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2012-09-29 12:13+0200 (Orsay) — Culture — Musique — Danse
Opéra Garnier — 2012-09-24
Fayçal Karoui, direction musicale
Orchestre de l'Opéra national de Paris
Ballet de l'Opéra
Hector Berlioz, musique (Marche, extrait de l'opéra Les Troyens)
Les étoiles, les premiers danseurs, le corps du ballet et les élèves de l'école de danse
Défilé du ballet
Piotr Ilyitch Tchaikovsky, musique (Sérénade en ut majeur pour orchestre à cordes, op. 48 (1880))
George Balanchine, chorégraphie (1934) réglée par Paul Boos
Costumes d'après Karinska
Lumières réalisées par Perry Silvey
Ludmila Pagliero
Laëtitia Pujol, Eleonora Abbagnato
Hervé Moreau
Pierre-Arthur Raveau
Sérénade
Igor Stravinsky, musique originale
George Balanchine, chorégraphie (1957) réglée par Paul Boos
Lumières réalisées par Perry Silvey
Mathieu Ganio, Nolwenn Daniel, Muriel Zusperreguy, Premier pas de trois
Myriam Ould-Braham, Alessio Carbone, Christophe Duquenne, Deuxième pas de trois
Aurélie Dupont, Nicolas Le Riche, Pas de deux
Marie-Solène Boulet, Héloïse Bourdon, Laura Hecquet, Fanny Gorse
Agon
Serguei Prokofiev, musique originale
George Balanchine, chorégraphie (1929) réglée par Paul Boos
Décors et costumes d'après Georges Rouault
Lumières réalisées par Perry Silvey
Pierre-Arthur Raveau, Grégory Gaillard, Les deux Amis
Jérémie Bélingard, Le Fils
Natacha Gilles, Maud Rivière, Ses Sœurs
Vincent Cordier, Le Père
Mickaël Lafon, Hugo Vigliotti, Alexandre Carniato, Jean-Baptiste Chavignier, Cyril Chokroun, Mathieu Contat, Takeru Coste, Pierre Rétif, Alexis Saramite, Les Compagnons
Marie-Agnès Gillot, La Courtisane
Le Fils prodigue
Je ne suis résolument pas un grand fan des chorégraphies de Balanchine... Des trois ballets présentés dans cette soirée de rentrée (que j'ai revue le vendredi 28 dans une distribution semblable), mon préféré a été Sérénade. La musique pour instruments à cordes de Tchaikovsky est plus inoffensive et plus fluide que celles des deux autres ballets, ce qui me permet de me concentrer davantage sur la danse. Le placement utilise des configurations géométriques comme la position initiale des (3×3)×2-1=17 danseuses du corps de ballet formée de deux groupes de trois rangées de trois reliés par un coin commun. Les nouvelles configurations apparaissent je ne saurais dire comment, un effet qui me me rappelle favorablement Émeraudes du même Balanchine, à ceci près que les costumes unis sont ici plutôt bleus que verts. Les différentes danseuses du corps de ballet et surtout les solistes gravitent autour d'Hervé Moreau, qui semblera se transformer brièvement en une sorte d'Orphée quand une autre danseuse lui cache les yeux pour le conduire auprès d'une Ludmila Pagliero évanouie. Si la danse est plus ou moins narrative, le rôle de chacun n'est pas d'une clarté absolue... Ce fut en tout cas un grand plaisir de revoir Eleonora Abbagnato, aux cheveux d'abord sagement attachés puis follement libérés. Ludmila Pagliero m'a aussi paru plus expressive que d'ordinaire. Dans le corps de ballet, je n'arrive pas à détourner mes yeux de Mathilde Froustey !
Si la musique m'a paru superbement jouée tout au long de la soirée, ce qui n'est guère surprenant puisque l'orchestre était dirigé par Fayçal Karoui qui avait déjà merveilleusement dirigé La Bayadère l'année dernière, la musique des deux autres ballets m'a paru plus intéressante que leur chorégraphie. Le dernier ballet de la soirée Le fils prodigue m'a paru d'un ennui total. Les costumes en sont presqu'aussi ridicules que ceux de Phèdre de Lifar qui avait ouvert la saison 2011/2012 (comment ne pas y repenser quand Marie-Agnès Gillot apparaît avec sa cape rouge ?). Pour mon deuxième visionnage, je n'ai eu aucun scrupule à diriger mes jumelles vers la fosse d'orchestre plus souvent que vers la scène. Les vents étaient particulièrement en forme (notamment la clarinette solo !). Prokofiev est décidément un formidable compositeur de musique de ballet.
