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2012-10-28 00:35+0200 (Orsay) — Culture — Musique — Danse — Culture indienne — Planning
Mon mois de novembre 2011 avait été très chargé en spectacles (23). Du fait de l'ajout tardif de quelques récitals de danse indienne, mon programme pour novembre 2012 sera aussi chargé, mais dans de moindres proportions :
mauvais Schu-.
troisième violon solode l'Orchestre de l'Opéra).
Roulement de timbales!
Quelques autres plannings : Carnets sur sol, Klari, Hugo.
2012-10-23 00:36+0200 (Orsay) — Culture — Musique
Salle Pleyel — 2012-10-20
Solistes des Berliner Philharmoniker
Ludwig Quandt, violoncelle
Sunwook Kim, piano
Sonate pour violoncelle et piano nº2 en fa majeur, op. 99 (Brahms)
Guy Braunstein, violon
Olaf Maninger, violoncelle
Sunwook Kim, piano
Trio pour piano et cordes nº1 en si majeur , op. 8 (Brahms)
Guy Braunstein, violon
Christoph Streuli, violon
Julia Deyneka, alto
Ulrich Knoerzer, alto
Olaf Maninger, violoncelle
Ludwig Quandt, violoncelle
Sextuor à cordes nº1 en si bémol majeur, op. 18 (Brahms)
La Salle Pleyel n'est vraiment pas faite pour la musique de chambre. À la rigueur, on pourrait l'utiliser pour ça, mais il ne faudrait alors ouvrir à la réservation que les trois premiers rangs du parterre (au centre de préférence) et quelques autres places bien choisies. J'ai comme l'impression que mon écoute de la première moitié du concert de samedi a été faussée par le fait que j'étais au premier balcon, comme je l'avais déjà été lors de la venue de Berlinois avec Yuja Wang pour un programme Mozart/Schubert en mars 2011. Le son peine à atteidre mes oreilles qui sont de surcroît à proximité du TIC-TAC de la montre de ma voisine. Je suis toutefois assez esbaudi par la performance du violoncelliste Ludwig Quandt dans la sonate pour violoncelle et piano nº2, et de Guy Braunstein dans le trio pour piano et cordes nº1, une œuvre qui me divertit plus qu'elle ne m'émeut.
Et puis, à la faveur d'un replacement à l'entr'acte, un prodige se produit pendant le sextuor, absolument insoutenablement orgiaquement phénoménalement fabeltastich !
Existe-t-il une notion de pizz. Brahms
? Ceux de
l'altiste Julia Deyneka (Berlinoise, mais pas du Philharmoniker,
puisqu'elle est Solo-Bratschistin de la Staatskapelle
Berlin), ses pizz., donc, ont été la goutte d'eau qui ont fait
déborder le vase de mes larmes.
⁂
Salle Pleyel — 2012-10-21
Solistes des Berliner Philharmoniker
Guy Braunstein, violon
Ohad Ben-Ari, piano
Sonate pour violon et piano nº1 en sol majeur, op. 78 (Brahms)
Guy Braunstein, violon
Stefan Dohr, cor
Ohad Ben-Ari, piano
Trio pour violon, cor et piano en mi bémol majeur, op. 40 (Brahms)
Guy Braunstein, violon
Julia Deyneka, alto
Ludwig Quandt, violoncelle
Ohad Ben-Ari, piano
Quatuor pour piano et cordes nº1 en sol mineur, op. 25 (Brahms)
Le lendemain, le concert attirant moins les foules, replacement forcé de l'arrière-scène au parterre, pas en première catégorie comme les ouvreuses me le proposaient, mais en deuxième catégorie, sauf erreur de ma part en BB 114 (le numéro d'une merveilleuse musique de Bartók, pour cordes, percussions et célesta). De là, aucun reniflouï du violoniste Guy Braunstein ne m'échappe, mais même malade, toussotant, ce violoniste est extraordinaire.
