autres.
Dans l'orchestre, la tenue noire n'est pas de rigueur : une violoncelliste a une jupe rouge, on voit des chemises fuchsia et d'autres tenues inhabituelles pour des musiciens jouant dans un orchestre.
Les trois œuvres créées sont dédiées à Pierre Boulez qui eût dirigé ce concert s'il n'avait récemment souffert un problème de santé. Il est remplacé par Peter Eötvös qui dirige l'Ensemble Modern Orchestra. Le concert commence par la création de Postludium de Bruno Mantovani. Il s'agirait d'une sorte de suite à son opéra Akhmatova qui sera créé à l'Opéra de Paris en mars 2011. Le début est ébouriffant. Pour moi, c'est difficile à suivre. De temps en temps, on croit entendre des bouts de phrases musicales qui semblent sorties de Salomé de Strauss.
Ensuite vient la création de Dithyrambes de Jens Joneleit.
C'est beaucoup plus bizarre. Le début et la fin sont à peu près
normales
, mais au milieu, c'est très spécial. On y voit quelques
curieuses techniques instrumentales, notamment des archets qui viennent
frotter les cordes du mauvais côté du chevalet. Dans le même temps, on
apprécie toute la dynamique permise par un grand orchestre. Il est très
impressionnant de voir des dizaines de musiciens réaliser de façon
parfaitement synchrone des coups d'archets inouïs, tandis que des bruits de
percussion meublent l'espace acoustique restant. On voit les harpistes
s'activer (je ne sais plus s'il y en avait une ou deux dans cette pièce),
mais on ne les entend pas beaucoup. Je suis plutôt déçu par cette œuvre,
dont un certain nombre de séquences sont extrêmement répétitives.
La dernière création intervient après l'entr'acte. Il s'agit de Contrebande (On Comparative Meteorology II) de Johannes Maria Staud. L'ensemble fait penser au crash d'un avion à réaction. Des trois créations, je pense que c'est celle que j'ai préférée.
Deux œuvres de Schoenberg sont aussi programme : Cinq Pièces pour orchestre et Variations pour orchestre. C'est la première fois que j'entends du Schoenberg en concert. J'ai été très agréablement surpris. C'est beaucoup plus plaisant à écouter que je ne l'aurais imaginé a priori. En tout cas, je préfère ces deux œuvres aux trois autres créées aujourd'hui.
2010-10-27 21:06+0200 (Orsay) — Culture — Musique
Salle Pleyel — 2010-10-26
Thomas Quasthoff, baryton-basse
Anthony Manzo, contrebasse solo
Gregory Ahss, premier violon
Camerata Salzburg
Les Petits Riens (musique de ballet), Mozart
Air de concert Così dunque tradisci, Mozart
Air de concert Per questa bella mano, Mozart
Air de concert Mentre ti lascio, o figlia, Mozart
Air de concert Rivolgete a lui lo sguardo, Mozart
Air de Sarastro In diesen heil'gen Hallen (Die Zauberflöte), Mozart
Symphonie nº85 en si bémol majeur La
Reine
, Haydn
En voyant le nom de Thomas Quasthoff dans le programme de la saison de la Salle Pleyel, j'avais sélectionné le concert de ce mardi sans regarder le détail du spectacle. Il y a quelques années, j'avais manqué un de ses concerts pour une raison futile (RER raté ou gros rhume, je ne sais plus). Cette fois-ci, il était hors de question de rater l'occasion d'entendre celui dont j'apprécie tout particulièrement l'interprétation de Winterreise (je possède aussi quelques enregistrements où il chante du Bach, comme la cantate des paysans BWV 212).
Contrairement à presque tous les autres spectateurs du rang L qui ont préféré aller boucher les quelques trous deux ou trois rangs devant pour ne probablement pas mieux voir, je me suis installé au milieu du dernier rang du premier balcon, me décalant d'un cran pour ne pas être gêné par les têtes dépassant du rang précédent.
Le Camerata Salzburg est dirigé par son premier violon. La première œuvre au programme est une musique de ballet insipide de Mozart : Les petits riens. Certains numéros musicaux ne seraient pas de lui, mais il semble qu'il les ait tout de même arrangés à sa façon. Son style est immédiatement reconnaissable dans l'ouverture. Les seize numéros font en moyenne une minute chacun, ce qui déclenche une quinzaine de salves de raclements de gorges fort peu seyants dans le public (le pic saisonnier est d'ordinaire plutôt en décembre/janvier).
Le baryton-basse Thomas Quasthoff entre en scène pour des airs de concerts du même Mozart. Quatre sont prévus au programme. Deux avant l'entr'acte, deux autres après. J'avais averti Gamacé rencontrée dans le hall qu'elle aurait une surprise quand elle verrait le chanteur en pied. Ce chanteur est en effet né avec les mains branchées quasiment au niveau des épaules. Une des conséquences est que l'on peut craindre pour son équilibre lorsqu'il marche en se balançant d'un pied sur l'autre.
Une fois appuyé à son fauteuil, il peut faire signe au premier violon et chanter son premier air. Il est question d'un traître trahi. Avant de commencer le deuxième, il s'excuse en français de ne point maîtriser notre langue et propose en anglais une explication salace personnelle au fait que Mozart ait composé l'air Per questa bella mano avec la contrebasse comme instrument soliste. Cet air contraint l'instrumentiste à une gymnastique particulièrement tortueuse (par ailleurs, rêvé-je ou n'a-t-il pas réaccordé son instrument en plein milieu de l'air ‽). Dans ces airs comme dans ceux qui suivront l'entr'acte et dont j'ai moins suivi le contexte dramatique fragmentaire, le chanteur fait entendre une voix puissante, dont j'apprécie tout particulièrement la résonance des notes les plus basses, maintenues parfois très longtemps. L'air que j'ai préféré au cours de cette soirée a été l'air de Sarastro In diesen heil'gen Hallen extrait de Die Zauberflöte que le chanteur a chanté en bis (cet air, entre autres, est écoutable sur Youtube).
Le concert s'est achevé sur une des symphonies parisiennes de Haydn, la
nº85 La Reine
, qui est comme toute composition de Haydn plaisante à
écouter, mais qui ne remue pas autant l'auditeur qu'un air interprété par
Thomas Quasthoff.
Ailleurs : Klari.
2010-10-23 00:35+0200 (Orsay) — Culture — Musique — Danse
Opéra Garnier — 2010-10-22
Édouard-Marie-Ernest Deldevez et Ludwig Minkus, musique, adaptée et orchestrée par David Coleman et adaptée par John Lanchbery
Paul Foucher, Joseph Mazilier, livret
Pierre Lacotte, adaptation d'après Joseph Mazilier (1846) et Marius Petipa (1881)
Luisa Spinatelli, décors et costumes
Philippe Albraic, lumières
Philippe Hui, direction musicale
Marie-Agnès Gillot, Paquita
Karl Paquette, Lucien d'Hervilly
Vincent Chaillet, Iñigo
Guillaume Charlot, Don Lopez de Mendoza
Eve Grinsztajn, Doña Serafina
Emmanuel Hoff, Le Général, Comte d'Hervilly
Béatrice Martel, La Comtesse
Myriam Ould-Braham, Mélanie Hurel, Marc Moreau, Pas de trois
Ballet de l'Opéra
Élèves de l'École de danse de l'Opéra
Orchestre de l'Opéra national de Paris
Paquita, ballet en deux actes
C'est la première fois que je vois un ballet pseudo-narratif. Il y a une bien histoire. Paquita a été enlevée toute jeune par des Gitans, elle tombe amoureuse de Lucien d'Hervilly, qui est venu à Saragosse avec son père le Comte d'Hervilly pour faire poser une pierre en mémoire de son frère assassiné ainsi que sa femme et sa fille. Paquita parvient à sauver Lucien de la tentative de meurtre de son maître Iñigo commanditée par Don Lopez de Mendoza. Ils sont arrêtés alors que les Hervilly célèbrent un bal. En voyant un tableau représentant le défunt frère du Comte, elle reconnait la personne qui figure sur un médaillon qu'elle a toujours gardé. C'est son père. Rien ne s'oppose à ce qu'elle épouse Lucien...
Pourtant, l'action proprement dite occupe une durée très réduite par
rapport à la durée du ballet. Le premier tableau du premier acte contient
principalement tout un tas de danses espagnoles
. On verra notamment
des hommes exécuter la danse des manteaux, tels des toréadors. Des
danseuses feront tinter des tambourins, etc. Après l'entr'acte, dix minutes
à peine s'étaient écoulées que la situation était tout à fait dénouée. La
grosse demi-heure restante ne raconte plus rien si ce n'est le bonheur des
futurs époux.
On trouve néanmoins de fort beaux passages dansés, solos, pas de deux,
pas de trois, ensembles. Dans les deux rôles principaux, Marie-Agnès Gillot
(Paquita) et Karl Paquette (Lucien d'Hervilly) sont impressionnants. C'est
d'ailleurs la première fois que je vois cette danseuse (étoile) dans un
ballet classique
(jusques alors, je ne l'avais vue que dans des
chorégraphies de Bausch/Millepied/McGregor). En plus de danser très bien et
de réaliser une performance physique étonnante, elle se révèle aussi bonne
comédienne. Vincent Chaillet est très convaincant en Iñigo.
Plus que d'ordinaire dans les ballets classiques, les applaudissements du public interrompent la (pseudo-)action de façon à pousser les danseurs à faire des saluts. C'est probablement en partie lié au fait que la fin des différents numéros musicaux (et des différentes séquences qui les composent) semble construite de façon à déclencher des applaudissements. Cela dit, à partir du moment où il n'y a pas à craindre de coupure dans l'histoire, je ne vois pas d'inconvénient à saluer l'exploit athlétique des danseurs !
Dans certains passages physiquement très difficiles, je ne dirais pas que j'aie trouvé la chorégraphie très belle, parce que parfois quelque peu répétitive. Mais l'ensemble était saisissant, comme la danse des manteaux, le pas de trois du premier acte (Myriam Ould-Braham, Mélanie Hurel, Marc Moreau) et tout le deuxième acte (où l'en trouve entre autres un ensemble avec de jeunes élèves de l'école de danse).
Je m'aperçois aujourd'hui seulement du fait que les feuillets contenant les distributions donnés par les ouvreuses n'étaient pas fiables à 100%. Ainsi, ce soir, j'ai eu la surprise de voir Mathilde Froustey dans un groupe de huit danseuses lors du grand pas, ce qui n'apparaissait pas dans la distribution.
2010-10-19 23:58+0200 (Orsay) — Culture — Musique — Opéra
Opéra Bastille — 2010-10-16
Philippe Jordan, direction musicale
Luca Ronconi, mise en scène
Ugo Tessitore, collaboration artistique
Margherita Palli, décors
Silvia Aymonino, costumes
Gianni Mantovanini, lumières
Alessandro Di Stefano, chef du chœur
Orchestre et chœur de l'Opéra national de Paris
Maîtrise des Hauts-de-Seine, Chœur d'enfants de l'Opéra national de Paris
Il Trittico, Puccini
Juan Pons, Michele
Marco Berti, Luigi
Eric Huchet, Il Tinca
Mario Luperi, Il Talpa
Sylvie Valayre, Giorgetta
Marta Moretto, La Frugola
Hyung-Jong Roh, Venditore di canzonntte
Anne-Sophie Ducret, Un'amante / Una Voce interna
Gregorz Staskiewiecz, Un'amante / Una Voce interna
Il Tabarro
Tamar Iveri, Suor Angelica
Luciana D'Intino, La Zia Principessa
Barbara Morihien, La Badessa
Louise Callinan, La Suor Zelatrice
Marie-Thérèse Keller, La Maestra della novize
Amel Brahim-Djelloul, Suor Genovieffa
Claudia Galli, Suor Osmina
Olivia Doray, Suor Dolcina
Zoe Nicolaidou, Prima Cercatrice
Carol García, Seconda Cercatrice
Cornelia Oncioiu, La Suor Infermiera
Chenxing Yuan, Una novizia
Anne-Sophie Ducret, Prima conversa
Marina Haller, Seconda conversa
Suor Angelica
Juan Pons, Giannia Schicchi
Ekaterina Syurina, Lauretta
Marta Moretto, Zita
Saimir Pirgu, Rinuccio
Eric Huchet, Gherardo
Barbara Morihien, Nella
Alain Vernhes, Betto
Mario Luperi, Simone
Roberto Accurso, Marco
Marie-Thérèse Keller, La Ciesca
Yuri Kissin, Maestro Spinelloccio
Christian Helmer, Amantio di Nicolao
Ugo Rabec, Pinellino
Alexandra Duhamel, Guccio
Gianni Schicchi
Samedi dernier, alors que des troubles autour de la manifestation débordait
paraît-il jusque dans le hall de l'Opéra Bastille, j'assistais à une
représentation du Triptyque de Puccini. Je dis paraît-il
parce que je n'ai remarqué de casse ni en entrant peu avant 19h ni en me
baladant lors les entr'actes ni en sortant.
D'après les informations lues dans le programme, le projet de Puccini semble avoir évolué puisque seul le dernier des trois opéras présentés au cours de la soirée rentre dans le cadre du projet initial autour de l'œuvre de Dante.
Comme les deux autres, le premier opéra Il Tabarro dure un peu moins d'une heure. Il est situé sur une péniche amarrée à Paris. C'est un drame de la jalousie : la femme (Giorgetta) du patron aime un des marins (Luigi), le mari (Michele) le tue. Un niveau supplémentaire de profondeur psychologique vient du fait que le couple avait perdu un enfant. J'avais fait la connaissance de quelques admirateurs de Sylvie Valayre un peu avant la représentation. De mon côté, c'était la première fois que je l'entendais. Si elle m'a fait bonne impression, c'est Marco Berti (Luigi) qui m'a le plus impressionné. J'ai aussi apprécié Marta Moretto dans un des rôles secondaires.
Le deuxième opéra commence par un son de cloche. Suor Angelica est une histoire autour de la perte d'un enfant (illégitime), mais il est surtout question de religion. La question de la damnation en cas de suicide, c'est un sujet que je trouve assez peu intéressant. Le rôle éponyme était chanté par Tamar Iveri, dont je ne fais pas partie des admirateurs. La seule scène qui m'ait intéressé est celle où la tante de Sœur Angelica vient lui rendre visite pour ordonner à celle qui a déshonoré sa famille d'abandonner sa part d'héritage. Les dialogues témoignent une violence verbale assez sophistiquée. La mezzo-soprano Luciana D'Intino incarne de façon très convaincante ce rôle de méchante. Dans les rôles des sœurs, il est difficile de reconnaître quelques chanteuses comme Amel Brahim-Djelloul ou Cornelia Oncioiu tant les costumes sont uniformes et couvrants. C'est la première fois qu'au moment des saluts on se sent obligé d'applaudir continûment puisque les chanteuses qui défilent un peu trop vite sont pratiquement indistinguables.
Bien sûr, si ce deuxième opéra est décevant, la musique de Puccini et l'orchestre de l'Opéra de Paris dirigé par Philippe Jordan parviennent heureusement à retenir l'attention.
À mon goût, le meilleur des trois opéras est le troisième Gianni Schicchi. C'est très certainement l'opéra le plus drôle que j'aie vu. Buoso Donati est mort et tous les membres de sa famille espèrent s'approprier la meilleure part de l'héritage. Mais le défunt l'aurait léguée à des moines... On trouve le facheux testament. Gianni Schicchi, d'un niveau social moindre, entre en scène et finit par proposer une solution : à l'extérieur, tout le monde ignore que Donati est mort, qu'il se fasse passer pour le mort, dicte un nouveau testament devant un notaire et le tour sera joué. Ce qu'ils ne savent pas encore, c'est qu'il va se léguer la meilleure part à lui-même. Il s'agit d'une sorte de vengeance, puisque la famille avait considéré que sa fille Lauretta n'était pas d'une assez bonne famille pour épouser le jeune Rinuccio.
Le texte, la façon dont il est mis en musique, les mimiques des chanteurs, la mise en scène, la voix contrefaite de Gianni Schicchi quand il imite celle du mort, tout concourt au caractère comique de cette pièce. Le temps ne se suspend que pour l'air de Lauretta O mio babbino caro, chanté par Ekaterina Syurina. D'ailleurs, la façon dont cet air intervient abruptement est presque parodique. À la fin, Gianni Schicchi s'adresse directement au public. Conscient qu'il va aller en enfer, il espère finir par obtenir des ménagements. Dans ce rôle-là, Juan Pons était beaucoup plus enthousiasmant que dans son rôle de Michele dans Il Tabarro !
2010-10-14 23:50+0200 (Orsay) — Culture — Musique
Théâtre des Champs-Élysées — 2010-10-14
Jonas Kaufmann, ténor
Helmut Deutsch, piano
Die schöne Müllerin (Schubert)
Der Jüngling an der Quelle (Schubert)
Der Lindenbaum de Winterreise (Schubert)
Die Forelle (Schubert)
Der Musensohn (Schubert)
De mémoire, depuis huit ans que je fréquente ce lieu, je ne pense pas
avoir vu le TCE aussi plein. La poignée de places vacantes à l'orchestre
sont probablement la conséquence de décès récents constatés chez les plus
âgés des abonnés. En effet, partout, de l'orchestre au deuxième balcon, y
compris dans les coins, dans les galeries, les sièges, les strapontins et
parfois les marches étaient couverts de spectateurs. Rarement à l'entrée on
aura vu autant de gens portant une feuille imprimée Je cherche une
place.
. J'aperçois aussi de nombreux habitués de l'Opéra.
En ce qui me concerne, c'est la première fois que je vois Jonas Kaufmann sur scène. J'eusse voulu le voir et l'entendre dans Werther, mais il avait été remplacé. Plusieurs de ses récitals récents ont été annulés, mais il était bien là ce soir avec le pianiste Helmut Deutsch pour un cycle schubertien : Die schöne Müllerin.
D'après les statistiques Big Brotheriennes qui se constituent autour de ma collection de disques, je n'avais apparemment pas réécouté ce cycle en entier (par Dietrich Fischer-Dieskau) depuis plus de cinq ans ! Curieusement, je n'avais pas tout oublié.
Je suis vraiment rentré dans le concert avec le sixième Lied Der Neugierige. Un peu plus loin, Morgengruß m'a ému plus que de raison. Pour le lyricomane, ce cycle est extrêmement intéressant dans la mesure où les émotions qu'expriment le personnage couvrent un large spectre. Malgré la forme quelque peu austère a priori d'un cycle de Lieder (forme à laquelle je ne suis pas habitué), celui-ci recèle en vérité un condensé de tout ce que le chant peut exprimer. Presque plus lyrique qu'un opéra, donc.
La salle a énormément applaudi le chanteur, jusqu'à une standing ovation quasi-générale (il n'y avait pas que des gens qui passaient leur manteau, loin de là). Quatre bis, dont apparemment au moins un n'était pas programmé. Je pense qu'ils étaient tous de Schubert, mais je n'ai reconnu que les deuxième et troisième : Der Lindenbaum de Winterreise et Die Forelle.
Arrivé à 22h10 à Denfert, je découvre que le dernier RER part à 22h15. C'était juste.
2010-10-11 00:36+0200 (Orsay) — Culture — Musique — Danse — Culture indienne
Salle Pleyel — 2010-10-10
Ballet royal du Cambodge
Son Altesse Royale la Princesse Norodom Buppha Devi, chorégraphie
La Légende de l'Apsara Méra
C'est un fort beau spectacle que celui donné ces jours-ci en France par le Ballet royal du Cambodge, et ce dimanche Salle Pleyel, il y avait même deux représentations ; je suis allé à celle du soir. Dans le RER A, je devinais déjà que certains visages descendraient l'avenue Hoche jusqu'à la Salle Pleyel pour assister au même spectacle que moi.
De grands rideaux noirs tendus sur la scène cachent la fonction habituelle de cette salle. Une petite estrade est placée au fond de la scène, au centre. Des musiciens s'installent sur les côtés. Sur la droite, une sorte de hautbois et des xylophones. À gauche, quatre chanteurs. Une des deux chanteuses joue aussi des cymbales et un percussionniste utilise des tambours de taille respectable.
Les musiciens à peine installés, la musique commence. La présence de
cymbales n'est pas sans rappeler les récitals de danse indienne où on les
entend presque systématiquement. Ici, les rythmes seront beaucoup plus
simples à reconnaître. Pourquoi se hasarder à une telle comparaison ? Parce
que le thème du premier acte Le mythe du barratage de la mer de
lait provient de la tradition indienne. Ce mythe est raconté au début
du Mahābhārata (pages 173-174 du premier volume au Seuil de la
version de Madeleine Biardeau, dont j'ai appris il y a quelques jours le
décès en parcourant le catalogue de la BnF : Biardeau, Madeleine
(1922-2010)
...). On en trouve aussi un récit au huitième livre du
Bhāgavata Mahāpurāṇa. Le premier tableau évoque la guerre entre
les dieux et les Asura (appelés ici géants plutôt que démons). Le ballet
n'est pratiquement constitué que de danseuses. Seuls de très rares scènes
mettent en scène des danseurs, comme dans ce combat singulier entre un
singe (apparemment du côté des dieux) et un géant. Le dieu Vishnu,
paraissant debout sur une tortue dorée, référence à l'avatar de la
tortue (Kurma), intervient pour demander aux deux armées de conjuguer leurs
forces pour baratter la mer de lait afin qu'en sorte l'amrita, la
liqueur d'immortalité. On les voit s'activer autour du serpent Vasuki dont
la tête et la queue sont figurées par des accessoires. Des créatures émergent
de ce barrattage. Elles sont évoquées par des projections (un peu
éblouissantes) sur le fond de la scène. Il me semble reconnaître parmi
elles un cheval aux multiples têtes, très-vraisemblablement
Ucchaiḥśravas (celui dont la couleur est l'objet d'un pari aux importantes
conséquences mythologiques entre Vinatā et Kadrū).
Les démons se sont emparés de l'amrita que le chef des Asura tient dans une sorte de coupe. Vishnu s'incarne sous la forme de l'apsaras (nymphe céleste) Mohini. La version du mythe présentée dans cette chorégraphie s'écarte quelque peu des versions indiennes usuelles. Ici, la nymphe utilise une boule de cristal magique donnée par Vishnu (dont, depuis ma place centrée à l'orchestre, j'ai pu voir une forme à quatre bras réalisée par deux danseuses placées l'une derrière l'autre, les attributs du disque et de la conque étant bien visibles). Elle s'en sert pour éblouir le chef des Asura et récupérer la coupe d'amrita qui reviendra aux dieux. Dans la version du mythe que j'ai lue dans le Bhāgavata Mahāpurāṇa, Mohini n'a besoin de nul accessoire pour obtenir ce résultat, au contraire, elle se défait de quelque vêtement...
Le deuxième acte correspond au titre du spectacle. Il est intitulé
La légende de Kambu et de Méra. Elle raconte l'origine légendaire
du peuple cambodgien ou khmer, au choix. L'histoire est beaucoup moins
intéressante. Il s'agit simplement de la rencontre entre une
apsaras et un prince. Pas de méchant en vue, tout va bien. Il
s'agit donc essentiellement d'un acte de danse pure
. Il procure de
très belles images, notamment dans le premier ensemble où les suivantes de
l'apsaras lui cueillent des fleurs en son jardin. Le prince
débarquera (littéralement) et en tombera immédiatement amoureux. Elle va
résister un instant, mais ils seront bientôt unis. Les dieux descendent
pour faire la fête. C'est le prétexte d'un nouvel ensemble illustrant la
danse céleste des dieux. Dans cette scène, les costumes des déesses ne sont
pas sans rappeler les saris indiens. En tout cas, ça brille.
Ce style de danse (qui est rené après le rétablissement de la monarchie, la chorégraphie de ce spectacle est d'ailleurs due à son altesse royale la princesse Norodom Buppha Devi) est très majesteux. Les visages (dont certains sont couverts de masques) manifestent peu d'émotions. Les mouvements des mains sont souples et lents. De nombreuses positions relativement statiques sont dansées avec un seul pied touchant le sol. Parfois, la danseuse tourne tout doucement sur elle-même sur ce pied. Dans le pas de deux entre Mohini et le chef des Asura, on a pu voir des accessoires et un harmonieux petit jeu se mettre en place entre les deux personnages avant que Mohini ne subtilise l'amrita. Des portés spectaculaires se sont fait voir lors de la scène du combat singulier.
Du point de vue musical, tout semble reposer sur le souffle du musicien qui joue d'une sorte de hautbois. Les premières interventions du chœur de quatre chanteurs m'ont un peu déstabilisé, mais je m'y suis habitué assez vite. Le concert étant sonorisé, j'ai tout le temps été perturbé par le fait que ce n'était pas en stéréo : le son des chanteurs semblait venir aussi bien de gauche que de droite, ce qui procure une sensation étrange, inhabituelle pour moi.
2010-10-06 23:18+0200 (Orsay) — Culture — Musique — Opéra — Danse
Théâtre des Champs-Élysées — 2010-10-06
Barbara Hannigan, Lei
Georg Nigl, Lui
Sasha Waltz, création chorégraphique, mise en scène, décors
Franck Ollu, direction musicale
Thilo Reuther, décors, lumières
Hussein Chalayan, costumes
Thierry Coduys, dispositif électroacoustique
Ilka Seifert, dramaturgie
Sasha Waltz & Guests
Vocalconsort Berlin
Ensemble Modern
Passion, Pascal Dusapin.
La création chorégraphique de l'opéra Passion de Pascal Dusapin par Sacha Waltz & Guests est certainement le spectacle au cours duquel je me suis le plus ennuyé et qui me laisse la plus grande impression d'incompréhension.
L'opéra
met en jeu deux personnages Lei (Barbara Hannigan) et Lui
(Georg Nigl). La seule chose que l'on comprend, mais c'était annoncé, c'est
que cela a un rapport avec Orphée et Eurydice. Il y a quelques autres
personnages, mais ils ont une fonction non déterminée.
Du point de vue musical, c'est assez heurté. On entend des effets
spéciaux électroacoustiques
, la musique étant parfois amplifiée et
spatialisée. Des micros servent à donner parfois beaucoup de volume aux
respirations saccadées des personnages. Quelques courts passages choraux
ravivent parfois mon attention.
Cette Passion, c'est à peu près comme assister à un spectacle de danse contemporaine avec une bande-son qui serait jouée en direct. Ce n'est pas exactement ce que j'attends d'un opéra, d'autant plus que la chorégraphie de Sasha Waltz ne me parle pas du tout.
Le spectacle était annoncé chanté en italien, surtitré en
français
. En arrivant dans la salle, j'ai remarqué qu'il n'y avait pas
de dispositif de surtitrage. La représentation n'a donc pas été surtitrée,
ce qui n'a évidemment pas aidé à la compréhension. En sortant, je déplie la
feuillette avec la distribution que j'avais rangée sans la lire, et j'y lis
avec effroi que c'était fait exprès :
Pour que votre attention ne soit pas dérangée et que vous puissiez pénétrer totalement dans le monde d'émotions créé par Sasha Waltz, nous avons décidé, en accord avec Pascal Dusapin, de ne pas surtitrer Passion, dont le texte en italien vous sera aisément compréhensible.
Ben voyons !
2010-10-01 02:17+0200 (Orsay) — Culture — Musique — Opéra
Opéra Garnier — 2010-09-30
Marco Vinco, Mustafà
Jaël Azzaretti, Elvira
Cornelia Oncioiu, Zulma
Riccardo Novaro, Haly
Lawrence Brownlee, Lindoro
Vivica Genaux, Isabella
Alessandro Corbelli, Taddeo
Denis Dubois, clavecin
Andrei Serban, mise en scène
Marina Draghici, décors et costumes
Andrei Serban, Jacques Giovanangeli, lumières
Niky Wolcz, chorégraphie
Alessandro Di Stefano, chef de chœur
Maurizio Benini, direction musicale
Orchestre et Chœur de l'Opéra national de Paris
L'Italienne à Alger, Rossini
Sans les décors et dans une mise en scène improvisée, c'était mieux.
Ce soir et jeudi de la semaine dernière, je suis allé voir
L'Italienne à Alger de Rossini à l'Opéra. Jeudi 23, jour de grève,
la production s'était jouée essentiellement sans décors. Les solistes et un
tout petit nombre de figurantes évoluaient devant un rideau de scène. Le
chœur (exclusivement masculin) venait parfois se mettre en rangs au fond.
Peu de changements de costumes pour les chanteurs et quelques accessoires
tout au plus. J'ai cependant trouvé que c'était mieux qu'avec la mise en
scène originale d'Andrei Serban dans les décors et costumes de Marina
Draghici. Lors de cette version semi-scénique, on avait en effet droit à
une sorte de théâtre chanté sans trop d'effets spéciaux, la musique faisant
le spectacle, le texte réservant quelques surprises comiques. À noter
aussi, ce soir-là, il y avait eu des ratés de sur-titrage, le début étant
complètement massacré, avec un effet comique involontaire : alors que
Lindoro entrait en scène, se souvenant d'Isabella, Languir pour une
belle
, c'est le texte du personnage de Mustafà J'en ai assez de
cette femme
qui parut ! J'avais aussi pu voir de très près les
chanteurs puisqu'à l'entr'acte, j'avais migré avec une camarade d'opéra à
la loge de l'Impératrice.
Pour situer l'histoire, une Italienne, Isabella (Vivica Genaux),
débarque à Alger pour délivrer Lindoro (Lawrence Brownlee), qui a été fait
esclave par le bey Mustafà (Marco Vinco). Ce dernier n'a plus dans son
sérail de femme qui le satisfasse. En particulier, il veut se débarrasser
de son épouse Elvira (Jaël Azzaretti) en la remariant avec Lindoro
(irrésistible texte : Ma come ? Ei non è Turco. — Che importa a me ?
— Ma di Maometto la legge non permette un tal pasticcio. — Altra legge io
non ho, che il mio capriccio.
). Il demande à son capitaine Haly
(Riccardo Novaro) de lui trouver une Italienne. Isabella et un soupirant,
Taddeo (Alessandro Corbelli), sont fait prisonniers. S'ensuivent diverses
intrigues, promotions fantoches (Taddeo est fait Kaïmakan et Mustafà
Pappataci), au bout desquelles Isabella repart avec Lindoro, Elvira avec
Mustafà et Zulma (Cornelia Oncioiu), la servante d'Elvira, avec Haly.
Je disais donc que le spectacle que j'ai vu ce soir n'a vraiment rien à voir avec celui de la semaine dernière. Autant visuellement (costumes des eunuques et des naufragés, décors) que dans les mouvements sur scène des chanteurs. Certes, le but d'Andrei Serban (dont je n'avais pas trop aimé la Lucia di Lammermoor en septembre 2006) semble avoir été de faire rire, mais il en a fait un peu trop. En résumé, le film, c'est King Kong rencontre le Titanic dans un Harem. J'allais oublier, il y a aussi des chimères Rambo/Capitaine Crochet. L'intrus, c'est évidemment King Kong... On se demande bien ce qui est passé par la tête du metteur en scène.
Au début, Mustafà est représenté en émir, fantaisistement dictatorial.
On verra quelques jeunes femmes chargées de ses plaisirs, et d'autres
habillées tout en noir, voilées. Au cours de l'opéra, il se métamorphose,
change sans cesse de turban et à la fin, on oublierait presqu'on assiste à
une turquerie
. Le personnage a perdu sa colère quand il se rend
compte qu'on s'est moqué de lui en le faisant Pappataci (Mange
et tais-toi
) à grand renfort de figurants dansants habillés aux
couleurs de l'Italie (dont trois ont des costumes/accessoires comme des
excroissances représentant un Chianti, une Pizza, un lit à la mode romaine.
On lui a en effet fait accroire qu'être réduit aux trois fonctions manger,
boire, dormir étaient une grande distinction en Italie.
Vocalement, j'ai aussi préféré la représentation du 23. Lawrence Brownlee était particulièrement épatant dans son air Languir per una bella, quoiqu'il le chantât d'un bout à l'autre sans bouger d'un centimètre son pied posé sur une marque au sol ! Tous les chanteurs m'avaient fait une bonne impression. À propos de Vivica Genaux, j'apprécie la façon dont elle s'incarne visiblement dans ses personnages (que ce soit Angelina, Juno/Ino ou Isabella). J'aime comme elle chante, mais le timbre de sa voix malheureusement me déplaît. Ce soir, la plupart des chanteurs m'ont semblé en petite forme.
Le passage le plus étonnant musicalement et théâtralement de ce drame
joyeux se trouve à la fin du premier acte. Les sept personnages ont
subitement l'impression de devenir fous et ils le disent en utilisant des
onomatopées din din
, crà crà
, bum bum
ou tac
tà
. Dans le même temps, ils font des gestes mécaniques (mention
spéciale pour Lawrence Brownlee et son marteau qui fait tac tà
),
tandis qu'Elvira, qui se met à faire des vocalises en se donnant des airs
de Castafiore est interrompue par Taddeo.
La mise en scène utilise les parties excentrées du plateau... Du coup, pendant certains airs, j'ai dirigé mon regard vers la fosse pour observer la battue de Maurizio Benini et ses indications de nuance. Visiblement, quand leur bouche n'est pas vouée à leur instrument, les deux clarinettistes du fond se racontent des blagues (vu les gestes associés, cela devait avoir un rapport avec l'extravagant turban que portait Alessandro Corbelli une fois qu'il a été fait grand Kaïmakan).
Côté public, ce soir a été une drôle de soirée. Des grandes entreprises ont réservé des soupers dans le grand foyer. Les bars, et subséquemment le champagne, envahissent les environs immédiats des premières loges (où mon fond de loge à 10€ s'est transformé en deuxième rang). Plus de robes de soirée que d'ordinaire. De loin, la Rotonde du Glacier avait l'air d'être privatisée pour quelque cocktail. À l'entr'acte, j'ai préféré aller me dégourdir les jambes à l'étage du dessus...
2010-09-25 04:33+0200 (Orsay) — Culture — Musique — Danse
Opéra Garnier — 2010-09-24
Yannis Pouspourikas, direction musicale
Orchestre Colonne
Hector Berlioz, musique (Marche, extrait de l'opéra Les Troyens)
Les étoiles, les premiers danseurs, le corps du ballet et les élèves de l'école de danse
Défilé du ballet
Roland Petit, chorégraphie (1974)
César Franck, musique (Psyché)
Camille Saint-Saëns, musique (Symphonie nº3 avec orgue)
Luisa Spinatelli, costumes
Jean-Michel Désiré, lumières
Benjamin Pech
Eleonora Abbagnato
Proust ou les intermittences du
cœur, extrait du tableau VII La regarder dormir
ou la réalité
ennemie
Jacques Prévert, argument
Joseph Kosma, musique originale
Roland Petit, chorégraphie (1945)
Pablo Picasso, rideau de scène
Brassaï, décors
Mayo, costumes
Jean-Michel Désiré, lumières
Jan Broeckx, assistant du chorégraphe
Isabelle Ciaravola, La plus belle fille du monde
Nicolas Le Riche, Le jeune homme
Michaël Denard, Le destin
Hugo Vigliotti, Le bossu
Charlotte Ranson, La fleuriste
Juliette Hilaire, Jenniger Visocchi, Les filles
Pierre Rétif, Le lanceur de tracts
Sophie Mayoux, Neven Ritmanic, Clémence Gross, Ulysse Zangs, Les enfants qui s'aiment
Daniel Stokes, Cyril Chokroun, Alexandre Gasse, Erwan Le Roux, Les garçons
Pascal Aubin, Le chanteur
Anthony Millet, L'accordéoniste
Le Rendez-vous
Jean Anouilh, Georges Neveux, argument
Henri Dutilleux, musique originale
Roland Petit, chorégraphie (1953)
Carzou, décors et costumes
Jean-Michel Désiré, lumières
Jean-Philippe Halnaut, assistant du chorégraphe
Émilie Cozette, La jeune fille
Stéphane Bullion, Le loup
Amandine Albisson, La Bohémienne
Christophe Duquenne, La jeune homme
Alexis Renaud, Le montreur de bêtes
Marie-Isabelle Peracchi, La mère
Le Loup
Jean Cocteau, argument
Johann Sebastien Bach, musique (Passacaille en do mineur, BWV 582, orchestrée par Alexandre Goedicke)
Roland Petit, chorégraphie (1946)
Georges Wakhevitch, décors
Costumes d'après Karinska
Jean-Michel Désiré, lumières
Jan Broeckx, assistant du chorégraphe
Jérémie Bélingard
Alice Renavand
Le Jeune Homme et la Mort
Cela n'a presque l'air de rien quand on en voit des photographies. Par curiosité, j'avais quand même envie de voir le défilé du ballet de l'Opéra. Deux possibilités (en fait trois, en comptant la répétition générale). Payer très cher et mettre un smoking en allant au Gala AROP de mercredi. Ou bien attendre la deuxième représentation, dont les places sont à des prix quelque peu majorés mais pas trop par rapport aux autres représentations du spectacle Roland Petit qui ne seront pas précédées du défilé.
Bref, j'avais tenté ma chance au guichet fin août et avais obtenu un
strapontin à l'amphithéâtre. Sachant que le défilé utiliserait toute la
profondeur de la scène, il vallait mieux être de face. Je m'inquiétais de
ce que mon billet comportât la mention Visibilité réduite
, mais il
s'est avéré qu'en me penchant un tout petit peu, j'avais une vue dégagée
sur toute la scène, et même plus de place pour les jambes qu'aux chaises
voisines...
Sur papier glacé, disais-je donc, ce n'est pas particulièrement impressionnant. Pourtant, à vivre, la simplicité géométrique, la musique de la marche des Troyens (Berlioz), les tenues blanches des danseurs qui passent en rangs ou seuls, des plus jeunes élèves de l'école de danse au danseur étoile Nicolas Le Riche, les applaudissements nourris pour tous (mais certains plus que d'autres), quinze minutes durant, c'est un spectacle absolument irrésistible. Je ne m'attendais pas à une telle intensité. (Derrière moi, il y avait une spectatrice qui m'a dit qu'elle ne venait que pour le défilé. Elle est partie juste après !)
Au programme de la série de spectacles Roland Petit se
trouvaient trois ballets de ce chorégraphe. Après le défilé, en bonus, nous
avons eu un extrait de Proust ou les intermittences du cœur, plus
précisément le tableau que j'avais qualifié de superbement
esthétique
, à savoir celui intitulé La regarder dormir
, et
qui était dansé ce soir par Benjamin Pech (Proust jeune) et Eleonora
Abbagnato (Albertine), une première danseuse que je voyais pour la première
fois.
Le programme ordinaire
pouvait commencer. Une musique inoubliable
de Joseph Kosma (chantée par moments par Pascal Aubin, coryphée), un
argument de Prévert, un rideau de scène de Picasso : Le
Rendez-vous, avec notamment Nicolas Le Riche, Isabelle Ciaravola (La
plus belle fille du monde), Michaël Denard (Le destin), Hugo Vigliotti (Le
bossu). Comme celle des deux autres ballets qui vont suivre, l'histoire est
franchement triste. Un jeune homme se fait remettre un oracle annonçant sa
mort. Il rencontre le Destin et plaide sa cause, prétextant avoir un
rendez-vous de prévu avec la plus belle fille du monde. Le Destin lui
répond que c'est rigoureusement exact. Quand le jeune homme la rencontre,
il danse langoureusement avec elle, mais elle lui tranche la gorge.
Dans Le Loup, un jeune marié (Christophe Duquenne) s'en va avec une Bohémienne (Amandine Albisson), laissant sa jeune épouse (Émilie Cozette) avec un loup (Stéphane Bullion). En effet, avec un montreur d'animaux, les deux lui ont fait croire que son mari s'était transformé en loup par magie. La jeune femme et le loup vont s'apprivoiser l'un l'autre progressivement, au point qu'elle préférera le loup à son légitime quoiqu'inconstant époux quand le simulacre de transformation inverse sera réalisé. Il n'y aurait pas d'histoire si les villageois aimaient avoir un loup dans les parages. Armés de leurs fourches, ils le poursuivent. Bien qu'ils tentent d'éloigner la jeune femme, celle-ci s'interposera lorsque les coups fatals seront assenés. Ils mourront tous les deux. Les costumes de ce ballet sont très colorés, les décors très champêtres. A priori, on est très loin de la noirceur du Rendez-vous, mais d'un autre côté, la musique de Dutilleux est audacieuse, légèrement agressive (au point de choquer quelques oreilles dans le public).
Le dernier ballet de la soirée est Le Jeune Homme et la Mort, dansé par Jérémie Bélingard et Alice Renavand. Une jeune femme pousse un jeune homme au suicide. Elle revient sous les traits de la Mort, et ils s'en vont tous les deux sur les toits de Paris. La version orchestrale de Goedicke de la Passacaille (BWV 582) de Bach semble faite pour illustrer ce ballet... Hormis la musique, ce qui m'impressionne le plus est la fébrilité des personnages. Ce ballet est en effet d'une rare violence. Les chaises fusent. La table tombe. Pourtant, malgré cette agitation, le jeune homme arrive à se tenir en équilibre sur un pied de la table.
À la fin de la représentation, les premiers rôles des quatre ballets présentés viennent tous saluer le public. Premier frémissement quand un homme rejoint le centre de la scène. C'est le chef d'orchestre Yannis Pouspourikas (qui dirigeait l'Orchestre Colonne). Quand un deuxième frémissement se fait sentir, le doute n'est plus permis, c'est bien Roland Petit (86 ans) qui vient saluer ! Avec les danseurs, il recueille des applaudissements qui ne discontinueront pas pendant de longues minutes.
2010-09-25 02:18+0200 (Orsay) — Culture — Musique
Théâtre des Champs-Élysées — 2010-09-22
Joyce DiDonato, mezzo-soprano
Orchestre de l'opéra de Lyon
Kazushi Ono, direction
Sinfonietta (Poulenc)
Air de Cherubino Non so più (Le Nozze di Figaro, Mozart)
Récidatif et Air de Susanna Deh vieni, non tardar (Le Nozze di Figaro, Mozart)
Air de Sesto Se mai senti spirarti sul volto (La Clemenza di Tito, Gluck)
Récitatif et Air de Vitellia Non più di fiori (La Clemenza di Tito, Mozart)
Ouverture d'Iphigénie en Aulide (Gluck)
Air d'Eurydice La mort m'apparaît souriante (Orphée aux Enfers, Offenbach)
Récit et Air d'Orphée Amour, viens rendre à mon âme (Orphée et Eurydice, Gluck/Berlioz)
Ouverture de Béatrice et Bénédict (Berlioz)
Air d'Angelina Non più mesta (La Cenerentola, Rossini)
Air de Sesto Parto, parto (La Clemenza di Tito, Mozart)
Mercredi dernier, Joyce DiDonato donnait un récital au Théâtre des Champs-Élysées. La configuration était différente de celle du précédent puisqu'elle partageait l'affiche avec l'Orchestre de l'Opéra de Lyon dirigé par Kazushi Ono avec qui elle enregistre un nouveau disque.
La première surprise vient des choix vestimentaires de l'immense chanteuse. Pas de robe. Un pantalon gris, un gilet de pareille couleur, et un énorme pendentif rouge assorti à un vêtement qui dépassait du gilet...
Dans la première partie du programme, les airs des Noces de
Figaro ne sont pas de ceux qui lui permettent de briller
à
l'extrême. Ces airs sont curieusement encadrés par les deux premiers et les
deux derniers mouvements du Sinfonietta de Poulenc, une œuvre qui
sonne presque comme de la musique de chambre. La première partie se termine
sur des airs de La Clemenza di Tito, d'une part de Gluck, Se
mai senti spirarti sul volto (Sesto), d'autre part de Mozart, Non
più di fiori (Vitellia). Ce dernier air était tout particulièrement
enthousiasmant.
La deuxième partie du concert présentait la curiosité de faire entendre
Joyce DiDonato chantant en français. Après l'Ouverture d'Iphigénie en
Aulide de Gluck (un compositeur dont j'aimerais explorer plus avant la
musique), elle a chanté un air d'Eurydice d'Orphée aux Enfers
(Offenbach) : La mort m'apparaît souriante. J'ai davantage aimé
l'air suivant de la version française orchestrée par Berlioz de l'opéra de
Gluck Orfeo ed Euridice. Il s'agissait de l'air d'Orphée
Amour, viens rendre à mon âme. Nonobstant les r
roulés, la
diction française de la chanteuse était relativement intelligible dans cet
air qu'elle chantait pour la première fois en concert.
Après l'Ouverture de Béatrice et Bénédict (Berlioz), le dernier air au programme était l'air final Non più mesta de La Cenerentola (Rossini) dans lequel elle a bien sûr excellé. Le concert s'est achevé avec un air de Sesto dans La Clemenza di Tito (Mozart).
2010-09-18 03:24+0200 (Orsay) — Culture — Musique — Opéra
Opéra Bastille — 2010-09-17
Nadine Denize, Madame Larina
Olga Guryakova, Tatiana
Alisa Kolosova, Olga
Nona Javakhidze, Filipievna
Ludovic Tézier, Eugène Onéguine
Joseph Kaiser, Lenski
Gleb Nikolski, Le Prince Grémine
Jean-Paul Fouchécourt, Monsieur Triquet
Ugo Rabec, Zaretski
Yves Cochois, Le lieutenant
Vincent Morell, Solo ténor
Orchestre, chœur de l'Opéra national de Paris
Vasily Petrenko, direction musicale
Willy Decker, mise en scène
Wolfgang Gussmann, décors et costumes
Hans Toelstede, lumières
Athol Farmer, chorégraphie
Patrick Marie Aubert, chef du chœur
Monica Waitzfelder, réalisation de la mise en scène
Евгений Онегин (Eugène Onéguine), Tchaikovski
Le programme annonce que ce n'est pas un opéra, mais des scènes
lyriques en trois actes et sept tableaux
. Pourtant, pour un spectacle
qui n'en est soi-disant pas un, je trouve que c'est un fort bel opéra que
cet Eugène Onéguine dont la production qui est reprise depuis ce
soir à l'Opéra Bastille m'a enthousiasmé.
Avant toutes choses, on ne saurait trop recommander la lecture du roman en vers de Pouchkine dont cet opéra tire son sujet (et un certain nombre de vers). J'espère avoir le temps de le relire avant de retourner voir une autre représentation...
Le spectacle ne m'a pas plu instantanément. Lors des premières minutes, il faut se faire à une langue russe chantée sans trébuchement ; les lumières sont alors comme trop souvent sombres ; le décor semi-unique recèle des pentes peinturlurées dans des tons voisins du jaune.
Mon intérêt est monté à partir du deuxième tableau, celui où Tatiana écrit sa lettre à Onéguine. Dès lors, j'ai commencé à apprécier le travail du metteur en scène Willy Decker, le chant et surtout la musique de Tchaikovsky (dirigée par Vasily Petrenko). À l'exception de la célèbre Polonaise, je ne connaissais aucun des numéros musicaux. J'ai particulièrement aimé l'orchestration qui offre une place de choix aux instruments à vents et qui se fait amusante en présentant des phrases musicales découpées en petits morceaux répartis à différents instruments qui se répondent.
La mise en scène a ceci d'intéressant qu'elle tend à se faire oublier. On est pris dans les actions, les paroles ou les pensées des personnages. C'est presque sans qu'on s'en rende compte que des accessoires (tables, chaises, etc.) se trouvent installés dans le décor. Le fait que les transitions entre les différents tableaux soient réalisées dans un flot continu d'action contribue à cette illusion. Ainsi, à peine Tatiana a-t-elle fini de rédiger sa lettre que la gouvernante vient la lever et qu'elle se retrouve en face d'Onéguine qui la repousse. Curieusement, je m'attendais à ce que l'entr'acte intervînt à la fin du deuxième acte, c'est-à-dire après la mort de Lenski, conséquence absurde de la décision d'Onéguine de l'embêter en séduisant Olga lors d'un bal. En fait, le cinquième tableau représentant le duel entre Onéguine et Lenski arrive après la pause, dans un décor dont la couleur est dorénavant grisâtre. Quand Lenski est tombé, je m'imaginais qu'Olga viendrait se lamenter sur son corps comme dans le ballet de Cranko, mais non, la femme que l'on voit arriver dans une sorte de fondu enchaîné théâtral est Tatiana, alors que se fait entendre la Polonaise. Des femmes habillées en noir entrent en scène. Sont-elles en deuil ? C'est l'impression première. En fait, sans l'avoir remarqué, nous sommes maintenant à Saint Pétersbourg, chez le vieux Prince Grémine qui a épousé Tatiana. Quelques années se sont écoulées, Onéguine a erré, il est maintenant dans la demeure d'un ami dont il ignore le mariage...
Trois chanteurs se distinguent tout particulièrement. Pour moi, la plus forte impression est venue de la basse Gleb Nikolski (Le Prince Grémine), qui n'a qu'un air, mais quel air ! Dans le rôle de Tatiana, j'ai apprécié la soprano Olga Guryakova. Hormis Ugo Rabec qui avait le rôle du témoin de Lenski, le seul chanteur que j'avais déjà entendu était Ludovic Tézier, il était comme toujours excellent. Je viens d'ailleurs de m'apercevoir que c'était l'artiste lyrique que j'avais vu et entendu le plus souvent en concert : dix fois (devant Natalie Dessay et Anna Caterina Antonacci que j'ai vues chacune huit fois).
Si j'ai été impressioné par ces trois-là, les autres sont très loin d'avoir démérité. Il y avait aussi Joseph Kaiser en Lenski (je me disais bien que sa tête me disait quelque chose : il interprétait Tamino dans la version filmée de La flûte enchantée de Kenneth Branagh), Jean-Paul Fouchécourt en irrésistible Monsieur Triquet, la jeune Alisa Kolosova (Olga), Nona Javakhidze (Filipievna) et Nadine Denize (Madame Larina).
2010-09-14 00:52+0200 (Orsay) — Culture — Musique — Mathématiques
Münsterplatz, Bonn — 2010-09-05
Beethoven Orchester Bonn
Robin Engelen, direction musicale
Saisoneröffnung Open-Air In 80 Minuten um die Welt
Ouvertüre zu Candide, Leonard Bernstein
Morgandämmerung an der Moskwa de Khovantchina, Modest Mussorgski
Ungarisher Tanz Nr. 1, Johannes Brahms
Künstlerleben-Walzar op. 316, Tritsch-Tratsch-Polka, Johann Strauß Sohn
Tanz Intermezzo op. 45 Nr. 2, Jean Sibelius
March of the Mogul Emperors de The Crown of India, Edward Elgar
Morgenstimmung de Peer Gynt Suite Nr. 1, Edvard Grieg
Prélude du premier acte de Meistersinger von Nürnberg, Richard Wagner
Entr'acte du quatrième acte Aragonaise de Carmen Suite, Georges Bizet
2. Satz Fêtes de Trois Nocturnes, Claude Debussy
Nr. 8 Romanze de Dir Hornisse op. 97a, Dmitrij Schostakowitsch
Pomp and Circumstance: Marsch Nr. 1 D-Dur op. 39/1, Edward Elgar
Tritsch-Tratsch-Polka, Johann Strauß Sohn
J'étais la semaine dernière à l'université de Bonn pour une conférence de mathématiques. Comme pas mal de constructions situées dans les environs, le bâtiment où avait lieu la conférence date d'environ un siècle et est assez beau, tout comme le plafond en boiseries de la salle de conférences.
Le centre-ville (essentiellement piétonnier) est très agréable. On note une obsession manifeste pour Beethoven qui naquit dans cette ville. On trouve en effet une statue du compositeur sur la Münsterplatz, la-même où l'on verra au cours de la semaine une exposition de plusieurs dizaines de statues colorées du même. Sur quelques murs, des graph's imitent quelque tableau célèbre le représentant.
Un peu plus loin, on peut visiter la Beethoven-Haus. Quelques instruments de musique, des documents autographes, des partitions éditées, des silhouettes, des cartes de vœux, partiellement écrites en français, tout comme les légendes de quelques tableaux. Sur les partitions, le compositeur Ludwig s'appelle tantôt Luigi, tantôt Louis. La pièce où Beethoven est né est vide. Non loin de là, deux masques, vivant et mort.
À l'extérieur, un studio
dans lequel se trouve quelques
ordinateurs. On peut y écouter des enregistrements des œuvres de Beethoven
(il est possible d'écouter des extraits sur leur site Internet) et
accéder à des documents. Cela dit, dans le cas général, l'interface ne m'a
pas semblé permettre de suivre sur la partition ce qu'on entend. Cependant,
un poste est dédié à la sonate Appassionata dont on peut
facilement faire une écoute comparée de plusieurs dizaines
d'interprétations, tout en parcourant la partition imprimée.
Au sous-sol, on peut assister à une projection interactive en trois dimensions de la première scène du deuxième acte de Fidelio. Un joystick (cassé), une boule mobile, des boutons directionnels déclenchés par des détecteurs de présence, des cordes servent à déplacer les quatre personnages (Pizarro, Leonore, Rocco, Florestan). On reçoit en effet des lunettes 3D permettant de voir les personnages évoluer dans l'espace. Leur apparence n'est pas humaine, mais géométrique. Florestan est une sorte de tourbillon, Pizarro un pantin, une Rocco une boule rouge à tentacules et Leonore est de forme assez vague. Bref, on peut faire sa propre mise en scène de cet extrait de l'opéra. Cela dit, comme j'était tout seul, je ne pense pas avoir fait beaucoup mieux que Lluís Pasqual dans La Donna del lago...
Côté cuisine, rien d'exceptionnel, ni d'épouvantable. Côte musique, un concert en plein air sur la Münsterplatz In 80 Minuten um die Welt où des tubes du classique seront joués. Faute de place assise proche de la scène, je pris refuge dans un café à l'autre bout de la place, ce qui ne laissait entendre que les morceaux particulièrement sonores (comme Tritsch-Tratsch-Polka ou Pomp and Circumstance). J'aurais bien aimé assister à un concert à la Beethovenhalle, mais je n'ai pu la voir que de l'extérieur. Lors des semaines prochaines, la Beethovenfest aura lieu. La veille de mon exposé, en rentrant d'un restaurant, je passe par une petite rue entre le marché et la Münsterplatz, vois et entends un petit groupe de musicien (clarinette, contrebasse, guitare, caisse claire). Ils jouent, et plutôt très bien, des versions jazz de chansons plus ou moins connues. Un groupe de jeunes gens est assis au coin de la rue. Bientôt, ils danseront en couples dans un style tout en swing. Le clarinettiste passera au violon, d'autres musiciens arriveront : un autre guitariste (amplifié), un saxophoniste. Au milieu du morceau, chacun défie les autres dans des concours d'improvisations au point qu'il n'y a plus de rapport évident entre le morceau de départ et ce qu'on entend, mais à la fin, le thème musical original reprend le dessus. Un chanteur barbu va se lancer et exécutera des improvisations très jazz dont je dois bien avouer qu'elles me font parfois un peu penser à ce que font les chanteurs de musique hindoustani... Je pleure de rire quand il fait un numéro irrésistible d'imitation du son de la trompette (en faisant des gestes de tromboniste pour garantir un effet comique certain). L'ambiance dans la rue est très sympathique (on sent bien que la première préoccupation de la population n'est ni leur bifteck ni leur retraite). L'étui d'une guitare reçoit parfois quelque donation. Même les poivrots de passage laissent choir des pièces rouges. Une bonne heure et demie plus tard, le concert improvisé se termine avec Summertime, chanté par le chanteur susnommé et une voix féminine qui s'est discrètement insérée dans le groupe.
⁂
Lors d'une précédente correspondance de trains à Köln il y a quelques
années, j'avais remarqué qu'il y avait un édifice indiscutablement
spectaculaire à proximité, mais je n'avais pas vraiment le temps d'aller le
voir de plus près. Cette fois-ci, au retour, j'ai pris le temps de visiter
la cathédrale (simplement appelée Dom
), très impressionnante.
2010-08-06 12:18+0530 (চন্দননগর) — Culture — Musique — Culture indienne — Voyage en Inde IX
Rabindra Sadan, Kolkata — 2010-08-05
Manoj Murali Nair, chant
Manisha Murali Nair, chant
Rabindrasangeet
Avant-hier, je suis allé visiter le palais de marbre. J'ai perdu du temps pour le trouver en sortant de la station M. G. Road puisque les indications du guide Lonely Planet étaient erronées (inversion entre la gauche et la droite). Comme l'indique Sébastien Ortiz dans son livre, il y a maintenant un panneau qui en donne la direction au bord de la route. Sa description du lieu est très juste (cependant, certaines pièces ont sans doute été déplacées depuis 2005). Le palais aux sols de marbres colorés d'Italie renferme une grande collection d'objets d'arts, principalement venus d'Europe. Beaucoup de statues de style grec, des sculptures représentant Napoléon, des lustres de Belgique, etc.
Je me suis ensuite baladé dans les rues voisines. Le tramway a beaucoup de mal à avancer dans ces lieux bondés.
⁂
Hier, je suis allé au jardin botanique. Il est situé au bord de l'autre rive de la Hooghly. J'ai donc marché depuis Chandni Chowk jusqu'à la jetée où pour 4 roupies, j'ai pu rejoindre la gare de Howrah, située de l'autre côté. De là, j'ai pris un taxi prépayé. Le jardin est très étendu. Tout y est très mal indiqué. On trouve en effet de nombreux panneaux indicateurs, mais les concepteurs ont réussi à peindre des flèches ambigues... On y trouve des plantes originaires de nombreuses régions du monde. Une serre abrite des cactus de toutes les tailles. Au bout du chemin, un gigantesque banyan de plus de 250 ans, apparemment le plus étendu d'Inde. Pour rentrer, un minibus au prix modique me ramènera, mais le trajet sera très long.
Dans la soirée, je suis allé à Rabindra Sadan pour écouter un concert de Rabindrasangeet, ce style de chansons inventé par Rabindranath Tagore. Je suis arrivé un peu en avance. À l'entrée du complexe où se trouvent d'autres institutions culturelles, les indications ne sont pas très claires. Après un essai infructueux, j'essaie d'entrer dans un bâtiment où tout est écrit en bengali et où un grand portrait de Tagore trône à l'entrée. On me dit juste d'attendre. Au bout d'un moment, un des responsables s'enquiert de mon cas et très vite, on se retrouve dans les coulisses du théâtre et on trouve quelqu'un pour me vendre un ticket et me faire rentrer. (Il aurait quand même été plus simple de me dire de faire le tour du bâtiment pour passer par l'entrée normalement utilisée par les spectateurs...)
Le parterre de la salle (environ 500 places) est plein ; quelques spectateurs se sont installés au balcon. Le concert des frère et sœur Manoj et Manisha Murali Nair (issus du Kerala mais ayant étudié à Shantiniketan) va durer environ deux heures et demie. Ils chantent tous les deux, Manoj joue aussi de l'harmonium, dont le son est recouvert par les autres instruments : trois percussionnistes (deux jouant sur instruments indiens traditionnels, un troisième sur une batterie électronique), un instrument à cordes et archet non identifié, une guitare et un synthétiseur. La trentaine de chansons vont m'inspirer un ennui quasi-total...
⁂
J'ai pris ce matin un train local à la gare de Howrah pour visiter Chandernagor où je vais passer une partie de l'après-midi.
2010-08-04 12:57+0530 (কলকাতা) — Culture — Musique — Culture indienne — Voyage en Inde IX
Weavers Studio Centre for the Arts, Kolkata — 2010-08-03
Gaayatri Kaundinya, chant et tampura
Moinak Das, harmonium
Goutam Chakraborty, tabla
Ram, tampura
Raga Maru Bihag
Hier soir, je suis allé assister à un concert de musique classique de l'Inde du Nord. Cela se passait dans une galerie d'art à Ballygunge, au Sud de Kolkata.
J'ai bien cru ne jamais réussir à m'y rendre. Je pensais d'abord qu'il
serait facile de localiser l'adresse 94, Ballygunge
en rejoignant
cette rue à pieds depuis une station de métro, puis marcher dans le sens
des numéros croissants. En fait, dans ce quartier, la numérotation, c'est
véritablement n'importe quoi. À un peu moins d'une heure du début du
concert, j'ai demandé à un auto-rickshaw de m'y conduire. Ni lui ni les
gens du quartier n'avaient l'air de savoir par où aller. On n'a pas arrêté
de tourner en rond le long d'une marche aléatoire. À sa méconnaissance des
lieux s'ajoute l'incompétence du conducteur de rickshaw. Alors que je lui
demandais de faire demi-tour après avoir repéré des numéros approchants, il
a continué beaucoup plus que de raison et après avoir réussi à tourner, il
est reparti à toute allure dans des directions aléatoires, ce qui nous a
fait perdre encore une bonne dizaine de minutes. Maintenant, je comprends
pourquoi Ballygunge est seulement représentée comme une tâche de couleur
sur une des cartes de la ville en ma possession.
Je ne suis arrivé sur les lieux que cinq minutes avant le début du
concert. La petite salle, presque pleine, accueille une petite trentaine de
spectateurs. La chanteuse, Gaayatri Kaundinya, a seulement 19 ans et déjà
une petite marque de sindoor dans la raie des cheveux. On annonce qu'elle
apprend le chant depuis presque quinze ans. Son gourou (maintenant décédé)
est un certain Baba
. Elle est accompagnée par un harmonium (Moinak
Das) et un tabla (Goutam Chakraborty). La chanteuse et son jeune frère Ram
jouent du tampura.
Le Raga de ce soir est Maru Bihag. Son interprétation durera environ une heure et quart et sera comme le veut la tradition divisée en trois parties. Dans la première, la chanteuse et le joueur d'harmonium installent progressivement le raga. Dans la deuxième, le rythme des percussions commence à battre régulièrement. Quelques phrases musicales s'installent. La chanteuse, d'une voix claire, émet des notes dont elle fait varier très légèrement la hauteur. C'est parfaitement contrôlé, puisqu'après plusieurs passages, le motif s'est installé dans les esprits. Enfin, vient la troisième partie et ses rythmes changeants. On assiste alors à un déluge de techniques d'improvisation constituant des variations de ce qui avait été esquissé avant. Dans une de ces formes d'improvisations, les syllabes prononcées par la chanteuse sont les noms des notes (dans la gamme indienne) qu'elle chante.
Je ne connais pas grand'chose à cette musique, mais j'ai eu l'impression que c'était réussi. En tout cas, j'ai apprécié ce raga. Il y avait une complicité et un plaisir de jouer ensemble évident avec le joueur d'harmonium. Le percussionniste était apparemment un peu plus en mode automatique. Sa façon d'interpeler la chanteuse avec ses changements de rythmes était souvent un peu brutale et dans les morceaux qui ont suivi, elle a dû lui souffler le nom du motif rythmique de base pour qu'il puisse commencer à jouer.
Après la composition principale, trois morceaux plus courts ont conclu
le récital. Le premier était basé sur une chanson du célèbre musicien Miyan
Tansen, apparemment appelée Bhaje Damaru
. Après l'entrée de chacun
des quatre vers (qui, si j'ai bien identifié le point commun entre les mots
que j'y ai compris constitueraient une invocation de Shiva), on entend la
chanteuse improviser de toutes les façons possibles sur cette base :
modification du rythme, répétition de mots, remplacements de syllabes par
les noms des notes, etc.
Pour finir, deux chansons qui tendent vers le style des bhajans écris par son guru.
Pour rentrer, je me suis rapproché de l'axe Nord-Sud du métro et pensant à tort que j'arriverais trop tard, je suis monté dans un bus (identifié parce que c'était le premier dont la liste des arrêts défilait à l'avant en anglais et non en bengali). Il a été facile de monter ; descendre fut plus difficile. Les chauffeurs de bus de Kolkata et leurs chefs sont apparemment de vrais fous-furieux. Ceux de Mumbai qui ont la réputation d'être assez rudes paraissent presque raisonnables en comparaison.
Quand je suis rentré un peu avant 22h, presque tout est fermé ; je ne trouve pour dîner qu'un restaurant thai (allergiques au piment s'abstenir) où entre le serveur et moi, aucun n'arrive à entendre ce que dit l'autre.
2010-07-12 23:34+0200 (Orsay) — Culture — Musique — Opéra
Opéra Bastille — 2010-07-12
Jean-Philippe Lafont, Le garde-chasse (baryton)
Michèle Lagrange, Sa femme, la chouette (soprano)
Luca Lombardo, L'instituteur (ténor)
Gregory Reinhart, Le prêtre (basse)
Paul Gay, Harašta (baryton-basse)
Adrina Kucerova, La renarde (soprano)
Hannah Esther Minutillo, Le renard (mezzo-soprano)
Nicolas Marie, L'aubergiste (ténor)
Anne-Sophie Ducret, La femme de l'aubergiste (soprano)
Letitia Singleton, Le chien (soprano)
Elisa Cenni, Le coq, le geai (soprano)
Natacha Finette Constantin, La poule huppée (soprano)
Ghislaine Roux, Le pivert (mezzo-soprano)
Paul Crémazy, Le moustique (ténor)
Slawomir Szychowiak, Le blaireau (baryton)
Michael Schǿnwandt, direction musicale
André Engel, mise en scène
Nicky Rieti, décors
Elizabeth Neumuller, costumes
André Diot, lumières
Françoise Grès, chorégraphie
Dominique Muller, dramaturgie
Alessandro Di Stefano, chef des chœurs
Orchestre, chœur de l'Opéra national de Paris
Maîtrise des Hauts-de-Seine
Chœur d'enfants de l'Opéra national de Paris
Příhody Lišky Bystroušky (La Petite Renarde rusée), Leoš Janáček
Je reviens de la dernière représentation de La Petite Renarde rusée (Příhody Lišky Bystroušky) de Janáček à l'Opéra Bastille. J'avais déjà vu cette production d'opéra l'année dernière, dans une distribution légèrement différente.
Cela raconte l'histoire d'une renarde qui est capturée par un garde-chasse et qui lui joue des tours. Elle veut semer la zizanie dans le poulailler contre le pouvoir du coq. Les prolétaires poules étant trop bêtes, elle décide de les massacrer. Plus tard, elle rencontre un renard. À leur mariage, toutes sortes d'animaux viennent les féliciter. Au dernier acte, on découvre leur progéniture. La renarde qui pensait être plus rusée qu'un braconnier se fera tuer d'un coup de fusil. À la fin, un cycle de la nature s'est écoulé : c'est une descendante de la renarde qui vient se chamailler avec le garde-chasse. (J'ai simplifié au peu, il y a d'autres personnages humains et une multitude de personnages animaliers.)
Cette production d'opéra est très belle. Il est dommage que cela ne soit pas davantage connu : un vendeur de programmes m'a confié qu'il resterait 1400 places de libres. S'il est vrai que je ne pratique pas ce sport très souvent, je n'ai pas hésité une seule seconde à l'idée de me replacer au centre du parterre (ma place au deuxième balcon étant très excentrée). Les décors (notamment le rideau de scène), les costumes, les lumières sont magnifiques. La musique est superbe (et parfois amusante quand elle imite le bruit des animaux). Le jeu des chanteurs-comédiens (dont un certain nombre d'enfants) est très bon. Cependant, la faiblesse des voix est une très grosse déception, comme l'année dernière. Il ne s'agit que d'un problème de volume sonore. Alors que l'orchestre ne joue pas particulièrement fort, les voix des chanteurs sont le plus souvent tout à fait inaudibles. Le problème se pose autant avec Adriana Kucerova (La Renarde) cette année que l'année dernière avec Elena Tsallagova (qui m'avait aussi semblé meilleure comédienne). Jean-Philippe Lafont (Le Garde-chasse), appréciable aussi par sa présence scénique, est un des rares à arriver à se faire entendre.
Pour moi, c'était le dernier spectacle avant les vacances. Cette année, l'Opéra de Paris aura été mon plus grand pourvoyeur de divertissement : trente-huit spectacles !
2010-07-11 18:13+0200 (Orsay) — Culture — Musique — Danse
Opéra Bastille — 2010-07-11
Maki Ishii, musique (1985)
Jiří Kylián, chorégraphie (1988)
Michael Simon, scénographie et lumières
Ferial Simon, Joke Visser, costumes
Elke Schepers, Ken Ossola, Patrick Delcroix, Roslyn Anderson, assistants du chorégraphe
Kees Tjebbes, assistant technique et réalisation lumières
Michael De Roo, direction musicale
Alice Renavand, Kaguyahime
Stéphane Phavorin, Mikado
Muriel Zusperreguy, Céline Talon, Séverine Westermann, Charlotte Ranson, Caroline Robert, Villageoises
Stéphane Bullion, Mathias Heymann, Alessio Carbone, Julien Meyzindi, Florian Magnenet, Adrien Couvez, Nicolas Paul, Marc Moreau, Daniel Stokes, Villageois
Julien Meyzindi, Yvon Demol, Les compagnons du Mikado
Ballet de l'Opéra
Kodō, Gagaku et ensemble de percussions invité
Kaguyahime
Cet après-midi, je suis retourné assister à une représentation de Kaguyahime à l'Opéra Bastille afin d'y voir Alice Renavand dans le rôle de la princesse Kaguyahime. Je ne regrette pas d'être venu, puisqu'elle m'a fait meilleure impression que ne l'avait fait Agnès Letestu. J'ai aussi pu voir la nouvelle étoile Stéphane Bullion dans le rôle du premier prétendant, tout comme Mathias Heymann en villageois, et quelques autres.
La salle était à moitié vide. Pour le premier acte, je suis resté au premier balcon, mais en me replaçant dans des conditions a priori idéales : au milieu du dernier rang qui était déserté. Pour le deuxième acte, comme le parterre était très loin d'être rempli, je suis descendu et ai trouvé une place dans les premiers rangs qui ne soit pas trop excentrée. Bizaremment, le volume sonore et l'effet visuel est moins impressionnant depuis le parterre que d'en haut. L'effet de surprise de la première fois y était peut-être aussi pour quelque chose.
2010-07-11 00:40+0200 (Orsay) — Culture — Musique — Opéra
Opéra Garnier — 2010-07-10
Javier Camarena, Giacomo V (Uberto di Snowdon)
Simon Orfila, Duglas d'Angus
Colin Lee, Rodrigo di Dhu
Karine Deshayes, Elena
Daniela Barcellona, Malcolm Groeme
Diana Axentii, Albina
Jason Bridges, Serano
Philippe Talbot, Bertram
Lluís Pasqual, mise en scène
Ezio Frigerio, décors
Franca Squarciapino, costumes
Vinicio Cheli, lumières
Montse Colomé, chorégraphie
Alessandro Di Stefano, chef du chœur
Roberto Abbado, direction musicale
Orchestre et Chœur de l'Opéra national de Paris
La donna del lago, Rossini
Avant la représentation précédente de La Donna del
lago, j'étais passé à la billeterie afin de m'acheter une place à 7€
pour la dernière représentation. Le billet comportait la mention Scène
non visible
, ce qui était heureusement inexact. Depuis la plus mauvaise
place de cette première loge 14, je voyais un petit coin de la scène, entre
les têtes de devant et d'en biais. J'ai donc passé l'essentiel du premier
acte en position debout, une alternative à la chaise qui me permettait de
voir bien.
À l'entr'acte, je rencontre une amie de files d'attente qui m'informe qu'il reste un peu de place à la loge impératrice... J'ai pu m'y installer confortablement sur un coin de banquette. On y est invraisemblablement proche des chanteurs. Dans le champ de vision, j'avais aussi un peu des coulisses, ce qui m'a permis d'éclaircir le mystère de la musique jouée des coulisses. Ce qui m'avait surpris était que le chef arrêtait ses mouvements quand elle se faisait entendre. Depuis ma place, j'ai pu observer furtivement un groupe de musiciens qui semblait obéir aux mouvements d'une autre personne physique. Pendant les chœurs, je voyais aussi des bras s'agiter dans un coin...
Lors de cette dernière représentation, un petit groupe de fans de Karine Deshayes était dans cette loge impératrice. Lors des saluts, l'un d'entre eux lui a même jeté un bouquet de fleurs !
2010-07-10 00:50+0200 (Orsay) — Culture — Musique — Danse
Opéra Garnier — 2010-07-09
Denis Levaillant, musique
Patrice Bart, chorégraphie et mise en scène (2003)
Martine Kahane, Patrice Bart, sujet
Ezio Toffolutti, décors
Sylvie Skinazi, costumes
Marion Hewlett, lumières
Claude de Vulpian, assistante du chorégraphe
Koen Kessels, direction musicale
Dorothée Gilbert, La petite danseuse
Ludmila Pagliero, La danseuse étoile
Mélanie Hurel, La mère de la petite danseuse
Mathieu Ganio, Le maître de ballet
Karl Paquette, L'abonné
Yann Bridard, L'homme en noir
Sabrina Mallem, La chanteuse de caf'conc'
Ballet de l'Opéra
Orchestre de l'Opéra national de Paris
La petite danseuse de Degas, ballet en deux parties
Dernier ballet de la saison à l'Opéra de Paris : La petite danseuse
de Degas de Patrice Bart. Cela raconte la vie de La
petite danseuse de quatorze ans, qui s'appelait Marie Van Goethem.
Le ballet mêle en fait des éléments de la vie de la danseuse et de ses deux
sœurs. Au début du ballet, la petite danseuse (Dorothée Gilbert) descend de
la vitrine où la statue est exposée. On voit ensuite différents épisodes de
sa vie : elle va à son cours de danse (le maître de ballet est interprété
par Mathieu Ganio), elle admire la danseuse étoile (Ludmila Pagliero) dont
elle essaie de suivre les pas, elle pose pour un peintre, elle tombe
amoureuse d'un abonné lors d'un bal à l'Opéra (Karl Paquette). C'est
difficilement compréhensible aujourd'hui, mais la mère de la petite
danseuse (Mélanie Hurel), habillée de noir, la suit partout. Dans la
deuxième partie, celle-ci se voit dans un miroir changée en femme prête
pour aller danser, ce qu'elle va faire avec sa fille au caf'conc'
où
une autre danseuse (Sabrina Mallem) tient l'affiche. Déçue par le
comportement de l'abonné, la petite danseuse vole son portefeuille, ce qui
lui vaut de finir en prison où elle voit paraître la danseuse étoile.
Finalement, déchue, elle se retrouve parmi les blanchisseuses. Pendant tous
ces épisodes, un homme en noir (Yann Bridard) suit la petite danseuse de
façon quelque peu menaçante. Il finit par la remettre dans la vitrine.
Pour l'œil, ce spectacle est superbe. Les lumières sont très bien pensées. Grâce à elles, les transformations d'un tableau à un autre s'opèrent comme par magie : un personnage est éclairé, le reste de la scène est dans l'obscurité et tout à coup, le voile est levé sur un nouveau décor. Les costumes sont aussi très beaux. Si les lumières créent des effets saisissants, la manière dont les décors sont conçus y contribue aussi. Pour partie, ce sont de hauts panneaux faits de plusieurs larges bandes d'une sorte de toile épaisse dont certaines peuvent être enroulées ou déroulées. Comme ces panneaux peuvent être déplacés, le décor représentant une rue peut se transformer très rapidement en une salle de répétition pour le ballet. Évidemment, on joue de l'Opéra à l'intérieur de l'Opéra. Pendant la scène du bal, le fond du décor reproduit le rideau de scène du Palais Garnier. Quand des danseuses viennent saluer sous les applaudissements de la salle, ce sont autant les danseuses que les personnages qu'elles interprètent qui viennent saluer.