Entre ces deux ballets s'insérait Agon sur une étonnante
musique de Stravinsky. La musique utilise une large palette d'instruments,
dont certains sont plutôt rares dans l'orchestre, comme la mandoline. Par
moments, j'ai l'impression d'entrendre une sorte de baroque orientalisant.
À d'autres, la musique me paraît résolument atonale. La chorégraphie est
plus heurtée, beaucoup moins fluide que dans Sérénade. Elle met
davantage en valeur les danseurs qui sont presque tous solistes (Myriam
Ould-Braham ! Aurélie Dupont et Nicolas Le Riche !!), mais je ne vois
qu'une succession de courts numéros dont je ne perçois pas la cohérence
d'ensemble. Bref, de la danse pure
sans narration ; cela se laisse
regarder, mais ne me passionne pas. Il n'y a que le pas de deux d'Aurélie
Dupont et Nicolas Le Riche qui parvienne à m'intéresser véritablement.
Le soir du lundi 24 septembre, la représentation était précédée du défilé du ballet. C'est la troisième fois que j'assiste à ce défilé. Je l'ai vécu assez différemment des fois précédentes. Le plaisir fut particulièrement grand de voir Myriam Ould-Braham avec son diadème.
Ailleurs : Danses avec la plume, Blog à petits pas, Cams.
2012-09-28 14:09+0200 (Orsay) — Culture — Musique
La Cité de la musique a eu la très bonne idée d'organiser un cycle Bach/Kurtág. J'avais déjà eu l'occasion d'entendre un peu de Kurtág en 2010 lors de la Biennale de quatuors à cordes et à l'Opéra Garnier dans le cadre du festival d'Automne.
Cité de la musique — 2012-09-20
Ensemble Intercontemporain
Patrick Davin, direction
Anamorphoses, d'après L'art de la fugue : Contrapunctus VI (Johannes Schöllhorn/Bach)
L'Art de la fugue : Contrapunctus I, Canon all'ottava (Bach/Ichiro Nodaïra)
Anamorphoses, d'après L'art de la fugue : Canon in Hypodiapason, Canon per augmentationem in contrario motu 3, Contrapunctus XI (Johannes Schöllhorn/Bach)
L'Art de la fugue : Contrapunctus V (Bach/Ichiro Nodaïra)
Anu Komsi, soprano
Quatre Caprices op. 9, György Kurtág
Quatre Poèmes d'Anna Akhmatova, György Kurtág
L'Art de la fugue : Contrapunctus VI a 4 in stylo francese (Bach/Ichiro Nodaïra)
Anamorphoses, d'après L'art de la fugue : Contrapunctus IX, Contrapunctus X, Contrapunctus I (Johannes Schöllhorn/Bach)
L'Art de la fugue : Fuga a soggetti (fragment) (Bach/Ichiro Nodaïra)
Cela a commencé pour moi jeudi soir avec ce concert de l'ensemble Intercontemporain, que j'entendais pour la première fois dans son cadre naturel : la salle des concerts de la Cité de la musique. Cette année, j'ai en effet décidé d'aller à quelques uns des concerts que l'ensemble va y donner. Ce concert est dédié à la mémoire du compositeur Emmanuel Nunes récemment décédé.
Deux compositeurs contemporains ont revisité l'Art de la fugue. Les transcriptions Ichiro Nodaïra m'ont plu, et tout particulièrement celles dont l'orchestration mettait en valeur les instruments à vents.
Je suis en revanche passé complètement à côté des Anamorphoses de Johannes Schöllhorn qui a découpé la partition en miniscules bouts qu'il a dispersé dans tous les coins de l'orchestre. Les pièces gardent le nom des contrepoints originaux mais n'ont plus grand'chose de contrapuntique, les lignes mélodiques passant d'un instrument à autre en permanence. Le matériau pouvait être aussi être très étiré dans le temps. Je ne sais pas si en accéléré, cela ressemblerait à quelque chose, mais en tout cas, tel quel, le contrepoint nº1 était méconnaissable. Indépendamment de la question de savoir ce qu'était devenu l'Art de la fugue dans cette œuvre, j'ai trouvé globalement assez disgracieux le son de l'orchestre, je me serais presque cru dans une œuvre de Brice Pauset.
