« Des Berlinois à la Cité de la musique | Don Giovanni à Dijon »
2013-03-26 11:09+0100 (Orsay) — Culture — Musique
Auditorium de Dijon — 2013-03-23
Chamber Orchestra of Europe
Lorenza Borrani, direction musicale
Romain Guyot, clarinette
Concerto pour orchestre à cordes (Bernd Aloïs Zimmermann)
Concerto pour clarinette en la majeur, KV 622 (Mozart)
Suite en sol majeur pour orchestre à cordes (Schönberg)
Symphonie nº5 en si bémol majeur (Schubert)
Le Chamber Orchestra of Europe est indiscutablement un orchestre qui mérite que l'on prenne un avion ou un train pour aller l'écouter. Les musiciens doivent prendre des avions et des trains, descendre dans des hôtels, alors pourquoi pas les spectateurs ?
La première œuvre du programme présenté à l'Auditorium de Dijon entre deux représentations de Don Giovanni est de B. A. Zimmermann, un compositeur du vingtième siècle dont je n'ai jusque là entendu aucune œuvre. Je suis ému par l'atmosphère toute intériorisée créée par les deux premiers mouvements de son concerto pour orchestre à cordes dans lesquels se développe un contrepoint réparti entre les différents groupes d'instruments et les solistes. Le rythme prend nettement le dessus dans le troisième mouvement bartóko-stravinskien. C'est violent comme Le Sacre du Printemps et les magnifiques solos du premier violon Lorenza Borrani rappellent Bartók, par exemple.
Que dire du concerto pour clarinette de Mozart interprété par Romain
Guyot ? Il s'agit pour moi d'un de ces moments exceptionnels comme ceux que
j'avais décrits dans un billet intitulé Pourquoi donc
continuer à aller inlassablement assister à des spectacles ? ou Ádám Banda
à la Cité de la musique
ou pour revenir à ma première rencontre
avec le COE, leur extraordinaire Symphonie Pastorale
de Beethoven. Je n'avais pas bu la moindre goutte d'alcool avant de
venir, et pourtant l'écoute de ce concerto m'a littéralement rendu ivre de
plaisir. Dans les deux premiers mouvements, j'ai été avant tout captivé par
la clarinette de Romain Guyot et la façon dont il faisait dialoguer sa
clarinette avec elle-même en la tournant à gauche pour la voix aiguë et à
droite pour la voix grave ! Au début de l'Adagio, Romain Guyot
venait à peine de jouer le thème que mes yeux débordaient de larmes. Ne
sentant plus ma respiration, le temps me semblait comme suspendu. Dans le
troisième mouvement, j'ai davantage écouté l'orchestre qui m'a semblé
particulièrement fabuleux. Si la combinaison soliste/orchestre était
merveilleuse, il faut également souligner le qualité de l'écoute du public
et l'excellente acoustique de la salle. Le silence du public était absolu
avant et après l'Adagio ! Dans d'autres salles aux acoustiques
réputées comme la Cité de la musique, le public a beau être silencieux
avant le début d'un mouvement, j'ai toujours la sensation d'entendre un
léger bruit de fond que je trouve assez déplaisant. Dans l'auditorium de
Dijon, j'ai eu l'impression d'entendre un silence comme je n'en ai connu
que la nuit sur des collines isolées de la
Forêt-Noire. À vrai dire, même quand les spectateurs applaudissent en
cadence pour réclamer un bis, cela se sent que l'acoustique du lieu est
exceptionnelle...
Après l'entr'acte, remis de mes émotions, l'orchestre joue la Suite en sol majeur pour orchestre à cordes de Schönberg. Un des bienfaits de la programmation de cette œuvre (et du concerto de Zimmermann aussi) est de donner un avant-goût très appétissant de ce que pourra être une interprétation de La Nuit transfigurée par le Chamber Orchestra of Europe. Cette œuvre-ci est joyeusement austère. Quand elle se fait espiègle, on ne peut pas complètement oublier l'austérité (tonale cependant) de la musique, et le discours musical dont le découpage en mouvements constrastés fait retomber la tension ne me permet pas d'atteindre les mêmes niveaux d'intensité émotionnelle que La Nuit transfigurée. Une belle découverte, cependant. Et une fin délicieusement caractéristique du syndrome de l'hydravion. Eh oui, même Schönberg !
Au début de mon écoute de la Symphonie nº5 de Schubert, j'ai eu comme l'impression d'entendre une symphonie de Mozart. Je me délecte des interventions du hautboïste Kai Frömbgen et de la flûtiste Clara Andrada de la Calle qui semble prendre beaucoup de plaisir à écouter l'orchestre quand elle ne joue pas ! Si j'ai aimé le joyeux premier mouvement, les deux suivants m'ont paru plus austères, peut-être trop rigoureusement structurés à mon goût (cela manque de surprises). Cela dit, le quatrième et dernier mouvement, vu la façon vivifiante dont il a été interprété, je l'ai adoré !
Tout cela m'a furieusement donné envie d'aller à Edimbourg en août. Acheté un billet pour la Symphonie concertante de Haydn pour violon, violoncelle, hautbois et basson dirigée par Yannick Nézet-Séguin avec un beau quatuor de solistes made in COE. Je réfléchirai après...
Bonjour Joël!
Merci beaucoup pour ton excellente et admirable critique du concert du 23! Nous sommes très honorés d'avoir pu te faire passer une soirée si inoubliable et nous nous réjouissons de tout coeur de te retrouver au Festival d'Edimbourg. La DirMarComm s'excuse vivement de ne pas avoir pu partager ce concert dijonnais avec toi... elle n'arrive à Dijon que demain. Elle espère néanmoins pouvoir t'apercevoir à Edimbourg, mais avant cela, elle verra Klari en juin à Graz!
Bien à toi,
Le Cihohi
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