Ce qui est gênant avec ce ballet et me fait avoir pourtant un avis mitigé, c'est qu'on a l'impression de voir un clip (d'un peu moins de deux heures). C'est très bien dansé (même quand la petite danseuse doit danser gauchement quand elle essaie de reproduire les pas de l'étoile !), c'est très beau à voir, c'est censé être narratif, mais je n'y ai vu qu'une succession de tableaux. La musique de Denis Levaillant m'a aussi un peu gêné. Là encore, même s'il est vrai que la reprise de certaines phrases musicales donne une cohérence à l'ensemble, des styles très différents de musique se succèdent, comme les tableaux. Dans l'ensemble, on dirait de la musique écrite pour le cinéma (il y a d'ailleurs des passages qui ne sont pas loin de ressembler à des parodies de musiques de films ou de séries). L'instrumentation et les techniques de jeu exigées des musiciens sont inhabituelles pour l'Opéra. Dans la fosse, on trouve ainsi un accordéon, un saxophone, des xylophones (et un piano). Les cordes ont un certain nombre de passages pizzicato et un assez impressionnnant numéro où les cordes sont frappées par le bois de l'archet. Cela dit, quand on accepte de regarder ce ballet comme un film ou une suite de clips, l'ensemble n'a rien de désagréable. Un autre élément déroutant de ce ballet est qu'à certains moments, la scène est un peu trop remplie : plusieurs choses se passent en même temps.
Le ballet comporte quelques moments de grâce. Celui que j'ai préféré intervient lors du tableau des blanchisseuses, où la petite danseuse et dix-huit autres blanchisseuses s'activent pour nettoyer des draps blancs. À un moment donné, les blanchisseuses tiennent deux par deux des draps blancs disposés en cercle (vu d'en haut, les draps forment les rayons d'une roue). Et là, Dorothée Gilbert entre dans la roue, tourne autour de l'axe, se jette successivement dans tous les draps jusqu'à devenir invisible.
2010-07-08 01:22+0200 (Orsay) — Culture — Musique — Opéra
Opéra Garnier — 2010-07-07
Javier Camarena, Giacomo V (Uberto di Snowdon)
Simon Orfila, Duglas d'Angus
Colin Lee, Rodrigo di Dhu
Karine Deshayes, Elena
Daniela Barcellona, Malcolm Groeme
Diana Axentii, Albina
Jason Bridges, Serano
Philippe Talbot, Bertram
Lluís Pasqual, mise en scène
Ezio Frigerio, décors
Franca Squarciapino, costumes
Vinicio Cheli, lumières
Montse Colomé, chorégraphie
Alessandro Di Stefano, chef du chœur
Roberto Abbado, direction musicale
Orchestre et Chœur de l'Opéra national de Paris
La donna del lago, Rossini
Neuvième représentation de La Dame du lac à l'Opéra Garnier. J'y suis allé une troisième fois après les représentations des 14 et 21 juin, non pas pour apprécier encore davantage la mise en scène, mais pour entendre Karine Deshayes et Javier Camarena dans les rôles d'Elena et Giacomo/Uberto.
Cette fois-ci, j'ai un deuxième rang de troisièmes loges de côté impair. C'est un peu excentré, mais pas trop. Je vois la moitié droite de la scène.
Je retrouve les lumières vraiment lamentables de ce spectacle. On n'y
voit rien. J'avais noté la non-différentiation visuelle de Rodrigo du
personnage secondaire Serano
. Comme Javier Camarena apparaît barbu
comme les deux autres dans cette deuxième série de représentations, il y a
en fait trois personnages (Giacomo, Rodrigo et Serano) que ni les costumes
ni la pilosité ne distinguent clairement (Giacomo porte souvent une cape
bleuâtre, mais ce critère n'est pas infaillible).
J'ai été très content de réentendre Javier Camarena (déjà entendu dans le rôle d'Elvino dans La Sonnambula et dans celui du conte d'Almaviva dans Il Barbiere di Siviglia). Par ailleurs, c'était la première fois que j'entendais Karine Deshayes, qui si elle ne m'a pas autant impressionné que Joyce DiDonato, m'a cependant fait une excellente impression. Je n'ai pas regretté de m'être levé pour mieux voir la dernière scène qui se passe à la cour du roi Giacomo. Le trio du deuxième acte entre Javier Camarena, Karine Deshayes et Colin Lee a été un autre moment fort de la soirée, de même que l'air de Daniela Barcellona au deuxième acte.
À part ça, je ne sais pas ce qui s'est passé, mais au cours du premier acte (1h40), la loge où je me trouvais (j'étais au deuxième rang, avec deux néerlandophones devant) a vu paraître trois fois des personnes seules ou accompagnées venues voir si on y voyait quelque chose. J'aimerais bien qu'on m'explique pourquoi on laisse rentrer ainsi des gens n'importe quand et n'importe comment. Si je trouve un peu pénible qu'il faille se faire ouvrir sa loge avant le spectacle, qu'elles soient fermées de l'extérieur, cela devrait au moins permettre de n'être plus dérangé une fois le spectacle commencé. Apparemment, je me trompais.
Il y a un dernier mystère à propos de cette production. Au cours du
deuxième acte, arrivée au palais du roi, Elena s'écrie Quel beau
concert
tandis qu'elle entend de la musique, et en particulier la voix
de Giacomo, qui vient des coulisses. Ce que je me demande, c'est si la
musique que l'on entend est pré-enregistrée. En effet, lors des saluts, on
ne voit pas de musiciens de scène paraître, et surtout, pendant ces phrases
musicales, le chef d'orchestre s'arrête de diriger, alors qu'il pourrait
très bien diriger des musiciens cachés via un écran de
contrôle.
Pendant l'entr'acte, il m'a semblé que plusieurs portes qui sont d'ordinaires fermées étaient ouvertes. J'ai pu déambuler dans une zone dont j'avais remarqué la forme arrondie depuis l'extérieur, côté rue Halévy, mais sans jamais pouvoir y entrer : la rotonde du Glacier, qui abrite notamment des bustes et des tapisseries.
2010-07-01 03:00+0200 (Orsay) — Culture — Musique — Opéra
Théâtre des Champs-Élysées — 2010-06-30
Richard Croft, Jupiter
Peter Rose, Cadmus, Somnus
Danielle de Niese, Semele
Vivica Genaux, Juno, Ino
Sébastien Droy, Apollo
Jaël Azzaretti, Iris
Stephen Wallace, Athamas
Claire Debono, Cupid
Christophe Rousset, direction musicale
David McVicar, mise en scène
Tanya McCallin, décors
Brigitte Reiffenstuel, costumes
Paule Constable, lumières
Andrew George, chorégraphie
Les Talens Lyriques
Chœur du Théâtre des Champs-Élysées
Semele, Händel.
Je reviens de la première de la reprise de Semele de Händel au
TCE. Ce n'est que le deuxième opéra de ce compositeur que je voie après
Agrippina en 2003. De ce compositeur, je suis en effet plus
accoutumé aux oratorios et œuvres assimilées : Messiah (5 fois),
Israel in Egypt, Athalia, Ode for Saint Cecilia's
Day, Dixit Dominus, Acis and Galatea,
Solomon. À vrai dire, le programme annonce qu'il s'agit d'un opéra
en trois actes à la manière d'un oratorio
. Cela se fait très
lourdement sentir pendant le premier acte où il ne se passe essentiellement
rien. Le contexte de l'opéra est que Sémélé (Danielle de Niese) est forcée
par son père Cadmus (Peter Rose) à épouser Athamas (Stephen Wallace) qui
est convoité par sa sœur Ino (Vivica Genaux). La cérémonie est interrompue.
On apprend que Jupiter (Richard Croft) a pris l'apparence d'un aigle pour
enlever Sémélé. Jusque là, les personnages se sont comportés comme des
autistes, en particulier Athamas qui mésinterprète les réactions de Sémélé
et Ino. Ils s'écoutent chanter et restent impassibles aux paroles des
autres. C'est déroutant. À ce stade, je me demande bien pourquoi on appelle
ça opéra
!
Jusque là, j'aurais été assez déçu s'il n'y avait pas eu le plaisir de l'oreille (et aussi des yeux, il faut bien le dire) pour l'air The morning lark to mine accords his note interprété par Danielle de Niese seule devant un rideau et mimant de ses mains les mouvements d'une alouette. Viendra ensuite le superbe récitatif accompagné de Peter Rose Wing'd with our fears and pious haste.
Je commence à me dire que l'on entre véritablement dans l'opéra à la toute fin du premier acte quand Claire Debono chante dans son air Endless pleasure, endless love les plaisirs célestes de Sémélé.
Viendront ensuite les deuxième et troisième acte, toujours dans le même décors, dont le rond central a été incliné et dont l'éclairage a changé la couleur. Junon (Vivica Genaux, qui interprète deux rôles) et Iris (Jaël Azzaretti) conspirent contre Sémélé. Pour rejoindre ses appartements, il faut endormir ses gardes. C'est là qu'intervient Somnus, le Sommeil, superbement interprété par la basse Peter Rose (qui joue aussi deux rôles), qui s'endormirait bien tout en chantant ses airs si Iris et Junon baissaient leur vigilance. Ayant pris l'apparence d'Ino (l'illusion est parfaite vu que Vivica Genaux joue les deux rôles, quoiqu'avec des maquillages différents), Junon flatte les envies de Sémélé qui se verrait bien immortelle. Qu'elle se mire dans un miroir embellissant (Myself I shall adore, voir une interprétation par Carolyn Sampson du tube de cet opéra) et qu'elle demande à Jupiter de se montrer sous sa forme divine. Ce que Sémélé découvrira trop tard, c'est qu'elle ne peut être que réduite en cendres dans l'opération.
De retour au monde humain, Ino apprend aux autres que par la volonté de Jupiter, c'est elle qui doit épouser Athamas tandis qu'Apollon (Sébastien Droy) descend annoncer que des cendres de Sémélé et de la cuisse de Jupiter naîtra Bacchus. Le chœur du TCE qui s'est montré excellent se lance alors dans une bacchanale...
Du côté des voix, ma seule déception vient du contre-ténor Stephen Wallace, dont la voix ne monte guère jusqu'au dernier rang du deuxième balcon et qui n'est pas très convaincant scéniquement parlant. On ne l'entend que pendant le premier acte et à la fin du troisième. Les autres m'ont tous fait une très bonne impression. Même si elle ne chante pas beaucoup, Claire Debono est beaucoup présente sur scène depuis la fin du premier acte jusqu'au bout : elle tient une canne et avance à tâtons, et quand Sémélé s'abstente un moment, Jupiter en profite pour l'assaillir...
Du point de vue de la mise en scène, en dehors du premier acte, le seul passage qui m'a un peu déplu ou en tout cas beaucoup étonné est la mort de Sémélé ou plutôt l'apparition que j'imaginais indiscutablement spectaculaire de Jupiter. Les éclairs interrompant le mariage au premier acte étaient beaucoup plus impressionnants. Là, on le voit dans le même habit de nuit quelque peu ridicule et Sémélé descend dans une trappe dont on voit sortir des vapeurs.
Globalement, je suis assez enthousiasmé par ce spectacle, qui doit aussi beaucoup à la musique interprétée par Les Talens Lyriques dirigés par Christophe Rousset. Le public a d'ailleurs applaudi chaleureusement tous les artistes, y compris le metteur en scène David McVicar (la dernière fois que je l'avais vu, en 2004, sa mise en scène du Couronnement de Poppée avait reçu un accueil assez houleux).
2010-06-28 11:32+0200 (Orsay) — Culture — Musique — Opéra
Opéra Comique — 2010-06-27
Phillip Addis, Pelléas
Karen Vourc'h, Mélisande
Marc Barrard, Golaud
Markus Hollop, Arkel
Nathalie Stutzmann, Geneviève
Dima Bawab, Yniold
Luc Bertin-Hugault, Un médecin
Pierrick Boisseau, Un berger
Max Delor, Agnès Aubé, Martine Demaret, Sophie Dumont, Figurants
Chœur accentus
Orchestre Révolutionnaire et Romantique
Sir John Eliot Gardiner, direction musicale
Stéphane Braunschweig, mise en scène et scénographie
Thibault Vancraenenbroeck, costumes
Marion Hewlett, lumières
Pieter Jelle de Boer, chef du chœur
Pelléas et Mélisande, Claude Debussy
Dernier passage à l'Opéra Comique de la saison et avant longtemps. Il fait horriblement chaud à l'intérieur de la salle. Des éventails en plastique sont cependant gracieusement mis à la disposition du public par le cabinat d'avocats Orrick Rambaud Martel.
Les sur-titres ne sont pas visibles de ma place en loge de face ; regarder les écrans latéraux impose de détourner le regard de la scène. Ce n'est sans doute pas seulement que j'aie visionné un Pelléas et Mélisande en DVD au cours de la semaine si je n'éprouve aucun besoin de lire le texte au fur et à mesure qu'il est prononcé par les chanteurs. Quel choc ! Il s'agit du premier opéra à l'écoute duquel on n'a aucun effort à faire pour entendre ce que disent les interprètes (auquel le compositeur, Debussy, demandait lors de la création d'oublier qu'ils étaient chanteurs). C'est en effet véritablement à du théâtre mis en musique que l'on assiste.
En très court, Golaud (Marc Barrard) épouse Mélisande (Karen Vourc'h) après l'avoir rencontrée dans une forêt où ils se sont tous les deux perdus. Quand ils sont arrivés chez Arkel (Markus Hollop), le grand-père de Golaud, un amour naît entre Mélisande et Pelléas (Phillip Addis), le demi-frère de Golaud. Mais, ils mourront tous les deux : Pelléas au quatrième acte quand Golaud les aura surpris, Mélisande au cinquième après qu'elle aura mis au monde une fille dont la paternité est douteuse.
Les décors existent en deux versions : en grand format, et en petit
format, façon jouet pour le petit Yniold. Ils sont constitués de sortes
d'anneaux de Saturne en pente et excentrés. Au centre est inséré soit un
phare soit rien. C'est très cohérent avec le livret qui évoque la lampe
au sommet de la tour qui regarde la mer
que Golaud demande dans une
lettre, lue par Geneviève (Nathalie Stutzmann), qu'on allume pour lui afin
qu'il sache s'il est bienvenu ou non (il a désobéi en épousant Mélisande).
La tour
apparaît ensuite plusieurs fois dans le livret. C'est aussi
à travers une fenêtre de ce phare qu'à la fin du troisième acte, Yniold
(Dima Bawab), installé(e) sur les épaules de Golaud, espionnera à sa
demande ce que font Pelléas et Mélisande à l'intérieur de la chambre. C'est
avec une grande surprise qu'on découvre au deuxième acte, dans la scène de
la fontaine (où en jouant avec Pelléas, Mélisande égare son anneau de
mariage), que cette fontaine est un trou au milieu de ce même dispositif
scénique en pente. Golaud, qui s'est blessé à la chasse pendant ce temps,
se retrouve impuissant, les bras bandés au torse, quand il remarque que
Mélisande a perdu son anneau. Quelques accessoires (fauteuil roulant,
perfusion, couveuse) conformes à l'environnement hospitalier contemporain
sont utilisés pour représenter cette blessure de Golaud, mais aussi
l'infirmité d'Arkel et plus tard la maternité de Mélisande. Par ailleurs,
le fond et les côtés de la scène sont constitués de grands volets, dont une
des rares ouvertures possibles est très en hauteur. Cela appuie le
sentiment de claustration et de manque de lumière qu'éprouve Mélisande. Les
lumières de ce spectacle (Marion Hewlett) sont d'ailleurs excellentes
(alors même que l'univers est sombre, on a trouvé le moyen de varier
l'éclairage avec cette contrainte tout en faisant en sorte que je distingue
toujours très bien les chanteurs, alors même que j'ai oublié de prendre mes
jumelles).
Tout est fait dans cette mise en scène de Stéphane Braunschweig pour
rendre l'histoire intelligible ; c'est très réussi. Le seul aspect qui
m'ait un peu déplu est l'utilisation peut-être excessive du procédé
théâtral consistant à faire regarder les personnages vers des objets
fictifs qui ne sont pas dans le décor (il doit y avoir un mot grec savant
pour dire ça, mais je ne m'en souviens plus). C'est d'ailleurs ainsi que
commence l'opéra, alors que Mélisande et Golaud se rencontrent devant le
rideau de scène baissé. Golaud remarque un objet qui brille ainsi au
fond de l'eau
. Il s'agit de la couronne de Mélisande. On n'en saura pas
plus. Les deux personnages regardent alors vers la fosse d'orchestre. C'est
à la limite de me faire un peu peur pour la suite dans le sens d'une mise
en image conceptuelle
, mais pour ce passage-là, c'est une idée très
bien trouvée. À d'autres moments, je serai un peu moins convaincu. Cela
dit, alors même que cette production respecte presqu'autant que possible le
texte, il est raisonnable de considérer que l'on peut se passer de quelques
éléments de décor que le texte ne mentionne qu'une seule fois.
Cet opéra est tellement différent de tous les autres qu'il est difficile d'avoir une opinion sur les voix. Le fait que les sur-titres m'aient semblé tout à fait superflus et que je ne me sois pas du tout ennuyé est le signe que cela devait être plus que bien. Je dirai juste que Philip Addis (Pelléas) était étincelant et que Karen Vourc'h rendait bien la fragilité juvénile de Mélisande.
D'après le programme, cela devait durer 2h50 entr'acte comprise. Compter
plutôt 3h30. Si la musique ne s'arrête jamais à l'intérieur d'un acte, les
coupures entre les cinq actes étaient un peu interminables. Peut-être que
les instruments de l'Orchestre Révolutionnaire et Romantique de John Eliot
Gardiner devaient absolument être réaccordés toutes les demi-heures ? En
tout cas, je n'ai pas été frappé par la continuité scénique
qui
était annoncée. Si le découpage des trois premiers actes correspond sans
doute à celui de la pièce de Maurice Maeterlinck, les nombreux changements
de décors à l'intérieur de chaque acte font que s'il n'y avait pas de pause
à la fin du premier et du deuxième acte, on ne se rendrait pas compte de ce
découpage interne et la continuité serait plus frappante.
2010-06-22 02:37+0200 (Orsay) — Culture — Musique — Opéra
Opéra Garnier — 2010-06-21
Juan Diego Flórez, Giacomo V (Uberto di Snowdon)
Simon Orfila, Duglas d'Angus
Colin Lee, Rodrigo di Dhu
Joyce DiDonato, Elena
Daniela Barcellona, Malcolm Groeme
Diana Axentii, Albina
Jason Bridges, Serano
Philippe Talbot, Bertram
Lluís Pasqual, mise en scène
Ezio Frigerio, décors
Franca Squarciapino, costumes
Vinicio Cheli, lumières
Montse Colomé, chorégraphie
Alessandro Di Stefano, chef du chœur
Roberto Abbado, direction musicale
Orchestre et Chœur de l'Opéra national de Paris
La donna del lago, Rossini
Troisième représentation de La donna del lago à Garnier, la deuxième à laquelle j'assiste après la première.
Au guichet, la semaine dernière, un panneau annonçait que toutes les
dates de ce spectacle étaient complètes. C'était pour décourager ceux qui
n'étaient pas venus à Opéra exprès pour tenter le coup, les autres auront
essayé d'amadouer le guichetier Il ne vous reste vraiment plus rien pour
La Dame du lac
. Il s'avèra que tiens, donc, curieusement, on
en a encore, et même qu'il y avait l'embarras du choix sur les dates
possibles. (Lors de la représentation, je n'ai pas pensé à regarder si les
stalles sans visibilité avaient trouvé preneurs.)
En arrivant à la station Auber, j'entends une voix chanter, plutôt pas mal du tout, l'air de Violetta Attendo, attendo du troisième acte de La Traviata. Je pense à sortir exceptionnellement une pièce quand je me rends compte qu'il n'y a pas de sébile et que c'est aujourd'hui la Fête de la Musique.
Ma place à 21€ en fond de premières loges (de trois-quarts) a vu sa valeur augmenter de 233% quand à 19h31, je me suis dit que le premier rang de la loge semblait rester vacant et qu'il convenait que j'invitasse les deux spectatrices qui n'osaient pas le faire d'elles-mêmes d'avancer d'un rang, afin que je pusse faire de même. Une balletomane japonaise nous a rejoint et a été ravie de voir la qualité de sa place enfler dans les mêmes proportions que la mienne.
Je n'ai pas grand'chose à ajouter à ce que j'ai déjà dit sur cette production. Cela fait peut être un peu moins mal à voir la deuxième fois. Placé côté jardin (impair) plutôt que côté cour, je peux observer ce que je n'avais pas pu voir :
Quelle armure vois-je !;
Du côté des voix, je suis toujours enchanté par les trois mêmes : Joyce DiDonato, Juan Diego Flórez, Daniela Barcellona. Dans le rôle de Rodrigo, Colin Lee se donne manifestement à fond, mais sa voix est vraiment trop distordue quand il monte dans les aigus pour que ce soit agréable à écouter (cela ressemble alors plus à de la vocalise qu'à du chant, je ne sais pas ce que la partition dit que cela doit être).
Contrairement à ceux de la première, et paraît-il de la deuxième, les spectateurs de cette troisième représentation n'ont hué personne.
2010-06-20 01:06+0200 (Orsay) — Culture — Musique
Opéra Comique — 2010-06-19
Anna Caterina Antonacci, mezzo-soprano
Donald Sulzen, piano
Mandoline, En sourdine, Green, À Clymène, C'est l'extase (Gabriel Fauré, texte de Paul Verlaine, Cinq mélodies de Venise)
Tyndaris et Phyllis (Reynaldo Hahn, texte de Leconte de Lisle, Études latines)
Fumée (Reynalho Hahn, texte de Jean Moréas)
L'Énamourée et Le Printemps (Reynaldo Hahn, texte de Théodore de Banville)
Chère nuit (Alfred Bachelet, texte d'Eugène Adenis)
My Memories (Paolo Tosti, texte de Clifton Bingham)
Love Me! (Paolo Tosti, texte de Githa Sowerby)
Love's way (Paolo Tosti, texte d'Ethel Clifford)
Once more (Paolo Tosti, texte de Githa Sowerby)
Summer (Paolo Tosti, texte de Malcolm Salaman)
Amor, Amor! (Pieradolfo Tirindelli, texte d'Ada Negri)
Scherzo Ballade (Pietro Cimara, texte de Carlo Zangarini)
3 canti all'antica : L'udir talvolta, Ma come potrei, Ballata (Ottorino Respighi, textes de Giovanni Boccaccio)
Pioggia (Ottorino Respighi, texte de Vittoria Aganoor Pomilj)
Nebbie (Ottorino Respighi, texte d'Ada Negri)
Paolo, date mi pace! (Riccardo Zandonai, Francesca da Rimini
Lu Cardillo (Traditionnel en dialecte napolitain)
O del mio amato ben (Stefano Donaudy)
Moonriver (Johnny Mercer et Henry Mancini)
Son pochi fiori (Pietro Mascagni, L'amico Fritz)
Fin d'une série de sept spectacles en huit jours. Après les Tambours sacrés de l'Inde au Théâtre de la Ville, Amitabh Bachchan au TCE, La Donna del lago, Joyce DiDonato au TCE, Another Sleepy Dusty Delta Day (Jan Fabre Troubleyn) au Théâtre de la Ville (Abbesses) et Kaguyahime, c'était ce soir le temps d'écouter le récital d'Anna Caterina Antonacci à l'Opéra Comique.
Comme elle est une des chanteuses que j'apprécie le plus (et que j'ai entendue le plus souvent : huit fois, à égalité avec Natalie Dessay), j'avais choisi une place de première catégorie (troisième rang de l'orchestre, au centre).
Je ne suis pas un habitué des récitals de chant accompagnés au piano. Ce n'est que la troisième fois que je vais à concert présentant cette configuration : les deux fois précédentes étaient avec Waltraud Meier et Joyce DiDonato. Ce soir, le pianiste était Donald Sulzen.
Au programme de ce récital, des airs et mélodies de la Belle Époque. La première partie est consacrée à la musique française : Fauré, Hahn, Bachelet. Je ne suis pas surpris de comprendre les vers qu'elle chante, si ce n'est quand elle augmente le volume de sa voix : cela devient alors trop difficile. J'ai particulièrement aimé Tyndaris (Hahn) et Chère nuit (Bachelet). La deuxième partie commence par des chansons en anglais de Paolo Tosti. Viendront ensuite des chansons en italien et l'air Paolo, date mi pace! de Francesca da Rimini de Riccardo Zandonai.
Le public a applaudi avec enthousiasme la chanteuse à la fin de chaque cycle de chansons, et encore davantage à la fin, jusqu'à une standing-ovation. Expérience inouïe pour moi : quatre bis seront ajoutés en sus du programme préétabli : trois chansons en italien et Moon River. Le directeur du théâtre Jérôme Deschamps est venu lui-même lui remettre un bouquet de fleurs.
Ailleurs : Palpatine.
2010-06-18 23:37+0200 (Orsay) — Culture — Musique — Danse
Opéra Bastille — 2010-06-18
Maki Ishii, musique (1985)
Jiří Kylián, chorégraphie (1988)
Michael Simon, scénographie et lumières
Ferial Simon, Joke Visser, costumes
Elke Schepers, Ken Ossola, Patrick Delcroix, Roslyn Anderson, assistants du chorégraphe
Kees Tjebbes, assistant technique et réalisation lumières
Michael De Roo, direction musicale
Agnès Letestu, Kaguyahime
Vincent Chaillet, Mikado
Ludmila Pagliero, Alice Renavand, Aurélia Bellet, Caroline Bance, Christelle Granier, Villageoises
Nicolas Paul, Josua Hoffalt, Alessio Carbone, Florian Magnenet, Julien Meyzindi, Marc Moreau, Villageois
Florian Magnenet, Matthieu Botto, Les compagnons du Mikado
Ballet de l'Opéra
Kodō, Gagaku et ensemble de percussions invité
Kaguyahime
Je viens de voir le ballet Kaguyahime de Jiří Kylián. C'est un spectacle épatant ! (Et sans doute le plus court spectacle que j'aie vu à l'Opéra Bastille : j'étais arrivé à Orsay à 22h !) La princesse Kaguyahime (Agnès Letestu), venue de la Lune, descend sur Terre. Cinq hommes la courtisent ; elle les repousse en leur donnant à passer des épreuves impossibles. On fête son accession à la majorité. Sa beauté attire encore du monde. Les blancs se battent contre les noirs. Finalement, l'Empereur (Vincent Chaillet) se montre aussi intéressé. Mais, Kaguyahime doit retourner sur la Lune et on ne veut pas la laisser partir. Les gardes ayant été éblouis par l'éclat de l'astre, elle arrive à s'en aller.
La première chose qui surprenne dans ce ballet est la musique de Maki Ishii. L'orchestre n'a pas une forme traditionnelle. Il comprend en effet trois parties : un ensemble de percussions occidentales, un ensemble de tambours japonais (Kodō) et un trio d'instruments à vents (Gagaku). Les instruments mélodiques apparaissent principalement pendant les solos de la princesse Kaguyahime, très contemplatifs, faits d'immobiles mouvements. Quand les autres forces sont en présence, les percussions font un bruit démentiel à un rythme effréné, que les danseurs arrivent à suivre tout en faisant des dérapages contrôlés, des figures très rapides à deux ou à trois danseurs. Dans les scènes de combats au début de la deuxième partie, on trouve toutes les configurations : des hommes combattant entre eux, un homme et une femme, deux femmes, etc. C'est très impressionnant, surtout quand la scène est éclairée par un stroboscope.
Visuellement, c'est aussi très esthétique, le plus éblouissant étant la scène entre la princesse et l'Empereur, sur grand fond doré. Superbe !
2010-06-17 00:47+0200 (Orsay) — Culture — Musique
Théâtre des Champs-Élysées — 2010-06-16
Joyce DiDonato, mezzo-soprano
David Zobel, piano
Danza, danza, fanciulla gentile (Durante)
Se tu m'ami (Pergolesi)
Amarilli mia bella (Caccini)
Mio ben (Rossi)
Nel cor più non mi senti (Paisiello)
Or ch'io non sequo più (Rontani)
Dimmi, ben mio (op. 82 nº1) (Beethoven)
T'intendo si, mio cor (op. 82 nº2) (Beethoven)
L'amante impaziente (op. 82 nº3) (Beethoven)
L'amante impaziente (op. 82 nº4) (Beethoven)
La partenza (WoO 124) (Beethoven)
Cantilène de Desdémone (Chanson du saule) de Otello (Rossini)
I Canti delle Sera : L'assiolo canta, Alba di luna sul bosco, Tristezza crepuscolare, L'incontro (Santoliquido)
Oscuro è il ciel (Pizzetti)
Serenata (Toselli)
O del mio amato bene (Donaudy)
La Pastorello (Castelnuovo-Tedesco)
Lolita, Serenata spagnola (Buzzi-Peccia)
Serenata francese (Leoncavallo)
Canto arabo (Giuranna)
La Spagnola (Di Chiara)
Voi che sapete des Nozze di Figaro (Mozart)
Tanti affetti in un momento de La donna del lago (Rossini)
Cette Joyce DiDonato, quel phénomène ! En sortant de La Dame du lac, lundi, j'avais vu qu'il restait encore des places pour le récital de ce soir au TCE. Ce n'était pas du tout raisonnable, mais j'ai pris une place en fond de loge de face, un placement que je n'avais pas encore eu au TCE.
Une robe bleue en première partie. Une robe noirâtre pour la suite. De très brillants bijoux. Au programme, des chansons d'amour en italien. J'ai découvert au passage que Beethoven en avait écrit ! toute la musique vocale que je connaissais de ce compositeur, à savoir son opéra Fidelio et le dernier mouvement de sa neuvième symphonie, est en allemand. Je ne connaissais absolument aucune de toutes ces chansons à part Assisa a' piè d'un salice d'Otello (Rossini).
Les chansons choisies (du XVIe au XXe) ne sont pas des tubes, qui eussent été choisis dans le seul but de flatter les goûts du public. Je trouve ces choix audacieux et intéressants, et l'impression faite est très bonne. Le demande visant à faire respecter l'intégrité du découpage de la soirée en cycles a été essentiellement respectée par le public, si ce n'est à la fin de Amor, amor, che langue il cor (Lolita : Serenata spagnola) d'Arturo Buzzi-Peccia où il n'était vraiment pas possible de se retenir d'applaudir. Vers la fin, j'ai aussi beaucoup apprécié le chant arabe Su la mia fronte la tua fresca mano de Barbara Giuranna.
Le public a très généreusement applaudi la chanteuse et le pianiste
David Zobel qui l'accompagnait, et il y eut même une standing
ovation, chose que je n'avais jamais vu avant dans cette salle pour de
la musique classique (mais il est vrai que je ne suis pas un habitué des
soirées Grandes voix
).
Le premier bis a été Voi che sapete des Noces de
Figaro. Le deuxième, je n'osais l'espérer, mais je m'y attendais un
peu, a été le final de La Dame du Lac, dans le même
staging
qu'à l'Opéra, précisera-t-elle avec humour. Les
spectateurs de la première ne furent apparemment donc pas les seuls à
penser qu'ils avaient assisté à une version de concert. Peu importent ces
péripéties : elle était aussi sensationnelle ce soir que lundi. Ceux dont
elle savait qu'ils avaient du mal à trouver des places
auront sans
doute été ravis !
Profitant de mon placement très près de la sortie, j'ai pu me trouver en très bonne position dans la queue pour pouvoir féliciter l'artiste, qui dédicaçait aussi ses dernières parutions.
2010-06-15 03:08+0200 (Orsay) — Culture — Musique — Opéra
Opéra Garnier — 2010-06-14
Juan Diego Flórez, Giacomo V (Uberto di Snowdon)
Simon Orfila, Duglas d'Angus
Colin Lee, Rodrigo di Dhu
Joyce DiDonato, Elena
Daniela Barcellona, Malcolm Groeme
Diana Axentii, Albina
Jason Bridges, Serano
Philippe Talbot, Bertram
Orchestre et Chœur de l'Opéra national de Paris
Lluís Pasqual, mise en scène
Ezio Frigerio, décors
Franca Squarciapino, costumes
Vinicio Cheli, lumières
Montse Colomé, chorégraphie
Alessandro Di Stefano, chef du chœur
Roberto Abbado, direction musicale
La donna del lago, Rossini
La Dame du lac était avec La Somnambule un des spectacles d'opéra de la saison que j'attendais le plus. Par chance, je me suis vu attribuer un ticket pour la première, le jour où cet opéra de Rossini entre au répertoire de l'Opéra de Paris. Ma place est cependant excentrée : troisième loge nº6, juste à côté d'un pilier, vue plongeante sur la fosse d'orchestre. Les places sans visibilité de derrière sont occupées par des touristes japonaises, dont les contorsions pour essayer d'y voir quelque chose font un peu de bruit. Puis, plongé dans l'opéra, je n'y fait plus attention. En fait, elles se sont éclipsées au cours du premier acte. Grave erreur, car c'était bien un spectacle d'opéra où les voix étaient tellement belles qu'il n'y aurait pas grand dommage à se contenter d'entendre le spectacle, sa partie visuelle étant par ailleurs assez ringarde...
Le décor principal représente une porte avec une voûte étroite donnant sur des marches descendant sur ce qu'on imagine être le lac Katrine. (La vue d'ensemble ressemble très vaguement à celle de la porte Tilon-ki-Pol à Jaisalmer qui donne sur un lac de bien moindre étendue que celui du poème de Walter Scott.) Le décor en deux parties peut s'ouvrir par le milieu. Il renferme des galeries sur plusieurs étages, des escaliers. Au niveau le plus bas, des portes permettant au chœur d'entrer. Mon point de vue ne me permettait pas de voir le décor du fond de la scène. Les costumes des protagonistes principaux ont l'air recouverts de dorures, on dirait des brocarts.
Voilà pour les côtés positifs du visuel. Le reste fait assez mal à voir.
Des projections vidéo sur l'ovale délimité par les marches figurent les
eaux ondulantes du lac. Une trappe située au centre de la scène permet de
faire monter et descendre des accessoires et des protagonistes. On verra
ainsi ce qui est censé représenter la vue de face d'une barque apparaître.
Pourquoi pas, mais très vite, on comprend que le but n'est pas de créer
l'illusion d'une action réaliste vu qu'un personnage s'éloignera sans
hésitation de la barque pour marcher sur l'eau. Cette trappe sera beaucoup
utilisée, à des fins donc essentiellement symboliques, telle une apparition
mystérieuse d'une harpe vers la fin du deuxième acte. Ce n'était pas un
signe que l'action se passait en Irlande (on est en Écosse), mais cela
annonçeait un numéro musical où la harpe aurait une grande importance (la
place de la harpiste était restée vide jusque là), et était probablement
aussi une référence au premier mot harp
du poème.
Avant d'aller plus loin, un bref aperçu de l'histoire. Le roi James V d'Écosse se perd lors d'une partie de chasse. Enfin, c'est ce qu'il feint lorsqu'il aperçoit Elena, la fille de Douglas, dont il est immédiatement épris. Incognito, il prend le nom d'Uberto. Il ignore qu'il a deux rivaux : Roderick, qui mène une rébellion contre le roi et qui s'est fait promettre la main d'Elena par son père, et Malcolm qui a l'avantage d'être aimé d'Elena en retour. À la fin du premier acte, Elena ne semble pas très enthousiaste à l'idée de se marier avec Roderick, alors qu'une bataille se prépare contre les troupes royale. Au deuxième acte, alors qu'Elena est réfugiée dans un lieu isolé pendant les combats, le roi, toujours déguisé, vient déclarer son amour. Elle lui répond qu'elle en aime un autre. Alors, Roderick débarque et se montre très jaloux. Un duel entre Roderick et Uberto aura lieu ; Roderick sera tué. Pendant ce temps, Douglas a été vaincu. Elena vient retrouver Uberto pour lui demander de l'introduire auprès du roi pourqu'elle obtienne la grâce de son père. Elle est évidemment très surprise quand elle comprend qu'Uberto est le roi et très heureuse quand il pardonne tout le monde pour la rébellion et accorde à Malcolm d'épouser Elena.
Si aucun des chanteurs n'a démérité, trois d'entre eux ont été absolument magnifiques : Joyce DiDonato (Elena), Juan Diego Flórez (Giacomo V/Uberto), Daniela Barcellona (Malcolm). Dans tous les opéras que j'ai vus avec Joyce DiDonato, il y a toujours un rôle travesti (Romeo, Idamante). Pour une fois, elle avait un rôle féminin, et quel rôle ! Elle a de nombreux passages très virtuoses tout au long de l'opéra, et le final est absolument incroyable, effervescent. Pendant une bonne partie du premier acte, il y a des échanges de virtuosités avec Juan Diego Flórez que j'entendais pour la première fois et dont j'ai aimé la voix chaleureuse. Dans le rôle travesti, Daniela Barcellona montre un timbre de voix vraiment agréable. J'ai cru que les applaudissements après son air au premier acte ne s'arrêteraient jamais !
Enfin, quelques mots sur la mise en scène de Lluís Pasqual. J'ai trouvé
que c'était principalement de l'opéra à l'ancienne, avec des chanteurs
faisant face au parterre, également répartis sur la largeur de la scène.
Cela ressemble un peu trop à un opéra en version de concert. D'ailleurs,
les membres masculins du chœur étaient en smoking... alors
qu'a priori, ce sont des guerriers. Il y avait bien une poignée de
figurants muets en habits de guerre au premier plan, mais c'était
essentiellement décoratif. De même, on verra quelques danseurs mettre un
peu d'animation là-dedans, mais on se demande bien pourquoi. Autre
curiosité, en regardant le spectacle d'un œil distrait, on pourrait penser
que Joyce DiDonato a des dons d'ubiquité ou de téléportation. On voit en
effet à plusieurs reprises apparaître sur scène, en particulier dans les
galeries, une femme portant un costume très-semblable au sien et ce, un
instant après que la chanteuse a descendu par la trappe, ou alors même
qu'elle est aussi sur scène. Il me semble qu'Uberto avait aussi un double,
mais je ne suis pas très sûr. La façon dont se termine le duo entre
Roderick et Uberto (arbitré par Elena qui défaille) n'est pas non plus
convaincante. Ils se défient en duel. On donne une épée à Uberto pour qu'il
puisse se défendre, et à la fin de l'air, ils courent tous les deux vers le
fond de la scène pour se mettre à l'abri de nos regards, peut-être par
souci de bienséance ? Je n'ai pas très bien vu ce qui se passait ensuite au
fond de la scène quand les guerriers de Douglas est mise en déroute. Une
dernière source d'amusement : quand les bardes chantent à la fin du premier
acte Un rayon annonciateur d'une immense splendeur montre déjà le
chemin...
, on voit un lustre descendre des cintres. Ce lustre, et
d'autres, reparaîtront dans la scène finale dans le palais du roi.
Bref, je ne suis pas du tout convaincu par cette mise en scène, qui s'est fait huer lors des saluts. Néanmoins, à part les quelques curiosités susceptibles d'engendrer quelque distraction, rien n'empêche vraiment de ce concentrer sur le chant et la musique, et de les apprécier. C'est déjà ça.
2010-06-14 01:43+0200 (Orsay) — Culture — Musique — Culture indienne
Théâtre des Champs-Élysées — 2010-06-13
Amitabh Bachchan
Viju Shah, Claviers 1
Mushraf Khan, Tabla
Prem Singh, Dholak
Ahmed Khawra, Dholak, Duff
Bharat Savla, Percussions
Rajesh Dedhia, Claviers 2
Jayesh Shah, Rythmes électroniques
Amitabh Bachchan lit et chante Harivansh Rai Bachchan
Ce soir, le public clairsemé du TCE était assez différent d'ordinaire : on y voyait beaucoup plus de personnes d'origine indienne que d'habitude. Le spectacle était intitulé Amitabh Bachchan lit et chante Harivansh Rai Bachchan. A priori, on est plutôt venu voir la star du cinéma bollywoodien (standing-ovation immédiate lors de son entrée en scène) qu'entendre les poèmes de Harivansh Rai Bachchan, le père du comédien.
Je ne connaissais qu'un seul de ces poèmes : मधुशाला (Madhushala : Au Cabaret). C'est celui qu'Amitabh Bachchan a chanté en premier, accompagné de musiciens (constituant un effectif inhabituellement élevé pour de la musique indienne : sept). Il y est assez impieusement question d'un lieu où l'on consomme du vin.
La plupart des poèmes qui suivront seront lus sans accompagnement musical. Les sur-titres ont manifestement quelque mal à défiler à la bonne vitesse. Ils sont écrits dans une fonte inhabituellement petite pour ce lieu : les mots défilent plus vite que dans un spectacle d'opéra... En fait, presque systématiquement, Amitabh Bachchan explique en anglais au fur et à mesure le sens des strophes. Comme les vers ne sont pas dénués d'humour, les rires tombent à retardement : une première salve au moment où les mots sont prononcés par ceux qui comprennent le hindi et ceux qui arrivent à lire les sur-titres, une autre fuse quand le sens est expliqué en anglais. Le public applaudit de temps en temps un vers particulièrement édifiant, un peu intempestivement à mon goût.
Parmi les poèmes particulièrement remarquables, ख़ुन के छपे
(Traces de sang) où le poète raconte que sa femme a fait un rêve
terrifiant dans lequel un fantôme vient apposer sur des portes de maisons
l'empreinte de sa main trempée dans un seau de sang. Il se demande à qui se
sang appartient : यह बेगुनाह खून किनकी है ?
.
Les strophes qui suivent commencent aussi par ce vers, dans lequel
l'adjectif बेगुनाह
(innocent) aura été remplacé par un autre. Elles évoquent différents
aspects de la domination de l'Angleterre sur l'Inde.
Celui que j'ai préféré est बुद्ध और नाचघर (Bouddha et le bal) où les religions (le bouddhisme en particulier) sont ridiculisées. Comme pour d'autres poèmes, Amitabh Bachchan explique le contexte. Ici, le poète est en Angleterre à une soirée dansante. Alors que l'on danse et flirte, il aperçoit dans un coin une statue de Bouddha. Le poète pense alors à la contradiction entre la doctrine de Bouddha, son évolution et sa réduction au statut d'objet décoratif :
Il était contre les idoles
Le monde l'a érigé en idole,
Il s'opposait à toute adoration,
Et le monde l'a fait objet d'adoration,
[...]
Sa tête était dénudée,
On lui a mis une belle chevelure bouclée ;
[...]
(Traduction d'Annie Montaut)
Suivront d'autres poèmes, dont certains seront chantés dans un style folklorique. L'avant dernier est intitulé रुस की गुड़िया (La Poupée russe). Il est dans l'ordre d'idées du fragment littéraire gratuit Divagations métaphysiques redux de David Madore. Une petite poupée russe à qui on demande dans combien de poupées elle est imbriquée explique qu'il doit y avoir un monde au-dessus, puis un autre monde encore au-dessus, etc.
Dans le dernier qu'Amitabh Bachchan présente comme une réponse du poète
à une altercation dans laquelle il lui disait en substance : Je suis
certes un bon à rien, mais c'est de ta faute, vu que tu porte la
responsabilité de ma naissance.
. Il lui répond en appliquant
récursivement ce reproche à son propre père, puis au père de celui-ci, etc,
qui ne lui ont pas non plus demandé son avis avant de le concevoir.
Le spectacle s'est terminé par une reprise de Madhushala.
2010-06-08 02:17+0200 (Orsay) — Culture — Musique — Opéra
Théâtre des Champs-Élysées — 2010-06-07
Nicolas Rivenq, Don Giovanni
François Lis, Il Commendatore
Sandrine Piau, Donna Anna
Donát Havár, Don Ottavio
Véronique Gens, Donna Elvira
Laurent Naouri, Leporello
Christian Helmer, Masetto
Ingrid Perruche, Zerlina
Jean-Claude Malgoire, direction musicale
Pierre Constant, mise en scène
Grégory Voillemet, assistant à la mise en scène
Roberto Platé, décors
Jacques Rouveyrollis, lumières
Jacques Schmidt, Emmanuel Peduzzi, costumes
Béatrice Massin, chorégraphie
Ensemble vocal de l'Atelier Lyrique de Tourcoing
La Grande Écurie et la Chambre du Roy
Don Giovanni, Mozart.
Je reviens du TCE où se jouait la première de la reprise de la production de Don Giovanni de Pierre Constant, décor unique de Roberto Platé, direction musicale par Jean-Claude Malgoire de La Grande Écurie et la Chambre du Roy, avec l'Ensemble vocal de l'Atelier Lyrique de Tourcoing et quelques solistes enthousiasmants.
N'étant pas un très grand admirateur de Mozart, je ne vais que très-occasionnellement voir ses opéras. Don Giovanni n'est que le troisième après Die Zauberflöte et Idomeneo.
Je profite pour l'avant-dernière fois du placement que j'ai eu la plupart du temps au TCE cette année : au dernier rang du deuxième balcon, plein centre. Le décor unique, qui est apparemment utilisé pour les trois opéras de la trilogie Da Ponte présentée ces jours-ci, est multi-usages. Une porte escamotable au fond, des ouvertures sur les côtés, une fenêtre, un dalle au centre de la scène permettant d'accueillir la tombe d'Il Commendatore (François Lis). L'opéra est situé à Séville. Les costumes y font penser, sans pour autant que ce fait passe écrase tout.
À part ça, l'action est rondement bien menée dans cet opéra... Don Giovanni (Nicolas Rivenq) veut toutes les femmes. Il en convoite au moins quatre : Donna Anna (Sandrine Piau) et sa servante, Donna Elvira (Véronique Gens), Zerlina (Ingrid Perruche). Leporello (Laurent Naouri) participe, quelque peu désabusé, aux intrigues ourdies par son maître.
Hormis Laurent Naouri et François Lis que j'avais déjà vus dans ces conditions, c'est la première fois que je voyais les autres dans un opéra en version scénique. Si j'ai aimé les prestations de tous ces chanteurs, j'ai été tout particulièrement été impressionné par les qualités de Véronique Gens, son chant, son attitude (malgré l'austère robe noire qu'elle porte à la fin, peu pratique pour venir saluer...). Elle joue vraiment bien celle qui, malgré toutes les tromperies, voudra toujours croire que Don Giovanni peut l'aimer sincèrement. Sandrine Piau me fait aussi une très bonne impression, notamment dans son grand air au deuxième acte. Ingrid Perruche incarne la belle paysanne pas si naïve que ça et qui pourtant échangerait bien des faveurs contre une promotion sociale.
Le duo de comédiens-chanteurs de Laurent Naouri et Nicolas Rivenq est très vivant. En vérité, leurs personnages conduisent l'action de tous les autres et ces artistes-là le font très bien, et parfois de façon très spectaculaire.
Ce ne peut-être pas mon spectacle lyrique préféré de la saison (c'est qu'il y a de la concurrence avec notamment La Bohème, Platée, The Fairy Queen, Norma, La Sonnambula, La Cenerentola, Les Contes d'Hoffmann), mais je trouve qu'il est quand même sacrément bien...
2010-06-06 02:33+0200 (Orsay) — Culture — Musique — Opéra
Opéra Bastille — 2010-06-05
Robert Dean Smith, Siegmund
Günther Groissböck, Hunding
Thomas Johannes Mayer, Wotan
Ricarda Merbeth, Sieglinde
Katarina Dalayman, Brünnhilde
Yvonne Naef, Fricka
Marjorie Owens, Gerhilde
Gertrud Wittinger, Ortlinde
Silvia Hablowetz, Waltraute
Wiebke Lehmkuhl, Schwertleite
Barbara Morihien, Helmwige
Helene Ranada, Siegrune
Nicole Piccolomini, Grumgerde
Atala Schöck, Rossweisse
Philippe Jordan, direction musicale
Günter Krämer, mise en scène
Jürgen Bäckmann, décors
Falk Bauer, costumes
Diego Leetz, lumières
Otto Pichler, mouvements chorégraphiques
Orchestre de l'Opéra national de Paris
Die Walküre, Wagner
Avant de passer à Bastille (où les forces de l'ordre occupent les marches de l'Opéra, les sans-papiers étant sur le trottoir), je suis allé faire un dernier tour à l'exposition Miniatures et peintures indiennes à la BnF (dernier jour : ce dimanche).
À 18h, début de la deuxième représentation de La Walkyrie dans la nouvelle production de Günter Krämer. Les commentaires sur la mise en scène à propos de la première étaient très-unanimement négatifs. La mise en scène et les décors ne m'ont pas du tout plu. Il faut attendre la toute fin de l'opéra pour voir une belle image, encore qu'elle soit gâchée par un dernier soubresaut de la mise en scène...
Sieglinde a été contrainte d'épouser Hunding. Un jour, elle accueille un homme, qu'elle va aimer et qui va s'avérer être son frère jumeau Siegmund. Hunding est le premier à remarquer la ressemblance entre les deux. Il défie l'importun en duel. Les règles de l'hospitalité exigent que les hostilités ne commencent que le lendemain. À la fin du premier acte se trouve mon passage préféré de cet opéra : le long duo entre Sieglinde et Siegmund. Elle lui révèle l'existence d'une épée (qui sera nommée Nothung), durablement plantée dans un arbre, mais que personne n'a jusques à maintenant réussi à enlever. Cette arme est celle qui devrait permettre à Siegmund de vaincre Hunding.
Au Walhalla, Wotan confie à la Walkyrie Brünnhilde la mission d'aider Siegmund dans ce combat, mais son épouse Fricka le force à changer son ordre : Siegmund et Sieglinde ont bafoué le lien sacré du mariage dont elle est la protectrice (que Wotan, qui tel Jupiter ou Zeus est le premier à enfreindre). En expliquant sa nouvelle mission à Brünnhilde, il fait au passage un résumé du prologue (L'Or du Rhin). Brünnhilde vient expliquer à Siegmund qu'il va mourir parce que Wotan a désenchanté l'épée. Abasourdie par son attachement à Sieglinde, elle décide de les aider (respectant ainsi l'ordre que lui avait donné Wotan avant qu'il ne change d'avis). Siegmund sera effectivement tué au combat contre Hunding (Wotan étant intervenu pour briser l'épée), mais Brünnhilde s'en est allée avec Sieglinde.
Le troisième acte commence avec la Chevauchée des Walkyries. Dans cette production, les Walkyries purifient et raniment des guerriers morts au combat (ils sont nus et ensanglantés). Brünnhilde les rejoint avec Sieglinde. Elle demande de l'aide pour que Sieglinde puisse s'enfuir. Comme il s'agit d'aller contre les volontés du père (Wotan), aucune ne veut donner son cheval. Quand Brünnhilde annonce que Sieglinde est enceinte, l'opposition se fait un tout petit peu moins forte : on indique à Sieglinde dans quelle direction elle doit s'en aller, vite avant que Wotan n'arrive. Celui-ci maudit Brünnhilde. Elle est déchue de son statut de Walkyrie. Il va l'endormir et elle devra épouser et obéir à celui qui la découvrira. En insistant beaucoup, Brünnhilde arrive à obtenir que celui-là ne soit pas un lâche : son sommeil sera gardé par les flammes.
J'ai particulièrement aimé les prestations vocales de Ricarda Merbeth
(Sieglinde) et Robert Dean Smith (Siegmund), notamment à la fin du premier
acte. Dans les autres rôles principaux, j'ai été impressionné par Katarina
Dalayman (Brünnhilde) et Thomas Johannes Mayer (Wotan). Il y avait aussi
Yvonne Naef (Fricka), Günther Groissböck (Hunding) et huit Walkyries. Le
chef d'orchestre Philippe Jordan et l'orchestre de l'Opéra de Paris ont été
applaudis comme jamais (en fait, des Bravo
se sont fait entendre
avant-même que la musique ait commencé).
Si musicalement, c'était très beau, visuellement, cela l'était beaucoup moins. Cela commence par une scène de massacre (où des guerriers s'acharnent particulièrement sur une femme) pendant l'ouverture. Les morts vont rester là pendant tout le premier acte. Autant je peux comprendre qu'on ait envie d'évoquer la violence passée entre les différents clans qui s'affrontent, autant cela fait bizarre de voir par exemple Sieglinde enjamber des cadavres. En outre, à titre d'exemple d'une des manières les plus grossières qui se puissent concevoir pour desservir la musique, on verra, et surtout on entendra, dans la deuxième moitié de ce premier acte de l'eau ruisseler sur une surface faisant toute la largeur du plateau de scène.
Au deuxième acte, on se goinfre de pommes au Walhalla. On est loin de la délicatesse avec laquelle Freia les amassait dans l'Or du Rhin. Dans son long duo avec Siegmund, Brünnhilde aligne des pommes au sol pour faire un grand cercle... La façon dont Siegmund (et Hunding) meurt est très confuse. Il se fait entourer par les hommes de Hunding en habits militaires. Wotan vient toucher sa lance qui est plantée à l'avant-scène. Les militaires desserrent les rangs. On voit Siegmund allongé avec ce qui pourrait être un fusil à baïonnette planté dans le ventre. Ce n'est vraiment pas convaincant. En effet, on ne voit pas Hunding combattre et l'intervention de Wotan n'est suggérée que par un contact avec sa lance à l'écart de l'action.
À propos du troisième acte, je n'ai rien contre la séance de remise en état de marche des guerriers par les walkyries. Néanmoins, à l'arrière de la scène, derrière un rideau semi-transparent (où l'on verra quelques lignes d'une écriture manuscrite indéchiffrable par moi), on aperçoit des figurants portant des masques évoquant apparemment des chevaux en train d'exécuter des mouvements chorégraphiques un peu ridicules (je pense qu'on n'en aurait pas voulu au metteur en scène de ne pas rappeler qu'il s'agissait d'une chevauchée). Plus tard, on voit Wotan poser un corps entouré d'une couverture sur une table. Qui est-ce ? Siegmund ? Mystère. Passons. De façon incompréhensible, le rideau est baissé pour un interlude musical au terme duquel on retrouve en scène les mêmes protagonistes : Wotan, Brünnhilde et la table. À la fin de l'opéra, Brünnhilde s'allonge sur la table et semble s'endormir. Le lieu difficile d'accès où elle va reposer se dévoile progressivement dans un tableau vraiment superbe, mais, alors qu'en principe, tout est accompli, Brünnhilde descend de la table et finalement, se dit que c'est mieux de s'allonger dessous.
Cela dure 3h45 sans compter les deux entr'actes de 45 et 30 minutes. Vu que le spectacle commence à 18h, on sort presque à une heure raisonnable.
PS: Il ne s'agit là que de mon avis subjectif sur cette représentation. Je découvre les opéras de la tétralogie au fur et à mesure (je vais essayer d'intercaler quelques lectures avant de voir Siegfried l'année prochaine) et n'ai pas beaucoup d'éléments de comparaison. D'autres plus expérimentés ont vraiment aimé. Pour ma part, peut-être ai-je été tellement déçu par la mise en scène du premier acte que je n'ai ensuite plus vu que les défauts. (À propos de cet premier acte, le décor me semble difficile à lire depuis le deuxième balcon : peut-être ma vue baisse-t-elle, mais même avec les jumelles, je ne parvenais pas à bien voir les empilements façon trophée de chasse du décor qui se passe chez Hunding. A posteriori, il me semble évident qu'il s'agissait de casques de guerriers tués lors de conflits précédents.).
2010-06-02 12:35+0200 (Orsay) — Culture — Musique — Opéra
Ou pourquoi on ne trouvera guère ici de comptes-rendus de spectacles de l'Opéra Comique l'an prochain...
La vente de places de spectacles est un jeu qui peut parfois être un peu
compliqué, plus sophistiqué que le principe du premier arrivé, premier
servi
.
Dans mon expérience, la palme du système le plus compliqué est remportée haut la main par l'Opéra de Paris. En simplifiant un peu, les différentes manières d'y réserver une place sont, dans un ordre correspondant essentiellement à la chronologie et aux priorités :
L'avantage que je tire de ce système est que si je n'inclus pas un spectacle dans mon abonnement, je sais que j'aurai encore la possibilité d'acheter des places plus tard. Si je n'ai pas envie de payer trop cher (par exemple, parce qu'il ne restera plus de places dans la catégorie la moins chère vendue sur Internet), il me reste encore la possibilité d'aller faire la queue au guichet le jour de la mise en vente.
Le jeu
est très compliqué, mais pourtant, ses règles sont
compréhensibles pour le lecteur attentif de la brochure de l'Opéra de Paris
(toutes les informations ne sont pas sur le site Internet, voyez ici pour le calendrier de mise en vente sur Internet et aux
guichets pour la saison 2010/2011). Bien sûr, on ne vous dira pas dans la
brochure que si la vente aux guichets commence bien à 10h30, les portes
auront ouvert à 9h30 et que des fous auront attendu dans le froid depuis 6h
ou bien avant...
Les systèmes de vente du Théâtre des Champs-Élysées, de la Salle Pleyel
et du Théâtre du Châtelet sont apparemment moins compliqués. En gros, il y
a les abonnements (qui ne donnent droit qu'à un certain sous-ensemble des
catégories de places), et puis il y a une date de mise en vente des places
de toutes les catégories : premier arrivé, premier servi
.
Il me semble que jusques à l'année dernière, l'Opéra Comique rentrait
dans ce groupe de maisons qui à partir d'une certaine date (vers juin)
mettent en vente leurs billets à l'unité, notamment sur Internet. C'est par
ce moyen que j'ai acheté toutes mes places à l'Opéra Comique. À la lecture
de la brochure de cette année (très alléchante : j'étais presque tenté par
un abonnement Tutti 8
pour voir tous les opéras programmés, quitte à
ce que ce soit dans une catégorie de prix supérieure à celle que je
pratique habituellement, hausse de prix en partie compensée par les
réductions accordées), il me semble que rien ne laissait présager que cela
changerait. Or, hier, à 11h, la réservation n'était pas proposée pour tous
les opéras et rumeurs
, quand cela a été possible, il y a eu des
messages d'erreurs, et quand ceux-ci se sont dissipés, il apparut
clairement que seules les trois premières catégories de places étaient
proposées à la vente sur Internet. Bref, les règles du jeu ont été
modifiées sans avis préalable (et a posteriori, on ne trouve aucun
message sur le site Internet de l'Opéra Comique disant que les places de
catégories 4, 5, 6, ce n'est pas sur Internet qu'on les trouve). Si cela
avait été annoncé, et clairement, je n'aurais rien trouvé à redire : je
n'aurais juste pas pu aller à faire la queue hier à l'Opéra Comique,
j'aurais peut-être trouvé une autre solution, ou je me serais tout
simplement résolu à payer plus cher. Je veux bien que le système de vente
soit complexe, pourvu que la règle du jeu soit publique. Cette année, cela
n'a pas été le cas, et je trouve que c'est une attitude tout à fait
méprisable de la part de cette institution que je trouvais jusque là des
plus sympathiques (bonne programmation, accueil bienveillant, un beau
design et un contenu intéressant pour les brochures de programme,
un site Internet non bridé).
J'aurais sans doute boycotté totalement l'Opéra Comique l'année prochaine pour cette raison s'ils n'avaient pas programmé Le Freischütz, mais j'ai tellement envie d'entendre cet opéra (même chanté en français et avec des passages parlés dans la tradition française de l'Opéra Comique plutôt qu'avec des récitatifs) que je ferai une petite exception (ajout du 29 juin : un tout petit peu plus, ayant découvert par hasard que le site avait été débridé).
Du coup, cela me libère un peu de budget pour les Concerts Philippe Maillard (que j'ai un peu délaissés ces dernières années puisque leur brochure est une des dernières à sortir), dont la programmation vient d'être annoncée.
2010-05-26 01:25+0200 (Orsay) — Culture — Musique — Danse
Opéra Garnier — 2010-05-25
Ludwig Minkus, musique, réalisée et adaptée par John Lanchbery
Marius Petipa, Sergueï Khoudekov, livret
Rudolf Noureev, chorégraphie et mise en scène d'après Marius Petipa
Ezio Frigerio, décors
Franca Squarciapino, costumes
Vinicio Cheli, lumières
Kevin Rhodes, direction musicale
Emmanuel Strosser, piano
Frédéric Vaysse-Knitter, piano
Agnès Letestu, Nikiya
José Martinez, Solor
Émilie Cozette, Gamzatti
Allister Madin, Le Fakir
Yann Saïz, Le Grand Brahmane
Stéphane Phavorin, Le Rajah
Christine Peltzer, Aiya, servante de Gamzatti
Audric Bezard, L'Esclave
Marc Moreau, L'Idole dorée
Charline Giezendanner, Danse Manou
Sarah Kora Dayanour (sic), Fabien Révillion, Danse indienne
Sabrina Mallem, Première variation
Mathilde Froustey, Deuxième variation
Marie-Solène Boulet, Troisième variation
Ballet de l'Opéra
Élèves de l'École de danse de l'Opéra
Orchestre Colonne
La Bayadère, ballet en trois actes (production créée pour le Ballet de l'Opéra national de Paris le 8 octobre 1992)
Cette année, s'il y a un spectacle du Ballet de l'Opéra que je ne voulais pas manquer — en fait, je suis bien parti pour n'en manquer aucun — c'est bien La Bayadère, dans la version de Rudolf Noureev (1992) d'après Marius Petipa.
La bayadère Nikiya (Agnès Letestu) est aimée du kshatriya Solor (José Martinez), et du grand brâhmane (Yann Saïz). Le rajah de Golconde (Stéphane Phavorin) veut marier sa fille Gamzatti (Émilie Cozette) au-même Solor. Ceci pose problème à Nikiya, ainsi qu'à tout le monde vu qu'avec Solor, ils se sont juré fidélité. On complote contre la bayadère. Alors qu'elle danse pour les fiançailles de Solor et Gamzatti, on lui offre un panier qui contient un serpent venimeux... Plus tard, les deux amants se retrouvent au royaume des ombres.
C'est du grand spectacle. Les décors et costumes sont superbes. Bien
sûr, il s'agit plus de montrer une Inde phantasmée, encore plus irréelle
que la vision bollywoodienne qu'en donne par exemple Devdas (voir
notamment une scène avec Madhuri Dixit Maar Dala pour une
idée de ce que cela peut donner), que de présenter une vision conforme à la
réalité. En effet, même le temple indien le plus tarabiscoté ne ressemble
pas à celui du décorateur. Les femmes indiennes portent tout à fait
autrement leur sari. On a jamais vu un grand brâhmane
aussi
richement paré, etc, etc. Mais, qu'est-ce que ça brille !
On en prend donc plein les yeux, surtout au deuxième acte, avec
l'arrivée de Gamzatti en palanquin, celle de Solor sur un éléphant (quoique
faux, contrairement à celui de la mise en scène de Padmâvatî par Sanjay Leela Bhansali au Châtelet), et des
danses nombreuses et variées, comme celle des perroquets ou celle de
l'Idole dorée (Marc Moreau) ; il y a aussi une danse indienne
qui
fait penser à des danses du Penjab.
L'ambiance de fête se suspend brutalement quand la bayadère Nikiya entame sa danse langoureuse au son des violoncelles. Un moment magique.
Au cours du troisième acte, on peut apprécier le défilé et les alignements d'un groupe de trente deux danseuses lors de la fameuse Entrée des ombres. Ce troisième acte fait bien sûr penser au deuxième de Giselle. Ensemble ou séparément, José Martinez et Agnès Letestu effectuent de nouvelles prouesses, et les trois danseuses Sabrina Mallem, Mathilde Froustey et Marie-Solène Boulet dansent de belles variations.
La musique de Minkus semble présenter en soi moins d'intérêt que d'autres musiques de ballet. Il paraît que c'est la faute des photocopieuses soviétiques : la partition ramenée par Noureev était incomplète.
Ailleurs : Klari.
2010-05-14 19:25+0200 (Orsay) — Culture — Musique — Opéra — Théâtre
Opéra Garnier — 2010-05-13
Martin Haselböck, direction musicale
John Malkovich/Michael Sturminger, mise en scène
Birgit Hutter, costumes
Christoph Willibald Gluck, Luigi Boccherini, Wolfgang Amadeus Mozart, Joseph Haydn, Ludwig van Beethoven, Carl Maria von Weber, musique
John Malkovich, comédien
Bernarda Bobro, soprano
Aleksandra Zamojska, soprano
Orchester Wiener Akademie
La comédie infernale, confessions d'un seriel killer, théâtre musical de Michael Sturminger et Martin Haselböck
Il est des spectacles de l'Opéra qui sont bien cachés dans le programme.
Les aurait-on repérés dans la brochure que, la campagne d'abonnements
passée, il faudrait encore s'en souvenir le moment venu pour faire une
réservation. Ce n'était pas mon cas en ce qui concerne le spectacle La
comédie infernale, confessions d'un serial killer. Lors d'une visite
récente sur le site de l'Opéra, le titre aura sans doute paru dans la liste
des spectacles pour lesquels des billets étaient mis en vente et par
curiosité, j'aurai cliqué et saisi ainsi l'occasion de voir depuis les
premières loges
John Malkovich sur la scène du Palais Garnier.
Il s'agit d'un spectacle de théâtre musical inspiré par la vie et la mort de Jack Unterweger, un serial-killer autrichien ayant été condamné vers 1974, qui fut gracié et relâché en 1990 à la suite de pétitions en faveur d'un homme qui était devenu écrivain en prison. Quand des meurtres semblables aux précédents — prostituées étranglées dans leurs soutiens-gorge — surviendront, il sera à nouveau condamné en 1994. S'étant suicidé avant d'avoir pu faire un éventuel appel de cette condamnation, il jouit de la présomption d'innocence...
Alors qu'il a menti toute sa vie et qu'il est aux Enfers depuis une
quinzaine d'année, Jack Unterweger décide d'écrire la vérité dans un livre
Confessions d'un serial-killer
et, suivant la recommandation de ses
éditeurs, il se donne en spectacle pour vanter les mérites de son livre.
Différentes femmes ayant gravité autour de lui s'incarnent sur scène à ses
côtés en interprétant des airs d'opéra de Gluck, Boccherini, Vivalvi,
Mozart, Beethoven, Haydn et Weber correspondant à la situation dramatique.
La partie musicale est assurée par l'Orchester Wiener Akademie dirigé par
Martin Haselböck (qui a une drôle de manière de diriger ses cuivres : il
lance très-ostensiblement sa main dans la direction de celui qui doit
jouer) et les deux sopranos Bernarda Bobro et Aleksandra Zamojska. Si la
voix de la deuxième m'a paru manquer un peu de puissance dans son premier
air, l'autre m'a bien plu, notamment dans la scène de Bérénice
Berenice, che fai de Haydn.
Le personnage qu'interprète John Malkovich est drôle, dans un genre très
cynique. Les rires sont parfois un peu à contretemps, vu que le texte parlé
de Michael Sturminger est en anglais the international language of
love
, surtitré en français. À un moment donné, il s'énerve contre son
ordinateur (un Mac donné par son éditeur ; il préférerait un PC) alors
qu'il va lire des extraits de la page Wikipédia le
concernant et ironiser à propos des erreurs qu'elle contiendrait. Je ne
suis pas mécontent d'avoir assisté à ce spectacle de théâtre lyrique d'un
peu moins de deux heures.
2010-05-08 02:46+0200 (Orsay) — Culture — Musique — Opéra
Opéra Bastille — 2010-05-07
Laura Aikin, Olympia
Inva Mula, Antonia
Béatrice Uria-Monzon, Giulietta
Ekaterina Gubanova, La Muse/Nicklausse
Giuseppe Filianoti, Hoffmann
Cornelia Oncioiu, Une Voix
Rodolphe Briand, Spalanzani
Jason Bridges, Nathanaël
Alain Vernhes, Luther, Crespel
Léonard Pezzino, Andres, Cochenille, Frantz, Pitichinacio
Franck Ferrari, Lindorf, Coppélius, Dr Miracle, Dapertutto
Vladimir Kapshuk, Hermann
Yuri Kissin, Schlemil
Jesus Lopez-Cobos, direction musicale
Robert Carsen, mise en scène
Michael Levine, décors et costumes
Jean Kalman, lumières
Philippe Giraudeau, mouvements chorégraphiques
Patrick Marie Aubert, chef de chœur
Orchestre et Chœur de l'Opéra national de Paris
Les Contes d'Hoffmann, Offenbach
Je n'avais encore jamais vu la production du dernier opéra d'Offenbach qui repasse ce mois-ci à l'Opéra Bastille. La mise en scène de Robert Carsen des Contes d'Hoffmann est absolument superbe. C'est assurément un des tout meilleurs spectacles d'opéra que j'aie vu.
L'opéra se passe pendant une représentation de Don Giovanni dans laquelle chante Stella, la femme dont est éprise Hoffmann. Ainsi, tout naturellement, les décors font de l'opéra dans l'opéra. Durant le prologue, on voit ainsi le décor de l'opéra de Mozart faire un travelling latéral. Quand il en sort, on voit les coulisses, ainsi que Hoffmann et ses amis en train de bien boire. Alors qu'il leur raconte l'histoire de Kleinzach à la cour d'Eisenach, son esprit se fixe sur trois femmes qu'il a aimées : Olympia, Antonia, Giulietta. Chacune est évoquée pendant un acte. Pour nous accompagner ainsi qu'Hoffmann dans ce retour en arrière, la Muse d'Hoffmann a pris l'apparence de Nicklausse, un ami d'Hoffmann.
Dans l'acte d'Olympia, le monde de l'opéra sera présent via des musiciens et un chef côté cour tandis que les invités de Spalanzani dansent dans de riches costumes. Hoffmann tombe amoureux de l'automate Olympia, une authentique poupée.
Dans celui d'Antonia, les personnages évoluent dans un décor de fosse d'orchestre et de scène d'opéra. La défunte mère d'Antonia était cantatrice : sa voix se fera entendre depuis cette scène alors qu'elle porte une robe à crinoline. Comme elle, Antonia mourra d'avoir trop chanté.
Enfin, dans celui de la vénale Giulietta, nous voyons la scène par l'arrière, avec des rangées de fauteuils dans le fond. Ces rangées peuvent osciller latéralement de façon à faire penser aux gondoles de Venise. À un moment, les chanteurs chantent pour nous, puis ils se tournent pour saluer les faux spectateurs. Les fauteuils étant de couleur rouge, on se croirait presque à un concert Salle Pleyel.
L'épilogue referme l'opéra conformément aux commencements. Ainsi, Hoffmann reprend où il en était de l'histoire de Kleinzach, la Muse remet ses habits antiquisants (et sa lyre). Elle s'en va avec Hoffmann sur la scène nue.
Tout ceci est servi avec d'excellents chanteurs. J'ai tout particulièrement apprécié Giuseppe Filianoti (Hoffmann), Ekaterina Gubanova (La Muse/Nicklausse), Laura Aikin (Olympia), Inva Mula (Antonia) et Franck Ferrari (Lindorf, Coppélius, Dr Miracle, Dapertutto).
L'opéra fantastique
ayant été créé après la mort du compositeur,
de nombreux remaniements ayant été faits en préparation de la création et
l'orchestration ayant dû être terminée par Ernest Guiraud, les commentaires
que j'avais déjà lus sur cet opéra ainsi que ceux du programme donnent
l'impression que l'ensemble est un sacré plat de spaghettis qui doit être
recomposé pour chaque production de cet opéra, au fil des différentes
traditions d'interprétations et de découvertes nouvelles de documents de
l'époque. Parmi les différentes curiosités, on peut noter qu'il existe des
versions avec passages parlés alors que dans d'autres (comme dans cette
production), ceux-ci sont transformés en récitatifs. Par ailleurs, la
longueur de l'acte d'Antonia est très variable : lors de la création, il
avait carrément été supprimé. Il souffre de la comparaison avec les actes
d'Olympia et d'Antonia ; musicalement, on a néanmoins la Barcarolle et
l'air de Dapertutto Scintille diamant (dont j'avais entendu parler
comme n'étant pas authentique
, mais que j'ai découvert avec surprise
au cours de la représentation). De même, je ne connaissais pas le sextuor
qui commence par Hélas ! mon cœur s'égare encore (tiens, en fait
peut-être que si, mais avec d'autres paroles...).
Parmi mes morceaux préférés dans cet opéra, il y a l'air de Nicklausse Vois sous l'archer frémissant. Si j'ai aimé le chant d'Ekaterina Gubanova, j'ai été très surpris, voire traumatisé, par les choix de direction du chef d'orchestre (Jesus Lopez-Cobos) : les violons se retrouvaient parfois escamotés par le volume sonore d'autres instruments.
Une nouvelle fois, le public scolaire s'est montré pénible. Une bonne
proportion des derniers rangs étaient occupés par des élèves. Sur ma
droite, il a fallu une petite remarque chuchotée bien sentie pour que je
n'entende plus le commentaire en direct de l'opéra. Par-devant moi, un
écran de téléphone portable est allumé : une fille y joue à un
casse-briques. Au moins, elle le fait silencieusement... Dans les
catégories d'âge plus évoluées, derrière moi, à propos de Nicklausse,
j'entends notamment On dirait que c'est une femme, non ?
. À ma
gauche, un couple devise sans trop faire de bruit, mais quand la demoiselle
a besoin d'un mouchoir, j'ai droit à l'attrapage de sac à main, l'ouverture
de fermeture éclair, le fouillage de sac... la fermeture éclair qui se
clôt, etc. Au secours !
2010-05-07 16:43+0200 (Orsay) — Culture — Musique
Salle Pleyel — 2010-05-06
Rolando Villazón, ténor
Lucy Crowe, soprano
Gabrieli Consort & Players
Paul McCreesh, direction
Œuvres de Händel
Hier soir, j'ai assisté au récital de Rolando Villazón salle Pleyel. Vu l'inflation des prix dans ce type de soirées (130€ en première catégorie), j'avais opté pour une place à 10€, achetée en janvier dans les dix minutes ayant suivi la réception du mail de la salle Pleyel annonçant la programmation de ce concert.
Je me suis donc retrouvé au deuxième balcon, au bout du tout dernier rang. J'y reste vu que le réseau de rambardes métalliques ne gêne absolument pas ma vue sur la scène. J'y suis très seul : l'essentiel des places proches sont vides, leurs occupants ayant préféré se replacer.
Quand les Gabrieli Consort & Players dirigés par Paul McCreesh commencent l'Arrivée de la Reine de Saba de l'oratorio Solomon de Händel, je suis surpris par le volume sonore, pas tant atténué que cela. Restait la question de savoir si cet effet acoustique se perpétuerait quand le ténor Rolando Villazón allait chanter (pas un mot sur ses problèmes de voix récents dans le programme). Aucun problème de ce côté-là, il se fait très bien entendre jusqu'au tout dernier rang. Les airs, tous händeliens, sont de plus en plus enthousiasmants (airs de Rodelinda, Serse, Ariodante, Tamerlano) jusqu'au deuxième bis qui déclenche une standing ovation dans les premiers rangs du parterre.
En complément de programme, il y avait aussi le Concerto grosso op. 3 nº2 en si bémol majeur et le concerto pour hautbois nº3 en sol mineur, HWV 287, et surtout deux airs de Cleopatra dans Giulio Cesare in Egitto superbement chantés par la soprano Lucy Crowe.
PS : En fait, on l'entend très bien même quand, de dos, il chante pour l'arrière-scène...
2010-04-30 12:23+0200 (Orsay) — Culture — Musique — Opéra
Opéra Bastille — 2010-04-29
Kim Begley, Edward Fairfax Vere
Lucas Meachem, Billy Budd
Gidon Saks, John Claggart
Michael Druiett, Mr Redburn
Paul Gay, Mr Flint
Scott Wilde, Lieutenant Ratcliffe
Andreas Jäggi, Red Whiskers
Igor Gnidii, Donald
Yuri Kissin, Dansker
François Piolino, The Novice
John Easterlin, Squeak
Franck Leguérinel, Bosun
Chae Wook Lim, First Mate
Jian-Hong Zhao, Second Mate
Paul Crémazy, Maintop
Vladimir Kapshuk, The Novice's Friend
Guillaume Petitot-Bellavène, Arthur Jones
David Fernandez Gainza, Gunner's Mate
Christian-Rodrigue Moungoungou, Voice Answering from the Distant Boat
Andrea Nelli, Sailor
Robert Catania, Solo ténor
Lucio Prete, Solo baryton
Shin Jae Kim, Solo basse
Jeffrey Tate, direction musicale
Francesca Zambello, mise en scène
Alison Chitty, décors et costumes
Alan Burrett, lumières
Patrick Marie Aubert, chef de chœur
Orchestre et Chœur de l'Opéra national de Paris
Maîtrise des Hauts-de-Seine / Chœur d'enfants de l'Opéra national de Paris
Billy Budd, Britten
L'Opéra de Paris a semble-t-il eu du mal à remplir la salle de Bastille pour les représentations de Billy Budd de Britten. C'est dommage, car si la musique de Britten est certes parfois quelque peu déroutante, c'est une belle production d'opéra.
