« Opéra de Paris 2011/2012 | Haydn/Beethoven/Franck à Pleyel »
2011-03-13 00:36+0100 (Orsay) — Culture — Musique — Opéra
Opéra Garnier — 2011-03-12
Angela Denoke, Kátia
Vincent Le Texier, Saviol Dikoy
Jane Henschel, Kabanicha
Donald Kaasch, Tichon Kabanov
Jorma Silvasti, Boris Grigorievitch
Ales Briscein, Kudriach
Andrea Hill, Varvara
Michal Partyka, Kouliguine
Virginia Leva-Poncet, Glacha
Sylvia Delaunay, Fekloucha
Marie-Cécile Chevassus, Une femme
Ulrich Voss, Un homme
Tomas Netopil, direction musicale
Christoph Marthaler, mise en scène
Joachim Rathke, co-metteur en scène
Anna Viebrock, décors et costumes
Olaf Winter, lumières
Thomas Stache, chorégraphie
Patrick Marie Aubert, chef du chœur
Orchestre et chœur de l'Opéra national de Paris
Pierre Lénert, viole d'amour
Kátia Kabanová, Leoš Janáček
La production de l'opéra Kátia Kabanová qui passe actuellement à Garnier est une très belle réussite. Si mon impression était un peu mitigée après la répétition générale une semaine plus tôt, celle-ci s'est très nettement bonifiée lors de cette deuxième représentation. Il faut bien dire que lors du premier acte, il n'est pas évident de bien comprendre qui est qui, les chanteurs interprétant les rôles du mari et de l'amant de Kátia ne paraissant pas très jeunes (Janáček ayant projeté une partie de lui-même sur l'amant, cela ne choque pas pour ce rôle, mais pour le mari, tyrannisé par sa mère, cela passe un peu moins bien).
Le décor représente une cour avec fontaine bordée par un angle entre immeubles ayant un nombre visiblement variables d'étages (zéro depuis ma place de la générale, un lors de cette représentation ; en vrai, il y en a deux). Dans un recoin aveugle depuis ma troisième loge impaire est incrustée la chambre de Kabanicha, la belle-mère de Kátia. Les immeubles sont délabrés, si le couple Kabanicha-Saviol est censé être d'un statut social un peu élevé, on n'est visiblement pas dans la plus haute bourgeoisie.
Lors de cette représentation, la plus grande émotion est procurée par l'orchestre (dirigé par le jeune Tomáš Netopil), en très grande forme (tout comme hier quand je suis retourné voir Siegfried). L'impression a été toute autre que lors de la générale lors de laquelle il fallait compter avec les clic-clic des photographes. Certes, à certains pupitres, on papote et on somnole pendant les longues périodes de silence, mais je n'aurais pas remarqué ces choses si la beauté de la musique (extrêmement variée) n'avait été telle que j'ai souvent laissé s'égarer mon regard sur la fosse de façon prolongée. Les peu souvent sollicités trombones à coulisse font plaisir à entendre, tout comme la harpe, les instruments à vent, les cordes (quelques beaux moments avec les violoncelles et les contrebasses), les percussions, les cors, sans oublier la viole d'amour jouée depuis le premier étage du décor par Pierre Lénert (que je n'avais pas pu apercevoir lors de la générale depuis ma quatrième loge). De loin, on pourrait prendre l'instrument pour un violon, mais vu nombre invraisemblable de chevilles, cela ne peut être qu'une viole.
À propos de l'intrigue, c'est une histoire d'adultère. Kátia trompe son mari parti en voyage d'affaires. Lors d'un orage (c'est le titre de la pièce d'origine), elle avoue à tout le monde la chose. Nostalgique de sa jeunesse et du temps passé à l'église, elle est torturée par son péché. Devenue quasiment aliénée, elle se jette dans la Volga.
Deux autres couples jouissent sans complexe. Un des deux unit des vieux : la veuve Kabanicha et Saviol, l'oncle de le Boris (l'amant de Kátia). L'autre est beaucoup plus frais et insouciant : Varvara, la confidente de Kátia, et l'instituteur Kudriach.
Sans être absolument géniale, la mise en scène de Marthaler m'a beaucoup plu (surtout au deuxième passage, quand j'ai un peu mieux compris l'histoire). Lors de cette reprise, on peut constater avec plaisir qu'un plus que très honnête travail a été fait dans la direction des comédiens-chanteurs. Cet opéra tient en effet presque du théâtre vu qu'à la musique s'adjoint les intonations si particulièrement de la langue tchèque. C'est aussi une démonstration que l'on peut faire un bel opéra sans chercher la virtuosité vocale à tout prix. L'équilibre entre l'orchestre et les voix est parfait (alors que précédemment dans La petite renarde rusée du même Janáček, j'avais été gêné par la faiblesse relative du volume sonore des voix ; mais c'était à Bastille...). Cependant, parmi les rôles, il y en a un qui paraît très exigeant, c'est celui de Kátia. Angela Denoke y paraît épatante. (Il m'est impossible de détailler mes impressions sur les autres chanteurs ; je noterai simplement que j'ai aimé revoir un des jeunes membres de l'Atelier Lyrique, Michal Partyka, dans le rôle de Kouligine, un ami de Kudriach.)
Pour revenir à la mise en scène, tout le monde aura noté le sens pornographique du jet d'eau de la fontaine quand les couples s'échappent aux regards des spectateurs (ou non, suivant le placement pour le cas Kabanicha-Saviol). Lors du tableau de l'orage au troisième acte, les ruines dans lesquelles l'action est censée se passer sont signifiées par un comédien incarnant un fou furieux (alcoolique comme d'autres des personnages) qui casse un peu tout sur le plateau en criant des paroles incompréhensibles (couvrant largement le son du chœur qui se chante alors). Elle est aussi marquées par l'invasion de la scène par des détritus apportés par le vent.
Le plus surprenant dans cette mise en scène, c'est la façon dont les personnages se tournent vers le décor, dos au public, abandonnant Kátia qui va finir par se suicider. Cela donne l'impression très forte que c'est la société toute entière (nous, les spectateurs) qui constituons le tribunal où elle est jugée. Cela peut surprendre aussi, mais la façon dont Kátia se suicide est tout sauf spectaculaire : elle s'allonge tout simplement dans la fontaine (où se trouve déjà depuis le début un très-symbolique cygne blanc mort).
Ce n'est certainement pas le spectacle d'opéra le plus facile d'accès qui soit, mais c'est de la qualité ! La salle était particulièrement pleine et a ovationné les interprètes. (Comme lors de la générale, il y a eu un bug-flottement lors des saluts, cette fois-ci provoqué par un rideau coincé d'un côté à trois-quart de la hauteur.)
Ailleurs : David.
Angela Denoke est bouleversante de sincérité ! elle m'a beaucoup émue ! j'ai pensé également comme toi, une pièce de théâtre, avec de très belles voix !
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