2019-01-09 09:22+0100 (Orsay) — Culture — Musique — Danse — Danses indiennes — Culture indienne — Voyage en Inde XVIII
Music Academy, T.T.K. Auditorium, Chennai — 2019-01-05 à 10:00
Medha Hari, danse bharatanatyam
Jayashree Ramanathan, nattuvangam
K. Hariprasad, chant
Ramshankar Babu, mridangam
Easwar Ramakrishnan, violon
J. B. Sruthi Sagar, flûte
Ardanari Stotram (Ragamalika, Adi Tala), mis en musique par K. Hariprasad
Varnam “Intha Kopamelara” (Raga Thodi, Adi Tala), composition de Pandanallur Meenakshisundaram Pillai
Kirtanam “Eppaddi Manam Thunindhadho” (Raga Huseini, Mishra Chapu), composition d'Arunachala Kavirayar
Javali “Merakadu Lechi ra ra” (Raga Thodi, Adi Tala)
Thillana (Raga Purvi, Rupaka Tala), composition de T. Vaidyanatha Bhagavathar
La danseuse Medha Hari a pour l'essentiel présenté des pièces de
compétition
. Le but semble être de faire un maximum de pas en un
minimum de temps. C'est assez impressionnant, mais cela me laisse de
marbre. Il me semble que dans le première pièce sur
Ardhanarishwara qui s'enchaînait à un Pushpanjali, la
danseuse a utilisé une alternance entre Chatushra- et Khanda-nadai Adi
Tala. Dans certains mouvements et positions de la danseuse, disciple
d'Anita Guha, il me semble reconnaître une influence du kuchipudi.
Dans le Varnam, ce sont aussi des jatis de compétition, commis
par le percussionniste. Il y a beaucoup trop de changements de “nadai”.
Malgré la présence de la géniale Jayashree Ramanathan au nattuvangam, je
n'ai pas réussi à apprécier ces jatis. Dans le Varnam en télugu,
je n'ai pas réussi à comprendre qui était l'objet de l'amour de l'héroïne.
Il est semble-t-il nommé dans l'Anupallavi :
Ṣaṇmukharājeśvara
. Il ne s'agissait pourtant pas de Muruga (qui a
six têtes). J'ai été rassuré quand la personne qui a enseigné le sens du
texte à la danseuse (Jitendra Hirschfeld) m'a expliqué qu'il s'agissait
d'un zamindar qui avait commandé ce Varnam au Nattuvanar
Pandanallur Meenakshisundaram Pillai pour un spectacle de musique de
chambre. J'ai davantage apprécié la deuxième partie du Varnam dans
laquelle la danseuse a inséré entre chaque Swaram/Sahitya non pas seulement
une ou deux répétitions de la ligne de Caranam pour faire des marches lui
permettant de se replacer, mais un nombre plus important de répétitions qui
lui donnaient le temps d'élaborer de différentes manières autout des
flèches florales lancées par Kamadeva. À chaque fois, c'était une
délicieuse respiration avant d'attaquer la section suivante.
La danseuse a ensuite interprété le Padam “(Y)eppaddi manam...” transmis par Bragha Bessell et typique de la tradition de Kalanidhi Narayanan (j'ai vu au moins deux autres de ses disciples l'interpréter : Lavanya Ananth, Kalpana Métayer). Je persiste dans mes réticences à propos de cette pièce dans laquelle Sita reproche à Rama de l'abandonner pour accomplir son exil en forêt. La danseuse l'a montrée en train de pleurer toutes les larmes de son corps. Elle montre aussi Sita en train de rappeler à Rama le serment fait pendant leur mariage. À part les pleurs vraiment excessifs, la danseuse a me semble-t-il bien interprété la chorégraphie en accord avec l'intention du poète, mais pour moi, cette vision est une fiction, puisque la Sita du Ramayana de Valmiki (ou de Tulsidas) est beaucoup plus forte : elle dit immédiatement à Rama qu'elle va le suivre dans la forêt et il n'a pas son mot à dire, ce sera ainsi et puis c'est tout. Il s'agit d'un des rares moments du Ramayana où véritablement Sita exerce sa volonté de façon autonome, je trouve dommage de l'effacer quasi-complètement. Dans la chorégraphie, Sita supplie pour ainsi dire Rama d'accepter qu'elle le suive. Elle retire ses bijoux, salue les aînés et s'en va avec Rama.