Adapté d'une nouvelle de Melville, cet opéra raconte un épisode de la vie à bord de L'indomptable, en guerre contre les Français. Des années après, le capitaine Edward Fairfax Vere (Kim Begley, Loge dans Das Rheingold récemment) se souvient de 1797. Le jeune, beau, loyal et bon Billy Budd avait été enrôlé sur le navire ; son seul défaut est qu'en cas d'émotions fortes, il se met à bégayer. À l'opposé, le Mal est représenté par le maître d'armes John Claggart. Il est attiré par lui, mais il affirme vouloir détruire l'incarnation de ces qualités qui lui sont étrangères dans le très beau passage du premier acte Handsome... O beauty, o handsomeness, goodness! Would that I ne'er encountered you!. Il conspire contre Billy Budd en essayant de le faire passer pour un déloyal, susceptible de lancer une mutinerie.
La proximité d'un navire français empêche temporairement à Claggart de dénoncer Budd au capitaine. L'équipage se prépare au combat. Les canons n'ont pas la portée suffisante pour atteindre l'ennemi et le vent insuffisant empêche de le rattraper. Aucun Français ne sera maltraité dans cet opéra. Claggart est maintenant libre de lancer son foudre sur Billy Budd. Le capitaine ne peut croire à ses contes. Quand Budd doit écouter en sa présence les fausses accusations du maître d'armes, son bégayement l'empêche de répondre. Ce qu'il aurait voulu dire en mots, il l'exprime de son poing. Claggart s'effrondre raide mort sous le coup. Alors qu'il sait Billy Budd innocent, il laisse son procès se faire. Budd sera pendu. Alors que Vere se reproche son attitude, Billy Budd le bénit. À sa mort, la confusion règne dans l'équipage. Dès années plus tard, Vere se dit qu'il aurait pu le sauver.
Contrairement au deuxième acte pendant lequel je n'ai pas vu le temps passer, le premier acte m'a semblé un petit peu long. Le décor unique est un carré de parquet incliné dont un angle est dirigé vers la salle. Sur la droite, un mat dont la forme fait penser à une Croix de Lorraine. La référence au christianisme est assez évidente. Les lumières, très belles, accentuent explicitement la forme de croix en la projetant en ombre sur le sol ; au milieu de son torse nu, une ligne verticale et une autre horizontale inscrivent une forme de croix sur le corps du héros. Au deuxième acte, on découvre qu'une subdivision du carré de parquet le long d'une diagonale permet de modifier l'inclinaison de la partie dirigée vers la fosse. Quand elle est relevée, les hommes d'équipage peuvent s'y préparer au combat. Cela permet aussi à la scène de la confrontation entre Claggart et Budd de se tenir dans un espace plus confiné. La réduction de l'espace scénique pour les besoins des différentes scènes est en fait réalisé de diverses manières : un rideau de scène peut être descendu pour ne laisser qu'un petit coin pour l'air de Claggart du premier acte, les lumières peuvent laisser dans l'obscurité tout sauf ce même coin à un autre moment. Bref, la mise en scène (de Francesca Zambello) s'inscrit très intelligemment dans le décor et les lumières, ce qui donne un cadre visuellement beau pour ces deux fois 1h20 de musique continue.
2010-04-25 22:09+0200 (Orsay) — Culture — Musique — Culture indienne
Théâtre de la Ville — Les Abbesses — 2010-04-24
Subhra Guha, chant (khyal et thumri)
Sanjukta Bishwas, harmonium et chant
Sanju Sahai, tabla
Sudipta Remy, tampura
J'ai assisté hier soir au concert de Subhra Guha au Théâtre de la Ville (Abbesses). Il s'agissait de chant khyal et thumri (Nord de l'Inde). C'était seulement la deuxième fois que j'en entendais ; la première fois, c'était lors des vingt-quatre heures du Râga durant lesquelles Kaushiki Chakraborty avait chanté.
L'instrumentation comporte un harmonium, un tampura et des tablas. Le
tempo est très lent au début, comme souvent dans la musique indienne, et
les tablas n'entrent en scène que plus tard, mais au cours de ce concert,
le rythme ne sera jamais rapide, juste un peu moins lent, le but n'est
manifestement pas de briller, mais d'oser faire entendre une forme aussi
austère de chant à un public que la chanteuse aura flatté par avance (et à
la fin, disant que le public parisien, c'était vraiment Something
else!
).
La première pièce (khyal) du concert va ainsi se développer
majestueusement sur un petit peu moins d'une heure ! Viendront ensuite un
chant thumri, une troisième pièce et une quatrième (Bhairavi). On entendra
parfois la chanteuse improviser en prononçant le nom des notes de la gamme.
Concernant d'éventuels mots articulés, le seul que j'aie compris de tout le
concert est Govindaswami
.
2010-04-25 12:32+0200 (Orsay) — Culture — Musique — Opéra
Bien que n'ayant aucune formation musicale, je constate qu'à force d'aller à des concerts, il m'est devenu assez facile de reconnaître le style de quelques compositeurs. Quand je branche la radio sur France Musique et que je tombe au milieu d'un extrait, je ne peux donc m'empêcher, si je ne reconnais pas le morceau directement, d'essayer de déterminer le compositeur ou au moins la période. Souvent, ça marche.
Parfois, le détecteur bugge complètement, comme avec l'extrait d'opéra sur lequel je suis tombé hier. Par certaines fioritures, ça me fait penser que ç'a été écrit à l'époque de Mozart, sinon par lui-même. Je me rends compte que c'est chanté en allemand : les possibilités sont réduites. La tournure que prend l'extrait me ferait plutôt penser à Wagner. Je me retrouve ainsi à attendre compulsivement que l'extrait se termine pour savoir quel est ce compositeur qui m'a mis dans une contradiction assez opposant lamentablement Mozart et Wagner...
Conclusion : il s'agissait d'un extrait (chanté par Karita Mattila) d'un opéra créé en 1821 : Der Freischütz de Weber. Je ne connaissais que L'invitation à la valse (utilisée dans le ballet Le spectre de la rose) et l'ouverture de cet opéra, qui sera joué à l'Opéra-Comique l'année prochaine dans l'adaptation française de Berlioz.
2010-04-22 01:16+0200 (Orsay) — Culture — Musique — Danse
Opéra Garnier — 2010-04-21
Maurice Ravel, musique (concerto pour piano et orchestre en sol majeur)
Jerome Robbins, chorégraphie (1975) réglée par Jean-Pierre Frohlich
Erté, décors et costumes
Jennifer Tipton, lumières
Koen Kessels, direction musicale
Orchestre de l'Opéra national de Paris
Elena Bonnay, piano
Ballet de l'Opéra
Aurélie Dupont
Nicolas Le Riche
En Sol
Nico Muhly, musique originale
Benjamin Millepied, chorégraphie (2008) et costumes
Patrice Besombes, lumières
Kurt Froman, assistant du chorégraphe
Frédéric Lagnau, piano
Bruno Flahou, trombones
Jean Raffard, trombones
Marie-Agnès Gillot
Dorothée Gilbert
Vincent Chaillet
Nicolas Paul
Triade
Frédéric Chopin, musique (quatre nocturnes pour piano, op. 27 nº1, op. 55 nº1 et 2, op. 9 nº2)
Jerome Robbins, chorégraphie (1970) réglée par Jean-Pierre Frohlich
Anthony Dowell, décors et costumes
Jennifer Tipton, lumières
Ryoko Hisayama, piano
Ludmila Pagliero, Jérémie Bélingard
Agnès Letestu, Stéphane Bullion
Delphine Moussin, Nicolas Le Riche
In the Night
Frédéric Chopin, musique (pièces pour piano)
Clare Grundman, arrangements et orchestration
Jerome Robbins, chorégraphie (1956) réglée par Jean-Pierre Frohlich
Rideau de scène d'après Saul Steinberg
Irene Sharaff, costumes
Jennifer Tipton, lumières
Vessela Pelovska, La pianiste
Julien Meyzindi, Un homme (avec écharpe)
Laurène Levy, Clara Delfino, Deux demoiselles
Dorothée Gilbert, La ballerine
Laure Muret, Une fille en colère (avec lunettes)
Béatrice Martel, La femme
Alessio Carbone, Le mari
Simon Valastro, L'étudiant timide
Eric Monin, Le contrôleur
Sébastien Bertaud, Un homme
The Concert ou les malheurs de chacun
Je continue mon intégrale des spectacles de danse de l'Opéra de la saison 2009/2010. Plus que trois. Mes réservations pour la prochaine saison sont en cours de traitement...
Aujourd'hui donc, c'était la première du spectacle Hommage à Jerome Robbins. Je découvre avant de partir que je n'aurai pas une de mes places préférées, mais une place centrale à l'amphithéâtre, peu confortable pour mes genoux.
Cela commence par une pièce légère et littorale En Sol sur la musique du concerto pour piano et orchestre en sol majeur de Ravel. Six couples de danseurs. Un beau pas de deux entre Aurélie Dupont et Nicolas Le Riche dans le deuxième mouvement.
Puis Triade, chorégraphié par Benjamin Millepied dont j'avais déjà vu le ballet Amoveo en novembre. Le site de l'Opéra annonce à tort qu'il s'agit d'une création. La musique est du jeune compositeur Nico Muhly. C'est plus agréable à écouter que le Philip Glass qu'il fallait supporter dans Amoveo. La danse est aussi intéressante à voir que dans cet autre ballet de Millepied, quoique le début soit déroutant : les quatre danseurs Marie-Agnès Gillot, Dorothée Gilbert, Vincent Chaillet et Nicolas Paul n'arrêtent pas d'entrer et de ressortir de scène presqu'aussitôt.
Les deux derniers ballets de Robbins au programme utilisent de la musique de Chopin. Dans In the night, on entend quatre nocturnes. Pendant les trois premiers, on assiste à des pas de deux successifs de trois couples. D'abord Ludmila Pagliero/Jérémie Bélingard, puis Agnès Letestu/Stéphane Bullion et enfin Delphine Moussin/Nicolas Le Riche. C'est de plus en plus beau à regarder. Dans le dernier nocturne, les trois couples reviennent. Quelques passages malicieux. Ainsi, par exemple, pendant qu'un des couples (sans doute Moussin/Le Riche) évolue, on voit apparaître sur le côté Paglerio/Bélinguard arriver sur scène pour en ressortir aussitôt par la sortie voisine !
Le dernier ballet The Concert ou les malheurs de chacun ferait presqu'oublier tout le reste. Il s'agit d'une pièce comique. La pianiste Vessela Pelovska entre sur la scène où un piano est installé. Alors que le spectacle est déjà commencé, mais pas encore le spectacle dans le spectacle (un rideau de scène d'après Saul Steinberg aura représenté un théâtre), le public se prend au jeu et applaudit la soliste. Celle-ci caricature les tics des pianistes. Elle s'assied, règle longuement son siège, inspecte le clavier, sort un chiffon pour épousseter le clavier... Elle commence à jouer. Des auditeurs arrivent. Des demoiselles, une fille en colère (avec lunettes, précise le programme), une ballerine (Dorothée Gilbert), un couple, etc. s'installent sur un siège. Un ouvreur lance un jeu de taquin quand il est constaté que certains ne sont pas à leur place. On retire le siège de la ballerine qui ne s'en aperçoit pas tout de suite, la position à l'équerre lui étant toute naturelle (voir l'extrait sur le site de l'Opéra). Cela part ensuite dans tous les sens, alors que le récital de piano continue (quoique l'orchestre intervienne aussi parfois, et dans une orchestration qui n'est pas des plus sérieuses). On rit beaucoup, notamment quand le ballet parodie le ballet classique et montre de manière comique des grossières erreurs de danseurs. Quelque danseuse du corps de ballet se retrouve mal positionnée, se meut à contretemps ; dans un mouvement de groupe, deux danseurs trop rapprochés empêchent une danseuse de passer ; une autre fois, la ballerine doit enjamber en ciseaux des mains lacées. On la verra aussi utiliser toutes les ruses pour attirer l'attention sur elle. Tout ceci est très espiègle. Des ailes frou-froutantes leur étant apparues, les danseurs transformés en papillons nous font entrer dans un monde onirique, jusqu'à ce que la pianiste en ait assez !
2010-04-13 02:59+0200 (Orsay) — Culture — Musique — Opéra
Opéra Comique — 2010-04-13
Marie Lenormand, Mignon
Ismael Jordi, Wilhelm Meister
Malia Bendi-Merad, Philine
Nicolas Cavallier, Lothario
Blandine Staskiewicz, Frédérick
Christophe Mortagne, Laërte
Frédéric Goncalves, Jarno
Laurent Delvert, Un serveur
Chœur accentus
Orchestre Philharmonique de Radio France
François-Xavier Roth, direction musicale
Jean-Louis Benoit, mise en scène
Laurent Peduzzi, décors
Thibaut Welchlin, costumes
Dominique Bruguière, lumières
Laure Talazac, maquillage
Christophe Grapperon, chef de chœur
Mignon, Ambroise Thomas
Deux-mille-soixante-troisième représentation de Mignon à l'Opéra Comique. Bien que les chanteurs sur scène se fussent écriés que le théâtre prenait feu, il était évident que c'était pour de faux, contrairement à la soirée du 25 mai 1887 au cours de laquelle la deuxième salle Favart fut détruite.
Quand on regarde le passé, il est toujours étonnant de voir que des spectacles qui furent populaires au point que la millième d'un opéra fut jouée du vivant de son compositeur, que la deux-millième eut lieu en 1955 et qu'entretemps, il est presque devenu une rareté.
Le personnage de Wilhelm Meister (adapté de Goethe) hésite entre deux femmes. L'une est Mignon, un jeune enfant qui a oublié ses origines. Elle est l'esclave de Jarno. Elle rapporte quelque revenu en exécutant la danse des œufs. Elle se rebelle. Wilhelm passe par là, rachète sa liberté. Elle devient son page. Ainsi accoutrée, elle l'accompagne à une représentation donnée par la comédienne Philine. Le cœur de Wilhelm balance entre les deux, quand il voit pour la première fois Mignon dans une robe empruntée à sa rivale. Philine triomphe sur scène. Mignon en est jalouse. Elle la maudit. Alors que le théâtre commence à brûler, Philine envoie Mignon rechercher un bouquet de fleurs. Wilhelm vient sauver Mignon et les deux s'en vont. Mignon retrouve le lieu où elle a véçu, son père et, happy ending, épouse Wilhelm.
Vu son caractère androgyne, le rôle de Mignon, surtout au début, n'est pas des plus brillants. Le tube de cet opéra, c'est l'air de Philine Je suis Titania (on joue Shakespeare sur scène...). On en entend d'ailleurs la musique assez longuement dès l'ouverture. Néanmoins, on a l'occasion de bien apprécier le chant des principaux chanteurs : Malia Bendi-Merad (Philine), Marie Lenormand (Mignon), Ismael Jordi (Wilhelm Meister), Nicolas Cavallier (Lothario), Blandine Staskiewicz (Frédérick). Ces deux derniers sont les seuls de la distribution que j'avais déjà entendu. Nicolas Cavallier, déjà vu en Escamillo (Carmen), interprétait ainsi le père de Mignon, parcourant les routes à la recherche de celle qu'il ne peut plus reconnaître vu qu'il a perdu la mémoire. Blandine Staskiewicz, vue dans Norma, jouait le rôle travesti d'un amant jaloux de Philine. Ces chanteurs furent tous très bons. Un petit bémol cependant pour Ismael Jordi dont la prononciation du français n'était pas toujours parfaite.
Du point de vue musical, c'était très bien. Dans la fosse, se trouvait
en effet l'Orchestre Philharmonique de Radio France, dirigé par
François-Xavier Roth. J'avais déjà vu ce chef, de dos, diriger la musique
d'Altre Stelle dont je n'avais pas vraiment
apprécié le son. Dans cette production, revenant semble-t-il à des
traditions françaises oubliées en matière de direction, il dirige face au
parterre, les musiciens jouant pour la scène
.
La mise en scène, très classique (cela se passe à l'époque où c'est censé se passer, les didascalies du livret sont respectées, la robe blanche est blanche, etc.) est très belle à regarder pendant les passages les plus animés de l'opéra, comme les danses bohémiennes du premier acte et la représentation du Songe d'une nuit d'été insérée dans le deuxième acte.
Bref, un beau spectacle. J'étais exactement à la même place que lorsque j'avais vu L'Amant jaloux, à savoir un troisième rang de loge de face. Comme la dernière fois, quelques spectateurs bruissant, telle la spectatrice ancienne qui prend un temps fou à enlever le plastique autour d'un bonbon pour la gorge, quelques dizaines de secondes à peine après l'entr'acte (mieux vaut préférer un bruit pas discret mais bref à un long bruit qui ne s'avèrera pas plus discret...). Ma voisine de gauche ne trouvera pas mieux non plus que d'ouvrir la porte de la loge quand le chœur (accentus) se mettra à chanter depuis l'extérieur de la salle au troisième acte. D'ailleurs, il était amusant de voir le chef continuer à diriger, probablement pour la caméra qui devait fournir un visuel au chœur (on ne me fera pas croire qu'on procédait ainsi au XIXe !). Parmi les autres bruits parasites, notons aussi le remplissage et le déplacement des sacs-poubelles du bar voisin.
2010-04-09 01:49+0200 (Orsay) — Culture — Musique — Danse
Opéra Garnier — 2010-04-08
Élèves de l'école de danse de l'Opéra
Orchestre des Lauréats du Conservatoire (CNSMDP)
Marius Stieghorst, direction musicale
Frédéric Chopin, musique
Ivan Clustine, chorégraphie (1913) réglée par Pierre Lacotte
Amélie Joannidès, Juntaro Coste
Suite de danses
Jean-Michel Damase, musique
John Taras, chorégraphie (1952) réglée par Elisabeth Platel assistée de Wilfried Romoli
Philippe Heriat, livret
Michel Dalens, décors (d'après Félix Labisse)
costumes d'après la production adaptée en 1988 par André Levasseur pour le Ballet du Nord
Emma d'Humières, La Reine des Morphides
François Alu, Un jeune bagnard
Mathieu Contat, Un Iphias
Alexandra Dahms, Le Chef des bagnards
Lou Thabart, Le Vigile
Stéphane Level-Bronnekant, Le Forgeron
Piège de lumière
Mikis Theodorakis, musique (Sept danses grecques pour bouzouki solo et orchestre populaire grec, 1982)
Maurice Béjart, chorégraphie (1983) remontée par Michel Gascard
Sept danses grecques
Après les Démonstrations en décembre, aujourd'hui, j'ai assisté à la première du Spectacle de l'école de danse de l'Opéra. Autant les démonstrations pouvaient paraître imparfaites (mais c'était normal vu que le principe semblait être de montrer les élèves des différentes classes s'exercer sur des figures de plus en plus difficiles), autant ce spectacle semble très réussi.
Trois ballets étaient au programme. Le premier est Suite de danses, ballet en un acte d'Ivan Clustine (1913). Avec l'orchestration de Henri Busser, André Messager et Paul Vidal, j'oublierais presque que la musique est de Chopin. Au début, les plus jeunes danseuses sont allongées sur le sol en rang d'Oignon et elles y restent pendant pas mal de temps. De belles pièces de corps de ballet de style classique, un superbe pas de deux dans lequel se distinguent Amélie Joannidès et Juntaro Coste. La troisième pièce est Sept danses grecques de Béjart, sur une musique (enregistrée) de Mikis Theodorakis : cela commence et finit dans l'onde, et entretemps sept danses pour différents types de formation (dans le désordre : solo, duo de deux garçons, pas de deux, groupe de garçons, groupe de filles, tous ensemble) ; Florent Melac est particulièrement applaudi, tout comme la directrice Elisabeth Platel.
C'est à son initiative que la pièce Piège de lumière
(chorégraphiée par John Taras) était présentée ce soir, faisant ainsi son
entrée au répertoire de l'école de danse (apparemment, cela n'aurait pas
non plus été joué par le ballet de l'Opéra). En lisant le programme dans
lequel des éléments sont donnés à ce sujet (Faire revivre un
ballet
), on se rend compte à quoi tient la conservation d'une œuvre
chorégraphique. Ici, ce serait à des enregistrements vidéos de répétitions
en 1998 (quand Elisabeth Platel avait elle-même dansé ce ballet), des
costumes et partitions conservés miraculeusement
. Vu le formidable
ballet qui revit
ainsi, cela valait le coup de procéder à ces
recherches archéologiques.
L'argument du ballet (de Philippe Heriat) et le style de la musique ne sont pas sans rappeler ceux du Festin de l'araignée d'Albert Roussel. Des bagnards vivent à l'écart et tirent quelque profit de la chasse aux papillons et d'autres insectes. Un jeune bagnard fraîchement évadé rejoint la compagnie et est déchaîné (superbe solo de François Alu). Dans le deuxième tableau, les insectes défilent avec leurs costumes à antennes. Un double papillon (deux danseurs tenant chacun deux ailes). Les deux insectes stars sont un Iphias (Mathieu Contat, qui est victime d'une malencontreuse petite chute lors d'une réception) et la Reine des Morphides (Emma d'Humières) qui fait une majestueuse arrivée aérienne en portant une double longue traînée. Les deux ne se déplaisent pas. Au début du troisième tableau, La Reine des Morphides est comme les autres insectes attrapée par le piège de lumière installé par les bagnards. Chacun repart avec une proie. Le jeune bagnard croit pouvoir s'emparer de la morphide. Ils exécutent un merveilleux pas de deux, comportant d'originaux portés (dont un dos sur dos). L'Iphias arrive pour sauver sa belle. Il est occit par le jeune bagnard, qui, alors que la Reine des Morphides a fui, n'a pour se consoler que le souvenir de son étreinte bleutée.
Si les costumes et la danse de ce ballet m'ont plu, c'est avant tout la musique de Jean-Michel Damase (1952) que j'ai adorée, au point que je rouspétais intérieurement contre la partie du public qui semble avoir pour réflexe d'applaudir quand le rideau se baisse. En effet, lors des changements de décors, le rideau est baissé, mais la musique continue ; pourquoi donc applaudir à ce moment-là, le chef ayant préalablement laissé quelques secondes pour ça à la fin des séquences dansées précédentes.
Je reviens à la musique, interprétée par l'Orchestre des Lauréats du Conservatoire (CNSMDP), dirigé par Marius Stieghorst. C'est au moins autant impressionniste que peut l'être Albert Roussel. Bref, on est véritablement avec les papillons...
2010-04-05 01:15+0200 (Orsay) — Culture — Musique — Opéra — Danse
Théâtre du Châtelet — 2010-04-04
Adina Aaron, Treemonisha
Christin-Marie Hill, Monisha
Xolela Sixaba, Ned
Stanley Jackson, Remus
Stephen Salters, Zodzetrick
Jacques-Greg Belobo, Simon
Jean-Pierre Cadignan, Luddud
Janinah Burnett, Lucy
Loïc Félix, Cephus
Mlamli Lalapantsi, Andy
Krister St. Hill, Parson Alltalk
Joël O'cangha, Le contremaître
Ensemble Orchestral de Paris
Chœur du Châtelet
Kazem Abdullah, direction musicale
Sergei Pavlov, chef de chœur
Roland Roure, conception scénographique, dramaturgie, décors et costumes
Blanca Li, mise en scène et chorégraphie
Jacques Rouveyrollis, lumières
Robert Nortik, réalisation vidéo
Treemonisha, Scott Joplin (orchestration de Gunther Schuller)
Impossible de rentrer chez soi sans garder en tête le chœur Aunt Dinah has blowed de horn.
S'il est difficile d'avoir vécu au vingtième siècle sans avoir entendu le Maple Leaf Rag ou The Entertainer, il est moins connu que leur auteur Scott Joplin mourût sans avoir pu faire représenter son deuxième opéra Treemonisha (la partition de son premier opéra A Guest of Honor a été perdue).
Le clavier à écran ayant très bien marché, je me suis précipité au lendemain de la première sur le site Internet du théâtre du Châtelet pour acheter des places. Ce soir, j'étais donc à l'avant-dernier rang du parterre pour assister à ce spectacle, dont, fait rare sur les scènes d'opéra, les chanteurs produisent plus de mélanine que la moyenne.
Si l'ouvrage paraît inégal, il s'agit d'un très bon spectacle, qui est sans doute plus susceptible que les autres spectacles lyriques de plaire au plus grand nombre. Le compositeur utilise des rythmes très différents, des récitatifs, de longs airs et de superbes chœurs.
Visuellement, c'est superbe d'un bout à l'autre, grâce aux décors, aux projections vidéo et aux numéros dansés. Au centre du décor du premier acte se trouve un arbre. Celui auprès duquel s'apprête à cueillir des feuilles pour se faire une couronne comme les autres filles. Sa mère adoptive Monisha l'en défend : elle lui révèle que, bébé, elle avait été trouvée auprès de cet arbre et adoptée par elle et son mari Ned. Elle doit aller dans la forêt pour trouver un autre arbre. Elle est enlevée par Zodzetrick, un sorcier abusant de la crédulité de la communauté en vendant des gri-gris. Elle est malmenée lors de la Danse des ours maléfiques, mais elle est sauvée par son ami Remus qui en ayant pris l'apparence d'un épouvantail a été confondu avec le diable. Les cueilleurs de coton se réjouissent de la fin de leur journée. Le retour de Treemonisha fait la joie de ses parents (au fond de la scène, on aperçoit une projection d'une animation très colorée d'une maison). Alors que Zodzetrick se ferait presque lyncher par les villageois, elle demande qu'on lui pardonne. On désigne triomphalement Treemonisha comme chef de la communauté, elle qui a gagné la sagesse par l'éducation (qu'elle avait reçue enfant de la famille qui employait sa mère).
Le livret (du compositeur) n'est pas un sommet de poésie. Cela se fait sentir assez lourdement dans l'air de Remus Wrong is never right. Cela dit, on a déjà vu bien pire (Un ballo in maschera). Au moins, pendant cet air, nul besoin de sur-titres ! Les voix solistes ne sont pas utilisées de façon très spectaculaire dans les deux premiers actes (le plus bel air du premier acte est la sorte de sermon que fait le bien-nommé Parson Alltalk interprété par Krister St. Hill). Cependant, sur la fin, Monisha, Ned, Andy et Treemonisha auront chacun l'occasion de bien faire entendre leur voix. Dans la distribution de ce soir, il y avait Adina Aaron (Treemonisha), Stanley Jackson (Remus), Xolela Sixaba (Ned) qui sont très bons. Dans le rôle de Monisha, Christin-Marie Hill est beaucoup moins convaincante. D'après mon informatrice, Grace Bumbry chante ce rôle mardi soir...
2010-04-04 01:51+0200 (Orsay) — Culture — Musique
Salle Pleyel — 2010-04-03
Joanne Lunn, soprano, une servante
Judith Gauthier, soprano
Helena Rasker, alto
Owen Willetts, alto
Markus Brutscher, ténor, l'Évangéliste
Nicholas Mulroy, ténor
Christian Immler, basse, Jésus
Benoît Arnould, basse, Pilate, Pierre, un garde
Les Musiciens du Louvre-Grenoble
Marc Minkowski, direction musicale
La Passion selon Saint Jean, BWV 245, Johann Sebastian Bach.
Septième Passion selon Saint Jean. Je ne m'en lasse toujours pas. Si on laisse de côté 2004, cela fait une par an depuis 2003. Voir le compte-rendu de la fois précédente pour la liste des chefs d'orchestre concernés.
Ce soir, c'était Marc Minkowski qui dirigeait son ensemble, Les Musiciens du Louvre-Grenoble. C'est la deuxième fois que je l'entends chantée par une formation très restreinte de chanteurs : huit solistes. L'aspect dramatique de l'œuvre est très bien rendu. On a même sacrifié l'entr'acte pour ne pas rompre la continuité de l'action. Markus Brutscher n'est pas un évangéliste qui ne serait qu'un lecteur de didascalies, il joue véritablement un rôle, module le ton de ses phrases (parfois de façon légèrement caricaturale), comme je ne l'ai jamais vu faire. Par son importance dans La Passion selon Saint Jean, cette voix se détache largement du reste du chœur, qui est par ailleurs assez homogène, ce qui est appréciable. Pendant les récitatifs, j'ai beaucoup apprécié le jeu du violoncelliste Niels Wieboldt.
Je crois que c'est la première fois que j'entends une version
non-standard
de cette œuvre. En effet, l'air pour basse et soprano
Himmel, reiße, Welt, erbebe de la version de 1725 a été incorporé.
C'était précisé dans le programme, mais je l'avais lu trop en diagonale
avant le concert. Ce fut donc pour moi une vraie surprise après le choral
Wer hat dich so geschlagen
Il y a eu quelques couacs dans les cordes, mais mon impression d'ensemble sur ce concert est très bonne.
⁂
Depuis ma récente dernière acquisition, je possède actuellement 1003 CD. Commençant à me lasser de la version des cantates de Bach de l'intégrale hänssler (Helmuth Rilling), je me suis décidé à acheter les disques du projet d'enregistrement intégral de ces cantates par Masaaki Suzuki. J'avais été très impressionné par concert au TCE qu'il avait donné et où la cantate Wachet auf, ruft uns die Stimme (BWV 140) était au programme. J'ai ainsi profité du fait que pour le vingtième anniversaire du Bach Collegium Japan, les quarante premiers CD de cette série d'enregistrement soient disponible en quatre coffrets de dix à un prix relativement abordable. Après avoir écouté pour le moment 8 des 142 cantates, je suis très content de ce choix.
2010-03-27 02:14+0100 (Orsay) — Culture — Musique
Salle Pleyel — 2010-03-26
Rosemary Joshua, soprano
Sara Mingardo, contralto
Andrew Tortise, ténor
Roderick Williams, baryton
Le Concert Spirituel, chœur et orchestre
Hervé Niquet, direction
Le Messie, HWV 56, Händel.
Cinquième Messiah. Plutôt un agréable concert, mais pas aussi bien que la dernière fois.
Hervé Niquet dirige le chœur et orchestre du Concert spirituel. Dans certains passages choraux, il fait des pianissimi comme je n'avais jamais vu quiconque oser en faire. Les tempi sont plutôt rapides. C'est aussi le seul chef d'orchestre qui utilise le pas chassé : quand il donne une indication aux musiciens à sa gauche, il fait un pas vers la droite et se tourne vers la gauche pour leur faire face. Toujours est-il que le son qui sort de l'orchestre est très clair.
Quand elle n'a pas à jouer, une des altistes fredonne à l'unisson du chœur ou des chanteurs !
Au niveau des voix, si le ténor Andrew Tortise est correct, mais peu enthousiasmant, la contr'alto Sara Mingardo, très terne ce soir, est la grande déception vocale du concert. Les deux autres solistes ont des noms que je vais essayer de retenir. La soprano Rosemary Joshua, si son interprétation comportait quelques couacs, s'engageait totalement. Quel plaisir de l'écouter à partir de There were shepherds abiding in the field... et plus tard dans I know that my Redeemer liveth. Celui qui enthousiasme le public autant que lui-même est le baryton Roderick Williams, éblouissant dans ses airs comme Why do the nations so furiously rage.
Malheureusement, le concert a été complètement sabordé par les trompettes fautives qui se sont fait entendre dans le bien nommé air de basse The trumpet shall sound. Le chanteur Roderick Williams n'a d'ailleurs pas pu retenir sa grimace alors qu'il chantait superbement cet air.
2010-03-21 03:07+0100 (Orsay) — Culture — Musique — Danse — Culture indienne
Opéra Bastille — 2010-03-20
Bruno Mantovani, musique
Angelin Preljocaj, chorégraphie
Claude Lévêque, scénographie
Eric Reinhardt, dramaturgie
Olivier Beriot, costumes
Dominique Bruguière, lumières
Jérémie Bélingard, Siddharta
Clairemarie Osta, L'Éveil
Marc Moreau, Ananda, cousin et compagnon de route de Siddharta
Wilfried Romoli, Le Roi, père de Siddharta
Alice Renavand, Sujata, une jeune villageoise
Muriel Zusperreguy, Yasodhara, épouse de Siddharta
Ballet de l'Opéra
Orchestre de l'Opéra national de Paris
Susanna Mälkki, direction musicale
Siddharta
J'ai assisté samedi à la deuxième représentation du ballet Siddharta chorégraphié par Angelin Preljocaj, sur une musique de Bruno Mantovani d'après un livret d'Éric Reinhart, inspiré de la vie du fondateur du bouddhisme.
Je pensais passer en vitesse revoir le plan du temple
Jagannath à la BnF, mais un incident du métro 6 m'a fait changer mes
plans : quand j'étais à Glacière, on a annoncé qu'un individu courait sur
les voies et que le courant était coupé par précaution. J'ai marché jusqu'à
Place d'Italie pour rejoindre directement Bastille et ai alors lu une
annonce d'un incident voyageur
qui interrompait la circulation des
métros entre Place d'Italie et Nation.
J'ai pris le programme pour lire le livret : le ballet étant sans entr'acte, il vallait mieux avoir une idée de l'ensemble. On y trouve une première esquisse de livret, celle qui fut donnée au compositeur, mais dont la succession de tableaux (seize !) ne correspond pas exactement au spectacle présenté...
Cela faisait très longtemps que je ne m'étais pas retrouvé au parterre. La dernière fois, cela devait être pour Tristan und Isolde. En arrivant porte une, du jamais vu : une queue se forme pour entrer dans la salle. Après plus de cinq minutes d'attente, j'arrive finalement à m'installer au rang 30, très légèrement de côté.
N'ayant aucune idée de ce à quoi la musique allait ressembler, cela serait forcément surprenant. Les lumières s'éteignent totalement, puis se dirigent sur la fosse et la chef d'orchestre Susanna Mälkki avant que la musique se fasse entendre. Le début fait un peu bizarre, mais finalement, la musique de Bruno Mantovani s'écoute très bien.
Je n'avais vu qu'un seul spectacle d'Angelin Preljocaj avant celui-ci : Le Funambule qu'il interprétait lui-même en septembre dernier au Théâtre de la Ville. Des éléments de style apparaissent immédiatement comme une marque de fabrique, comme ces mouvements coordonnés des bras passant au-dessus de la tête. Dans Le Funambule, on le voyait s'élever dangereusement sur une sorte de passerelle suspendue. Dans ce ballet, Siddharta et son disciple Ananda grimpent sur des plates-formes faisant partie d'un mastodonte apparu d'en haut, à peine moins large que la scène de l'Opéra Bastille et se balançant latéralement. Quelle démesure !
Dans un autre tableau, on verra une maison tourner sur elle-même au-dessus des danseurs. Peut-être est-ce pour bien nous faire voir que ce n'est pas juste un décor en toile, mais un truc en dur. Ce spectacle aura aussi fourni la troisième grosse boule de 2010, après celle, majestueuse, de Norma et celle, de taille plus modeste, de Rheingold.
Dans la succession de tableaux, on verra les forces de l'obscurité représentées par des motards, l'Éveil par une éthérée danseuse en blanc (Clairemarie Osta) et des ermites maniant le baton. Après un parcours semé d'épreuves, Siddharta (Jérémie Bélingard) finira par s'unir à l'Éveil. Quoique produisant quelques belles images (comme celle de l'Éveil se dérobant par en haut aux manœuvres d'approche de Siddharta), la chorégraphie m'a souvent paru peu lisible.
Le gros point noir de ce spectacle, de mon point de vue, est l'éclairage. Pendant l'essentiel de la soirée, l'action est en noir sur fond noir, notamment le début avec les motards. Je me suis dit à un moment que la scène s'illuminerait un peu plus vers la fin quand Siddharta deviendra l'Éveillé ; pas vraiment, vu que seul Siddharta a été mieux éclairé !
Comme j'avais déjà eu une impression semblable pour Tristan und Isolde, peut-être que cette sensation de manque d'éclairage est liée à mon placement au fond de l'orchestre. En tout cas, avec ou sans jumelles, je ne voyais pas très clair (et non, ce n'est pas ma vue qui baisse : elle a été contrôlée très récemment). Pour les ballets, je crois que je continuerai à préférer l'Opéra Garnier où on a une sensation toute différente de proximité avec les danseurs.
2010-03-18 00:30+0100 (Orsay) — Culture — Musique — Opéra
Opéra Comique — 2010-03-17
Magali Léger, Léonore
Daphné Touchais, Isabelle
Maryline Fallot, Jacinte
Brad Cooper, Don Alonze
Frédéric Antoun, Florival
Vincent Billier, Don Lopez
Le Cercle de l'Harmonie
Jérémie Rhorer, direction musicale
Pierre-Emmanuel Rousseau, mise en scène et costumes
Thibaut Welchin, décors
Claudine Crauland, costumes
Gilles Gentner, lumières
Atsushi Sakaï, assistant musical
Charlotte Rousseau, assistante mise en scène
Christophe Manien, chef de chant
L'amant jaloux ou les fausses apparences, André Ernest Modeste Grétry
Après avoir vu Zoroastre, Le Roi malgré lui, Carmen et The Fairy Queen, j'ai encore vu ce soir un formidable spectacle à l'Opéra Comique. J'avais sélectionné L'Amant jaloux ou les fausses apparences d'André Grétry sur la seule foi du nom d'une interprète (Magali Léger, précédemment entendue dans le rôle de Minka dans Le Roi malgré lui).
Créé à Versailles en 1778, L'Amant jaloux se passe à Cadix. À vingt ans Léonore (Magali Léger) est veuve et pour des raisons financières son père Don Lopez (Vincent Billier) ne voudrait pas la voir se remarier. Elle voit en cachette Don Alonze (Brad Cooper) qui est très jaloux. La sœur de celui-ci, Isabelle (Daphné Touchais), est la meilleure amie de Léonore. Elle est sauvé des assauts de brigants par Florival (Frédéric Antoun), un Français qui va faire la guerre au Portugal. Ils se donnent rendez-vous, mais suite à un malentendu avec Jacinte (Maryline Fallot), la femme de chambre, il croit qu'elle est la fille de Don Lopez et qu'elle s'appelle Léonore. La suite est par conséquent un tout petit peu quiproquée. Don Alonze doute de la constance de Léonore. Celle-ci décide de renoncer l'amour et de lui jouer une leçon, mais bien sûr, à la fin, ils se réconcilieront ; Don Alonze d'abord désargenté héritera et pourra épouser la fille de l'avare Don Lopez sans dot.
Pour la première fois, je me suis retrouvé au troisième rang des
baignoires de face. Vu la taille plutôt réduite de la salle, c'est presque
comme si on était à l'orchestre, n'étaient les étroits piliers et l'étage
du dessus qui empêche de voir la partie supérieure de la scène, mais pas
les sur-titres, puisqu'ils sont aussi diffusés sur des écrans latéraux. La
diction des chanteurs fait que le texte est intelligible, très
distinctement dans les passages parlés (sans musique), mais aussi les
passages chantés. Toutefois, l'accent australien de Brad Cooper (Don
Alonze) déshomogénéise quelque peu la distribution vocale, mais sa
prononciation du texte reste très-honorable (il s'est cependant un peu
oublié sur le premier on
de D'une ardeur si constante / Voilà
donc le retour
.).
Interprétée par Le Cercle de l'Harmonie dirigé par Jérémie Rhorer, la
musique de Grétry fait penser à celle de Haydn, donc j'aime. Le texte, s'il
contient quelques rimes un peu faciles sans doute destinées à détendre
l'atmosphère, comme moi
qui rime avec foi
, se laisse entendre
sans aucun déplaisir.
Dans les prestations vocales, deux airs se distinguent. On entend ainsi à la fin du deuxième acte la belle sérénade de Florival Tandis que tout sommeille / Dans l'ombre de la nuit. Le plus enthousiasmant est néanmoins celui du début du deuxième acte, chanté par Léonore : Je romps la chaîne qui m'engage. À côté, l'air de la Reine de la Nuit de La Flûte enchantée semblerait presqu'une partie de plaisir. Ce qui rehausse encore la difficulté de cet air magnifiquement interprété par Magali Léger réside dans la mise en scène. En effet, en chantant cet air, la chanteuse s'installe dans une baignoire. Au début, je me suis dit qu'elle ne devait pas contenir d'eau... mais si, quand elle s'en est aspergée les épaules, le doute n'était plus permis. J'espère au moins qu'elle était chaude.
La mise en scène de Pierre-Emmanuel Rousseau ne va pas contre l'atmosphère espiègle créée par la musique et le texte. Cela commence dès l'ouverture. On y voit d'abord d'éblouissants projecteurs sur la scène vide. Tout doucement, les décors descendent des cintres. Puis, après que le public a pu apprécier les dessous du théâtre, le rideau tombe (ce qui ne manque pas d'amuser le public) avant de remonter pour la première scène. Les décors tout comme les costumes renvoient au XVIIIe, à l'exception d'un voile de style indien qui masque Isabelle aux regards de son frère Don Alonze.
Pour une fois, je n'ai pas stressé pour rejoindre la station Opéra et ma correspondance de RER, vu que le spectacle ne dure que 1h20.
2010-03-14 03:50+0100 (Orsay) — Culture — Musique — Opéra
Opéra Bastille — 2010-03-13
Falk Struckmann, Wotan
Samuel Youn, Donner
Marcel Reijans, Froh
Kim Begley, Loge
Peter Sidhom, Alberich
Wolfgang Ablinger-Sperrhacke, Mime
Iain Paterson, Fasolt
Günther Groissböck, Fafner
Sophie Koch, Fricka
Ann Petersen, Freia
Qiu Lin Zhang, Erda
Caroline Stein, Woglinde
Daniela Sindram, Wellgunde
Nicole Piccolomini, Flosshilde
Philippe Jordan, direction musicale
Günter Krämer, mise en scène
Jürgen Bäckmann, décors
Falk Bauer, costumes
Diego Leetz, lumières
Otto Pichler, mouvements chorégraphiques
Orchestre de l'Opéra national de Paris
Das Rheingold, Wagner
Je reviens de la troisième représentation de l'opéra Das Rheingold de Wagner dans la nouvelle production proposée par l'Opéra de Paris. Après Lohengrin et Tristan und Isolde, Das Rheingold est le troisième opéra de Wagner dont j'assite à une représentation. J'ai acheté récemment les DVD de la production du centenaire du Ring des Nibelungen de Boulez/Chéreau au festival Bayreuth afin de me préparer à la tétralogie dont la première moitié est présentée cette saison.
L'histoire ne ressemble guère à une histoire habituelle d'opéra ! Dans
ce prologue
du festival scénique du Ring, on assiste à 2h20
de musique continue. Après un étonnant prélude représentant les mouvantes
eaux du Rhin, les filles de ce fleuve se moquent du Nibelung Alberich qui
voudrait les séduire. Elles laissent entendre que le trésor qu'elles
gardent ne peut être gagné que par un homme qui aurait renoncé à l'amour et
qu'avec cet or, un anneau aux pouvoirs universels pourrait être forgé, ce
que s'empresse de faire Alberich. Dans la deuxième scène, Wotan, son épouse
Fricka et d'autres dieux pensent au palais que viennent de leur construire
les géants. Ceux-ci doivent recevoir Freia, la sœur de Fricka, en
rétribution. Fricka s'y oppose. Il faut trouver un substitut qui satisfasse
les géants. Loge arrive alors pour dire qu'en parcourant le monde, il n'a
rien trouvé de satisfaisant, mais qu'on pourrait voler le voleur Alberich.
Wotan et Loge descendent dans le monde des Nibelungen dominé par Alberich
pour ce faire. Pendant ce temps, Alberich a fait fabriquer par Mime un
heaume lui permettant de changer d'apparence selon sa volonté. Loge obtient
de lui qu'il en fasse la démonstration. Il apparaît d'abord en dragon, puis
en crapaud. Sous cette dernière forme, Wotan et Loge n'ont guère de mal à
le capturer. Dans la dernière scène, le captif est forcé d'abandonner son
or, son heaume et son anneau. Les géants arrivent ensuite pour se faire
payer. Ils rendent Freia à condition que l'or en cache complètement la vue.
Pour boucher les interstices, Wotan est obligé de céder non seulement l'or,
mais aussi le heaume et l'anneau, ce qu'il n'aurait pas fait sans les
insistances de Fricka et l'intervention d'Erda qui annonce le crépuscule
des dieux. Les dieux se dirigent enfin vers le palais, le Walhalla, tandis
que Loge refuse de les suivre.
Si pour le moment Lohengrin reste l'opéra de Wagner que j'aie le plus apprécié, la musique du Rheingold ne m'a pas déplu et hormis certains leitmotivs, j'ai particulièrement aimé les passages avec les trois filles du Rhin. Si j'ai trouvé que parfois, Peter Sidhom (Alberich) avait quelque mal à se faire entendre jusqu'au tout dernier rang du deuxième balcon où j'étais assis, j'ai plutôt apprécié les différentes prestations vocales, en particulier celle de Kim Begley (Loge).
Il n'en va pas de même des autres aspects de la production à propos desquels mon impression est plus mitigée. Si le travail de mise en scène à proprement parler me semble plutôt très bon, et les décors inégaux, les costumes paraissent à première vue complètement ratés.
Le ratage des costumes commence par ceux des filles du Rhin, roses avec
en surimpression des marques pour les tétons, le nombril et le pubis. Les
faire paraître sur des balançoires n'est pas une idée très convaincante. On
est loin des souvenirs de Bayreuth de Camille Saint-Saëns lus dans le
programme (15€, je plaisante avec le vendeur pour me plaindre qu'à ce
prix-là, on pourrait espérer trouver une belle photographie en
couverture) : Elles se poursuivent en nageant, car nous sommes au fond
du Rhin ; et rien ne peut faire comprendre comment elles sont suspendues au
milieu de l'eau : c'est le triomphe de l'illusion scénique.
. Plus tard,
on voit les dieux paraître avec un couche de costumes imitant la nudité de
la partie supérieure du corps, ce qui les fait paraître plus musclés. Les
géants et leurs serviteurs sont habillés en tenue de commando (peut-être
que cette bizzarerie trouvera sa cohérence dans les trois opéras qui
suivront) ; leur entrée en scène est indiscutablement spectaculaire. La
plus grotesque tenue est celle de Loge qui est habillé et maquillé en
clown. Certes, il a un rôle un peu à part et n'hésite pas à dénigrer Wotan
et les autres, mais en faire un clown semble un peu exagéré.
La mise en scène de la troisième scène est assez intéressante par la façon de représenter le monde ouvrier des Nibelungen, qui travaillent la boule d'or qu'Alberich avait volée dans la première scène. Les influences sont alors à chercher dans Metropolis de Fritz Lang dont le programme rappelle des images (évidemment, en noir et blanc, ce qui montre l'absurdité de la hausse du prix du programme pour ce spectacle). Malheureusement, cette scène est un peu gâchée par les transformations d'Alberich. Il doit en effet se transformer en dragon et en crapaud, ce qui est un défi au metteur en scène. Günter Krämer a choisi de représenter le dragon et le crapaud par des dizaines de figurants en costumes lumineux. Le timing n'est pas terrible : les figurants-crapauds continuent à défiler vers la sortie pendant encore longtemps après qu'Alberich, visible sur scène, a été capturé.
Le programme donne une deuxième source probable d'inspiration
iconographique : Les dieux du stade de Leni Riefenstahl...
Peut-être est-ce l'explication pour le costume des dieux. Si Wagner a
fasciné Hitler et si Wagner était ouvertement antisémite, n'est-il pas
permis de représenter cet Anneau du Nibelung sans faire des
références aussi intempestives à la période nazie ? Dans cet ordre d'idées,
on verra apparaître à deux reprises Germania
écrit dans une fonte
imitant les formes des caractères gothiques (mais sans être de l'alphabet
gothique pour autant, sinon les spectateurs français ne déchiffreraient
pas).
Parmi les bons points, j'ai apprécié le traitement scénique des fruits
que Freia a l'habitude de cueillir et qui permettent aux dieux de préserver
leur corps des atteintes du temps. On la voit ainsi rassembler les fruits.
Plus tard, quand les dieux ressentent le manque, on les voit se battre pour
prendre possession des quelques spécimens, un signe annonciateur de leur
crépuscule
.
2010-03-11 19:30+0100 (Orsay) — Culture — Musique — Opéra — Danse
L'information n'étant apparemment pas trouvable sur le site de l'Opéra de Paris, je reproduis ici le calendrier des ouvertures de réservation sur Internet et aux guichets qui apparaît page 127 de la brochure.
Spectacle | Internet | Guichets |
Concerts, récitals | 21 juin | 2 juillet |
Le Vaisseau fantôme | 21 juin | 2 juillet |
L'Italienne à Alger | 21 juin | 5 juillet |
Eugène Onéguine | 21 juin | 2 juillet |
Roland Petit | 21 juin | 12 juillet |
Le Triptyque | 30 août | 10 septembre |
Paquita | 30 août | 13 septembre |
Les Noces de Figaro | 30 août | 24 septembre |
Ballet de Hambourg | 30 août | 27 septembre |
Mathis le peintre | 30 août | 1er octobre |
Le Lac des cygnes | 11 octobre | 22 octobre |
La Fiancée vendue | 11 octobre | 18 octobre |
Balanchine/Brown/Bausch | 11 octobre | 25 octobre |
Ariane à Naxos | 11 octobre | 19 novembre |
Madame Butterfly | 8 novembre | 26 novembre |
Giulio Cesare | 8 novembre | 22 novembre |
Francesca Da Rimini | 8 novembre | 10 décembre |
Caligula | 8 novembre | 6 décembre |
Siegfried | 8 novembre | 14 janvier |
Le Crépuscule des Dieux | 8 novembre | 14 janvier |
Luisa Miller | 13 décembre | 21 janvier |
Kátia Kabanová | 13 décembre | 24 janvier |
Coppélia | 13 décembre | 31 janvier |
Akhmatova | 13 décembre | 21 janvier |
Spectacle de l'école de danse | 13 décembre | 7 février |
Roméo et Juliette | 3 janvier | 18 mars |
Tosca | 3 janvier | 25 mars |
Mats Ek | 3 janvier | 28 mars |
Ballet du Théâtre Bolchoï (Flammes de Paris, Don Quichotte) | 3 janvier | 4 avril |
Rain | 3 janvier | 28 mars |
Otello | 7 mars | 13 mai |
Così Fan Tutte | 7 mars | 16 mai |
L'Anatomie de la sensation | 7 mars | 20 mai |
Les enfants du paradis | 7 mars | 23 mai |
2010-03-10 20:20+0100 (Orsay) — Culture — Musique — Opéra — Danse
Je suis allé hier à la présentation de la nouvelle saison de la Salle Pleyel. On montre son carton
d'invitation à l'entrée et on peut récupérer les brochures. À part ça, la
séance présente peu d'intérêt : les responsables de la salle, de
l'Orchestre de Paris et de l'Orchestre philharmonique de Radio-France
discutent de leur programmation, des nouveaux-chefs, etc. Heureusement que
les éclairages sont suffisants pour faire passer le temps en feuilletant
les brochures. Une heure plus tard, un moment musical
, le trio pour
clarinette, violoncelle et piano de Fauré par Paul Meyer, François Salque
(qui est devenu père quelques heures avant) et Eric Le Sage. Je me suis
plutôt ennuyé, la faute à fatigue et à Fauré. Croisé Palpatine
et Mimy
qui se sont laissés entraîner dans un restaurant indien. Je n'ai pas assez
de recul pour commenter la programmation en général. Je note juste que le
ballet royal du Cambodge viendra donner deux représentations de La
légende de l'Apsara Méra.
La programmation de l'Opéra de Paris vient de tomber aussi. Ma première impression, c'est qu'en dehors des deux productions de Luisa Miller et de Tosca que j'ai déjà vues, j'irai bien voir absolument tous les spectacles d'opéra et de danse... Au niveau prix, je vois une petite inflation dans les tarifs des ballet (mes chères places à 21€ passent à 23€), une grosse inflation pour les places à 10€ qui passent à 15€ (on en entendra parler dans les files d'attente), mais les places à 20€ et 35€/40€ ne bougent heureusement pas. Apparemment, il n'y a que les places les plus chères qui baissent : création d'une catégorie Optima à Bastille plus chère que l'ancienne première catégorie, mais baisse assez significative des tarifs des catégories 1—5.
En ce qui me concerne, avant de bloquer des dates, j'attends la programmation du TCE qui sera annoncée samedi, mais le 15 ou le 17 avril 2011 est déjà réservé puisqu'on verra Louis Langrée diriger l'Orchestre de Paris pour un Pélleas et Mélisande en version de concert avec une distribution de rêve (Dessay, Keenlyside, Lemieux, Naouri, Vernhes).
2010-03-08 18:44+0100 (Orsay) — Culture — Musique — Opéra — Danse
C'était mieux avant.
À la fin de la saison 2008/2009, après que j'avais envoyé mon formulaire d'abonnement, l'enthousiasme déclenché par La fille mal gardée me fit me dire que finalement, j'irai voir tous les spectacles de ballet de l'Opéra de Paris cette année. Il restait quelques spectacles à réserver. Comme je vise les places à 21€, la seule option raisonnable pour ce faire était d'attendre les ouvertures de réservations sur Internet.
Les fois précédentes, à savoir le 9 novembre et le 11 janvier, j'avais
déjà constaté que le site de l'Opéra malfonctionnait. Aujourd'hui encore,
cela m'a exaspéré. Ce n'est écrit nulle part, mais apparemment, l'ouverture
des réservation commence à 9h. Dès cette heure-là, le site est
inutilisable. Un système rudimentaire de queue
a été mis en place.
On nous demande de répondre à une question Captcha et on nous indique
un temps d'attente qui s'écoule et oscille.
À la première tentative, deux minutes d'attente, mais la connexion est
interrompue constamment. Un peu plus tard, le temps d'attente annoncé d'une
vingtaine de minute se trouvera multiplié par deux à l'arrivée. Je me
retrouve alors avec un accès précaire au site de l'Opéra, dont l'essentiel
de la mise en forme a disparu, ce qui rend certaines opérations
impossibles. De fait, quand je tape mon numéro de spectateur, puis demande
l'accès à la billetterie et sélectionne ballet
(ce qui est un
marathon en soi, vu que la connexion peut être interrompue à tout moment,
ce qui impose de cliquer sur le bouton Retry
jusqu'à ce que ça tombe
en marche : si on ne fait rien pendant cinq minutes, le site considère
qu'on a abandonné...), je peux voir apparaître La petite danseuse de
Degas. Là, l'erreur serait de cliquer sur le titre, cela ne ferait en
effet qu'afficher la description du spectacle, et il faudrait tout
recommencer pour réserver un billet. Non, je ne suis pas un bleu et je
clique sur le bouton Réserver
. Et là, au lieu de me proposer de
choisir entre les différentes dates, on me demande à nouveau de rentrer mon
numéro de spectateur. Au bout de la sixième fois que le site m'a demandé
mon numéro de spectateur, je me dis que cela ne pouvait pas être moi qui
fusse buggé. Le site a planté encore un peu plus et je me suis retrouvé
dans la queue. Après le déjeuner, j'ai réessayé et cela a fini par
fonctionner.
C'est la troisième fois de suite que la vente sur Internet se passe vraiment mal. Avant le changement de système, ce n'était pas aussi pire. Il faudrait vraiment que quelque chose soit fait. Si ce n'est qu'un problème de charge des serveurs, il suffirait d'espacer un peu plus dans le temps les mise en vente, à savoir ne pas mettre en vente huit séries de spectacles en même temps comme ce fut le cas le 11 janvier.
L'interface est malpratique au possible. Dans l'ancien système, quand on
avait sélectionné un spectacle, pour chaque date, on voyait l'intervalle de
prix des places encore disponibles. Actuellement, cela affiche de 21.00€
à 87.00€
, même s'il ne reste plus que des places de première catégorie.
Vu le temps que prend le chargement d'une misérable page Web sur le site,
cela fait perdre un temps fou. Une fois la date et la catégorie
sélectionnée, on voit normalement une liste des différentes zones dans
lesquelles il reste des places, comme Quatrièmes loges de côté
,
Amphithéâtre
, etc. Souvent, rien ne s'affiche et on est obligé de
valider pour voir le placement, ce qui bloque temporairement la place et
fait encore perdre du temps. Corriger ces défauts de conception de
l'interface réduirait sans doute un peu la charge du site...
2010-03-06 20:39+0100 (Orsay) — Culture — Musique — Danse
Opéra Garnier — 2010-03-04
Frédéric Chopin, musique
John Neumeier, chorégraphie et mise en scène (1978)
Jürgen Rose, décors et costumes
Rolf Warter, lumières
Victor Hughes, répétitions
Michaël Schmidtsdorff, direction musicale
Emmanuel Strosser, piano
Frédéric Vaysse-Knitter, piano
Delphine Moussin, Marguerite Gautier
Karl Paquette, Armand Duval
Andreï Klemm, Monsieur Duval
Mélanie Hurel, Prudence Duverney
Laurent Novis, Le Duc
Karine Villagrassa, Nanine, la servante de Marguerite
Simon Valastro, Le Comte de N
Frédéric Vaysse-Knitter, Un pianiste
Ludmilla Pagliero, Manon Lescaut
Mathias Heymann, Des Grieux
Mathilde Froustey, Olympia
Nicolas Paul, Gaston Rieux
Ballet de l'Opéra
Orchestre de l'Opéra national de Paris
La dame aux camélias, ballet en un prologue et trois actes d'après le roman d'Alexandre Dumas fils
Jeudi dernier, je suis allé à la dernière de La dame aux camélias, ballet de John Neumeier, d'après le roman d'Alexandre Dumas fils. Je recommande à quiconque de lire ce roman, où l'on voit les sentiments des personnages s'exprimer comme rarement on peut le lire.
Suite à un mauvais calcul d'horaires de RER et les retards que ceux-ci accumulent, je suis arrivé à la dernière minute dans ma troisième loge de côté, sans avoir eu le temps d'acheter le programme ni de lire la distribution, l'ouvreuse ayant répondu à ma voix essouflée qu'elle n'en avait plus. Pendant le prologue et le premier acte, je me suis donc amusé à essayer de reconnaître les danseurs.
Si j'ai certainement passé un bon moment (prolongé : trois heures avec deux entr'actes), ce ballet est loin d'être mon préféré. Bien sûr, j'ai apprécié les références explicites aux personnages de Manon Lescaut (comme dans le roman), Des Grieux étant interprété par mon étoile masculine préférée (Mathias Heymann) et par la toute nouvelle première danseuse Ludmila Pagliero. J'ai aussi aimé la mise en scène très cinématographique. Un rideau sépare souvent l'avant-scène de l'arrière, ce qui permet de distinguer plusieurs scènes concommitantes et on voit parfois un personnage sortir d'une pièce pour reparaître dans une autre, dans un flot cohérent d'action continue. J'ai aussi aimé les portés invraisemblables auxquels se livrent la nouvelle étoile Karl Paquette (Armand) et Delphine Moussin (Marguerite). Les costumes sont d'une esthétique quelque peu datée, mais il est plaisant d'admirer les couleurs vives des danseuses, ce qui permet de distinguer Mélanie Hurel (Prudence) et Mathilde Froustey (Olympia) dans certaines danses de groupe.
Bien que je n'apprécie pas beaucoup la musique de Chopin, je n'en ai pas ressenti de déplaisir particulier, si ce n'est une impression de déjà-vu du fait des nombreuses reprises du Largo de la Sonate en si mineur (opus 58), une sorte de leitmotiv du ballet. Non, ce qui m'a un peu déplu, c'est la façon de raconter l'histoire. Si les tableaux en eux-mêmes sont beaux (comme les réjouissances campagnardes du deuxième acte) et si la construction est très intelligente, bien que connaissant l'histoire, j'avais parfois un peu de mal à suivre, surtout pendant les deux premiers actes. De surcroît, le synopsis que contient le programme n'aide pas vraiment à comprendre les rôles respectifs d'Olympia et de Prudence, par exemple.
2010-02-27 11:28+0530 (मुंबई) — Culture — Musique — Danse — Danses indiennes — Culture indienne — Voyage en Inde VIII
Experimental Theatre, National Centre for the Performing Arts, Mumbai — 2010-02-26
Aruna Sairam, chant
Priyadarshini Govind, bharatanatyam
Brindavani Venu
La personne qui m'invite au TIFR avait suggéré que nous allassions au
National Centre for the Performing Arts. J'avais déjà parcouru leur site Web, mais n'avais pas tilté
quand j'avais vu Brindavani Venu, Experimental Theatre
. Derrière cet
intitulé qui évoque la flûte de Vrindavan (celle de Krishna) et le nom de
la salle (250 places environ), se cachait un récital conjoint de la
chanteuse carnatique Aruna Sairam et de la danseuse de bharatanatyam
Priyadarshini Govind que j'ai déjà eu l'occasion de voir deux fois à
Paris.
Ma collègue, abonnée au NCPA, s'était fait dire au téléphone qu'il n'y
aurait aucune difficulté à acheter des places à l'entrée. Pourtant, il y
était écrit House full, thank you.
. Heureusement, elle a pris en
main la chasse aux places surnuméraires d'autres spectateurs, et nous avons
pu racheter trois places (5€), une autre collègue et amie, Supriya, étant
aussi de la partie.
Le spectacle durera environ trois heures. Pendant la première moitié,
Aruna Sairam chante, accompagnée d'un violon, d'un tampura, d'un mridangam
et d'un gattam (sorte de cruche). La performance vocale était remarquable.
Un raga mohanam, puis une pièce appelée Kapali
(en référence au
temple de Mylapore) sur le même raga et un morceau du grand compositeur
Muthuswami Dikshitar. La chanteuse étant originaire du Maharashtra, elle a
intégré au récital un chant dévotionnel marathi. Son récital s'est terminé
par un superbe Tillana en l'honneur de Krishna. Dans chacune de ces pièces,
la chanteuse et les instrumentistes laissaient le temps à l'atmosphère
particulière de chaque chanson de s'installer, se suspendre et s'éteindre
en douceur.
Après un court entr'acte, Priyadarshini Govind et ses musiciens se sont installés sur scène. Elle est accompagnée d'un mridangam, de nattuvangam, d'un violon et d'une voix. J'ai déjà eu l'occasion d'entendre la vocaliste lors de mon récent séjour à Chennai. Apparemment, c'est habituellement elle qui accompagne Priyadarshini Govind. Je n'y avais pas particulièrement fait attention, mais peut-être l'accompagnait-elle déjà pour les deux spectacles que j'avais vus au Théâtre de la Ville. La première pièce est en l'honneur de Muruga/Karthikeya, le deuxième fils de Shiva, celui qui est né pour combattre le démon Mahisha. La deuxième pièce consiste en de la danse pure. La danseuse s'est excusée par avance de ce qu'il n'y aurait pas de Varnam, c'est-à-dire de véritable pièce principale, le durée du récital étant trop brève pour cela. Pendant les passages purement rythmiques, elle n'est pas exactement en rythme.
Viennent ensuite trois pièces de longueur moyenne. Les deux premières mettent en scène les amours illicites de Nayikas. Dans la première, une dévôte de Shiva est tentée par Krishna. Elle a juré de ne servir que Shiva, elle rabroue Krishna en lui disant de ne pas la déranger alors qu'elle prie Shiva, mais ses yeux lui disent oui. Dans la deuxième, une femme mariée fait la valise de son mari qui s'en va à la ville voisine, quand elle a fermé la porte d'entrée, elle ouvre celle de derrière pour laisser entrer son amoureux. La Lune brille pour eux deux seulement, mais la femme s'inquiète. Il devra partir quand l'astre de la nuit sera dominé par celui du jour. L'autre lui demande pourquoi elle s'inquiète sachant que son mari est loin et que son beau-père âgé ne voit plus très clair. Je ne suis pas sûr d'avoir bien compris, mais la morale est apparemment sauve à la fin quand on apprend que l'amoureux n'était autre que Venkateshwarar.
La dernière pièce est celle qui a eu le plus de succès. Elle consiste en un dialogue entre Yashoda et le vilain Krishna, son fils adoptif. Yashoda reçoit beaucoup de plaintes des gopis qui se plaignent des espiègleries de Krishna. La seule solution est qu'il reste à la maison. Elle lui promet des sucreries et même du beurre (dont Krishna est friand). Quand il comprend l'enjeu, Krishna s'en détourne, alors Yashoda lui explique que s'il sort, il va rencontrer des bêtes sauvages au mont Govardhan, comme des tigres, des serpents et des éléphants. Krishna n'en a même pas peur, il pense pouvoir les amadouer sans la moindre difficulté.
Cette pièce, tout comme les deux précédentes, est manifestement faite pour plaire immédiatement à un public peu habitué au bharatanatyam. La musique se fait presqu'impressionniste pour évoquer les rencontres de Krishna avec les animaux. Les tigres et les serpents sont facilement reconnaissables, les éléphants sont suggérés par le mouvement de leurs oreilles.
Cette deuxième partie, légèrement décevante, s'achève par un Tillana très connu, où l'on verra la danseuse répondre aux dictées rythmiques.
Après cela, Aruna Sairam et ses musiciens reviennent sur scène et interprètent la chanson qui accompagne la chorégraphie spécialement réalisée pour l'occasion : Brindavani Venu, où il sera question de Krishna, joueur de flûte. Il est rare de voir une aussi belle chorégraphie accompagnée par une vocaliste aussi talentueuse !
2010-02-19 11:16+0530 (मुंबई) — Culture — Musique — Cinéma — Culture indienne — Voyage en Inde VIII
Avant-hier, je suis allé voir le dernier film de Karan Johar, माय नेम इज़ ख़ान. Ayant acheté ma place une petite heure avant le début de la séance, sans problème particulier (la sortie du film la semaine dernière avait été agitée à cause du Shiv Sena), je me promène au voisinage du cinéma Regal. L'hôtel de luxe Taj Mahal porte encore les traces de l'attaque du 26/11, mais les travaux de réparation sont en cours, et on lit dans la presse qu'il sera rénové à l'identique. Cet hôtel, ainsi que la rue voisine où se trouve le Leopold Cafe est situé à environ deux kilomètres du TIFR où je suis pour deux semaines. Ce quartier est typiquement celui où les jeunes chercheurs ou visiteurs sortiraient le soir pour aller au restaurant. D'ailleurs, certains y étaient ce soir-là et ont entendu les détonations.
Le film de Karan Johar, avec Shah Rukh Khan et Kajol, raconte l'histoire
de Rizvan Khan, un indien musulman autiste qui vient habiter aux États-Unis
d'Amérique rejoindre son frère et sa belle-sœur. Il épouse Mandira, une
coiffeuse, mère célibataire, hindoue. Son fils Samir s'appelle maintenant
Samir Khan (ne pas prononcer K
, mais R épiglottique
). Après
les attentats du 9/11, les musulmans sont victimes de diverses vexations,
le salon de coiffure de Mandira s'écroule financièrement et cela va jusqu'à
une volée de coups d'un groupe de jeunes qui cause la mort de Samir.
Dévastée par la mort de son fils qu'elle attribue au nom que son fils a
pris, Mandira rompt avec Rizvan qui veut rencontrer le président des
États-Unis d'Amérique pour lui dire My Name is Khan and I am not a
terrorist
. Il est arrêté lors d'une cérémonie quelconque vers 2008
parce que sa phrase a été mal comprise et on en aura entendu que
terrorist
. Il est torturé, mais des jeunes journalistes ont saisi un
enregistrement du moment où il prononce cette phrase, et cela lui permet de
recouvrer la liberté. Son cas est beaucoup traité à la télévision et on
aperçoit le dos d'un sénateur noir qui s'y intéresse...
Le film est plutôt réussi et sort des thèmes habituels de Bollywood tant sur le fond que sur la forme (pas de scènes dansées par exemple), mais on retrouvera certains thèmes, comme celui du mariage, forcément problématique, ici parce que Mandira est hindoue et Rizvan musulman, ce que n'accepte pas son frère et qui est résolue dans une scène émouvante comme le cinéma indien en produit quand la belle-sœur de Rizvan vient apporter sa bénédiction aux mariés. Néanmoins, l'exagération et l'accumulation d'éléments parasites compliquent un peu inutilement l'histoire de façon à faire de Rizvan Khan un homme invraisemblablement exceptionnel et héroïque. D'une part, il souffre d'une forme particulière d'autisme, ce qui engendre des situations comiques vu les mimiques de Shah Rukh Khan et permet l'expression de ses talents de réparateurs de toutes choses qu'il a développés depuis son enfance. Plutôt sceptique au début du film sur cet aspect, après avoir vu l'ensemble de film, je trouve que c'était une bonne idée. D'autre part, on le voit sauver invraisemblablement un village de Géorgie où il s'était fait des amis. Ces passages-là sont un peu ridicules. Cela devient carrément too much quand un extrémiste musulman vient s'en prendre à lui.
2010-02-17 17:40+0530 (मुंबई) — Culture — Musique — Danse — Danses indiennes — Culture indienne — Voyage en Inde VIII
R. K. Swamy Auditorium, Mylapore, Chennai — 2010-02-13
Nethra Gururaj (disciple de Guru Nagamani Srinivasa Rao), bharatanatyam
Dimanche soir, je suis allé une dernière fois au festival de danse de Sri Parthasarathy Swami Sabha. On a annoncé les récompenses nombreuses déjà reçues par la danseuse, puis après un prélude musical, quelle fut ma surprise quand une jeune fille d'une douzaine d'années à peine entra en scène. Je ne comprends pas grand'chose aux chorégraphiques (les annonces se limitant à indiquer le nom de la chanson, le compositeur, le raga et le tala). Dans la première, il semble qu'il soit principalement question de Krishna et dans la deuxième, le Varnam, de Shiva. Indépendamment de l'âge de la danseuse, c'est très impressionnant de technique et de vitesse. Elle exécute une figure que je n'avais encore jamais vue et qui semble être ce qui se rapproche le plus des pointes de la danse classique européenne parmi ce qu'il se puisse faire pieds nus : les bras tendus vers le haut, une jambe relevée à la hauteur d'un genou, le poids du corps reposant en équilibre sur la pointe d'un pied tendu.
Je devrai malheureusement manquer la fin de ce spectacle en raison d'une quinte de toux qui me fit choisir de m'éclipser discrètement plutôt que de déranger tout le monde.
À la fin du Varnam, une grande dame du bharatanatyam, Padma Shri Sudharani Raghupaty (le bharatanatyam conserve bien, visiblement) a été appelée pour faire un discours dans lequel elle a chaudement félicité la danseuse en devenir, sa guru Nagamani Srinivasa Rao et l'organisateur du festival.
⁂
Je suis arrivé à Mumbai mardi après-midi après 28h de train (2h de plus
que prévu). J'étais en 2AC
, pour la première fois. Par rapport
à la 3AC
, on a plus de place parce que les couchettes ne sont
empilées que sur deux niveaux et elles sont séparées par des rideaux.
Depuis ma chambre, j'ai une très belle vue sur la baie de Mumbai.
2010-02-11 22:44+0530 (சென்னை) — Culture — Musique — Danse — Danses indiennes — Culture indienne — Voyage en Inde VIII
R. K. Swamy Auditorium, Mylapore, Chennai — 2010-02-11
Krishna Chidambaram (disciple de Guru C. V. Chandrasekar), bharatanatyam
Sixième soirée au R. K. Swamy Auditorium. J'y suis aussi allé mardi dernier pour du kuchipudi, mais le spectacle était de qualité très moyenne. Ce soir, le programme était très alléchant vu que le guru de Krishna Chidambaram est C. V. Chandrasekar, un des plus grands danseurs et enseignants de bharatanatyam, aujourd'hui très âgé. Il joue du nattuvangam (cymbales). À ses côtés, une chanteuse, un mridangam, une flûte, un violon. La salle est pleine. J'ai encore trouvé le moyen de m'installer au premier rang, au centre, mais je me suis retrouvé relégué au second quand des chaises surnuméraires ont été disposées devant. La scène est tellement décorée de fleurs qu'il en exhale des parfums.
Cela n'est pas l'habitude dans ce festival, mais pour une fois, les annonces sont faites en tamoul. Il m'est donc significativement plus difficile de saisir de quoi il s'agit d'autant plus que la danse est très technique, trop à mon goût. C'est exécuté parfaitement, tout à fait dans le rythme, mais cela reste très abstrait, presque mécanique. La première pièce est un Pushpanjali dédié à Rama, puis vient un Jatiswaram. Cette deuxième pièce sera la seule à comporter un passage purement rythmique.
Ce spectacle ne comporte pas une partie principale, mais deux ! La
première est Siva Astapati. Principalement, il s'agit
de Shiva. Le texte répète souvent le mot Shankara
et on voit la
danseuse prendre révérencieusement la pose Nataraja. Est évoqué le retour
de Rama à Ayodha en passant par Rameshwaram où il vénère un lingam de Shiva
pour se faire pardonner du meurtre de brâhmane qu'il a commis en tuant
Ravana (il ne me semble pas que cet épisode figure dans le Ramayana). Dans
un autre tableau, il me semble reconnaître Kama (Amour) frappant Shiva
d'une flèche censée le faire aimer Parvati. Shiva le réduit en cendres et
Rati son épouse vient implorer le pardon de Shiva, qui le lui accorde.
Dans la deuxième pièce principale, il est aussi question du Ramayana. Les thèmes ressemblent à ceux déjà présentés par Srithika Kasturi Rangam. On verra apparemment la cérémonie qui permet à Dasharata d'obtenir quatre fils. Il y aura aussi la scène où Rama soulève l'arc de Shiva après que d'autres auront raté. Une originalité de cette chorégraphie est d'avoir aussi représenté Sita, anxieuse à l'idée de se retrouver mariée à un autre que Rama. Les caprices de Kaikeyi, responsable de l'exil de Rama, seront ensuite évoqués, puis très furtivement la rencontre de Guha. Une fois dans la forêt, on trouve l'épisode de l'antilope magique à la poursuite de laquelle part Rama à la demande de Sita. Une ellipse, puis on voit arriver des singes, mais la chorégraphie me semble assez confuse.
L'avant-dernière pièce est Javeli. C'est encore très abstrait, tout comme la dernière, un Tillana dédié à Rama.
Si ce spectacle était impressionnant par la technique, je suis néanmoins un peu resté sur ma faim. Si j'avais un dictionnaire des codes du bharatanatyam, j'aurais sans doute davantage apprécié.
Comme la danseuse a resté sur scène pas loin de deux heures, il n'y a plus beaucoup de trains et le suivant étant prévu une demi-heure plus tard, je décide de prendre un bus jusqu'à Indira Nagar. La zone à l'Est de la voie de chemin de fers m'est devenue difficile d'accès parce qu'un petit pont s'est apparemment effondré, ou on l'aura fait tomber. Des travaux sont en cours. Toujours est-il qu'à moins de traverser des maisons, il faudrait faire un détour d'un ou deux kilomètres pour passer à sec. Il m'a pourtant semblé voir un passage praticable. J'ai gagné du temps, mais ma chaussure gauche a fait connaissance avec les immondices du slum...
2010-02-09 10:47+0530 (சென்னை) — Culture — Musique — Danse — Danses indiennes — Culture indienne — Voyage en Inde VIII
R. K. Swamy Auditorium, Mylapore, Chennai — 2010-02-08
Radha Prasanna (disciple de Guru Madhava Peddi Murthy), kuchipudi
Encore un très beau spectacle au festival de danse de Sri Parthasarathy Swami Sabha. Cette fois-ci, il s'agit de kuchipudi. La danseuse Radha Prasanna est aussi spécialiste de bharatanatyam et cela se voit.
Le spectacle commence par une prière puis la danse commence avec une assez longue pièce dédiée à Ganesh, celui qui repousse les obstacles. La pièce suivante évoque le personnage de Satyabhama, la plus belle des soixante mille gopis de Krishna.