Restent les deux ensembles de poèmes mis en musique par Kurtág. Les impressions qu'elles me laissent sont très fugitives, en dehors du fait que la voix d'Anu Komsi semblait idéale pour Quatre caprices (en hongrois), l'œuvre alliant parole et chant.
⁂
Cité de la musique — 2012-09-22
Márta Kurtág, György Kurtág, piano
Adieu, Haydée I
Nun komm, der Heiden Heiland, BWV 599 (Bach)
L'homme n'est qu'une fleur (... Sons entrelacés)
Prélude et choral
Nœuds (Scherzo)
Antienne en fa dièse
Lamentation I
Hommage à Christian Wolff (... comme dans un rêve)
Jeu avec les harmoniques
... une feuille d'esquisse pour Tünde Szitha...
... et encore une fois l'homme n'est qu'une fleur
Coups-Querelle
Esquisse pour “Hölderlin” de János Pilinszky
Sonatine de la Cantage Gottes Zeit ist die allerbeste Zeit (Actus tragicus), BWV 106 (Bach)
Cloches — Hommage à Stravinski
Choral furieux
Hoquetus
Avec les paumes
Campanule
Chardon
Le Lapin têtu
Merran's dream (Caliban detecting-rebuilding Mirranda's dream)
Hommage à Domenico Scarlatti
Aus der Ferne
Duo nº3 en sol majeur, BWV 804 (Bach)
Das alte Jahr vergangen ist, BWV 614 (Bach)
Alle Menschen müssen sterben, BWV 643 (Bach)
Trio-sonate nº1 en mi bémol majeur, BWV 525 (Bach)
Lamentation 1/a
Lamentation 2 (In memoriam Ligeti Ilona)
Galipette (roulé-boulé)
Hommage à K. M.
O Lamm Gottes unschuldig, BWV 618 (Bach)
Évocation de Petrouchka
Amour, amour, souffrance amère
Hommage à Soproni — In memorium matris carissime
Hommage à Halmágyi
Bribes de mémoire d'une mélodie de collindă
Le grand moment du week-end, c'était ce concert de Márta et György Kurtág dont le programme détaillé n'a été fourni qu'à l'issue du concert. Le concert ayant duré à peine plus d'une heure et demie (trois bis et deux standing ovations comprises), on comprendra à la lecture de la liste des œuvres que celles-ci étaient en général très courtes. Beaucoup de pièces sont des jeux (Játékok en hongrois) pour deux ou quatre mains composés par György Kurtág. Ils sont interprétés par l'un ou l'autre des Kurtág ou par les deux. Parmi ces derniers, quelques jeux de questions et réponses, éventuellement en forme de défi, jouant autour de deux ou trois notes et naviguant dans une large gamme de nuances. Cette musique est parfois extrêmement drôle ! Le programme inclut également des transcriptions d'œuvres de Bach. Je les ai toutes aimées, pas seulement un peu, ni même beaucoup, mais carrément à la folie, s'agissant de la Sonatina de la cantate “Actus Tragicus” BWV 106, qui a d'ailleurs été jouée en bis après un numéro comique de mime de Márta alors qu'elle et György fouinaient chacun dans sa pile de partitions.
Le concert peut être visionné sur Cité de la musique live. Ma trombine apparaissait furtivement à la fin de cette vidéo avant qu'elle ne soit montée. La densité de pixels ne permettait pas de distinguer le rare état de contentement dans lequel ce concert m'avait transporté.
⁂
Le dimanche avait lieu une master class de György Kurtág. L'amphithéâtre de la Cité de la musique était plutôt bien rempli. Aussi bien le matin que l'après-midi j'ai néanmoins pu me placer au premier rang en compagnie de Musica Sola, sans l'enthousiasme duquel à propos de Kurtág pédagogue je ne me serais sans doute pas levé aux aurores un dimanche matin. Il y a en effet eu deux sessions de trois heures chacune (sans pause !) consacrées à des quatuors à cordes. Les deux sessions ont été très différentes !