La ligne de Pallavi du Thillana conclusif utilise des Swaras au lieu d'onomatopées. L'interprétation musicale et la chorégraphie peut peut-être s'analyser comme une sorte de rubato : le rythme de certaines répétitions est modifié, quelque passage de la phrase étant ralenti et d'autres accélérés. Dans le Caranam, les noms des sept notes de la gamme sont chantés. La danseuse se montre alors très convaincante dans la représentation des dieux et animaux associés à ces notes.
⁂
Music Academy, T.T.K. Auditorium, Chennai — 2019-01-05 à 18:00
Rama Vaidyanathan, danse bharatanatyam
S. Vasudevan, nattuvangam
K. Venkateshwaran, chant
Sumod Sreedharan, mridangam
Viju Sivanand, violon
Kirtana “Perum Kovil Konda” (Raga Sri, Mishra Chapu Tala), composition du Thanjavur Quartette
Kirtana “Pannagendra Sayanam” (Ashtaragamalika, Rupaka Tala), composition de Swati Thirunal
Padam “Emakko Chiguruta Dharampal” (Raga Thilang, Mishra Chapu Tala), composition d'Annamacharya
Javali “Ne nethu sahichu ne” (Raga Paras, Adi Tala), composition de Pattabhiramayya
Shloka “Vāgarthāviva saṃpṛktau vāgarthapratipattaye । jagataḥ pitarau vande pārvatīparameśvarau ॥” (Kalidasa) suivi de l'Ardhanarishwara Ashtakam (Adi Shankaracharya, mis en musique par O.S. Arun en Raga Megh et Adi Tala)
En soirée, je suis retourné à la Music Academy pour le rétical de Rama Vaidyanathan, que j'avais déjà vue il y a cinq ans. La voir en 2013 avait été pour moi une expérience très intense. Cinq ans plus tard, j'ai beaucoup évolué en tant que spectateur. Il est évident que Rama-akka a présence scénique hors du commun, et sa technique de danse pure est assez superlative (par exemple, quel araimandi !). Elle fait un certain nombre de choses qui pour des raisons esthétiques évidentes devraient être considérées comme excessives en termes de répétition ou dans l'intensité des mouvements ; et pourtant, cela fonctionne, et uniquement parce que c'est Rama Vaidyanathan.
La première pièce doit être une de ses chorégraphies récentes. Elle présente quelques points communs avec la première pièce qu'elle avait dansée il y a cinq ans. Sur des onomatopées très simples comme Tom-tatom-takita, elle décrit la géométrie très carrée de l'enceinte du temple de Brhadishwara à Thanjavur. Puis, alors que la composition musicale du Thanjavur se faire entendre, la description du temple se poursuit, avec toutes les références artistiques qu'il peut comporter et qui procurent l'émerveillement du personnage féminin. L'interprète s'incarne en danseuse qui effectue une prière pour bénir ses grelots. Elle admire les sculptures sur les piliers, celle de Nandi. En prenant l'atmosphère musicale du temple pour inspiration, elle souhaite aussi acquérir des connaissances musicales lui permettant de maîtriser le rythme et la mélodie : le chanteur (magnifique) chante alors un Swaram ou un Thanam. Si la technique de la danseuse est impressionnante, les passages rythmiques sont un véritable supplice pour moi, parce qu'il y avait vraiment trop de “dissonance rythmique” entre le cycle rythmique Mishra Chapu utilisé par la composition mélodie et la rythmique des pas de danse composée par Dr. Sridhar Vasudevan. Je me suis d'abord demandé s'il y avait une intension de faire quelque chose de rythmiquement affreux et qui deviendrait esthétique à la fin de la pièce, l'héroïne devenant réellement inspirée par le temple, mais le rythme est resté discordant jusqu'à la fin.
J'ai beaucoup aimé la pièce suivante, qui a été la pièce principale du récital : “Pannagendra Sayanam”. Cette pièce fait partie du répertoire de Rama Vaidyanathan depuis un certain temps déjà (j'ai d'ailleurs déjà vu Nehha Bhatnagar la danser en 2015). Il s'agit d'une composition de Swati Tirunal (dont on peut lire une traduction). Les huit parties sont séparées par un Jati ou des Swarams dont j'ai apprécié la construction rythmique relativement musicale (si l'on excepte les pas très off-beat exécutés au début de chacun d'entre eux) : certaines séquences conclusives avaient une construction traditionnelle et une régularité telles que je pouvais anticiper la structure des phrases chorégraphiques et donc apprécier encore davantage leur réalisation. L'héroïne fait l'éloge de Padmanabha et hésite entre l'amour et la dévotion. Parmi les très beaux moments, je retiendrais l'idée chorégraphique utilisée pour suggérer la comparaison entre la beauté de Vishnu et celle de Kama : en faisant face au public dans une position typique de Vishnu (mains en Tripataka), elle fait un lent demi-tour (à moins que ce ne soit un tour complet) et se métamorphose en Kama, puis rembobine le film à l'envers pour redevenir Vishnu. Il s'agit d'un des quelques trésors d'idées chorégraphiques intéressantes que j'ai remarquées dans ce récital.