Par rapport au bharatanatyam, les mouvements sont beaucoup plus arrondis. On trouve aussi des passages purement rythmiques, qui reviennent d'ailleurs plus fréquemment.
Avant le début de la pièce principale, on rappelle le parcours de Guru Madhava Peddi Murthy (Siva Foundation) lui-même disciple d'un récipiendaire du Padma Bhushan.
La difficuilté des pièces va croissante. La pièce principale, homologue
du Varnam, est le Tarangam, qui signifierait ondes
. C'est d'ailleurs
par des mouvements ondulatoires que commence cette pièce, qui évoque la
danse de Krishna à Vrindavan. On voit aussi Vishnu couché et il me semble
même que Lakshmi lui masse les pieds. La spécificité du kuchipudi est de
comporter des passages dansés sur un plateau de laiton. C'est assez
impressionnant. Les orteils pincent les bords. La danseuse avance, tourne,
recule en rythme et avec une grande facilité tout en accompagnant les
pulsations de mouvements des bras. La difficulté explose sur la fin. La
guru réalise avec sa voix et les cymbales une dictée rythmique frénétique
que la danseuse reproduit accompagnée des autres instruments : morsing
(guimbarde),, vîna, mridangam.
La pièce suivante évoque la danse cosmique de Shiva, sur un texte sanskrit d'Adi Shankara. Du point de vue musical, on entend un mélange harmonieux de passages rythmiques pendant lesquels la mélodie de la vîna et de la voix d'un chanteur reste en suspension.
La pièce qui vient ensuite est un hommage à Venkateshwarar et la grande Unité qui inclut tous les êtres de la Création, qu'il soient rois ou intouchables. Musicalement, c'est une superbe interprétation de la chanson Brahman Okate.
Encore une pièce dédiée à Venkateshwarar sur une composition de Sri
Rajaji. Un dévôt s'adresse à la divinité et lui dit Viens et
bénis-moi.
.
Ce spectacle de haut niveau se termine comme il s'est ouvert par une prière.
2010-02-05 11:12+0530 (சென்னை) — Culture — Musique — Danse — Danses indiennes — Culture indienne — Voyage en Inde VIII
R. K. Swamy Auditorium, Mylapore, Chennai — 2010-02-04
Srithika Kasturi Rangan (disciple de Guru Ambika Kameswar), bharatanatyam
Comme lundi et mardi, en rentrant du Chennai Mathematical Institute en bus, j'ai pris un train local pour la station Tirumailai, la plus proche de Mylapore et de son temple Kapaleeshwarar. Le timing étant plutôt serré pour manger avant de rejoindre le R. K. Swamy Auditorium, je n'ai guère d'autre possibilité que de manger une troisième fois au restaurant Saravana Bhavan du coin. Il n'y a pas que les dosas qui y soient bons : puris, parathas, sambar vada, etc. Leur kulfi est excellente. Ayant un petit peu d'avance, je décide de passer par l'intérieur de l'enceinte extérieure du temple Kapaleeshwarar. On y a construit un passage couvert le long de l'enceinte intérieure. De nuit, les sculptures sont moins visibles, seules luisent les lettres Om Shiva Shiva du gopuram (où l'on pourra aussi voir un lingam et une paonne, symbole du couple Shiva-Parvati). En faisant le tour, les incroyants étant défendus d'entrer dans l'enceinte centrale, je découvre qu'il s'y trouve une étable (un des noms de Shiva est Pashupati, celui qui garde le troupeau, une métaphore que l'on trouve aussi dans le christianisme), ce qui est cohérent avec le fait que mardi soir, traversant le parking en face du gopuram, un moment d'inattention et je me fusse retrouvé encorné par un bovin poursuivi des assiduités de quelque congénère.
Le récital de 17h45 n'est pas encore fini quand j'arrive à la salle après avoir reconnu la rue à prendre au repère olfactif que constitue le grossiste en café qui s'y trouve. Je m'installe entre deux pièces et peux assister au fort déplorable Tillana final. La musique est catastrophique, la chorégraphie maladroite, et la danseuse, non dénuée de possibilités, fait ce qu'elle peut. Dans ce festival, on trouve du bon et du moins bon.
⁂
Je me replace au premier rang, dans une place laissée libre au centre. Le récital de Sritikha Kasturi Rangan (30 ans) va commencer. On annonce que ce récital sera un hommage à la grande chanteuse M. S. Subbulakshmi dont on donne quelques repères biographiques. Sa photographie enguirlandée se dresse en dessous de la traditionnelle sculpture du seigneur de la danse.
Le spectacle commence par un Pushpanjali. Vient ensuite une des chansons d'Adi Shankara (un des grands penseurs de l'hindouïsme) : Bhaja Govindam, dédié à Krishna, fameusement chanté par M. S. Subbulakshmi. Le chant est assuré par Guru Ambika Kameswar (qui joue aussi des cymbales et a signé les chorégraphies) et une autre chanteuse. Si elle a parfois du mal à aller chercher les aigus, sa prestation vocale est néanmoins remarquable. Dans ces pièces introductives, la danseuse montre une grande maîtrise dans l'exécution précise de mouvements pourtant rapides.
La pièce principale qui va suivre, le Varnam, est la plus belle pièce de bharatanatyam que j'aie vue. Il s'agit bien d'une pièce ou d'un ballet dont la danseuse jouerait tous les rôles. Le scénario est extrait des six premiers livres du Ramayana de Valmiki. La chanson s'appellerait Bhavayami Raghuramam. Quelques uns des épisodes de l'épopée seront ainsi représentés. Si connaître l'épopée aide beaucoup à identifier les scènes, les différents tableaux parlent d'eux-mêmes. Le public paraît d'ailleurs plus réactif que d'ordinaire ; peut-être est-ce qu'il comprend aussi paradoxalement mieux ce qui se passe sur scène que si on lui avait préalablement introduit les différentes scènes au micro.
La première scène que je reconnais est celle où Rama gagne la main de Sita en soulevant et bandant sans effort l'arc de Shiva qui était en possession de Janaka, le père plus ou moins adoptif de Sita. Avant lui, de grands gaillards se seront fait mal au dos en ratant lamentablement l'épreuve.
Une ellipse et Rama se retrouve en exil (avec Lakshmana et Sita) et traverse une rivière à bord de la barque de Guha, qui est souvent considéré comme un des tout premiers dévôts (bhakta) de Rama.
Le tableau le plus poétique est celui qui met en scène Jatayus. Que ces mouvements évoquant ceux du vautour sont gracieux ! Avant de succomber à ses blessures, il informe Rama de l'enlèvement de Sita par Ravana.
L'armée des singes part ensuite à la recherche de Sita en direction des quatre points cardinaux.
Le singe Hanuman prend avec lui un bijou de Rama. Il retrouve Sita prisonnière et triste. Elle s'illumine quand elle reconnaît l'ornement de Rama qui se réjouit aussi au retour de Hanuman.
Dans le dernier tableau, Rama est face à l'Océan qu'il devra franchir pour rejoindre Sita.
La pièce suivante est rythmée par le mantra (Om) Namah Shivaya
sur un texte aussi dû à Adi Shankara. Différents aspects de Shiva sont
représentés comme Nataraja, le seigneur de la danse, ou celui qui a les
cheveux tressés (superbe évocation de la descente de Ganga).
Vient une chanson de Mirabai dédiée à Hari et enfin un Tillana dédié à
la joie cosmique où entre des passages de danse pure
, on verra un
Vishnu couché sur l'Océan cosmique.
Quel beau spectacle ! Tout, dans la musique, la danse, l'expression du visage, l'attitude, etc, était de très haut niveau, à mon avis aussi bon que les spectacles des danseuses les plus connues qui vont se produire jusqu'à Paris !
2010-02-03 10:56+0530 (சென்னை) — Culture — Musique — Danse — Danses indiennes — Culture indienne — Voyage en Inde VIII
R. K. Swamy Auditorium, Mylapore, Chennai — 2010-02-02
Srimati K. R. Rekha (disciple de Guru Dr. Padma Subramaniam), quatre étudiantes, son fils, bharatanatyam
Mardi soir, je suis retourné au R. K. Swamy Auditorium. On annonce K. R.
Rekha, son nom étant précédé du titre Srimati
plutôt que
Kumari
, signe la danseuse sera expérimentée, ce qu'elle montre assez
rapidement. Ses parures brillent ostensiblement. Mauvaise surprise : les
musiques sont enregistrées. Si le spectacle de la veille m'avait déjà
semblé audacieux par ses innovations chorégraphiques qui restaient
néanmoins dans la tradition, l'audace de la danseuse de ce soir va s'avérer
bien plus grande, quitte à sacrifier la tradition au point qu'après les
deux premières pièces, je me demandais s'il s'agissait bien de
bharatanatyam, avant que quatre de ses élèves entrassent en scène et
exécutassent quelques mouvements correspondant aux codes habituels, et ce
avec plus ou moins de réussite. Le style de la danseuse, comme ses formes,
est tout en rondeurs, fait d'amples mouvements et de poses évanescentes
évoquant furtivement quelques divinitées (en l'occurrence des formes de
Shiva). La musique n'est pas très carnatique non plus, encore un peu
d'audace et nous eussions entendu des chansons bollywoodiennes. Dans une
des pièces, la danseuse interprète le rôle de Yahoda accompagnée du divin
Krishna mimé par son fils.
La dernière pièce est le clou du spectacle. Sans que je comprenne les détails d'interprétation, la danseuse représente le moksha, le salut qui se peut obtenir par l'adoration du bienheureux Krishna. La musique qui rythme cette chorégraphie est la marche nuptiale du Songe d'une nuit d'été de Mendelssohn !
2010-02-02 11:17+0530 (சென்னை) — Culture — Musique — Danse — Danses indiennes — Culture indienne — Voyage en Inde VIII
R. K. Swamy Auditorium, Mylapore, Chennai — 2010-02-01
Kumari Pallavi Vijay (disciple de Guru Meenakshi Chittaranjan), bharatanatyam
Je suis arrivé en Inde dans la nuit de dimanche à lundi. La
correspondance à Bruxelles (alors recouverte de neige) a été limite.
L'avion d'Europe Airpost avait une bonne heure de retard. À Bruxelles, je
dois chagner de terminal, ce qui est assez long en marche et tapis
roulants. Enfin, le plus pénible et le plus long est de revoir repasser les
contrôles de sécurité, surtout s'il faut d'abord trouver quelqu'un qui
entende suivant le cas le flamand, l'anglais ou le français et que la
machine se met à bipper sans raison et que l'agent de sécurité réalise des
contrôles plus approfondis avec nonchalance. Une employée me dit ensuite de
courir pour rejoindre la porte d'embarquement. Une fois dans l'avion, on
aura encore une heure d'attente parce qu'un passager a égaré son
passeport... Le service sur ce vol Jet Airways est très-convenable. Ce qui
l'est moins, c'est la sélection de disques dans la rubrique Western
classical
des ordinateurs de bord, dans la mesure où elle contient une
majorité de trucs dans le genre Vanessa-Mae. Je trouve
néanmoins des symphonies de Haydn, ce qui me fait remarquer une
ressemblance étonnante entre le premier mouvement de la symphonie nº88 et
un des morceaux de Casse-Noisette.
⁂
Lundi soir, je me rends au R. K. Swamy Auditorium pour le festival de danse de Sri Parthasarathy Swami Sabha. Dans ce festival que j'ai déjà fréquenté l'année dernière, on ne sait jamais à l'avance de quel niveau sera le récital.
Le deuxième programme de ce jour commence par un morceau chanté, ce qui met aussitôt en valeur les grandes qualités de la chanteuse. Entre ensuite en scène la frêle et rose silhouette de Pallavi Vijay dont j'apprendrai plus tard qu'elle n'a que seize ans. Avec un faux air de nonchalance, elle exécute un Pushpanjali évoquant Natajara, le seigneur de la danse. Le varnam, la partie principale d'un récital de bharatanatyam est dédié à Vishnu aux multiples formes. Les différentes évocations dansées, accompagnées musicalement par une voix, un violon, un mridangam (un type de percussions) et des cymbales choquées par Guru Meenakshi Chittaranjan, qui fait aussi entendre sa voix dans les parties purement rythmiques insérées dans le varnam. L'hommage à Vishnu commence par une pose correspondant à Vishnu couché sur l'Océan cosmique, puis vient un épisode du Ramayana où Rama ranima Ahalya qui avait été changée en pierre. Un exemple des bienfaits de la dévotion est donné par une légende puranique que je ne connaissais pas : un éléphant est sauvé de l'attaque d'un crocodile parce qu'il est un dévôt de Vishnu. Cet épisode est très pittoresque. On a vraiment l'impression de voir l'éléphant et le crocodile que la chorégraphie suggère. La façon de représenter l'éléphant est différente de celles vues jusques à maintenant, cette chorégraphie insistant davantage sur les oreilles que sur la trompe. Un autre avatar, le nain Vamana, vient ensuite, de ses trois pas, mettre un terme à la domination du démon Mahabali. Enfin, c'est Venkateshwar, la forme de Vishnu résidant à Tirumala qui est évoquée.
Après cette partie, quelques minutes de violon tout en vibrato, aux improvisations cependant moins assurées que dans les autres parties.
Plus tard, la danseuse revient pour évoquer la plainte faite par une gopi à
Yashoda à propos de son fils adoptif Krishna. Elle lui dit en substance :
Votre fils est un vilain garçon. C'est la créature la plus dépravée de
l'univers. En pleine nuit, il m'a séduite, je l'ai rejoint et il m'a embrassée,
et sans que je m'en rendisse compte, il faisait la même chose à de nombreuses
autres que moi en même temps.
.
Ce très beau récital s'est terminé par un Tillana, lui aussi dédié à Krishna.
2010-02-01 15:09+0530 (சென்னை) — Culture — Musique — Opéra — Voyage en Inde VIII
Théâtre des Champs-Élysées — 2010-01-30
Antonino Siragusa, Don Ramiro, ténor
Stéphane Degout, Dandini, baryton
Pietro Spagnoli, Don Magnifico, baryton
Carla Di Censo, Clorinda, soprano
Nidia Palacios, Tisbe, mezzo-soprano
Vivica Genaux, Angelina, mezzo-soprano
Ildebrando D'Arcangelo, Alidoro, basse
Michael Güttler, direction musicale
Irina Brook, mise en scène
Noëlle Ginefri, décors
Sylvie Martin-Hyszka, costumes
Arnaud Jung, lumières
Cécile Bon, chorégraphie
Concerto Köln
Chœur du Théâtre des Champs-Élysées (Stephen Betteridge)
La Cenerentola, Rossini.
Samedi soir, quelques heures avant de prendre un
Noctambus^W
bus de nuit^W^W^W
Noctilien pour
l'aéroport CDG, je suis allé au Théâtre des Champs-Élysées pour assister à
la première représentation de La Cenerentola dans la production
mise en scène par Irina Brook (fille de Peter Brook) qui est reprise à
nouveau.
Il s'agit indiscutablement du plus drôle spectacle d'opéra que j'aie vu. Bien sûr, cet opéra est un des opéras comiques de Rossini, mais le début de la représentation fait craindre d'assister à un opéra d'esthétique deschiesne, le décor figurant le Bar Magnifico où Angelina (Vivica Genaux) en miss Ugly fait tout le travail, méprisée qu'elle est par son (beau ?)-père et ses deux demi-sœurs Clorinda (Carla Di Censo) et Tisbe (Nidia Palacios). Don Magnifico (Pietro Spagnoli) porte un maillot de foot (de la Lazio), son jeu est très exagéré, on dirait un acteur de film muet... La beaufitude et le look Deschiens ne seront pas les seules cibles de la farce, on s'amusera aussi aux dépens des jet-setteurs, du cultureux branché, de l'art contemporain, de la presse people, etc. Le lieu est très flou lui aussi, on est à Rome (en tout cas en Italie), à Paris, à New-York.
Contrairement à certaines transpositions pas toujours très cohérentes, ici, tout colle très bien à l'histoire, à la lettre du livret, avec quelques gags supplémentaires, comme celui qui consiste à faire accroire qu'un personnage chanté par un chauve (Antonino Siragusa) se fait passer pour un autre d'apparence chevelue (Stéphane Degout). En effet, Don Ramiro veut épouser une femme qui ne se soucierait pas de son argent. C'est donc le valet Dandini qui vient sonder l'âme des filles de Magnifico. La seule scène qui m'ait paru étrange est celle où Dandini et Magnifico sont en chaise longue, une serviette blanche lacée à la ceinture. Sans doute un clin d'œil à la scène du Barbier de Séville où Figaro fait son office de barbier.
Du conte original de Cendrillon, il ne reste plus beaucoup de la partie magique. Cet élément est incarné par le curieux personnage d'Alidoro (Ildebrando D'Arcangelo). En remercîment de l'aumône accordée par Angelina, il œuvre pour que Don Ramiro la choisisse et punisse ses sœurs. Son intervention muette pendant le sextuor du deuxième acte est à hurler de rire. Les six autres personnages sont figés pendant le sextuor, comme des somnambules. Très espiègle, il leur fait faire des gestes ridicules avec leurs mains.
Pour ce qui est de la musique, le Concerto Köln est dirigé par le jeune chef Michael Güttler. À propos des voix, j'ai trouvé que Vivica Genaux manquait un peu de puissance pendant les premières scènes chez Magnifico quand l'orchestre jouait forte (sans que ce soit très gênant : dans la plupart des passages, l'orchestre n'est qu'un accompagnement du chant). Cependant, elle a été formidable dans sa longue séquence à la fin (qui ressemble beaucoup à son homologue du Barbier de Séville). Grand rossinien, Antonino Siragusa est un Don Ramiro enthousiasmant, tout particulièrement pendant ses airs du deuxième acte, très applaudis.
Voilà un très beau spectacle. Malgré une histoire mettant en scène sept
personnages principaux (dont deux certes, ceux des sœurs d'Angelina, sont
quasi-confondus), ce n'est pas cérébral comme un Wagner ou un Strauss et on
aurait presque des scrupules à se laisser aller à une cette facilité
(encore plus axée sur le chant que ne l'est Bellini), mais c'est cela
aussi l'opéra. En sortant, j'entends dire Ç'aurait plu aux
gosses.
.
2010-02-01 14:35+0530 (சென்னை) — Culture — Musique — Danse — Expositions — Voyage en Inde VIII
Samedi après-midi, je dépose mes affaires à un hôtel près de la Gare du Nord où j'ai prévu de prendre un bus très tôt le lendemain matin. Je me suis dirigé vers l'Opéra où se tient une exposition sur les Ballets russes. Contrairement à l'exposition du début de saison sur Gounod, elle n'est pas ouverte les soirs de spectacle, ce qui fait que je ne l'ai toujours pas vue malgré les cinq après-midi ou soirées que j'y ai passées depuis la mise en place de cette exposition.
Je rentre facilement grâce à ma carte de la BnF. On peut voir dans cette exposition des dessins préliminaires à la confection de costumes ou de décors, quelques costumes, des photographies, une partition autographe du Prélude à l'après-midi d'un faune, une notation chorégraphique de certains passages du Sacre du printemps, etc.
Je découvre dans cette exposition l'intérêt pour l'Asie du décorateur Léon Bakst. On verra ainsi un bronze de Garuda, la monture de Vishnu qui aurait inspiré L'oiseau de feu et surtout une photographie du superbe Nijinsky prenant la pose caractéristique de Krishna joueur de flûte dans Le Dieu bleu en regard d'un autre bronze issu des collections du musée Guimet. Une danseuse de bharatanatyam ne prendrait pas une pose différente.
Parmi les autres documents présentés, on pourra lire deux pages d'un rapport de Gabriel Astruc destiné aux autorités impériales russes à propos de la troupe de Diaghilev et de ses déboires financiers, dont voici des extraits :
Rapport confidentiel sur la saison russe 1909
M. Serge de Diaghilev a compromis en France le bon renom de l'administration des Théâtres Russes.
Mesures à prendre pour l'avenir
Peut-être y a-t-il lieu dans l'intérêt même de la bonne renommée des Artistes russes et de la dignité des Théâtres Impériaux de Russie, de ne pas sanctionner par des autorisations officielles les faits et gestes d'un
impresario amateurdont le crédit est fortement entamé sur la place parisienne.
La sortie est toujours aussi mal indiquée. Je reste une bonne dizaine de minutes à la librairie pour écouter jusqu'au bout la version instrumentale de l'air Ah ! no credea mirarti de La Sonnambula qui s'y fait entendre.
2010-01-29 01:02+0100 (Orsay) — Culture — Musique — Opéra
Opéra Bastille — 2010-01-28
Michele Pertusi, Il Conte Rodolfo
Cornelia Oncioiu, Teresa
Natalie Dessay, Amina
Marie-Adeline Henry, Lisa
Javier Camarena, Elvino
Nahuel Di Pierro, Alessio
Jian-Hong Zhao, Un Notaro
Evelino Pidò, direction musicale
Marco Arturo Marelli, mise en scène, décors et lumières
Darmar Niefind, costumes
Patrick Marie Aubert, chef de chœur
Orchestre et Chœur de l'Opéra national de Paris
La Sonnambula, Bellini
Jeudi soir, deuxième de La Sonnambula. Place d'abonnement dans la catégorie juste au-dessus de celle de lundi. Bout de rang 8 du deuxième balcon de côté (jardin). Un angle de vue comparable à celui que j'avais lundi, sans balcon au-dessus et personne derrière (il y a une cloison).
L'annonce que Natalie Dessay est toujours souffrante n'engendre que des applaudissements, la phrase prononcée ayant commençé par une locution suggérant qu'elle se finirait bien. De l'art d'annoncer une mauvaise nouvelle à 2700 personnes. Contrairement à lundi où cette difficulté passait presqu'inaperçue, ce soir, elle était souffrante et cela s'entendait. Pas tant dans les parties les plus virtuoses de ses airs, que dans les récitatifs, chantés bien sûr, que comporte l'opéra.
Qu'il doit être difficile de choisir entre renoncer à chanter au risque de décevoir les nombreux spectateurs et chanter tout de même en désespérant de ne pas être au meilleur de soi.
Quoique les autres chanteurs fussent très bons, ces imperfections eussent fait que cette soirée n'eût été qu'en demi-teinte s'il ne se fît ouïr l'air final Ah ! non giunge uman pensiero, où après avoir rapidement passé une robe rouge en coulisses, la chanteuse se place seule en scène devant un rideau imitant celui de l'Opéra Garnier (où, parfois, comme ce soir, les étoiles sont applaudies à leur entrée en scène). Cela a été plus court, mais je me suis retrouvé à peu près dans le même état que lundi.
⁂
Je ne sais pas depuis combien de temps le réglage des oculaires correspondant aux deux yeux s'était défait, mais au début du deuxième acte, ce n'était plus tenable, j'ai identifié le problème et en prenant soin de faire le réglage œil après œil, j'ai retrouvé une image très nette, me permettant de voir vraiment très bien le visage des chanteurs. Ces jumelles, achetées environ 25€ il y a un an et demi, furent un très bon choix d'équipement.
Dans Le Monde, Renaud Machart moque gentîment la mise en scène :
Pour cette production louée à l'Opéra de Vienne, le metteur en scène Marco Arturo Marelli a transposé l'action, sise dans un village, dans un sanatorium de luxe en montagne. Ce qui est assez piquant quand le Comte Rodolfo, revenu au bercail après une longue absence, s'exclame, alors qu'il est devant un bar et des tabourets Art déco :
Le moulin ! La fontaine ! Le bois ! (...) Je vous reconnais, lieux charmants.
Il oublie malicieusement de préciser qu'au moment où Rodolfo le dit, il ne regarde pas le bar, mais le tableau qui se trouve accroché au-dessus et représente un paysage villageois.
À propos de cette mise en scène, j'avais remarqué qu'un détail avait été
changé par rapport au livret, à savoir que l'objet qui trahit Lisa et ses
jeux folâtres avec le comte n'était pas un fichu mais un soulier (elle a
aussi égaré un bas...). N'entendant pas l'italien, je ne sais pas si le mot
vel
a été changé. En tout cas, pour l'amateur français d'opéra
italien qui se soucierait encore des paroles, on a pris garde à l'Opéra de
Paris de faire paraître le mot soulier
dans les sur-titres (c'est à
peu près le seul moment de la soirée où j'ai formé le dessein de les
lire).
2010-01-26 02:00+0100 (Orsay) — Culture — Musique — Opéra
Opéra Bastille — 2010-01-25
Michele Pertusi, Il Conte Rodolfo
Cornelia Oncioiu, Teresa
Natalie Dessay, Amina
Marie-Adeline Henry, Lisa
Javier Camarena, Elvino
Nahuel Di Pierro, Alessio
Jian-Hong Zhao, Un Notaro
Evelino Pidò, direction musicale
Marco Arturo Marelli, mise en scène, décors et lumières
Darmar Niefind, costumes
Patrick Marie Aubert, chef de chœur
Orchestre et Chœur de l'Opéra national de Paris
La Sonnambula, Bellini
Ce lundi, lors de la première de La Sonnambula à l'Opéra Bastille (véritable première : c'est l'entrée au répertoire de l'Opéra de cette œuvre de Bellini créée en 1831), on annonce que Natalie Dessay est souffrante depuis quelques jours, brouhaha dans la salle, mais qu'elle assurera son rôle. L'opinion générale est qu'elle a fait un peu mieux qu'assurer. C'est carrément l'extase !
C'était le moment de la saison opératique que j'attendais le plus avidement. Le moins que je puisse dire est que je n'ai pas été déçu par ce spectacle d'opéra, parmi les plus belles choses qui se puissent entendre. J'ai déjà eu l'occasion de discuter de l'intrigue et des œuvres qui par transpositions successives ont conduit à cet opéra 1. Je n'y reviens plus.
La mise en scène de Marco Arturo Marelli n'est pas désagréable à regarder. Le décor (unique) est une vaste salle d'un hôtel dans les Alpes suisses. C'est cohérent avec le livret qui fait de Lisa une aubergiste. Ce qui l'est moins, dans cette approche visuellement réaliste, c'est de n'avoir pas suggéré la chambre de Rodolfo où, après sa première crise de somnambulisme, Amina s'endort. On la voit ici s'allonger dans la salle de banquet. Lors des apparitions d'Amina, les témoins chantent parfois en regardant dans la direction opposée, ce qui produit un effet peu crédible. Comme il l'explique dans le programme, une des idées du metteur en scène est de rapprocher ce séjour suisse d'une retraite effectuée par le compositeur quelques mois avant de composer son ouvrage (il pensait alors écrire un (H)Ernani). Ce n'est que marginalement visible dans la mise en scène, mais il faudrait imaginer que Rodolfo est un compositeur. Bref, si elle n'est pas génialissime, cette mise en scène n'est en rien déplaisante (pas de quoi justifier les huées, quelqu'éparses qu'elle fussent, qui accompagnèrent l'arrivée de l'équipe de production lors des saluts).
Ce n'est je crois que la deuxième fois qu'un opéra me met dans des états pareils. La première fois, c'était lors de la première de Padmâvatî au Châtelet. La jouissance était alors davantage visuelle que musicale, même si l'impressionnisme de Roussel exacerbait mon sentiment général à propos de cet opéra-ballet. Ce soir, c'était avant tout la voix de Natalie Dessay qui détenait la faculté de déclencher des réactions jubilatoires. Lors de la retransmission du Met, cela ne m'avait tout à fait atteint que lors de l'avant-dernier air Ah ! no credea mirarti (j'avais même été plus impressionné par le rôle d'Elvino chanté par Juan Diego Flórez). Dans la salle de l'Opéra Bastille, l'effet de la voix de Natalie Dessay a été immédiat, dès les premiers airs du premier acte, dont je perçois enfin l'immense beauté. S'il n'est sans doute pas aussi enthousiasmant qu'un Flórez ou un Meli, Javier Camarena fait un bon Elvino. Les autres chanteurs, notamment Michele Pertusi (Rodolfo), assurent très-convenablement leur rôle aussi bien par leur chant que par leur jeu.
À voir, à revoir. (Cette production sera filmée. Une retransmission radiophonique est prévue le 27 février sur France Musique.)
[1] Un des textes du programme (tiré des mémoires de l'épouse du librettiste Felice Romani) confirme d'ailleurs que l'idée de faire de Rodolfo le père d'Amina était bien de lui, qu'il avait écrit une scène où Rodolfo révélait sa paternité à la présumée orpheline. Le seul vestige de cet ajout envisagé à l'intrigue se trouve allusivement dans les paroles de Rodolfo :
Elle est fort gentille et gracieuse
Laisse-moi te regarder. Oh, quel joli minois !
Tu ne sais pas combien ces beaux yeux
Font doucement battre mon cœur,
Comme tu rappelles à mes pensées
Une adorable beauté.
Elle était, ah ! telle que tu es,
Au matin de sa vie.
2010-01-23 01:39+0100 (Orsay) — Culture — Musique — Opéra
Théâtre du Châtelet — 2010-01-22
Lina Tetriani, Norma
Paulina Pfeiffer, Adalgisa
Nikolai Schukoff, Pollione
Nicolas Testé, Oroveso
Blandine Staskiewicz, Clotilde
Luciano Botelho, Flavio
Ensemble Matheus
Chœur du Châtelet
Jean-Christophe Spinosi, direction musicale
Nicholas Jenkins, chef de chœur et assistant du chef d'orchestre
Peter Mussbach, mise en scène et décors
Daniela Juckel, décors
Andrea Schmidt-Futterer, costumes
Alexander Koppelmann, lumières
Axel Bott, dramaturgie
Norma, Bellini
Je n'étais pas retourné au théâtre du Châtelet depuis un an et demi. La dernière fois, c'était pour un concert du dimanche matin avec Le Concert français dirigé par Pierre Hantaï et la fois précédente, c'était pour Padmâvatî de Roussel.
Cette fois-ci, c'est pour Norma de Bellini, qui, hasard du calendrier intervient presqu'en même temps que la production de La Sonnambula du même compositeur à l'Opéra Bastille.
Les décors du metteur en scène Peter Mussbach et de Daniela Juckel sont conceptuels. Un grand vide bordé de trois murs. Une grande boule, représentation d'une divinité lunaire, est un totem que déplacent les Gaulois. Les membres du chœur, des comédiens et une acrobate restent sur scène en permanence. Ils portent des costumes ternes. Les couleurs changeantes des murs, des éléments de décor, des costumes, sont presqu'entièrement le fruit des lumières. La scène sera ainsi toute verte, toute rouge, bleue, etc, suivant la situation. Ce procédé est d'autant plus éclatant quand une tâche de lumière colorée suit un personnage, en l'occurrence Oroveso (Nicolas Testé), le chef des druides. C'est le père de Norma (Lina Tetriani), sorcière-prêtresse censée annoncer l'oracle aux Gaulois. Elle a eu deux enfants (interprétés par des sortes de poupées !) du proconsul romain Pollione (Nikolai Schukoff) dont la moitié haute du corps est dorée par le maquillage. Celui-ci doit rentrer à Rome, et plutôt que Norma, c'est la jeune Adalgisa (Paulina Pfeiffer) qu'il aimerait emmener. Norma est jalouse, elle veut mener sa vengeance à son terme en se servant du pouvoir que sa religion lui donne sur les Gaulois. Norma envisagera de sacrifier ses enfants (comme Médée...), puis annoncera à son peuple qu'il faut non seulement sacrifier à leur divinité le profanateur Pollione, mais aussi une jeune fille qui s'est compromise avec lui. Jusqu'au dernier moment, elle hésitera. Finalement, elle se dénoncera elle-même pour rejoindre Pollione dans la mort. Ce dernier loue une femme qu'il perd. Je me demande un moment s'il pense à Adalgisa ou à Norma, mais il semble bien qu'il s'agisse de Norma, bien plus forte qu'il l'avait pensée.
Musicalement, c'est très beau. Autant je n'avais pas du tout été convaincu par l'Ensemble Matheus dirigé par Jean-Christophe Spinosi dans L'Oratorio de Noël, autant dans Bellini, cela rend bien. Les chanteurs des trois ou quatre rôles principaux sont bons. Bien sûr, quand le public a entendu des centaines de fois l'air Casta Diva chanté par Maria Callas (le nombre de films qui l'utilisent dans leur bande son est assez invraisemblable), il est difficile que la comparaison ne paraisse pas défavorable (simplement parce que les détails d'interprétation sont différents, et qu'on pourrait attribuer à une faute ou une faiblesse ce qui n'est qu'un choix, pas forcément moins pertinent). Lina Tetriani, qui a été annoncée souffrante à l'entr'acte, s'en est très bien sortie. Dans ses airs, Nikolai Schukoff montre ses talents de bel cantiste. La première scène du deuxième acte met en scène un superbe duo entre Norma et Adalgisa, cette dernière étant prête à sacrifier son amour de Pollione pour son aînée.
Une partie du public a lancé des huées à la fin du premier acte et lors des saluts. Je ne sais pas si cela visait Spinosi ou bien le metteur en scène qui n'était pas là pour saluer. Pour ma part, j'ai trouvé que cette production était réussie.
PS: L'utilisation de toute la profondeur du plateau fait qu'il vaut mieux être au centre pour bien profiter de cette mise en scène, ce qui était mon cas vu que j'étais au premier balcon, plein centre, avec néanmoins devant moi un pilier, qui n'est pas très gênant : à un moment, Norma et Adalgisa étaient toutes les deux côté cour dans l'axe du pilier, mais par vision stéréoscopique, Adalgisa de l'œil gauche, Norma de l'œil droit (à moins que ce ne soit le contraire), je les voyais toutes les deux simultanément (cela marche bien sûr aussi derrière des jumelles).
2010-01-22 02:05+0100 (Orsay) — Culture — Musique — Opéra — Danse — Théâtre — Lectures
Opéra Comique — 2010-01-21
Lucy Crowe, Soprano, Juno
Andrew Foster-Williams, Bass, Coridon, Winter, Hymen, Sleep
Claire Debono, Mystery, First Fairy, Nymph, Spring
Miriam Allan, Anna Devin, Claire Debono, Maud Gnidzaz, Fairies
Ed Lyon, Tenor, Adam, Secrecy
Sean Clayton, Tenor, Summer
Callum Thorpe, Bass
Emmanuelle de Negri, Soprano, Night, The Plaint
Robert Burt, Mopsa
Andrew Davies, Phoebus
David Webb, Autumn
Helen Jane Howells, Eve
William Gaunt, Theseus
Robert East, Egeus
Alice Haig, Hermia
Nicholas Shaw, Lysander
Gwilym Lee, Demetrius
Jo Herbert, Helena
Roger Sloman, Starveling
Robert Burt, Flute
Desmond Barrit, Bottom
Paul Mc Cleary, Quince
Brian Pettifer, Snug
Jack Chissick, Snout
Sally Dexter, Titania
Jotham Annan, Puck
Finbar Lunch, Oberon
Laura Caldow, Omar Gordon, Samuel Guy, Anthony Kurt-Gabel, Jarkko Lehmus, Caroline Lynn, Maurizio Montis, Sarah Storer, Danseurs
Adel Aïssani, Riad Ghelazi, Lucien Pech, Indian Boy (en alternance)
Les Arts Florissants
William Christie, direction musicale
Jonathan Kent, mise en scène
Paul Brown, décors et costumes
Mark Henderson, lumières
Kim Brandstrup, chorégraphie
Francesca Giplin, assistante mise en scène
Joanna O'Keeffe, assistante chorégraphie
François Bazola, chef de chœur
Sophie Decaudaveine, conseillère linguistique
The Fairy Queen, Purcell
Les spectacles à l'Opéra Comique qu'il m'a été donné de voir rivalisent d'adresse à m'enthousiasmer. Le dernier en date est The Fairy Queen, semi-opéra de Purcell, dont la partition a été perdue pendant deux siècles ! Je ne m'étais pas renseigné sur cette œuvre. Je découvre ainsi qu'un semi-opéra est un spectacle intermédiaire entre le théâtre et l'opéra. À vrai dire, les musiciens, les comédiens et les chanteurs ne sont pas les seuls à rassasier les sens du spectateur puisqu'on verra aussi évoluer des danseurs !
Le livret est inspiré (vaguement nous dit le metteur en scène Jonathan Kent) de la pièce de Shakespeare Le songe d'une nuit d'été. Tout se passe dans un décor unique mais multiforme. Il commence par figurer l'intérieur du duc Theseus, puis il se déstructure pour représenter la forêt où les amoureux Lysander et Hermia ont promis de se rejoindre, suivis de près par Helena qui n'est point aimée de Demetrius en retour. La reine des fées et Oberon se disputent. Puck, le serviteur d'Oberon, se trompe de destinataire pour les charmes que lui suggère son maître, ce qui fait que la reine des fées se trouvera en amour avec le tisserand Bottom transformé en âne et que Lysander et Demetrius vont fuir Hermia pour se disputer Helena. Quand le jour paraîtra, tout sera rentré dans l'ordre et les personnages auront eu l'impression de faire un songe.
Tout ce spectacle est so British. Par exemple, les artisans jouent une pièce de théâtre inspirée de la légende de Pyrame et Thisbé racontée par Ovide. Les artisans jouent tellement mal leur pièce à l'intérieur de la pièce que c'en est à hurler de rire. Le comédien qui interprète Bottom (Desmond Barrit) est très impressionnant.
Le décor est unique, mais cela bouge beaucoup. Une trappe permet de rapides et multiples apparitions-disparitions de personnages. On a presque peur pour les danseurs qui arrivent à ne pas tomber dans le trou. Certains, comme Phoebus et Juno sont suspendus dans les cieux.
Le spectacle est très long : cela commence à 20h et finit peu avant minuit, avec un seul entr'acte d'une demi-heure. Bref, il ne s'en ai pas fallu de beaucoup pour que j'arrive à prendre le dernier RER B (qui, n'étant omnibus qu'à partir de Massy-Palaiseau, est plus rapide que ceux qui précèdent). Long, mais en rien ennuyeux.
2010-01-21 01:46+0100 (Orsay) — Culture — Musique — Opéra — Lectures
Opéra Bastille — 2010-01-20
Andrew Richards, Werther
Ludovic Tézier, Albert
Alain Vernhes, Le Bailli
Andreas Jäggi, Schmidt
Christian Tréguier, Johann
Sophie Koch, Charlotte
Anne-Catherine Gillet, Sophie
Alexandre Duhamel, Brühlmann
Olivia Doray, Kätchen
Michel Plasson, direction musicale
Benoît Jacquot, mise en scène
Charles Edwards, décors et lumières originales
Christian Gasc, costumes
André Diot, lumières
Orchestre de l'Opéra national de Paris
Maîtrise des Hauts-de-Seine / Chœur d'enfants de l'Opéra national de Paris
Werther, Massenet
L'opéra Bastille voit se succéder les Werther maudits. L'an dernier, Villazón avait annulé la première. Cette année, pour la représentation de ce soir, Jonas Kaufmann a été remplacé par Andrew Richards qui a interprété fort honorablement le rôle de Werther dans l'opéra éponyme de Massenet.
J'avais plutôt apprécié la production de Jürgen Rose. Celle dont l'Opéra a fait l'acquisition, mise en scène par Benoît Jacquot au Royal Opera House (2004), m'a enthousiasmé bien au-delà. Le seul faux pas me semble résider dans le port de lunettes teintées par Werther lors de son entrée en scène. Bagatelle.
Les quatre décors (un par acte) sont en pente. Le mur d'enceinte et la porte d'entrée sur le domaine du bailli, les abords du temple (que l'on ne voit pas), le salon de Charlotte, la chambre de Werther. Les costumes sont classiques. Albert est en rouge, Werther en bleu, Charlotte en blanc, Sophie en violet. Si on excepte le début du troisième acte, trop sombre, j'ai trouvé que l'utilisation des lumières était extrêmement pertinente.
Depuis la dernière fois, j'ai pris le temps de lire le roman épistolaire de Goethe, Les souffrances du jeune Werther, que j'ai lu dans la sublime version française que constitue la traduction de Charles-Louis de Sévelinges, rendue plus élégante par Pierre Leroux qui n'entendait pas l'allemand et revue récemment par Christian Helmreich, Le Livre de Poche, collection Les Classiques de Poche. À ma surprise, Sophie, la sœur cadette de Charlotte, est un personnage qui n'apparaît que dans l'opéra. Elle est interprétée par Anne-Catherine Gillet, qui m'avait impressionné dans l'air de Micaëla de Carmen. C'est d'ailleurs dans cette Carmen que j'avais entr'aperçu Andrew Richards. Il n'avait pu assurer son rôle de Don José que pendant les deux premiers actes et avait été remplacé par un ténor brésilien anonyme.
Son interprétation du rôle de Werther est tout à fait convaincante. Toutefois, la prononciation de certaines voyelles lui pose occasionnellement quelques problèmes. Charlotte est interprétée par Sophie Koch que je n'avais entendue qu'une seule fois, dans le final de la neuvième symphonie de Beethoven en 2005 au TCE avec l'Orchestre Lamoureux. La tension dramatique et l'importance de ce rôle augmentent à chaque acte jusqu'à la scène finale, très lyrique.
Dans le rôle d'Albert, on trouvera cette année aussi Ludovic Tézier. Par rapport au roman, Albert est plus en retrait. On ne saura pas grand'chose de lui si ce n'est qu'il est l'homme que Charlotte avait promis d'épouser à sa mère sur son lit de morte. Dans le roman, on le voit volontiers philosopher avec Werther, qui est fasciné par le suicide... Dans cette version toutefois, un détail dans l'attitude d'Albert laisse à penser qu'il est parfaitement conscient de l'usage que Werther entend faire des pistolets qu'il lui prête pour un prétendu voyage. Dans le roman, seule Charlotte semblait envisager la fatale issue.
Les amateurs du son de la harpe seront comblés dans les derniers actes. Le directeur musical Michel Plasson (76 ans !) a manifestement plus de mal à marcher qu'à diriger l'orchestre de l'Opéra. En tout cas, il fait de la musique de Massenet un délice de musique continue, seulement interrompu par les deux entr'actes.
La représentation du 26 janvier sera retransmise en direct sur Arte et sur Internet (ArteLiveWeb).
PS: Il m'a semblé que le surtitrage a été remonté, le rendant seulement à moitié visible depuis le rang 7 du premier balcon de côté. Cela paraît curieux par rapport à l'utilisation de l'espace scénique : seule la moitié de la hauteur disponible était utilisée, de sorte qu'il n'eût résulté aucune gêne de ce qu'on descendît légèrement l'appareil.
2010-01-16 23:10+0100 (Orsay) — Culture — Musique — Danse
Jusques à il y a deux ans, je vivais dans l'idée fausse que la Cité de la Musique n'était que le Temple de la Musique Nouvelle 1. À vrai dire, tous les styles de musique y sont représentés, ce qui la distingue des autres lieux culturels parisiens. Je n'y avais pour le moment entendu que des Râgas et de la musique baroque.
Il n'y avait pas de raison que je n'essayasses point d'entendre aussi de cette musique du vingt-et-unième siècle quand l'occasion se présenta de coupler l'écoute de cette musique avec une partie de programme de l'intégrale Schubert prévue lors de la biennale de quatuors à cordes.
Cité de la musique — 2010-01-13
Quatuor Diotima
Gilbert Nouno, réalisation informatique musicale Ircam
Quatuor à cordes nº4 (Jonathan Harvey)
Quatuor Pražák
Quatuor à cordes nº7 (Schubert)
Jiří Hudec, contrebasse
François-Frédéric Guy, piano
Quintette pour piano et cordes La Truite (Schubert)
Mercredi dernier, j'ai assisté au programme de 20h30. Je m'installe sur mon siège dans la salle que je trouve dans une configuration géométrique inhabituelle. Les deux fois précédentes, les sièges étaient dirigés vers le centre du côté le moins long du rectangle, alors que ce soir, ils étaient tournés de 90°.
Les placeurs de la CdM sont certainement les plus décontractés qu'il se puisse voir. Entre deux spectateurs, combien de ragots sont échangés !
La première partie aurait dû voir la création d'un quatuor de Philippe
Manoury. Elle n'aura pas lieu. À la place, le quatuor Diotima joue le
quatuor à cordes nº4 (2003) de Jonathan Harvey. Après que le quatuor s'est
installé et qu'une annonce bienveillante à destination d'un pays récemment
frappé par les destructrices forces sous-terraines, des sons se font
entrendre de toutes les directions. Le concert est en effet sonorisé par un
dispositif électronique en temps réel
opéré par Gilbert Nouno.
Parfois, on ne sait plus très bien si ce qu'on entend est du direct, l'écho
de ce qui a déjà été entendu ou un tout autre son. En tout cas, le son
provient de partout et la localisation change tout le temps. C'est rigolo,
mais j'ai du mal à considérer qu'il s'agisse de musique. En effet, le
premier son qui se fait entendre est celui d'un archet frottant non pas les
cordes mais le bois du violon. Un peu plus loin, l'archet du violoncelle
essuie les cordes longitudinalement. Je me demande bien comment ces
techniques sont notées sur la partition 2. Plein d'autres techniques zarbi. C'est
amusant, c'est indiscutablement original, mais ce n'est pas franchement ce
que j'aime entendre.
La deuxième partie laisse la place au quatuor Pražák pour le septième quatuor de Schubert et son quintette La Truite (pendant lequel un violon s'effacera et le trio restant sera rejoint par le contrabassiste Jiří Hudec et le pianiste François-Frédéric Guy). Je n'ai pour le moment que très peu eu l'occasion d'entendre de la musique de chambre. En particulier, c'est la première fois que j'entends ces œuvres en concert. Mon impression est assez mitigée. J'ai en effet souvent eu l'impression que le premier violon couinait. Pendant le quintette, peut-être est-ce de la faute à mon placement près d'un des murs et d'une entrée, mais de ma place, le son du piano me semblait dégradé comme dans un mauvais enregistrement datant d'un demi-siècle. Cela dit, je suis plutôt content d'avoir entendu ces œuvres en concert, tout particulièrement La Truite dont je n'avais entendu que la version Lied chantée par Waltraud Meier.
⁂
Cité de la musique — 2010-01-16
Quatuor Arditti
Quatuor VII OpenTime, 21 variations pour quatuor à cordes, Pascal Dusapin (création)
Quatuor Hagen
Douze Microludes (György Kurtág)
Quatuor à cordes nº16 (Beethoven)
Samedi, 17h, je suis de nouveau à la Cité de la Musique pour un autre
programme de quatuors. En première partie, le Quatuor Arditti crée le
Quatuor VII OpenTime de Pascal Dusapin. Contrairement au truc de
Jonathan Harvey évoqué ci-dessus, là, il s'agit indiscutablement de
musique. Cela dure une quarantaine de minutes. L'œuvre est dédiée à
Anton, né le 29 juin 2009 à 0h31
. Cela commence par un coup d'archet
de l'alto sur deux notes. À vrai dire, le début est presque un solo pour
alto, l'accompagnement du violoncelle étant assez discret. Lors des 21
variations, le quatuor montre un large éventail d'ambiances, de sonorités,
de rythmes et de techniques, qui restent néanmoins dans le cadre d'une
utilisation standard des instruments à cordes. Le public apprécie. Comme de
coutume lors d'une création (si je compte bien, cela doit être la quatrième
à laquelle j'assiste), le compositeur vient saluer le public avec le
quatuor. Cette création, ainsi que d'autres concerts de la biennale sont
disponibles sur Arte
Live Web et devraient bientôt l'être sur le site de la CdM.
Pour la deuxième partie, Dusapin regagne sa place et le quatuor Hagen entre en scène. La première œuvre, très courte, est Douze Microludes György Kurtág. Si elle n'était pas désagréable à écouter, elle a déjà fui ma mémoire. Quelques mignons effets de glissando du violon. Pour finir, un charmant quatuor nº16 de Beethoven qui vaut une ovation méritée au quatuor.
⁂
C'est probablement l'effectif musical restreint qui accentue cela, mais j'ai trouvé que pendant ces concerts, les nuisances habituelles du public étaient décuplées. Certes, nous sommes en janvier, mais il est invraisemblable qu'autant de gens se mettent à tousser tout au long du concert.
Cette expérience m'incite à augmenter la proportion de musique de chambre dans les concerts auxquels j'assisterai à l'avenir (j'en entends déjà occasionnellement dans des lieux comme l'église des Billettes, mais cela se limite au répertoire baroque). Voir d'aussi petites formations rend aussi l'expérience de la musique moins impersonnelle qu'elle ne peut paraître quand on écoute un orchestre. On peut en effet plus facilement imaginer le type de liens et les vies qui se cachent derrière la musique que l'on entend. À cet égard, le roman Quatuor de Vikram Seth est remarquable.
[1] Veuillez pardonner à cette pulsion terminologique : je viens de lire un roman de Shan Sa (pas très bon d'ailleurs : Les Conspirateurs).
[2] À propos de notations, je me suis toujours demandé comment la chorégraphie d'un ballet ou la mise en scène d'une pièce de théâtre ou d'un opéra était notée, si elle l'est effectivement. Si on peut comprendre qu'il est possible de la communiquer à un interprète simplement en lui montrant comment faire (j'ai même cru comprendre que dans certaines chorales, les choristes non solfégistes apprenaient par cœur la musique en écoutant des enregistrements), cette transmission se heurte aux limites de la mémoire et de la vie. Ce n'est pas tout à fait anodin puisque des ballets du répertoire français du XIXe comme Giselle (1841) ont été oubliés en France à partir de 1868, mais ont continué à être joués en Russie grâce à Marius Petipa, rendant possible des reprises ultérieures à l'Opéra (1910). Certains de ces ballets ont été notés en utilisant des symboles musicaux comme l'avait imaginé Vladimir Stepanov. Le seul document de ce type que j'ai vu est une notation utilisant cette méthode pour La Bayadère. Je me demande quels sont les usages modernes en la matière.
2010-01-08 02:33+0100 (Orsay) — Culture — Musique — Danse
Opéra Garnier — 2010-01-07
Jonathan Nott, direction musicale
Maurice Béjart, chorégraphie
Béjart Ballet Lausanne
Ensemble Intercontemporain
Béla Bartók, musique (Sonate pour deux pianos et percussions, premier et deuxième mouvements, 1938)
Bert, décors
Julien Favreau, Daria Ivanova, Luisa Diaz Gonzalez
Sonate à trois (1957), d'après Huis clos de Jean-Paul Sartre
Anton Webern, musique (Cinq mouvements pour quatuor à cordes, opus V, 1909)
Dominique Roman, réalisation lumières
Kathleen Thielhelm, Dawid Kupinski
Webern Opus V (1966)
Pierre Boulez, musique (Dialogue de l'ombre double pour clarinette, clarinette enregistrée et piano résonnant, 1985)
Anna De Giorgi, costumes
Clément Cayrol, costumes
Nicolas Berteloot, régie son
Alain Damiens, clarinette
Kateryna Shalkina, Oscar Chacon
Dialogue de l'ombre double (1998)
Pierre Boulez, musique (Le Marteau sans maître, pour voix d'alto et six instruments, 1954)
Joëlle Roustan, Roger Bernard, décors et costumes
Roger Bernard, lumières
Hilary Summers, contralto
Daria Ivanova, Dawid Kupinski, Johann Clapson, Oscar Chacon, Keisuke Nasuno, Julien Favreau, Arthur Louarti
Felipe Rocha, Adrian Cicerone, Neel Jansen, Juan Sanchez, Valentin Levalin, Juan Pulido, Marco Merenda, Les personnages en noir
Le Marteau sans maître (1973)
Je suis allé ce soir à l'Opéra pour voir non pas le Ballet de l'Opéra, mais la compagnie qui y est invitée, le Béjart Ballet Lausanne. De Béjart, je ne connaissais que la mort. Je savais bien sûr qu'il était chorégraphe et qu'il avait tout particulièrement changé la danse masculine, mais je n'avais jamais vu ses spectacles.
Quatre œuvres sont au programme, créées depuis 1957 jusques à 1998. Dans toutes ces pièces, la musique est du vingtième siècle et parmi les plus bizarres que j'aie entendues (c'est d'ailleurs la première fois que j'entends l'Ensemble Intercontemporain). En tout cas, c'est très dissonnant. Dans la première pièce Sonate à trois, c'est du Bartòk. Il paraît pour la deuxième fois à mes oreilles et cette deuxième occasion ne me donne pas envie de favoriser de nouvelles rencontres. La musique de Webern dans Webern Opus V, cinq mouvements de quatuors à cordes, me déplaît moins, mais les sons produits par le violon sont parfois vraiment curieux. Les deux dernières pièces Dialogue de l'ombre double et Le Marteau sans maître tirent leur musique d'œuvres de Pierre Boulez des mêmes noms. Première fois aussi que j'entends du Boulez. Dans Dialogue de l'ombre double, on entend deux clarinettes, une enregistrée (et à la mouvante spatialisation) et une physique, dont Alain Damiens joue sur scène. Cela paraît quelque peu aléatoire, mais ce n'est pas du tout désagréable à entendre.
Dans les quatre ballets, la chorégraphie est bien sûr
contemporaine
, pourtant cela ne ressemble aucunement aux spectacles
de danse contemporaine que j'avais vu avant. Certes, comme souvent dans ces
styles, les décors sont assez abstraits. On trouve par exemple trois
chaises dans Sonate à trois. De nombreux mouvements sont saccadés,
chose que l'on voit rarement dans le ballet classique. Ce qui est
véritablement étonnant, c'est la façon dont ces éléments sont incorporés à
des mouvements que manifestement, seuls des danseurs ayant une solide
formation classique puissent exécuter. Les danseuses sont d'authentiques
ballerines, réalisant des pointes. Les costumes près du corps des messieurs
(et aussi des dames) font penser à la tenue des danseurs de ballet. Bref,
vus jusques à cinquante ans après la création par quelqu'un qui n'a vu ces
différents genres qu'en des lieux différents, jamais en même temps, cela
fait drôle de voir réunis ces styles jusques alors opposés. Bref, même si
je ne suis pas forcément ému par la musique (et la musique de ballet n'est
pas toujours non plus la plus intéressante qui soit), je ne peux qu'admirer
les prouesses techniques.
Le choc esthétique et visuel a donc été total pendant la première pièce Sonate à trois. Lors de la deuxième Webern Opus V, j'ai souffert de mon placement qui ne m'a pas autant fait apprécier ce pas de deux en blanc qu'une meilleure place l'eût permis. J'étais en effet au deuxième rang de la baignoire 8, à la place symétrique de celle que j'avais eue et appréciée pour Onéguine. Quand la chorégraphie utilise tout l'espace, bien qu'un peu excentrées, ces places permettent de voir très bien les danseurs sans avoir à utiliser de jumelles ! Le souci, dans cette pièce, est que le quatuor à cordes n'était pas dans la fosse, mais sur scène, côté jardin. La chorégraphie s'était donc réfugiée côté cour, en partie invisible de moi, donc.
La pièce que j'ai inconditionnellement appréciée le mieux est Dialogue de l'ombre double. Deux clarinettes. Un couple de danseurs, un lion (dont je me disais qu'il serait amusant qu'il bouge...). Un passage presque comique montre la duplicité du style, presque jusqu'à l'écartèlement de la ballerine. Au milieu de la pièce, celle-ci déchausse un de ses pieds. Elle exécute ensuite des mouvements indépendants sur chaque jambe. Une sage pointe encore possible avec le chausson qui lui reste tandis que libérée, l'autre jambe se met à faire un peu n'importe quoi.
La dernière œuvre Le Marteau sans maître, la plus longue, a la
musique la plus bizarre des quatre. C'est aussi la plus longue : 38
minutes. Pendant les dix premières minutes, je me suis vraiment demandé ce
que je faisais là. La chorégraphie m'indifférait, la musique aussi,
d'autant plus qu'il y avait des passages chantés, qui choquent en ce qu'ils
n'ont pas grand'chose à voir avec ce qu'on entend habituellement quand on
parle de chant. Les paroles, en français apparemment (des extraits des
poèmes de René Char du même nom ?), ont été rendues tout à fait
inintelligibles par la musique. Progressivement, sans que je comprenne
pourquoi, la danse me plaît de plus en plus à mesure que l'on avance. Il
s'agit d'une danse de groupe. Six danseurs. De temps en temps, à peu près
aux moments où chante la contralto Hilary Summers, la ballerine Daria
Ivanova entre sur scène, portée par un des personnages en noir
, à
vrai dire, un homme recouvert d'un costume ressemblant à une burqa. Dans
cette pièce comme dans les autres, la technique est éblouissante. Des
portés absolument invraisemblables. À la fin, je suis
presque enthousiasmé parce que je viens de voir.
Les entrées des baignoires étant au même étage que les fauteuils d'orchestre, forcément, on ne croise pas les mêmes gens que dans les étages supérieurs et je ne suis même pas surpris de me retrouver à la sortie à côté d'une actrice oscarisée...
2009-12-24 02:00+0100 (Orsay) — Culture — Musique — Danse
Opéra Garnier — 2009-12-23
Vello Pähn, direction musicale
Madjid Hakimi, réalisation lumières
Orchestre de l'Opéra national de Paris
Jean-Louis Vaudoyer, argument, d'après le poème de Théophile Gautier
Carl Maria von Weber, musique (L'Invitation à la Valse orchestrée par Hector Berlioz)
Michel Fokine, chorégraphie
d'après Léon Bakst, décor et costumes
Delphine Moussin, La jeune fille
Josua Hoffalt, le spectre
Le spectre de la rose
Claude Debussy, musique (Prélude à l'Après-midi d'un faune)
Vaslav Nijinski, chorégraphie
Léon Bakst, décors et costumes
Yann Bridard, Le faune
Émilie Cozette, La nymphe
L'Après-midi d'un faune
Gregorio Martinez Serria, livret d'après la nouvelle El Sombrero de tres picos de Pedro Antonio Alarcón
Manuel de Falla, musique
Léonide Massine, chorégraphie
d'après Pablo Picasso, décors, rideau de scène et costumes
Andrea Hill, mezzo-soprano
Vincent Chaillet, le meunier
Alice Renavand, la femme du meunier
Pierre Rétif, le Corregidor
Le Tricorne
Igor Stravinski, musique et livret
Alexandre Benois, livret
Michel Fokine, chorégraphie
d'après Alexandre Benois, décors et costumes
Nicolas Le Riche, Pétrouchka
Eve Grinstazjn, La ballerine
Stéphane Bullion, Le maure
Michaël Denard, Le charlatan
Pétrouchka
Le ballet de l'Opéra de Paris joue ces jours-ci non seulement Casse-Noisette, mais aussi Ballets Russes, un ensemble de quatre ballets qui furent montés par la compagnie russe de Diaghilev (qui a une place à son nom du côté Nord de l'Opéra Garnier) dans les années 1910.
J'étais déjà venu samedi soir dernier, profitant d'une place à 6€ que Palpatine n'avait plus l'intention
d'utiliser. Sur le ticket était inscrit Scène non visible
, ce qui
était assez largement exact. Néanmoins, c'était en premières loges nº6, une
des plus proches de la scène, avec donc une superbe vue sur l'orchestre.
Pour le reste, un pilier ne me laissait à voir qu'un tout petit quart de la
scène, et encore seulement les parties les plus proches de la fosse.
J'aurais au moins vu ce soir-là danser José Martinez, grâce aux talents de
chorégraphe duquel je suis devenu un spectateur régulier du ballet de
l'Opéra (c'était pour Les enfants du
paradis).
J'y suis retourné ce soir avec une place à 10€ (achetée au guichet), malheureusement un deuxième rang de quatrièmes loges, mais cependant pas trop excentré. Le placement n'est pas extraordinaire, mais au moins je verrai l'essentiel des mouvements de danse.
La première pièce est Le spectre de la rose, de Fokine. Cela dure dix minutes. Deux interprètes. Une jeune fille (Delphine Moussin) est assoupie chez elle. Le parfum d'une rose l'envahit et son spectre (Josua Hoffalt) entre dans la pièce. Le costume tout rose ne serait pas parfait si le danseur n'avait pas la tête elle aussi couverte de rose. La jeune fille se lève, et sa danse ainsi que celle du spectre devient de plus en plus enflammée. Enfin, elle se rendort, le spectre sort par la fenêtre (superbe saut). La jeune fille se réveille en se demandant bien ce qui a pu lui arriver.
Vient ensuite L'après-midi d'un faune, adaptation du poème de Mallarmé, sur la musique de Debussy. La chorégraphie de Nijinski avait fait scandale. Esthétiquement et techniquement, c'est très différent de tout ce que j'avais déjà vu. Bien sûr, pas de pointes, vu que les suivantes de la nymphe étaient pieds nus. La nymphe était dansée par Émilie Cozette, le faune par Yann Bridard. Je ne suis pas très convaincu par ce dernier (pas d'opinion sur l'autre), l'expression de son visage m'a semblé grossièrement lubrique, à un point presque clownesque. Même si je ne l'avais qu'entr'aperçu samedi dernier, Jérémie Bélingard m'avait semblé plus subtil.
La troisième pièce avant l'entr'acte est Le Tricorne (Massine). L'action se passe en Espagne. Chose curieuse pour un ballet, la mezzo-soprano Andrea Hill chante parfois sur la musique de Manuel de Falla. Les décors et costumes furent dessinés par Pablo Picasso. L'histoire ne tient pas vraiment la route. Un homme portant le tricorne s'intéresse de près à une meunière, qui le repousse. Il fait enfermer le meunier. À la fin, tout s'arrange, mais ce qui est invraisemblable, c'est le quiproquo qui fait que les soldats prennent plus tard le tricorne pour le meunier. Contrairement à samedi, aucune villageoise n'a chu. Je suis enchanté d'avoir vu danser Alice Renavand, la première fois que je la voyais dans un premier rôle.
La dernière pièce a la même durée que la précédente, trente-sept minutes, nous dit le programme. Il s'agit de Pétrouchka (Fokine) que je revois dans la même distribution que la première fois. Pétrouchka (Nicolas Le Riche), la ballerine (Eve Grinsztajn) et le maure (Stéphane Bullion) sont les trois poupées que présente le charlatan (Michaël Denard, vénérable danseur étoile) lors d'une grande fête populaire pétersbourgeoise. Les poupées s'animent. On découvre leur intérieur lors des deuxièmes et troisièmes tableaux. Pétrouchka et le maure sont tous les deux amoureux de la ballerine. L'un est triste, l'autre exubérant. La musique de Stravinski évolue entre des styles très divers. Pour l'avoir déjà apprécié samedi, j'attendais avec impatience le début du quatrième tableau, dont le son n'est pas sans rappeler celui de Wagner. La fête reprend, danses traditionnelles, ours et autres animaux... et enfin, nos poupées font une entrée fracassante : le maure zigouille Pétrouchka. Il ne s'agit heureusement que d'une poupée. Quoique, alors que le charlatan repart avec un Pétrouchka sans vie, un double fantomatique reparaît au-dessus du théâtre des poupées.
2009-12-19 02:35+0100 (Orsay) — Culture — Musique — Opéra — Danse
Opéra Bastille — 2009-12-18
Marcelo Alvarez, Andrea Chénier
Sergei Murzaev, Carlo Gérard
Micaela Carosi, Maddalena di Coigny
Francesca Franci, La Mulatta Bersi
Stefania Toczyska, La Contessa di Coigny
Maria José Montiel, Madelon
André Heyboer, Roucher
Igor Gnidii, Il Romanziero (Pietro Fléville)
Antoine Garcin, Fouquier-Tinville
David Bizic, Il Sanculotto Mathieu
Carlo Bosi, Un Incredibile
Bruno Lazzaretti, L'Abate
Ugo Rabec, Schmidt
Lucio Prete, Il Maestro di Casa
Guillaume Antoine, Dumas
Orchestre et Chœur de l'Opéra national de Paris
Giancarlo Del Monaco, mise en scène
Carlo Centolavigna, décors
Maria Filippi, costumes
Wolfgang von Zoubek, lumières
Laurence Fanon, chorégraphie
Patrick Marie Aubert, chef du chœur
Daniel Oren, direction musicale
Andrea Chénier, Umberto Giordano
C'est un très beau spectacle d'opéra que la production d'Andrea Chénier d'Umberto Giordano qui passe actuellement à l'Opéra Bastille. Le style de la musique de Giordano fait parfois penser à celle de Puccini. Ceux qui aiment le son de la harpe seront servis.
Les décors sont superbes. Le premier tableau représente une fête chez la
comtesse de Coigny en 1789. Un sofa est déplacé par des serviteurs (au
passage, dans la traduction du livret que j'ai lue, ce mot était
orthographié sopha
). Les lumières du lustre sont allumées. La fille
de la comtesse, Maddalena, entre avec sa servante, la mulâtre Bersi. Elle
doit s'habiller avant que les invités arrivent. Ceux-ci ont des costumes
d'époque et des coiffures extravagantes. Un mini-spectacle de ballet et de
musique se déroule sur une petite scène au fond de la scène. Considérant
son sort et celui de son père, le serviteur Gérard se désole du caractère
héréditaire de sa condition. Des pauvres viennent manifester leur faim et
le décor commence à se disloquer. Entretemps, le poète André de Chénier
aura séduit Maddalena par ses vers, qui outre son inclination pour elle
décèlent des critiques de la noblesse et du clergé. L'atmosphère
révolutionnaire se met en place.
Au cours du deuxième tableau, autant Maddalena que Chénier sont menacés. Nous sommes en 1794, c'est la Terreur. De grands mouvements de foule, des têtes défilent sur des piques, des drapeaux tricolores flottent, plus tard on entendra la Carmagnole et la Marseillaise. Gérard est devenu un leader révolutionnaire. Chénier est trop modéré. Maddalena tente d'entrer en contact avec lui, alors que celui-ci envisage de quitter le pays. Ils sont surpris par un espion. Dans le feu de l'action, Chénier blesse Gérard, qui ne le dénonce pas.
Au troisième tableau, Gérard change d'attitude. Il est lui aussi épris
de Maddalena. Il pense à se débarasser de Chénier. Il écrit des accusations
pour le tribunal révolutionnaire. Au cours de ce tableau, le bel air de
Madelon qui fait enrôler son petit-fils contre les contre-révolutionnaires
et les autres ennemis de la Révolution. Marie-Aude Roux, dans Le
Monde, semble déplorer que cet air soit statique. Pourtant, Madelon
étant censée vivre ses derniers jours, il n'est pas aberrant qu'on la fasse
asseoir. Cela dit, que Gérard soit assis pendant son grand air dans ce
tableau est plus gênant (certes, il est blessé, mais il tient sur ses
jambes). Vient ensuite les procès. Les juges ont les spectateurs dans le
dos. Ils font face au chœur qui s'est installé dans une sorte de théâtre à
l'italienne (j'aimerais bien savoir quel est le modèle de ce décor ; à
moins que les tribunaux révolutionnaires eussent réquisitionnés des lieux
insolites, cela paraît curieux). Gérard a été rejoint par Maddalena. Il a
encore changé d'avis. Il va prendre la défense de Chénier qui a pour sa
part réussi, contrairement à la tradition de 1794, à prendre la parole lors
de son propre procès. Le grand'inquisiteur^W
accusateur public
Fouquier-Tinville reprend les accusations qu'avaient faites Gérard à son
compte. Chénier est condamné à mort malgré les protestations du public.
La fin est un sommet de lyrisme. Maddalena décide de rejoindre Chénier dans la mort. En corrompant son gardien, elle se substitue à une femme condamnée à mort en même temps que Chénier. Après un superbe duo d'amour, il courent littéralement à la mort ensemble.
Cela doit être unde des premières fois que je vois une production d'opéra qui propose des images conforment au cadre historique de l'intrigue (l'autre exception serait Don Carlo). Si cela serait ridicule pour une opéra-comique comme Le Roi malgré lui, pour un sujet aussi unique que celui de la Révolution française, même si ce n'est sans doute pas la seule option (j'ai cru comprendre que ce n'est pas ce qui avait été fait pour la dernière production de Fidelio à l'Opéra de Paris), cela semble un choix tout à fait défendable. Bref, je suis très content du travail de mise en scène de Giancarlo Del Monaco et des décors de Carlo Centolavigna.
Du côté des voix, on est bien servi avec les trois rôles principaux : Andrea Chénier (Marcelo Alvarez), Maddalena di Coigny (Micaela Carosi) et Carlo Gérard (Sergei Murzaev). Je n'ai pas d'éléments de comparaison vu que j'entendais cet opéra pour la première fois. Pour une raison qui m'échappe, le chef d'orchestre Daniel Oren a été la cible de quelques huées, heureusement couvertes par les applaudissements.
2009-12-16 23:50+0100 (Orsay) — Culture — Musique — Danse
Opéra Bastille — 2009-12-16
Piotr Ilyitch Tchaikovski, musique
Rudolf Noureev, chorégraphie et mise en scène, d'après Marius Petipa et Lev Ivanov
Nicholas Georgiadis, décors et costumes
Rui De Matos Machado, lumières
Mélanie Hurel, Clara
Christophe Duquenne, Drosselmeyer/Le Prince
Géraldine Wiart, Luisa
Mallory Gaudion, Fritz
Adrien Bodet, Le casse-noisette
Eric Monin, Le père
Béatrice Martel, La mère
Jean-Christophe Guerri, Le grand-père
Céline Talon, La grand-mère
Muriel Zusperreguy, Charline Giezendanner, Deux flocons
Ballet de l'Opéra
Élèves de l'École de Danse
Maîtrise des Hauts-de-Seine / Chœur d'enfants de l'Opéra national de Paris
Orchestre Colonne
Kevin Rhodes, direction musicale
Casse-Noisette, ballet en deux actes, sujet de Marius Petipa d'après un conte d'E.T.A. Hoffmann, adapté par Alexandre Dumas
Ce soir était la première occasion pour moi d'aller à l'Opéra Bastille
pour voir un ballet. Depuis l'avant-dernier rang du deuxième balcon, mais
plein centre, il vaut mieux avoir des jumelles pour voir les détails des
mouvements de danse. Il vaut mieux aussi faire abstraction du bruit des
scolaires
qui ennuie tout le monde ; une spectatrice située
quelques rangs plus bas utilisera même un blanc dans la musique pour
exprimer son exaspération en criant Est-ce que vous pouvez vous taire
dans le fond ?
.
Je ne dirais pas que ce ballet de Noureev d'après Petipa contienne de grands moments magiques de danse ; on y trouve plutôt une succession de beaux tableaux, notamment pour le corps de ballet comme la danse des flocons au premier acte et la valse des fleurs. Les deux personnages principaux, Clara (Mélanie Hurel) et le Prince (Christophe Duquenne) ont un grand pas de deux au deuxième acte. Christophe Duquenne m'a fait une très bonne impression, qu'eût également fait Mélanie Hurel, que je voyais danser pour la première fois, s'il n'y avait pas eu quelques malheureux petits déséquilibres.
Ce ballet utilise un nombre invraisemblable de danseurs. Les élèves de
l'école de danse ont été mobilisés pour jouer les enfants des invités de la
soirée de Noël, les rats et les soldats au premier acte. Des costumes très
divers aussi, avec la fantaisie que constituent les danses espagnole,
arabe, russe, chinoise et française au deuxième acte. Il s'agit
d'évocations de rêves de Clara au cours desquels elle verra des personnages
de sa famille dans des lieux insolites. La danse qui aura le plus de succès
est la danse arabe, le couple qui s'y distingue ayant des costumes et
parures qui concurrencent en sonorités l'orchestre Colonne (du coup, cela
avait presqu'un côté danse indienne
).
Dans cette version, à la fin, Clara se réveille au milieu des invités de
la soirée de Noël pendant laquelle le casse-noisette que son parrain
Drosselmeyer lui a offert se sera transformé en beau prince et aura
combattu le roi des rats. J'ai lu quelques contes d'Hoffmann, mais
apparemment pas celui qui a inspiré ce ballet. Il semble que le conte à
l'intérieur du conte qui aurait fourni l'explication du nom de
Casse-Noisette
soit passé à la trappe dans l'adaptation de Petipa.
Dans celle de Noureev, la Fée Dragée et Confiturembourg ont aussi
disparu.
⁂
Je savais Jean Glavany balletomane (il me semble qu'il y avait eu un article à ce propos dans Le Monde il y a quelque temps) ; je viens de découvrir qu'il avait un blog.
2009-12-13 23:15+0100 (Orsay) — Culture — Musique — Danse
Opéra Garnier — 2009-12-13
Élisabeth Platel, introduction
Bernard Boucher, professeur
Michèle Mérou, pianiste
Troisième division garçons
Fabienne Cerutti, professeur
Claire Djourado, pianiste
Troisième division filles
Éric Camillo, professeur
Michel Myron Mytrowytch, pianiste
Deuxième division garçons
Francesca Zumbo, professeur
Ellina Akimova, pianiste
Deuxième division filles
Jacques Namont, professeur
Richard Davis, pianiste
Première division garçons
Carole Arbo, professeur
Laurent Choukroun, pianiste
Première division filles
Roxana Barbacaru, professeur
Ellina Akimova, pianiste
Troisièmes divisions filles et garçons
danse de caractère
Bernard Boucher, professeur
Laurent Choukroun, pianiste
Premières divisions filles et garçons
adage
Démonstrations de l'École de danse de l'Opéra.
D'après mes archives, j'aurai
assisté cet après-midi à mon deux-centième spectacle. Une
consommation
régulière depuis 2002, avec une fréquence qui tend à
augmenter vu que le centième était une représentation du Barbier de
Séville en avril 2008.
Il ne s'agissait pas du Spectacle de l'École de danse, mais des Démonstrations. Elles ont lieu pendant plusieurs journées en décembre. Aujourd'hui, il y avait un premier programme à partir de 10h et un second, celui auquel j'ai assisté, à partir de 14h30.
Tous les élèves de l'École de danse de l'Opéra y participent. J'ai vu les troisièmes, deuxièmes et premières divisions filles et garçons, c'est-à-dire les élèves les plus âgés (respectivement moins de 16, 17, 18 ans). Accompagnés par des pianistes, ils passent classe par classe faire des exercices avec leur professeur, qui fait des commentaires à destination du public, donne des indications pour corriger les imperfections et les félicite, parce qu'ils le valent bien.
La plupart des exercices présentent des mouvements réalisés simultanément par les élèves, ou successivement par plus petits groupes. Cela paraît logique de travailler et de montrer de la danse de groupe vu qu'a priori seule une élite de ces élèves deviendront solistes. La synchronisation, très importante, n'est pas toujours au rendez-vous. Les professeurs insistent sur ce point comme sur la nécessité de se mettre en accord avec la musique.
Les figures qui sont montrées vont par difficulté croissante, jusqu'à des pas, sauts, pirouettes auxquelles ils viennent seulement de s'attaquer (j'ai bien aimé le tour sur soi avec réception en arabesque). On est bien sûr loin de la quasi-perfection dont font preuve certains danseurs du ballet de l'Opéra. Ces défauts d'exécution, les réceptions ratées, le manque de synchronisation, etc, ne font que mettre en valeur la difficulté extrême de cet art et le mérite de ceux qui sortiront de cette école en maîtrisant les techniques de la danse, malgré les contorsions qu'elle impose aux corps — on serait d'ailleurs un peu plus rassuré si certaines danseuses prenaient quelques kilogrammes. Les professeures expliqueront plusieurs fois qu'il n'y a pas que les garçons qui sautent. Les techniques de pointes sont déjà impressionnantes. Je suis assez mystifié par la figure qui consiste à faire une pirouette sur les deux pieds en pointe. Je ne saisis vraiment pas la géométrie de la chose. On verra aussi des danseuses tourner de façon prolongée sur un seul pied (figure qui m'avait sidéré quand j'avais vu Dorothée Gilbert la faire dans La fille mal gardée). Les garçons ne sont pas en reste. Ils tournent sur eux-mêmes à grande vitesse avec un pied au sol et un pied en l'air.
Après le passage de ces six classes non-mixtes, les troisièmes divisions
filles et garçons viendront pour la danse de caractère
et les
premières divisions filles et garçons pour l'adage
. Là, il ne s'agit
plus tellement d'exercices, mais de chorégraphies de groupe à part entière,
rapides (et ukrainiennes ou russes) pour les troisièmes divisions, lentes
pour les premières divisions. Lors de cette dernière partie, on verra aussi
de périlleux exercices de portés réalisés sans musique.