La veille, pendant le sextuor, je me délectais du prodige, en toute
naïveté. Par quel miracle permanent les mélodies les plus simples ou même
des notes uniques pouvaient paraître d'une extrême profondeur ? Si des
concerts peuvent véritablement faire prendre conscience de ce que cela
signifie interpréter de la musique
, ces deux concerts en font
assurément partie ! Quelle claque ! Qu'il s'agisse du violoncelliste Ludwig
Quandt la veille ou des autres, et en particulier Guy Braunstein dans la
sonate pour violon et piano nº1, il est évident que chaque mouvement
correspond à une intention plus qu'à un hasard. Même quand l'archet
rebondit sur les cordes, même quand les deux cordes aiguës se prennent de
violents Schlourch, même quand Guy Braunstein cache bizarrement son visage
derrière son coude droit pour attaquer les cordes graves, même quand on
entend un petit sifflement quand la main change de position sur les
cordes.
Guy Braunstein peut être apprécié dans cette courte vidéo dans laquelle on aperçoit aussi, furtivement, un des autres héros de ce concert : le corniste Stefan Dohr (en fait, non, ce n'est pas lui, comme l'a remarqué Klari, cf. commentaires). (Je crois que je vais payer 9.90€ pour écouter le concerto en entier sur le Digital Concert Hall.) J'ai vécu ce trio pour violon, cor et piano comme un dialogue entre le violon et le piano s'insérant dans une atmosphère irréelle créée par le corniste, qui m'a donc touché, mais d'une façon sans doute plus inconsciente, moins directe que ses deux co-interprètes. Que ce pianiste était magnifique aussi...
Le concert se conclut par le quatuor pour piano et cordes nº1, que j'arrive à apprécier malgré un replacement subi vers une place plus excentrée qui m'empêche de voir la superbe robe verte de l'altiste. J'ai tout particulièrement aimé les deux derniers mouvements !
D'ici à la fin de l'année, il reste encore six concerts dans cette série Brahms...
Promis, je ne dirai plus jamais de mal de Brahms. Peut-être ferai-je même pénitence en allant écouter religieusement un Requiem allemand.
2012-10-20 15:15+0200 (Orsay) — Culture — Musique — Danse — Danses indiennes — Culture indienne
Auditorium du Musée Guimet — 2012-10-19
Arushi Mudgal, danse odissi
Sawani Mudgal, chant et nattuvangam
Srinivas Satapati, flûte
Pradipta Kumar Moharana, mardal
Isabelle Anna, voix off
Mangalacharan (chorégraphie de Kelucharan Mohapatra)
Ahlad (chorégraphie d'Arushi Mudgal)
Ashtapati (chorégraphie de Kelucharan Mohapatra)
Shivam Tandaram Stotram (chorégraphie de Kelucharan Mohapatra)
Vasant (chorégraphie de Madhavi Mudgal)
Oriya Champu (chorégraphie de Kelucharan Mohapatra)
Bhairavi Pallavi
J'avais semble-t-il déjà eu l'occasion de voir de la danse odissi avant ce récital d'Arushi Mudgal au Musée Guimet. En 2008, Arushi Mudgal et sa tante-guru Madhavi Mudgal avaient dansé au cours d'un concert de Madhup Mudgal (le père d'Arushi) aux Abbesses. Si je me souviens très bien du chant khyal de Madhup (j'avais même acheté un CD), sans mes archives j'aurais complètement oublié que deux danseuses odissi l'accompagnaient.
Odissi
est le nom d'un style de danse et de musique originaire de
l'état d'Odisha (anciennement appelé Orissa). En dehors du spectacle de la
famille Mudgal sus-mentionné, la première fois que j'en ai entendu parler
devait être lors de ma visite du Temple du Soleil à
Konarak en août 2008. À proximité de l'entrée du temple (dont une bonne
partie s'est écroulée et dont l'intérieur a été comblé pour éviter de
nouveaux dégâts), on peut voir un pavillon de danse, ou plutôt ce qu'il en
reste :
Lors de ma visite, j'avais trouvé curieux que la fonction de ce bâtiment
soit la danse vu qu'il n'y a aucun espace dégagé à l'intérieur. En
revanche, tout autour, les sculptures représentent des danseuses adoptant
des positions très variées, accompagnées de percussionnistes utilisant un
instrument proche du pakhawaj (c'est le terme employé par Isabelle Anna,
voix off du récital d'Arushi Mudgal, tandis que dans sa présentation, le
responsable de la programmation Hubert Laot a utilisé le mot
mardal
).