J'ai trouvé intéressante la pièce suivante. Dans ce Padam “Emakko Chiguruta...”, un groupe de femmes médisent à propos d'une autre. Il y a peut-être une ambiguité sur le sens précis du texte. Le leitmotiv chorégraphique de la pièce consiste à représenter une de ces femmes écrire ostensiblement une lettre en regardant la coupable. Celle-ci a-t-elle écrit une lettre d'amour ? La chorégraphie suggère astucieusement que sa relation charnelle laisse sur elle des traces, comme si une lettre d'amour était écrite sur son propre corps. Les traces de poudre rouge sur son corps suggèrent qu'elle a pris entre ses bras la statue de l'Être aimé. Ou bien la statue était-elle en hauteur et de la poudre est retombée sur elle alors qu'elle essayait de l'atteindre pour lui appliquer la poudre. La rougeur de ses yeux est expliquée par l'action de déraciner ses yeux qu'elle avait plantée sur Lui. La comparaison poétique est magnifiquement faite avec l'action de planter un arbre, puis de le déraciner en le faisant trembler, ce qui tend à en faire tomber les juteux fruits.
Dans le Javali “Ne nethu sahichu ne”, la danseuse représente une héroïne trahie par son amoureux. Son sentiment de jalousie est insurmontable. La rupture semble définitive.
La danseuse a magnifiquement conclu son récital avec une de ses pièces à succès : Ardhanarishwara. L'Ashtakam d'Adi Shankaracharya est précédé d'un Shloka de Kalidasa sur l'union entre Shiva et Parvati. Une séquence de danse pure est insérée dans laquelle la danseuse utilise alternativement uniquement sa main droite pour représenter Shiva sur un accompagnement rythmique d'onomatopées ou uniquement sa main gauche pour représenter Parvati avec un Swaram comme accompagnement mélodique. Sur chaque des lignes du poème, le contraste est très bien mis en valeur entre Shiva et Parvati.
Dans ce récital, j'ai particulièrement aimé les pièces “Pannagendra Sayanam” et “Ardhanarishwara”, qui ne sont pas des chorégraphies récentes de Rama Vaidyanathan. C'est évidemment une très grande artiste, mais j'aurais aimé que les chorégraphies élababorent davantage autour des émotions de personnages humains, ce qui pour moi la condition pour être véritablement touché par cette danse.
2019-01-05 08:58+0530 (சென்னை) — Culture — Musique — Danse — Danses indiennes — Culture indienne — Voyage en Inde XVIII
Music Academy, T.T.K. Auditorium, Chennai — 2019-01-04 à 10:00
Meera Sreenarayanan, danse bharatanatyam
Indira Kadambi, nattuvangam
Bijeesh Krishna, chant
Charudutt, mridangam
Easwar Ramakrishnan, violon
Sujith Naik, flûte
Jitendra Hirschfeld, conseiller artistique pour “Dānikē”
Shloka (d'Adi Shankara) & Narasimha Kavuttuam (Khanda Chapu)
Padavarnam “Dānikē...” (Raga Todi, Rupaka Tala), composition de Sivanandam (Thanjavur Quartette), chorégraphie de la danseuse
Padam “Choodare” (Mishra Chapu Tala, Raha Sahana), composition du Kshetrayya, chorégraphie de Kalanidhi Narayanan
Ashtapadi “Yahi Madhava” (Adi Tala, Ragamalika), chorégraphie d'Indira Kadambi
Thillana (Raga Tillang, Adi Tala), composition de Lalgudi Jayaraman, chorégraphie de Smt. Narmada
Les matinées du festival de la Music Academy sont réservées aux interprètes de la jeune génération. La première à se lancer a été Meera Sreenarayanan, qui avait obtenu le prix Spirit of Youth 2015 ex-aequo avec Sudharma Vaithiyanathan. Après un Shloka et un Kavuttuam consacré à Narasimha dans lequel la danseuse a pour ainsi dire tout le temps gardé les yeux grand ouverts, on est entré dans le vif du sujet...