Amphithéâtre de la Cité de la musique — 2012-09-23
György Kurtág, master class
Quatuor Psophos
Éric Lacrouts, Bleuenn Le Maitre, violons
Cécile Grassi, alto
Guillaume Martigné, violoncelle
Quatuor à cordes nº7 en fa majeur op. 59 nº1, Beethoven
Le quatuor Psophos
étant français, la master class s'est
déroulée en français. György Kurtág cherchait parfois ses mots et a dû
délicieusement demander une fois à un des musiciens de mettre plus ou moins
de cheveu
en utilisant son archet, mais globalement il a bien réussi
à se faire comprendre.
Les musiciens ont joué le début de chacun des quatre mouvements du
quatuor nº7 de Beethoven. Kurtág leur a ensuite fait travailler différents
passages. Le sens de la précision de Kurtág est assez impressionnant. Il a
par exemple fait travailler pendant peut-être une dizaine de minutes le
second violon sur une seule note ! Il utilise très souvent le piano pour
montrer des différences entre ce qu'il entend et ce qu'il voudrait
entendre. Sa facilité à faire entendre des détails aussi subtils est
ahurissante. Très souvent, il utilise sa voix pour montrer le phrasé et les
variations de nuances qu'il aimerait que les musiciens jouent. Je suis sûr
que s'il faisait du dhrupad pendant son temps libre, Kurtág y
excellerait... Sa façon d'enseigner me rappelle en effet celle de Marianne Svašek lors d'un stage en février. Au lieu de Re-ne-ne
ou de
Ri-num
, il fait des yopopom
et titiyapapa
. Attention,
pas n'importe quel titiyapapa ! Il semble attacher une extrême
importance au discours musical. Il n'hésite pas à comparer le contexte dans
lequel un des musiciens va faire son entrée à des situations de la vie
courante. Il peut ainsi dire à l'un d'entre eux : vous allez dire
quelque chose de vraiment important
. Il compare également ce quatuor à
la Symphonie Pastorale (et à l'ouverture Léonore III) et
tente parfois de replacer une phrase à jouer dans le contexte de la
symphonie : on est après l'orage, et les paysans se mettent à chanter.
(Bon, il a aussi comparé les sonorités de quelqu'instrument à cordes à
celles d'une chèvre ou d'un tracteur...)
Parmi les choses travaillées avec le quatuor du matin : le phrasé. J'ai beaucoup aimé sa façon d'expliquer la gamme de possibilités entre le legato et le staccato. Même dans une suite de notes liées, bien faire entendre chaque note avant de passer à la suivante ! Pour obtenir ses fins, il faisait travailler les musiciens parfois individuellement, parfois par deux ou trois, ou tous ensemble. S'il a rarement complimenté les musiciens (ce que faisait néanmoins Márta lors de ses peu nombreuses interventions), une certaine jubilation se faisait sentir quand il arrivait à obtenir ce qu'il voulait.
Parmi les citations plus ou moins mystérieuses, je retiens C'est pas
du solfège !
, Cette mélodie ne laisse pas pénétrer le silence.
,
À l'intérieur, vous n'êtes pas assez rythmique.
(Márta). Le pompon
revient aux pianissimi quasi forte cantabile
‽
À la fin des trois heures de master class, les musiciens
français étaient pour ainsi dire devenus un petit peu hongrois !
:-)
⁂
Amphithéâtre de la Cité de la musique — 2012-09-23
György Kurtág, master class
Quartetto di Cremona
Cristiano Gualco, Paolo Andreoli, violons
Simone Gramaglia, alto
Giovanni Scaglione, violoncelle
Quatuor à cordes nº4 Sz. 91, Bartók
L'après-midi, c'est au tour du Quartetto di Cremona. Au
programme, Bartók et Beethoven. Il fallait s'y attendre : le temps étant
limité, il n'y aura en fait que du Bartók. Si mes toutes premières
rencontres avec la musique de Bartók ne m'avaient à l'époque
guère convaincu et que d'autres concerts me l'ont fait apprécier bien davantage, l'audition
du quatuor nº4 fait entrer définitivement Bartók dans ma catégorie
compositeur génial
. Au début de la master class, le quatuor
de Crémone l'a joué en entier (à part une petite interruption dans le
premier mouvement). Ç'aurait été dans le cadre d'un concert, j'aurais été
épaté. D'ailleurs, le public jusque là silencieux a applaudi à la fin du
dernier mouvement.
