Weblog de Joël Riou

« Bilan 2010 | Deux concerts baroques »

Éonnagata au TCE

2011-01-02 01:28+0100 (Orsay) — Culture — Musique — Danse — Théâtre

Théâtre des Champs-Élysées — 2011-01-01

Sylvie Guillem, Robert Lepage, Russell Maliphant, conception et interprétation

Michael Hulls, lumières

Alexander McQueen, costumes

Jean-Sébastien Côté, design sonore

Éonnagata

Étant tombé récemment sur une vidéo de Sylvie Guillem, je m'étais dit que ce serait bien d'aller la voir danser un de ces jours. C'était le bon moment puisqu'une série de représentation de Éonnagata était programmée au Théâtre des Champs-Élysées.

C'est un très beau spectacle, mais commercialement, ç'a l'air d'être un ratage monumental en dépit d'une importante campagne d'affichage publicitaire. Je n'ai jamais vu le Théâtre des Champs-Élysées aussi vide, il n'y avait par exemple presque personne au deuxième balcon. Curieusement, le parterre était presque plein : sans doute des ninjas et des invités. Les places étaient à 15€, 40€, 60€, 78€ et 95€. J'ai fait un fort bon tirage, puisque pour 15€, j'ai eu une place au premier rang de corbeille, certes excentrée, mais qui ne laissait qu'un petit angle mort au fond du côté cour, d'autant plus que j'ai pu me décaler un peu grâce aux places vides...

Les trois concepteurs du spectacle, Sylvie Guillem, Robert Lepage et Russell Maliphant en sont aussi les interprètes. Ils jouent, parlent, chantent, dansent tous les trois. L'histoire est très facile à suivre, peut-être un peu trop d'après Rosita Boisseau dans Le Monde. En effet, dès après quelques minutes, Sylvie Guillem raconte un résumé de l'histoire du chevalier d'Éon, espion travesti dont l'identité sexuelle fut plus qu'ambiguë ; il est alors aisé de reconnaître dans chaque scène le moment de la vie du chevalier auquel elle renvoie.

Dans les scènes dansées, Sylvie Guillem et Russell Maliphant paraissent plus à l'aise que Robert Lepage, qui s'en sort quand même fort bien. Un passage des plus spectaculaires se trouve au début du spectacle, qui semble représenter une leçon de clavecin qui dégénère. Les clavecins sont figurés par de simples tables en bois qui seront réutilisées à d'autres fins par la suite. Les danseurs sautent, glissent sur les tables, tournent. Dans cette scène et d'autres, Sylvie Guillem est impressionnante de fluidité et de souplesse.

Dans ce spectacle, tout tourne autour de l'ambiguité du personnage. Pour le spectateur, il y a également ambiguité sur l'interprète. Ainsi, à un moment, on croit voir paraître un homme en ombres chinoises au fond de la scène. Mais c'est Sylvie Guillem, dont le costume aura été rembourré à l'entrejambe. La mise en scène est ainsi véritablement magique. Même au plus près de la scène, on est constamment surpris par les tours qui sont faits, comme dans cette scène située vers la fin du spectacle où lorsque Russell Maliphant se regarde dans un miroir (fixé sur une table en bois), sans qu'on l'ait vue arriver, Sylvie Guillem reproduit les mouvements de son partenaire en symétrique. Cette magie se trouve aussi dans la manipulation de marionnettes géantes et dans les nombreux changements de costumes et d'accessoires qui se font derrière d'étroits rideaux noirs qui traversent la scène. Parmi les merveilleuses trouvailles de mise en scène, on compte aussi des accessoires qui changent subitement de fonction, comme lors de la scène où le chevalier fait une chute de cheval. Les lumières de Michael Hulls sont très belles aussi : souvent, ce sont elles qui créent une sorte de décor mouvant dans lequel évoluent les interprètes.