L'accompagnement musical m'a paru d'une très grande qualité. Le début d'un certain nombre des pièces ressemblait à un Alap. La chanteuse Sawani Mudgal et le flûtiste Srinivas Satapati se passent le relais. La fluidité de leurs majestueux glissandi descendant souvent assez bas dans le grave me fait penser aux musiques du Nord de l'Inde. Quand la danseuse sera entrée en scène après l'apparition du rythme imposé par le percussionniste et la chanteuse (qui joue aussi des cymbales), la musique et la danse pourront alterner des moments expressifs ou narratifs et des passages plus rythmiques, ce qui me rappelle la structure musicale des pièces de bharatanatyam. Les gestes et postures de la danse odissi empruntant aux mêmes sources que le bharatanatyam, je n'ai au début du récital pas l'impression d'observer une danse qui lui soit fondamentalement différente.
La première pièce s'appelle Mangalacharan et est une offrande de fleurs ainsi qu'une invocation de Ganesha, reconnaissable à sa trompe. La deuxième Ahlad (?) chorégraphiée par la danseuse elle-même sur une musique de son père, est très virtuose ! En quelques minutes, la danseuse exécute une sorte de catalogue d'attitudes pour des héroïnes. Le tempo de la musique et les mouvements de la danseuse varient entre deux extrêmes, du très lent au très rapide. Pendant une phase de cette pièce, utilisant les syllabes prévues à cet effet, la chanteuse dicte des rythmes au percussionniste qui les reproduit immédiatement pour accompagner la danseuse dont les mouvements épousent ces rythmes.
Les pièces qui suivront seront plus narratives. Dans Ashtapati (inspiré par le Gita-Govinda de Jayadeva, poète sanskrit originaire d'Odisha), la danseuse évoque Radha qui a attendu Krishna toute la nuit. La chorégraphie évoque les paroles violentes qu'elle lui lance quand il arrive enfin.
La pièce du récital que j'ai préférée a été Shivam Tandaram Stotram. Elle évoque Shiva, au chignon tressé d'où s'écoule Ganga, au regard foudroyant, celui qui joue du tambour Damaru, celui qui porte férocement son trident, etc. Pendant ces développements extrêmements vifs, tout le corps de la danseuse est en mouvement, produisant des combinaisons que je n'avais jamais vues, comme lorsqu'elle fera des tours entiers sur elle-même en sautillant sur un pied tout en maintenant le reste du corps dans une position évoquant Shiva. Tout ceci contribue à une atmosphère tout à fait fantastique. Et puis, soudainement, la chorégraphie n'évoquera plus Shiva mais son épouse Parvati. La danse se fera alors beaucoup plus douce, évoquant par exemple le lotus. Avant la fin de la pièce, Shiva fera un retour fracassant. (Sur la chaîne YouTube d'Arushi Mudgal, on peut la voir danser des extraits d'Ardhanarishwar, une superbe chorégraphie évoquant cette forme androgyne mi-Shiva mi-Parvati. Se métamorphosant sans cesse, la danseuse oscille entre son côté droit (Shiva) et gauche (Parvati).)
La pièce suivante Vasant évoque le printemps sur des extraits du Ṛtusaṃhāra du poète sanskrit Kalidasa, un thème que ce poète évoque aussi dans le Kumarasambhava au moment de la rencontre de Shiva et Parvati, au printemps, quand l'archer Kama décoche ses flèches sur toutes les créatures pour animer leur passion amoureuse. Dans le Kumarasambhavan, Kama-Cupidon se fait réduire en cendres par le troisième œil de Shiva, furieux d'avoir vu son ascèse perturbée. Dans cette chorégraphie, Kama peut décocher ses flèches librement. La musique composée par Madhup Mudgal est magnifique. La flûte peut imiter le son les abeilles butinant les fleurs, tandis que les mains de la danseuse évoquent le vol des oiseaux. Les animaux ne sont bien sûr pas les seuls êtres animés de sentiments amoureux. Le personnage féminin incarné par la danseuse l'est également, et manifestement à la fin de la pièce, la chaleur est insoutenable.