L'ambiance est assez différente de celle des ballets de l'Opéra. Le nombre de très jeunes filles fait que la moyenne d'âge du public est beaucoup plus basse que d'habitude. L'assistance applaudit plusieurs fois à la minute, saluant chaque exercice, voire chaque prestation individuelle. Si ce type d'événements n'est sans doute pas ce qu'il faudrait voir en premier pour prendre goût aux ballets, c'est néanmoins très intéressant.
2009-12-13 01:35+0100 (Orsay) — Culture — Musique
Théâtre des Champs-Élysées — 2009-12-12
Natalie Dessay, soprano
Renata Pokupic, mezzo-soprano
Tilman Lichdi, ténor
Robert Gleadow, baryton-basse
Ensemble Matheus
Chœur Mélisme(s) (Gildas Pungier)
Jean-Christophe Spinosi, direction
Oratorio de Noël (cantates 1, 3, 6), BWV 248, Johann Sebastian Bach.
Mon septième Oratorio de Noël au Théâtre des Champs-Élysées depuis 2002. Pas programmé en 2008, il est revenu en 2009. Ce n'est pas la version la plus inoubliable que j'aie entendue.
La salle est bien pleine. Le directeur est à sa place habituelle. Depuis ma place, en levant la tête, je remarque pour la première fois le caractère parfaitement circulaire de la salle.
Alors qu'habituellement quatre des six cantates du Weihnachtsoratorium de Bach (BWV 248) étaient jouées, les trois premières, et la quatr- ou sixième — je n'ai toujours pas entendu la cinquième en concert — ce soir, seules les cantates 1, 3 et 6 seront interprétées par le brestois ensemble Matheus (Jean-Christophe Spinosi), le chœur Mélisme(s) (Gildas Pungier) et les quatre solistes.
Le ténor Tilman Lichdi fait un très bon évangéliste. Il n'a pratiquement que des récitatifs, mais dans son air Nun mögt ihr stolzen Feinde schrecken (cantate nº6), il révèle un style d'interprétation qui me plait. Le baryton-basse Robert Gleadow impressionne par sa voix ténébreuse et puissante, notamment pendant son air de bravoure Großer Herr, o starker König (cantate nº1). La mezzo-soprano Renata Pokupic semble terrorisée. Elle s'en sort convenablement, mais ce n'est guère enthousiasmant. Malgré les grands gestes du chef d'orchestre, l'Oratorio passerait presque pour une œuvre triste.
Bien sûr, on est aussi un peu venu pour entendre Natalie Dessay. Je dois bien dire que je préfère nettement l'entendre dans le répertoire romantique que dans le baroque auquel elle a commencé à s'attaquer il y a quelques années (en témoignent de beaux enregistrements avec le Concert d'Astrée de cantates pour soprano, du Magnificat de Bach, d'Il trionfo del Tempo e del Disinganno de Händel, etc.). Ce soir, elle a semblé ailleurs. Son attitude était en tout cas très différente de celle des autres solistes. Elle donnait l'impression d'intérioriser la musique, faisant mouvements de tête et autres mimiques en phase avec celle-ci, comme oubliant qu'une foule était rassemblée pour l'entendre. Ses membres antérieurs étaient aussi mobilisés dans cette gestuelle. Les mouvements de ceux-ci avaient en effet été libérés par la présence d'un pupitre où poser sa partition. Pendant la dernière cantate, le pupitre avait curieusement disparu. Le bras gauche pouvant néanmoins supporter le poids de la partition, le droit conserva sa liberté de mouvement. Bref, autant dans son interprétation que son attitude, tout était différent de mes références.
L'Oratorio de Noël est une des œuvres que mes goûts placent au plus haut et que j'aime aller écouter alors que l'Avenue Montaigne et les Champs-Élysées ont revêtu leurs décorations de Noël. Sans engendrer de franc déplaisir, cette soirée manqua pourtant de magie. Heureusement que les passages choraux m'ont charmé. Le chœur Mélisme(s), breton aussi, m'a semblé excellent.
2009-12-09 01:48+0100 (Orsay) — Culture — Musique — Opéra — Danse
Opéra Garnier — 2009-12-08
Xavier Mas, Thespis
Marc Labonnette, Un Satyre
Aimery Lefèvre, Momus
Mireille Delunsch, Thalie, La Folie
Judith Gauthier, L'Amour, Clarine
Paul Agnew, Platée
Alain Vernhes, Cithéron
François Lis, Jupiter
Yann Beuron, Mercure
Doris Lamprecht, Junon
Laurent Pelly, mise en scène, costumes
Chantal Thomas, décors
Laura Scozzi, chorégraphie
Joël Adam, lumières
Agathe Mélinand, dramaturgie et collaboration à la mise en scène
Nicholas Jenkins, chef du chœur
Jory Vinikour, responsable des études musicales
Marc Minkowski, direction musicale
Chœur et musiciens du Louvre-Grenoble
Platée, Jean-Philippe Rameau
Je reviens de l'Opéra Garnier où avait lieu ce soir la troisième représentation de la reprise de la production de la comédie lyrique Platée de Rameau mise en scène par Laurent Pelly.
Pour la première fois, je me retrouve à l'amphithéâtre. Si on fait plus d'un mètre soixante, on n'a pas de place pour les genoux. Si on en fait moins, les pieds ne touchent pas le sol. On en ressort tout cabossé. Bref, à éviter. Le seul avantage est que l'on a un des meilleurs rapport visibilité/prix. Depuis le centre de l'avant-dernier rang, j'avais vue sur toute la scène. Ce qui était ennuyeux, c'est que l'écran des surtitres était situé juste derrière le grand panneau supérieur de la scène (où est écrit la date de la fondation de l'Académie Royale de Musique). De là, on ne pouvait lire que la ligne du bas. Seul un effet de parallaxe permettait peut-être aux spectateurs des étages inférieurs de lire les surtitres. Je trouve ce genre de bugs d'organisation tout à fait ahurissants.
Heureusement, je connaissais déjà l'histoire (ayant reçu il y a quelque temps un DVD de cette production en prêt) et les chanteurs arrivaient vraiment à se bien faire entendre. Les décors de Chantal Thomas (à ne pas confondre avec ses quasi-homonymes) sont faits de rangées de sièges de théâtre (peut-être est-ce en relation avec Thespis, un précurseur du théâtre, qui intervient dans le prologue). Platée, interprétée par Paul Agnew, est une grenouille à qui on fait accroire que Jupiter s'est épris d'elle. Celui-ci voit là un moyen de s'amuser de la jalousie excessive de Junon. À la fin, tout le monde aura ri au détriment de la grenouille.
Les costumes de Laurent Pelly sont charmants. Le plus étonnant est celui du personnage de la Folie (Mireille Delunsch) : une robe couverte de partitions plus ou moins flottantes. En pleine folie créatrice, elle en déchirera même quelques unes. Les costumes de la grenouille sont intéressants aussi ; le visage de Paul Agnew est complètement fardé. Jupiter (François Lis) et Junon (Doris Lamprecht) brillent en mauve.
L'ouvrage comporte de nombreuses et variées parties dansées (chorégraphie de Laura Scozzi). Le vent est ainsi figuré par une scène de danse où des danseuses ont les cheveux qui tombent à l'horizontale. On verra aussi des couples faire de la danse assez acrobatique. Les nombreuses suivantes de la Folie ont aussi plusieurs scènes de danse amusantes.
Tout est motif à l'amusement. La musique, le texte et tout le reste. Ainsi, entre le deuxième et le troisième acte, une grenouille descendra d'une baignoire pour rejoindre l'orchestre, embêter les musiciens et même diriger l'orchestre du Louvre-Grenoble ordinairement dirigé par Marc Minkowski.
2009-12-05 00:48+0100 (Orsay) — Culture — Musique
Église des Billettes — 2009-12-04
Noëlle Spieth, clavecin
Pièces de clavecin en concert (1741) de Rameau : premier, cinquième, quatrième, deuxième, troisième concerts
Ce fut sans doute le meilleur concert de clavecin que j'aie entendu
jusques à présent. Au programme, les cinq concerts
de Rameau
(Pièces de clavecin en concert de 1741) joués par la claveciniste
Noëlle Spieth, seule. Cela peut paraître curieux puisque la partition
prévoit des parties de violon, flûte ou viole. Mais, comme nous l'apprend
le programme, Rameau était tellement génial qu'il avait fait en sorte que
ce soit aussi bien joué sur le seul clavecin.
En dehors du deuxième concert pendant lequel je me suis un peu ennuyé, je suis assez d'accord avec le programme. Peut-être faut-il ne pas trop connaître ces pièces pour ne pas ressentir l'absence des voix correspondant aux instruments fantômes quand ceux-ci ne font pas qu'accompagner le clavecin. En effet, des cinq concerts, celui que j'écoute le plus souvent est le troisième (son dernier mouvement Les Tambourins est très connu ; Rameau l'a réutilisé plusieurs fois dans sa musique de scène) ; quand on s'est habitué à l'accompagnement du violon et de la flûte, cela fait un peu bizarre de ne plus les entendre.
J'ai tout particulièrement été impressionné par la virtuosité de la claveciniste pendant le premier concert. J'étais bien placé pour observer les chevauchements invraisemblables qu'il comporte vu que j'étais arrivé parmi les premiers pour pouvoir choisir ma place : au premier étage avec vue sur les claviers, dont Noëlle Spieth actionnait les touches soit de l'un soit de l'autre soit des deux en même temps grâce à un mécanisme de couplage.
Un incident qui n'a heureusement été que comique s'est produit pendant La Pantomime du quatrième concert. Une chaise située aux premiers rangs s'est effondrée avec fracas sous un spectateur. Il a bien fallu interrompre le concert. À peu près tout le monde, y compris la claveciniste, avait bien du mal à garder son sérieux.
2009-11-27 01:50+0100 (Orsay) — Culture — Musique
Oratoire du Louvre — 2009-11-26
Céline Scheen, soprano
Damien Guillon, contre-ténor & direction
Le Banquet céleste
Cantate pour alto Ich habe genug, BWV 82
Cantate pour soprano Ich bin vergnügt mit meinem Glücke, BWV 84
Stabat mater, Giovanni Battista Pergolese
J'étais déjà passé devant l'Oratoire du Louvre, mais je n'y étais jamais entré. Depuis un ou deux ans, les concerts Philippe Maillard (pas de lien vers leur site pas à jour) y organisent des concerts. La salle est plus petite que l'Église Saint-Roch, mais plus grande que l'Église des Billettes où des concerts se tiennent aussi régulièrement.
Les musiciens de ce soir (Le Banque céleste) sont en effectif très réduit : deux violons, un alto, un violoncelle, une contrebasse, un hautbois, un orgue. Deux voix : une soprano, Céline Scheen, un alto, Damien Guillon (qui dirige aussi l'ensemble). La première partie du programme comporte deux cantates qui permettent à chacun des deux solistes de chanter seul et au hautboïste Patrick Beaugiraud de se faire entendre.
La première cantate me déçoit. Malgré la taille modeste de la salle et l'effectif restreint de musiciens, la voix de la chanteuse ne passe pas les tout premiers rangs pendant la cantate Ich bin vergnügt mit meinem Glücke (BWV 84) qui entre dans ma collection de cantates de Bach entendues en concert. C'est dommage parce que le timbre de sa voix était agréable. On sent aussi qu'elle est à la limite de manquer de souffle à la fin de certaines phrases musicales.
La deuxième cantate Ich habe genug (BWV 82) est une version pour alto d'une cantate que j'ai déjà entendu chanter par un baryton-basse. Pas de problème de volume. La voix haut perchée de Damien Guillon passe bien. Le troisième mouvement Schlummert ein, ihr matten Augen est amusant en ce que Bach semble s'être amusé à créer un effet soporifique en multipliant les reprises (cela fait penser au Schlafe, mein Liebster de la cantate profane BWV 213, et à sa réutilisation dans la deuxième cantate de l'Oratorio de Noël BWV 248).
Entr'acte. La pièce principale du programme est le Stabat mater de Pergolesi. J'apprécie cette interprétation. Le son de cet ensemble est intéressant par rapport à ceux d'ensembles plus nombreux. Les morceaux que je préfère continuent à me plaire, comme le duo Inflammatus et accensus (le seul dont je connaisse le texte par cœur). Le duo Fac ut ardeat cor meum est rejoué en bis.
2009-11-24 01:54+0100 (Orsay) — Culture — Musique
Salle Pleyel — 2009-11-23
Waltraud Meier, soprano
Joseph Breinl, piano
Lieder Wehmut, Die Forelle, Gretchen am Spinnrade, Nachtstück, Der Erlkönig (Schubert)
Wesendonck Lieder Der Engel, Stehe still!, Im Treibhaus, Schmerzen, Träume (Wagner)
Lieder Wie sollten wir gehen sir halten, Morgen!, Die Nacht, Befreit (Strauss)
Vier Letzte Lieder Frühling, September, Beim Schlafengehen, Im Abendrot (Strauss)
Ce soir, c'était la première fois que j'assistais à un récital de Lieder. Comme l'occasion se faisait d'entendre les Vier letzte Lieder chantés par Waltraud Meier, je l'avais saisie.
Le programme a été changé récemment. Je ne m'en plaindrai pas, vu qu'en lieu et place du mauvais Schu- et de Pfitzner, un compositeur inconnu de moi, on aura des Lieder de Schubert, de Wagner, avant ceux attendus de Strauss.
La dernière fois que j'avais entendu la grande Waltraud Meier, j'avais réussi à me replacer au tout premier rang, ce que je ne fais jamais, mais les places vides visibles du deuxième balcon avant l'entr'acte avaient été très tentantes. Cette fois-ci, j'étais dans les premiers rangs de l'orchestre, au centre ; j'avais opté pour une place de première catégorie, ce que je ne ferais pas pour tous les chanteurs, surtout ceux qui font monter les prix sans modération...
Les conditions étaient donc réunies pour que j'apprécie au mieux ce concert. À chaque groupe de Lieder son atmosphère. Une joyeuse Die Forelle (La Truite). D'émouvants Lieder de Wagner. Entr'acte. Waltraud Meier revient, accompagnée du pianiste Joseph Breinl et de la discrète tourneuse de pages. Avec Strauss, les couleurs de la musique changent aussitôt, devenant plus sombres. Je me demandais ce que donneraient les Vier letzte Lieder en formation réduite soprano-piano plutôt qu'avec un orchestre (comme c'est le cas de l'enregistrement que j'ai ainsi que de tous ceux que j'ai pu trouver sur Deezer). C'est différent, mais le pianiste et la soprano nous font rapidement oublier qu'ils ne sont que deux.
Le public enthousiaste parvient à les faire revenir trois fois interpréter un Lied de plus. Le dernier de ces trois Lieder est un charmant Abschied (Adieu, de Hugo Wolf apparemment), pendant lequel Waltraud Meier s'amuse ; si je comprenais mieux l'allemand (qui chanté correctement est plus facile à parser que bien d'autres langues), j'eusse probablement mieux saisi le comique de la situation et des mimiques de la cantatrice.
2009-11-20 20:49+0100 (Orsay) — Culture — Musique — Culture indienne
Attention. Ce site peut contenir des photographies de dispositions de
lettres Γ
semblables à celles sur lesquelles on peut marcher à
l'Opéra-Comique, observer dans la grande salle du Palais Garnier ou encore
dénicher dans des affiches
pour le marché de Noël à Orange. Ces dernières sont une honte selon SOS
racisme, qui devra probablement retirer ce symbole de son site, quand
cette association se sera avisée de porter plainte contre elle-même pour
incitation à la haine raciale
.
Néanmoins, on serait plus à l'aise si la cible de ce foudre médiatique n'était pas un ancien du Front national.
2009-11-19 22:07+0100 (Orsay) — Culture — Musique — Danse
Opéra Garnier — 2009-11-18
Gabriel Fauré, musique (Pelléas et Mélisande, Shylock)
Igor Stravinski, musique (Capriccio pour piano et orchestre)
Piotr Ilyitch Tchaikovski, musique (Symphonie nº3 en ré majeur, quatre derniers mouvements)
George Balanchine chorégraphie (1967)
Christian Lacroix, décors, costumes
Jennifer Tipton, lumières
Kevin Rhodes, direction musicale
Orchestre de l'Opéra national de Paris
Isabelle Ciaravola, Christophe Duquenne
Eve Grinsztajn, Stéphanie Phavorin
Sarah Kora Dayanova, Séverine Westermann, Julien Meyzindi
Joyaux / Émeraudes
Dorothée Gilbert, Emmanuel Thibault
Stéphanie Romberg
Christine Lagniel, piano
Joyaux / Rubis
Delphine Moussin, Mathieu Ganio
Joyaux / Diamant
Je suis allé hier à la dernière représentations de Joyaux, un ballet de Balanchine en trois parties Émeraudes, Rubis et Diamants. Le programme nous apprend qu'il voulait évoquer respectivement la France, les États-Unis d'Amérique et la Russie en utilisant la musique de Fauré, Stravinski et Tchaikovski. Autant Fauré est évidemment associé à la France, Tchaikovski à la Russie, pour Stravinski, cela peut paraître quelque peu bizarre, le compositeur ayant vécu successivement en Russie, en Suisse, en France et aux États-Unis d'Amérique.
Les costumes de Christian Lacroix sont superbes. Respectivement vert émeraude, rouge rubis et blanc diamant, cela brille, cela étincelle.
Dans Émeraudes, les danseuses du corps du ballet réalisent en se tenant les mains de furtives figures géométriques qui font penser à des pierres précieuses autant qu'à des molécules. Un pas de trois (dans une distribution différente que celle annoncée sur le site de l'Opéra), deux pas de deux : Isabelle Ciaravola, Christophe Duquenne, puis Eve Grinsztajn et Stéphane Phavorin.
Des trois, ma pièce préférée est Rubis. La musique de Stravinski Capriccio pour piano et orchestre est amusante, très rythmée, un peu folle. Comme d'habitude, Dorothée Gilbert, qui danse seule ou avec Emmanuel Thibault, est superbe. Sa danse est espiègle, aguichante, comique, rafraîchissante.
La dernière pièce est Diamants. J'ai moins aimé que les autres. Peut-être est-ce la faute à la couleur des costumes. Le décor, très applaudi, est spectaculaire : des diamants est suspension dans l'air. C'est la première fois que je vois danser Delphine Moussin et Mathieu Ganio. La fin est un peu interminable, ce n'est pas que la danse ne soit pas belle, loin de là, c'est magnifique, mais c'est cette musique de Tchaikovski dans le dernier mouvement de sa symphonie nº3 et son hydr'avion qui met un temps invraisemblable à amerrir.
2009-11-15 01:08+0100 (Orsay) — Culture — Musique
Opéra Bastille — 2009-11-14
Philippe Jordan, direction musicale
Isabelle Faust, violon
Orchestre de l'Opéra national de Paris
Concerto pour violon, György Ligeti
Eine Alpensinfonie, Richard Strauss
Le chef suisse a été nommé directeur musical de l'Opéra de Paris. Il dirigera cette année la première moitié de la tétralogie de Wagner. Ce soir, il dirigeait l'orchestre de l'Opéra de Paris pour un concert symphonique. Les prix de ces spectacles étant modérés par rapport à ceux des opéras, je me suis retrouvé en premier rang de deuxième balcon.
L'œuvre jouée pendant la première partie est sans doute la chose la plus bizarre que j'aie entendue en concert. Il s'agissait du concerto pour violon de Ligeti. Une trentaine de musiciens. Quatre xylophones. La soliste est Isabelle Faust ; elle joue sur un Stradivarius. Le concerto est composé de cinq mouvements. Pendant le premier, la sonorité est tellement bizarre qu'il y a de quoi se demander si les musiciens ne seraient pas encore en train de s'accorder, d'autant plus qu'ils jouent piano. Au bout d'un moment, il n'y a plus de doute, c'est bien le concerto pour piano de Ligeti que l'on entend. À partir du troisième mouvement, cela devient presqu'écoutable. Une partie du public, peut-être trop pressée d'en finir ou pas au courant que le concerto est en cinq mouvements, applaudit à la fin du quatrième. Le violon de la soliste est soumis à des techniques assez inhabituelles. Je n'imaginais pas qu'on pouvait produire de tels sons avec un violon.
Entr'acte. Les musiciens sont maintenant plus d'une centaine. Forcément, c'est du Richard Strauss : Eine Alpensinfonie. Un peu plus de trois quarts d'heure de musique continue, structurée en vingt-deux parties. Une journée complète passée dans les Alpes. Bien sûr, ce sera un jour de tempête. Ébouriffant.
2009-11-14 17:33+0100 (Orsay) — Culture — Musique — Opéra — Danse
Opéra Bastille — 2009-11-13
Thomas Moser, Herodes
Julia Juon, Herodias
Camilla Nylund, Salomé
Vincent Le Texier, Jochanaan
Xavier Mas, Narraboth
Varduhi Abrahamyan, Page der Herodias
Wolfgang Ablinger-Sperrhacke, Erster Jude
Eric Huchet, Zweiter Jude
Vincent Delhoume, Dritter Jude
Andreas Jäggi, Vierter Jude
Gregory Reinhart, Fünfter Jude
Nahuel Di Pierro, Erster Nazarener
Ugo Rabec, Zweiter Nazarener
Nicolas Courjal, Erster Soldat
Scott Wilde, Zweiter Soldat
Antoine Garcin, Ein Cappadocier
Grzegorz Staskiewicz, Ein Sklave
Alain Altinoglu, direction musicale
Lev Dodin, mise en scène
David Borovsky, décors et costumes
Jean Kalman, lumières
Yury Visalkov, chorégraphie
Mikhail Stronine, dramaturgie
Valery Galendeev, collaboration à la mise en scène
Orchestre de l'Opéra national de Paris
Salomé, Richard Strauss
Je viens de relire le texte de la pièce d'Oscar Wilde, Salomé, écrite directement en français. On le trouve sur Gallica et dans le programme de la production présentée à l'Opéra Bastille, en face de la traduction de Hedwig Lachmann. En effet, à quelques modifications et coupes près, c'était essentiellement le texte de l'opéra de Strauss qui j'ai lu en surtitres pendant de la représentation d'hier.
L'opéra raconte l'amour de Salomé pour Jochanaan (Jean le Baptiste), qui la repousse, lui qui est obnubilé par l'arrivée du Messie. Hérode, son beau-père doublement incestueux la fait danser après avoir juré lui donner ce qu'elle voudrait après. Salomé insiste pour obtenir la tête de Jochanaan dans un bassin d'argent. Avant cela, il faut la lui couper, ce que Hérode n'est pas près à faire, craignant le saint homme qu'il a enfermé afin de le protéger des Juifs (qui n'ont l'air d'accord sur rien si ce n'est qu'il faut le leur remettre). Une fois qu'elle a récupéré la tête, Salomé délire et peut faire ce que Jochanaan vivant lui refusait, à savoir l'embrasser. Finalement, Hérode ordonne que l'on tue aussi Salomé.
La musique de cet opéra, avec ses motifs à la Wagner, est envoûtante. Si je ne connais pas suffisamment la langue allemande pour vraiment suivre ce qui se dit, je me suis surpris à en comprendre parfois quelques expressions.
Avant de voir l'opéra, sachant que la voix du jeune syrien (Narraboth)
intervient seulement quelques secondes après que la musique a retenti pour
dire Wie schön ist die Prinzessin
, je me demandais comment l'entrée
en scène aurait lieu. En effet, dans beaucoup de productions d'opéra en
général, on entend une ouverture, rideau baissé, et quand celle-ci se
termine, le rideau est levé, le décor et les personnages apparaissent en
pleine lumière. Ce n'était évidemment pas possible ici. Dans cette
production, on a coupé toutes les lumières du théâtre pour permettre aux
chanteurs de se positionner dans le décor qui sinon était visible. Ainsi,
la musique, les lumières et le chant se sont mis en route en même temps. En
ce qui concerne les lumières, davantage de luminosité n'aurait pas été un
mal : pendant la première demi-heure, entre les personnages secondaires que
sont Narraboth, le page de Hérodias (qui comme tous les pages est chanté
par une femme) et les soldats, il n'était pas évident de voir qui chantait,
même avec les jumelles...
Alors que la Lune auquel le texte fait référence se meut au fond du
décor (qui comporte côté jardin un escalier et la cellule métallique
escamotable où Jochanaan est enfermé), la situation dramatique se clarifie
quand elle se recentre sur Jochanaan et Salomé, puis les mêmes, Hérode et
Hérodias. La danse des sept voiles tombe à plat (au passage, la mention des
sept voiles
apparaît dans le texte de Wilde, mais pas dans le livret
de l'opéra). Si un effet comique est créé par le côté lubrique de Hérode et
Hérodias qui tente de masquer sa fille à sa vue, la danse de Camilla Nylund
n'est guère convaincante.
Les tergiversations qui conduisent à la décapitation de Jochanaan sont peut être un peu longues, Hérodias qualifie même Hérode de ridicule avec les paons qu'il se propose d'offrir à Salomé en remplacement de la tête qu'elle demande qu'on coupe. Cela ne crée qu'une encore plus grande attente pour l'impressionnante scène finale où Salomé soliloque face à la tête inerte.
2009-11-13 01:15+0100 (Orsay) — Culture — Musique — Opéra
Opéra Bastille — 2009-11-12
Massimo Giordano, Rodolfo
David Bizic, Schaunard
Inva Mula, Mimi
Wojtek Smilek, Colline
Ludovic Tézier, Marcello
Matteo Peirone, Benoît
Rémy Corazza, Alcindoro
Natalie Dessay, Musetta
Pascal Meslé, Parpignol
Andrea Nelli, Sergente dei doganieri
Marc Chapron, Un doganiere
Myoung-Chang Kwon, Un venditore ambulante
Daniel Oren, direction musicale
Jonathan Miller, mise en scène
Dante Ferretti, décors
Gabriella Pescucci, costumes
Guido Levi, lumières
Alessandro Di Stefano, chef de chœur
Orchestre et Chœur de l'Opéra national de Paris
Maîtrise des Hauts-de-Seine / Chœur d'enfants de l'Opéra national de Paris
La Bohème, Puccini
Je suis retourné ce soir voir La Bohème, ce qui m'a aussi donné l'occasion de finir de lire le programme. Cette fois-ci, je suis au deuxième balcon, dernier rang légèrement de côté.
C'est loin, il faut les jumelles pour distinguer quelqu'expression sur le visage des chanteurs. Malgré cela, c'est un vrai plaisir d'être là. Les conditions d'écoute sont merveilleuses. La musique paraît beaucoup plus claire. Je n'ai vraiment pas entendu la même chose que la semaine dernière où j'étais au premier balcon. Bravo à l'orchestre de l'Opéra et à Daniel Oren.
Si j'y suis allé deux fois, c'est qu'il y avait essentiellement deux distributions différentes dans les deux premiers rôles. Si j'avais apprécié Stefano Secco et été un peu déçu par Tamar Iveri, les solistes de ce soir ont fait une très forte impression. A priori, je pouvais craindre de n'entendre pas un volume sonore suffisant depuis les places les plus éloignées du théâtre. Quand Massimo Giordano (Rodolfo) a commencé à chanter, cette crainte s'est évanouie. Il faisait ses débuts à l'Opéra de Paris avec cette production. Quels débuts ! Dans le rôle de Mimi, Inva Mula que j'avais déjà entendue dans Mireille était magnifique. C'était la dernière de Ludovic Tézier dans le rôle de Marcello pour ce passage ; les prochaines représentations seront assurées par Dalibor Jenis. Natalie Dessay a été une bonne actrice qui chante :
Musette : (Maintenant il s'agit de me débarasser du vieux)
(feignant d'éprouver une vive douleur)
Aïe !Alcindoro : Qu'est-ce ?
Musette : Une douleur ! Une brûlure !
Alcindoro : Où cela ?
Musette : Au pied !
S'il y a un seul détail que je n'aime pas dans les prestations de
Natalie Dessay, c'est que, parfois, quand le rôle fait qu'elle doit crier,
un affreux bruit strident sort de sa bouche (le cas a dû se présenter au
moins dans Lucia di Lammermoor et dans La fille du
régiment). Le Aïe
d'il y a une semaine rentrait dans cette
catégorie. Celui de ce soir était nettement moins déplaisant. L'effet
comique de la situation était peut-être mieux rendu aussi.
C'était une des plus belles soirées d'opéra que j'ai eues. Il est rare d'entendre quatre chanteurs aussi irréprochables dans les quatre rôles principaux d'un opéra, évoluer dans d'aussi beaux décors et une aussi belle musique.
2009-11-04 17:20+0100 (Orsay) — Culture — Musique — Opéra
Opéra Bastille — 2009-11-03
Stefano Secco, Rodolfo
David Bizic, Schaunard
Tamar Iveri, Mimi
Giovanni Battista Parodi, Colline
Ludovic Tézier, Marcello
Matteo Peirone, Benoît
Rémy Corazza, Alcindoro
Natalie Dessay, Musetta
Pascal Meslé, Parpignol
Andrea Nelli, Sergente dei doganieri
Marc Chapron, Un doganiere
Myoung-Chang Kwon, Un venditore ambulante
Daniel Oren, direction musicale
Jonathan Miller, mise en scène
Dante Ferretti, décors
Gabriella Pescucci, costumes
Guido Levi, lumières
Alessandro Di Stefano, chef de chœur
Orchestre et Chœur de l'Opéra national de Paris
Maîtrise des Hauts-de-Seine / Chœur d'enfants de l'Opéra national de Paris
La Bohème, Puccini
J'étais hier soir à l'Opéra Bastille pour voir La Bohème de Puccini. C'était la troisième représentation de cette saison, et au total la quatre-vingt-troisième dans cette mise en scène de Jonathan Miller à l'Opéra de Paris. J'ai été rejoint quelques minutes avant le début par Akynou. Depuis le milieu du rang 7 du premier balcon de côté, nous voyons les surtitres sans avoir à nous affaler sur nos sièges : l'information qu'un vendeur m'avait donnée selon laquelle le surtitrage avait été baissé un petit peu s'avère exacte.
Les chanteurs des quatre rôles principaux étaient Stefano Secco (Rodolfo), Tamar Iveri (Mimi), Ludovic Tézier (Marcello) et Natalie Dessay (Musetta). C'était la quatrième fois que j'entendais le ténor Stefano Secco. Comme toujours, il a été excellent. De même pour Ludovic Tézier à ceci près que je le voyais pour la septième fois. Lors du premier acte, la soprano Tamar Iveri n'était pas très enthousiasmante ; elle le fut davantage par la suite. Le deuxième acte est superbe. C'est aussi celui où le rôle de Musetta dans lequel Natalie Dessay faisait ses débuts était le plus consistant. Sans compter les CD, DVD et retransmission sur écrans de cinéma, c'est seulement le deuxième rôle d'opéra dans lequel je l'entends. Même si le rôle de Musetta est bien plus petit que celui de Lucia di Lammermoor qu'elle incarnait sur la même scène il y a trois ans, c'est toujours un plaisir de l'entendre.
Grâce à la musique de Puccini, aux chanteurs, aux superbes décors de Dante Ferretti, voilà une très belle production d'opéra.
2009-11-02 20:29+0100 (Orsay) — Culture — Musique — Opéra
Je viens d'apprendre que la Fnac Bastille fermera fin décembre. Qu'après ce genre d'opérations on ne s'étonne pas que les gens n'achètent plus de disques.
2009-10-28 08:45+0100 (Orsay) — Culture — Musique
Salle Pleyel — 2009-10-27
Keren Ann Zeidel, chant
Bardi Johannsson, chant
Orchestre Lamoureux
Christophe Mangou, direction
La Ballade of Lady & Bird
L'autre fois, c'était à L'Olympia en 2005. Cette fois-ci, c'était Salle Pleyel. J'ai découvert seulement dimanche en feuilletant les notices de programmes sur le site (où elles apparaissent quelques jours avant les concerts) que Keren Ann Zeidel et Bardi Johannsson chanteraient avec l'orchestre Lamoureux et un chœur islandais leurs chansons dans des réarrangements de Thorvaldur Bjarni Thorvaldsson.
Cela fait drôle d'entendre ainsi réarrangées des chansons que pour la plupart je connaissais. Cela fait drôle aussi d'entendre le son naturel d'un orchestre en partie occulté par la sonorisation. Ce qu'on entend ne correspond pas à ce qu'on voit (ou pas, vu que l'éclairage est minimal, un film est projeté sur un écran au fond de la scène) : au début, je me suis demandé dans quelles nuées se trouvait le piano. Bien sûr, il était évident que les deux chanteurs seraient sonorisés. Keren Ann étant de ces chanteuses qui chuchotent dans le micro, cela allait de soi, et sa voix était amplifiée juste comme il fallait de façon à ce qu'on eût parfois l'impression qu'elle chuchotât à son oreille. Mais que le chœur le fût, pour moi, c'était inouï, et au milieu d'une des premières chansons, je fus choqué d'entendre le volume sonore du chœur augmenter brutalement par le truquement de la table de mixage.
Cela dit, c'était un concert fort agréable.
2009-10-25 02:03+0200 (Orsay) — Culture — Musique — Opéra
Opéra Bastille — 2009-10-24
Robert Dean Smith, Paul
Ricarda Merbeth, Marietta
Stéphane Degout, Frank/Fritz
Doris Lamprecht, Brigitta
Alexander Kravets, Graf Albert
Elisa Cenni, Juliette
Letitia Singleton, Lucienne
Alain Gabriel, Victorin
Serge Luchini, Gaston
Pinchas Steinberg, direction musicale
Willy Decker, mise en scène
Meisje Barbara Hummel, réalisation de la mise en scène
Wolfgang Gussmann, décors, costumes
Wolfgang Goebbel, lumières
Athol Farmer, chorégraphie
Patrick Marie Aubert, chef des chœurs
Orchestre et Chœur de l'Opéra national de Paris
Maîtrise des Hauts-de-Seine / Chœur d'enfants de l'Opéra national de Paris
Die tote Stadt, Erich Korngold
Je reviens de l'Opéra Bastille, où je n'avais mis les pieds pour assister à une représentation depuis cinq mois.
J'ai donc vu Die tote Stadt, opéra d'Erich Korngold. Le nom du compositeur ne dit peut-être pas grand'chose à grand'monde. Pourtant, on lui doit la musique de quelques films classiques comme Les aventures de Robin des bois (avec Errol Flynn).
L'histoire est un peu compliquée. À vrai dire, il ne se passe pas grand'chose de réel. On est en plein onirisme. Presque tout se passe dans un rêve (plutôt un cauchemar) de Paul. Il habite Bruges et a consacré une pièce de sa maison à la mémoire de sa défunte épouse. En apercevant une femme qui lui ressemble beaucoup, il croit avoir l'impression qu'elle revit. Cette femme, une danseuse, envahit son rêve. Ils se désirent, mais il n'est attirée par elle que parce qu'elle ressemble à sa femme, ce qu'elle ne peut accepter : elle se moque de lui. À la fin, il l'étrangle... Finalement, tout se termine bien : il se réveille, la danseuse revient le voir, comme si de rien n'était. Il finit par abandonner sa maison (il y a d'ailleurs un vrai suspense à la toute fin de l'opéra : de quel côté de la porte finira-t-il ?).
La mise en scène du premier acte est très statique. Aux deuxième et
troisième, elle devient beaucoup plus intéressante. Le décor principal
représente une pièce dans la maison de Paul. Un portrait de sa femme est
visible. Quand il se met à rêver, une reproduction de cette pièce apparaît
au fond de la scène. Malheureusement pour les spectateurs du deuxième
balcon dont je faisais partie, on ne voyait de là que la moitié basse de
cet élément du décor où évoluaient des personnages, puisqu'un rideau opaque
situé en haut de la scène réduisait l'angle solide de visibilité. Pour
souligner le flou onirique, le plafond et les murs étaient quelque peu
déstructurés, en particulier, le plafond blanc de la pièce bougeait dans
tous les sens, cachant aussi un peu ce qu'il y avait derrière. Je ne
comprends pas comment on peut faire aussi peu de cas des spectateurs,
comment est-il possible que personne n'ait dit : Stop ! Si on persiste à
faire ça, on gâche le spectacle pour 20-25% des spectateurs. Remontons ces
machins dans les cintres.
.
Ce point noir est compensé par la qualité des autres aspects de la mise en scène, et bien sûr par la musique. La musique est agréable à écouter. Elle fait souvent penser à Strauss et à Wagner, c'est dire si cela peut être exigeant pour les chanteurs. Les deux interprètes principaux (Robert Dean Smith, Ricarda Merbeth) faisaient leurs débuts à l'Opéra avec cette production et ils ont été formidables.
2009-10-15 06:47+0200 (Orsay) — Culture — Musique — Opéra
Qu'il est décevant de recevoir une annonce Natalie Dessay :
J-6 avant le nouvel album
pour découvrir, à la lecture de la liste
des titres, qu'il n'y a rien de nouveau dans ce disque, toutes ces scènes
de la folie figurant dans des disques que les dessayöphiles ont déjà dans
leur discothèque. La scène de la folie de Lucia di Lammermoor et
d'I puritani (Elvira) sont dans Airs d'opéras italiens.
La version française extraite de Lucie de Lammermoor est dans
Le miracle d'une voix (et dans l'enregistrement intégral de cet
opéra), tout comme Glitter and be gay (Cunégonde) et Ombre
légère (Dinorah). La scène de la folie d'Ophélie est dans Airs
d'opéras français.
Vu les noms des chefs d'orchestre, il semble qu'il s'agisse bien des mêmes enregistrements que ceux déjà publiés. Comment recycler du (pas si) vieux pour faire du soi-disant neuf.
Bien sûr, ce n'est pas ça qui me fera commencer à détester Natalie Dessay. Je me réjouis de l'entendre bientôt dans La Bohème, Das Weihnachts-Oratorium et La Sonnambula (œuvres que j'apprécie, pas comme Ein deutsches Requiem). Que ceux qui ne connaissent pas Natalie Dessay la découvrent avec ce disque, c'est tant mieux, mais il eût été plus élégant de ne pas prendre les autres pour des c....
2009-10-13 01:36+0200 (Orsay) — Culture — Musique
Salle Pleyel — 2009-10-12
Lucy Crowe, soprano
James Gilchrist, soprano
Matthew Rose, basse
Orchestre Révolutionnaire et Romantique
The Monteverdi Choir
Sir John Eliot Gardiner, direction
Die Jahreszeiten, Joseph Haydn
Après 7h équivalent TD dans la journée, je suis arrivé lundi soir Salle Pleyel avec un billet pour Les Saisons de Haydn, un compositeur que je découvris il y a un an seulement. Je ne sais pas pourquoi, mais j'étais persuadé que le chef d'orchestre serait William Christie (il s'écoule de longs mois entre le moment où je réserve mes places et les concerts). Quand j'ai vu la boutique Harmonia mundi du hall présenter des dizaines de disques de cantates par Gardiner, je me suis demandé ce qu'ils fichaient là. Quelle fut ma surprise quand Gardiner est entré par la porte latérale pour diriger le concert !
Ma place était censée être au premier rang de l'arrière-scène (ce qui n'est pas idéal pour un oratorio, mais le concert étant au tarif A, je n'allais pas prendre un place de première catégorie). Arrivé en haut de l'escalier en suivant les indications de l'ouvreuse, j'ai vu que l'accès à l'arrière-scène était bloqué, soi-disant parce que le concert était surtitré ! (Je m'étais jusques à présent toujours demandé comment les salles s'organisaient pour tenir compte suffisamment à l'avance des contraintes scéniques pour ne pas vendre des sièges qui se retrouveraient occupés par des caméramen, des truqueurs, le chœur, etc. Apparemment, des craquages se produisent.) Bref, il y a plus de replacement à gérer que d'ordinaire, je me retrouve à une place de première catégorie au parterre.
Rarement un concert ne m'aura autant ravi. J'ai passé la première saison
Le printemps dans un état de totale félicité. Je me suis même
rendu compte en plein concert d'un emprunt à sa symphonie nº94
Surprise
dans l'air de la basse Schon eilet froh der
Ackersmann. Je n'y avais pas pris garde en écoutant cet oratorio au
disque ; il faut convenir que l'enregistrement est de piètre qualité en
comparaison de ce qu'on aura entendu lundi soir. J'ai particulièrement
apprécié le Monteverdi Choir, et parmi les solistes, davantage James
Gilchrist et Lucy Crowe que Matthew Rose.
À propos de Lucy Crowe, en l'entendant ce soir, je me suis dit qu'elle serait magnifique dans l'Ode à Sainte Cécile de Händel. Après consultation de mes archives, je me suis rendu compte que non seulement je l'avais déjà entendue dans cette œuvre, mais aussi que je l'avais effectivement trouvée magnifique dedans.
2009-10-10 19:53+0200 (Orsay) — Culture — Musique — Danse
Opéra Garnier — 2009-10-10
Adolphe Adam, musique
Jean Coralli, Jules Perrot chorégraphie (1841)
Marius Petipa, transmission de la chorégraphie (1841)
Patrice Bart, Eugène Polyakov, adaptation de la chorégraphie (1991)
Alexandre Benois, décors, costumes
Silvano Mattei, réalisation des décors
Claudie Gastine, réalisation des costumes
Koen Kessels, direction musicale
Dorothée Gilbert, Giselle
Mathias Heymann, Albrecht
Yann Bridard, Hilarion
Stéphanie Romberg, Myrtha
Ballet de l'Opéra
Orchestre Colonne
Giselle, ballet en deux actes, livret de Théophile Gautier et Jules-Henri Vernoy de Saint-Georges
Je suis retourné voir Giselle cet après-midi à l'Opéra de Paris. Cette fois-ci, j'expérimente une place à 7€, quatrième étage, dans les stalles derrière les quatrièmes loges de trois-quarts. La visibilité est meilleure que ce que j'avais imaginé : il n'y a que le tiers de droite qui n'est pas visible. Étant au premier rang, je ne suis pas gêné par les têtes mouvantes des gens de devant. Malheureusement, il y a derrière moi un groupe de touristes chinois bruissant.
Comme cela m'avait étonné lorsque j'étais revenu voir La fille mal gardée, je remarque des détails que je n'avais pas observés lors de l'autre représentation que j'ai vue. Lors du premier acte, j'apprécie beaucoup Dorothée Gilbert et Mathias Heymann dans les rôles de Giselle et d'Albrecht. En Hilarion, Yann Bridard est moins convaincant. On n'a pas l'impression de le voir réagir le moins du monde quand il compare l'épée d'Albrecht qu'il a découverte avec un signe marqué sur une corne laissée par une famille prestigieuse en visite au village, ce qui trahit la haute naissance du rival d'Hilarion. Les solos et pas de deux des paysans sont formidables (en regardant avec mes jumelles, j'ai eu un peu peur pour le paysan sur une réception, mais c'est comme si on n'avait rien vu).
Au deuxième acte, l'entrée en scène de Myrtha (Stéphanie Romberg) sur pointes n'est vue par moi que par intermittences ; ayant une moins bonne vue d'ensemble sur la scène, il est difficile de comparer avec Marie-Agnès Gillot. Une des raisons qui m'ont fait revenir voir ce ballet, outre que j'oubliasse mes jumelles la dernière fois, est que j'avais eu l'impression de manquer la scène de la mise à mort d'Hilarion par les wilis. La chorégraphie met bien en évidence qu'Hilarion est pris au piège par les wilis. Elles tournent autour de lui, l'entourent, s'interposent quand il voudrait s'enfuir. À vrai dire, il ne meurt pas sur scène, on voit juste des wilis le mettre un peu violemment dehors.
Le deuxième acte ne m'a pas fait cesser d'apprécier Dorothée Gilbert et
Mathias Heymann. Les deux ont été excellents, mais c'est surtout ce dernier
qui m'a fait forte impression. Autant il passe difficilement pour un
méchant
(par la tromperie qui entraîne la mort de Giselle) dans le
premier acte (ce que n'a pas de mal à faire Nicolas Le Riche), autant il
est parfait en amoureux, cette fois tout à fait sincère, de Giselle au
deuxième acte, quand il se rend auprès de sa tombe, danse avec celle qui
est maintenant une wilis. Quel athlète ! Lors d'une succession de sauts sur
place et de frétillants mouvements de jambes, le public frémit, une
spectatrice s'écrie Bravo !
et une avalanche d'applaudissements se
déclenche alors qu'il continue de réaliser des prouesses.
Rien à voir, mais avant le début de chaque acte, au milieu de plein d'autres sons éparpillés, on pouvait entendre certains instruments à vent s'échauffer avec un peu du Boléro de Ravel.
2009-10-04 21:40+0200 (Orsay) — Culture — Musique
Salle Pleyel — 2009-10-04
Anu Komsi, soprano
Jeannette Landré, flûte
Cappella Amsterdam
Asko|Schönberg Ensemble
Orchestre philharmonique de Radio France
Peter Eötvös, direction
Gary Hill, création des images, mise en espace
Edgard Varèse 360°
Nocturnal
Arcana
Ionisation
Ecuatorial
Density 21.5
Étude pour Espace
Dance for Burgess
Déserts
Poème électronique
Je suis allé cet après-midi au deuxième concert d'une série de deux Salle Pleyel. L'intégralité des œuvres conservées d'Edgard Varèse y auront été jouées. Quelques unes de ses premières œuvres ont été perdues, brûlées volontairement par le compositeur ou bien par accident.
Les autres blogueurs rencontrés (Zvezdo, Bladsurb, Pascal, Palpatine) en parleront sans doute mieux que moi, puisque, n'ayant entendu que Ionisation sur Youtube, je ne connaissais pour ainsi dire pas Varèse avant aujourd'hui.
Cette musique est très différente de celle que j'écoute habituellement
(mon autre incursion dans la musique contemporaine
était la Turangalîla). C'est strident. Pourtant, on ne
s'ennuie pas et on ne se demande à aucun moment ce qu'on est en train de
fichtre là. Un des morceaux nécessite un instrument non standard : le
violoncelle thérémine. Au cours de Déserts, on entendra aussi des
sons enregistrés (dont des passages comprennent de vomitives
basses fréquences). Le chef et les musiciens s'assiéront dans le noir pour
écouter avec le public le dernier morceau enregistré Poème
électronique.
Ce qui était curieux dans ce concert, c'est que la salle était plongée dans la pénombre afin de faire profiter au public des vidéos de Gary Hill, projetées sur trois grands écrans en arrière-scène et des mots et images qui défilaient sur les murs. Ce n'était pas particulièrement désagréable ni hideux, mais dans un concert, on s'attend à ce que l'accent soit davantage mis sur la musique. Gary Hill et ses collaborateurs seront pas mal hués lors des saluts. Les costumes ridicules qu'ont dû revêtir la soprano Anu Komsi et la flûtiste Jeannette Landré n'ont pas reçu meilleur accueil...
Le titre 360°
de ce programme renvoie évidemment au fait qu'il
s'agissait de jouer l'intégralité des œuvres de Varèse, mais aussi au fait
que la musique de certains morceaux était spatialisée. Ainsi, lors de
Étude pour Espace, les voix du chœur étaient amplifiées et
réémises par des haut-parleurs situés dans toute la salle. L'effet était
assez perturbant, j'ai pris cela comme une curiosité de plus de cette bien
étrange musique.
2009-09-28 00:20+0200 (Orsay) — Culture — Musique — Danse
Opéra Garnier — 2009-09-27
Adolphe Adam, musique
Jean Coralli, Jules Perrot chorégraphie (1841)
Marius Petipa, transmission de la chorégraphie (1841)
Patrice Bart, Eugène Polyakov, adaptation de la chorégraphie (1991)
Alexandre Benois, décors, costumes
Silvano Mattei, réalisation des décors
Claudie Gastine, réalisation des costumes
Koen Kessels, direction musicale
Aurélie Dupont, Giselle
Nicolas Le Riche, Albrecht
Karl Paquette, Hilarion
Marie-Agnès Gillet, Myrtha
Ballet de l'Opéra
Orchestre Colonne
Giselle, ballet en deux actes, livret de Théophile Gautier et Jules-Henri Vernoy de Saint-Georges
Comme hier, j'ai dû faire établir au contrôle un duplicata de ma place d'abonnement pour le ballet Giselle (le ticket d'aujourd'hui est numéroté 61948 contre 49979 hier, je ne sais pas ce qu'il faut en déduire). En effet, il y aurait eu un changement de logiciel à l'Opéra de Paris, et pas mal d'abonnés (longueur de la queue faisant foi) n'ont pas reçu leurs places. Vraisemblablement, comme moi, ils se retrouvent mauvais payeurs malgré eux (il doit y avoir un dead-lock quelque part). Tout s'étant bien passé la veille, je m'attendais à ce qu'il en allât autant aujourd'hui.
M'étant fait placer au premier rang de ma troisième loge nº16, je suis apostrophé cinq minutes avant le début du spectacle par une ouvreuse qui me demande mon billet pour vérification. Une spectatrice aurait un billet avec le même numéro de place. Après s'être enquis de mon nom et utilisé un talkie-walkie, on me demande de céder ma place. Finalement, on me replace ailleurs, et après quelque inquiétude, je suis soulagé de voir que je suis loge 32 au troisième rang, puis, certains faisant profiter les présents de leur absence, je peux rejoindre le premier rang lorsque le chef d'orchestre arrive, m'asseyant à une place valant trois fois le prix de celle que j'ai... pardon que je n'ai pas payée.
Ma nouvelle place est mieux centrée, mais cependant plus éloignée. Je regrette mes jumelles que j'ai oubliées chez moi. En effet, de loin, si elles ne portaient pas des costumes légèrement différents, on aurait du mal à distinguer Aurélie Dupont (Giselle) et Marie-Agnès Gillot (Myrtha).
Je fais probablement là une injure au bout goût, mais ce ballet est celui qui m'a le moins enthousiasmé parmi la poignée de ballets que j'ai vus depuis l'an passé. Onéguine, où Aurélie Dupont (Tatiana) et Nicolas Le Riche (Onéguine) avaient dansé un superbe pas de deux, et Les enfants du paradis sont mes meilleurs souvenirs en la matière. La musique d'Adolphe Adam est tout à fait charmante, les costumes colorés, mais je n'apprécie pas autant ce premier acte qui fait penser au beaucoup plus joyeux ballet La fille mal gardée. L'atmosphère change radicalement au deuxième acte. Giselle est morte d'avoir trop dansé et d'avoir été trahie par Albrecht qui était fiancé à une autre qu'elle. Les Wilis, des créatures démoniques qui se mettent à danser pendant la nuit et tuent les hommes qui les approchent trop, ont envahi la scène dans leurs tutus immaculés (le programme explique que le deuxième acte de ce ballet a fortement contribué à codifier la forme du costume blanc des danseuses classiques ; je préfère les ballets colorés). Myrtha, la reine des Wilis entre sur scène dressée sur ses pointes. Giselle se matérialise non loin de sa tombe. Albrecht la rejoint. Ils dansent follement. Albrecht devrait mourir, mais il est finalement épargné, et après que Giselle a regagné sa tombe, il s'en va alors que le soleil se lève.
2009-09-27 02:25+0200 (Orsay) — Culture — Musique — Opéra
Opéra Garnier — 2009-09-26
Inva Mula, Mireille
Charles Castronovo, Vincent
Franck Ferrari, Ourrias
Alain Vernhes, Maître Ramon
Sylvie Brunet, Taven
Sébastien Droy, Andreloun
Nicolas Cavallier, Maître Ambroise
Amel Brahim-Djelloul, Clémence
Anne-Catherine Gillet, Vincenette
Ugo Rabec, Le Passeur
Christian Rodrigue Moungoungou, Un Arlésien
Sophie Claisse, Une Voix d'en-haut
Alexandre Duhamel, L'Écho
Orchestre et Chœur de l'Opéra national de Paris
Nicolas Joel, mise en scène
Ezio Frigerio, décors
Franca Squarciapino, costumes
Vinicio Cheli, éclairages
Patrick Segot, chorégraphie
Patrick Marie Aubert, chef du chœur
Marc Minkowski, direction musicale
Mireille, Charles Gounod
Après avoir vu l'exposition, je suis allé ce soir voir une représentation de Mireille, opéra méconnu de Gounod, qui s'installe pour la première fois à l'Opéra. Il n'était pas gagné que je puisse entrer, vu que je n'ai pas encore payé mes places. Pourtant, ce n'est pas faute d'y avoir mis de la bonne volonté et du temps. Un formulaire d'abonnement envoyé fin mars/début avril, traité en juin. Entretemps, aucune somme n'a été débitée sur mon compte. Quelques coups de téléphone en septembre pour s'en étonner. À mon arrivée à Garnier, la queue pour retirer des billets est étonnamment longue. Je ne suis manifestement pas le seul dans ce cas. Le duplicata de billet est écrit à la main sur un tout petit bout de papier, numéroté 49979. Aimant bien utiliser mes billets d'opéra comme marque-pages, j'ai perdu une occasion de me ravitailler.
Je ne connais pas du tout Gounod. Dans ma discothèque, je n'ai que la valse Je veux vivre de Roméo et Juliette chantée par Natalie Dessay et l'air des bijoux de Faust (cf. Castafiore) par Anna Moffo. A fortiori, je découvrais cet opéra Mireille dont j'avais cependant eu le temps de lire le livret. Une histoire apparemment typique d'opéra où la soprano et le ténor s'aiment mais où le baryton veut les en empêcher.
La particularité de cet opéra est que l'action est située en Provence.
Il s'agit d'une adaptation d'un poême de Frédéric Mistral. Mireille et
Vincent s'aiment, mais Vincent est de moindre niveau social, il n'est que
vannier. Ils jurent de faire le pèlerinage aux Saintes-Maries si l'un d'eux
venait à souffrir. Lors d'une fête à Arles, Ourrias obtient la main de
Mireille de son père, mais Mireille refuse. Ourrias et Vincent se battent.
Vincent est blessé. Ourrias veut fuir en traversant une rivière, mais le
bateau coule. Effrayée par la relation que lui fait Vincenette (la sœur de
Vincent) de la blessure de Vincent, Mireille entreprend le pèlerinage. Elle
est frappée par le Soleil dans le désert de la Crau. Lorsqu'elle arrive à
l'église, Vincent l'attend, elle se met à délirer, son père tente de se
faire pardonner et la donne à Vincent, mais il est trop tard
.
Je suis plutôt content de ce spectacle. J'ai apprécié la musique fleurie
de Gounod. Une petite déception avec le décor du deuxième acte. Je
m'attendais à voir les arênes d'Arles comme il est prévu que ce deuxième
acte se passe. Dans cette production, le décor champêtre ne change pas
entre le premier et le deuxième acte (l'opéra en compte cinq). Au troisième
acte, le tableau de la noyade d'Ourrias est sombre et de jolis mouvements
de lumières donnent l'illusion que l'eau peinte du décor est recouverte de
mouvantes vagues. J'imaginais cependant que cette scène serait plus
effrayante (un chœur chante Les trépassés sortent glacés du gouffre
sombre !
), comme une traversée du Styx.
Malgré un français imparfait, la soprano Inva Mula a fait une très belle performance, notamment dans la scène de la Crau. J'ai entendu pour la première fois le ténor Charles Castronovo ; il m'a fait une très bonne impression. J'ai réentendu Sylvie Brunet dans un rôle sombre, celui de la sorcière Taven, qui fait ce qu'elle peut pour protéger Mireille et Vincent ; charmant air Voici la saison, mignonne, où les galants font leur choix. Après Padmâvatî, il y avait là une occasion de la voir à nouveau manipuler un trident (la scène où Padmâvatî embrochait son époux Ratan-Sen était assez spectaculaire). Amel Brahim-Djelloul (Clémence) a un trop petit rôle. J'apprécie toujours autant le timbre de la voix d'Anne-Catherine Gillet (Vincenette) que j'avais beaucoup aimée dans l'air air Je dis que rien ne m'épouvante dans Carmen. Toutes les deux faisaient leurs débuts à l'Opéra de Paris. J'en oublie quelques autres, comme l'éternel Alain Vernhes, qui a la voix la plus puissante du lot.
Conseil de placement à Garnier : éviter les deuxièmes rangs de loges. Si j'y avais fait davantage attention, j'aurais fait changer cette place pour ne pas être au deuxième rang d'une troisième loge : on ne voit pas toute la scène et même pour le milieu de la scène, il faut compter sur une configuration compatible des têtes des personnes situées devant. Pour voir mieux, mieux vaut être placé devant quitte à ce que ce soit un peu plus haut.
2009-09-19 00:26+0200 (Orsay) — Culture — Musique
Salle Pleyel — 2009-09-18
Natalie Dessay, soprano
Ludovic Tézier, baryton
Chœur de Radio France
Orchestre philharmonique de Radio France
Matthias Brauer, chef de chœur
Myung-Whun Chung, direction musicale
Ein deutsches Requiem (Brahms)
Das Lesen der Schrift (Wolfgang Rihm)
Ce n'est pas aujourd'hui que je me réconcilierai avec Brahms. Que ce soit par un chœur et orchestre amateur ou par le chœur et l'orchestre philharmonique de Radio France, malgré quelques passages fugués, l'insertion de morceaux du compositeur contemporain Wolfgang Rihm, des solistes que j'apprécie beaucoup (Ludovic Tézier, Natalie Dessay) et que j'ai aimé réentendre, ce Requiem allemand m'ennuie.
2009-09-14 20:39+0200 (Orsay) — Culture — Musique
Nous avons le regret de vous informer qu'en raison du contexte économique, le Boston Symphony Orchestra a décidé d'annuler sa tournée européenne.
Aussi, les concerts des dimanche 21 et lundi 22 février 2010 n'auront pas lieu.
On m'invite ensuite à modifier ou annuler ma réservation... Ce qui est amusant, c'est que je n'avais pas inclus ces concerts dans mon abonnement.
2009-09-11 20:45+0200 (Orsay) — Culture — Musique — Opéra — Expositions — Lectures
Profitant d'un petit déplacement à Paris, je suis passé à l'Opéra dans le but de voir l'exposition Gounod, Mireille et l'Opéra organisée conjointement par l'Opéra de Paris et la BnF. L'opéra Mireille de Gounod est en effet programmé pour l'ouverture de la saison, et ceux qui ont encore la télévision pourront le constater en direct sur France 3 lundi prochain.
Vu que je n'étais jamais allé à l'Opéra Garnier qu'à l'occasion de représentations, je ne savais pas trop quel chemin prendre. La Bibliothèque-musée de l'Opéra (rattachée à la BnF) étant le lieu putatif de l'exposition, je suis entré par la façade occidentale vu que celle-ci se trouve dans le pavillon de l'Empereur. À l'accueil et au contrôle de sécurité, on ne semble pas franchement au courant de l'existence de l'exposition, mais la carte de la BnF semble valoir sésame pour entrer (comme pour les autres expositions organisées par la BnF), et je me retrouve laché dans les escaliers latéraux de l'Opéra, avec pour indication qu'il faudrait aller au deuxième étage.
Je me retrouve ainsi devant une exposition permanente, où je vois notamment un portrait d'Albert Roussel, mais point de Gounod. Plus loin une belle porte en bois peu accueillante. Par chance, un employé en sort. Le temps de discuter avec lui de l'emplacement de l'exposition (première personne rencontrée qui semble au courant), j'aperçois l'intérieur, assez impersonnel, de la bibliothèque. L'exposition commence à l'étage d'en-dessous.
L'exposition n'intéressera sans doute que les passionnés d'opéra. On y trouve quelques affiches de différentes reprises de Mireille, quelques documents autographes de Gounod (peu lisibles !), un buste, un laissez-passer de l'Empereur pour Gounod, des photographies d'interprètes d'opéras de Gounod, des esquisses ou maquettes de décors, etc. et une pipe.
Si l'entrée fut gratuite, la sortie ne l'a pas été. On est en effet obligé de passer par la boutique, et si j'ai ainsi eu l'occasion d'acheter en avance le programme de Mireille (dans lequel on trouve un catalogue des documents présentés dans l'exposition, avec quelques reproductions en pleine ou double page), ce qui est neutre pour moi, je suis tombé par malheur pour ma bourse devant un DVD de L'Amour de loin de Saariaho, dont j'avais lu le livret par hasard il y a quelques mois après l'avoir acheté dans une gare. Comme on m'a adressé deux fois la parole en anglais comme si cela allait de soi, je suppose que la proportion de clients étrangers est assez élevée.
Le programme (12€, 200 pages en papier glacé !) de Mireille revient longuement sur les nombreuses modifications dont la partition a été la cible, afin, selon ses instigateurs de proposer une fin qui plût davantage au public et de rajouter du brillant (et un commentateur glose en disant que cela permettait surtout à l'épouse du directeur de théâtre, Marie Caroline Miolan-Carvalho de mieux briller...). Contrairement à ce qui se fait d'habitude, on ne trouve aucun document relatif à cette nouvelle production, hormis un texte du chef d'orchestre Marc Minkowski. Globalement, cela donne envie de se plonger dans le poème de Mistral, Mirèio. Aussi, cela me rappelle que je réentendrai avec plaisir Anne-Catherine Gillet (qui fera ses débuts à l'Opéra), Amel Brahim-Djelloul (idem), Sylvie Brunet, Nicolas Cavallier et d'autres.
2009-07-11 13:49+0200 (Orsay) — Culture — Musique — Danse
Opéra Garnier — 2009-07-09
Frederick Ashton, chorégraphie (1960)
Louis Joseph Ferdinand Herold, musique
John Lanchbery, arrengements musicaux
Osbert Lancaster, décors et costumes
George Thomson, lumières
Christopher Carr, Grant Coyle, répétitions
Barry Wordsworth, direction musicale
Dorothée Gilbert, Lise
Mathias Heymann, Colas
Aurélien Houette, Mère Simone
Allister Madin, Alain
Jean-Christophe Guerri, Thomas, père d'Alain
Mickaël Lafon, Un danseur à la flûte
Ballet de l'Opéra
Orchestre de l'Opéra national de Paris
La Fille mal gardée, ballet en deux actes de Frederick Ashton d'après Jean Dauberval
A priori plutôt réticent sur la base de l'extrait que j'en avais vu, j'avais cependant acheté une place pour La fille mal gardée, ballet de Frederick Ashton, d'après Jean Dauberval. La pièce originale, créée en juillet 1789, est l'un des tout premiers ballets au sens où on l'entend habituellement. Une histoire dansée en musique, sans mots.
Lors de la vingt-septième représentation, Lise est interprétée par Dorothée Gilbert et Colas par Mathias Heymann. Ce ballet raconte leurs amours champêtres, contrariés par la mère Simone (Aurélien Houette) qui voudrait marier sa fille avec le ridicule mais riche Alain (Allister Madin).
La musique est de L. J. F. Herold (1828) avec des arrangements de John Lanchbery introduits lors de la création de la version d'Ashton (1960). Cependant, de larges extraits sont extraits d'autres œuvres. Ainsi, la première scène emprunte la musique du début du Barbier de Séville de Rossini. Le programme nous dit que la musique des poules et du coq vient de Janáček.
Malgré mes a priori, j'ai beaucoup apprécié ce spectacle léger et espiègle. Lors du premier acte, le ruban rose est un accessoire dont se servent merveilleusement bien les interprètes. On se demande comment ils font pour ne pas se perdre dans les nœuds. Dans la deuxième scène, une très pittoresque scène menée par un danseur à la flûte (Michaël Lafon). Quand Alain s'empare de l'instrument, l'orchestre se met à jouer faux. La danse des moissonneurs évoque un manège, chacun tenant un ruban relié à un poteau. Dans une scène voisine, Lise est au centre des villageoises et tient leur ruban tandis qu'elles tournent autour d'elle. C'est complètement inhumain de faire ainsi des pointes sur un seul pied d'appui ! Au cours de ces réjouissances, on aura vu la fameuse Danse des sabots de la Mère Simone.
Un orage force la compagnie à rentrer chacun chez soi. La mère Simone essaie de garder Lise sous clef, mais Colas parvient à entrer par la ruse. Il faut bien le cacher quelque part quand Simone revient à la maison. Lise semblant fiévreuse, Simone la fait se reposer dans sa chambre, où Colas s'est caché. Le père d'Alain viennent signer les papiers du mariage de Lise. Quand Alain ouvre la porte de la chambre de Lise, on voit paraître Lise et Colas enlacés ; il est encore temps de déchirer le contrat et d'envisager un différent mariage. Quand la noce s'est retirée, Alain reparaît pour mettre la main sur l'objet qu'il avait oublié : son inséparable parapluie rouge.
Je suis retourné hier soir pour votre une nouvelle représentation. J'étais persuadé d'avoir choisi deux distributions différentes (j'avais en particulier noté le nom de Myriam Ould-Braham dans le rôle de Lise), mais les deux rôles principaux reviennent aux mêmes interprètes que la veille. Je ne m'en serai rendu compte qu'au lever de rideau. En effet, une désorganisation inadmissible à mon étage fait qu'avec une douzaine d'autres spectateurs arrivés dix bonnes minutes avant le début qui partageront mon sort, la porte de ma loge ne sera ouverte qu'après que les lumières intérieures auront été éteintes, le chef salué et l'ouverture commencée. Deux ouvreuses pour cet étage, ce n'est peut-être pas assez...
Voir le même spectacle sous deux angles différents procure des impressions diverses. Pour ce spectacle, si j'étais un peu moins haut et plus près le lendemain, je ne voyais pas les parties excentrées de la scène. Je n'ai pas non plus fait attention aux mêmes détails. Alors que la première fois j'avais remarqué la distribution de pièces de monnaie aux moissonneurs et la tentative de Lise pour en récupérer une, je n'y ai pas fait attention le lendemain. Jeudi, j'avais été surpris par le coup de théâtre de la ruse de Colas pour rejoindre Lise, le lendemain, il n'y avait plus de surprises, et mon angle de vue ne me permettait pas d'ignorer qu'il était entré avec les moissonneurs.
Ailleurs : Palpatine y a consacré trois billets 1, 2, 3, et cela a totalement bouleversé sa vie à jamais (je serais bien allé voir Mathilde Froustey dans ce rôle, mais il ne restait plus que des places à 65€ quand j'ai regardé.)
2009-07-09 14:15+0200 (Orsay) — Culture — Musique — Lectures — Culture indienne — Voyage en Inde VII
Le premier roman de Paul Vacca La petite cloche au son grêle a remporté le Prix Biblioblog du roman 2009. Je suis aussi très content de la deuxième place de Laver les ombres de Jeanne Benameur.
⁂
J'ai passé une semaine en Allemagne, au Mathematisches Forschungsintitut Oberwolfach. Quelques innovations culinaires intéressantes par rapport aux dernières fois, comme une entrée tricolore (vert, blanc, rouge) faite d'un curieux mélange entre morceaux de pommes, des groseilles, etc. Au retour, j'ai eu quelques heures à passer à Strasbourg, ce qui m'a permis de visiter la cathédrale.
⁂
J'ai presque terminé mon écoute de ma semi-intégrale
Haydn. Le moins que l'on puisse dire est que cela aura été moins
déplaisant que celle de mon intégrale Mozart (cependant, j'ai eu quelque
mal à supporter la symphonie parisienne nº82 L'Ours
). Il ne me reste
plus qu'on opéra La fedeltà premiata et, le meilleur pour la fin,
les oratorios Die Schöpfung et Die Jahreszeiten.
⁂
Je suis en train de terminer ma lecture de deux formidables romans en vers : The Golden Gate de Vikram Seth (en version originale) et Eugène Onéguine d'Alexandre Pouchkine (dans la traduction d'André Markowicz).
⁂
Je suis aussi en train de préparer mon septième voyage en Inde. L'itinéraire prévu est Delhi-Amritsar-Varanasi-Allahabad-Gwalior-Agra-Chittorgarh-Ajmer-Jodhpur-Jaisalmer-Delhi.
2009-06-23 03:13+0200 (Orsay) — Culture — Musique — Opéra
Opéra Comique — 2009-06-19
Anna Caterina Antonacci, Carmen
Andrew Richards, Don José (actes 1 & 2)
Fabiano Cordero, Don José (actes 3 & 4)
Anne-Catherine Gillet, Micaëla
Nicolas Cavallier, Escamillo
Virginie Pochon, Frasquita
Annie Gill, Mercédès
Françis Dudziak, La Dancaïre
Vincent Ordonneau, Le Remendado
Matthew Brook, Zuniga
Riccardo Novaro, Moralès
Simon Davies, Lillas Pastia
Lawrence Wallington, Un guide
Sir John Eliot Gardiner, direction musicale
Adrian Noble, mise en scène
Mark Thompson, décors et costumes
Jean Kalman, lumières
Orchestre Révolutionnaire et Romantique
The Monteverdi Choir
Maîtrise des Hauts-de-Seine
Carmen, Georges Bizet
Je suis allé ce soir à l'Opéra Comique pour assister à une représentation de Carmen. Après Zoroastre et Le Roi malgré lui, cet opéra complète la série des trois opéras que j'avais décidé d'aller voir cette année à l'Opéra Comique. Les trois ont été de grandes réussites. J'y retournerai un peu plus souvent l'an prochain.
Avec La flûte enchantée, Armide et Werther,
Carmen était un des opéras de la saison que j'attendais le plus.
N'ayant alors pas trop d'idées sur les qualités respectives des places de
la Salle Favart, j'avais pris à l'ouverture des réservations l'an dernier
une place dans une très bonne catégorie afin d'être tranquille. Un premier
rang de loge de côté (en fait presque de trois-quarts) au deuxième balcon
(qui serait le premier balcon si le premier balcon avait été appelé
corbeille
).
Bien sûr, je voulais voir Anna Caterina Antonacci dans ce rôle. Depuis
Agrippina en 2003, c'est probablement la chanteuse que j'aie le
plus souvent entendue en concert : sept fois. Dès que Sir John Eliot
Gardiner a posé le pied devant son pupitre, il commence à diriger le
prélude sans même attendre que les applaudissements se soient dissipés.
Après que le rideau sur lequel est écrit Carmen
en lettres rouge
sang s'est levé, le premier acte commence avec le chœur Sur la place,
chacun passe dont j'aime particulièrement la sonorité des premières
notes. Puis, après l'apparition de Micaëla à la recherche de José viendra le
chœur des gamins, qui, contrairement à ce que j'avais noté, n'est pas
interprété par le chœur Sotto Voce, dont je parlais dès le
début de ce weblog, mais par la Maîtrise des Hauts-de-Seine. Les
costumes, les loques, que portent les enfants nous transportent dans un
quartier pauvre de Séville, où les luisantes cigarières en tenue
décontractée s'affairent en sous-sol. Quand la cloche aura sonné,
Carmen finira par paraître et l'ardent jeu de la séduction pourra commencer
avec l'air L'amour est un oiseau rebelle, etc.
Le décor est en forme de fer à cheval rouge, placé à l'étage. On peut se figurer qu'il s'agit de l'enceinte d'une arène, ce en quoi le décor se transformera effectivement au quatrième acte (même si l'arène où brillera Escamillo sera en réalité hors-scène). La mise en scène d'Adrian Noble est excellente. On y trouve de superbes mouvements d'ensemble des chœurs. Dans ce genre, la scène qui suit le moment où Carmen a blessé au visage le Manuelita est impressionnante. Le combat d'Escamillo et de José à l'arme blanche est très bien chorégraphié, Nicolas Cavallier (Escamillo) ferait presque penser à Jean Marais. Sa façon de chanter ce rôle d'Escamillo, torero matamore, est parfaitement adaptée. Un petit bémol au sujet des souliers des choristes : en frappant le sol, ils faisaient vraiment trop de bruit, au point de gêner certains passages musicaux, fussent-ils secondaires.
Anna Caterina Antonacci m'enthousiasme toujours autant. Sa diction française est impeccable. Elle joue aussi très bien la comédie. Elle est secondée par Andrew Richards (Don José), qui sera remplacé pour les deux derniers actes par un ténor brésilien dont je n'ai pas retenu le nom. C'est dommage qu'il ait dû renoncer, je l'aimais bien. Toutefois, il aura un peu manqué de puissance pendant son duo avec Micaëla (Anne-Catherine Gillet). Dès le début de l'opéra, cette dernière me fait une très bonne impression. Mais le meilleur est à attendre : au troisième acte, elle est éblouissante dans Je dis que rien ne m'épouvante, le plus bel air de l'opéra. Une voix puissance capable d'exprimer de riches émotions.
Bref, un formidable spectacle, qui passera dans certains cinémas le 25 juin et sera diffusé sur France Musique le 30 juin.
Ailleurs : Akynou.
2009-06-19 23:54+0200 (Orsay) — Culture — Musique — Théâtre
Opéra Comique — 2009-06-19
Chloé Réjon, Carmen
Bruno Blairet, Don José
Antonio Moya, guitare et direction musicale
Tomas de Perrate, chant flamenco
José Villalba Barrionuevo, Luis Ramirez, clarines, trompettes
Gaspard Fernandez, percussions
Juliette Deschamps, mise en scène et adaptation, décors
Miquel Barceló, décors
Dominique Bruguière, lumières
Macha Makeïeff, costumes
Rouge, Carmen
Je reviens de la première représentation de Rouge, Carmen à l'Opéra Comique. Ce spectacle, créé en 2008, est une adaptation théâtrale par Juliette Deschamps de la nouvelle de Prosper Mérimée pour deux comédiens, Chloé Réjon (Carmen), Bruno Blairet (Don José) et un petit ensemble de musique flamenco.
Cette adaptation est bien plus proche de la nouvelle que ne l'est l'opéra de Bizet. Dans la nouvelle, un savant, en fait Mérimée lui-même, est à la recherche de vestiges de la bataille de Munda. Il rencontre un condamné à mort, Don José, qui lui raconte son histoire. Dans ce spectacle, point de prologue, Don José s'adresse directement au spectateur. Il se souvient. Le ton est résolument celui de la narration : les passés simples et les imparfaits du subjonctifs ont été conservés, ce qui n'est pas pour me déplaire. Quand il est directement question de Carmen, celle-ci paraît sur le décor fait d'un grand disque incliné recouvert de sable. Les musiciens sont également comédiens ; ils participent à l'action quand la scène l'impose. Le lyrique chant flamenco apporte quelques respirations dans la tragédie, accentuant la douleur des personnages.
Ce spectacle est vraiment original dans sa composition. Il nous ramène à l'histoire première de Carmen, avant qu'elle fût adaptée par Meilhac et Halévy. Si je n'ai pas été subjugué, j'ai apprécié le texte, un peu la musique (ça doit être la première fois que je vois de la musique flamenco) et la performance des deux comédiens. Quelques hurluberlus ont poussé des huées lors des saluts.
2009-06-06 03:37+0200 (Orsay) — Culture — Musique
Cité de la musique — 2009-06-04
Bernarda Fink, mezzo-soprano
Il Giardino Armonico
Giovanni Antonini, direction
Symphonie en la mineur La passione di Gesu Signor Nostro, Antonio Caldara
Passacaglio in sol, Biagio Marini
Pianto della Madonna sur le Lamento d'Arianna, Claudio Monteverdi
Concerto madrigalesco en ré mineur RV 129, Antonio Vivaldi
Sonate en mi bémol majeur Al Santo Sepolcro RV 130, Antonio Vivaldi
Sento già mancar la vita, air extrait de Il martirio di san Lorenzo, Francesco Conti
Sonate en do mineur, Johann Georg Pisendel
Prélude et fugue en mi bémol majeur pour luth, Silvius Leopold Weiss
Symphonie en si mineur Al Santo Sepolcro RV 169, Antonio Vivaldi
Il pianto di Maria, cantata da cantarsi dinanzi al Santo Sepolcro, Giovanni Battista Ferrandini
Avant-hier, deuxième spectacle à la Cité de la Musique après les Vingt-quatre heures du râga. Des œuvres plus baroques les unes que les autres par Il Giardino Armonico dirigé par Giovanni Antonini, et pour les parties vocales, la mezzo-soprano Bernarda Fink, dont je ne me lasse pas d'écouter les quelques enregistrements en ma possession (notamment Orfeo et Euridice de Gluck où elle a le rôle d'Orfeo).
