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2010-10-11 00:36+0200 (Orsay) — Culture — Musique — Danse — Culture indienne
Salle Pleyel — 2010-10-10
Ballet royal du Cambodge
Son Altesse Royale la Princesse Norodom Buppha Devi, chorégraphie
La Légende de l'Apsara Méra
C'est un fort beau spectacle que celui donné ces jours-ci en France par le Ballet royal du Cambodge, et ce dimanche Salle Pleyel, il y avait même deux représentations ; je suis allé à celle du soir. Dans le RER A, je devinais déjà que certains visages descendraient l'avenue Hoche jusqu'à la Salle Pleyel pour assister au même spectacle que moi.
De grands rideaux noirs tendus sur la scène cachent la fonction habituelle de cette salle. Une petite estrade est placée au fond de la scène, au centre. Des musiciens s'installent sur les côtés. Sur la droite, une sorte de hautbois et des xylophones. À gauche, quatre chanteurs. Une des deux chanteuses joue aussi des cymbales et un percussionniste utilise des tambours de taille respectable.
Les musiciens à peine installés, la musique commence. La présence de
cymbales n'est pas sans rappeler les récitals de danse indienne où on les
entend presque systématiquement. Ici, les rythmes seront beaucoup plus
simples à reconnaître. Pourquoi se hasarder à une telle comparaison ? Parce
que le thème du premier acte Le mythe du barratage de la mer de
lait provient de la tradition indienne. Ce mythe est raconté au début
du Mahābhārata (pages 173-174 du premier volume au Seuil de la
version de Madeleine Biardeau, dont j'ai appris il y a quelques jours le
décès en parcourant le catalogue de la BnF : Biardeau, Madeleine
(1922-2010)
...). On en trouve aussi un récit au huitième livre du
Bhāgavata Mahāpurāṇa. Le premier tableau évoque la guerre entre
les dieux et les Asura (appelés ici géants plutôt que démons). Le ballet
n'est pratiquement constitué que de danseuses. Seuls de très rares scènes
mettent en scène des danseurs, comme dans ce combat singulier entre un
singe (apparemment du côté des dieux) et un géant. Le dieu Vishnu,
paraissant debout sur une tortue dorée, référence à l'avatar de la
tortue (Kurma), intervient pour demander aux deux armées de conjuguer leurs
forces pour baratter la mer de lait afin qu'en sorte l'amrita, la
liqueur d'immortalité. On les voit s'activer autour du serpent Vasuki dont
la tête et la queue sont figurées par des accessoires. Des créatures émergent
de ce barrattage. Elles sont évoquées par des projections (un peu
éblouissantes) sur le fond de la scène. Il me semble reconnaître parmi
elles un cheval aux multiples têtes, très-vraisemblablement
Ucchaiḥśravas (celui dont la couleur est l'objet d'un pari aux importantes
conséquences mythologiques entre Vinatā et Kadrū).
Les démons se sont emparés de l'amrita que le chef des Asura tient dans une sorte de coupe. Vishnu s'incarne sous la forme de l'apsaras (nymphe céleste) Mohini. La version du mythe présentée dans cette chorégraphie s'écarte quelque peu des versions indiennes usuelles. Ici, la nymphe utilise une boule de cristal magique donnée par Vishnu (dont, depuis ma place centrée à l'orchestre, j'ai pu voir une forme à quatre bras réalisée par deux danseuses placées l'une derrière l'autre, les attributs du disque et de la conque étant bien visibles). Elle s'en sert pour éblouir le chef des Asura et récupérer la coupe d'amrita qui reviendra aux dieux. Dans la version du mythe que j'ai lue dans le Bhāgavata Mahāpurāṇa, Mohini n'a besoin de nul accessoire pour obtenir ce résultat, au contraire, elle se défait de quelque vêtement...
Le deuxième acte correspond au titre du spectacle. Il est intitulé
La légende de Kambu et de Méra. Elle raconte l'origine légendaire
du peuple cambodgien ou khmer, au choix. L'histoire est beaucoup moins
intéressante. Il s'agit simplement de la rencontre entre une
apsaras et un prince. Pas de méchant en vue, tout va bien. Il
s'agit donc essentiellement d'un acte de danse pure
. Il procure de
très belles images, notamment dans le premier ensemble où les suivantes de
l'apsaras lui cueillent des fleurs en son jardin. Le prince
débarquera (littéralement) et en tombera immédiatement amoureux. Elle va
résister un instant, mais ils seront bientôt unis. Les dieux descendent
pour faire la fête. C'est le prétexte d'un nouvel ensemble illustrant la
danse céleste des dieux. Dans cette scène, les costumes des déesses ne sont
pas sans rappeler les saris indiens. En tout cas, ça brille.
Ce style de danse (qui est rené après le rétablissement de la monarchie, la chorégraphie de ce spectacle est d'ailleurs due à son altesse royale la princesse Norodom Buppha Devi) est très majesteux. Les visages (dont certains sont couverts de masques) manifestent peu d'émotions. Les mouvements des mains sont souples et lents. De nombreuses positions relativement statiques sont dansées avec un seul pied touchant le sol. Parfois, la danseuse tourne tout doucement sur elle-même sur ce pied. Dans le pas de deux entre Mohini et le chef des Asura, on a pu voir des accessoires et un harmonieux petit jeu se mettre en place entre les deux personnages avant que Mohini ne subtilise l'amrita. Des portés spectaculaires se sont fait voir lors de la scène du combat singulier.
Du point de vue musical, tout semble reposer sur le souffle du musicien qui joue d'une sorte de hautbois. Les premières interventions du chœur de quatre chanteurs m'ont un peu déstabilisé, mais je m'y suis habitué assez vite. Le concert étant sonorisé, j'ai tout le temps été perturbé par le fait que ce n'était pas en stéréo : le son des chanteurs semblait venir aussi bien de gauche que de droite, ce qui procure une sensation étrange, inhabituelle pour moi.
J'ai vu la représentation à Bruxelles et j'ai beaucoup aimé.
Mais finalement je n'ai pas été aussi marquée par la musique, qui me semblait s'effacer devant la danse.
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