L'avant-dernière pièce du programme s'appelle Oriya Champu. Sans l'introduction de la pièce par la voix off, je pense que je n'aurais strictement rien compris à la narration. La confidente de Radha se moque d'elle. Radha ne mériterait pas Krishna, celui qui a dompté le serpent Kaliya tandis que que Radha a peur des serpents. Krishna fait quelques apparitions en flûtiste.
S'il n'y avait pas eu un bis très virtuose, le récital se serait terminé sur Bhairavi Pallavi, une pièce en hommage à Durga. La forme n'est pas sans me rappeler les Tillana qui concluent les récitals de bharatanatyam. Le rythme y a une grande importance. La danseuse frappe sans ménagement ses pieds contre le sol pour faire tinter ses grelots de cheville. On retrouve également des épisodes de dictées rythmiques entre la chanteuse, le percussionniste et la danseuse. La fin de la pièce est d'une extrême beauté : après avoir exploré toute une palette d'expressions, de mouvements, de vitesses, la danse se termine dans un apaisement absolu, la danseuse prenant une pose de méditation tandis que la chanteuse Sawani Mudgal prononce la syllabe Om.
La seule chose qui m'ait retenu d'adhérer totalement à ce récital est le manque de narration, un des aspects de la danse que je privilégie. Je pourrais sans doute apprécier davantage les parties narratives ou évocatrices de ce type de pièces si je savais un peu mieux reconnaître les différentes postures, mais dans ce récital, les pièces ont dû faire chacune en moyenne un peu plus de dix minutes, ce qui est un peu court pour présenter un développement narratif élaboré.
Ceci étant dit, j'ai rarement eu l'impression de voir une danseuse solo se défoncer autant pendant toute la durée d'un récital, sans pour autant faiblir aucunement dans le bis exécuté à une allure folle. Si les mouvements les plus rapides étaient plus rapides que ceux que j'ai pu voir dans des récitals de bharatanatyam, les mouvements les plus lents étaient aussi plus lents, et au-delà du plaisir immédiat à voir une danseuse virevolter à toute allure, ma plus grande source d'émerveillement est venue au cours de ce récital de cette grâce en suspension.
Ailleurs : les photographies de Tempus fugit, Danse et... danses.
2012-10-14 11:20+0200 (Orsay) — Culture — Musique — Opéra
Salle Pleyel — 2012-10-11
Philippe Aïche, violon solo
Orchestre de Paris
Christoph von Dohnányi, direction
Symphonie nº4 Italienne
(Mendelssohn)
Matthias Goerne, baryton
Elena Zhidkova, mezzo-soprano
András Bálint, récitant
A kékszakállú herceg vára (Bartók)
J'entendais pour la première fois cette symphonie nº4 de Mendelssohn. Dès les premières secondes, il paraît très naturel que celle-ci soit appelée Italienne. J'ai en effet souvent comme l'impression d'être en train d'écouter un opéra italien sans paroles. Le plaisir est pour moi d'autant plus grand qu'au milieu du premier mouvement, il me semble entendre comme une fugue. Dans le suivant, les notes détachées des violoncelles contribuent à me faire m'imaginer dans le deuxième acte de La Flûte enchantée quand deux hommes en armure soumettent Tamino et Pamina aux épreuves du feu et de l'eau (Der, welcher wandert diese Straße voll Beschwerden). Dans le dernier mouvement, les deux musiciens que je voyais le mieux, les altistes David Gaillard et Nicolas Carles, avaient l'air heureux de jouer à fond, tout comme Bernard Cazauran, le contrebassiste dont j'apercevais parfois la tête. Pour la plupart des camarades vus à l'entr'acte, ce n'était pas l'Italienne du siècle ; pour ma part, j'assume parfaitement avoir aimé cette première partie du concert, tout comme j'avais aimé ma première Écossaise avec le Cleveland Orchestra, pourtant bien moins belle que celle du même Orchestre de Paris dirigé alors par Juraj Valčuha que j'entendis quelques mois plus tard.