Pourtant, pour Kurtág, tout ou presque était apparemment à revoir.
Certaines images utilisées par Kurtág étaient aussi parlantes que le
matin, comme lorsqu'il a expliqué comment jouer un crescendo particulier
comme une montée d'intensité à couper le souffle : crescendo
suffocato quasi crescendo asthmatico
(il faut imaginer
Kurtág en train de mimer une crise d'asthme). Cependant, cette deuxième
master class a été beaucoup plus technique que celle du matin. Il
a souvent été question d'harmonie. J'étais assez vite dépassé en
l'entendant parler de la dominante de la dominante
, de tierces ou de
sixtes que l'on n'entendait pas assez, de cluster
majeur/mineur/chromatique
. Enfin, même si je vois à peu près ce que
cela peut vouloir dire, le moins que je puisse dire est que cela ne me
parlait pas beaucoup... Contrairement à la master class du matin
où il était possible de suivre sans connaissances techniques particulières,
on pouvait avoir ici l'impression d'espionner une discussion passionnante
dans une langue inconnue par le trou de la serrure. C'était
particulièrement frappant pendant la longue discussion du début sur les
seules deux premières mesures du quatuor. Kurtág ne se donnait pas en
spectacle (une impression donnée par d'autres musiciens dans certaines
vidéos de master classes). Au contraire, tout son être était sous
l'empire de la musique et seul semblait lui importer de faire bien
travailler les musiciens du quatuor.
Pour ce qui est de la langue, cette master class s'est déroulée
en anglais, mais aussi en français, avec même un peu d'italien et
d'allemand. Le nom des notes était parfois dit à l'anglaise
C-D-E-...
ou à la française do-ré-mi-...
. Les interventions
en hongrois de Márta étaient traduites par György.
Si la master class était difficile à suivre pour moi, pour la raison évoquée plus haut, mais aussi parce que le quatuor de Bartók n'est pas exactement structuré comme un quatuor de facture plus classique... Ne connaissant pas l'œuvre, il m'était difficile de situer les différents fragments qui étaient travaillés.
Toutefois, plusieurs enseignements se sont dégagés sur l'interprétation
de la musique de Bartók. Kurtág a expliqué qu'après la Seconde Guerre
mondiale, les pianistes hongrois jouaient Bartók Allegro Barbaro.
Il a un peu dit à notre cher et valeureux quatuor qu'ils le jouaient comme
ça (ce qu'ils ne niaient pas d'ailleurs ! c'est comme ça qu'on leur avait
appris). Un des points essentiels de Kurtág était de dire qu'il y avait des
centaines de manières de jouer fortissimo et non pas une seule.
Aussi, la musicalité est pour lui more important than to make noise
et the pianissimo should be more intense than the fortissimo.
.
Qu'ils jouent donc vigoroso transparenza
, qu'ils fassent certes des
accents, mais des accents qui n'empêchent pas d'entendre la mélodie.
Les musiciens du quatuor ont paru éberlués par ces révélations. Il y eut un moment de flottement et d'incompréhension et puis à la suggestion de Kurtág, Andras Keller qui assistait à la master class a demandé la permission au premier violon d'utiliser son instrument pour leur montrer ce que Kurtág attendait. Les musiciens ont pour ainsi dire paru changer de religion pendant cette master class. Ils semblaient très reconnaissants à Kurtág de les avoir éclairés, tout en étant conscients du travail à accomplir pour mettre en pratique ces principes à la totalité de ce quatuor (sans parler des autres...).
Ailleurs : Musica Sola.
2012-09-15 22:19+0200 (Orsay) — Culture — Musique
Théâtre des Champs-Élysées — 2012-09-14
Orchestre de chambre de Paris
Sir Roger Norrington, direction
Symphonie nº33 en si bémol majeur, KV 319 (Mozart)
Emanuel Ax, piano
Concerto pour piano nº25 en ut majeur, KV 503 (Mozart)
Variations pour piano seul en fa mineur, Hob.XVII/6 (Haydn)
Symphonie nº36 “Linz”en ut majeur, KV 425 (Mozart)
Une heure avant le début de ce concert eut lieu une petite mais
néanmoins intéressante rencontre avec le chef d'orchestre Sir Roger
Norrington et le pianiste Emanuel Ax qui se sont tous les deux exprimés en
français. Peu de monde dans le public pour cette rencontre, et surtout peu
de jeunes... Tout en rendant hommage à Harnoncourt, le chef de file de ce
mouvement, Roger Norrington a expliqué quelques aspects de ce travail de
retour à des interprétations plus respectueuses du contexte dans lequel les
œuvres de Mozart, Haydn et d'autres avaient été interprétées à l'origine.