En environ cent cinquante concerts de musique classique, je n'avais
encore jamais vu ça : dans ce concert, sauf exception, l'ensemble ne s'est
pas arrêté un instant entre deux œuvres. Les lamentations de Marie sont le
thème central du programme. D'abord en latin sur une musique de Monteverdi
(Pianto della Madonna), puis en italien Sento già mancar la
vita (Francesco Conti). J'aurais peut-être apprécié encore plus si la
mezzo-soprano avait chanté un petit peu plus fort. Entr'acte. Un prélude et
fugue pour luth de Silvius Leopold Weiss, une symphonie de Vivaldi et pour
finir en beauté, une cantate intitulée Il pianto di Maria de
Giovanni Battista Ferrandini, qui d'après le programme fut longtemps
attribuée à Georg Friedrich Haendel
.
En rentrant, le RER pour Saint-Rémy se transforme sans crier gare en un train pour Robinson. Quand il est encore temps de changer à Bourg-la-Reine, un train de l'autre branche arrive concomitamment. Les trains arrivent bien sûr sur deux quais différents, séparés d'un souterrain et il ne vient pas à l'idée de la Régie de retarder très légèrement un train pour rattraper les boulettes faites en amont. Heureusement, j'arriverai juste à temps pour monter. Il faudra encore changer à Massy-Palaiseau. 1h45 pour rentrer à Orsay depuis la Cité de la Musique, c'est quand même un peu long.
⁂
Salle Pleyel — 2009-06-05
Orchestre philharmonique de Radio France
Waltraud Meier, mezzo-soprano
Svetlin Roussev, violon
Myung-Whun Chung, direction
Sérénade d'après Le Banquet de Platon pour violon, cordes, harpe et percussions, Leonard Bernstein
Sarabande, Bach
Poème de L'Amour et de la Mer, opus 19 pour voix et orchestre, Ernest Chausson
West Side Story, danses symphoniques pour orchestre, Leonard Bernstein
Hier soir, un concert de l'orchestre philharmonique de Radio France Salle Pleyel. J'oublierai assez vite la première partie, Sérénade d'après Le Banquet de Platon, malgré le violoniste Svetlin Roussev, qui, rappelé, jouera du Bach. Entr'acte. M'étant installé au deuxième rang de deuxième balcon, les hôtes disaient à qui voulait l'entendre qu'il y avait plein de places libres à l'orchestre. Pour la première partie orchestrale, je suis resté en haut pour avoir une bonne vue sur l'orchestre. Mais, j'ai repéré des bonnes petites places pour la deuxième partie.
Pour le moment, je n'avais vu Waltraud Meier que d'assez loin à l'Opéra-Bastille, en Ortrud ou en Isolde. Je ne me suis donc pas privé de saisir l'occasion de me replacer au tout premier rang, à la dernière place qui restait, tout près du pupitre de la mezzo-soprano, offrant une quasi-parfaite contre-plongée sur elle. L'œuvre au programme est Poème de l'amour et de la mer d'Ernest Chausson. Le texte est constitué de poèmes de Maurice Bouchor. À vrai dire, je n'avais pas fait attention en faisant mes réservations ; je pensais qu'il s'agirait d'une des rares œuvres de Chausson que je connaisse : Poème pour piano et violon, opus 25. Ici, deux poèmes La fleur des eaux et La mort de l'amour séparés par un interlude. La musique fait penser à Debussy et à Wagner. Il n'était donc pas étonnant que Waltraud Meier excellât...
La dernière œuvre au programme était West Side Story, danses
symphoniques pour orchestre. Je n'ai vu ni la comédie musicale ni le film ;
je n'en connaissais que quelques extraits. Le chef Myung-Whun Chung dirige
de mémoire et ouvre même les yeux, contrairement à ce qu'il faisait avec le
Chausson. Ainsi vaut-il mieux procéder pour ne perdre pas son équilible ;
c'est que le chef swingue, se retourne vers le public pour crier
Mambo
... Interprétée par un orchestre d'un tel effectif, dont les
percussionnistes ne sont pas les moindres, cette œuvre est assez
spectaculaire.
Le concert était diffusé sur ArteLiveWeb. Il y aura peut-être des rediffusions.
2009-06-02 00:50+0200 (Orsay) — Culture — Musique — Danse
Opéra Garnier — 2009-06-01
Roland Petit, chorégraphie, mise en scène (1974)
Beethoven, Debussy, Fauré, Franck, Reynaldo Hahn, Saint-Saëns, Wagner, musique
Bernard Michel, décors
Luisa Spinatelli, costumes
Jean-Michel Désiré, lumières
Jan Broeckx, Jean-Philippe Halnaut, assistants du chorégraphe
Koen Kessels, direction musicale
Isabelle Ciaravola, Albertine
Hervé Moreau, Proust jeune
Josua Hoffalt, Morel
Aurélien Houette, Monsieur de Charlus
Christophe Duquenne, Saint-Loup
Stéphanie Romberg, Madame Verdurin
Christelle Granier, Andrée
Vladimir Kapshuk, Le chanteur (baryton)
Eve Grinsztajn, Odette
Alexis Renaud, Swann
Mathilde Froustey, piano
Daniel Stokes, violon
Stéphanie Romberg, La duchesse
Ballet de l'Opéra
Orchestre de l'Opéra national de Paris
Proust ou les intermittences du cœur, ballet en deux actes et treize tableaux inspiré du roman de Marcel Proust À la recherche du temps perdu
Avant-dernière sortie de l'année à l'Opéra. Je suis allé voir le ballet
Proust ou les intermittences du cœur de Roland Petit (1974). Je
n'ai acheté ces places qu'il y a deux semaines, la partie
Réservation
du site Internet de l'Opéra étant tombée en marche (un
peu plus tôt, le bouton Réserver
n'apparaissait pas pour ce ballet,
j'avais pensé à tort que c'était déjà complet). Au passage, j'ai dû monter
jusqu'à un tarif à 40€ : premier rang de troisièmes loges, de côté. Je
pense que je continuerai à prendre préférentiellement mes places à 20€
préférées. (La fois précédente, ma place n'était arrivée dans ma boîte aux
lettres que quelques jours après le spectacle ; j'avais cependant pu
obtenir un duplicata. Cette fois-ci, ce n'est pas passé loin vu que j'ai
reçu ma place vendredi dernier, soit deux jours après l'expédition, qui
datait d'une semaine auparavant. J'ai comme l'impression qu'il y a des
ratés...)
Le ballet s'ouvre sur une musique de Saint-Saëns, Pianistes, extrait du Carnaval des animaux. Suivrons diverses autres musiques de Reynalho Hahn, Wagner, Franck, Fauré, Debussy, Beethoven et Saint-Saëns. La musique qui m'a le plus marqué est celle du quatorzième quatuor à cordes de Beethoven pour le premier tableau du deuxième acte.
Plutôt que de raconter une histoire, ce ballet met en scène diverses impressions inspirées d'À la recherche du temps perdu. Le premier acte s'intitule Quelques images des paradis proustiens et le deuxième Quelques images de l'enfer proustien. Ces images sont très diverses : treize tableaux ! La forme est très variée aussi.
Au premier acte, on trouve en particulier une sonate pour violon et
piano de Franck où le violon est interprêté par Daniel Stokes et le piano
par Mathilde Froustey, puis Odette (Eve Grinsztajn) et Swann (Alexis
Renaud) faisant catleya
, de tendres Albertine et Andrée incarnées
par Isabelle Ciaravola et Christelle Granier, et enfin, le superbement
esthétique tableau concluant le premier acte La regarder dormir,
avec Proust jeune (Hervé Moreau) et Albertine.
Le deuxième acte est beaucoup plus sombre, commençant avec une relation compliquée entre Morel (Josua Hoffalt) et Monsieur de Charlus (Aurélien Houette). Le tableau représentant le supplice de Charlus est assez impressionnant. Les deux tableaux qui suivent sont des odes au plaisir ; le deuxième met en scène Morel et Saint-Loup (Christophe Duquenne). Dans le dernier tableau, l'ouverture de Rienzi (Wagner) sonne comme une musique militaire ; La Grande Guerre a passé. Les personnages de la Duchesse de Guermantes et de Proust lui-même viennent clore le ballet.
C'est un beau spectacle, très varié comme je l'ai dit plus haut, à la fois au niveau de la danse et de la musique (cela fait drôle de voir tous les musiciens de l'orchestre sauf quatre s'arrêter pour entendre un quatuor à cordes). Cela dit, j'avais bien davantage apprécié Les enfants du paradis et Onéguine.
Je n'ai pas encore lu Proust. Cela risque d'attendre quelques années : il n'est pas encore dans ma PAL, c'est dire.
2009-05-25 09:45+0200 (Orsay) — Culture — Musique — Lectures — Culture indienne
J'ai fini il y a quelques jours ma lecture de Quatuor de Vikram Seth. Ce roman, qui a pour thème principal la musique, est excellent. J'ai rédigé mes commentaires pour le Biblioblog. Sur ma lancée, je viens de commencer son roman en vers The Golden Gate, dans sa version originale qui était dans ma bibliothèque depuis un moment plutôt que dans la traduction française qui vient de paraître. J'ai aussi acheté Eugène Onéguine, le célèbre roman en vers de Pouchkine, dont j'ai récemment vu une adaptation en ballet et qui avait enthousiasmé Vikram Seth lors de la parution d'un traduction anglaise.
Quelques autres critiques récentes :
2009-05-23 01:19+0200 (Orsay) — Culture — Musique — Opéra
Opéra Bastille — 2009-05-22
Adina Nitescu, Tosca
Aleksandrs Antonenko, Mario Cavaradossi
James Morris, Scarpia
Wojtek Smilek, Cesare Angelotti
Christian Jean, Spoletta
Matteo Peirone, Il Sagrestano
Yuri Kissin, Sciarrone
Christian Tréguier, Un Carceriere
Stefan Solyom, direction musicale
Werner Schroeter, mise en scène
Alberte Barsacq, décors et costumes
André Diot, lumières
Alessandro Di Stefano, chef des chœurs
Monica Weitzfzelder, assistante à la mise en scène
Orchestre et Chœurs de l'Opéra national de Paris
Maîtrise des Hauts-de-Seine / Chœur d'enfants de l'Opéra national de Paris
Tosca, Giacomo Puccini
Comme Yohan, j'avais manqué Tosca l'année dernière du fait d'une grève, de RER en ce qui me concerne, alors que l'Opéra de Paris était lui aussi perturbé par un mouvement social. Cette production étant reprise pour la nième fois avec n grand cette année, j'avais inclus cet opéra à mon abonnement.
La représentation de ce soir était donc ma première occasion de voir un opéra de Puccini. J'avais déjà écouté Tosca au disque en préparation de la représentation à laquelle j'avais prévu d'assister l'année dernière, et avais aussi, plus récemment, écouté Madama Butterfly et visionné La Bohème. Ces trois opéras permettent de s'habituer au son particulier de Puccini.
Depuis mon dernier rang de premier balcon, au centre, j'ai besoin des jumelles pour distinguer quelqu'expression sur le visage des interprètes. La mise en scène et le décor ont peut être une part de responsabilité dans le fait qu'ils paraissent si petits. J'avais apprécié l'idée de réduire l'espace scénique dans Macbeth. Ici, les chanteurs évoluent dans un vaste espace sombre et austère, dépourvu d'inutile. Toutefois, le feuilletage du programme permet d'observer que la peinture de Marie-Madeleine (premier acte) est plus jolie que dans certains passages précédents de cette production !
Le drame se passe au moment de la bataille de Marengo. Scarpia lutte contre les républicains, comme Angelotti, que Cavaradossi a caché (pas pour longtemps, il se suicidera quand il sera découvert), mais il est en fait plus intéressé par Tosca, l'amante de Cavaradossi, et il fera pression sur elle en le torturant puis en la poussant à lui offrir son corps pour qu'il épargne Cavaradossi. Après lui avoir fait signer un laissez-passer, elle le poignarde. Le lendemain, à l'aube, un simulacre d'exécution de Cavaradossi doit avoir lieu. En fait, les balles sont réelles, Cavaradossi ne se relève pas ; Tosca, qui est maintenant recherchée pour le meurtre de Scarpia, se suicide.
Les trois rôles principaux de Tosca sont Floria Tosca (Adina Nitescu), Mario Cavaradossi (Aleksandrs Antonenko) et Scarpia (James Morris). J'ai apprécié les trois chanteurs et parmi eux tout particulièrement Adina Nitescu. Peut-être davantage encore que le chant, j'ai aimé la musique de Tosca, une continuité parsemée de leitmotivs.
2009-05-13 23:08+0200 (Orsay) — Culture — Musique — Danse
Opéra Garnier — 2009-05-12
John Cranko, chorégraphie, mise en scène (1965)
Piotr Ilyitch Tchaikovski, musique
Kurt-Heinz Stolze, arrangements et orchestration
Jürgen Rose, décors et costumes
Steen Bjarke, lumières
Reid Anderson, Jane Bourne, répétitions
James Tuggle, direction musicale
Nicolas Le Riche, Onéguine
Aurélie Dupont, Tatiana
Mathias Heymann, Lenski
Mathilde Froustey, Olga
Karl Paquette, Le Prince Grémine
Ballet de l'Opéra
Orchestre de l'Opéra national de Paris
Onéguine, ballet en trois actes de John Cranko d'après Eugène Onéguine d'Alexandre Pouchkine
Si on m'avait dit il y a dix ans qu'en 2009, j'irais régulièrement à l'Opéra, je ne l'aurais pas cru. Qu'on m'eût annoncé que j'apprécierais même de voir des ballets et j'aurais pris le messager du futur pour un fou.
Après avoir apprécié Les enfants du paradis et 希尔薇娅 il y a quelques mois, je me suis décidé à acheter une place pour Onéguine, ballet de John Cranko sur une musique de Tchaïkovski. M'y étant pris un peu tard et n'étant pas encore assez balletomane pour dépenser plus de 20€ dans un ballet, je n'ai pas eu d'autre choix que d'expérimenter un nouveau placement à Garnier : les baignoires. Ces sortes de loges sont situées en dessous de la corbeille. Au prix payé, je n'ai le droit qu'au deuxième rang, ce qui réduit sensiblement l'angle de vue. Plus une baignoire est proche de la scène, plus elle est excentrée et proche d'un pilier. Il était agréable d'être aussi près de la scène, je n'ai pas eu à sortir mes jumelles, mais en contrepartie, la danse sortait parfois de mon champ de vision.
La proportion de Japonaises dans le public est plus élevée qu'à Bastille. Appartenant à cette catégorie, ma voisine a eu un air de terreur à l'idée d'entrependre la folle initiative de se décaler pour rejoindre une moins bonne place, me demandant même l'autorisation de le faire ; je lui ai plutôt suggéré d'avancer sa chaise d'un bon mètre afin de voir mieux (la chaise avait dû être reculée pour permettre aux spectateurs du premier rang de passer).
La musique de Tchaïkovski n'est en rien celle de son opéra Eugène Onéguine ; des morceaux d'autres œuvres ont été assemblés et orchestrés par Kurt-Heinz Stolze pour ce ballet de Cranko en 1965/1967. L'histoire est assez simple : deux sœurs, Olga et Tatiana, s'éprennent l'une du poète Lenski, l'autre d'Eugène Onéguine. L'amour d'Olga est partagé, celui de Tatiana ne l'est qu'en rêve : Onéguine va jusqu'à déchirer la lettre d'amour que Tatiana lui a écrite. Lors d'un bal, Eugène danse un peu trop avec Olga, ce qui provoque l'ire de Lenski qui le provoque en duel. Lenski est abattu d'un coup de pistolet. Des années plus tard, Tatiana est l'épouse du prince Grémine qui organise un bal où se rend Eugène. La situation de départ est inversée : c'est lui, avouant enfin son amour, qui donne une lettre à Tatiana ; la raison finit par l'emporter sur l'amour de Tatiana : elle déchire la lettre.
Les deux rôles principaux étaient hier soir dansés par les étoiles Nicolas Le Riche (Eugène) et Aurélie Dupont (Tatiana). Ils ont deux merveilleux pas de deux, au premier acte dans le rêve de Tatiana et pendant le tumultueux troisième acte. Le programme vendu 10€ date déjà un peu puisque Mathias Heymann y est encore annoncé comment premier danseur : en même temps qu'Isabelle Ciaravola, il a été nommé étoile à l'issue de la première représentation (16 avril). Sa partenaire est Mathilde Froustey (Olga). L'un comme l'autre sont enthousiasmants. Dans un rôle plus martial, Karl Paquette est le prince Grévine.
⁂
J'ai commencé mon écoute de la semi-intégrale Brilliant de
Haydn il y a
un peu plus de deux mois. J'en ai déjà écouté la moitié. Je ne suis
vraiment pas mécontent de cet achat. On a peu de chance d'être déçu en
tirant au hasard une symphonie ou un quatuor à cordes, par exemple, le
quatuor en la majeur opus 20 nº6 (Hob.III:36), qui est le préféré de Michael,
narrateur de Quatuor, l'excellent roman de Vikram Seth que je suis
en train de lire. Malgré le son du piano-forte, j'ai apprécié le trio pour
piano en sol majeur (Hob.XV:25) et surtout son dernier mouvement Finale:
Rondo, in the gypsy style
.
2009-05-12 00:36+0200 (Orsay) — Culture — Musique — Opéra
Théâtre des Champs-Élysées — 2009-05-11
Susan Gritton, soprano (Philidel, Nereid, Venus)
Deborah York, soprano (Philidel, Cupid, Nereid, She)
Mélodie Ruvio, mezzo-soprano
Anders J. Dahlin, haute-contre
James Gilchrist, ténor (Comus)
Andrew Foster-Williams, basse (Grimbald, Genius, Aeolus, Pan, He)
Le Concert Spirituel
Hervé Niquet, direction
King Arthur, Henry Purcell.
Je reviens du Théâtre des Champs-Élysées où avait lieu ce soir une représentation du King Arthur de Purcell, avec le Concert Spirituel dirigé par Hervé Niquet, dont j'avais apprécié l'interprétation de la Messe en si mineur l'année dernière Salle Pleyel.
La terminologie de semi-opera
semble très bien choisie.
Comme les passages parlés de l'œuvre originale ne sont pas représentés, il
ne reste plus grand'chose qui ait un rapport avec l'épopée du roi Arthur.
Dans les passages musicaux qui restent, ce thème ne semble plus qu'un
prétexte pour invoquer Woden et Thor, dieux des Saxons et quelques divinités
classiques comme Amour, Pan ou Éole, et surtout pour glorifier
l'Angleterre, d'une façon qui frise parfois le ridicule :
Quoique la réputation de la Toison de Jason soit ancienne,
La laine anglaise vaut son pesant d'or ;
Aucune mine ne regorge davantage de richesses.
Elle protège les paysans du froid
Et procure ainsi la pourpre de Tyraux rois.
(Traduction Yvette Gogue, Erato)
Les solistes Susan Gritton, Deborah York, Anders J. Dahlin (qui fut Zoroastre récemment), James Gilchrist, Andrew Foster-Williams et Mélodie Ruvio (soliste du chœur) sont tous spécialistes de la période baroque. C'était un plaisir de les entendre et leur visage trahissait le plaisir de chanter cette œuvre. Certains passages font penser à de beaux oratorios anglais, mais parfois, on pourrait aussi bien s'imaginer à Versailes.
Parmi les moments inoubliables, le Génie du froid, initialement grelotant, réchauffé par Cupidon au troisième acte, ou la chanson à boire du cinquième acte (les membres du chœurs goûtant alors ostensiblement quelque breuvage). Une autre plaisanterie du même genre, au début du quatrième acte : avant que deux sirènes ne commencent à chanter quelque air marin, un drôle d'instrument manipulé par le percussionniste fait un bruit qui évoque sans doute le vent, le son enregistré d'un goéland se fait entendre et Hervé Niquet fait mine d'essuyer une déjection sur son costume.
Je ne connaissais pas cette œuvre de Purcell. Je l'ai beaucoup appréciée. Le public, très nombreux, aussi, apparemment.
2009-04-30 03:00+0200 (Orsay) — Culture — Musique — Opéra
Opéra Comique — 2009-04-29
Jean-Sébastien Bou, Henri de Valois, roi de Pologne
Magali Léger, Minka
Franck Leguérinel, Le duc de Fritelli
Sophie Marin-Degor, Alexina, duchesse de Fritelli
Gordon Gietz, Le comte de Nangis
Nabil Suliman, Laski, grand palatin
Didier Roussel, Basile, aubergiste / Liancourt
Brian Bruce, Elbeuf
Paolo Stupenengo, Maugiron
Jean-François Gay, Le comte de Caylus
Grégoire Guérin, Le marquis de Villequier
Jacques Gomez, Un soldat
Olivier Sferlazza, Bruno Andrieux, Jean-Benoît Terral, Comédiens
William Lacey, direction musicale
Laurent Pelly, mise en scène et costumes
Agathe Mélinand, dramaturgie et remise en forme du livret
Bernard Legoux, décors
Joël Adam, lumières
Lionel Hoche, collaborateur aux mouvements
Alan Woodbridge, chef de chœur
Chœurs de l'Opéra de Lyon
Orchestre de Paris
Le Roi malgré lui, Emmanuel Chabrier
Ah, si cela pouvait toujours être ainsi. Le Roi malgré lui est un très beau spectacle d'opéra, qui passe ces jours-ci à l'Opéra Comique. Merci à Kozlika de m'avoir suggéré d'y aller.
Il s'agit d'un opéra d'Emmanuel Chabrier sur un livret d'Émile de Najac
et de Paul Burani, inspiré de la pièce de théâtre du même nom d'Ancelot. Le
programme du spectacle indique que cette pièce était de
Marguerite-Louise-Virginie Ancelot, alors que sur le microfilm
d'une édition à la BnF, le nom de l'auteur indiqué est M.
Ancelot
et conformément catalogué au nom de
Jacques-Arsène-François-Polycarpe Ancelot, son mari. C'est curieux.
Afin de me préparer à cette représentation, lors de précédentes visites
à la BnF, j'avais lu le livret de cet opéra puis le texte de la pièce. Je
ne comprends pas pourquoi ce livet est critiqué (jusque dans le programme).
L'opéra est très quiproqué. Voici deux passages que j'avais trouvé très
drôles ; le deuxième a été remis en forme
par Agathe Mélinand pour
cette production :
Nangis
Nangis ! Mais c'est...
Henri, s'avançant et l'interrompant
La ruse est subtile
De passer pour moi !
Mais ruse inutile,
C'est moi, Nangis ! C'est vous, le roi !⁂
Minka
Tout à l'heure, ici même, madame la duchesse de Fritelli croyait que le roi était mort.
Nangis
Que dis-tu là ! Grand Dieu... qu'est-il arrivé. (Haut.) Courons Minka. Il me faut la preuve que c'est là une erreur...
Minka
Mais la preuve, monseigneur, je l'ai, puisque vous êtes vivant !
Petit résumé : Henri de Valois a été choisi par les Polonais pour devenir leur roi. Il y va à reculons. Un complot est ourdi par le grand palatin Laski pour le chasser et mettre je ne sais plus quel archiduc sur le trône. Sa nièce Alexina fut l'amante du roi incognito à Venise et il l'abandonna. Elle veut se venger de lui, bien qu'elle l'aime encore. Elle embrigade son mari dans le complot, c'est Fritelli, le grand chambellan d'Henri. Nangis, l'ami le plus fidèle d'Henri, s'est épris de Minka, l'esclave de Laski, qui vient au séjour du roi pour dénoncer le complot. C'est Henri, qui doit rester incognito jusqu'au sacre, qui la reçoit. L'idée d'un complot contre lui lui plaît, il décide de rejoindre les conjurés en se faisant passer pour Nangis, qu'il emprisonne. Nangis, le vrai, s'évadera et les conjurés réunis chez Laski se retrouveront avec deux personnes prétendant être Nangis. Les rôles sont inversés. Nangis prend son nouveau rôle de roi très au sérieux. Les conjurés ont peur des représailles d'un Henri qui reviendrait en Pologne avec une armée, ils préfèrent le tuer. Henri promet de se tuer lui-même. Nangis s'échappe encore une fois grâce à Minka qui le prend pour le roi. Le lendemain, Henri croit qu'il peut s'en aller avec le carosse qui avait été réservé par les conjurés. La réservation a été annulée quand il fut décidé de tuer Henri. Alexina, dont l'amour pour Henri, a repris le dessus, a fait en sorte que l'archiduc reparte en lui annonçant que le complot avait été mis au jour. Rien ne s'oppose plus à ce que Henri soit couronné, mais on le croit mort assassiné par Nangis (enfin Henri). Alexina essaie de fuir avec son cher assassin, mais tout est découvert. Vive le roi de Pologne ! Minka et Nangis sont mariés. Henri invite Fritelli, et donc son épouse, à le rejoindre à la cour.
C'est peut-être un peu compliqué, mais tellement drôle et vaudevillier. Le livret est bien supérieur au texte de la pièce de théâtre, dont la fin en queue de poisson était bâclée. Dans l'opéra, la fin s'étend sur un troisième acte supplémentaire. Quelques éléments ont de plus été ajoutés dans l'intrigue de façon à créer des situations bien plus amusantes. Ainsi, dans la pièce, Alexina était une orpheline, dont le tuteur, noble, avait été proscrit par les Médicis. Elle n'avait jamais été en amour avec Henri ; au contraire, le combat entre sa haine et son amour fait d'Alexina un beau personnage d'opéra. Le chambellan de Henri était français, aucunement lié à Alexina. En faire un personnage italien ajoute encore une dose de comique, d'autant plus qu'il doit gérer des intérêts contradictoires : le complot, la liaison entre Alexina et Henri, les Français, les Polonais.
Ma place au troisième balcon, très légèrement de côté, me permettait de voir toute la scène. Les sièges sont serrés et inconfortables. Le seul problème était que je ne voyais pas les surtitres, mais comme je connaissais déjà bien le livret, je n'ai pas eu de souci pour suivre. Je ne l'avais pas remarqué la dernière fois, mais en dehors du premier balcon, les couloirs sont recouverts de motifs en forme de croix gammées (qui sont inversées à l'orchestre). La construction date d'une autre époque... À l'entr'acte, on croise pas mal de gens ornés de décorations civiles, y compris un ancien ministre de l'économie. Pour voir davantage de ministres, il faut aller au rang 15...
La mise en scène de Laurent Pelly est en accord avec la légèreté de cet
opéra. C'est très dynamique, à des années lumières d'un Deflo. Plein de
très bonnes idées. Un peu de mise en abyme. Des costumes de Polonais
emmitouflés comme des ours. Des chariots tractés qui évoquent les gondoles
de Venise. Des éléments de décors qui apparaissent subitement lors de
quelque évocation de lieu ou d'un besoin scénique : tiens, il faut que
Minka entre en trombe, faisons apparaître une grande porte. Quelques
plaisanteries, des mousquetaires évoqués, une pancarte Amour
qui
passe pendant un air où Minka chante C'est l'amour qui passe
, etc.
Pendant ces presque trois heures de spectacle, on ne s'ennuie pas !
Hormis Sophie Marin-Degor que j'avais un tout petit peu entendue, mais à peine entr'aperçue dans Le Martyre de Saint Sébastien, je voyais pour la première fois la plupart des chanteurs, plutôt jeunes, dynamiques et enthousiasmants : Jean-Sébastien Bou (Henri), Magali Léger (Minka), Franck Leguérinel (Fritelli), Sophie Marin-Degor (Alexina), Gordon Gietz (Nangis), Nabi Suliman (Laski). Je ne connaissais que l'air de Minka Il est un vieux chant de Bohème, je l'ai aimé, comme tous les airs de Minka. Le duo Minka-Alexina du troisième acte, chacune s'inquiétant pour son bien-aimé, est celui que j'ai préféré. J'ai apprécié le chœur de l'Opéra de Lyon, qui a eu plusieurs belles occasions de se mettre en valeur. Je connais très mal la musique de Chabrier. Elle s'écoute très bien. C'est souvent un peu dégoulinant et parfois à la limite de la fanfare (sans oublier le triangle hystérique), mais cela ne gâche rien.
2009-04-28 00:40+0200 (Orsay) — Culture — Musique — Opéra
Théâtre des Champs-Élysées — 2009-04-27
Anna Caterina Antonacci, soprano
Pier et Jules Fack, les enfants
François-Xavier Roth, direction musicale
Juliette Deschamps, mise en scène
Nelson Wilmotte, décors
Macha Makeïeff, costumes
Andrea Santini, maquillage, coiffure
Joël Hourbeigt, lumières
Orchestre Les Siècles
Altre Stelle
Je vis mon premier opéra, Agrippina de Händel, en 2003, dans une très belle mise en scène de David McVicar. Agrippina était chantée par Anna Caterina Antonacci. Depuis, j'évite de manquer les occasions de la voir à Paris. Les programmes annuels du Théâtre des Champs-Élysées ayant un index par interprète, j'y trouvai sans peine le spectacle Altre Stelle où Anna Caterina Antonacci interprète cinq rôles de femmes en colère, trompées ou anéanties. Il ne s'agit pas d'un récital, puisque, mis en scène par Juliette Deschamps, la chanteuse et deux enfants portent des costumes de Macha Makeïeff et évoluent dans un sombre décor de Nelson Wilmotte.
Le théâtre avait convié des spectateurs à venir écouter une présentation de ce spectacle samedi dernier, à la Comédie des Champs-Élysées. La moyenne d'âge des présents était plus élevée que la moyenne habituelle de la salle, ce qui est difficile, vu la réputation du lieu en la matière ; j'ai longtemps craint d'être le plus jeune présent. Ce fut l'occasion de mettre une tête sur le directeur Dominique Meyer (qui s'en ira bientôt diriger l'Opéra de Vienne), sur Juliette Deschamps et surtout de voir de près Anna Caterina Antonacci en costume de ville s'exprimant dans un charmant français avec un petit accent italien qui disparaît quand elle chante.
Pendant l'ouverture (Méhul), deux enfants viennent écrire à la craie
Altre Stelle
et Autres étoiles
, en majuscules accentuées, sur
les murs asymétriques du décor (des deux côtés ! merci ! il est rare que
les metteurs en scène pensent aux spectateurs placés de côté et non
ubiquistes ; pour ma part, j'étais au premier balcon, assez près du
centre), puis, une femme, présomptivement leur mère, ouvre un livre pour
leur raconter une histoire. C'est le début de la mort d'Ophélie (Berlioz).
La femme s'éloigne, change de costume, elle reparaît en Phèdre (Rameau),
puis en Armide (de Gluck, à ne pas confondre avec celle de Lully, bien que ces deux opéras soient sur le même livret).
En mesure de tuer Renaud, Enfin il est en ma puissance, elle cède
du fait de son amour naissant pour lui. Plus tard, une lettre lui apprendra
sa trahison... Quand le barbare était en ma puissance. Les ombres
projetées du fait des lumières de Joël Hourbeigt illustrent bien le fait
qu'Armide est une sorcière.
Nous aurons ensuite le droit d'entendre deux sortes de tempêtes
musicales, alors que sur la scène sévit une tempête de neige. Médée
(Cherubini) va s'en prendre à ses enfants. Au sujet des tempêtes, je suis
étonné de n'avoir pas reconnu l'air des Furies d'Orphée et
Eurydice (Gluck) ; il faudra que je regarde si cet air ne serait pas
spécifique à une des versions de cette œuvre.
Abandonnée par le fils de Vénus, c'est au tour de Didon des Troyens (Berlioz) de s'illustrer par sa superbe mort. Antonacci ayant une inclination particulière pour Berlioz, il n'est pas étonnant que ces airs soient mes préférés de ce spectacle. (Que je regrette qu'en 2003/2004, je n'allasse pas encore régulièrement voir des opéras, j'eusse pu l'entendre dans le rôle de Cassandre ; ah, il semble que cela soit sorti en DVD...). C'est tellement bien que lorsque les lumières réalisent un fondu au noir, le public se met à applaudir. Ce n'est pas tout à fait terminé. Hors scène, la chanteuse referme la boucle avec la deuxième partie de la mort d'Ophélie.
De l'orchestre Les Siècles dirigé par François-Xavier Roth, j'ai trouvé que les instruments à vent avaient un son quelque peu bizarre. Malgré ce bémol, apparemment subjectif, puisqu'une dame italienne qui m'expliquera dans le métro n'avoir pas compris le concept du spectacle me fera au contraire l'éloge de l'orchestre, ce fut un très beau spectacle, qui repasse jeudi prochain, et sera diffusé sur France Musique le jeudi 21 mai à 20h.
2009-04-25 00:49+0200 (Orsay) — Culture — Musique — Opéra
Opéra Bastille — 2009-04-24
Ramon Vargas, Riccardo
Ludovic Tézier, Renato
Angela Brown, Amelia
Elena Manistina, Ulrica
Anna Christy, Oscar
Etienne Dupuis, Silvano
Mischa Schelomianski, Sam
Scott Wilde, Tom
Giudice, Giudice
Nicolas Marie, Servo d'Amelia
Renato Palumbo, direction musicale
Gilbert Deflo, mise en scène
William Orlandi, décors, costumes
Joël Hourbeigt, lumières
Micha van Hoecke, chorégraphie
Alessandro Di Stefano, chef des chœurs
Orchestre et Chœurs de l'Opéra national de Paris
Un bal masqué, Guiseppe Verdi
Je reviens de l'Opéra Bastille où j'ai vu une représentation d'Un bal masqué de Verdi. Première déception en entrant : Deborah Voigt est remplacée par Angela Brown dans le rôle d'Amelia. Je n'avais vu aucune de ces deux sopranos américaines auparavant et n'avais pas d'autre inclination que celle, a priori, liée à la plus grande notoriété de Deborah Voigt. Comme j'avais prévu de voir l'une dans un mois et l'autre ce soir, ce remplacement fait échouer mes plans. Une surprise agréable, néanmoins : en Renato, la brochure de l'Opéra de Paris avait annoncé Frank Ferrari, mais c'est Ludovic Tézier qui est venu.
Lors de mon opéra précédent, j'avais été un peu déçu du grossissement de mes jumelles (3×), ce qui n'est pas terrible quand on est au deuxième balcon. Je rachetai donc une autre paire, d'une vingtaine d'euros, de masse semblable et surtout ayant un grossissement triple. Elle se tient un peu mieux en mains, ce qui est heureux parce qu'avec ce grossissement, il ne vaut mieux pas trop bouger. J'avais hâte de l'essayer.
Ma place était à la galerie nº3, premier rang, place une. Cette galerie, ainsi que la symétrique, doit être le meilleur endroit pour se faire une vue d'ensemble du théâtre. Acoustiquement, c'est aussi un endroit privilégié pour entendre les toussotements, d'où qu'ils viennent. Les barreaux du rebord gênent cependant la vue sur une bonne partie de la scène. On peut soit regarder à travers la quadrillage (en profitant de sa vision stéréoscopique pour voir à travers les barreaux), soit se mettre une cale dans le dos pour s'installer sur l'avant du siège et regarder par dessus la rambarde. Globalement, je trouve que c'est plutôt une bonne place.
Ayant eu le temps de lire le synopsis en quatrième vitesse, j'ai pu délaisser les surtitres et profiter de ce que mes jumelles me permettaient de voir les chanteurs en beaucoup plus gros qu'avec les précédentes ! Ramon Vargas occupait presqu'entièrement l'angle de vue. Leur utilisation depuis les places que j'occupe habituellement et sensiblement plus éloignées devrait s'avérer très confortable.
Les chanteurs des rôles principaux sont très bons. Ramon Vargas en Riccardo, Angela Brown en Amelia et surtout Ludovic Tézier en Renato, le meilleur ami du gouverneur Riccardo, qui se joint aux conjurés pour l'assassiner quand il découvre son idylle avec Amelia, qui est son épouse. Un beau tableau met en scène séparément Amelia, Riccardo (et un marin) auprès de la sorcière Ulrica (Elena Manistina) qui leur révèle à chacun leur futur. Dans le rôle travesti d'Oscar, le page de Riccardo, Anna Christy, que j'avais déjà eu l'occasion d'entendre dans le rôle de Cunegonde dans Candide, pétille.
Suite à des problèmes avec la censure, le livret situe l'action aux États-Unis d'Amérique, auxquels font penser certains décors et costumes. Très bien. Le problème est que la mise en scène est de Gilbert Deflo. Ce n'est cependant pas aussi pire que dans Luisa Miller. En dehors du tableau avec la sorcière et du dernier, les chanteurs sont trop souvent droits, immobiles face à la salle. Je ne sais pas ce qui a pris à une partie du public d'applaudir au dernier tableau quand le rideau s'est ouvert sur la scène du bal masqué. Il y avait là une belle mise en place et une gracieuse chorégraphie qui commençait, mais de là à applaudir alors que l'orchestre joue, cela devient vraiment n'importe quoi ; ce n'est pas comme si le public avait été préparé à une extase collective par une préalable succession de tableaux superbement mis en scène.
2009-04-24 01:23+0200 (Orsay) — Culture — Musique
Église Saint-Roch — 2009-04-23
Gerlinde Sämann, soprano
Petra Noskaiová, alto
Christoph Genz, ténor
Jan Van der Crabben, basse
La Petite Bande
Sigiswald Kuijken, direction, violon et viola da spalla
Cantate Halt im Gedächtnis Jesum Christ, BWV 67 ;
Cantate Ich bin ein guter Hirt, BWV 85 ;
Cantate Weinen, Klagen, Sorgen, Zagen, BWV 12 ;
Encore un concert à Saint-Roch, cette fois-ci pour écouter des cantates
de Pâques par la Petite Bande. Le programme étant plutôt court, afin
que nous en eussions pour notre argent, le chef Sigiswald Kuijken fit un
discours plutôt long pour introduire les trois cantates au programme,
toutes très belles, en expliquant le contexte liturgique, et déplorer que
cette connaissance se perde en mentionnant un sondage montrant que les
jeunes Allemands ignorent si Noël célèbre la naissance ou la mort du
Christ. Il fit également la digression maintenant habituelle sur le violoncello
da spalla, ou le petit gros-violon
, dont de nombreuses
documents attesteraient que c'était l'instrument qui était utilisé du temps
de Bach et remplacé quelques décennies plus tard par le violoncelle, placé
entre les jambes. Il
expliqua aussi que l'effectif vocal serait réduit à quatre solistes,
conformément à l'usage (ou aux contraintes) de Bach à l'époque.
Il ne mentionna pas les difficultés financières que pourrait rencontrer l'ensemble dans les prochains mois (ceci n'est pas un appel à signer la pétition sus-liée).
Si je vins à ce concert, c'était avant tout parce que la cantate BWV 12 Weinen, Klagen, Sorgen, Zagen que j'aime beaucoup était au programme. Parce que c'était La Petite Bande, et parce que cela me permet de compléter ma collection de cantates et autres œuvres vocales de Bach entendues en concert, voir chez Bladsurb :
11 12(x2) 22 23 26 36 38 46 55(x2) 56 67 68 82 85 98 101 102 106 127 135 140(x2) 146 159 180 196 199(x2) 207 214 215 225 226 227 228 229 230 232(x4) 235 243(x2) 244(x4) 245(x6) 248(x6) [la cantate 248-5 a réussi à passer entre les gouttes] 249.
Cela fait quarante-deux œuvres.
Le chef avait promis que les deux premières cantates jouées seraient très belles. Elles le furent effectivement. Il s'agissait de Halt im Gedächtnis Jesum Christ (BWV 67) dont j'appréciai particulièrement l'air de basse avec chœur Friede sei mit euch et de Ich bin ein guter Hirt (BWV 85) dont j'aimai notamment le choral Der Herr ist mein getreuer Hirt. Il est inhabituel que dans une cantate, le mouvement que j'apprécie le plus soit un choral ; c'était un choral pour alto (Petra Noskaiová) avec un superbe duo de hautbois (Patrick Beaugiraud et Vinciane Baudhuin). Dans la cantate Weinen, Klagen, Sorgen, Zagen, tous les mouvements me parurent beaux...
2009-04-14 02:41+0200 (Orsay) — Culture — Musique — Opéra
Opéra Bastille — 2009-04-13
Dimitris Tiliakos, Macbeth
Ferruccio Furlanetto, Banco
Violeta Urmana, Lady Macbeth
Letitia Singleton, Dama di Lady Macbeth
Stefano Secco, Macduff
Alfredo Nigro, Malcolm
Yuri Kissin, Medico / Domestico
Jian-Hong Zhao, Un sicario
Soliste de la Maîtrise des Hauts-de-Seine, Apparizione I
Denis Aubry, Apparizione II
Vania Boneva, Apparizione III
Jean-Christophe Bouvet, Duncan
Teodor Currentzis, direction musicale
Dmitri Tcherniakov, mise en scène, décors, costumes
Gleb Filshtinsky, lumières
Elena Zaytseva, co-costumière
Leonid Zalessky / Ninja Films, Réalisation de la vidéo
Alessandro Di Stefano, chef des chœurs
Orchestre et Chœurs de l'Opéra national de Paris
Maîtrise des Hauts-de-Seine / Chœur d'enfants de l'Opéra national de Paris
Macbeth, Guiseppe Verdi
Je reviens d'une représentation de Macbeth à Bastille. Des cinq opéras de Verdi dont j'ai assisté à une représentation, c'est celui que j'ai le moins apprécié. Dans les extraits de lettres du compositeur que contient le programme, on le trouve presque plus préoccupé par la tragédie que par la musique.
Depuis l'avant-dernier rang du deuxième balcon, je n'entends guère Dimitris Tiliakos (Macbeth). J'apprécie davantage Violeta Urmana (Lady Macbeth). Hormis les sorcières sur lesquelles je reviens plus bas, les autres personnages sont secondaires. Par exemple, Stefano Secco (Macduff) ne chantera malheureusement qu'un seul air.
Deux décors sont utilisés. Le premier occupe tout l'espace scénique disponible, contient un réverbère et est entouré d'une douzaine de maisonnettes qui ne diffèrent que par la disposition des fenêtres. C'est dans cet espace que Macbeth et Banco entendent les oracles qui les concernent et qui conduiront Macbeth à commettre plusieurs assassinats pour obtenir la couronne d'Écosse et tenter de s'y maintenir. Dans cette production, le rôle des trois sorcières est chanté par le chœur. En voyant cette première scène, je me suis demandé comment le décorateur aurait envisagé le lieu plus intime de la résidence de Macbeth : je n'imaginais pas la planification de l'assassinat de Duncan dans un aussi grand espace. La transition avec le deuxième décor se fait à la manière d'Hitchcock, revue par Google Earth. Un petit mouvement de souris, on se déplace, on zomme sur la maison de Macbeth, on en fait le tour et on s'approche enfin de la fenêtre du salon. Quand la lumière est faite, le salon occupe la moitié de la largeur de la scène. On espionne chez Macbeth par la fenêtre. On ne surprend pas des amants, mais Lady Macbeth qui commence à avoir des pensées criminelles. D'après le livret, Lady Macbeth lit au début de cette scène la lettre de son mari ; ici, je ne sais pas exactement qui la lit, mais c'était parfaitement inaudible.
Ces interventions de personnages ou d'instruments depuis les coulisses se sont répétées jusqu'à la fin. J'ai trouvé cela dommage, cela donne un peu l'impression qu'on ne savait pas où les mettre, et que par défaut, on les a laissés en coulisses ; si ce procédé n'était pas toujours injustifié, j'ai trouvé qu'il était un peu trop utilisé. L'idée de passer de trois sorcières à un chœur plus volumineux est intéressante, mais ces séquences où tout l'espace de la scène était occupée m'ont déstabilisé : quand un personnage non anonyme intervient, la mise en scène devrait nous le faire ressortir de la masse d'une manière ou d'une autre ; ici, à plusieurs reprises, je ne savais pas trop où regarder pour le voir.
Cela dit, globablement, j'ai plutôt apprécié cette mise en scène et ces décors. Parmi les choses qui m'ont plu : la scène mimée où l'on voit le roi Duncan (peut-être un peu trop méprisant pour ses hôtes), la chanson à boire où Lady Macbeth réalise des tours de magie tandis que Macbeth voit des apparitions. Il y a aussi une surprise que je ne dévoilerai pas ici.
S'il n'y avait la chanson à boire, cet opéra serait uniformément sinistre. Le compositeur ayant décidé d'éviter tout ce qui était dramatiquement superflu, on ne trouve pas moult airs agréables à écouter. Je connaissais mal cet opéra, n'ayant qu'un enregistrement techniquement nul avec la Callas. Je ne sais donc pas à quoi doit ressembler une bonne interprétation de cette œuvre ; toujours est-il que pendant le premier acte, j'ai trouvé le son de l'orchestre assez brouillon. En revanche, le syndrome de l'hydr'avion était parfaitement maîtrisé.
2009-04-09 02:00+0200 (Orsay) — Culture — Musique — Lectures — Culture indienne
Église Saint-Roch — 2009-04-08
Mikael Stenbaek, ténor (Évangéliste)
Huub Claessens, basse (Jésus)
Caroline Weynants, soprano
Clint Van Der Linde, alto
Philip Sheffield, ténor
André Morsch, baryton
Chœur de la Radio flamande
Il Fondamento
Paul Dombrecht, direction
La Passion selon Saint Jean, BWV 245, Johann Sebastian Bach.
Depuis deux jours, je n'arrive pas à faire sortir de ma tête l'air Je
veux vivre
de Roméo et Juliette (Gounod). Comme il n'y a pas
de raison que cela n'arrive qu'à moi, je vous laisse en exercice de
comparer les interprétations suivantes d'Angela Gheorghiu,
Anna Moffo,
Anne Netrebko,
Natalie Dessay,
Diana Damrau,
Barbara
Hendricks et
Lily Pons.
⁂
Rien à voir, mais chez moi, j'expérimente Firefox avec l'extension Vimperator. Ceci renforce
la cohérence entre les trois principaux logiciels que j'utilise : l'éditeur
de texte vim
, le logiciel de
courrier électronique mutt
et le navigateur Web. Et ce n'est pas tout, puisqu'au niveau du window
manager (de dinosaure, puisqu'il s'agit de fvwm
), j'ai aussi un raccourci
clavier pour faire apparaître une ligne de commande sur la dernière ligne
de l'écran.
⁂
Je suis passé à la librairie Ambikâ spécialisée sur l'Inde. J'ai réussi à n'acheter que trois livres.
⁂
J'ai passé l'après-midi à travailler à la BnF. En tant que bibliothèque mathématique destinée aux chercheurs, elle est très nettement moins intéressante que les autres bibliothèques mathématiques que j'ai fréquentées en région parisienne (IMJ, ENS, IHP, Orsay) et que les collègues étrangers nous envient, souvent.
⁂
Ce soir, j'ai assisté à ma sixième
Passion selon Saint Jean de J. S. Bach. Les chefs consécutivement
vus depuis 2003 dans la direction de cette œuvre sont Ton Koopman, Andreas
Spering, Sigiswald Kuijken, Emmanuelle
Haïm, Pierre Cao et donc Paul Dombrecht. Il me reste des souvenirs de
la plupart de ces différentes versions. Je me souviens avoir vu Sandrine
Piau et Klaus Mertens dans la première avec Ton Koopman. De la deuxième, je
me souviens d'une erreur dans le livret distribué (c'était le livret d'une
autre version de l'œuvre, le chœur introductif Herr, unser
Herrscher ayant été remplacé par le chœur qui apparaît maintenant à la
fin de la première partie de la Passion selon Saint Matthieu). La troisième
était originale en ce que le chœur y était on ne peut plus réduit (une voix
par pupitre). La quatrième était gâchée par une mise en scène
de
Robert Wilson. Dans la cinquième, Christoph Prégardien était
l'évangéliste.
Cette sixième version est assurément celle que j'ai le plus appréciée.
S'il n'y avait eu un ténor à la limite du soporifique (quel interminable
Erwäge), je serais parfaitement satisfait de ce concert. Mon
confort et mes conditions d'écoute dans l'Église Saint Roch étaient
presqu'idéales. Premier rang, un peu de côté, de la place pour les jambes.
L'estrade où les musiciens se sont installés est dans l'alignement du
transept. Pendant et après que les chanteurs ont fini de chanter, la
réverbération prolonge de son et engendre des effets saisissants, notamment
avant la partie da capo du chœur introductif où le chœur de la
radio flamande et l'orchestre Il Fondamento se sont arrêtés un
temps inhabuellement long avant de reprendre. Cela a contribué à la
solennité de la représentation, à laquelle concourait aussi le caractère
défendu des applaudissement pendant la semaine sainte et le long silence
qui suivit l'air Es ist vollbracht et les mots de l'évangéliste
Et inclinant la tête, il rendit l'âme.
.
La disposition du chœur était inhabituelle : de gauche à droite (de mon point de vue), les sopranos, les ténors, les basses, les altos (STBA), alors que la dispositions SATB est plus courante. Dans les chœurs où les différents pupitres commencent à chanter successivement, dans l'ordre basses, ténors, altos, sopranos (BTAS), comme dans le très joli Lasset uns den nicht zerteilen, sondern darum losen, wess' er sein soll, c'est un peu bizarre à suivre.
Je commence à bien connaître cette œuvre. Mon allemand biblique ne s'est pas trop perdu ; je n'avais pas de mal à suivre ce qui se passait. En dehors du Erwäge, je n'ai pas du tout eu le temps de m'ennuyer ; il s'est écoulé très vite. J'ai apprécié comme je ne l'avais éprouvé avant l'air pour alto Von der Stricken de la première partie où se répondent deux hautbois, alors que, outre la voix de la soprano, Ich folge dir gleichfalls laissent apprécier le son des flûtes.
Bref, je ne regrette pas du tout de m'être abonné cette année aux Concerts parisiens ― Philippe Maillard, dont la programmation fait une grande part à la musique baroque.
2009-04-05 11:06+0200 (Orsay) — Culture — Musique — Opéra — Danse — Théâtre — Lectures
Dans une entrée précédente, je discutais de mes impressions au sujet d'une retransmission d'une représentation de La Sonnambula, opéra de Bellini, et d'une perplexité qui avait refait surface à propos des liens familiaux supposés ou non entre Amina et le Comte Rodolfo. Entretemps, j'ai retrouvé ce que je cherchais dans les textes d'introduction de la production dont j'ai un enregistrement (Evelino Pidò, Opéra national de Lyon, avec Natalie Dessay, 2007) : la mention du fait qu'Amina était la fille naturelle de Rodolfo se serait trouvée dans une version préliminaire du livret de l'opéra.
Après avoir lu sur Gallica le texte du
ballet de Scribe et Aumer, je suis allé hier à la BnF pour consulter
d'autres sources littéraires. Ce fut l'occasion d'utiliser pour la première
fois un lecteur de microfiches ; un livre tient sur une ou plusieurs fiches
(mesurant environ 10 × 15 cm²) que l'on projète sur un écran ; c'est assez
confortable à lire, en blanc sur fond noir. J'ai ainsi lu d'une part une
analyse
du ballet par un certain M. H. (de moindre qualité que le
texte de Scribe et Aumer qui décrivait succintement chaque scène) et
d'autre part le texte de la pièce de Scribe et Delavigne dont le ballet est
inspiré (il est à noter que la pièce contenait des passages chantés). Voici
un tableau récapitulatif des correspondances :
Titre | La Somnambule | La Somnambule ou l'Arrivée d'un nouveau seigneur | La Sonnambula |
Genre | Comédie-vaudeville | Ballet-pantomime | Opéra |
Auteurs | Eugène Scribe et Germain Delavigne | Eugène Scribe et Jean-Pierre Aumer, musique de M. Hérold | Felice Romani, musique de Vincenzo Bellini |
Création | 1819, Théâtre du Vaudeville, Paris | 1827, Opéra de Paris | 1831, Teatro Carcano, Milan |
Lieu de l'action | (Non précisé) | En Provence, dans l'île de la Camargue, auprès d'Arles | Un village suisse |
La Somnambule | Cécile | Thérèse | Amina |
Son parent | M. Dormeuil, son père | Mme Michaud, meunière, sa mère adoptive | Teresa, meunière, sa mère adoptive |
Son fiancé | Frédéric de Luzy | Edmond | Elvino |
L'étranger | Gustave de Mauleon | M. Saint-Rambert | Le comte Rodolfo |
L'aubergiste | ― (Mauleon est logé dans le pavillon de Dormeuil) | Mme Gertrude | Lisa |
(Je renonce à comprendre la logique des changements de noms d'une œuvre à l'autre, et aussi l'helvétotropisme.)
L'intrigue de l'opéra est presqu'identique à celle du ballet, mais elle diffère de façon très-significative de celle de la pièce. Dans le ballet et l'opéra, un mariage se prépare entre une jeune fille dont on découvrira qu'elle souffre de somnambulisme et un jeune homme. Le contrat de mariage est signé ; la cérémonie religieuse est prévue pour le lendemain. Un étranger arrive au village où il a l'intention de passer la nuit avant de continuer sa route. Il rejoint la chambre qu'il a louée. Il flirte avec l'aubergiste qui laisse tomber son fichu et s'enfuit quand elle entend des bruits de pas. La somnambule rejoint l'étranger qu'elle prend pour son futur mari, ce qui trouble bien sûr l'étranger. La somnambule finit par s'endormir dans sa chambre. Pendant ce temps, au village, on a découvert que l'étranger était en fait le nouveau seigneur et on vient à son réveil lui manifester un joyeux accueil digne de son rang. Le scandale éclate quand on trouve la mariée dans sa chambre. L'étranger défend sa vertu en expliquant qu'elle souffre de somnambulisme. À d'autres. Son fiancé refuse de se marier avec elle et pour se venger, décide aussitôt d'épouser l'aubergiste (qui a un faible pour lui). Alors que la cérémonie se prépare, la mère de la somnambule intervient en brandissant le fichu de l'aubergiste qu'elle avait trouvé dans la chambre de l'étranger. Nouvel émoi, vite surpassé par l'arrivée de la jeune fille en état de somnambulisme. Elle se lamente sur son sort, clame son innocence et pourtant souhaite le bonheur à son ex-futur mari. Ce dernier est ému et quand elle se réveille, il lui dit qu'elle ne rêve pas et qu'elle est bien en train de voir son époux.
Dans la pièce, le personnage de l'aubergiste n'existe pas. Mauleon est hébergé dans un pavillon par Dormeuil. Mauleon est un ancien ami de Frédéric et un ancien prétendant à la main de Cécile. Elle avait refusé sa proposition le lendemain d'un bal où il avait passé la soirée à danser avec une autre ; pourtant ces deux-là s'aimaient sincèrement. Par dépit, elle avait accepté la demande en mariage de Frédéric. Quand elle voit Mauleon débarquer le jour de son mariage (il est là par hasard), elle est troublée. Quand elle le rejoint dans le pavillon en état de somnambulisme, elle semble essayer de dialoguer avec lui et d'apaiser sa conscience à propos du malentendu qui conduisit à ce qu'elle repoussât sa proposition ; bref, elle l'aime et regrette de n'avoir alors pas accepté.
Quand Frédéric entre dans le pavillon au matin, Mauleon essaie d'éviter qu'il ne regarde de l'autre côté du paravent où Cécile s'est endormie. Quand cela se produit enfin, elle a disparu : il ne reste plus que son schall. [...] La deuxième scène de somnambulisme dévoile l'amour de Cécile pour Mauleon. Frédéric, qui a déjà vu quatre de ses projets de mariage échouer, renonce à épouser Cécile et la donne en mariage à son ami. (On peut noter que dans le ballet, une renonciation hétérologue est exprimée par Mme Gertrude qui laisse Edmond épouser Thérèse ; dans l'opéra, Lisa se fait tout simplement oublier.)
Faire de Rodolfo le père d'Amina semblait être une bonne idée, puisque, de même que la passion liant Cécile à Mauleon expliquait que ses rêves et donc son somnambulisme la fît tendre vers lui, cette filiation rendait plausible qu'elle fût attirée vers lui. Cela eût aussi été cohérent avec la nostalgie qu'exprime Rodolfo dans la première scène. Cela dit, on imagine mal comment insérer cette révélation à la fin de l'opéra sans casser l'ambiance et tomber dans le ridicule qu'évoque Beaumarchais en imaginant comment écrire un Barbier de Séville qui plût à la critique :
Ce Figaro, qui pour toute famille avait jadis connu sa mère, est fils naturel de Bartholo. Le médecin, dans sa jeunesse, eut cet enfant d'une personne en condition, que les suites de son imprudence firent passer du service au plus affreux abandon.
Mais avant de le quitter, le désolé Bartholo, Frater alors, a fait rougir sa spatule ; il en a timbré son fils à l'occiput, pour le reconnaître un jour, si jamais le sort les rassemble. [...]
À l'instant, la plus touchante reconnaissance a lieu entre le médecin, la vieille et Figaro : C'est vous ! c'est lui ! c'est toi ! c'est moi ! Quel coup de théâtre.
Dans le genre, Palpatine avait relevé le ridicule des retrouvailles entre Idomeneo et Idamante dans Idomeneo de Mozart.
2009-03-26 08:31+0100 (Orsay) — Culture — Musique — Opéra — Danse
Opéra Comique — 2009-03-25
Anders J. Dahlin, Zoroastre
Evgueniy Alexiev, Abramane
Sine Bundgaard, Amélite
Anna Maria Panzarella, Érinice
Lars Arvidson, Zopire, La Vengeance
Jakob Högström, Narbanor
Gérard Théruel, Oromasès, Une voix souterraine
Ditte Andersen, Céphie
Christophe Rousset, direction musicale
Pierre Audi, mise en scène
Amir Hosseinpour, chorégraphie
Patrick Kinmonth, décors, costumes
Peter Van Praet, lumières
Bo Wannefors, chef des chœurs
Chœur et danseurs du Drottningholms Slottsteater
Les Talens Lyriques
Zoroastre (seconde version), Rameau
Je suis allé hier soir pour la première fois à l'Opéra Comique. Le
théâtre est de dimension relativement modeste par rapport à pas mal
d'autres salles parisiennes. Les toilettes sont appelées lavabos
et
sont mixtes, ce qui ne laisse d'étonner (depuis l'École normale, je n'ai
pas souvenir d'avoir vu d'autre lieu où ce soit le cas) ; robinets
malpratiques (oui, je sais, ce mot n'existe pas, mais depuis que j'ai vu
le Figaro qualifier les personnalités issues de l'Outremer
d'ultramarines
, je ne crains plus rien ; dit-on que les Américains
sont ultra-atlantiques
? je dois confondre avec
ultra-atlantistes
).
Je m'installe à ma place. Troisième et dernier rang de trois quarts du deuxième balcon. Malgré les têtes des deux rangs précédents, l'ensemble de la scène est dans mon champ de vision. Je n'ai qu'une vue partielle sur Les Talens lyriques et il me faut me lever pour apercevoir le chef Christophe Rousset qui va diriger Zoroastre (seconde version) de Jean-Philippe Rameau.
L'opéra compte quatre personnages principaux : Zoroastre (ténor), Amélite (soprano) qui s'aiment, mais qui sont menacés par l'alliance des deux amoureux déçus Abramane (baryton) et Érinice (soprano). Les deux camps font usage de la magie et de pouvoirs divins pour contrer les attaques de l'autre. Happy ending. La divinité invoquée par Zoroastre anéantit ses adversaires aux pratiques sacrificielles.
On apprend dans le programme (élégamment mis en page, avec seulement
trois pages de pub'), on apprend que Zarathushtra
ne doit pas être
traduit en étoile d'or
(comme le fait penser Zoroastre
, qui
est une francisation du nom grec), mais en celui qui a de vieux
chameaux
.
Les chanteurs, nonobstant l'origine scandinave de la plupart, donnent l'impression d'avoir parlé français toute leur vie tant la diction est correcte et le texte ainsi rendu intelligible, les sur-titres sont presqu'inutiles. Comme toujours avec Rameau, la musique est très belle et on a plaisir à écouter l'orchestre.
J'ai beaucoup apprécié la mise en scène de Pierre Audi, à laquelle la chorégraphie des parties dansées concourt harmonieusement. On l'apprécie d'autant plus que le décor est très dépouillé, à tel point que dans le dernier acte, le théâtre est nu, on se serait cru dans un film de Lars von Trier.
Ayant commencé à 20h et entrecoupée de deux entr'actes, la représentation de cet opéra en cinq actes se termine à 23h30 ; avec le RER A et la correspondance triviale à Châtelet pour le RER B, je suis chez moi à peine une heure plus tard.
Une diffusion en direct est prévue sur Radio classique le 27 mars.
2009-03-23 19:51+0100 (Orsay) — Culture — Musique — Opéra
Quand je lis ça, je me dis qu'il sera difficile de résister à l'envie de prendre un abonnement pantagruélique à l'Opéra de Paris l'an prochain...
2009-03-22 01:44+0100 (Orsay) — Culture — Musique — Opéra
La Géode, en direct du Met — 2009-03-21
Natalie Dessay, Amina
Juan Diego Flórez, Elvino
Michele Pertusi, Il conte Rodolfo
Jennifer Black, Lisa
Jane Bunnell, Teresa
Bernard Fitch, Un notaro
Jeremy Galyon, Alessio
Chœur, ballet et orchestre du Metropolitan Opera
Evelino Pidò, direction musicale
Mary Zimmermann, mise en scène
La Sonnambula, Bellini
J'étais en fin d'après-midi à la Géode pour assister en direct (ou plutôt en léger différé) du Metropolitan Opera (New-York) à une représentation de l'opéra La Sonnambula de Bellini.
Si c'était à refaire, je choisirais peut-être un cinéma ayant un écran plat, plutôt qu'un écran sphérique. La liste des cinémas français participant à ces retransmissions en direct est trouvable sur le site de CielÉcran ; le prochain opéra ainsi diffusé sera La Cenerentola de Rossini, le 9 mai ; la programmation de l'année prochaine contient quelques opéras qui promettent (Les Contes d'Offmann (sic) avec Villazón, Netrebko notamment, Hamlet avec Natalie Dessay, Simon Keenlyside).
20€, c'est bien plus cher qu'une place de cinéma. Pour ce prix-là, on peut aussi aller à l'opéra de Paris, mais il faut s'être levé tôt, pas pour aller travailler, mais pour aller faire la queue. Bref, a priori, c'est peut-être un tantinet cher.
La mise en scène de Mary Zimmermann est une mise en abyme. Le décor est celui d'une salle de répétition où on prépare une représentation de La Sonnambula. Natalie Dessay (Amina) descend les marches pour entrer sur le parquet dans un costume de star et se fait habiller. Après que la scène des fiançailles avec Juan Diego Flórez (Elvino) a été répétée, les chanteurs se mettent à l'écart du reste de la troupe et un duo d'amour lie les deux chanteurs, qui ne sont plus les Amina et Elvino de l'opéra mis en abyme. Le principe de cette mise en scène marche très bien pendant l'essentiel du premier acte. Cela se gâte à la fin de cet acte et pendant le deuxième, puisqu'on ne peut plus alors dire qu'il y ait deux histoires imbriquées l'une dans l'autre, mais seulement l'opéra de Bellini, joué dans des costumes et un décor new-yorkais plutôt que tyroliens.
La manière de filmer privilégie les gros plans sur les chanteurs, de préférence en contre-plongée depuis une caméra mouvante. Jamais sur une scène d'opéra, on ne verra les chanteurs en si grand. Même depuis les tous premiers rangs, ce n'est pas si impressionnant. Un gros couac dans la réalisation quand la caméra s'attarde interminablement sur la mère d'Amina (Jane Bunnell) alors qu'il faudrait nous montrer Lisa (la très dynamique Jennifer Black), qui ne sourit plus après que sa duplicité a été mise au jour.
Si on aime écouter de belles voix, cet opéra est un pur plaisir. Celle qui a le plus d'occasions de se mettre en valeur est celle du personnage d'Elvino, élégamment interprété par Juan Diego Flórez, qui livre prouesses sur prouesses vocales. Il occupe le devant de la scène pendant la quasi-totalité de l'opéra. De très beaux duos avec Natalie Dessay. Cependant, il faudra attendre les tout derniers numéros de l'opéra pour entendre son talent s'exprimer pleinement.
Elvino voudrait qu'on lui prouve qu'Amina ne l'a pas trompé avec le Comte Rodolfo. Amina entre sur scène. Somnambule, elle est inconsciente de la présence des autres. Elle chante son amour pour Elvino. Pendant le superbe air Ah ! no credea mirarti, une bande de parquet s'est avancée au-dessus de la fosse avec Natalie Dessay dessus ; comme cet air est plus émouvant sur scène qu'au disque ! Quand elle se réveille, Elvino, qui s'était détourné d'elle, se présente à elle en se déclarant son époux. Le chœur a revêtu des costumes tyroliens. Le ballet de l'opéra réalise des mouvements de danse de circonstance. On habille rapidement Amina et Elvino conformément au nouveau dressing code ; Amina peut se réjouir et faire partager sa joie avec l'air Ah ! non giunge uman pensiero.
Il me semblait que l'on découvrait à la fin de l'opéra que Rodolfo était le père d'Amina, ce qui expliquait qu'elle fût attirée vers lui pendant sa crise de somnambulisme. Pour essayer de trouver une explication, je suis allé lire le texte du ballet-pantomime de Scribe et Aumer intitulé La Somnambule ou l'arrivée d'un nouveau seigneur sur Gallica. Rien. Rodolfo (Saint-Rambet) est trop jeune pour avoir eu une fille en âge de se marier. J'avais probablement lu cette explication dans le texte d'introduction à l'opéra dans le coffret de CD de l'enregistrement que j'en possède.
2009-03-15 00:49+0100 (Orsay) — Culture — Musique
En janvier, je m'étais retrouvé transitoirement dans la situation où j'avais déjà écouté au moins une fois tous les disques de ma collection. J'envisageais alors quelques achats, qu'il n'y avait pas lieu de précipiter puisque j'allais partir pour un mois en Inde.
Après réception de mes dernières commandes (notamment une semi-intégrale Haydn), je m'aperçois que mes fichiers musicaux (issus de ma collection de CD et de quelques autres enregistrements, pour la plupart issus de DVD d'opéras) viennent de franchir la barre des mille heures.
Bref, j'ai maintenant environ cent cinquante heures de musique nouvelle en réserve.
2009-03-07 01:45+0100 (Orsay) — Culture — Musique — Opéra
Opéra Bastille — 2009-03-06
Rolando Villazón, Werther
Ludovic Tézier, Albert
Alain Vernhes, Le Bailli
Christian Jean, Schmidt
Christian Tréguier, Johann
Susan Graham, Charlotte
Adriana Kucerova, Sophie
Vincent Delhoume, Brühlmann
Letitia Singleton, Kätchen
Kent Nagano, direction musicale
Jürgen Rose, mise en scène, décors, costumes, lumières
Michael Bauer, lumières
David Coleman, études musicales
Martina Weber, assistante à la mise en scène
Gaël Darchen, chef des chœurs
Orchestre de l'Opéra national de Paris
Maîtrise des Hauts-de-Seine / Chœur d'enfants de l'Opéra national de Paris
Werther, Massenet
Ah, donc, vous voulez voir Villazón ?
Voilà ce que me demandait
au téléphone un employé de l'Opéra de Paris au moment de finaliser mon
abonnement. Je répondis par l'affirmative et au lieu de la raisonnable
sixième catégorie, je dus donc me résoudre à prendre une onéreuse place en
quatrième catégorie.
L'opéra de Massenet est une adaptation du roman épistolaire Les Souffrances du jeune Werther de Goethe. Ce roman est dans ma bibliothèque depuis plusieurs mois, mais je n'ai pas encore pris le temps de le lire.
J'ai trouvée que la mise en scène de Jürgen Rose était très réussie. En
particulier, j'ai apprécié l'idée permettant d'évoquer avec le plus
d'acuité le tourment du héros et sa solitude. En effet, même quand il ne
prend pas part à la scène, il reste assis à sa table de travail, qui est
fixée sur un rocher situé au milieu du décor qui tourne, au sens propre,
autour de lui. J'ai un peu plus modérément aimé le fait de recouvrir le
décor de fragments de lettres, mais pourquoi pas. Quelques curiosités :
même au plus fort de ses face-à-face avec Charlotte, Werther, debout,
continue à écrire dans ses carnets ; quand Charlotte s'exclame
Werther
en se rendant compte de sa présence, elle lui tourne le
dos !
Suivant les dates, deux versions de l'œuvre sont présentées. Dans la version pour baryton, c'est Ludovic Tézier qui joue Werther ; c'est d'ailleurs ce qui est arrivé pour la première où Rolando Villazón s'est fait remplacer. Dans la version originale pour ténor, Werther est joué par Rolando Villazón, Charlotte par Susan Graham, Sophie par Adriana Kucerova et Albert par Ludovic Tézier. J'avais déjà eu l'occasion d'entendre ce dernier dans Falstaff et dans Lucia di Lammermoor, inutile de dire qu'il est toujours aussi bon. Je n'avais jamais entendu Susan Graham ni Adriana Kucerova. Le rôle de la jeune Sophie semble fait pour Adriana Kucerova. Susan Graham est impressionnante, autant par la voix que par son jeu. Reste Rolando Villazón. Vu son remplacement lors de la première et les craintes au sujet de sa voix, il y avait de quoi avoir peur pour lui. Le premier acte ne mettant que modérément son talent en valeur, j'ai attendu le deuxième acte pour m'enthousiasmer en l'écoutant chanter l'air Un autre est son époux !. Les scènes en duo avec Susan Graham sont bouleversantes de lyrisme, avec une progression entre le deuxième acte où Charlotte ne paraît pas excessivement affligée et la déchirante mort du héros au quatrième acte, en passant par le troisième acte où elle est torturée par ses sentiments.
Renaud Machart, du Monde, n'a pas du tout aimé cette production. C'est plutôt bon signe. En revanche, Marie-Aude Roux, malheureusement trahie par le typographe, dresse un portrait sensible du ténor français et s'interroge sur sa voix menacée.
2009-02-28 01:56+0100 (Orsay) — Culture — Musique — Opéra
Opéra Garnier — 2009-02-27
Paul Groves, Idomeneo
Joyce DiDonato, Idamante
Camilla Tilling, Ilia
Mireille Delunsch, Elettra
Johan Weigel, Arbace
Xavier Mas, Il gran sacerdote
Ilya Bannik, La voce
Yun-Jung Choi, Anna Wall, Due Cretesi
Jason Bridges, Bartlomiej Misiuda, Due Troiani
Luc Bondy, mise en scène
Erich Wonder, décors
Rudy Sabounghi, costumes
Dominique Bruguière, lumières
Geoffrey Layton, dramaturgie
Arco Renz, chorégraphie
Catherine Friedlang, styliste des coiffures
Winfried Maczewski, chef des chœurs
Iñaki Encina Oyón, assistant à la direction musicale
Thomas Hengelbrock, direction musicale
Idomeneo, Wolfgang Amadeus Mozart
Je suis allé ce soir à la première représentation de la reprise d'Idomeneo. Je ne sais plus très bien pourquoi j'avais inscrit cet opéra de Mozart à mon abonnement ; peut-être parce que Joyce DiDonato était dans la distribution ? L'opéra m'a semblé moins ennuyeux que je ne l'avais ressenti en en écoutant un enregistrement. Cela dit, le troisième acte est nettement plus enthousiasmant que les deux premiers.
L'histoire est abracadabrantesque. Idoménée, roi de Crète, manque mourir en mer. Il n'est épargné par Neptune que parce qu'il a promis de sacrifier la première personne qu'il rencontrera après avoir débarqué. Le problème, c'est qu'il voit Idamante, son propre fils. Pour le protéger, il l'éloigne, mais Neptune fait apparaître un monstre marin meurtrier. Idamante, déçu de la volonté de son père de l'éloigner, cherche la mort en allant combattre le monstre, mais il parvient à le vaincre. Idoménée révèle que la victime sacrificielle que Neptune attend est Idamante. Celui-ci s'offre en sacrifice sous le fer d'Idoménée, mais au dernier moment, une voix caverneuse s'élève pour satisfaire Neptune, il suffit qu'Idamante abdique en faveur de son fils. Sur cette histoire, se greffe une rivalité amoureuse entre Ilia et Électre pour Idamante. Ilia est tourmentée par la contradiction entre d'une part l'honneur de Troie dont elle est issue et d'autre part son amour pour Idamante. Idamante l'aime aussi, mais il méconnait les sentiments d'Ilia. Électre est un personnage qui ne semble exister ici que pour faire obstacle à l'amour entre Ilia et Idamante.
Une fois que l'on a en tête le résumé, j'ai l'impression que l'on ne perd pas grand'chose en ne regardant que très distraitement les sur-titres afin de viser les solistes avec les jumelles. Les chanteurs des rôles principaux sont tous très bons : Paul Groves (Idoménée), Joyce DiDonato (Idamante), Camilla Tilling (Ilia) et Mireille Delunsch (Électre). Par contre, le décor est un peu trop minimal et est revêtu de bien curieuses couleurs. Je n'ai pas aimé les lumières non plus, puisque comme trop souvent, les ténèbres envahissent la scène de sorte que le seul moment pour vraiment bien voir les chanteurs est à la fin du spectacle, quand ils viennent saluer...
À part ça, le deuxième rang des troisièmes loges de côté, c'est horrible ; je préfère très nettement le premier rang des quatrièmes. De là, à moins de se tordre dans tous les sens, une bonne partie de la scène n'est pas visible et pour les parties visibles, il faut compter sur l'absence de conjonction avec les têtes des spectateurs du premier rang. Je n'ose imaginer ce que ça doit être pour ceux du troisième rang, qui devaient carrément se lever pour y voir quelque chose.
2009-02-23 11:55+0530 (சென்னை) — Culture — Musique — Danse — Danses indiennes — Culture indienne — Voyage en Inde VI
Ce week-end, je suis resté à Chennai. J'ai visité la cathédrale St. Thomas, qui est bâtie au-dessus de la tombe putative de l'apôtre du Christ. L'entrée de la tombe est située à l'arrière de la cathédrale ; des photographies montrent le précédent pape visitant la tombe. Un mini-musée expose un morceau de l'arme qui l'aurait tué.
Abirami Chidambaram Community Hall, Kotturpuram, Chennai — 2009-02-21
Revathy Ramachandran, bharatanatyam
Samedi, en fin d'après-midi, je suis allé à l'ouverture du quatorzième festival annuel de danse organisé par l'association Nayaki. La cérémonie a commencé par une prière de Miss V. Deepika, disciple de Sudha Raghunathan. Le Managing director d'Ashok Leyland a fait un discours (en tamoul) ; un prix d'excellence a été remis à la compositrice et interprète Dr. Rukmini Ramani ; diverses personnes se sont succédé au micro pour faire son hagiographie, vantant notamment son travail de thèse de doctorat sur son père Papanasam Sivan, grand compositeur de musique carnatique. Des récompenses ont été données à beaucoup de monde, comme à Mrs Lakshmi Ranganathan pour avoir allumé la flamme au cours de la cérémonie.
Après une heure de congratulations, le spectacle de danse a finalement commencé. La danseuse est Revathy Ramachandran dont j'avais déjà vu une disciple. C'est le premier spectacle payant auquel j'assiste lors de ce séjour, la danseuse est manifestement la plus expérimentée de toutes celles que j'aie vues ; elle a déjà dansé dans de nombreux pays, dont la France. Je n'ai pas saisi le sens de la plupart des parties, le plus souvent consacrées à Shiva. Le varnam, la partie principale du récital, devait raconter une rivalité entre deux dévotes de Shiva. La danseuse était accompagnée de quelques musiciens : mridangam, cymbales, chant et vînâ. La dernière partie était très originale, mais j'en avais déjà vu une similaire par sa disciple. Le joueur de mridangam était à mon avis moins bon que l'autre ; l'échange entre cet instrument et la danse était moins riche.