C'est évidemment plus pour la deuxième partie du concert que la première que je m'étais déplacé. L'émerveillement de Klari à propos d'Elena Zhidkova dans Alexandre Nevski m'avait convaincu d'acheter exceptionnellement une place de première catégorie pour ce concert. Au centre du troisième rang du parterre, je voyais on ne peut mieux les deux solistes de l'opéra en un acte de Bartók A kékszakállú herceg vára (Le Château de Barbe-Bleue). Et puis, d'une telle place, on peut même entendre parfois Matthias Goerne couvrir l'orchestre ! J'en avais déjà fait l'expérience, à la faveur d'un replacement sauvage, lors d'un concert de Lieder orchestrés.
Si mes toutes premières expériences avec Bartók furent assez déplaisantes, depuis le concert de mars dernier du Budapest Festival Orchestra, je vais de merveilles en merveilles : chansons paysannes hongroises pour orchestre, le concerto pour piano nº2, la musique pour cordes, percussion et célesta, Le Prince de bois, le concerto pour orchestre, le quatuor à cordes nº4 et plus récemment le concerto pour violon nº1.
L'opéra de Bartók ne fait pas exception. C'est un délice ! Après une introduction du récitant (András Bálint), Judit (Elena Zhidkova) entre au Château de Kékszakállú (Barbe-Bleue), son époux interprété par Matthias Goerne. Elle se plaint de l'obscurité qui règne au château et en y voyant sept portes fermées, elle demande à Barbe-Bleue de les ouvrir. La lumière pourra peut-être entrer par ces portes ? Quand elle les ouvre, le premier regard que porte Judith sur ce qui lui était caché est souvent très positif. Et puis, elle se rend compte que tout est souillé par le sang, qu'il s'agisse de la chambre de torture, de la salle d'arme, du trésor, du jardin ou du royaume. La musique incarne magnifiquement les sentiments de Judit dans cette métamorphose des images qui s'offrent ainsi à son regard. Par exemple, quel émerveillement ce fut pour mes oreilles d'entendre la montagne d'or ! (Plus émouvant encore que le dévoilement de l'or dans Das Rheingold de Wagner.) Et puis, des dissonances se font entendre, évidemment anxiogènes pour le personnage de Judit, mais tout autant délectables pour l'auditeur ! J'ai beaucoup aimé aussi l'évocation du lac de larmes à l'ouverture de la sixième porte par un glissando de harpes qui est répété au cours de la scène.
Je n'ai pas été déçu par Elena Zhidkova ! Bien qu'il s'agissait d'une
version de concert, son visage n'a cessé d'exprimer les sentiments de son
personnage. Que d'émotions suscitées par sa voix quand elle demande à
Barbe-Bleue d'ouvrir les portes en levant son poing ! N'étant pas
magyarophone, j'ai trouvé plutôt gracieuse son intonation qui me faisait
penser au russe et j'ai même réussi à comprendre un mot dans son hongrois :
Köszönöm !
. Cela me donnerait presque envie d'aller l'écouter dans
le rôle de Vénus à Düsseldorf.
En comparaison, le personnage résigné interprété par Matthias Goerne
paraissait forcément plus bourru. Pourtant, il aura un peu tout essayé pour
dissuader Judit d'ouvrir les sept portes. À sa belle voix est souvent
associé un superbe cor anglais.