Dans mon billet précédent à propos du Varnam en Anandabhairavi dansé par Shweta Prachande hier, j'avais mentionné que l'objet du désir de l'héroïne pouvait être un roi et non pas un dieu. C'est ce qui a été très explicitement fait dans l'interprétation de ce Varnam.
Ce Varnam “Dānikē...” a été créé par la danseuse courtisane Mannargudi Meenakshi à la cour du roi marathe Sivaji II de Thanjavur (qui régna entre 1832 et 1855). La grande salle de la Music Academy remplace en quelque sorte la cour du roi Sivaji II et la danseuse Meera Sreenarayanan joue en quelque sorte le rôle de Mannargudi Meenakshi qui jouait plus ou moins son propre rôle en intercédant auprès du roi pour le convaincre de l'amour d'une autre femme. (Note ajoutée le 2019-02-10 suite à un échange avec Nrithya Pillai : les experts ne sont pas tous d'accord sur le fait que la créatrice du Varnam soit Mannargudi Meenakshi. Ceci importe néanmoins peu pour la lecture du reste de ce billet.)
La chorégraphie de ce Varnam tente de reconstruire l'atmosphère détendue qui pouvait régner dans ces récitals de cour. La danseuse gardera pendant toute la pièce une attitude extrêmement séductrice envers le roi (qui n'est autre le public de 2019). Néanmoins elle obéit à l'étiquette de la cour. Ainsi, la danse a commencé par un Salaam. Les interactions de la danseuse avec les musiciens sont très convaincantes, puisque même quand elle semble leur donner des ordres (en indiquant le tempo qu'elle souhaite), on a vraiment l'impression qu'elle est aux commandes. (J'ignore quelle part de liberté la danseuse s'est gardée pour improviser dans certains passages, en particulier, les Arudis étaient absolument délicieuses en termes d'interactions entre la danseuse et les musiciens, comme si ces derniers découvraient en direct son intention.) Dans le Pallavi, Meera/Mannargudi essaye de convaincre le roi de rejoindre l'autre femme, qui cherche à s'unir à lui ; on retrouve l'imagerie habituelle avec des fleurs et des abeilles, mais c'est beaucoup plus intense ici. Dans l'Anupallavi, le roi est décrit comme dévot de Shiva. Un certain nombre de rituel shivaïtes sont exécutés et on reconnaît l'apparition du roi, qui en bon guerrier, vient semble-t-il faire bénir son épée. Et au cours de cette cérémonie, son regard semble attiré par une femme... Il est suggéré que le roi est aussi une adorateur des arts, qui récompense les artistes qui lui plaisent : à un moment donné de la chorégraphie, c'est tout comme si le public avait offert une bague très précieuse à Meera Sreenarayanan. Le sentiment amoureux se développe encore davantage dans la deuxième partie du Varnam.
Cette pièce était un véritable délice en matière d'Abhinaya. La danse pure m'a moins convaincu. Une des raisons est que c'est la danseuse elle-même qui a composé et chorégraphié les jatis. J'ai beaucoup aimé le premier, mais les autres ne m'ont pas semblé très musicaux (beaucoup d'allers-retours en Tishra-nadai et de longs intervalles de silences) ; suivre le tala me semblait quasiment impossible. La danseuse a une très grande netteté dans ses marches rapides debout qui m'ont semblé de nature à impressionner le roi. En araimandi, il y a moins de contraste entre les frappes de pieds : on n'entend pas vraiment la musique de ses pas. Je n'ai pas non plus aimé le style de récitation d'Indira Kadambi dont la voix n'était de toute façon pas suffisamment amplifiée.
L'impression générale est d'avoir assisté à une grande matinée. La standing ovation qu'a reçu la danseuse à la fin du spectacle suggère que le public est peut-être prêt à accepter ce type de danse qui met l'accent sur la séduction et le sentiment amoureux. Espérons que cette danseuse continuera et donnera à d'autres l'idée d'explorer cette magnifique tradition des danseuses de cour (qui connaissaient la musique, la poésie, les langues, la danse...). Si j'avais déjà eu l'occasion d'avoir un aperçu sur cette tradition lors de la journée Temple, Court, Salon, Stage. Crafting Dance Repertoire in South India à Paris en 2015, je suis très heureux d'avoir vu ce Varnam. Pour monter cette pièce, la danseuse a été aidée par Jitendra Hirschfeld avec qui j'ai souvent eu l'occasion de discuter de la danse et de son histoire. Je suis très content du succès de cette performance. Pour en savoir plus sur “Dānikē...”, lisez son blog, et en particulier A Love Affair with Dānikē.