Un de ces aspects est l'abandon du vibrato que l'on est habitué à
entendre et qui n'est qu'une mode relativement récente. Il a ainsi expliqué
qu'en écoutant des enregistrements de la première moitié du vingtième
siècle, tout simplement, on pouvait voir cette tendance apparaître, plus ou
moins rapidement dans les différents grands orchestres, les derniers à s'y
être mis étant les Viennois, vers les années 1940. Un autre aspect
important est la question de l'effectif des musiciens. Il a donné moult
exemples d'effectifs utilisés pour les symphonies de Haydn, Mozart,
Beethoven, Brahms... Une configuration assez standard au cours du
dix-neuvième siècle était d'utiliser 8 premiers violons, ce qui sera le cas
au cours du concert. Et puis, il y eut une inflation du nombre
d'instruments à cordes. Si jamais on assistait à un concert avec 16
premiers violons, le double, et qu'il n'y aurait que huit instruments à
vents, il a plaisanté en nous encourageant à crier Maestro ! Où sont les
hautbois ?
, étant entendu que si on double le nombre de cordes, il faut
aussi doubler le nombre de vents (ou souffler deux fois plus fort...). La
discussion a également porté sur l'interprétation proprement dite : par
exemple, quelles nuances utiliser en cas d'absence d'indications
explicites ? Plutôt que de s'en tenir aux traditions d'interprétations du
baroque jusqu'aux années 1950, il convenait de revenir aux sources
d'origine : édition critique de partitions Urtext, utilisation de
livres de pédagogie musicale de l'époque (comme la méthode de violon du
père de Mozart).
Les deux premiers rangs de musiciens forment un fer à cheval au centre duquel s'installent Roger Norrington. Les huit premiers violons sont à sa gauche, les sept seconds à sa droite. Les six altos sont devant lui, à sa droite et les cinq violoncelles à sa gauche. Les autres musiciens sont debout, les deux hautbois à gauche, les deux bassons à droite. Les trois contrebasses sont sur les côtés et les deux cors ont pris place au fond.
Ce qui m'a le plus marqué peut-être dans la première œuvre au programme, la Symphonie nº33 de Mozart, c'est la limpidité des phrasés et plus particulièrement le contraste qui résulte de l'alternance entre des suites de notes détachées et d'autres au contraire très liées. L'absence de vibrato participe sans doute à l'impression de légèreté sans pesanteur que m'inspire le son de l'orchestre. La gestuelle du chef est toute différente de ce que j'ai pu voir par ailleurs. Dans les deux symphonies de Mozart au programme, aucunement embarassé par un pupitre ou une partition, il peut se tourner d'un côté ou de l'un autre pour encourager les premiers ou les seconds violons. Les mouvements des mains et du corps me paraissent assez mystérieux. L'important est que cela fonctionne ! et que tous les musiciens paraissent en confiance. Si l'enthousiasme du premier violon Deborah Nemtanu est constant, concert après concert, j'ai été agréablement surpris par le fait que cet enthousiasme était cette fois-ci manifestement très largement partagé par les autres musiciens de l'orchestre, qui n'hésitent pas à dandiner des épaules ou à se pencher vers l'avant. À cet enthousiasme des musiciens s'est joint celui du public qui a applaudi entre les mouvements. Il s'est malheureusement trouvé quelques ridicules grincheux antiphraseurs pour demander très bruyamment le silence.
Pour le concerto pour piano nº25, le pianiste Emanuel Ax bien sûr, mais aussi une flûtiste, une timbalière et deux trompettistes ont rejoint les autres musiciens. Dans le premier mouvement, on entend un thème dont les huit premières notes rappellent celles de La Marseillaise, qui n'avait pas encore été composée... De tout le concert, le deuxième mouvement, lent, de ce concerto, sera celui qui me procurera le plus de plaisir, la délicatesse et la bonhomie du pianiste se joignant à l'orchestre qui flotte dans une atmosphère éthérée. Dans ce concerto, j'ai également été très impressionné par la flûtiste.