Pendant le concert, il m'était difficile de détacher mon regard des chanteurs. La direction du chef allemand d'origine hongroise Christoph von Dohnányi restera un mystère complet pour moi, puisque mon placement ne me donnait à voir que son dos, mais quelques signes indiquaient que le courant devait bien passer avec les musiciens, comme les sourires que lui rendait le premier violon Philippe Aïche après ses solos. J'étais également très bien placé pour voir le premier rang des violoncellistes. Ceux qui travaillent aux Invalides pourront prochainement écouter celui d'entre eux qui, totalement investi dans l'interprétation d'une très longue note, essayait de fermer les yeux tout en les maintenant ouverts afin de regarder le chef.
Ailleurs : Zvezdo, Palpatine, Grignotages, Bruno Serrou, Bladsurb.
2012-10-08 13:04+0200 (Orsay) — Culture — Musique
Salle Pleyel — 2012-10-06
London Symphony Orchestra
Roman Simovic, premier violon
Valery Gergiev, direction
Janine Jansen, violon
Symphonie nº1, Szymanowski
Concerto pour violon et orchestre nº1, Szymanowski
Andante cantabile de la Sonate pour deux violons, Prokofiev
Symphonie nº1, Brahms
Salle Pleyel — 2012-10-07
London Symphony Orchestra
Roman Simovic, premier violon
Valery Gergiev, direction
Ouverture tragique, Brahms
Symphonie nº2, Szymanowski
Symphonie nº2, Brahms
Ma principale raison pour aller à ces concerts du LSO était Szymanowski, un compositeur que j'avais découvert à l'occasion de deux concerts de ce même orchestre sous la direction de Peter Eötvös en mai dernier. J'avais alors tout particulièrement aimé le premier concerto pour violon de Szymanowski, somptueusement orchestré, et moins la prestation de Christian Tetzlaff. Cette fois-ci, la soliste est Janine Jansen, une violoniste que je n'avais pas encore eu l'occasion de voir en concert. Cela a été pour moi un très grand plaisir de la voir interpréter ce concerto. Elle joue sans doute avec autant sinon plus de vibrato que Christian Tetzlaff, mais cela m'a paru moins artificiel. Et quels beaux aigus ! Quelle ardeur dans ses mouvements d'archet ! (Il faudrait lui demander si elle en a déjà cassé...)
(Il est dommage que la conférence musicologique ayant précédé le concert
ait été beaucoup plus biographique que musicale. Il suffit d'être un
auditeur intuitif
un minimum averti pour remarquer que le
compositeur était influencé par Stravinski et Debussy, comme je l'écrivais
d'ailleurs dans mon billet de mai. Bref, j'aurais aimé
que cela aille un peu plus loin.)
En bis, elle a aussi interprété un mouvement de sonate pour deux violons avec le premier violon de l'orchestre, Roman Simovic, lequel a par ailleurs été formidable dans ses nombreux passages solistes dans les deux premières symphonies de Szymanowski.
Concernant ces deux symphonies de Szymanowski, s'agissant des œuvres, j'ai eu une nette préférence pour la deuxième. La première m'a semblée vraiment trop straussienne, même si elle a comporté quelques fort beaux moments, comme lorsque l'orchestre paraissait comme en suspension dans une atmosphère qui devait beaucoup aux cuivres (quel tromboniste !). La deuxième symphonie m'a plu. J'ai apprécié les très variées variations du deuxième mouvement. Ce qui m'a le plus convaincu, à vrai dire, c'est l'aspect mélodique de cette symphonie, et plus encore le fait qu'il n'y en ait pas une mais plusieurs simultanément. Cela se sent déjà dans le premier mouvement. Ainsi, en théorie, je dois adorer cette œuvre, dont la fin du deuxième mouvement comporte une fugue... En pratique, j'ai détesté la façon dont la fugue a été jouée. Vigoroso pas du tout transparenza, ça ne ressemblait plus franchement à une fugue.