Le récital s'est poursuivi avec un magnifique Padam de Kshetrayya. La danseuse n'a souvent eu besoin que de ses yeux pour exprimer les paroles déplaisantes qu'un groupe de femmes échangent au détriment d'une autre femme qui aurait perdu tout sens de la respectabilité en tombant amoureuse de Krishna.
J'ai joyeusement détesté l'interprétation de la danseuse dans l'Ashtapadi “Yahi Madhava”. Tout m'a semblé terriblement surjoué...
Si la chorégraphie des séquences de danse pure m'a semblé manquer de musicalité dans le Varnam, je me suis réconcilié sur ce point avec la danseuse dans le Thillana qui a été chorégraphié par Smt. Narmada, guru d'Indira Kadambi.
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Music Academy, T.T.K. Auditorium, Chennai — 2019-01-04 à 11:30
Bilva Raman, danse bharatanatyam
KP Rakesh, nattuvangam
Vedakrishnaram, mridangam
G. Srikanth, chant
Easwar Ramakrishnan, violon
J. B. Sruthi Sagar, flûte
Alarippu (Tishra Ekam Tala)
Swarajati (Rupaka Tala, Raga Huseini), composition de Merattur Venkatarama Shastri
Viruttam (Ragamalika), chorégraphie de Bragha Bessell
Javali “Marubari” (Raga Kamas, Adi Talam), chorégraphie de Bragha Bessell
Tillana (Raga Dhanashri, Adi Tala, composition de Swati Tirunal et Lalgudi Jayaraman), chorégraphie de Leela Samson
Après un petit café à la cantine de la Music Academy, le spectacle
suivant était donné par une disciple de Leela Samson, Bilwa Raman, dont la
silhouette longiligne portait un costume rose et vert fluo de très
kalakshetrienne facture. Elle a commencé son récital par
l'Alarippu traditionnel en trois temps, très bien exécuté. Dans la
pièce principale (Swarajati en Huseini), j'ai pris beaucoup de
plaisir à écouter les musiciens, en particulier le chanteur G. Srikanth que
je n'avais pas entendu depuis longtemps. Pour le reste, c'est de la danse
typiquement Kalakshetra, complètement fossilisée, mais néanmoins très bien
exécutée. (Le thème du Trikala-jati était Ta - jam - - - ta ka jam - - -
ta ka di mi ta kun da ri ki ta ta ka
.)
La pièce suivante dans laquelle une mère montrait semble-t-il sa dévotion à la Déesse m'a semblé d'un ennui total. Dans le Javali “Marubari”, la danseuse a montré plus d'émotions que ne le font d'habitude les danseurs Kalakshetra, mais le sentiment amoureux n'était pas assez présent à mon goût. La danseuse a conclu son récital avec le classiquissime Thillana en Dhanashri. La danse pure en était assez agréable, mais les gestes manquaient de finition dans le Caranam, en particulier quand la danseuse représentait Padmanabha.
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Music Academy, T.T.K. Auditorium, Chennai — 2019-01-04 à 18:00
A. Lakshmanaswamy, danse bharatanatyam
Sudharma Vaithiyanathan, nattuvangam
K. Hariprasad, chant
Nellai D. Kannan, mridangam
Easwar Ramakrishnan, violon
T. Sashidhar, flûte
Jatiswaram (Ragamalika, Mishra Chapu Tala), composition du Thanjavur Quartette
Varnam “Intha Chala Melane” (Adi Tala, Raga Nalinakanthi), composition de Meera Seshadri
Yaro Ivar Yaro (Raga Bhairavi, Adi Tala), composition d'Arunachala Kavi Iyer
Ashtapadi “Kuru Yadu Nandana” (Raga Behag, Mishra Chapu Tala, poème de Jayadeva mis en musique par K. Hariprasad)
Thillana (Raga Mandari, Adi Tala), composition du Thanjavur Quartette
J'ai adoré ce récital de A. Lakshmanaswamy. Il a magnifiquement bien interprété une chorégraphie très traditionnelle du Jatiswaram en Mishra Chapu et Ragamalika du Thanjavur Quartette. Dans cette chorégraphie très musicale, sa danse pure semble magnifique. Les adavus très classiques sont magnifiquement ornementés. Il y à la fois une netteté dans les mouvements de mains et une délicate douceur dans le regard et les petits mouvements latéraux de la tête. (Au mridangam, Nellai D. Kannan a eu un jeu beaucoup plus extraverti que lors du récital de Sudharma dans lequel il avait été sublimement introspectif. L'accompagnement qu'il a fait ce soir me semble moins correspondre à l'esthétique de la danse.)
La pièce principale du récital a été un Varnam dans lequel ce n'est pas une héroïne qui cherche à s'unir à un homme (que ce soit un dieu ou un roi...), mais c'est un homme (Shiva lui-même) qui cherche à reconquérir Parvati qui s'est détournée de lui. C'est donc le sakha (ami de Shiva) qui va servir d'intermédiaire avec Parvati. Mais celle-ci reste indifférente. Il avait été annoncé que Shiva serait représenté dans sa forme résidant au temple de Mylapore (Kapalishvarar). La légende locale est connue de tous les spectateurs (y compris moi), donc je me suis délecté du magnifique Sanchari de l'Anupallavi dans lequel pour justement s'être détournée de Shiva en regardant des paons, Parvati reçoit une malédiction : elle est transformée en paonne. J'ai aussi beaucoup aimé le dernier Ettugada Sahitya qui raconte l'épisode dans lequel Ravana tente de casser l'arc de Shiva pour pouvoir épouser Sita. Comme elle est effrayée à l'idée de l'épouser s'il réussit l'épreuve, Shiva semble la rassurer en lui faisant comprendre que Ravana ne peut pas réussir. Plutôt que de la jouer en mode comique en tournant le moustachu Ravana en ridicule, le danseur a mis l'accent sur l'interaction en pensée entre Sita et Shiva. (Cette épisode qui est souvent représenté dans la danse n'est en fait pas dans le Ramayana, mais cette épisode a été intégré dans la tradition ultérieure.)
Il est à noter que dans le Varnam, les jatis étaient de
Muthuswamy Pillai. J'ai particulièrement aimé le Trikala avec quatre
vitesses (y compris une vitesse en Tishra-nadai), sur le thème Ta - dit
- ta ka na ka jum - dit - ta ka na ka jum - ta ka na ka jum - ta kun da ri
ki ta ta ka
.
Les deux pièces de pur Abhinaya qui ont suivi ont été d'une beauté rare. Sans utiliser le moindre artifice, en toute simplicité, il a donné vie à ses personnages. Dans Yaro Ivar Yaro, le poète imagine le premier regard échangé entre Rama et Sita, dans un épisode qui n'est au passage ni dans le Ramayana ni dans le Ramcaritmanas. La balle lancée par Sita ou une de ses amies tombe d'une plate-forme et s'arrête près de Rama, qui relève la tête et tombe immédiatement amoureux de Sita. Le danseur a véritablement su créer une atmosphère dans laquelle plus rien ne semble exister si ce n'est ses personnages, et plus particulièrement Rama.
Le vrai point culminant du récital a en fait été Ashtapadi “Kuru Yadu Nandana” (déjà magnifiquement interprété par Neena Prasad il y a quelques jours de cela). Il l'a dansé en étant assis (ou avec au moins un genou à terre) pendant toute la pièce. Magnifique interprétation !
Le récital s'est conclu par un délicieux Thillana en Raga Mandari du Thanjavur Quartette.
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Music Academy, T.T.K. Auditorium, Chennai — 2019-01-04 à 19:45
Methil Devika, mohiniattam
Gayatri, nattuvangam
Jamaneesh Bhagavatar Kottayam, chant
Kallekulangara Unnikrishnan, mridangam
Surya Narayanan, flûte
Baiju Rajeeth, vina
Sajith Pappan, edakka
Cholkettu “Tam Tam Tat Tomga” (Raga Anandabhairavi, Adi Tala), composition de Surya Narayanan
Desi Padam “Ullili Unnikkoru” (Ragamalika, Talamalika), composition de Kavalam Shrikumar
Après un aussi magnifique récital de bharatanatyam, j'ai hésité à rester pour le récital de mohiniattam de Methil Devika. Par rapport aux merveilleux Thomas Vo Van Tao et Neena Prasad vus précédemment dans ce style, toute la danse de Dr. Methil Devika m'a paru anecdotique. Sa danse pure n'a pas la suprême élégance habituelle du style mohiniattam et sa technique d'Abhinaya m'a semblée manquer de subtilité. Je m'en sentais presque mal physiquement, et je me suis enfui le plus discrètement que j'ai pu entre deux pièces.
2019-01-04 07:56+0530 (சென்னை) — Culture — Musique — Danse — