« Anusha Cherer au Centre Mandapa | Chennai, Jour 2/16 : K. Sadgurucharan, Mythili Prakash, Shijith Nambiar & Parvathy Menon, A Thillana Medley »
2018-12-22 22:58+0530 (சென்னை) — Culture — Musique — Danse — Danses indiennes — Culture indienne — Voyage en Inde XVIII
Je suis arrivé cet après-midi à Chennai après une relativement courte correspondance à l'aéroport de Delhi. Au guichet de l'immigration, pour la première fois en dix-huit entrées, on me demande ce que je viens faire en Inde. Vous venez pour un camp de méditation ou de yoga ? Ah non, pas vraiment, je viens pour la saison de musique et danse. Et, vous pouvez le prouver ? Euh, oui, coup de bol, j'ai un billet pour un concert le 29 décembre. Et à part ça ? Par exemple ce soir je vais voir Malavika Sarukkai. Comment vous épelez ce nom ? Comment dire, il y a pleins de spectacles tous les jours, je ne vois pas trop l'intérêt de vous donner toute la liste...
En sortant de l'aéroport à pieds, je mets un peu plus de temps que d'habitude pour trouver la station de train Tirusulam pour rejoindre rapidement le centre de Chennai d'où je prendrais un rickshaw pour rejoindre l'appartement où je vais séjourner à Alwarpet. Arrivé au carrefour de la Music Academy, le pilote de rickshaw s'apprête à tourner dans la direction opposée ! Heureusement, je pourrai faire office de copilote jusqu'à l'arrivée.
L'appartement où je suis est stratégiquement placé à proximité du Narada Gana Sabha, du Brahma Gana Sabha et de la Music Academy. À peine arrivé, je repars pour la salle de spectacle où se déroule le festival du Brahma Gana Sabha.
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Brahma Gana Sabha, Sivagami Pethachi Hall, Chennai — 2018-12-22 à 19:00
Malavika Sarukkai, danse bharatanatyam
Murali Parthasarathy, chant
Nellai Balaji, mridangam
Malavika Sarukkai est certainement une des danseuses de bharatanatyam les plus connues. Je ne l'avais jusqu'à maintenant jamais vue en spectacle. Elle a assurément une présence scénique impressionnante. L'art de l'expression (Abhinaya) n'est pas vraiment son point fort. D'un point de vue strictement narratif ou descriptif, ce qu'elle fait est impressionnant (mais un peu exagéré), mais en termes émotionnels, je reste vraiment sur ma faim. Son point fort est son assez extraordinaire travail sur le rythme (pour lequel elle a été aidée par le percussionniste MS Sukhi dans sa pièce principale). Ses frappes sont extrêmement vigoureuses, et on entend ainsi assez bien le jeu rythmique auquel elle se livre. Ces pas sont insérés en permanence dans son Abhinaya, dans des proportions qui malheureusement détournent l'attention vers le rythme au dépens du sens.
Après le mantra Om Namah Shiva
et une composition en Khanda
Chapu (à moins que ce ne soit Khanda-nadai Adi Tala) commençant par
Prabhu...
qui évoquait les divers attributs de Shiva (le
croissant de Lune, la Ganga, les cheveux défaits, le cercle de feu, son
épouse, le lingam, etc.), elle a interprété une pièce principalement
rythmique faisant se succéder jatis et swarams. À la fin de chaque
séquence, un Arudi est exécuté qui marque le cinquième temps,
puis, ô surprise, marque aussi le septième temps après des frappes
virtuoses, et deuxième surprise, marque aussi parfois le premier temps
du cycle suivant.
La pièce principale aborde le thème de Mahishasuramardini, à savoir du
triomphe de la Déesse contre le démon Mahisha. Le texte est extrait du
Devi-mahatmya (qui fait partie du Markandeya-Purana), des
extraits que j'ai eu l'occasion de lire il y a quelques mois lorsque j'ai
réalisé la notation Benesh d'une chorégraphie de Sucheta Chapekar qui
aborde aussi ce thème (de façon beaucoup plus brève). La pièce repose sur
le contraste entre d'une part la brutalité de ce démon et la fureur de la
Déesse combattante et d'autre part la beauté et la délicatesse de la Déesse
dans ses formes plus apaisées. Le corps de lotus de la Déesse, ses beaux
seins d'une part, et d'autre part elle porte aussi le trident, chevauche le
tigre. La représentation de la fureur n'est pas très subtile. Ainsi, par
exemple, la danseuse a traversé la scène de l'arrière vers l'avant en mode
Déesse chevauchant un tigre qui sautait en mode sauterelle (on est ni dans
la stylisation d'une intention ni dans l'imitation naturaliste du tigre ;
je ne sais pas très bien où on est...). La Déesse ne sait pas très bien
dans quelle main tenir son arc. Parmi les métamorphoses du démon Mahisha,
la chorégraphie représente sa transformation en éléphant. Certes il s'agit
d'un éléphant surexcité, mais la vitesse des mouvements de la danseuse ne
permet pas de croire qu'il s'agit véritablement d'un éléphant. La pièce se
conclut par une longue prière adressée à la Déesse. Il y a un gros travail
rythmique dans cette pièce et une volonté d'impressionner (qui a
manifestement fonctionné sur le public), mais alors que ma vénérable
voisine me confiait This was something!
, je ne pouvais que répondre
It's special...
.
La danseuse interprète ensuite le classique Krishna Ni Begane. Le très jeune Krishna suscite l'émerveillement de sa mère adoptive Yashoda. Les mouvements expressifs de la danseuse sont très convainquants. C'est du travail bien fait, mais je ne suis nullement ému par l'essentiel de la pièce, qui est bien sûr agrémenté de très nombreuses frappes de pieds, surtout quand Yashoda admire les grelots de Krishna. Le plus beau moment a été à la fin quand, en ouvrant la bouche, Krishna révèle à sa mère qu'il est Vishnu et qu'il ne fait qu'Un avec tout l'Univers.
Suit l'Ashtapadi “ललितलवङ्ग” dans lequel l'interprète représente le printemps de nombreuses manières, en agrémentant la description d'un formidable jeu rythmique, mais on passe pour ainsi dire presque complètement à côté des sentiments que ce printemps suscite chez les bouvières. Les sentiments humains ne seront présents que lors de la sortie de scène de la danseuse qui alterne alors entre une femme amoureuse et un homme qui la suit.
J'aurais eu une opinion extrêmement mitigée de ce récital s'il n'y avait pas eu le Thillana de Lalgudi Jayaraman (Raga Mohanakalyani/Adi Tala). Ce fut véritablement une merveille. Cette composition rythmique, que j'ai eu l'occasion d'entendre à Paris il y a quelques semaines de cela, présente une particularité rythmique intéressante : les phrases musicales ne commencent pas sur le premier temps, ce qui n'est en soi pas rare, mais elles commencent une moitié de temps avant le premier temps. Les phrases chorégraphiques doivent alors en principe aussi commencer avant le premier temps et se finir juste avant le même endroit, ce qui procure une sensation assez unique quand la danse est interprétée de façon très musicale quand l'a fait Malavika Sarukkai.
Le récital s'est conclu avec Vande Mataram et une ultime violente frappe de pieds sur le dernier temps de la composition.
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