« Renaud Machart et Nicolas Joel | Le Ballet royal du Danemark à Garnier »
2012-01-08 23:04+0100 (Orsay) — Culture — Musique — Opéra
Auditorium de Dijon — 2012-01-07
Irina Lungu, Violetta Valéry
Jesús León, Alfredo Germont
Dimitris Tiliakos, Giorgio Germont
Silvia De La Muela, Flora Belvoix
Anne Mason, Annina
Manuel Nuñez Camelino, Gastone, visconte de Létorières
Laurent Alvaro, Baron Douphol
Jean-Gabriel Saint-Martin, Marchese d'Orbigny
Maurizio Lo Piccolo, Dottor Grenvil
Rachid Zanouda, Servo
Yu Chen, Giuseppe, servo di Violetta
Zakaria Elbahri, Commissionario
Rainer Vilu, Domestico di Flora
Roberto Rizzi Brignoli, direction musicale
Jean-François Sivadier, mise en scène
Véronique Timsit, collaboratrice à la mise en scène
Alexandre de Dardel, scénographie
Virgine Gervaise, créatrice costumes
Philippe Berthomé, assistant lumières
Grégoire de Lafond, assistant lumières
Cécile Kretschmar, créatrice maquillage & coiffure
Salvo Sgrò, chef de chœur
Nathalie Steinberg, chef de chant
Maurizio Prosperi, pianiste accompagnateur
Patrick Dutertre, costumes
Ana Garcia, chorégraphie
Fabrice Kebour, lumières
Béatrice Arnal, créateur des surtitres
Kalmus, éditeur de la partition
Orchestre Dijon Bourgogne
Chœur de l'Opéra de Dijon
Estonian Philharmonic Chamber Choir
La Traviata, Verdi
Au début d'un concert, il suffit parfois de quelques secondes pour savoir si la soirée sera à mettre aux oubliettes (cf. la Cenerentola à Garnier). À l'inverse, une petite gamme vocalisée par le chanteur pour se chauffer la voix peut suffire à se décider qu'on va assister à un grand concert (cf. Wasifuddin Dagar). La représentation de La Traviata de ce samedi à Dijon appartient à cette deuxième catégorie. Après avoir entendu les toutes premières secondes du Prélude, je savais que ç'allait être un grand moment d'opéra pour moi. J'en avais déjà les larmes aux yeux. J'étais complètement liquéfié quand Irina Lungu (Violetta) a commencé à chanter.
Il faut dire aussi que j'étais dans de très bonnes dispositions. Je n'avais jamais eu l'occasion de voir La Traviata. Je m'étais décidé à m'abonner quand j'avais su que cet opéra était programmé. Par ailleurs, je faisais partie de la petite douzaine de spectateurs qui avaient assisté à la rencontre avec le metteur en scène Jean-François Sivadier (c'est la même production que celle du dernier festival d'Aix-en-Provence). Une rencontre ? plutôt une discussion à bâtons rompus qu'il a fallu interrompre quand les autres spectateurs ont afflué autour du bar et qu'on ne s'entendait plus. Il est dommage que la rencontre n'ait pas été annoncée plus largement... On peut penser que plus de 1% des spectateurs auraient été intéressés ! Il est par ailleurs dommage que cette rencontre fût apparemment réservée à ceux qui assistaient à cette représentation. Ah, en fait, j'ai compris : sur le site, la rencontre était annoncée pour le samedi 7 décembre...
L'auditorium a une drôle d'architecture (en forme de piano à
queue
). Il faut montrer patte blanche à l'entrée en bas d'un escalator
qui conduit à un no man's land au deuxième étage enjambant le
boulevard de Champagne avant de prendre d'autres escaliers mécaniques pour
redescendre au rez-de-chaussée... Cela me rappelle la BnF et les malls indiens.
Au bout du foyer, je m'installe donc pour la rencontre avec
Jean-François Sivadier. Sa façon de parler du théâtre et de la mise en
scène d'opéra m'a bien plu. En préambule, il avait commencé par dire
L'économie de l'opéra, c'est complètement absurde !
. Il a ensuite
expliqué qu'une grande partie de son travail était de faire que la
technique vocale soit partie intégrante du jeu d'acteur. Un violoniste
ne joue pas qu'il joue du violon.