Restent les Brahms. Pendant les deux ou trois premiers mouvements de la Symphonie nº1, je me demandais vraiment ce que je faisais dans cette salle de concert. J'avais le sentiment d'entendre une juxtaposition d'effets, de textures faisant appel à différents groupes d'instruments, sans aucune de continuité, sans aucune mélodie. J'en venais à me demander si j'avais passé ces dernières années de concertivore dans une sorte d'illusion : et si la musique symphonique avait toujours été comme ça ? quelle éclatante preuve de mauvais goût de ma part cela eût été ! Non, il faudrait que je m'écoute une petite symphonie de Haydn pour me remettre les idées au clair. L'entrée du majestueux thème du finale de la symphonie a chassé ces réflexions de mon esprit et m'a fait reprendre un peu confiance. Malgré de curieux ralentissements, mon impression à la fin de la symphonie est qu'ils avaient la patate. Globalement, j'avais cependant pris beaucoup plus de plaisir en écoutant le Colonne jouer cette symphonie.
J'ai nettement préféré la Symphonie nº2 jouée le dimanche. Cela m'a semblé beaucoup plus clair, plus mélodique. J'apprécie les sonorités créées par certaines associations de timbres d'instruments différents. Le mouvement que j'ai préféré a été le troisième, grâce au hautbois (et aux autres vents), les deux premiers mouvements n'ayant pas complètement réussi à me maintenir tout à fait éveillé (sans parler de l'Ouverture tragique jouée au début du concert, très oubliable...). Comme à la fin de la première symphonie, un regain de vivacité dans le dernier mouvement a permis de terminer le programme sur une bonne impression. Il me faudra sans doute quelques autres interprétations de cette symphonie pour en trouver une qui me satisfasse complètement (j'en suis pourtant déjà à ma troisième tentative après le ratage de Georges Prêtre et une interprétation beaucoup plus satisfaisante par l'Orchestre de Paris).
Ailleurs : Carnets sur sol.
2012-10-02 23:43+0200 (Orsay) — Culture — Musique
Auditorium de Dijon — 2012-09-30
Leonidas Kavakos, direction musicale et violon
Chamber Orchestra of Europe
Concerto pour violon nº4, KV 218 (Mozart)
Symphonie nº1 en ré majeur op. 25 dite Classique (Prokofiev)
Symphonie nº9 La Grande (Schubert)
L'Opéra de Dijon a un certain talent pour programmer des concerts pour orchestres de chambre fichtrements bien fichus. L'année dernière, j'avais ainsi pu écouter le Britten Sinfonia dirigé par le compositeur-pianiste-chef Thomas Adès. Le public était alors très clairsemé. Pour le concert du COE de ce dimanche après-midi, si l'auditorium n'est pas plein, le public est significativement plus nombreux. On peut toutefois regretter que les spectateurs ne soient pas en moyenne un peu plus jeunes. Mais que font les jeunes dijonnais ? ils ne sont pas au courant pour l'abonnement jeune pour 5 spectacles à 5€ la place ?! Les membres franciliens de la Cihohi Appreciation Society, eux, ont évidemment fait le déplacement ! Il était impensable de rater le premier concert du COE dirigé par le violoniste Leonidas Kavakos.
Le programme commence par le concerto pour violon nº4 de Mozart. Avant qu'ils entrent en scène, on peut entendre les musiciens s'échauffer. Dans ce mille-feuilles sonore venu des coulisses surnagent quelques aigus peut-être kavakossiens. Ainsi, dès les premières secondes du concert, il est évident que je retrouve bien l'orchestre que je n'ai plus entendu depuis plus de six mois. Le soliste Leonidas Kavakos est face à moi à une poignée de mètres de distance. Ce n'est que la deuxième fois que je l'entends en concert, la première fois étant dans le concerto de Tchaikovsky dont j'avais oublié qu'il était associé ce soir-là à la Symphonie de Rott ! Lui aussi arrive à me faire aimer Mozart... J'aime sa façon de jouer certaines phrases dans les nuances les plus douces. Le public paraît alors comme hypnotisé, le souffle coupé, le son se faisant entendre sans qu'aucune toux ne vienne interférer.