Le spectacle renvoie aussi à la culture japonaise, mais de façon plutôt modérée. Outre la géante marionnette, on verra une référence aux tambours japonais tels qu'on pouvait les voir et les entendre dans Kaguyahime.

Bref, ce me semble être un spectacle très intelligement conçu, très beau, très intelligible (il diffère en cela de Passion de Dusapin/Waltz). Il reste encore plein de places à vendre pour les six dernières représentations...

Ailleurs : Anne Deniau.

Lien permanent


Commentaires

1. 2011-01-02 10:56+0100 (gilda)

Des ninjas, je ne vois que ça :-).

(souvent triste, effectivement, de constater que d'excellents spectacles sont mystérieusement délaissés)

2. 2011-01-02 13:46+0100 (lili)

Je me réjouissais à l'idée de voir danser Sylvie Guillem. Ce spectacle m'a beaucoup déçue. Trop de textes lus inintéressants. La danse se passe de commentaires et là il n'y avait pas assez de danse. Un très beau passage avec les tables mais ensuite le spectacle devient lassant. Et la scène finale plus en théâtre (mauvais) qu'en danse me donnait envie de crier stop. En résumé spectacle décevant malgré la présence de la star qu'est Sylvie. Dommage.

3. 2011-01-20 16:06+0100 (Nakis)

J'au vu aussi "Eonnagata" deux fois au Théâtre des Champs Elysées dont une pour la première et le théâtre était plein lors de deux représentations. Ce n'étais peut-être pas le genre de spectacle pour attirer les foules pour le 31 ou le 1er janvier. Je partage votre avis que c'est un très beau spectacle, intelligent, sensible et profond. Je crois que si le spectacle déconcerte une bonne partie du public, ce que les spectateurs viennent voir (à tort) un spectacle de danse avec l'immense danseuse qui est Sylvie Guillem et ils sont déçus. Or, "Eonnagata" n'a jamais était présentée comme un pur spectacle de danse. C'est un spectacle atypique qui mêle habilement plusieurs genres: le thé"âtre, la danse, les traditions du Kabuki, la vidéo etc. Quant à Sylvie Guillem elle ne délaisse pas la danse pour autant. Ce spectacle fascinant n'est qu'une partie du puzzle complexe et fascinant qui est Sylvie Guillem. Les 27, 29 janvier et le 2 février Sylvie reprendra le rôle de sa vie dans "L"histoire de Manon" de MacMillan à La Scala de Milan (j'ai eu la chance" de la voir 3 fois dans ce rôle et elle fut tout simplement incomparable). Et elle prépare un nouveau spectacle de danse moderne avec trois de plus grands chorégraphes de notre temps: Matts Ekk, Forsythe et Kylian qui sera présenté au Sadler's Theatre à Londres, en juillet je crois et probablement au Théâtre des Champs Elysées, fin 2011 début 2012.

4. 2011-01-20 22:03+0100 (Joël)

Moi qui y allais entre autres pour la voir danser, mais pas que, je n'ai pas été déçu. Effectivement, j'ai lu plusieurs commentaires de balletomanes déçus qu'il y eut si peu de danse.


Vous pouvez poster un commentaire grâce au formulaire ci-dessous.

Nom ou surnom (obligatoire) :
Adresse email (facultative, n'apparaîtra pas publiquement sur ce site) :
Site Web (facultatif) :
Faire conserver ces coordonnées par mon navigateur ?
Pour montrer que vous n'êtes pas un robot stupide, veuillez recopier les chiffres 85511, dans l'ordre inverse :
Le commentaire (de grâce, évitez le SMS-speak) :

Ne mettez que du texte dans les commentaires ; vous pouvez néanmoins insérer des liens en saisissant par exemple <URL: http://www.google.fr/ > (à savoir « <URL: », une espace, l'URL proprement dite, une espace, et enfin « > ».

Date de génération : 2023-07-27 14:18+0530 ― Mentions légales.