Abirami Chidambaram Community Hall, Kotturpuram, Chennai — 2009-02-22
N. Vijay Siva, chant
Amritha Murali, violon
Manoj Siva, mridangam
Je suis retourné hier à l'Abirami Chidambaram Community Hall pour le
deuxième jour de ce festival qui en compte neuf. Comme pour la plupart des
soirées qui vont suivre, il n'était plus question de danse, mais uniquement
de musique. Le chanteur N. Vijay Siva était accompagné de la violoniste
Amritha Murali et du joueur de mridangam Manoj Siva. Deux jeunes disciples
jouaient du tanpura. Des problèmes techniques de sonorisation ont perturbé
le début du concert. Le micro du chanteur ne fonctionnait pas pendant les
premières minutes ; sa voix ne portait même pas jusqu'au
quatrième rang, plein centre, où je me trouvais ! En fait, j'ai trouvé la
première demi-heure du concert assez médiocre. Quand la composition
principale (environ une heure) a débuté, j'ai commencé à apprécier. Sans
être extraordinaire, c'était plutôt bien. La manière d'utiliser le violon
est très différente de ce qui se pratique dans la musique occidentale. Une
partie importante du travail de la musicienne était de reproduire en écho
la mélodie chantée par le maître
. La spectacle a duré environ deux
heures et demie, sans entr'acte.
⁂
Un groupe d'avocats sont devenus complètement fous ces derniers jours. Scènes d'émeutes dans et autour de la Haute Cour de Madras. Le Chief Minister, qui se déplace en fauteuil roulant, annonce qu'il commencera une grève de la faim si les avocats et les policiers ne font pas la paix.
2009-01-27 11:39+0530 (சென்னை) — Musique — Culture indienne — Voyage en Inde VI
Dimanche, après avoir rédigé ceci, j'ai poursuivi mon chemin : reconnaissant ici un restaurant du Kerala où j'avais mangé et ayant là un sentiment de déjà-vu en passant à côté d'un bâtiment de la mission Ramakrishna. Je me suis approché de la station Tirumailar, ai longé un canal nauséïque pour me retrouver dans Kutchery Road.
Un coup d'œil à droite et le gopuram du temple Kapaleeshwarar a paru au bout d'une ruelle. À cet endroit se tenait vraisemblablement un concours de kolam. Les participants étaient des femmes et quelques enfants, chacun disposant d'un petit carré où réaliser un dessin géométrique éphémère avec de la poudre blanche, comme on en voit très souvent dans le Sud de l'Inde à l'entrée des maisons. La première étape consiste à marquer les points d'un quadrillage du carré, ce qui permet de placer les figures au bon endroit par la suite.
Le temple dédié à Shiva, que j'avais déjà visité en 2006, est typique du style du Sud ; il aurait même des origines antiques. Comme c'est souvent le cas pour ces temples, un grand bassin se trouve à proximité.
La partie centrale est réservée aux hindous. Sur le côté, on peut voir quelques mini-temples. Le fait que la divinité soit Shiva est signalée par le fait qu'une représentation du buffle Nandi le surveille. Dans ce temple, j'ai eu l'occasion de voir quelques personnes chuchoter à l'oreille de Nandi, sans doute dans l'espoir de voir quelque vœu se réaliser.
⁂
En sortant de la gare, je décide de visiter à nouveau le temple Sri Ananda Vinayakar. L'invasion de la circulation routière n'a pas franchi l'enceinte de ce temple où les traditions semblent se perpétuer. On réalise moult circumambulations autour des petits édifices où logent diverses divinités.
J'envisageais de sortir quand j'ai vu un porteur du cordon sacré serrer des liens autour d'une sorte de chaise à porteurs. La divinité, recouverte de guirlandes de fleurs, Ganesh vraisemblablement, siégait. Pendant ce temps, une musique rituelle se faisait entendre. C'était tout à fait semblable à la musique qui avait été présentée à la Cité de la musique lors des vingt-quatre heures du râga : nadhaswaram (une sorte de hautbois) et tavil (tambour). Cette fois-ci, c'était in situ, en dépit des perturbations sonores venant du carrefour.
Quand la divinité eut fini de s'installer, les porteurs ont pris place, un brâhmane a porté un parasol (symbole de royauté) au-dessus de la divinité et un cortège s'est formé à sa suite lors d'une petite circumambulation du temple agrémentée de la musique rituelle. Une fois le parcours terminé, de nombreux dévôts ont tourné autour de la divinité en la laissant à leur droite et en touchant parfois les extrémités de bois près des mains des porteurs en signe de dévotion. On a ensuite disposé des tapis sur le sol, la divinité a été posée sur une table faisant face aux personnes présentes, très majoritairement des femmes. Un microphone a été installé au premier rang et ce chœur de femmes a chanté en tamoul, sans accompagneemnt instrumental. Au bout de trois quarts d'heure de mélopée dans cette langue qui m'est complètement étrangère, je suis parti, non sans avoir avalé la bouchée de pois chiches que l'on m'a offert en prasad à la sortie.
2009-01-21 02:55+0100 (Orsay) — Culture — Musique
Salle Pleyel — 2009-01-20
Lucy Crowe, soprano
Nathalie Stutzmann, contralto
David Bates, contre-ténor
Anders J. Dahlin, ténor
Richard Croft, ténor
Luca Tittoto, baryton-basse
Neil Baker, basse
Les Musiciens du Louvre-Grenoble
Chœur des Musiciens du Louvre-Grenoble
Marc Minkowski, direction
Nicholas Jenkins, chef de chœur et chef assistant
Hail! Bright Cecilia, Purcell
Ode for Saint Cecilia's Day, Händel
Missa Cellensis in honorem Beatissimae Virginis Mariae (Cäcilienmesse), Haydn
Ce soir, j'ai assisté à concert aussi bon que long à Pleyel. Les
Musiciens du Louvre-Grenoble dirigés par Marc Minkowski ont commencé par
Hail! Bright Cecilia de Purcell. J'étais dans un état léthargique
pendant la première œuvre de ce programme, je n'ai guère eu le temps que
d'apercevoir le chapeau de Palpatine.
Il aime beaucoup cette œuvre de Purcell. Pour ma part, je suis surtout venu
pour entendre l'Ode for Saint Cecilia's Day de Händel qui
intervient après le premier entr'acte qui fut l'occasion pour moi de
prendre un café... Comme au début de la soirée, le chef Marc Minkowski
intervient pour introduire brièvement les œuvres, toutes dédiées à la
patronne des musiciens et des mélomanes
(encore que ce soit moins
clair pour la troisième œuvre au programme). Connaissant déjà cette œuvre,
je savoure tout particulièrement son écoute pendant le concert. Je
redécouvre cependant quelques morceaux que j'avais oubliés, comme le solo
pour violoncelle (accompagné du théorbe) dans l'air pour soprano What
passion cannot Music raise and quell!. La soprano Lucy Crowe est
magnifique dans But oh! What art can teach. Toute cette œuvre est
tellement händelienne ; j'aime beaucoup.
Après le deuxième entr'acte, on continue dans la chronologie avec cette fois-ci Haydn et la Missa Cellensis in honorem Beatissimae Virginis Mariae (Cäcilienmesse). Cette œuvre, dont une version courte en deux parties seulement (Kyrie et Gloria) est interprétée, me confirme dans mon appréciation de ce compositeur dont on célèbre cette année le deux-centième anniversaire de la mort. Je ne sais pas comment j'ai fait pour autant le méconnaître par le passé. Le public a droit à un excellent bis : le Et incarnatus est et le Et resurrexit qui n'existent que dans la version longue. Superbe.
En sortant, vers minuit moins quart, j'achète à la boutique la toute nouvelle version de la Messe en si mineur par cet ensemble. Elle a la particularité d'avoir un effectif vocal réduit : les parties du chœur sont chantées par des solistes, comme c'était généralement le cas du temps de Bach, selon certains spécialistes.
2009-01-18 02:48+0100 (Orsay) — Culture — Musique — Opéra
Opéra Bastille — 2009-01-17
Vladimir Vaneev, Boris Timofeevitch, un vieux bagnard
Ludovit Ludha, Zinovy Borisovitch Ismailov
Eva-Maria Westbroek, Katerina Lvovna Ismailova
Michael König, Serguei
Carole Wilson, Aksinya, une bagnarde
Alexander Kravets, Le Balourd miteux
Lani Poulson, Sonietka
Valetin Jar, Un maître d'école
Alexander Vassiliev, Un pope, un gardien
Nikita Storojev, Le chef de la policer, un officier
Shin Jae Kim, Un régisseur
Marc Chapron, Un portier
Hyoung-Min Oh, Se-Jin Hwang, Slawomir Szychowiak, Contremaîtres
Chae-Wook Lim, Un meunier
Fernando Velasquez, Un cocher
Andrea Nelli, Un policier
Pascal Mesle, Un invité ivre
Hartmut Haenchen, direction musicale
Martin Kušej, mise en scène
Martin Zehetgruber, décors
Heide Kastler, costumes
Reinhard Traub, lumières
Louba Orfenova, études musicales
Winfried Maczewski, chef des chœurs
Orchestre et Chœurs de l'Opéra national de Paris
Lady Macbeth de Mzensk, Dimitri Chostakovitch
Ce soir, c'était la première de Lady Macbeth de Mzensk, de
Chostakovitch, à l'Opéra Bastille. L'opéra n'est pas une adaptation de la
pièce de Shakespeare, mais d'une nouvelle de Nikolai Leskov. Pas de
sorcières, pas de soldats déguisés en arbres. Si Macbeth
apparaît
dans le titre, c'est que l'héroïne 1,
Katerina Lvovna Ismailova, a des penchants meurtriers.
Au premier acte, pour tromper son ennui, elle se laisse séduire par Serguei, un ouvrier qui travaille pour son mari, alors que ce dernier est parti réparer un moulin. Le beau-père lubrique profiterait bien de sa bru, mais il surprend Serguei et le bat. Katerina l'empoisonne. Ensuite, au retour de son mari, de peur d'être abandonnée par son amant, elle tue son mari avec la complicité de Serguei. Ils cachent le corps dans le cellier et s'en vont se marier.
Prévenue par un ouvrier ayant découvert le corps, la police fait une apparition spectaculaire pendant le mariage. Ils sont tous les deux arrêtés et envoyés au bagne. Serguei se détourne de Katerina et séduit une autre détenue, Sonietka. Trompée, Katerina étrange sa rivale et meurt elle aussi dans la confusion, apparemment lynchée par les autres détenus (dans le livret, elles sont toutes les deux noyées).
L'opéra dure presque trois heures. Ignorant la durée de l'opéra en entrant, le temps passant, j'ai cru qu'il n'y aurait pas d'entr'acte. Il est finalement intervenu au bout d'environ deux heures. L'opéra est découpé en neuf tableaux répartis en quatre actes. L'entr'acte survint à un drôle d'endroit. Après la reprise, un tableau, puis le spectacle s'est interrompu pendant de longues minutes nécessaires à l'installation du superbe décor carcéral. Ce long changement de décor eût vraisemblablement gagné à coïncider avec un entr'acte, quitte à ce qu'il y en eût un de plus.
Pendant les deux premiers actes, le décor est constitué d'un sol terreux (salissant) encadré par de hautes palissades, avec au milieu, une grande pièce dépouillée aux murs transparents ; c'est le domaine de Katerina, brillamment interprétée par Eva-Maria Westbroek. Les scènes crues de son intimité avec Serguei sont terriblement violentes, ceci étant encore accentué par la musique et les lumières.
On ne peut pas vraiment dire que j'aie été séduit par la musique de Chostakovitch. L'action violente, crue, laisse très peu d'espace pour que les personnages, et en particulier Katerina, puissent exprimer leurs sentiments, leurs motifs et leurs éventuelles hésitations alors qu'ils s'apprêtent à commettre des méfaits. Bref, des personnages on ne peut plus antipathiques.
[1] Le français est vraiment une langue de
fous : comment expliquer que le h de héros
soit aspiré et que celui
de héroïne
ne le soit pas ?
2009-01-11 01:48+0100 (Orsay) — Culture — Musique — Danse
Opéra Garnier — 2009-01-10
Léo Delibes, musique
Lycette Darsonval, chorégraphie
Philippe Binot, décors et costumes
Han Jiang, lumières
Zhang Yi, direction musicale
Zhu Yan, Sylvia
Aminta, Sheng Shidong
Eros, Hao Bin
Orion, Zing Liang
Diane, Jin Jia
Ballet national de Chine (中国国家芭蕾舞团)
Orchestre Colonne
Sylvia ou la nymphe de Diane (希尔薇娅), ballet en trois actes de Jules Barbier et du Baron de Reinach
Ce soir, je suis allé à la dernière de 希尔薇娅 par 中国国家芭蕾舞团, en français Sylvia ou la nymphe de Diane par le Ballet national de Chine. Les quatrièmes loges de l'Opéra Garnier sont toujours aussi inconfortables, mais j'étais dans un angle idéal pour voir en entier la scène et l'orchestre Colonne dirigé par le plutôt jeune Zhang Yi.
Le sujet de ce ballet, chorégraphié par Lycette Darsonval en 1979 d'après le ballet de Louis Mérante (1876) sur une musique de Léo Delibes, est mythologique : faunes, satyres, naïades, etc. Au premier acte, Aminta est épris de la nymphe Sylvia qu'il espionne. La nymphe Sylvia, associée à Diane, est coiffée d'un croissant de Lune. Sylvia lance une flèche en direction de la statue du dieu Amour, mais Aminta s'interpose et est frappé par ce trait. Amour se venge en visant Sylvia qui se met à aimer Aminta, mais le chasseur Orion enlève Sylvia. Des paysans découvrent Aminta inanimé, mais heureusement, un vieux sorcier en haillons se pointe et le ranime en utilisant une fleur médicinale. Le sorcier est le dieu Amour en personne ; il enlève son déguisement et va tout faire pour qu'Aminta retrouve Sylvia.
Au deuxième acte, Sylvia est dans une grotte, prisonnière d'Orion. Des esclaves dansent. On mange, on danse, on boit. Sous l'effet de la boisson, tout le monde s'endort sauf Sylvia, qui implore Amour de la sauver. Une porte coulissante s'ouvre faisant paraître un bateau ; c'est Amour qui vient chercher Sylvia.
Au dernier acte, les créatures célestes et les paysans sont joyeux, mais Aminta est triste. Pourtant le bateau accoste et un Amour enturbanné relâche de nombreuses jeunes femmes portant toutes le même costume. Pendant cinq ou dix minutes, j'essaie de régler mes jumelles, sans y parvenir : les personnages féminins sont flous. Curieusement, je vois bien les autres. Au bout d'un moment, je comprends qu'elles portent un voile transparent et que c'est une épreuve à laquelle est soumis Aminta : il doit reconnaître Sylvia. Bien entendu, il y parvient. Mes jumelles se remettent à fonctionner, mais Orion revient sur scène et il n'est pas content. Un combat s'engage entre lui et Aminta. Sylvia se réfugie auprès de Diane qui finalement l'abat. Un beau final au premier plan alors qu'au fond de la scène, Amour et Diane montent sur leurs piédestaux respectifs tandis que Sylvia et Aminta sont enfin réunis.
Ailleurs : l'avis de Palpatine.
2008-12-19 00:03+0100 (Orsay) — Culture — Musique — Opéra — Lectures
Il y a quelque temps, je parlais de la quarantaine d'heures de musique qu'il me restait à écouter après que j'eus finis de découvrir mon intégrale de Mozart. Cela fait au moins cinq ans que ça ne m'est pas arrivé, mais aujourd'hui, il n'y a pas dans ma collection de disques une minute de musique que je n'aie pas écoutée.
Parmi les opéras écoutés dernièrement, Fidelio de Beethoven m'a beaucoup impressionné. Rarement, au disque, je n'ai autant été ému par un opéra, alors même qu'aucun personnage ne meurt ! Si le premier acte ne m'a pas particulièrement enthousiasmé, le deuxième est vraiment superbe. J'avais acheté cet enregistrement (Sir Colin Davis, London Symphony Orchestra, 2006) pour me préparer à la représentation que je me disposais à voir cette année ; un grain de sable a dû compromettre la saisie de mon formulaire d'abonnement par les services de l'Opéra de Paris puisque de la production présentée cette année, je n'ai reçu nul billet. Quel dommage !
Là, tout de suite, je viens de visionner un DVD conseillé par Madame Abricot : Carmen avec Anna Caterina Antonacci et Jonas Kaufmann à l'Opéra royal de Londres. De cet opéra, je n'avais écouté que les suites pour orchestre qui en sont extraites. Avec d'excellents chanteurs et une bonne mise en scène, c'est tellement mieux ! Je me réjouis d'avoir pris une place pour la production de l'Opéra Comique en juin 2009, avec ladite Anna Caterina Antonacci. En regardant à nouveau la distribution, je viens de remarquer que le chœur d'enfants sera le chœur Sotto Voce. Tant mieux.
Mon mois de janvier s'annonçant chargé et celui de février indien, j'attendrai sans doute mars avant de me livrer à quelque nouvelle dilapidation (une semi-intégrale Haydn ?).
Côté livres, cette situation ne risque pas se produire de sitôt. À mon rythme actuel de lecture (environ quatre-vints livres cette année), j'ai de la réserve pour plus d'une année, étant entendu qu'en dernier recours, il me restera toujours une Bible (Segond).
2008-12-15 00:13+0100 (Orsay) — Culture — Musique — Lectures — Culture indienne
Église des Billettes — 2008-12-12
Atsushi Sakaï, dessus de viole
Thomas de Pierrefeu, ténor de viole
Isabelle Saint-Yves, basse de viole
Josh Cheatham, basse de viole
Consort de violes Sit Fast
L'Art de la Fugue (BWV 1080).
Vendredi, quand j'en pris le chemin, cela faisait deux ans que je n'avais pas mis les pieds dans l'Église des Billettes. J'étais alors allé écouter Sigiswald Kuijken interpréter les trois premières suites pour violoncelle de Bach sur un étonnant instrument : le violoncello da spalla. Cette fois-ci, c'était pour écouter L'Art de la fugue. Les versions que j'en ai en disque sont pour clavecin, piano ou orgue. Je savais que cela avait aussi été adapté pour orchestre. Ce soir-là, à ma grande surprise, c'était un ensemble de quatre violes, le consort de violes Sit Fast qui interprétait cette œuvre, qui est une des toutes dernières de Bach.
Ce concert faisait partie du programme des productions Philippe Maillard auxquelles je suis abonné depuis plusieurs années. En entrant, je me suis assuré que le prix de leurs programmes n'avait pas changé depuis mai dernier et étaient toujours de 5€. Le placement étant libre, je me suis installé sur les bancs grinçants, aussi près que possible des musiciens : sinon, à moins de passer à l'étage, on ne voit pas grand'chose.
Les musiciens se sont installés, plaçant sur ou entre leurs genoux leur viole. Celles-ci étaient de différentes tailles. Je ne suis pas expert en violes, mais je soupçonne fortement que le programme comportait une erreur dans la distribution : la viole qu'utilisait Isabelle Saint-Yves avait une taille plus voisine de celle du dessus de viole d'Atsushi Sakaï que de celle des violes des deux autres musiciens, Thomas de Pierrefeu et Josh Cheatham. Une de ces deux dernières violes, grandes par la taille, arborait un charmant motif constitué d'arabesques.
L'ensemble a interprété les onze premiers contrepoints ainsi que la Fuga a 3 sogetti. À de nombreuses reprises, les musiciens ont dû réaccorder leurs instruments, ce qui prenait bien cinq minutes à chaque fois ! J'étais quelque peu sceptique à l'écoute du premier contrepoint, joué dans un tempo très lent. Cette interprétation très austère transporte les spectateurs dans l'ascèse (au point qu'ils en oublient de tousser). Mes préventions ont été rapidement dissipées et au bout du sixième, j'étais convaincu et appréciait vraiment ce que j'entendais. Après un court entr'acte intervenu après le septième contrepoint, le concert a continué jusqu'au onzième. Atsushi Sakaï est alors intervenu pour évoquer le dernier morceau qu'ils allaient interpréter. Il a expliqué que diverses théories avaient été proposées au sujet des contrepoints qui suivent les onze premiers qui, eux, ne sont pas l'objet de controverses. Il a annoncé que son ensemble avait retenu l'hypothèse selon laquelle la Fuga a 3 sogetti fait bien partie de L'Art de la Fugue, mais qu'elle s'arrête malheureusement avant que le thème revienne. L'ensemble a interprété cette fugue, et de façon subite, au bout de quelques minutes, la musique s'est interrompue.
⁂
Pour le chemin du retour, ayant apporté des livres choisis aléatoirement dans ma bibliothèque et ayant déjà eu le temps au cours de la journée de finir La Centurie, Poèmes amoureux de l'Inde ancienne d'Amaru, je n'ai pas eu d'autre alternative que de commencer la pièce de théâtre de Krishna Baldev Vaid, en version bilingue hindi-français : La faim, c'est le feu (भूख आग है), traduit du hindi par Muriel Calvet et Jyoti Garin, Asiathèque. Je pensais ne rien comprendre, mais j'arrive à saisir le sens d'une phrase sur deux du texte hindi. Il faut bien dire que les personnages rencontrés jusqu'à présent, une jeune fille et ses parents, parlent une langue qui est un Hindglish caricatural. Ils utilisent ainsi de nombreux mots anglais. Certaines répliques sont même entièrement en anglais, mais transcrites dans l'alphabet devanagari, comme celle-ci :
बच्ची. ― ममी, प्लीज़ नो ! आइ लव माइ हिंदी मैदम ।
Cette réplique de la jeune fille se transcrit ainsi : Mamî, plîz no !
Âi lav mâi hindî maidam.
. La traduction franglaise qui est donnée est
Maman, non, please! I love ma prof
de hindi !
. Bref, c'est très amusant à lire.
2008-12-11 00:49+0100 (Orsay) — Culture — Musique
Salle Pleyel — 2008-12-10
Jean-Yves Thibaudet, piano
Tristan Murail, ondes Martenot
Roland Daugareil, violon solo
Orchestre de Paris
Christoph Eschenbach, direction
Turangalîla-Symphonie pour piano solo, ondes Martenot et grand orchestre (Olivier Messiaen)
Olivier Messian étant né en 1908, ses œuvres sont davantage jouées cette année que d'ordinaire. Depuis le début de l'année, il y a eu une autre Turangalîla-Symphonie à Pleyel et même une version concert de l'opéra Saint François d'Assise. En m'installant hier à mon siège, j'ai découvert dans le programme que ce concert de l'Orchestre de Paris célébrait le centenaire, jour pour jour, de la naissance du compositeur. La représentation était enregistrée, filmée et diffusée en direct sur Mezzo (rediffusion le lundi 15 décembre à 17h).
Une seule œuvre était au programme de ce concert, sans entr'acte : la Turangalîla-Symphonie pour piano solo, ondes Martenot et grand orchestre. L'effectif de l'orchestre s'avère bien grand : les premières rangées de fauteuils ont été escamotés, mon rang L côté impair est plus proche de la scène que je ne l'avais imaginé. Ce placement me procure un bon angle pour observer le pianiste Jean-Yves Thibaudet et le chef, Christoph Eschenbach, que je voyais pour la première fois (fait qui a surpris Palpatine, rencontré en fin de concert). Eussé-je été de l'autre côté que j'eusse pu voir sous un meilleur angle les ondes Martenot, un bien curieux instrument électronique, qui fête ses quatre-vingts ans cette année.
C'était la première fois que je voyais une œuvre de Messian en concert.
Je dois bien avouer que ce qui me fit cocher la case correspondant à ce
concert pour mon abonnement Pleyel est que cette œuvre porte un nom
sanskrit... Le programme me stupéfie quand il affirme qu'il faut prononcer
Tourânegheulî-lâ (sic)
; je suis étonné de la présence du eu
.
Les premiers mouvements sont choquants pour moi qui ne suis pas du tout
habitué à cette musique (seulement écoutée une fois au disque il y a
quelques jours). On veut alors bien croire que Turanga puisse
signifier le cheval au galop
. Ces mouvements introduisent néanmoins
des thèmes que l'on pourra apprécier à nouveau quand ils reviendront. Un
des vénérables spectateurs situés à ma gauche s'endort et se met à ronfler
pendant un de ces mouvements, pourtant, sans toutefois être oppressants,
les décibels ne manquaient pas. Je me délecte de l'écoute du Jardin du
sommeil d'amour, le sixième mouvement de cette symphonie
qui en
compte dix ! un des rares mouvements lents de l'œuvre. Pendant le huitième
mouvement Développement de l'amour, je me demande si je ne me suis
pas perdu dans mes comptes parce que le recours répété aux violentes
percussions me donne l'impression qu'on est à la fin de quelque chose, mais
non, la pression redescend et l'œuvre se poursuit, jusqu'au dixième
mouvement, qui est très beau.
2008-11-30 20:50+0100 (Orsay) — Culture — Musique
Théâtre des Champs-Élysées — 2008-11-29
Christina Landshamer, soprano (Gabriel, Ève)
James Gilchrist, ténor (Uriel)
Yorck Felix Speer, basse (Raphaël, Adam)
Orchestre des Champs-Élysées
Collegium Vocale Gent
Philippe Herreweghe, direction
Die Schöpfung, Haydn.
Hier soir, j'étais au TCE, dont la salle était bien pleine, pour écouter La Création de Haydn. L'effectif était important : une trentaine de choristes du Collegium Vocale Gent, une cinquantaine de musiciens de l'Orchestre des Champs-Élysées dirigé par Philippe Herreweghe.
Le moment fort de l'œuvre est celui où, après que Dieu a dit Que la
lumière soit !
, l'ambiance musicale passe subitement des ténèbres à la
lumière en même temps que le chœur nous dit que la lumière fut.
Si tous les mouvements de cet oratorio ne sont pas inoubliables, d'autres retiennent l'attention comme ceux qui évoquent, parmi les diverses créatures, le rossignol chantant, le lion rugissant ou encore le tigre bondissant.
Les trois solistes, la soprano Christina Landshamer, le ténor James Gilchrist et la basse Yorck Felix Speer remplissaient très bien leurs rôles respectifs. Seuls, en duo, en trio, ou avec le chœur, ils récitaient ou chantaient un texte à la gloire de la Nature et du Créateur. Les émotions exprimées ne sont pas aussi variées qu'elles peuvent l'être dans une Passion, un opéra ou un oratorio sur un sujet plus humain. L'arrivée d'Adam et Ève n'assombrit même pas le tableau de ce point de vue-là puisque l'oratorio s'achève avant que cela se gâte. Seul un récitatif mettra le couple en garde avant que Dieu soit loué une dernière fois :
Ô heureux couple, et heureux à tout jamais
si de fausses chimères ne les incitent pas
à désirer jamais davantage que ce qu'ils ont,
à savoir jamais davantage que ce qu'ils doivent !
Étant placé au premier rang du premier balcon de côté, une petite partie du côté cour ne m'était pas visible, à moins que je ne me penchasse. La soprano et la basse étaient du côté jardin et le ténor de l'autre côté, mais suffisamment au centre pour que je le voie. Pendant le dernier chœur, j'ai remarqué qu'une des mezzo-sopranos du chœur n'était plus à sa place (pas que je l'eusse particulièrement remarquée, mais cela fait un certain nombre de fois que j'assiste à des concerts du Collegium Vocale Gent et certains visages sont restés dans ma mémoire). Je me demandais où elle était passée. Quand l'oratorio se fut terminé, je la retrouvai à droite du ténor James Gilchrist. Comme ce dernier chœur (avec solistes) a été bissé, je pus me pencher un peu pour rattraper cette distraction.
2008-11-24 20:06+0100 (Orsay) — Culture — Musique — Opéra
J'ai déjà parlé d'actes anodins de disquaires pouvant nuire à leur commerce. Le parcours du discolique est parsemé d'un autre type d'embûches : les malfaçons.
Ces dernières années, j'ai rencontré ce type de problèmes à plusieurs reprises. Dans mon intégrale Hänssler de Bach, un disque était en double et un autre était manquant. La plupart de ces disques, peut-être tous, étaient aussi en vente à l'unité et j'en possédais déjà quelques uns que j'ai donnés ici ou là. Par une chance inouïe, le disque qui était manquant faisait déjà partie de ma collection.
Les trois autres problèmes qui m'ont fait souffrir quelques désagréments sont dus à divers problèmes avec EMI Classics. Un des premiers opéras que j'ai acheté était Norma de Bellini (avec Maria Callas, 1960). Commandé sur Amazon.fr, le boîtier de trois CD contenait le CD nº1, deux exemplaires du CD nº2, mais pas de CD nº3. Retour à l'envoyeur, qui me réexpédie un nouveau coffret, souffrant du même défaut. Deuxième retour ; la troisième expédition sera la bonne.
J'ai déjà parlé du caractère bâclé de certain livret fourni par cet éditeur. Hier, en écoutant pour la première fois Orphée aux enfers d'Offenbach, dirigé par Marc Minkowski, avec notamment Natalie Dessay (Eurydice), Yann Beuron (Orphée), Laurent Naouri (Jupiter), j'ai été tout perturbé que la page 73 du livret succède à la page 96. Bref, une vingtaine de pages manquent au livret, ce qui m'a pas mal déstabilisé dans mon écoute des troisième et le quatrième tableaux. Heureusement que l'opéra est en français ! Bien sûr, le livret complet n'est pas disponible sur le site Internet de l'éditeur. Comme Offenbach a proposé deux versions de son œuvre et que Laurent Pelly et Marc Minkowski ont retenu plutôt la première avec quelques éléments de la seconde, une version du livret trouvée sur Internet s'est avérée assez différente de ce que j'entendais. Cet incident m'a un peu gâché cette première écoute de ce bien charmant opéra-bouffe, qui cite parfois pour plaisanter Orfeo ed Euridice de Gluck (dont je ne me lasse pas non plus d'écouter un enregistrement avec Bernarda Fink dans le rôle d'Orfeo).
On voit là un des dangers de l'achat compulsif de disques pour une
consommation
non immédiate. Si j'écoutais mes disques aussitôt après
les avoir achetés, je saurais vers qui me retourner pour obtenir
remplacement d'objets défectueux (encore que dans le dernier cas envisagé
ici, il ne me semble pas aller de soi que le commerçant accepte de procéder
à un échange). Pour Orphée aux enfers, je n'ai absolument aucun
souvenir de l'achat, qu'il se réalisât par Internet ou en magasin.
⁂
Les organisateurs de concerts proposant à la vente des programmes ne sont pas toujours irréprochables non plus. Je me souviens d'une Johannes-Passion au TCE pour lequel le livret apparaissant dans le programme commençait par O Mensch, bewein dein Sünde groß. Dans les versions usuelles des Passions de Bach, ce chœur apparaît à la fin de la première partie de la Matthäus-Passion, mais c'était aussi et avant tout le chœur introductif d'une des versions de la Johannes-Passion, mais qui n'est pas la version canonique jouée actuellement. Pendant les minutes précédant le concert, je me réjouissais donc par avance de l'écoute prochaine d'une version non standard de cette œuvre. Ce ne fut donc pas sans une certaine déception que j'entendis le concert débuter par le traditionnel chœur Herr, unser Herrscher.
Je n'ignore s'il y a lieu d'y voir un changement de politique de l'Opéra de Paris, mais je constate avec réjouissance que les trois programmes d'opéra que j'y ai achetés depuis le début de la saison comportent une version française du livret alors que ce cas était plutôt l'exception les années précédentes (sur les huit programmes précédemment achetés, seul celui de Luisa Miller incluait un livret).
2008-11-23 12:06+0100 (Orsay) — Culture — Musique
Promis, après cette note, je ne vous ennuierai plus avec la cantate 140 Wachet auf, ruft uns die Stimme. Cela n'était pas arrivé depuis 1989, mais aujourd'hui, selon le calendrier liturgique luthérien, nous sommes le vingt-septième dimanche après la fête de la Trinité. Il faut que la date de Pâques intervienne très tôt dans l'année pour qu'il soit possible d'intercaler autant de dimanches en partant de fêtes dans les dates sont calculées par rapport à Pâques et le premier dimanche de l'Avent. Du vivant de Bach, cette situation s'était présentée le 25 novembre 1731, date de la création de cette cantate. D'après mes calculs, les prochaines dates sont les 25 novembre 2035, 25 novembre 2046, 26 novembre 2062, 26 novembre 2073 et 26 novembre 2084.
Le chœur introductif, et d'autres mouvements, peuvent être écoutés sur Youtube : Wachet auf, ruft uns die Stimme (Ton Koopman). Attention, on y trouve aussi des horreurs, comme cette version par Karl Richter.
2008-11-23 01:16+0100 (Orsay) — Culture — Musique — Opéra
Opéra Bastille — 2008-11-22
Shawn Mathey, Tamino (ténor)
Iwona Sobotka, Erste Dame (soprano)
Katija Dragojevic, Zweite Dame (mezzo-soprano)
Cornelia Oncioiu, Dritte Dame (mezzo-soprano)
Russell Braun, Papageno (baryton)
Maria Virginia Savastano, Pagagena (soprano)
Kristinn Sigmundsson, Sarastro (basse)
Wolfgang Ablinger-Sperrhacke, Monostatos (ténor)
Maria Bengtsson, Pamina (soprano)
Erika Miklosa, Königin der Nacht (soprano)
José Van Dam, Der Sprecher (baryton)
Jon Ketilsson, Erster Geharnischter (ténor)
Rúni Brattaberg, Zweiter Geharnischter (basse)
Solistes de la Maîtrise des Hauts-de-Seine / Chœur d'enfants de l'Opéra national de Paris, Drei Knaben
Thomas Hengelbrock, direction musicale
La Fura dels Baus / Alex Ollé et Carlos Padrissa, conception, mise en scène
Jaume Plensa, conception, décors et costumes
Valentina Carrasco, collaboratrice à la mise en scène
Franc Aleu, vidéo
Albert Faura, lumières
Alessandro Di Stefano, chef des chœurs
Orchestre et Chœurs de l'Opéra national de Paris
Die Zauberflöte, Wolfgang Amadeus Mozart
J'avais entendu beaucoup de mal de la production de La Flûte enchantée qui est reprise en ce moment à l'Opéra Bastille. J'étais à la représentation d'hier. Un placement plutôt bon : deuxième balcon, plein centre.
Je suis horrifié par le début. Les costumes sont d'une laideur et d'un mauvais goût incroyables à ce niveau (avec une mention spéciale pour les trois Dames et la Reine de la Nuit). Des vidéos de mauvais économiseurs d'écrans sont projetées en surimpression.
Au bout d'un moment, j'arrive à surmonter mon premier sentiment. Les chanteurs des rôles principaux, Tamino, Pamina, La Reine de la Nuit, Sarastro, Papageno et Papagena sont bons. Monostatos me paraît un peu plus limite. Le chœur est planqué sous la scène et il ne sera pas donné au public d'apercevoir José Van Dam qui a le rôle parlé de la Voix. Je profite de mon placement pour observer l'orchestre.
Si on laisse de côté les costumes affreux et l'essentiel des vidéos, ce qu'il reste de la mise en scène se laisse bien regarder. Le décor est constitué de douze matelas géants gonflables (et dégonflables). Ces éléments bougent beaucoup et se transforment aussi bien en temple, en pyramide ou en les terribles lieux des épreuves d'initiation que subissent Tamino et Pamina.
D'autres aspects de la mise en scène laissent perplexes, comme la pluie
de boules noires et blanches dans un grand récipient, constituant une sorte
de piscine dans laquelle Monostatos, Pamina puis Papageno plongent. Le bout
de phrase quand j'ai placé les pièces
dans la bouche de Sarastro
donne lieu à un grand n'importe quoi au deuxième acte où un grand échiquier
est projeté sur scène ; des figurants viennent s'y placer, Sarastro en
échange trois ou quatre ; une très courte partie d'échecs grandeur nature
se déroule. On assiste à deux tours de magie classiques : Sarastro est
coupé en trois morceaux et plus loin est transpercé d'épées avec en plus du
sang qui coule de la boîte dans laquelle il se trouve, sang, qui vidéo
aidant, se répand sur toute la scène. Ce deuxième tour me paraît assez
incohérent avec l'histoire : dans la version du livret que j'avais lue,
après que la Reine de la Nuit a exprimé sa colère terrible en demandant à
Pamina de tuer Sarastro, Pamina ne semble pas le moins du monde disposée à
lui obéir (elle n'a de toute façon pas le temps d'y penser, vu que
Monostatos revient la harceler). Ce soir, elle plantait des épées dans
Sarastro, sans le tuer pourtant. L'utilisation des clochettes
par
Papageno est curieuse. Parfois, il actionne son attirail, parfois, on
entend leur son mais il ne fait même pas semblant de s'en préoccuper, ayant
autre chose à faire. Les trois enfants apparaissent avec des consoles de
jeux portables en mains. Bref, l'onirisme décomplexé des concepteurs ne
s'est pas exprimé sans quelques débordements.
Malgré tout, ce spectacle est tout à fait regardable et écoutable. Le public, constitué d'un nombre inhabituellement élevé d'enfants, semble avoir apprécié ; je n'ai pas entendu de sifflets.
Ailleurs : l'avis de Palpatine.
2008-11-22 14:24+0100 (Orsay) — Culture — Musique — Opéra
Opéra Bastille — 2008-11-21
Clifton Forbis, Tristan (ténor)
Matti Salminen, König Marke (basse)
Waltraud Meier, Isolde (soprano)
Alexander Marco-Buhrmester, Kurwenal (baryton)
Ekaterina Gubanova, Brangäne (mezzo-soprano)
Ralf Lukas, Melot (baryton-basse)
Bernard Richter, Ein Hirt, Ein junger Seemann (ténor)
Robert Gleadow, Der Steuermann (ténor)
Semyon Bychkov, direction musicale
Peter Sellars, mise en scène
Bill Viola, vidéo
Martin Pakledinaz, costumes
James F. Ingalls, lumières
Alessandro Di Stefano, chef des chœurs
Orchestre et Chœurs de l'Opéra national de Paris
Tristan und Isolde, Richard Wagner
Hier, je suis allé pour la deuxième fois à l'Opéra Bastille pour assister à une représentation d'un opéra de Wagner. En mai 2007, j'avais plutôt aimé Lohengrin (mis en scène par Robert Carsen) et une Waltraud Meier terriblement convaincante en Ortrud. Qu'elle incarne Isolde a été ma principale motivation pour inscrire cet opéra à mon abonnement. Ce qui est ennuyeux avec les abonnements, c'est qu'on ne peut réserver que des places dans les six premières catégories de prix. Faute de place disponible en sixième, j'avais dû opter pour une place de cinquième catégorie. À mon humble avis, le prix des places et le plaisir de spectateur en résultant est complètement décorrélé. Je préfère être au premier balcon avec vue plongeante sur l'orchestre, la vision des sur-titres en fût-elle mise en péril que d'être à l'avant-dernier rang du parterre, en ayant payé ma place à quadruple prix : on ne voit que la tête du chef dépasser, les chanteurs sont très loin et la santé et la fortune ne s'accordant guère, on tousse bien davantage au parterre que dans les hauteurs. Bon, je me console en me disant que les personnages du rang situé juste devant moi eurent à payer encore 26€ de plus !
L'opéra commenca vers 18h, les opéras normaux commençant plutôt vers 19h30. Tristan dure 4h, également divisé en trois actes. Des entr'actes de 45 et 30 minutes ayant été prévues, pour que l'œuvre finît à une heure raisonnable, il fallait commencer tôt.
Globalement, je suis déçu par cette représentation. Quelques prosélytes lyriques ont même abandonné après le premier ou le deuxième acte. Le seul élément de décor était une toute petite plate-forme où les personnages pouvaient s'asseoir ou s'allonger. Les costumes étaient trop sobrement noirs. À part peut-être au troisième acte où il y avait un peu de couleur, les lumières n'éclairaient pas grand'chose. Non, le spectacle visuel n'était pas sur scène, mais sur l'écran situé entre les chanteurs et le sur-titrage. Pendant quatre heures ou presque, nous avons été abreuvés des vidéos de Bill Viola. Le premier acte a représenté des rites de purification. Du fait d'un petit coup de barre, j'ai un souvenir plus confus du deuxième acte. Lumières dans un bois pendant une partie de chasse, coucher de Lune, lever de Soleil. Vidéos accélérées ou ralenties représentant la nature, des effets d'optique plus ou moins naturels. Bravo au directeur de la photographie, l'esthétique et la qualité des images était impressionnante. C'est bien beau, mais cela distrait le spectateur de ce qui se passe sur scène. Il ne m'a pas été possible de me détourner de ces images, puisque, n'entendant guère l'allemand, j'ai besoin des sur-titres pour suivre. Il n'est pas évident de suivre simultanément l'action qui se passe en bas et en même temps ces sur-titres situés tout en haut, deux éléments sobres, quand le centre est accaparé par d'ondoyantes images (cela empêche aussi de s'endormir complètement, la luminosité étant importante, surtout si on est situé à proximité de la cabine de projection). Ajouter à cela que les textes sont largement métaphoriques, de sorte qu'une ligne de sur-titres de perdue engendre bien dix lignes d'incompréhension.
La mise en scène est très statique. À plusieurs reprises, des personnages se retrouvent à rester immobiles pendant de longues minutes. Certains personnages semblent avoir des yeux dans le dos ; Isolde fait même à distance et de dos un diagnostic de Tristan mourrant. Pour tenter de faire oublier ces limitations, certains personnages (Brangäne, le berger) apparaissent non plus sur scène mais dans dans les hauteurs du théâtre (invisibles depuis ma place). On fait aussi entrer un chœur d'hommes par le fond du parterre (tout près de moi, donc). Bref, ce n'est pas très convaincant.
Heureusement, il reste la musique. Si je suis partagé sur les parties chorales, très limitées et assez peu intéressantes, aussi bien l'orchestre que les solistes lui font honneur. L'ouverture de l'œuvre est belle ; on réentend ensuite avec plaisir quelques leitmotivs.
2008-11-20 08:01+0100 (Orsay) — Culture — Musique
Théâtre des Champs-Élysées — 2008-11-19
Anna Caterina Antonacci, soprano
Ensemble Orchestral de Paris
John Nelson, direction
Der Freischütz, ouverture (Weber).
La Mort de Cléopâtre, scène lyrique (Berlioz)
Symphonie nº9 La Grande (Schubert)
J'ai assisté hier à un concert de l'Ensemble orchestal de Paris. En dehors de l'ouverture du Freischütz de Weber que je n'avais toutefois pas encore entendue en concert (et que John Nelson dirige de mémoire), je ne connaissais aucune des œuvres au programme. Si j'ajoutai ce concert à mon abonnement, c'est qu'après cette ouverture était prévue une œuvre de Berlioz, La Mort de Cléopâtre, interprétée par Anna-Caterina Antonacci. J'apprécie toujours autant cette chanteuse, dont le programme nous apprend qu'elle vit à Paris. Elle m'a pourtant semblé un peu tendue, même pour venir saluer de nombreuses fois sous les applaudissements enthousiastes du public.
La deuxième partie du concert était réservée à la symphonie nº9 La Grande de Schubert, que je découvrais aussi. Ses dimensions sont effectivement assez grandes puisqu'elle dure environ une heure. Je n'ai pas terriblement été emballé par le premier mouvement. Les autres mouvements m'ont bien plu, et tout particulièrement les deuxième et troisième.
⁂
Depuis mon premier concert Haydn à Pleyel, je me
disais que Haydn faisait partie des compositeurs que je découvrirais
volontiers plus en profondeur. Bien que son style soit proche de celui de
Mozart, j'apprécie l'un alors que l'autre tend plutôt à m'exaspérer. Hier
soir, en feuilletant le Monde, je tombe, page une, sur une publicité
annonçant une intégrale
Haydn, publiée par le même éditeur que l'intégrale Mozart que je
possède déjà. Je me laisserai peut-être tenter prochainement. Il fait
longtemps que mon penchant discolique n'a pas été satisfait : en réserve,
je n'ai plus que 18 heures de musique non écoutée, plus que cinq opéras et un
oratorio. Ce qui m'inquiète, c'est que cette intégrale
de 150 CD a
un sous-titre : volume 1
. Je savais ce compositeur très prolifique,
mais je n'imaginais pas que son œuvre pût être aussi volumineuse. Ce
premier volume comporte la centaine des symphonies de ce compositeur,
l'oratorio La Création (qui est au programme du concert du 29
novembre au TCE) et bien d'autres œuvres encore.
2008-11-15 02:25+0100 (Orsay) — Culture — Musique
Salle Pleyel — 2008-11-14
Sandrine Piau, soprano
Marie-Claude Chappuis, alto
Jörg Dürmüller, ténor
Klaus Mertens, basse
The Amsterdam Baroque Orchestra and Choir
Ton Koopman, direction
Messe en si mineur, BWV 232, Johann Sebastian Bach.
Hier soir, c'était ma quatrième Messe en si mineur. La deuxième de suite à Pleyel après celle de février dernier par Le Concert Spirituel (que j'avais beaucoup appréciée). La deuxième de Koopman après celle de février 2006 au TCE, avec déjà la basse Klaus Mertens. Les solistes de ce soir étaient plus enthousiasmants que ceux d'hier. J'apprécie toujours autant cette basse, ai agréablement découvert l'alto Marie-Claude Chappuis et réentendu Sandrine Piau (que je n'avais pour le moment entendue que dans La Passion selon Saint Jean au TCE en 2003). J'ai un peu plus modérément apprécié le ténor Jörg Dürmüller (déjà entendu en évangéliste dans L'Oratorio de Noël 1 et la susdite Passion).
Entre chacune des parties et sous-parties de l'œuvre, les instrumentistes se réaccordaient. En revanche, j'ai apprécié que souvent les mouvements s'enchaînassent quasiment sans temps mort (ce qui permet de faire passer son tour au chœur de tousseurs). De très beaux airs, duos et chœurs. Mimiques caractéristiques de Ton Koopman. Un très bon concert. Malheureusement, les applaudissements énergiques de la salle n'ont pas été récompensés d'un bis. (Ce qui est ennuyeux avec la messe en si mineur, c'est qu'il n'y a pas vraiment de mouvement qu'il soit logique de bisser, alors que pour une cantate, il est courant de reprendre le choral final.)
J'ai eu le plaisir de revoir Palpatine à l'entr'acte.
[1] Je fréquente le TCE depuis 2002. J'y ai assisté à des représentations de l'Oratorio de Noël (BWV 248) chaque année depuis cette date, c'est dire si cette œuvre me plaît. J'ignore pourquoi elle n'a pas été reprogrammée cette année ; si cela avait été le cas, j'y serais retourné. Cette œuvre est très longue : elle est composée de six cantates. Lors de ces concerts, seules quatre cantates étaient jouées : 1-2-3-4 ou 1-2-3-6. Je n'ai donc jamais entendue la cinquième cantate en concert.
2008-11-14 08:11+0100 (Orsay) — Culture — Musique
Théâtre des Champs-Élysées — 2008-11-13
Hana Blazíková, soprano
Robin Blaze, alto
Jan Kobow, ténor
Peter Kooij, basse
Bach Collegium Japan
Masaaki Suzuki, direction
Cantate Herr, deine Augen sehen nach dem Glauben !, BWV 102.
Cantate Wachet auf, ruft uns die Stimme, BWV 140.
Messe en sol mineur, BWV 235.
J'étais hier soir au Théâtre des Champs-Élysées pour un concert du Collegium Bach Japan dirigé par Masaaki Suzuki. Un des premiers disques de musique classique que j'aie acheté était de Bach et c'était la Passion selon Saint-Mathieu interprétée par cet ensemble (probablement vers 2000/2001). J'étais donc a priori très content d'aller écouter ces musiciens.
Je m'installe au deuxième balcon de face. Les musiciens s'installent. L'effectif sera réduit au possible : une petite quinzaine de musiciens. Quand commence le choral de la cantate BWV 102 Herr, deine Augen sehen nach dem Glauben, je me demande si le chef n'aurait pas prévu de faire rentrer les solistes au fur et à mesure. En regardant plus attentivement le chœur, je remarque que les trois solistes hommes (que j'ai déjà entendus chacun un certain nombre de fois dans ce registre) sont bien là, chantant avec les douze autres choristes ; pour découvrir la soprano, j'attendrai un peu. La cantate BWV 102 ne me paraît pas terriblement intéressante (eu égard à la moyenne des cantates) ; je me distrais en lisant le texte, disons assez amer envers les incroyants.
La partie de programme qui m'enthousiasme le plus est la cantate BWV 140 Wachet auf, ruft uns die Stimme. J'ai plusieurs fois parlé ici de cette cantate, dont la position peu enviable dans le calendrier liturgique fait que les occasions de la jouer à la date prévue par icelui sont très rares puisque la date de Pâques, calculée en fonction des phases de la Lune (en gros), doit intervenir le plus tôt possible dans l'année pour que ce soit le cas (prochaines occasions : 23 novembre 2008, 25 novembre 2035).
Le chœur introductif de cette cantate est superbe, tout comme son choral final (dont on aura un bis à la fin du concert). Le mouvement qu'on attend le plus est le choral du milieu, chanté par le ténor, morceau célèbre pour n'avoir pas été plagié dans la chanson A Whiter Shade of Pale. La dernière fois que je l'avais entendu en concert pour des cantates de Bach, j'avais été un peu déçu par le ténor, peu puissant. Je n'avais donc pas de trop hautes attentes concernant ce choral. Cela me désespère un peu, mais ce ténor Jan Kobow n'était pas très convaincant ; son visage trahissait un certain ennui, la ferveur du texte aidant, on en eût pu attendre un peu plus d'enthousiasme, bon sang. Néanmoins, c'était acceptable, un peu plus que ce que le Concentus Musicus Wien (Harnoncourt) et le ténor d'alors avaient proposé l'année dernière salle Pleyel dans l'interprétation de cette même cantate. Entre ces choraux s'insèrent des couples de mouvements récitatifs/duo soprano-basse. Ces duos sont délicieux et leur texte a beaucoup amusé Palpatine.
La deuxième partie du concert est réservée à la messe en sol mineur (BWV 235). Le premier mouvement Kyrie ressemblait très fortement au premier mouvement de la cantate 102 ! Bach est coutumier de ce genre d'emprunts. Ayant lu le programme au début du concert, je savais déjà qu'il y aurait une telle conjonction. La surprise est encore plus forte quand on s'en rend compte en plein concert. C'était la première fois que je voyais deux versions d'un mouvement au programme de la même soirée de concert. Pas grand'chose d'autre à dire sur cette messe (brève). J'étais avant tout venu pour la cantate 140.
2008-10-25 01:52+0200 (Orsay) — Culture — Musique — Danse
Opéra Garnier — 2008-10-24
José Martinez, chorégraphie, adaptation
Marc-Olivier Dupin, musique
François Roussillon, adaptation
Ezio Toffolutti, décors
Agnès Letestu, costumes
André Diot, lumières
Arantxa Sagardoy, assistante du chorégraphe
Licia Lucchese, assistante du décorateur
Pablo Heras-Casado, direction musicale
Eve Grinsztajn, Garance
Bruno Bouché, Baptiste
Karl Paquette, Frédérick Lemaître
Vincent Chaillet, Lacenaire
Alice Renavand, Nathalie
Ghyslaine Reichert, Madame Hermine
Aurélien Houette, Le Comte
Alexandre Gasse, Avril, complice de Lacenaire
Richard Wilk, Jéricho, le marchant d'habits
Alexandre Labrot, Arlequin
Alexis Saramite, Le concierge
Ludmila Pagliero, Rigolette
Christelle Granier, Pamela
Nolwenn Daniel, Desdémone
Sarah Kora Dayanova, La Ballerine
Ballet de l'Opéra
Ensemble Orchestral de Paris
Les Enfants du paradis, ballet en deux actes d'après le scénario de Jacques Prévert
Ce soir, c'était la première fois que j'allais à l'Opéra Garnier pour assister à un ballet. J'y étais déjà allé pour un opéra-ballet, mais sans texte chanté, ce n'est pas du tout la même chose. J'ai vraiment adoré ce spectacle, Les Enfants du paradis, création de José Martinez, d'après le scénario de Jacques Prévert du film du même nom de Marcel Carné, qu'à ma grande honte, j'avoue n'avoir pas vu.
Cela avait failli ne pas commencer du tout. Bien que j'eusse prévu une marge d'une demi-heure, mon RER a été tellement retardé que j'ai craint d'arriver en retard. Il a été transformé en omnibus, s'est trouvé bondé et pour couronner le tout, déguisés en lapins, un petit groupe d'imbéciles étudiants faisaient les zouaves. Changement à Châtelet, direction Pyramides. Je n'avais pas le souvenir que l'avenue de l'Opéra fût si longue. J'arrive tout juste à l'entrée de ma quatrième loge de côté (tout en haut) avant que le spectacle commence. En ayant payé 20€, je ne m'attendais pas à avoir une place aussi satisfaisante. Certes, cela donne un peu le vertige, on est un peu serrés, ce n'est pas très confortable, il faudrait prévoir une genouillère pour ne pas se faire mal en se cognant contre le bord. Pour prévenir l'engourdissement des jambes, il n'y a probablement rien à faire. Malgré ce relatif inconfort, bien calé dans mon siège, je voyais la scène et l'orchestre presqu'en entier. Pour voir le coin qui manquait, il me suffisait de me pencher un peu. M'étant installé au tout dernier moment, je n'ai pas sorti mes jumelles d'opéra pour ne pas faire de bruit. Je me suis bien rattrapé au deuxième acte et ai été agréablement surpris des excellentes conditions de vision que cette place offrait. En comparaison, à Bastille, en six- ou septième catégorie, je ne vois pas aussi bien les visages des artistes.
La musique de Marc Olivier Dupin était belle à écouter. Les décors
étaient magnifiques, tout en mise en abyme. Les décors étaient des décors,
à l'endroit ou à l'envers. La mise en scène du premier acte était
époustouflante, il était impossible de se focaliser sur un point de la
scène tant il se passait de choses en même temps :
funambules
, un bal populaire, du théâtre à l'intérieur du théâtre,
etc. Ce n'était finalement pas plus mal de voir ce premier acte sans les
jumelles. Bien sûr, l'intrigue se noue autour de Garance et de ceux qui la
convoitent : Baptiste, Frédérick, le Comte. Le programme comportait un
véritable entr'acte, c'est-à-dire non seulement une pause entre les deux
actes, mais aussi un mini-spectacle à part entière. Des tracts ont
d'ailleurs été jetés du poulailler pour annoncer une représentation
d'Othello au Théâtre du grand escalier. Ainsi donc, sur
l'escalier de l'Opéra, Desdémone n'en finissait pas d'agoniser. Sur la scène
du théâtre, une répétition du ballet Robert Macaire se tenait.
Le début du deuxième acte se passe toujours dans l'univers du spectacle, avec donc, la création du ballet Robert Macaire de Frédérick Lemaître, qui en est la vedette. À la fin de cette scène merveilleuse, on ne sait plus très bien si on applaudit Frédérick Lemaître et la Ballerine qui viennent saluer ou bien s'il s'agit de Karl Paquette et Sarah Kora Dayanova qui interprètent leurs rôles. Nous sommes à une autre époque qu'au premier acte. Garance a épousé le Comte pour la protection qu'il lui procure et Baptiste a épousé Nathalie qui lui a donné un enfant. En assistant à un spectacle depuis un des fauteuils de l'Opéra (décidément), elle retrouve Baptiste, déguisé en Pierrot, faisant un numéro de pantomime, dont le thème se rapproche curieusement du niveau méta de moins. Il n'a pas d'argent pour acheter un costume au 'chand d'habits, il le poignarde. Quand il débarque au bal du Comte, il porte le costume que son personnage a volé. Garance retombe sous son charme. Le Comte est assassiné par un homme qu'il a humilié. Garance et Baptiste pourraient s'aimer, mais ils sont surpris par un chiffonnier qui est accompagné de Nathalie. Se sentant de trop, Garance part pour ne jamais revenir.
Voilà, c'est superbe, et ça se joue jusqu'au 8 novembre.
Ailleurs : l'avis de Palpatine.
2008-10-24 01:48+0200 (Orsay) — Culture — Musique — Danse
Théâtre de la Ville — Place du Châtelet — 2008-10-23
Alain Platel, concept et mise en scène
Fabrizio Cassol, musique originale d'après La Passion selon saint Matthieu de J. S. Bach
Hildegard De Vuyst, dramaturgie
Kaat Dewindt, dramaturgie musicale
Peter De Blieck, scénographie
Claudine Grinwis Plaat Stultjes, costumes
Carlo Bourguignon, lumières
Kurt Lefevre, assistant lumières
Caroline Wagner, Michel Andina, son
Moha Zami, régie plateau
Elia Tass, Émile Josse, Hyo Seung Ye, Juliana Neves, Lisi Estarás, Louis-Clément Da Costa, Mathieu Desseigne Ravel, Quan Bui Ngoc, Romeu Runa, Rosalba Torres Guerrero, danse
Laura Claycomb, soprano
Maribeth Diggle, alto/mezzo
Serge Kakudji, contre-ténorj
Magic Malik, chant/flûte
Fabrizio Cassol, saxophone
Michel Hatzigeorgiou, fender bass, bouzouki
Stéphane Galland, tambours, percussions
Airelle Besson, trompette
Krassimir Sterev, accordéon
Michael Moser, violoncelle
Tcha Limberger, violon
Aka Moon
Pitié !
Une des qualités du Théâtre de la Ville est de proposer des prix très modérés, de sorte que l'on en a toujours pour son argent, que le spectacle plaise ou non. Pour 12€, j'aurai donc eu le privilège d'assister depuis le premier rang à un spectacle qui fait davantage rire que pleurer, mais vu le thème censément abordé, ce n'est pas un compliment.
C'est la troisième fois que j'assiste à un spectacle mettant en scène des œuvres de Bach. Ce spectacle était de loin le moins inspiré des trois. La musique de Fabrizio Cassol reprend, déforme et massacre la musique de la Passion selon saint Mathieu de J. S. Bach. Elle est interprétée par un groupe de huit musiciens situés en hauteur en arrière-scène, au cœur du décor Ikea. Le chant est assuré par la soprano Laura Claycomb (que j'avais déjà vue dans le rôle de Gilda), la mezzo-soprano Maribeth Diggle et l'étonnant contre-ténor Serge Kakudji. Des airs, des choraux et mêmes quelques récitatifs se succèdent. Certains sont adaptés de façon non grotesque, mais d'autres sont complètement dénaturés, comme Können Tränen meiner Wangen ou Mache dich, mein Herze, rein. Le plus vilain massacre est celui du chœur final Wir setzen uns mit Tränen nieder. Il est correctement interprété par l'ensemble jazz Aka Moon, mais au moment où s'attend à entendre le chant débutant de belles voix, on entend les dix danseurs gémir de grotesques onomatopées.
Les trois chanteurs ont des costumes noirs, sauf Serge Kakudji qui a un sweat à l'effigie d'un Jésus pourvu de marques sectaires vishnouïstes. Des pansements sur ses mains et pieds semblent figurer les stigmates de la crucifixion. La répartition des voix n'est pas très cohérente puisqu'on a entendu la mezzo-soprano chanter des phrases en principe chantées par Jésus.
Les dix danseurs forment un groupe étonnant. Certains passages sont assez impressionnants, comme le premier solo de type hip-hop. Les corps sont pincés, contorsionnés, s'utilisent les uns les autres de façon bien curieuse, jouissent, se font mal. Ce n'est pas désagréable, mais tout cela n'a pas fichtrement rapport avec l'histoire qu'ils sont réputés illustrer. En outre, je ne vois pas trop l'intérêt de céder à la trivialité qui consiste à faire voir le séant des danseurs.
Un vers de la Bible à été mis en scène de façon indiscutablement spectaculaire :
Matthieu 27:51 : Alors le voile du sanctuaire se déchira en deux, d'en haut jusqu'en bas, la terre trembla, les rochers se fendirent.
En effet, Laura Claycomb a empoigné une grande hache et en a frappé une table. Au moment précis de l'impact, plusieurs rangées de lumières se sont mises à bouger dangereusement au plafond.
Voilà, c'était Pitié ! d'Alain Platel. Ne pas y aller si on aime trop la musique de Bach pour la voir souffrir ; de toute façon, c'est déjà complet...
2008-10-14 21:12+0200 (Orsay) — Culture — Musique — Opéra
Théâtre des Champs-Élysées — 2008-10-12
Claire Debono, La Gloire, Phénice, Lucinde (dessus)
Isabelle Druet, La Sagesse, Sidonie, Mélisse (bas-dessus)
Stéphanie d'Oustrac, Armide (bas-dessus)
Nathan Berg, Hidraot (basse)
Marc Mauillon, Aronte, Ubalde (basse)
Marc Callahan, Artémidore (haute-contre)
Paul Agnew, Renaud (haute-contre)
Laurent Naouri, La Haine (basse)
Andrew Tortise, Le Chevalier danois (haute-contre)
Anders J. Dahlin, Un amant fortuné (haute-contre)
Francesca Boncompagni, La Nymphe (dessus)
Violaine Lucas, La bergère héroïque (dessus)
Virginie Thomas, La bergère (dessus)
William Christie, direction musicale
Robert Carsen, mise en scène
Gideon Davey, décors et costumes
Jean-Claude Gallotta, chorégraphie
Robert Carsen et Peter Van Praet, lumières
Les Arts Florissants
Danseurs du Centre Chorégraphique National de Grenoble / Groupe Émile Dubois
Armide, Jean-Baptiste Lully.
Dimanche dernier, j'étais au Théâtre des Champs-Élysées pour une représentation d'Armide, opéra en un prologue et cinq actes de Lully.
Le prologue, panégyrique de Louis XIV et annonce du thème de l'opéra,
est interprété par William Christie et les Arts florissants pendant que les
choristes déguisés en touristes envahissent la salle par diverses portes.
La scène ressemble à l'entrée d'une exposition. On annonce Prochaine
visite à 17h
. La Gloire et la Sagesse (Claire Debono et Isabelle Druet)
entrent sur scène en guides touristiques munies de baguettes et de
télécommande pour vidéoprojecteur pour faire défiler des images du
Roi-Soleil sur la grande toile située au milieu de la scène. On voit un
film d'un groupe de touristes à Versailles, écoutant dans un premier temps
sagement leur guide, puis se mettant à danser en entrant dans la galerie
des Glaces. Ce prologue joyeusement animé par écran interposé par les
danseurs du Centre chorégraphique national de Grenoble (groupe Émile
Dubois) et par nos deux guides et les choristes installés dans la salle me
fait me demander si j'ai bien lu le programme : cela ne ressemble guère à
du Robert Carsen.
Quand le premier acte commence, je retrouve une mise en scène et des décors d'un style plus familier. Un joli fondu enchaîné entre la fin du film projeté et la première scène où Armide, Stéphanie d'Oustrac, se réveille dans un lit à baldaquin. On vante les victoires de la magicienne sur les croisés, mais un guerrier, Renaud (Paul Agnew), lui résiste, il vient d'ailleurs de libérer les prisonniers. Elle promet de se venger.
Au deuxième acte, Armide et son oncle Hidraot convoquent des charmes pour enchanter Renaud. Des nymphes vêtues en rouge et portant des fleurs entourent Renaud qui s'assoupit au milieu de la scène, couverte de fleurs. Par le pouvoir des machinistes, il se trouve surélevé de quelques dizaines de centimètres. Armide arrive avec un poignard pour le tuer, commence l'air Enfin, il est en ma puissance. Quand elle le voit, elle en tombe amoureuse et renonce à le tuer.
Entr'acte. Armide ne pense pas être aimée de Renaud. Elle croit ne pouvoir le divertir de ce sentiment que par magie. Elle convoque la Haine (Laurent Naouri) pour se défaire de son amour pour lui. La Haine et sa suite, vêtus de rouge, interviennent. Au dernier moment, Armide renonce aux pouvoirs de la Haine et prend refuge dans l'Amour. Les membres de la suite de la Haine embrassent goulûment l'héroïne.
Le quatrième acte est très curieux. Ubalde et le Chevalier danois sont chacun à son tour perturbés dans leur recherche de Renaud par l'apparition d'une nymphe enjôleuse. Pendant que l'un est charmé, l'autre utilise une arme magique pour défaire la nymphe de son pouvoir charmeur.
Au dernier acte, Armide et Renaud sont devenus amants. Armide craint que Renaud ne lui préfère la Gloire et le laisse sous le charme des plaisirs. Les deux compères du quatrièmes actes retrouvent Renaud et le libèrent du pouvoir d'Armide. Renaud s'habille (en rouge) et répond à l'appel de la guerre. Armide revient (en gris) et le maudit.
Si j'ai toujours un peu de mal avec les opéras baroques en français, j'ai passé un bon moment. J'ai revu avec plaisir Paul Agnew et Laurent Naouri. Après vérifications dans mes archives, si j'avais déjà entendu Stéphanie d'Oustrac dans plusieurs rôles secondaires d'Alceste (en version oratorio), je ne l'avais jamais vue dans un rôle principal. J'ai particulièrement apprécié son jeu et son chant dans l'air final du deuxième acte.
La dernière est samedi prochain. Elle sera diffusée en direct sur France Musique.
En rentrant, mon RER B est bloqué à Laplace en raison d'un accident
grave de voyageur
(en clair : un suicide). Je continue à pieds. Trois
stations plus loin, à Bourg-la-Reine, je trouve un RER pour
Massy-Palaiseau, puis un autre pour Orsay.
2008-10-09 23:05+0200 (Orsay) — Culture — Musique — Opéra
Je viens enfin de finir d'écouter mon intégrale Brilliant de Wolfgang Amadeus Mozart. Il m'aura fallu 1074 jours pour cela, c'est-à-dire un peu moins de trois ans. Voici le graphique de ma lente progression (le nombre de jours depuis l'acquisition en abscisse et en ordonnée le pourcentage écouté à cette date) :
Je l'ai écoutée essentiellement dans l'ordre chronologique de composition, à savoir dans l'ordre du catalogue Köchel. Ce qui m'a beaucoup ralenti, voire bloqué, surtout au début, étaient les opéras, franchement pas très intéressants. J'ai un peu accéléré le rythme d'écoute il y a un an, et il y a quelques semaines, pressé d'arriver au bout, je me suis presque infligé une sorte d'anti-traitement Ludovico. À partir des Noces de Figaro, les opéras de Mozart deviennent tout à fait supportables à mon goût ; j'ai hâte de voir une représentation de La Flûte enchantée.
Comme je le disais il y a trois ans, je n'ai pas acheté cette intégrale par goût. J'avais juste envie de connaître un peu mieux ce compositeur. J'estimais alors qu'il était moins ruineux d'acheter l'intégrale qui venait de sortir que d'acheter isolément tels ou tels symphonies, concertos ou opéras. À la fin de cette écoute, je suis toujours très loin de considérer Mozart comme un de mes compositeurs préférés.
⁂
J'ai encore en réserve une bonne quarantaine d'heures de CD non écoutés, parmi lesquels quelques opéras et oratorios :
Il paraît que je suis discolique.
2008-10-02 22:37+0200 (Orsay) — Culture — Musique
Salle Pleyel — 2008-09-30
Jean-Guilhen Queyras, violoncelle
Orchestre des Champs-Élysées
Philippe Herreweghe, direction
Symphonie nº94 La Surprise
(Haydn)
Concerto pour violoncelle en ut majeur (Haydn)
Sarabande de la deuxième suite pour violoncelle (Bach)
Symphonie nº3 Héroïque
(Beethoven)
Mardi soir, j'étais salle Pleyel pour le concert de l'Orchestre des
Champs-Élysées, dirigé par Philippe Herreweghe. Jusques alors, je le
connaissais surtout comme le chef du Collegium Vocale Gent pour avoir
assisté à quelques concerts où des cantates de Bach étaient au programme.
D'après Wikipédia,
le répertoire de l'Orchestre des Champs-Élysées va de Haydn à Mahler.
Justement, mardi, les deux premières œuvres au programme étaient de Haydn.
Je ne connaissais pas du tout ce compositeur, si ce n'est que j'avais
vaguement entendu dire qu'il avait inspiré Mozart. Je découvris la
symphonie La Surprise
et le concerto pour violoncelle en ut majeur
et fut très étonné qu'ils me plussent autant. Avant l'entr'acte, le
violoncelliste Jean-Guilhen Queyras nous a gratifiés de la Sarabande de la
deuxième suite de Bach. La troisième symphonie de Beethoven constituait la
deuxième partie du programme. Parmi toutes les symphonies de Beethoven, la
troisième est de très loin celle que j'ai écoutée le plus souvent. Certains
diront que c'est de la musique militaire, mais c'est quand même très
beau.
⁂
Salle Pleyel — 2008-10-01
June Anderson, soprano
Orchestre National Bordeaux Aquitaine
Paolo Olmi, direction
Bel raggio lusinghier et Dolce pensiero de Semiramide (Rossini)
Ouverture du Voyage à Reims (Rossini)
Casta diva et Sinfonia de Norma (Bellini)
Ah, non credea et Ah, non giunge de La sonnambula (Bellini)
Mia madre et Ave Maria d'Otello (Verdi)
L'Automne, musique de danse des Vêpres siciliennes (Verdi)
Al doce guidami et Coppia iniqua d'Anna Bolena (Donizetti)
Mio babbino caro de Gianni Schicchi (Puccini).
Hier, je suis retourné dans cette salle pour un récital de June Anderson. Un rhume naissant m'a un peu angoissé : mes voies respiratoires seraient-elles suffisamment fonctionnelles pour éviter aux autres spectateurs de devoir souffrir le fait que je tousse pendant les airs ? Le rhume a repris de plus belle depuis, mais pendant le concert, je n'ai pas eu de souci de ce côté-là.
La soprano était accompagnée de l'Orchestre National Bordeaux Aquitaine,
dirigé par Paolo Olmi. Au cours du concert, plusieurs œuvres orchestrales
issues d'opéras ont été jouées : l'Ouverture du Voyage à Reims de
Rossini, le Sinfonia de Norma de Bellini et l'étonnante musique de
danse des Vêpres siciliennes de Verdi. La part restant pour le
chant de la soprano n'était pas aussi importante que je l'eusse souhaité.
Heureusement, ce fut quand même plus long que ce que le programme
indiquait : le concert a fini trois quarts d'heure après les 21h30
annoncées. June Anderson a donc interprété des airs de Semiramide (Rossini)
que je ne connaissais pas, puis l'air très connu Casta diva de
Norma. Elle est revenue pour les deux airs finaux de La sonnambula
de Bellini. J'affectionne tout particulièrement l'air final Ah, non
giunge uman penseiro. Cet opéra présente la caractère inhabituel de se
bien finir. Amina se réjouit de ce qui lui arrive. La soprano chante les
deux strophes normalement
, puis recommence en insérant des
ornementations tout à fait charmantes. Après l'entr'acte, June Anderson a
chanté quelques airs d'Otello (Verdi) et d'Anna Bolena
que je n'avais jamais entendus. Bien sûr, elle a été ovationnée tout au
long du récital et a interprété un air supplémentaire (que je n'ai pas
identifié).
C'était la première fois que j'allais à un tel récital. Si June Anderson est évidemment sur le déclin, vu son âge, elle semblait parfaitement maîtriser son art et susciter l'émotion de ces airs d'opéra. Si ce n'était pas à tomber par terre, c'était malgré tout très bien.
2008-09-28 23:22+0200 (Orsay) — Culture — Musique — Danse — Danses indiennes — Culture indienne — Dhrupad
Cité de la musique — 2008-09-28
Vingt-quatre heures du râga. L'Inde : le jour.
Sheik Mahaboob Subahani Sheik Meera Saheb, nadhaswaram
Sheik Kale Eshabimahaboob Sheikmahaboob Subhani, nadhaswaram
Govindarajan Rajamannar, tavil
Sankar Manickam, tavil
Musique rituelle des temples (Inde du Sud)
Ensemble Tala Vathyam
Srikanth Venkataraman, violon
Sri Naga Siva Venkata Subbaraya Phal Parupalli, mridangam
Sukanya Ramgopal, gattam
Panwar Koshal Kumar, tabla
Ensemble rythmique
Neena Prasad, danse
Madhavan Nampoothiri Cheerakattu Parameswaran, chant
Satheesan Paliyam Parambil Madhavan, mridangam
Narayanan Muraleekrishnan Pazhangapparambilvadakkemana, vînâ
Krishnakumar Thrikkur Madom Anatharaman, edaka
Danse mohiniattam du Kerala
Shashank Subbu, flûte
Srikanth Venkataraman, violon
Sri Naga Siva Venkata Subbaraya Phal Parupalli, mridangam
Sukanya Ramgopal, gattam
Flûte bansuri (Inde du Sud)
Sudha Ragunathan, chant
Skanda Subramanian Sundarajan, mridangam
Kannan Sadagopan, violon
Raman Ramakrishnan, morsing
Chant carnatique (Inde du Sud)
Divana
Barkat Khan, chant
Anwar Khan, chant
Mehruddin Langa, satâra, sarangui, morchang
Ghewar Khan Manganiar, kamanchiya
Firoze Khan Manganiar, dholak
Gazi Khan Barana, direction, kartâl
Chant du Rajasthan
Kaushiki Chakraborty, chant khyal et thumri
Vijay Gathe, tabla
Hiranmay Mitra, harmonium
Chant khyal et thumri
Ajay Rathore, danse
Aditi Jain, danse
Jyoti Bharti Goswami, tarant
Ramesh Meena, chant, harmonium
Panwar Koshal Kumar, tabla
Danse kathak de Jaipur
Gundecha Brothers
Ramakant, Umakant Gundecha, chant dhrupad
Akilesh Gundecha, pakhawaj
Nirant Gundecha, tanpura
Chant dhrupad
Je reviens des vingt-quatre heures du râga, qui ont commencé hier à 18h. Ce programme audacieux de la Cité de la musique était divisé en deux parties : Nuit, Jour. Sur les neuf spectacles présentés dans chacune des deux parties, sept étaient communs, je n'ai donc pas jugé utile de suivre les deux programmes !
Je me suis donc levé à une heure invraisemblable pour arriver un peu avant 7h à la Cité de la Musique, porte de Pantin, où j'allais pour la première fois. Les alentours de la salle des concerts sont sobrement décorés à l'indienne. J'hallucine un peu en voyant passer devant moi un marchand ambulant de CD ayant quelques difficultés d'expression, ou comment donner aussitôt l'illusion que l'on se trouve sur un autre continent ; en fait, il s'agit d'un musicien d'un groupe rajasthani qui va se produire. Le contrôle est très moderne : l'ouvreur passe un lecteur de codes-barres sur le billet. Évidemment, mon billet fait bugger le système. On n'arrête pas le progrès.
Entre la scène et la première rangée de fauteuils sont disposés des tapis sur lesquels les plus audacieux s'asseyent. Si j'avais su, j'eusse apporté un coussin. Victime du grand ordinateur Shadok, je dois m'installer au deuxième rang. Vu la taille de la salle, dans les configurations usuelles, je suppose qu'à peu près toutes les places doivent être correctes (à moins d'avoir un basketteur devant soi). Les sièges sont très confortables, en tout cas, bien plus que dans un certain nombre d'autres salles parisiennes.
Les groupes se succèdent : musique rituelle des temples (nadaswaram et tavil), ensemble rythmique, danse mohiniattam du Kerala, flûte bansuri, chant carnatique, chant du Rajasthan, chant khyal et thumri, danse kathak de Jaipur, chant dhrupad. Le programme est très chargé : dix heures de spectacles, deux pauses d'un quart d'heure. La première pause d'un quart d'heure a d'ailleurs été quasi-absorbée par le retard accumulé dans la matinée. J'avais à peine fini mon plateau de samosas et mon lassi quand le spectacle suivant commença.