Le point de départ de la mise en
scène est donc constitué des mouvements que doivent faire les chanteurs
pour interpréter la musique telle qu'elle a été conçue par Verdi. Il doit
aussi aller contre les clichés et idées préconçues que pourraient avoir les
chanteurs sur la façon de jouer. Il explique que l'axe de l'opéra oppose le
mot Jouir
que répète inlassablement Violetta au premier acte et
l'Amour que lui porte Alfredo. Avec cette idée en tête, pendant la
représentation, il est évident que pour Violetta, tout bascule dans la
dernière scène du premier acte : peu après qu'elle a dit gioir!...
gioir!...
, elle entend Alfredo chantant Amor, amor à palpito
depuis les coulisses.
Il explique aussi aimer diriger les chanteurs comme des danseurs et être fasciné par Pina Bausch. On peut d'ailleurs déceler une évidente référence à son univers dans sa mise en scène : à un moment, Violetta avance sans prendre garde aux chaises noires qui font obstacle devant elle et qu'un homme se précipite pour les écarter de son chemin (cf. Café Müller).
L'idée principale de la mise en scène est de concevoir que se déroule sur scène une énorme fête au début de laquelle un homme, qui pourrait être un spectateur, décide de déclarer son amour à Violetta, qui se prend à rêver que c'est vrai. Quelques chanteurs-comédiens sont déjà sur scène (à fumer) quand les spectateurs s'installent à leur place. Certains chanteurs entreront via les allées du parterre (où je suis impérialement placé ; c'est un petit plaisir bien plus abordable à Dijon qu'à l'Opéra Bastille !). Un rideau tiré d'un côté à l'autre de la scène (parfois à moitié) semble plus ou moins séparer deux univers : le réel et le rêve. Au cours de cette fête s'insère un épisode à la campagne : des panneaux descendus des cintres et représentant une végétation bucolique et un ciel transpercé de nuages viennent créer cette ambiance visuelle tout en cloisonnant l'espace scénique que l'on peut concevoir comme étant une maison de campagne divisée en plusieurs pièces.
Tous les chanteurs et choristes m'ont donné une impression de
vérité
dans leur jeu. J'ai rarement vu une telle cohésion et autant
de conviction partagée par tous sur une scène d'opéra. L'orchestre quand il
a de quoi se mettre en valeur (comme au début des premier et troisième
actes) le fait très bien. Malheureusement, le début du troisième a été
pourri par les tousseurs (dont un en particulier qui n'arrêtait pas à
quelques mètres derrière moi et qu'une de ses voisines suppliait de
sortir). L'orchestration n'est pas de Prokofiev ou de Britten, mais il y a
néanmoins de quoi prendre un certain plaisir à découvrir des détails
insoupçonnés lors de précédentes écoutes au disque (ou au DVD). Le chef
fait un remarquable usage du rubato, qui sert ici particulièrement
bien le drame. Du côté des voix, les trois rôles principaux sont
remarquablement bien interprétés. Irina Lungu (Violetta) était annoncée
souffrante, mais je n'ai rien remarqué de particulier, à part un timbre
légèrement altéré pendant les aigus du premier acte. Jesús León (Alfredo) a
été parfait. J'ai eu un tout petit peu peur lors de la première
intervention un peu criée de Dimitris Tiliakos (Germont), mais son volume
de voix s'est vite équilibré. On peut également noter un excellent Laurent
Alvaro dans le rôle de Douphol. Un seul petit maillon faible vocal est à
signaler dans le rôle d'Annina.
Standing-ovation méritée !
Waouh !
Waouh pour la conférence "un violoniste ne joue pas qu'il joue du violon". Oui, enfin, si, non. DIsons qu'ils sont trop nombreux à jouer qu'ils jouent du violon. Mias que la remarque est bonne.
Waouh pour ta Traviata qui manifestement, restera un des meilleurs souvenirs de ta saison 2012 ! (tu me forces à m'abonner à Dijon l'année prochaine, hein?)
klari> Disons qu'ils sont trop nombreux à jouer qu'ils jouent du violon.
Ooooh, je n'y avais pas pensé.
Pour l'abonnement à Dijon l'année prochaine, il faudra d'abord penser à être raisonnable avec l'abonnement Pleyel...
Merci Joël, Dijon est ma ville natale et estudiantine ; j'ai beaucoup fréquenté le vieil Opéra dans le centre ville mais je ne connais pas la nouvelle salle. Elle est loin de la gare ? Après la générale de Manon, je serais prête à aller à Dijon pour voir autre chose ! mais l'Opéra Comique me convient pour l'instant !
L'auditorium à cinq cents mètres de la place de la République (en direction du Nord-Est).
(Ah donc, s'il faut remercier Coline Serreau d'avoir fait des coupures dans Manon, c'est parce qu'on redoute ce qu'elle en aurait fait ?!)
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