« Janaki Rangarajan au Centre Mandapa | Meenakshi Srinivasan au Musée Guimet »
2014-10-26 19:47+0100 (Orsay) — Culture — Danse — Danses indiennes — Culture indienne
Centre Mandapa — 2014-10-23
Lingaraj Pradhan, danse odissi
Sanjukta Dutta Pradhan, danse odissi
Shiva Panchak
Pallavi (chorégraphie de Kelucharan Mohapatra)
Abhinaya (chorégraphie de Kelucharan Mohapatra)
Mahakalistuti (chorégraphie de Bichitrananda)
Je me suis rendu au Centre Mandapa pour assister à un récital de Lingaraj Pradhan et de son épouse Sanjukta Dutta Pradhan. Ils représentent tous les deux le style odissi transmis par leur guru Bichitrananda. Ce style étant moins courant à Paris et à Chennai que ne l'est le bharatanatyam, mes expériences de spectateur avec la danse odissi sont plutôt rares. Je n'ai pour le moment été véritablement convaincu que par la jeune danseuse Arushi Mudgal (cf. son récital au Musée Guimet et Orfeo, par-delà le Gange), mais ce style odissi ne m'a pour ainsi dire jamais procuré les mêmes émotions que m'apportent presque toutes les représentations de bharatanatyam auxquelles j'assiste. Si la narration et l'expression des émotions me semblent en général plus élaborées que dans le style kathak, on n'atteint pas à mon avis les mêmes sommets que dans le bharatanatyam. Le style est sorti des temples depuis moins longtemps aussi et, vu de loin, il semble moins vivant d'un point de vue chorégraphique, la plupart des programmes comportant des pièces chorégraphiées par les figures tutélaires (notamment Kelucharan Mohapatra) plutôt que par les danseurs des générations suivantes. Je garde néanmoins un a priori positif sur le style odissi et ne demande qu'à être détrompé à l'avenir.
Le récital de Lingaraj Pradhan et Sanjukta Dutta Pradhan m'a semblé très spectaculaire. Alors que le style odissi est réputé plus lasya que tandava, ce récital m'a semblé au contraire beaucoup plus viril que gracieux. Les interprètes ont davantage fait preuve de leur capacité à éblouir par leur virtuosité (quelque peu brutale) que par leur faculté à émouvoir par la narration et l'expression. La virtuosité n'étant pas ce que je cherche dans la danse, ce récital m'a plutôt déplu.
La première pièce Shiva Panchak est un duo (semble-t-il sur le cycle rythmique Tivratal à sept temps). Les passages lents permettent d'apprécier les courbures de la position typique de la danse odissi. Les deux danseurs interprètent de façon synchronisée les sections de danse pure, mais leurs rôles se dissocient quand ils racontent la rencontre entre Shiva et Parvati, laquelle est aidée par l'archer Kama (qui est interprété par Sanjukta). Kama est foudroyé par le feu du troisième œil de Shiva. Cette scène a été extrêmement impressionnante, mais je ne peux m'empêcher de penser qu'elle a été quelque peu surjouée, le spectaculaire primant sur l'émotion.
La pièce suivante Pallavi a été interprétée par Sanjukta. Il s'agissait de danse pure en accelerando utilisant beaucoup les mudras Mayura et Hamsasya.
La pièce la plus élaborée a été interprétée ensuite par Lingaraj. Il s'agissait d'un Abhinaya en trois parties utilisant semble-t-il le cycle à sept temps Tivratal. Le thème était donné par un prière adressée à Jagannath par le poète Salabeg (né musulman). Le poème évoquait trois épisodes liés à la divinité que l'on peut identifier à Krishna ou Vishnu. Le premier épisode était celui du l'attaque d'un éléphant attaqué par un crocodile et qui est sauvé par l'intervention de Vishnu qui tue le crocodile avec son disque. Le deuxième racontait la première partie de dés du Mahabharata, Yudishthira perdant tout, y compris lui-même et son épouse Draupadi, laquelle est traînée par les cheveux par Dushasana. Elle est la cible de gestes obscènes de la part Duryodhana et Dushasana tente de la dévêtir, mais il n'y parvient pas du fait de l'intervention de Krishna qui parvient à rallonger le sari de Draupadi au fur et à mesure que Dushasana tire dessus. Le dernier épisode évoque Prahlada, dévôt de Vishnu et fils du démonique Hiranya qui sera tué par le quatrième avatar de Vishnu, Narasimha, l'homme-lion surgi d'un pilier de son palais. Je n'ai pas été ému par l'épisode de la scène du jeu de dés qui m'arrache habituellement un abondant flot de larmes (cf. le récital de Gayatri Sriram au Musée Guimet). L'épisode lié à Hiranya était brutal, notamment parce que son éventrement par Narasimha n'était pas occulté. Le premier épisode représentait de façon intéressante l'éléphant allant s'abreuver au lac, mais la danse s'est fait très violente à partir de l'apparition du crocodile. C'était très impressionnant, mais globalement, je n'ai pas été plus convaincu par cette pièce que par les autres, les moments devant être interprétés de façon plus subtile n'étant pas aussi convaincants que les moments les plus violents.
Le récital (d'à peine plus d'une heure, ce qui est court, surtout pour un duo) s'est terminé par un duo Mahakalistuti évoquant Mahakali. Qu'il s'agisse de Mahakali plutôt que de Kali permet aux danseurs d'évoquer divers aspects de la Déesse : Kali, Durga, Narayani, Kalaratri. Je pense que cela a été la pièce la plus intéressante du récital. Représentant la déesse, Sanjukta y avait le premier rôle et était secondée par Lingaraj qui apportait des détails intéressants aux poses évoquant chacun des aspects de la Déesse. J'ignore si cette pièce a été conçue initialement pour un duo ou s'il s'agit d'un enrichissement pour duo d'une pièce antérieure pour danseur solo, mais c'est un des rares exemples de duo ou d'ensembles qui m'aient convaincu en danses indiennes.
Bref, beaucoup de technique, une volonté d'impressionner, mais un manque d'émotions à mon goût.
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