Ne connaissant pas très bien la musique classique indienne,
j'appréhendais un peu cette journée, par peur de m'ennuyer. Dans
l'ensemble, tout cela était très écoutable. J'ai découvert deux autres
styles de danse : le mohiniattam et le kathak. J'avais déjà entr'aperçu un
peu de kathak à Allahabad, mais cela ne compte pas. Le
mohiniattam semble avoir quelques similitudes avec le bharata-natyam, un
autre style de danse du Sud de l'Inde, mais paraît un peu moins compliqué
et d'exécution moins rapide. La première différence que j'ai remarquée avec
le kathak, c'est que dans cette dernière danse, les danseurs font beaucoup
de pirouettes. L'ensemble des danseurs kathak comportait deux danseuses
(d'âges très différents) et un jeune danseur. Le peu de cohésion entre les
danseurs, leurs manières d'entrer et sortir de scène (ou plutôt de n'en pas
sortir quand il conviendrait) ne faisait pas très pro
(contrairement
aux sept spectacles qui avaient précédé). Ensuite, est venu un entr'acte
musical qui s'est achevé par le son de grelots de cheville approchant. Dans
leur nouveau costume, les trois danseurs ont présenté une deuxième partie
de spectacle bien plus enthousiasmante que la première.
Je n'ai pas encore fait toute la lumière sur le mystère du tampura. Le
son de cet instrument est très important dans la musique classique
indienne, pourtant, on ne le voit pas si souvent en scène. Il s'agit d'un
instrument à cordes. Chacune des cordes est librement actionnée à tour de
rôle, ce qui produit un son métallique fluctuant continûment de façon
curieuse. Si on faisait la même chose avec un violon, on entendrait quatre
notes qui se suivent. Là, toutes les notes se mélangent... Les
instrumentistes de tampura joueront la même suite de notes pendant de
longues dizaines de minutes consécutives et auront tendance à s'ennuyer
ferme. Certains ont eu l'idée de les remplacer par des machines : de fait,
beaucoup d'ensembles utilisent un objet électronique qui ressemble de loin
à un vieux transistor. Il permet de synthétiser les combinaisons dont ils
ont besoin. Ce matin, le joueur de bansuri n'a pas utilisé une de ces
machines, mais son ordinateur portable pour ce faire. S'excusant de ce
qu'il soit difficile de transporter des tampura, il a utilisé un
enregistrement de cet instrument (en insistant pour dire que c'est du real sound
). Le dernier ensemble de la journée comprenait
deux joueurs de tampura, et pourtant, le leader a utilisé au début une
machine, semble-t-il pour accorder les instruments, mais il me semble qu'il
ne l'a jamais éteinte, bizarre.
Dans l'ensemble, les spectacles étaient bons voire très bons. Un d'entre eux m'a semblé excellent. C'était celui de Sudha Ragunathan, qui était accompagnée d'un violon, d'un mridangam (percussion) et d'un morsing (guimbarde). Avant chaque pièce, elle a fait l'effort d'expliquer sa structure et le sens du texte (ce n'était pas le cas par exemple du groupe de chanteurs du Rajasthan, je n'ai pas le début du commencement d'une idée sur ce que signifiaient leurs chansons). Plutôt que d'essayer de décrire de la musique carnatique de Sudha Rahunathan, je renvoie à YouTube.
Vers 17h, il ne restait plus qu'un seul spectacle d'une heure. Je me disais que j'y étais presque, qu'il ne restait plus qu'une heure. La mise en place du dernier ensemble (chant dhrupad) a pris pas mal de temps. Les maestros ont mis un temps fou à accorder les deux tampuras. Une gorgée de thé. Ensuite, ils ont eu un petit problème technique. Nouvelle gorgée de thé. Le machiniste intervient. Gorgée de thé. Pendant ce temps-là, le public cache son impatience. Il ne sait peut-être pas encore que ce dernier spectacle est le plus exigeant et austère de tous et que pour tenir jusqu'au bout, il faudra faire des efforts. Pendant plus de trois quarts d'heure, les deux chanteurs ne sont accompagnés que par le son des tampuras. Le chant évolue tout doucement, quand on croit que l'on va avancer un petit peu, non, on revient en arrière, une petite gorgée de thé au passage (il doit être froid maintenant, mais est-ce bien du thé ?). Tiens, le joueur de pakhawaj (percussion) se dégourdit les doigts, jouera, jouera pas ? allez encore dix minutes à attendre. Je commence franchement à m'ennuyer et à la fin de chaque phrase musicale désespère de constater que ce n'est pas une fin. Ce n'est pas que ce soit désagréable à entendre, non, mais c'est juste trop long pour moi. 18h25, le groupe a très largement dépassé son temps. Applaudissements du public qui a réussi à tenir jusqu'au bout. Applaudissements un tout petit peu trop enthousiastes, parce que, profitant de ce que nous sommes arrivés à la fin du programme, le groupe a le champ libre pour sacrifier à la tradition des rappels. Quand j'ai vu que les tampuras en étaient à se faire réaccorder (ce qui prendrait bien cinq minutes par instrument), j'ai lâchement fui.
PS: (2 octobre) Les vingt-quatre heures du râga ont été diffusées en direct sur Internet. Je viens de recevoir un mail de la Cité de la Musique m'informant que l'on peut revisionner ce programme en intégralité jusqu'au 30 octobre. Apparemment, il faudrait un système d'exploitation de la firme de Redmond pour ce faire, mais c'est assez facilement circumambulable... Enjoy!
2008-04-11 08:53+0200 (Orsay) — Culture — Musique — Opéra — Culture indienne
Je ne sais pas ce qui se passe cette année, mais par rapport aux années précédentes, j'observe un inquiétant nombre de spectacles annulés parmi ceux que j'avais réservés.
Au Théâtre du Châtelet, sur les cinq spectacles de mon abonnement, deux ont été annulés, pour des raisons en apparence assez futiles d'après les lettres envoyées par le Théâtre pour informer ses abonnés. Je n'ai donc pas pu voir Howard Shore diriger la suite pour orchestre Le Seigneur des Anneaux en raison de la création mondiale de l'opéra The Fly du même compositeur. Où donc ? Au théâtre du Châtelet ! La Flûte enchantée dirigée par Jean-Christophe Spinosi est annulée parce que l'enregistrement des concerts qui était prévu initialement a été annulé.
J'ai lu hier dans Le Monde que, souffrant, Ravi Shankar a annulé les deux concerts programmés à Paris. Ce matin, je vois un mail de la Salle Pleyel m'informant qu'Anna Caterina Antonacci sera remplacée par Marguerite Krull pour le concert rossinien de dimanche prochain ; bien sûr, j'avais réservé ce concert parce que c'était A. C. Antonacci qui avait le rôle d'Elisabetta...
Je ne compte pas les grève à l'Opéra de Paris et à la RATP qui m'ont empêché de voir l'opéra Tosca, fût-il en version de concert. Je ne compte pas non plus les quelques modifications de distributions survenues inopinément sans que la qualité du spectacle en souffrît. Malgré deux solistes remplacés au dernier moment, la représentation de La messe en si mineur par le Concert Spirituel dirigée Hervé Niquet que j'ai vue à la Salle Pleyel cette année est celle que j'ai préférée.
2008-01-13 15:58+0100 (Orsay) — Culture — Musique — Opéra — Lectures
Gaveau — 2008-01-11
Cornelia Samuelis, Soprano
Carlos Mena, Alto
Markus Schäfer, Ténor
Thomas Bauer, Basse
Orchestre Baroque de Séville
Chœur Arsys Bourgogne
Pierre Cao, direction
Le Messie, HWV 56, Händel.
Avant-Hier avant l'aube, queue à Bastille après une trop courte nuit pour acheter ma place pour une représentation de Luisa Miller en compagnie de quelques prosélytes lyriques et en bénéficiant des fruits secs de Madame Abricot. À midi, un bon biryani pour me remettre d'aplomb pour travailler en bibliothèque. Le soir, je me rends à la salle Gaveau pour un concert. Je croyais que celui commençait à 19h30. Arrivé à 19h, le hall était ouvert, mais personne en vue, ce qui était bizarre. Je vois alors passer quelques petits groupes : des chanteurs solistes que je reconnais, un chef d'orchestre (qui dirige aussi le chœur) sortent du bâtiment, j'entends parler espagnol, français, allemand. Étrange pour une formation qui est censée être sur scène dans moins d'une demi-heure.
Je vérifie mon billet : le spectacle ne commence qu'à 20h30. Je me replonge dans Les Hauts de Hurle-Vent pour quelques dizaines de minutes et m'installe à ma place dès que les organisateurs des concerts Philippe Maillard et le contrôle se sont mis en place. Un jeune homme accorde le clavecin avec application. C'est ensuite au tour des deux violoncelles et de la contrebasse de faire de même. La salle se remplit. Quand c'est l'heure, l'orchestre baroque de Séville puis le chœur Arsys Bourgogne prennent place. Le chef Pierre Cao, sobrement habillé de noir prend place devant son pupitre et commence à diriger Le Messie de Händel.
C'était hier la quatrième fois que j'assistais à une représentation de cette œuvre, et c'est celle qui m'a le plus enthousiasmé. Les conditions d'écoute étaient particulièrement bonnes pour moi. Vers le centre du deuxième rang, j'étais suffisamment loin pour n'avoir pas besoin de parapluie pendant les airs de solistes, mais suffisamment près pour pouvoir presque entendre individuellement chaque instrument (l'effectif de l'orchestre étant plutôt modéré), chaque voix de l'ensemble, et pénétrer les moindres mouvements respiratoires du premier violon.
Je ne suis en général pas un grand admirateur des voix d'altos masculines, à part peut-être celle de Philippe Jaroussky. Je préfère largement les voix féminines pour les cantates de Bach. Pour les oratorios anglais, je ne sais pas pourquoi, mais cela me choque moins. Hier, l'alto était Carlos Mena. Quand il se positionnait à la gauche du chef pour ses airs, j'avais une vue contre-plongeante de cet homme situé juste en face de moi. J'ai beaucoup apprécié sa voix claire (bien que je n'eusse pas réécouté Le Messie depuis près d'un an, le texte anglais m'était parfaitement intelligible quand il chantait). La basse Thomas Bauer, que j'ai souvent eu l'occasion d'entendre dans des cantates de Bach était dans un très bon jour. Je découvrais la soprano Cornelia Samuelis, dont l'air I know that my Redeemer liveth au début de la troisième partie était merveilleux ; je n'avais jamais vu un visage se rosir autant par l'afflux de sang déclenché par le chant. J'ai un peu moins aimé le ténor Markus Schäfer. Concernant le chœur Arsys Bourgogne, parmi lequel je reconnaît quelques visages d'une fois sur l'autre, ce n'est pas demain que je cesserai de l'apprécier.
2007-10-17 18:31+0200 (Orsay) — Culture — Musique — Lectures — Culture indienne — Cuisine — Photographies
Il y a une dizaine de jours, j'ai commencé à lire l'Iliade. J'en suis arrivé à la moitié, c'est-à-dire à la fin du douzième chant de l'épopée qui en comprend vingt-quatre. Je ne suis pas extraordinairement enthousiasmé par ce que je lis. Parmi mes autres lectures, je ne peux comparer cette œuvre qu'à la traduction française du Ramayana que j'ai lue, et c'est comme si on en avait gardé que le sixième chant, consacré à la guerre proprement dite opposant d'une part Rama, Laksmana et les singes et d'autre part Ravana et les raksasa. La traduction que je lis est rythmée par blocs de six, douze ou dix-huit syllabes, au prix de quelques contorsions syntaxiques, ce qui me semble moins plaisant à lire que l'élégante traduction du Ramayana que j'ai lue. J'espère que l'Odyssée me plaira plus que l'Iliade. D'ailleurs, après l'Iliade, j'enchaînerai peut-être avec l'Énéïde plutôt qu'avec l'Odyssée.
Je suis allé écouter les quatre saisons de Vivaldi par Sarah Chang et le
English Chamber Orchestra à la salle Pleyel. Je n'en ai pas non plus été
très enthousiasmé. En première partie, il y avait un Divertimento
de
Bartok qui ne m'a guère enchanté, mais ça, je m'y attendais.
J'ai toujours plus d'une centaine de disques non encore écoutés. Je viens cependant de franchir le premier tiers de mon écoute de l'intégrale Brilliant de Mozart. Je l'écoute dans l'ordre des numéros d'une des versions du catalogue Köchel, c'est-à-dire approximativement dans l'ordre chronologique de la composition. Au numéro KV 196, je me suis retrouvé face à cet enregistrement techniquement grotesque de La Finta Giardiniera. On passe son temps à entendre des bruits de pas, des chanteurs toussant discrètement ou prenant de grandes inspirations. Le plus ennuyeux, ce sont les bruits de pas, et c'est grâce à ces derniers que mon ancien collocataire reconnaissait cet opéra lors de nos blindtests réguliers.
J'ai testé une recette de Pav Bhaji, un plat faits de pommes de terres, poivrons, tomates, petits pois, oignons et un mélange d'épices. Le résultat était convenable et conforme à ce que j'ai vu en Inde, bien qu'il ne ressemblât point à la photo de l'emballage du Pav Bhaji Mix (où les pommes de terres sont découpées en morceaux tandis que la recette dit de les écraser...). En le préparant, j'ai senti que le parfum d'une épice dominait un peu trop les autres et me suis rendu compte avec horreur qu'il s'agissait d'anis, dont je n'apprécie pas du tout le parfum. Il faudra que je trouve un Pav Bhaji Mix sans anis ou que je prépare moi-même ce mélange.
Demain, il y a une grève, donc, pas de cantine, et je ne sais pas si je pourrai ouvrir la porte de la salle pour mon TP de calcul formel...
Ah, et puis, cela fait une éternité que ma demande d'abonnement à Free en est à l'étape nº1.
2007-09-22 19:27+0200 (Orsay) — Culture — Musique — Opéra — Lectures — Culture indienne — Mathématiques
Hier, réveil à 4h pour prendre un des premiers RER pour Paris et faire la queue à l'opéra Bastille en compagnie de quelques autres prosélytes lyriques.
Je m'étais promis de ne pas entrer dans une librairie avant d'avoir réduit significativement la taille de ma PAL (63 livres), mais je suis ensuite allé chez Gibert, et suis reparti avec le Paperback Oxford English Dictionary et La maison et le monde de Tagore auquel il est fait référence dans le nouveau roman d'Ananda Devi, Indian Tango, ma lecture du moment.
J'ai passé mon après-midi à la bibliothèque de l'École normale supérieure, à laquelle j'ai encore accès. Je n'étais entré dans les nouveaux locaux de celle-ci qu'il y a un an pour renouveler ma carte de lecteur. Malgré les échos négatifs que j'avais entendus à son sujet, j'ai trouvé ce nouvel espace très agréable pour travailler.
Dans la soirée, je me suis rendu au Théâtre des Champs-Élysées pour
écouter un concert du Staatskapelle de Dresde. Cet orchestre a interprèté
le concerto pour piano nº5 de Beethoven avec Hélène Grimaud, puis le poème
symphonique Une vie de héros de Richard Strauss. J'aime beaucoup
ce concerto de Beethoven, et l'entendre pour la première fois en
vrai
était un vrai plaisir. Le poème symphonique de Strauss me faisait
un peu plus peur, et les dix premières minutes (l'œuvre dure environ 45
minutes) n'ont pas altéré ce sentiment. Cette musique m'a semblé
extrêmement saccadée, stressante et presqu'oppressante (le volume sonore
émis par cet orchestre était important). Puis, vers le milieu, le style m'a
semblé se rapprocher de ce que j'arrive à apprécier dans la musique de
Strauss que j'ai écoutée jusqu'à présent (pas grand chose en dehors de
Ainsi parlait Zarathoustra et Vier letzte Lieder), ce qui
m'a soulagé.
Pour le retour, des relents d'alcool dans la RER B, la présence de supporters de l'équipe d'Irlande aidant...
2007-05-30 19:58+0200 (Grigny) — Culture — Musique — Opéra — Culture indienne
Ma collection de disques vient de franchir un nouveau cap dans la démesure : 700 CD. Le sept-centième est le dernier album de Keren Ann. Les prochains, en cours d'acheminement, devraient être une version de l'opéra-ballet Padmâvatî de Roussel (qui sera mis en scène l'an prochain au théâtre du Châtelet par Sanjay Leela Bhansali) et puis un enregistrement de l'opéra Lakmé de Delibes dirigé par Michel Plasson, avec Natalie Dessay.
Quelques statistiques :
2007-03-29 00:39+0200 (Grigny) — Culture — Musique
Théâtre du Châtelet — 2007-03-28
Luca Pisaroni, Jésus
Pavol Breslik, L'Évangéliste
Emma Bell, Soprano
Andreas Scholl, Alto
Finnur Bjarnason, Ténor
Christian Gerhaher, Basse
Simon Kirkbride, Pilate
Richard Savage, Saint Pierre
Benoît Maréchal, Saint Jean
Jeremy Budd, Servus
Aurore Bucher, Ancilla
Lucinda Childs, Danse
Orchestre et chœur du Concert d'Astrée
Emmanuelle Haïm, direction musicale
Denis Comtet, chef de chœur
Robert Wilson, mise en scène, décors, lumières et chorégraphie
Frida Parmeggiani, costumes
Ellen Hammer, dramaturge
Jean-Yves Courrègelongue, collaborateur à la mise en scène
Christophe Martin, collaborateur aux décors
Urs Schönebaum, collaborateur aux lumières
Suzanne Pisteur, maquillages, coiffures
La Passion selon Saint Jean, BWV 245, Johann Sebastian Bach.
Je reviens du théâtre du Châtelet où avait lieu la première
représentation de la Passion selon Saint Jean de Bach avec le Concert
d'Astrée dirigé par Emmanuelle Haïm. Quand j'avais acheté ma place il y a
quelques mois depuis le site
Internet du théâtre, j'avais été intrigué de la présence d'une ligne
mise en scène : Robert Wilson
dans la description de ce
spectacle.
Cela devait être très différent de la version à laquelle j'avais assisté
l'année dernière. La salle était configurée comme pour un
opéra : l'orchestre était dans la fosse. Le chœur entre sur
scène pour le chœur introductif Herr, unser Herrscher
. Les costumes
blancs des membres du chœur sont très contemporains : très longues manches,
cheveux cachés sous un couvre-chef intermédiaire entre celui d'un
chirurgien et une toque de chef cuisinier. De part et d'autre de la scène
arrivent l'évangéliste et une danseuse habillée d'une robe blanche ayant
une longue traîne, qui se meuvent très lentement devant le chœur. La danse
n'en était pas vraiment une, je n'ai vu que des mouvements mécaniques
(beaucoup plus que lors de ma première rencontre avec la
danse contemporaine), je n'en ai pas vraiment saisi l'intérêt.
Mettre en scène cette œuvre est une démarche assez étonnante. En effet,
l'évangéliste raconte ce qui arrive à Jésus, dit : Jesus
antwortete (deux points, ouvrez les guilements)
, et Jésus
répond. Dans un opéra ou une pièce de théâtre, on n'a pas besoin de
narrateur : les personnages jouent la scène et s'expriment directemnet.
Comme il serait très périlleux de toucher au texte et à la musique des
récitatifs, ce type d'œuvre est difficile à mettre en scène... Ce soir, les
chanteurs et comédiens ont fait beaucoup de sur place : ils faisaient un
mouvement, s'arrêtaient brutalement de bouger au moment où l'évangéliste
reprenait son discours, et ainsi de suite. Les solistes ont rencontré un
autre écueil. Dans une représentation de type oratorio
, les
chanteurs tiennent dans les mains leur livret ; pour un opéra, les
interprêtres n'ont pas cet artifice. Il semblerait que le metteur en scène
(Robert Wilson) ait décidé de mettre à profit ces mains libres et de leur
faire faire des gestes mécaniques un peu grotesques. Je passe sur Jésus qui
n'a eu à aucun moment les bras en croix, est resté immobile une bonne
demi-heure après avoir dit que tout était accompli, puis, mort, a trouvé
des forces pour s'avancer de quelques mètres pour s'enfoncer dans une
trappe. Cependant, il y aussi de très bonnes choses : le chœur s'est placé
alternativement à différents endroits de la scène de façon très judicieuse.
Bref, je ne suis pas très emballé par la mise en scène.
Concernant le chant, j'ai trouvé le chœur vraiment très bon. Les solistes m'ont semblé plus inégaux. L'évangéliste, Pavol Breslik, a fait une excellente prestation, de même que la soprano Emma Bell et Jésus (Luca Pisaroni, dont la diction en allemand n'est cependant pas irréprochable). D'autres solistes m'ont décu, notamment par le faible volume de voix, en particulier pour l'alto Andreas Scholl. Le plaisir d'écouter l'orchestre est un peu atténué par le fait qu'on ne le voit pas (surtout depuis les derniers rangs des fauteuils d'orchestre).
À part ça, un des problèmes du théâtre du Châtelet, c'est qu'il se trouve au-dessus de la station de métro/RER du même nom : trop souvent, on ressent des vibrations issues du sous-sol. Le public comportait un nombre inhabituellement grand de pénibles : sonneries de téléphones portables, toussotements, interminables bruits de béquilles ! Malgré tout ça, je ne suis pas trop déçu : la musique était convenable.
2006-12-20 20:25+0100 (Grigny) — Culture — Musique — Lectures
Théâtre des Champs-Élysées — 2006-12-19
Kristina Hansson, Soprano
Clare Wilkinson, Alto
Emiliano Gonzalez-Toro, Ténor
Henk Neven, Basse
Chœur de chambre de Namur
Jean Tubery, direction
Les Talens Lyriques
Christophe Rousset, direction
Oratorio de Noël (cantates 1, 2, 3, 6), BWV 248, Johann Sebastian Bach.
Comme l'année dernière (et les trois années précédentes), je suis allé écouter l'Oratorio de Noël de Bach au Théâtre des Champs-Élysées. J'ai beaucoup aimé cette version, dirigée par Christophe Rousset. Les solistes, plutôt jeunes, étaient assez bons. L'Évangéliste et la soprano, extrêmement concentrés, étaient impeccables. L'alto était visiblement intimidée lors de son premier air Bereite dich, Zion, mit herrlichen Trieben, mais elle s'en est quand même très bien tirée. Élégante, la basse a très bien chanté Großer Herr, o starker König, un des airs pour basse que je préfère 1. Là où ils ont gaffé, c'est à la fin, lors des rappels. Le chœur final Nun seid ihr wohl gerochen était repris ; dans ces cas-là, d'habitude, les solistes chantent avec les membres du chœur de même tessiture, et s'intègrent même au chœur, ce qui leur permet de lire la musique sur leur voisin. Mais, là, ils n'ont pas pensé à ça, ils sont restés au devant de la scène, et ne connaissaient visiblement pas tous le texte par cœur... et en plus, ils trouvaient ça drôle !
J'ai jeté quelques coups d'œil aux surtitres : il faudrait apprendre aux opérateurs à ne pas faire de fondus enchaînés entre les différentes lignes de textes puisque c'est nuisible à la lecture d'icelles.
Les années précédentes, la représentation avait lieu plus tôt dans le mois de décembre. Cette fois-ci, j'ai pu apprécier les décorations de Noël de la rue Montaigne.
Non sequitur : hier, j'ai découvert qu'à partir du 1er janvier 2007, les numéros ISBN allaient passer à treize chiffres.
[1] Pour mémoire, une autre version de cet air se trouve dans la cantate profane Tönet, ihr Pauken! Eschallet, Trompetten! (Drama per musica, BWV 214) sous le titre Kron und Preis gekrönter Damen.
2006-11-22 21:56+0100 (Grigny) — Culture — Musique — Voyage en Inde III — Mathématiques
Il y a deux ou trois jours, j'ai fait un rêve bizarre. Je discutais avec d'autres matheux étrangers (je ne sais pas en quelle langue), et me montrant un des notres en qui je reconnus un certain H. G., un des matheux me dit que c'était le mathématicien le plus riche du monde. Je découvais ensuite que son nom de famille était Google.
Ce matin, j'ai eu la confirmation du fait que dans un mois, je vais pouvoir partir pour deux mois en Inde pour un séjour scientifique dans deux instituts de recherche. Tout se présentant excellemment bien en ce qui concerne mon accueil sur place, je suis très content.
Le seul inconvénient que je pourrais y voir, c'est qu'il y a un certain
nombre de places de spectacles (concerts/danse) pour lesquels je ne pourrai
pas utiliser les billets achetés trop longtemps à l'avance, et c'est là que
vous intervenez, puisque plutôt que de les vendre, je pense les distribuer
ici même presque gratuitement : il faudra me promette de faire un petit
compte-rendu du spectacle (sur vos blogs ou en commentaire ici). Demain,
jeudi 23 novembre vers 20h00 (heure de Paris), je mettrai
en ligne la prochaine entrée de blog qui contiendra la liste des spectacles
avec une brève description. J'appliquerai la règle du premier arrivé,
premier servi
.
Tiens, aujourd'hui, c'est la Sainte-Cécile, patronne des
musiciens
, en l'honneur de qui certains compositeurs, comme Händel, ont
écrit des odes.
2006-11-14 07:48+0100 (Grigny) — Culture — Musique — Lectures — Culture indienne
Gaveau — 2006-11-13
Le Concert Français
Marc Hantaï, flûte traversière
Amandine Beyer, violon
Flavio Losco, violon
Simon Heyerick, alto
Bruno Cocset, violoncelle
Michele Zeoli, contrebasse
Pierre Hantaï, clavecin & direction
Quatuor en sol majeur TWV 43:5 pour flûte traversière, violon, alto & basse continue, Telemann.
Concerto pour clavecin en sol mineur, BWV 1058.
Sonate en mi mineur RV 40 pour violoncelle et basse continue, Vivaldi.
Sonata Op. 1 nº12 La Follia RV 63, Vivaldi.
Sonate en la majeur pour violon, flûte, violoncelle & basse continue, Telemann.
Concerto Brandebourgeois nº5 en ré majeur, BWV 1050.
Badinerie de la suite pour orchestre en si mineur, BWV 1067.
J'étais hier soir salle Gaveau pour écouter le programme Virtuosité baroque de l'ensemble Concert Français dirigé par Pierre Hantaï au clavecin.
J'y allais avant tout parce que deux concertos de Bach étaient au
programme, dont le cinquième concerto brandebourgeois (aaah, le solo
de clavecin à la fin du premier mouvement...), mais j'ai également
découvert des œuvres que je ne connaissais pas et qui m'ont bien plu.
Il faudrait que je pense à remédier au fait que je
n'aie pour le moment aucun disque de Telemann...
De Vivaldi, j'ai beaucoup aimé l'étonnante sonate La Follia
.
⁂
Ayant lu plus que d'habitude la semaine dernière, la rubrique booklog dans la colonne de droite défile plus vite que n'arrivent les entrées de blog ; il convient que je parle un peu de ces livres.
J'ai fini de lire le roman Alexis Zorba de Nikos Kazantzaki que l'on m'avait prêté. Le narrateur (dont on ignore le prénom) rencontre Zorba, un personnage énigmatique, qui l'aide à exploiter une mine de lignite en Crète. Dit comme ça, ce n'est pas très attirant ; ce qui est intéressant, ce sont les interrogations du narrateur, ses dialogues avec Zorba au sujet de la nature humaine, etc.
M'étant rendu à la Bibliothèque François Mitterrand pour poursuivre ma lecture du Mahabharata de Jean-Claude Carrière dont je disais du bien il y a quelque temps et celui-ci n'y étant pas en rayon, j'ai regardé tout autour les livres des rangées de littérature sanskrite et me suis laissé tenter par le Gîta-Govinda de Jayadéva, poète du Nord-Est de l'Inde du douzième siècle. Comparé au Cantique des cantiques, il s'agit d'un ensemble de vingt-quatre chansons racontant les amours de Radha et Krishna, tantôt du point de vue de Radha ou de son amie, tantôt de celui de Krishna lui-même. La traduction poétique de Jean Varenne est belle, très agréable à lire. Je n'ai pas vu le temps passer. Cela doit bien être une des premières fois que je lis un livre d'un seule traite.
J'ai également lu Le voile de Draupadi de l'écrivaine française Ananda Devi. Parallèlement au récit principal qui est celui d'Anjali, de son couple et de son fils gravement malade, s'insère harmonieusement par épisodes l'évocation du tragique destin de sa cousine Vasanti. C'est le premier roman de cet auteur que je lis. J'ai aimé son style qui comporte beaucoup d'images très bien pensées. Dans certaines d'entre elles, on peut s'amuser à distinguer des allusions à la mythologie indienne (qui est aussi présente très explicitement à plusieurs reprises, ne serait-ce que dans le titre).
Concernant Andromaque de Racine, j'ai goûté ces vers avec plaisir, plus que ceux d'Iphigénie qui m'avait semblé plus difficile à lire (compte tenu de la langue et du nombre élevé de rebondissements).
Hier, j'ai commencé Le cryptographe de Tobias Hill paru dernièrement en traduction. J'en avais lu une critique positive sur le blog de Clarabel. Ce que j'ai lu pour le moment me donne envie de lire la suite.
2006-11-03 19:52+0100 (Grigny) — Culture — Musique
Je viens seulement de réaliser que la symphonie
nº9 d'Antonín
Dvořák est la symphonie Du nouveau monde et non la symphonie du
Nouveau monde
...
2006-10-26 21:38+0200 (Grigny) — Culture — Musique — Danse — Danses indiennes — Lectures — Mathématiques
Jusques à l'année dernière, à chaque fois que je passais à Jussieu au début de l'année universitaire, je me faisais accoster par diverses personnes qui prêchaient pour telle ou telle mutuelle étudiante. Ne voulant pas leur faire perdre leur temps, je disais tout de suite que je n'étais pas concerné, mais on ne me croyait pas, alors je devais expliquer que bien que je fusse étudiant, j'étais déjà affilié à une mutuelle. Cette année, je ne dois plus avoir une tête d'étudiant pour eux ; cela tombe bien, je ne le suis plus.
À l'entrée de ce lieu très fréquenté, il y a toujours autant de
personnes distribuant divers papiers. Le plus souvent, il s'agit de
publicité, parfois de tracts politiques. Mardi dernier, en sortant d'un TD,
je me suis vu remettre une petite carte (format carte de crédit) un peu
bizarre : dessus, on peut lire cliquez, découvrez, expérimentez !
en-dessous du nom d'un site ConnectezVotreVie.com
, avec en
fond une étudiante sans doute charmante écrivant sur son cahier tout en
regardant ailleurs. Bref, sans trop y faire attention, on pourrait prendre
cela pour de la publicité pour un fournisseur d'accès à Internet, un
fabricant d'électro-ménager, etc. Mais, en petits caractères, on peut
cependant lire Site interactif étudiant pour explorer la foi
chrétienne
. Ce matin, je suis repassé au même endroit, on m'a tendu un
nouvel exemplaire de cette carte ; je l'ai rendue en disant que je l'avais
déjà. Je discute un peu avec la jeune femme qui faisait la distribution.
Oui, j'étais allé voir le site. Non, cela ne m'avait pas fait croire en
Dieu. Non, je ne donnerais pas cette carte à quelqu'un d'autre 1. Bien que je m'intéressasse un petit peu aux
religions, j'étais incroyant. Je suis parti peu après qu'elle m'eut dit
Mais vous savez, Dieu, il vous aime. Comment peut-on vivre sans ? Dieu
vous bénisse.
. C'est à mon avis un aspect peu reluisant d'une religion,
celui de conduire certains à se sentir investi de la mission d'attirer de
nouveaux fidèles. Cependant, il y a un mérite que je peux leur reconnaître,
celui de conforter mon incroyance. Ce n'est vraiment pas ce court-métrage qui me
fera changer d'opinion.
⁂
Théâtre de la Ville — Les Abbesses — 2006-10-25
Krishna Devanandan, danse
Preethi Athreya, danse
Ashwini Bhat, danse
Anoushka Kurien, danse
Padmini Chettur, danse, chorégraphie
Maarten Visser, musique
Sumant Jayakrishnan, décors
Paperdoll
Hier soir, je suis allé voir un spectacle de danse. C'était mon baptême de
danse contemporaine. J'avais remarqué par une occurrence de bharata
natyam
dans la description
de ce spectacle
(Paperdoll, de Padmini Chettur) dans le programme du Théâtre de la
Ville ; voilà pourquoi je me trouvais dans cette salle hier. C'était
incontestablement de l'art, mais je suis assez déstabilisé.
L'accompagnement musical était très étrange, lui aussi très contemporain.
Je ne connais rien à cette musique, mais cela devait être un exemple de musique
concrète : une sorte de mélange aléatoire (sans rythme particulier) de
sons bizarres. Pendant le premier quart d'heure, j'essayais d'imaginer des
gouttes de métal liquide coulant d'un robinet que quelqu'un s'amuserait à
ouvrir et à couper. Après, je n'ai plus cherché à donner un sens aux
sons... Dans des tenues approximativement blanchâtres, cinq danseuses se
mouvaient avec extrême lenteur. Bref, au début, je me demandais un peu ce
que je faisais là. Il y avait néanmoins une cohésion assez intéressante
dans ce groupe : dans les mouvements que j'ai trouvés les plus
remarquables, plusieurs danseuses (voire toutes les cinq) étaient liées les
unes aux autres par les mains, assurant l'équilibre harmonieux de
l'ensemble, ou mettaient délicatement leur main en contact avec le visage
de la voisine.
⁂
J'ai passé le début de mon après-midi à retrouver comment montrer que le
groupe alterné sur au moins 5 lettres est un groupe simple. Je prévois en
effet de l'enseigner en TD la semaine prochaine. Après m'être
convaincu que je savais faire, je suis monté à la bibliothèque pour aller
voir comment c'était fait dans les livres canoniques d'algèbre de niveau
licence/maîtrise/CAPES/agrégation. Le Perrin n'était pas
dans les rayons (il y a un gros trou dans la rangée de livres à cet endroit,
je suppose qu'il y a toujours des hordes d'agrégatifs, capessiens, TD-persons qui en ont besoin en même temps). Les livres étant
rangés thématiquement, je regarde les livres avoisinants. Combien grande
fut ma déconvenue lorsque je vis les horreurs que contenaient certains
ouvrages. Dans un livre de cours de l'algèbre, la démonstration me sembla
comporter des erreurs béantes. Dans un autre qui se montrait assez
agréalablement mis en page, je suis tombé sur une erreur grossière dans un
paragraphe qui paraissait se vouloir synthétique.
J'ai également échoué sur un ouvrage en roumain de la période
communiste ; les mathématiques y avaient l'air aisément déchiffrables,
mais je n'ai pas poussé l'ascétisme jusqu'à y chercher le
théorème que je voulais. J'ai vu un
autre livre à la typographie trahissant une époque reculée où dans le
premier chapitre d'analyse, on expliquait la notion de nombre variable
infiniment petit
! Après ces tâtonnements, j'ai consenti à ouvrir une
valeur sûre (le Tauvel), pour y découvrir finalement ce que je voulais. La
démonstration qui s'y trouve est un peu plus directe que celle que j'avais
reconstituée.
En rentrant chez moi en RER, je n'ai pas vraiment pu me mettre à la lecture du roman en cours, ne parvenant pas à évacuer les groupes symétriques de ma tête...
⁂
Pense-bête : il va falloir que je réorganise les catégories (ou plutôt tags) que j'associe aux entrées de blogs, puisqu'en l'état, ce n'est pas satisfaisant du tout.
[1] Prétérition. Je ne pensais pas en parler sur ce blog.
2006-08-25 10:56+0530 (சென்னை) — Culture — Musique — Culture indienne — Voyage en Inde II
J'ai pris mes repas d'hier et de ce matin dans un petit restaurant près
de mon hôtel. Leurs masala dosai sont vraiment excellents, et surtout hier
soir, j'ai mangé un excellent thali. Finalement, ce n'est pas vraiment la
technique qui limite ma vitesse pour le manger, c'est plutôt l'appétit.
Sur une feuille de bananier au fond d'un plat circulaire, j'avais deux
pains, et tout autour une petite dizaine de petits pots contenant diverses
préparations : paneer butter masala, lentilles, riz, une sorte de yaourt,
un petit gâteau sucré, diverses sauces et soupes
... C'était vraiment
excellent.
Je regarde un petit peu la télévision ici, et il y a une chose qui est
assez frappante, c'est la manière dont certains faits divers deviennent des
sujets nationaux dans ce pays de plus d'un milliard d'habitants. Par
exemple, il y a quelques jours, il y a eu tout un scandale parce qu'un
jeune sikh s'est fait couper les cheveux de force par d'autres gamins. De
nombreux sikhs manifestaient de façon assez virulente, et appelaient à un
débat national. Il y avait un débat au sujet de la diversité culturelle, et
quelqu'un déplorait que les jeunes connaissent plus de choses sur Shahrukh
Khan et Madhuri Dixit que sur les grands hommes qui ont fait l'Inde.
Douze indiens ont été retenus prisonniers dans un aéroport
hollandais parce qu'ils auraient eu un comportement suspect dans un avion.
Il y
avait hier un débat télévisé sur la question de savoir si les
non-whites
étaient victimes d'une paranoïa superflue, et un des
intervenants se félicitait de ce que la chaîne de télévision ait simplement
dit qu'ils étaient indiens, sans préciser qu'ils avaient des noms à
consonnance musulmane. Un autre fait divers plus grave : il y aurait eu un
cas de Sati,
à savoir qu'une veuve se serait jetée sur le bûcher funéraire de son mari
(je n'ai lu qu'un seul exemple de cette pratique dans les épopées : Madri,
épouse de Pandu, dans le Mahabharata).
Les autorités locales semblent considérer cela comme un simple suicide.
Il paraît que depuis hier, il n'y a plus que huit planètes dans le système solaire. C'etait bien la peine d'écrire une suite aux Planètes de Holst...
2006-04-08 01:39+0200 (Grigny) — Culture — Musique — Lectures — Culture indienne
Théâtre des Champs-Élysées — 2006-04-04
David Hansen, Solomon (contre-ténor)
Malin Christensson, la fille du pharaon, première prostituée (soprano)
Marie Arnet, Nicaule, la reine de Saba, deuxième prostituée (soprano)
Jeremy Ovenden, Zadok (ténor)
Henry Waddington, un lévite (basse)
Orchestra of the Age of Enlightenment
The English Voices
René Jacobs, direction
Solomon, HWV 67, Händel.
Mercredi dernier, j'ai vu Solomon, un oratorio de Händel, que j'ai beaucoup aimé.
Le deuxième acte
évoquait le jugement de Salomon ; quand on écoute
cet oratorio, on se demande bien pourquoi il était nécessaire de menacer de
couper l'enfant en deux pour faire émerger la vérité : le témoignage de la
vraie mère était tellement plus émouvant que les remarques acerbes de
l'autre prostituée... Les deux sopranos m'ont semblé particulièrement bien
inspirées.
Église Saint-Roch — 2006-04-06
Bernhard Hunziker, évangéliste et ténor I
Jan Van der Crabben, Christ et basse I
Sunhae Im, soprano I
Maria Kuijken, soprano II
Petra Noskaiová, alto I
Patrizia Hardt, alto II
Yves Van Handenhove, ténor II
Marcus Niedermeyr, basse II
La Petite Bande
Sigiswald Kuijken, direction
La Passion selon Saint Jean, BWV 245, Johann Sebastian Bach.
Hier soir, j'ai assisté à une représentation de la Passion
selon Saint-Jean de Bach par La Petite Bande, dirigée par
Sigiswald Kuijken. C'était la première fois que je voyais cette œuvre jouée
en formation réduite : le chœur ne comportait que huit chanteurs. Les airs
et ariosos étaient interprétés par des membres de ce chœur. En tout, il y
avait une vingtaine de personnes sur scène. C'était très différent des
versions que j'avais entendues précédemment (où l'effectif était multiplé
au moins par trois ou quatre). J'ai bien aimé cette version, d'autant plus
que du fait de leur participation au chœur, on peut profiter davantage de
la voix des solistes soprano et alto : ces solistes ont chacune un air dans
la première partie, et un autre dans la deuxième (ces derniers sont
vraiment très beaux : Es ist vollbracht et Zerfließe, mein
Herze). Évidemment, les questions du chœur Wohin ?
et la
réponse Nach Golgatha !
de l'air pour basse et chœur Eilt, ihr
angefochtnen Seelen étaient moins impressionnantes que lorsqu'il y a
un chœur gigantesque, mais c'était quand même très bien.
Selon le même principe un soliste par voix
, j'ai aussi une
version de la Passion
selon Saint-Matthieu interprétée par les Gabrieli Players dirigés
par Paul McCreesh ; cela doit être la version que je préfère.
Je viens de commencer ma lecture de l'autre épopée indienne : le Rāmāyaṇa, contant l'histoire de Rāma dont j'ai déjà lu un résumé dans le Mahābhārata. Je suis bien plus à l'aise maintenant pour entreprendre cette lecture qu'au début de ma lecture de l'autre grande épopée l'été dernier, beaucoup de notions et subtilités étant communes aux deux poèmes : au bout d'une dizaine de pages du texte proprement dit, les personnages principaux se sont déjà vu attribuer de multiples noms (on y voit déjà plus clair quand on fait bien attention à remarquer les noms dérivés des noms de parents ou ancètres).
Bien que parfaitement incroyant, j'ai bien du mal à rester complètement insensible à ces œuvres religieuses.
⁂
Je me suis posé il y a quelque temps la question calligraphique
suivante : comment écrire à la main un œ
majuscule, c'est-à-dire un
Œ
?
2006-03-24 00:17+0100 (Grigny) — Culture — Musique — Opéra — Mathématiques
Vingtième théâtre — 2006-03-22
Chœur d'enfants Sotto Voce
Ellina Akimova, piano
Matthieu Septier, assistant chef de chœur
Scott Alan Prouty, direction
Paris-New York !
Mardi dernier, concert du chœur
d'enfants Sotto Voce. Je les avais déjà entendus en première partie
lors d'un concert de negro spirituals ; j'avais vraiment
adoré. Cette fois-ci, c'était dans un théâtre plus petit (du côté de
Ménilmontant), avec un public essentiellement familial, et ils faisaient un
concert à eux tous seuls. Il y avait une joie de chanter assez ostensible
parmi ces jeunes chanteurs dirigés par Scott Alan Prouty et accompagnés de
Ellina Akimova au piano. Les chansons était principalement issues du
répertoire américain, mais il y avait aussi quelques chansons françaises et
quelques morceaux religieux (en latin) ; ces dernières œuvres
swingaient
autant que les autres ! L'ensemble était divisé en deux : un chœur de
jeunes enfants et un ensemble plus restreint de moins jeunes qui nous ont
gratifiés de quelques extraits de comédies musicales chorégraphiés avec un
certain humour. Vraiment réjouissant. En
sortant de là, j'ai testé un restaurant indien du quartier.
:-)
Théâtre des Champs-Élysées — 2006-03-23
Nicolas Rivenq, Alcide
Véronique Gens, Alceste
Simon Edwards, Admète
Judith Gauthier, La Gloire, Céphise, première ombre
James Oxley, Lychas, Alecton, Apollon, premier Triton
Renaud Delaigue, Straton
Bernard Deletre, Lycomède, Caron
Alain Buet, Pluton, Éole, homme désolé, Cléante
Jean Delescluse, Phérès, deuxième Triton
Hjördis Thebault, Proserpine, Nymphe de la Marne, Nymphe des Tuileries, troisième ombre, Petit chœur
Stéphanie d'Oustrac, Femme affligée, Nymphe de la Seine, Nymphe de la mer, Diane, Thétis, deuxième ombre, Petit chœur
Chœur de chambre de Namur
Jean Tubery, direction
La grande écurie et la chambre du Roy
Jean-Claude Malgoire, direction
Alceste, Jean-Baptiste Lully.
Hier soir, mon premier Lully, Alceste au Théâtre des Champs-Élysées, en version oratorio. Je n'avais pas révisé ma mythologie grecque (juste le temps de lire le synopsis avant le début du concert), il y avait une foule de chanteurs solistes (onze !) dont certains interprétaient plusieurs rôles, comme en plus j'étais un peu fatigué (et il faisait horriblement chaud à l'intérieur de la salle) et le texte français, bien que très beau, m'était insuffisamment intelligible : bref, j'ai pas mal souffert pendant les deux premiers actes. Pendant l'entr'acte, j'ai refait surface et potassé la distribution pour faire la correspondance entre les chanteurs et les personnages. J'ai donc pu apprécier bien davantage les trois derniers actes (l'œuvre doit bien faire trois heures) ; il y avait des passages carrément comiques, comme le moment où Charon, le passeur des Enfers, demande des pièces sonnantes et trébuchantes aux candidats à la traversée. Au niveau de style musical, je ne suis pas absolument fan, mais il y avait des passages que j'ai beaucoup aimés.
Théâtre des Champs-Élysées — 2006-03-24
Anna Caterina Antonacci, mezzo-soprano
Chœur de femmes de Radio France
Ken-David Masur, chef de chœur
Orchestre National de France
Sir Colin Davis, direction
Les Nuits d'été, Hector Berlioz.
Les Planètes, Gustav Holst et Colin Matthews.
Là, je rentre encore du TCE. Cette fois-ci, c'était pour un concert de l'Orchestre National de France dirigé par Sir Colin Davis. La première œuvre au programme était Les Nuits d'été de Berlioz, six mélodies sur des poèmes de Théophile Gautier. Il n'y a nul besoin de décrire le plaisir que constitue l'écoute des ces chants interprétés par Anna Caterina Antonacci. En deuxième partie, il y avait Les Planètes de Holst, et semble-t-il aussi Pluton de Colon Matthews bien que je ne l'aie pas distinguée de Neptune ; il semble que ce soit fait exprès...
À part ça, j'ai fait tout-à-l'heure un exposé au séminaire des thésards de mon institut ; mon directeur de thèse a fini de relire la dernière version de ma thèse, le jour J approche...
2006-03-05 01:20+0100 (Grigny) — Culture — Musique — Opéra — Danse — Culture indienne
Palais des Congrès — 2006-03-04
Bhavna Pani, Bharati
Gagan Malik, Siddharta
Rahul Vohra, Le narrateur
Nikam Mangesh, Domraja
Yusuf Kinnu Khan, Raj
Jojo Khan, mise en scène, chorégraphie
Shirili Deshe, mise en scène
Roni Sinai, mise en scène
Kamlesh Pandey, histoire
Gashash Deshe, conception
Bhâratî, il était une fois l'Inde
Je reviens du spectacle Bhâratî (site). Ce n'était pas mal du tout, les danses étaient plutôt réussies (une bonne soixantaine de danseurs en tout). Je regrette cependant que ce fut essentiellement une juxtaposition de passages dansés (ou seulement chantés) sans réelle organisation. En fait, c'était comme un opéra baroque : récitatif, air, récitatif, air... Le récitant était plutôt sympathique, il parlait de quelques coutumes indiennes et de la pseudo-histoire, expédiée en quelques phrases : Bharati rencontre un charmant indien ayant vécu à l'étranger : Siddharta, mais son père Domraja la fiance avec un autre, Raj ; puis Siddharta va voir Domraja, et finalement il se marie avec Bharati.
Ce n'était pas désagréable, mais j'hésiterais à conseiller ce spectacle : le prix était très élevé (les places les moins chères étaient à 50 €) et puis le programme du spectacle avait un prix absolument indécent (15 €, là où en des endroits chics au possible comme le Théâtre des Champs-Élysées on se contente le plus souvent de nous faire payer au maximum 5 ou 6 €).
Les chansons étaient issues de films indiens (dont le programme n'indique pas les titres, grrr...). J'ai au moins reconnu des chansons des films suivants :
Bref, je préfère donc voir une danseuse exceptionnelle plutôt que de voir des dizaines de personnes faire de la danse synchronisée
autour de danseurs leaders. Cependant, je ne regrette nullement d'avoir fait le déplacement, ces occasions étant trop rares.
2006-02-23 22:42+0100 (Paris) — Culture — Musique — Lectures
Je viens de lire 1984, de George Orwell. J'ai trouvé ce livre absolument terrifiant, beaucoup plus terrifiant que W ou le souvenir d'enfance de Georges Perec.
En Océania, il n'est pas question d'assurer la conservation des
données, bien au contraire : le Ministère de la Vérité se charge de
modifier des articles de journaux pour assurer l'infaillibilité du pouvoir
totalitaire en place, les prédictions qui se sont avérées fausses sont
modifiées a posteriori, les preuves de ces falsifications étant
jetées dans des trous de mémoire
et par conséquent détruites.
En installant ce nouveau serveur, je me réjouissais d'avoir un outil contribuant à préserver certaines de mes données, notamment mes mails, les textes que j'ai tapées, et les fichiers musicaux extraits de mes CD audio. J'ai cette musique sous plusieurs formes :
agastya.toonywood.org
.Ce qui était ennuyeux, c'est que dans cette liste, les quatre premières matérialisations de ma discothèque sont à peu de choses près situées chez moi, à Grigny (je pensais mettre les copies sur CD-ROM ailleurs, mais j'ai eu la flemme de le faire pour le moment). La conservation de ces données n'était donc pas garantie contre les cambriolages ou les incendies...
2006-02-14 21:43+0100 (Grigny) — Culture — Musique — Danse — Danses indiennes — Culture indienne
Théâtre de la Ville — Les Abbesses — 2006-02-14
Maria-Kiran, danse bharatanatyam
Claudio Brizi, claviorganum
Gianfranco Borrelli, violon, alto
Milena Salvini, conception et réalisation
Vidyà, chorégraphies
Bhârata/Bach
Je reviens d'un spectacle au thème original : de la danse classique indienne (bhârata natyam) sur de la musique religieuse chrétienne de Bach. Vous imaginez bien qu'avec un tel programme, je ne pouvais pas manquer cela 1.
C'était pour ainsi dire le premier spectacle de danse auquel j'assistais ; je suis assez impressionné. Il y a dans cette danse peu de mouvements spectaculaires ; elle est exécutée avec une certaine solennité, les mouvements de mains semblant assez complexes et codifiés ; malgré cette majesté, des émotions très fortes jaillissaient de l'expression du visage de la danseuse Maria-Kiran. Difficile de résister pendant les évocations de certains épisodes de la Passion 2, en particulier les instants pendant lesquels la Cène était évoquée, je n'avais jamais ressenti cela pendant un spectacle.
L'instrument utilisé par le musicien Claudio Brizi était aussi très original : il s'agissait du claviorganum, une sorte de mélange entre le clavecin et l'orgue. Je n'ai reconnu que peu de morceaux de musique, qui étaient principalement des chorals. Je suis même tout perturbé de n'avoir pas reconnu le Sanctus de la Messe en si mineur...
[1] Au cas où, j'ai mis les mots importants en gras.
[2] Il n'y avait pas d'extraits de la Johannes-Passion ni de la Matthäus-Passion.
2006-02-05 14:00+0100 (Grigny) — Culture — Musique
Voici la liste des morceaux qu'il fallait reconnaître dans ma signature musicale (les liens qui suivent pointent vers des pages contenant les méta-données correspondant à ces fichiers de ma collection, on y trouve notamment les interprêtes de ces œuvres) :
Empereur— Allegro ;
Héroïque— Scherzo ;
Huit morceaux ont été identifiés dans les commentaires, c'est un peu plus que ce que j'imaginais. Il y avait quelques autres morceaux en principe facilement identifiables, mais la très courte durée des extraits et la bouillie de fondus enchaînés qui en résultait rendait l'exercice difficile.
2006-02-03 14:13+0100 (Grigny) — Culture — Musique
Je suis tombé avant-hier sur la signature musicale de Finis Africae. Le principe est de prendre de très courts extraits des morceaux de musique que l'on écoute le plus souvent et d'en faire un seul fichier musical. Il y a un petit logiciel qui fait cela pour les collections de musique gérées par iTunes. Comme je n'ai pas cet outil (et encore moins le système d'exploitation pour le faire fonctionner), je viens de ook-ook-er un script qui me permet d'obtenir un résultat similaire de façon artisanale. Contrairement au logiciel évoqué ci-dessus, je n'utilise pas de transformée de Fourier ni d'algorithme du voyageur de commerce ; il m'a fallu pas mal d'essais avant d'obtenir quelque chose d'à peu près satisfaisant : il s'agit d'une suite de fondus enchaînés où chaque extrait surnage pendant à peine plus d'une seconde, il faut régler le volume et bien sélectionner les extraits parce que sinon je ne pourrais pas identifier tous les morceaux à l'écoute même en ayant la liste sous les yeux !
Voici donc le résultat :
Le jeu consiste à reconnaître les trente morceaux qui composent ce pot pourri. Je donnerai la solution dans quelques jours.
2006-01-23 23:58+0100 (Grigny) — Culture — Musique
J'évoquais il y a deux mois et demi mon entreprise de réorganisation de mes fichiers musicaux.
Il s'agissait de trouver une structure de données informatique adaptée à mes besoins et d'y faire rentrer les méta-informations (titres des œuvres, interprètes, etc.) que j'avais déjà saisies. Il restait aussi à saisir ces méta-informations pour les disques que j'avais achetés ces derniers temps. Hourra ! C'est maintenant chose faite !
Si cela vous intéresse de savoir quels sont les disques je possède, vous pouvez aller naviguer dans la hiérarchie ; c'est assez profond, mais je jure que je n'y ai pas caché The Book of infinity.
Je viens aussi d'écrire un petit programme affichant la liste des cinq cents derniers morceaux de musique que j'ai écoutés. Ce fut un vrai casse-tête de faire afficher cette liste de façon hiérarchique ; le programme qui fait ça est horribilissime, je me console en me disant qu'il y avait moyen de faire encore bien pire...
Avec tout ça, il reste des dizaines et des dizaines de disques que je n'ai pas encore pris le temps d'écouter. En effet, j'essaie toujours de procéder à la première écoute d'un disque dans les meilleurs conditions possibles : ne rien faire d'autre pendant l'écoute. Pour des œuvres courtes, il n'est pas trop difficile de trouver le temps d'en écouter de nouvelles assez régulièrement ; pour des opéras ou des oratorios, c'est plus difficile.
J'ai tendance à réécouter très souvent les mêmes œuvres ; il y a des
valeurs sûres, comme La messe en si mineur et les concertos
brandebourgeois de Bach, et d'autres qui dépendent des périodes : en ce
moment, j'écoute souvent certains extraits de Agrippina
de Händel, mais je suis encore plus obsédé par le Stabat
Mater de Pergolese et sa version Bach
: Tilge, Höchster,
meine Sünden (BWV 1083). Il faudrait que fasse un petit
programme qui sélectionne aléatoirement une œuvre musicale dans ma
collection.
2006-01-04 18:49+0100 (Grigny) — Culture — Musique — Opéra — Lectures
Aujourd'hui, j'ai été pris d'une légère folie consommatrice ; cela ne m'était pas arrivé depuis un certain temps.
J'ai ainsi passé pas moins de quatre commandes par Internet. Tout d'abord deux commandes de DVD, disques, livres. Dans un moment d'égarement, j'ai bêtement essayé d'acheter une version électronique d'un livre. Le site indiquait qu'il suffisait d'avoir Adobe Reader 6 pour accéder au document ; je pensais que tout irait bien, que ce serait un honnête PDF ; mais il s'est avéré que c'était du PDF crypté pour lequel il n'existe apparemment pas de lecteur fonctionnant sous Linux. Je m'en suis gentiment plaint à l'éditeur qui vient de me répondre qu'il acceptait de me dédommager en m'envoyant une version papier. Ouf.
Les deux autres commandes sont des places de concert : une pour Rigoletto, opéra de Verdi, dont j'aurai le privilège d'assister à une représentation en compagnie de quelques autres prosélytes lyriques.
L'autre place de concert, c'est la faute à la publicité que je reçois
régulièrement du Théâtre des
Champs-Élysées, publicité masquée sous le nom de Carnet de janvier à
mars 2006
: j'ai résisté à la tentation jusqu'à l'avant-dernière page, mais
à la dernière, j'ai remarqué un concert de l'orchestre national de France au
programme duquel figure Les Planètes de Holst ; ce sera aussi
l'occasion d'écouter la mezzo-soprano Anna Caterina Antonacci, que j'avais vue
pour la première fois dans Agrippina de Händel, dirigé par René Jacobs et mis en scène
par David McVicar (d'ailleurs, depuis quelques jours, je me réécoute en boucle
un enregistrement de cet opéra, dirigé par Claude Malgoire, avec notamment
Véronique Gens, Philippe Jaroussky et Ingrid Perruche comme solistes, en
particulier le dernier air Ogni
vento du deuxième acte ; tiens, si j'achetais le DVD ; ah, zut, je
l'ai déjà !).
Pour d'autres manifestations de ce genre de pathologies, cf. les livroliques anonymes.
2005-12-06 22:50+0100 (Grigny) — Culture — Musique — Lectures — Culture indienne
Théâtre des Champs-Élysées — 2005-12-05
Rachel Nicholls, Soprano
Annette Markert, Alto
Hans Jörg Mammel, Ténor
Dirk Snellings, Basse
Le Parlement de Musique
Maîtrise de Bretagne
Martin Gester, direction
Oratorio de Noël (cantates 1, 2, 3, 6), BWV 248, Johann Sebastian Bach.
Air de la troisième suite pour orchestre (BWV 1068).
J'assistais hier à une représentation de l'oratorio de Noël de J. S. Bach. Il s'agit probablement de l'œuvre de Bach que j'apprécie le plus, bien que je n'en possède qu'une seule version enregistrée ; c'est la quatrième fois que je l'entendais dans le cadre d'un concert (pour information, ce concert sera radiodiffusé le samedi 24 décembre 2005 à 19h30 sur France Musique). La version d'hier m'a légèrement décu : plusieurs hésitations, les solistes semblaient manquer de souffle, et leurs voix (en particulier celle de la soprano) étaient parfois complètement recouvertes par les cordes.
Cette œuvre est composée de six cantates, chacune étant censée être jouée un jour particulier entre le 25 décembre et l'Épiphanie. À chaque fois que j'ai assisté à une représentation, seules quatre cantates étaient jouées (trois fois les cantates 1, 2, 3 et 6, une fois les quatre premières). Hier, selon le choix du chef Martin Gester, la rupture entre la cantate nº3 et la cantate nº6 a été adoucie par un intermède : l'air de la troisième suite pour orchestre (BWV 1068). Le chef d'orchestre expliquait que « jouer les six cantates, ce sera un peu long », je m'en étonne un peu : on joue bien la Passion selon saint Matthieu en entier, ce qui dure parfois plus de trois heures ! hier, le concert s'est fini raisonnablement tôt, ce qui m'a d'ailleurs permis d'attraper mon RER in extremis (mais sans avoir besoin de courir, j'exècre cette tendance bien parisienne de bousculer tout le monde pour attraper un métro...), ce RER, disais-je, était le dernier, la fin de service étant à 23h au lieu de 25h02 en raison d'une grève : il y avait un train toutes les deux heures, ce qui m'a un peu gêné pour aller à Paris. En effet, j'avais travaillé chez moi le matin, je voulais arriver à Paris en fin de matinée, mais je suis arrivé trop tard à la gare, le train suivant était vers 14h ; je suis donc rentré faire des courses, préparer un curry de poulet et manger, mézalor il était trop tard pour prendre le train de 14h ; je ne suis donc arrivé au bureau que vers 17h, alors que mes collègues commençaient à partir... Tout cela pour dire que je n'ai jamais entendu la cinquième cantate en concert, ce qui m'attriste puisqu'elle contient des passages que j'apprécie tout particulièrement, comme le chœur introductif Ehre sei dir, Gott, gesungen.
Si vous connaissez de bons enregistrements autres que celui orchestré par Helmuth Rilling pour l'édition Hänssler backakademie, je suis preneur de toute information.
⁂
À part ça, je viens de finir Le jeûne et le festin d'Anita Desai (traduit de l'anglais par Anne-Cécile Padoux, folio, Gallimard. Le livre commence par la confection d'un paquet contenant du thé et un châle envoyé par une famille indienne à un fils, Arun, parti faire des études à Boston. Une partie du roman se passe en Inde (à Allahabad, si je n'ai pas mésinterprété les indices) et raconte la vie de famille, du point de vue d'une plus-toute-jeune fille, Uma. Il est question de la déchéance de sa cousine Anamika, pourtant promise à un avenir brillant, de l'ascension sociale de sa sœur Aruna et de ses propres désastres en matière de mariage. L'autre partie se passe du point de vue d'Arun, ce qui permet à l'auteure de procéder à une description assez moqueuse du mode de vie de la famille américaine moyenne : société de consommation, barbecues de viande bien rouge, végétarianisme ascétique, pathologies alimentaires (boulimie).
Il s'agit d'un livre agréable à lire, le style est très fluide (je parle évidemment de la traduction, je devrais envisager de lire en langue anglaise les livres du même auteur), j'ai rarement dévoré un roman aussi vite ; peut-être pas vraiment à conseiller si on a déjà pas quelqu'intérêt pour l'Inde.
2005-11-26 02:07+0100 (Grigny) — Culture — Musique
Église des Billettes — 2005-11-25
Olivier Baumont, clavecin
Suites françaises, BWV 812-817.
Je reviens d'un concert du claveciniste Olivier Baumont en l'église des Billettes. Il interprétait les six suites françaises de Bach (BWV 812―817) ; avant de commencer à jouer, il a pris deux ou trois minutes pour introduire ces œuvres qui, en raison de leurs influences multiples, devraient plutôt s'appeler « suites européennes » ; gloussements dans le public.
J'ai beaucoup d'admiration pour les gens qui ont l'audace de se produire en concert. Je n'ai pratiquement aucune connaissance technique en matière de musique, mais j'imagine qu'interpréter un morceau doit nécessiter une concentration assez extrême ; même en écoutant des œuvres qui me plaisent beaucoup, il m'arrive de me déconcentrer et de me laisser entraîner par quelque rêverie pendant quelques dizaines de secondes, il serait fort inconvenant qu'il arrivât une telle chose à un interprète !
Tiens, on croise des « célébrités » dans les concerts, aujourd'hui, j'ai aperçu un jeune écrivain blond à coiffure extravagante ; au début du mois, c'est le frère de Nicolas Sarkozy qui était assis à ma droite, à quelques sièges de distance.
Je ne sais pas très bien pourquoi, mais depuis que je vais régulièrement à des concerts de musique classique (depuis fin 2002), c'est toujours en décembre que j'ai le plus de concerts (une bonne demi-douzaine cette année).
Cette période de l'année est également très riche en soutenances de thèse (et pots de thèse...).
Brrr... il fait froid. J'ai cette sentation depuis plusieurs jours, mais tout-à-l'heure, en sortant de la gare de RER, j'avais vraiment envie de rentrer le plus vite possible.
Pour cette quarante-septième entrée de blog, je déplore l'arrêt de la série Alias à la fin de la cinquième saison.
2005-11-01 19:15+0100 (Grigny) — Culture — Musique
Hier, je suis allé chercher un colis contenant 170 CD, il s'agit de l'intégrale Brilliant de Mozart. Je m'attendais à un truc énorme avec 170 boîtiers de CD en plastique ordinaires (comme pour mon intégrale hänssler de Bach), et avais donc réquisitionné une voiture pour me rendre à la Poste, mais ce ne fut pas nécessaire : le tout tient dans un emballage cartonné 13,5 cm × 13,5 cm × 31 cm qui peut se porter avec un seul bras.
On ne peut pas dire que j'aie acheté cette intégrale par goût : je connais vraiment très peu les œuvres de Mozart, je n'avais pratiquement aucun disque de ce compositeur ; c'est plutôt le prix qui m'a poussé à faire cette acquisition : moins de 100 € (soit dix fois moins cher que l'intégrale de Bach qui contient autant de disques !), budget qui serait très rapidement atteint avec des achats de quelques CD de symphonies par ci, quelques opéras par là...
Comme je l'indique sur la page
permettant d'explorer ma collection de disques, j'encode
systématiquement les CD que j'achète au format
Ogg Vorbis.
La première étape consiste à insérer successivement les disques dans un
lecteur de CD, utiliser un logiciel pour extraire les données audio brutes
puis d'encoder ces données audio au format voulu (le taux de contraction
semble être d'un facteur 15 environ). Sans entrer dans des détails
techniques que je ne maîtrise pas, les bribes que j'ai cru comprendre
semblent laisser à penser que le format des CD audio n'a pas du tout été
conçu pour permettre une extraction fiable du flux audio sous
forme « numérique » : sous Linux, cela se fait en général avec
cdparanoia
, ce programme ne se contente pas de lire les
données à la suite et de les recopier dans un fichier, mais il fait aussi
des vérifications d'intégrité et de synchronisation assez poussées ; sans
cela, on se retrouverait avec des craquements un peu partout. Depuis hier,
j'ai eu des problèmes sur deux CD : cdparanoia
tournait en
rond en relisant sans cesse des bouts de piste « défectueux ». J'essaie alors
de faire une extraction non-paranoïaque du flux audio, ce qui m'a permis de
vérifier l'affirmation ci-dessus : il y avait des bruits bizarres un peu
partout. Au bout de plusieurs essais, j'ai essayé à tout hasard sur un
autre lecteur de CD, encore des problèmes (mais pas au même endroit de la
piste) ; ce n'est qu'avec le troisième lecteur de CD testé et plusieurs
dizaines de versions écoutées que j'ai pu obtenir un bon
enregistrement du Molto allegro de la symphonie
nº13 en fa majeur (KV 112)...
La deuxième étape consiste à préciser pour chaque piste plus ou moins d'informations utiles : nom du compositeur, orchestre, chef d'orchestre, chœur, instrumentistes, chanteurs, type d'œuvre, nom de l'œuvre, nom du mouvement, titre de la piste, numéro KV (resp. BWV pour Bach), date et lieu d'enregistrement... Il est complètement hors de question que j'utilise des bases de données comme freedb puisqu'elles sont à mon humble avis inadaptées pour la musique classique. Bref, je vais devoir passer pas mal de temps à recopier du texte ; cela m'avait pris plus de six mois pour Bach...
Si j'ai prévu de finir ma première écoute de mon intégrale de Bach le 23 novembre 2008, je me demande bien combien de temps je mettrai à écouter cette intégrale de Mozart.
Pendant ce temps-là, j'ai sur le feu un plat dont je me rends compte au fur et à mesure que la recette est complètement buggée : des ingrédients qu'il faut préparer à un moment pour ne plus savoir qu'en faire ensuite, et d'autres que l'on doit mettre dans la casserolle au milieu de la cuisson sans qu'on sache quels sorts il fallait leur infliger avant...
2005-10-16 04:00+0200 (Grigny) — Culture — Musique
Je n'ai commencé à écouter les cantates d'église de Bach en suivant le calendrier liturgique que depuis une semaine, et voilà que deux nouvelles entrées sont apparues sur ma page recensant quelques passages où Bach s'est auto-plagié.
Ainsi, j'ai pu remarquer que dans les cantates 49 et 188, on trouvait des versions primitives de mouvements de concertos pour clavecin ou hautbois. Il y a beaucoup de tels exemples. Certains concertos (ou mouvements de concertos) « existent » ainsi pour plusieurs instruments solistes : clavecin, violon, hautbois. Parfois, on ne dispose que de la « copie », j'ai ainsi un disque de concertos reconstitués pour hautbois : les spécialistes pensent que certains concertos pour clavecin sont en fait des transcriptions de concertos pour hautbois dont les partitions ont été perdues et ils ont tenté de reconstituer les concertos originaux pour hautbois ; le résultat est d'autant plus agréable que j'apprécie le timbre du hautbois.
La réutilisation qui m'a paru la plus évidente dans l'œuvre de Bach est dans l'Oratorio de Noël. D'après mon comptage, pas moins de onze airs sont repris des cantates profanes 213, 214 et 215, l'orchestration et évidemment le texte étant changés. Comme on a tendance à écouter une grande œuvre comme cet Oratorio avant de passer aux cantates profanes, on pourrait penser que les airs de ces cantates sont empruntés à l'Oratorio de Noël, mais c'est bien l'inverse (de même que pour les morceaux communs entre les cantates et les concertos, la forme primitive a tendance à être dans les cantates). Il est par ailleurs amusant de voir que certains airs de cantates profanes écrites en l'honneur de membres de familles régnantes ont été réutilisées pour célébrer la naissance du Christ, on peut difficilement imaginer plus flatteur !
Un autre grand monument musical est en fait essentiellement un pot-pourri, je veux parler de la Messe en si mineur. Pour le moment, sur vingt-sept morceaux, je n'en ai formellement identifié que six ou sept dans d'autres œuvres. Je me souviens toujours du choc que cela me fît quand je reconnus le premier mouvement de la cantate Preise dein Glücke, gesegnetes Sachsen (BWV 215) dans la Messe en si mineur lors d'un concert.
Toutes ces petites « découvertes » se font un peu au hasard. De plus, je n'ai pas une mémoire musicale extraordinaire, parfois, en écoutant un morceau, je me dis « j'ai déjà entendu cela quelque part », mais c'est souvent un peu pénible de retrouver l'œuvre précise : si je sais parfois que c'était dans un concerto pour tel instrument ou dans un Brandebourgeois, à part pour quelques exceptions, j'ai beaucoup de mal à faire la correspondance.
Ah tiens, Bach s'est aussi beaucoup inspiré de compositeurs de son époque. L'exemple le plus frappant est le Tilge, Höchster, meine Sünden (BWV 1083) qui est une adaptation du Stabat Mater de Pergolèse.
En tout cas, c'est toujours amusant de redécouvrir un morceau de musique sous une nouvelle forme.
2005-10-09 01:53+0200 (Grigny) — Culture — Musique
Je commençais à trouver idiot d'écouter les cantates d'église de Bach dans un ordre complètement aléatoire. Il en a écrit plus de deux cents, je n'en ai écouté pour l'instant qu'un tiers.
Il y a a priori plein de manières plus ou moins cohérentes de procéder à l'écoute :
Je vais opter pour suivre le calendrier liturgique. En effet, la plupart des cantates ont été écrites pour être jouées à un moment précis de l'année liturgique, certaines pour le douzième dimanche suivant la fête de la Trinité, d'autres pour le troisième dimanche après Pâques, d'autres pour le surlendemain de Noël, etc... Bref, je me suis fait un petit programme pour calculer les dates des dates du calendrier liturgique, et leur associer les cantates correspondantes comme sur le site Bach Cantatas. C'est la première fois que j'implémente un algorithme de calcul de la date de Pâques (voir l'article sur le Computus sur la version anglaise de Wikipédia). Une fois qu'on a la date de Pâques, il est assez simple de déterminer toutes les dates du calendrier liturgique.
Dans mes recherches, j'ai observé quelques curiosités : certains fêtes à date fixe ont changé de jour au cours de l'histoire des religions. La Visitation était fêtée le 2 juillet (depuis 1389), mais c'est maintenant le 31 mai qu'elle est fêtée. Les noms de Septuagésime, Sexagésime, Quinquagésime (censés être respectivement 70, 60 ou 50 jours avant Pâques, en réalité 63, 56 et 49) ont été abandonné au profit de « Premier des trois dimanches précédant le carême », etc... On peut aussi plaindre la cantate Wachet auf, ruft uns die Stimme (BWV 140) qui est censée être jouée le vingt-septième dimanche suivant la fête de la Trinité. Examinons comment le calendrier est fait : la fête de la Trinité a lieu 8 semaines après Pâques ; de l'autre côté, les quatre dimanches précédant Noël sont les quatre dimanches de l'Avent. Entre la fête de la Trinité et le premier dimanche de l'Avent, suivant les années, on peut intercaler jusqu'à vingt-sept dimanches. En 2005, il y en a 26, en 2006, 24, etc... Ce n'est donc que le 23 novembre 2008 que je pourrai ainsi écouter la cantate 140 si je respecte rigoureusement le calendrier liturgique, et encore, je n'ai pas intérêt à me louper, puisque si mes calculs sont exacts, il faudrait ensuite attendre le 25 novembre 2035 (trois ans avant la fin du monde, qui est prévue pour 19 janvier 2038) pour qu'une telle occasion se représente !
2005-10-04 12:31+0200 (Grigny) — Culture — Musique
Olympia — 2005-10-03
Keren Ann
Malgré ma maladresse, j'ai pu assister hier soir à un concert de Keren Ann à l'Olympia.
Cela faisait bien trois ou quatre ans que je n'avais pas assisté à un concert où une poignée de musiciens produisent plus de décibels qu'un orchestre en formation symphonique, la dernière fois remonte à un concert de Garbage au Zénith de Paris (Google me souffle que c'était le 2002-06-26).
La façon d'interpréter ses chansons que je ne connaissais qu'en version studio m'a beaucoup surpris, je m'attendais à quelque chose de très différent à vrai dire, beaucoup plus doux, mais le guitariste était vraiment très bon, cela rendait bien ; on a toutefois eu des chansons jouées de façon plus minimaliste (seule sur scène, avec sa guitare).
C'est vraiment par le plus grand des hasards que je connais cette artiste ; cela devait être il y a quelques années, je devais passer quelques jours chez mes parents et je me trouvais dans un magasin de disques à Brest (plus précisément, dans le grand magasin de disques de la ville, rue de Siam) et je me disais que je n'avais pratiquement aucun disque de chanson française, je suis allé au rayon variétés françaises, et entre tous les best-of de chanteurs plus ou moins démodés, j'aperçus l'album La disparition d'une certaine Keren Ann Zeidel. Je n'avais jamais entendu parler d'elle, peut-être un bon signe ; je l'achetai et cela me plut bien.
Pour trouver ses autres disques, ce ne fut pas non plus aisé, je vis peut-être sur une autre planète, mais ce n'est en général que plusieurs mois après leur sortie que j'apprends leur existence en faisant une recherche sur son nom sur Amazon.
2005-08-03 01:31+0200 (Grigny) — Culture — Musique — Cinéma — Culture indienne
N'ayant pour ainsi dire aucune formation musicale, la musique provoque néanmoins en moi des émotions parfois très fortes. Je peux tout-à-fait m'extasier en écoutant une symphonie ou un concerto pour piano de Beethoven, mais c'est la musique vocale, baroque surtout, qui me fait le plus grand effet.
Tout-à-l'heure, j'écoutais la messe en si mineur de Bach, et des larmes ont commencé à apparaître lors du chœur Et expecto resurrectionem mortuorum. Bien que parfaitement incroyant, cette musique religieuse (le plus souvent protestante et en allemand, exceptionnellement catholique et en latin ici) m'émeut beaucoup.
Le concert qui m'a probablement le plus ému était donné par le chœur Sotto Voce ; il s'agit d'un chœur d'enfants qui chantait notamment ce soir-là des negro spitituals. Ils m'ont complètement fait craquer : dès la première chanson, impossible de retenir mes larmes.
Dans un autre style, le cinéma populaire indien utilise beaucoup la musique pour décupler les émotions. Le plus souvent, il s'agit de divertir et de provoquer une sorte d'euphorie chez le spectateur avec un intermède musical (qui n'est que rarement bien intégré à l'histoire). Mais parfois, l'émotion est vraiment au rendez-vous. Il y a ainsi une scène qui m'a particulièrement bouleversé dans स्वदेस (profitez-en, il passe encore dans quelques salles de cinéma en France). On a ainsi un indien travaillant à la NASA qui se retrouve dans un village en Inde où un cinéma itinérant va organiser une projection nocturne. Les gens du village s'installent donc devant l'écran (qui est un simple tissu blanc), plus précisément, les uns se mettent devant l'écran, les autres, moins fortunés, derrière (ils verront donc le film comme à travers un miroir) ; tout semble se bien passer jusqu'à ce qu'une coupure d'électricité interrompe la fête. C'est alors qu'intervient notre project manager à la NASA. Il dit à tout le monde de lever la tête vers les étoiles et il se lance dans une leçon d'astronomie ; s'insère alors la chanson यह तारा वह तारा हर तारा (littéralement « cette étoile-ci, cette étoile-là, chaque étoile ») au milieu de laquelle on décroche l'écran, les enfants qui étaient situés de part et d'autre peuvent se mettre à danser joyeusement tous ensemble...
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