Je ne connais Prokofiev que depuis récemment. Entendu la Sonate pour violoncelle et piano en 2003 dans un concert amateur, et puis plus rien jusqu'en 2010 (un Pierre et le Loup) ; ce n'est qu'en 2011, il y a moins d'un an et demi, que j'ai découvert la musique du ballet Roméo et Juliette. D'autres ballets ont suivi (Cendrillon et plus récemment Le fils prodigue). C'est donc tout naturellement à des impressions de ballets que me renvoie la musique de Prokofiev. Je m'étais déjà fait cette réflexion à propos du concerto pour piano nº2, mais il semblerait que Prokofiev écrit pour le ballet comme il écrit pour l'orchestre, à moins que ce ne soit le contraire. Dans le premier mouvement de la Symphonie classique, on peut à plusieurs reprises voir les premiers violons passer leur archet d'une corde à une autre avec une raideur toute mécanique qui ne pouvait que me rappeler la poupée aux yeux d'émail du ballet Coppélia ! Les premiers violons étant à gauche et les seconds, évidemment, à droite, l'excellente acoustique de la salle et mon placement central me permettent d'apprécier le côté stéréophonique de cette œuvre, tandis que d'autres sonorités venant des vents situés à l'arrière se font tout aussi bien entendre. Non seulement j'ai l'impression d'arriver à bien distinguer les différents groupes d'instruments entre eux, mais à l'intérieur des premiers violons, j'ai parfois l'impression de distinguer l'instrument du premier violon, Lorenza Borrani, dont émane une énergie hors normes ! alors même que tous les autres musiciens, absolument tous, ne font pas non plus semblant d'être à fond. Dans les notes les plus violentes du Finale (Molto vivace), c'est très impressionnant.
Après l'entr'acte vient le moment que je redoute : la Symphonie “La Grande” de Schubert. En effet, même avec le Budapest Festival Orchestra, je m'étais passablement ennuyé du fait des nombreuses reprises. Lorenza Borrani a attaché ses cheveux. À ce stade, j'ignore qu'il s'agit peut-être d'une mesure préventive en vue du déchaînement de l'orchestre qui interviendra dans les deux derniers mouvements. En attendant, les instruments à vents sont à l'honneur dans le deuxième mouvement au thème tout mignon. Le hautboïste Kai Frömbgen et le clarinettiste solo Romain Guyot se mettent particulièrement en valeur. Dans les deux derniers mouvements, l'orchestre réalise quelques crescendos tout Cihohiësques. Le chef Leonidas Kavakos dirige en utilisant tout son corps. Je crois deviner qu'il indique le rythme aux premiers violons en faisant des Pom-pom-pom silencieux avec sa bouche. Tantôt il fléchit les genoux, tantôt il grimpe sur la pointe de ses pieds. Parfois, il recule et s'appuie sur la barre de protection de son estrade et dirige d'une seule main avant de remettre les gaz. À la fin, je ne comprends plus comment j'ai pu m'ennuyer lors d'écoutes antérieures de cette œuvre.
Comme la fois précédente, à l'écoute du quatrième mouvement, j'ai été intrigué par la ressemblance entre un effet abondamment utilisé dans ce mouvement et un effet tout semblable qui apparaît quelques mesures après le début de la Polonaise d'Eugène Onéguine de Tchaikovsky. C'est essentiellement rythmique, mais comme il s'agit en plus des mêmes instruments, il m'était impossible de ne pas penser que j'avais déjà entendu cela quelque part. On pourra comparer les deux sur les partitions et sur Youtube en suivant les liens ci-dessous :
2012-10-01 22:42+0200 (Orsay) — Culture — Musique — Danse — Cinéma — Culture indienne — Planning
À la demande de Carnets sur sol, je sacrifie au rituel du planning de spectacles, comme chez Bladsurb et Klari.
Pour prendre un peu d'avance sur le mois de novembre, je revends un billet pour un concert auquel je ne pourrai pas aller : le Chamber Orchestra of Europe dirigé par Yannick Nézet-Séguin avec Renaud Capuçon en soliste le 3 novembre à la Cité de la Musique. Au tarif plein, le billet serait à 41€, je l'ai eu à 28.70€ en abonnement et je le revends à 20€.
PS: Hugo vient aussi de publier son planning !
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Date de génération : 2023-07-27 14:18+0530 ― Mentions légales.