Après l'entr'acte, le pianiste a interprété une œuvre pour piano pour Haydn. C'est comme un rêve agréable dont on ne se souvient plus au réveil. Qu'en dire de plus ?
Le concert s'est conclu par la symphonie nº36 “Linz” de Mozart. Cet aspect était déjà remarquable dans les autres œuvres orchestrales au programme, mais ici j'ai apprécié les jeux de questions et réponses entre les différents groupes d'instruments, en particulier les hautbois et les bassons (qui se faisaient face, debouts, des deux côtés de la scène). La fin très très énergique du Presto faisait plaisir à voir, et à entendre !
Après ce concert, je crois que je ne pourrai plus dire que je déteste Mozart tout en adorant Haydn.
2012-09-02 11:44+0200 (Orsay) — Culture — Musique
Parc floral — 2012-09-01
Les Violoncelles Français
Emmanuelle Bertrand, Eric-Maria Couturier, Emmanuel Gaugué, Xavier Phillips, Roland Pidoux, Raphaël Pidoux, Nadine Pierre, Françaois Salque, violoncelles
Toccata et fugue en ré mineur, BWV 565, Johann Sebastian Bach
Adagietto de la Symphonie nº5 (Mahler)
Introduction ― Brindisi ― Sempre libera de La Traviata (Verdi)
Prélude, Habanera, Seguedile, Entr'acte, Air Tzigane de Carmen (Bizet)
Chœur des tziganes ― Brindisi ― Sempre libera de La Traviata (Verdi)
Le chant des oiseaux (Pablo Casals)
Ce concert n'a pas atteint pour moi le même degré de fantabullisssimitude que le concert Janáček aux Bouffes du Nord. Il n'en demeure pas moins qu'il était assez prodigieux et ce n'est pas uniquement dû au talent de Xavier Phillips qui était aussi de ce concert Janáček. Dans cet octuor de violoncelles, Les Violoncelles Français, on peut dénombrer, excusez du peu, un violoncelliste solo de l'Orchestre de Paris (Emmanuel Gaugué), du Philharmonique de Radio France (Nadine Pierre), le violoncelliste du Trio Wanderer (Raphaël Pidoux), lequel trio a donné le week-end précédent un fort beau concert (chroniquetté par Klari), et cætera, et cætera. J'avais également noté la présence de François Salque (que j'avais beaucoup aimé dans un concert de l'ensemble Les Dissonances).
Les transcriptions pour octuor de violoncelles des différentes œuvres jouées (sauf peut-être la dernière) sont dues à Roland Pidoux, le père de Raphaël Pidoux. En excluant les interprétations amateures impromptues, je n'avais jamais entendu en concert Toccata et fugue en ré mineur (BWV 565) de Bach. Comme dans les autres œuvres jouées, j'apprécie l'étonnante clarté de l'ensemble des voix dans lequel paradoxalement on arriverait presque davantage à s'y retrouver qu'avec un orchestre alors même que les instruments ne se distinguent pas par des timbres différents, puisqu'il n'y a que des violoncelles !
Après l'Adagietto de la Cinquième symphonie de Malher aux
exquis pizz. d'arrière-plan, qui n'a été perturbé, je crois, avant
son apaisée conclusion que par un son d'ambulance venant du lointain ― les
aléas du concert en plein air ― les musiciens ont interprété des extraits
du premier acte de La Traviata. Le titre Introduction
m'avait fait penser que nous entendrions le fameux et lacrymogène
Prélude, j'avais même sorti un mouchoir au cas
où. Et puis, j'ai entendu le décadent ti-toutou tou-titi ti
tatata...
du chœur qui intervient avant la non moins décadente chanson
à boire Libiamo..., un des nombreux tubes de La Traviata.
L'octuor a d'ailleurs enchaîné avec Sempre libera. La courte
intervention soliste qu'a faite François Salque a été époustouflante...
Enfin, avant les bis, le public a pu entendre Roland Pidoux dans le rôle de Carmen ! J'ai beaucoup aimé son interprétation, tout à fait inouïe... L'adorable Entr'acte (entre les actes 1 & 2) a été un agréable intermède avant le dévastataur crescendo de l'Air tzigane Les tringles des sistres tintaient...
Ailleurs : Klari.
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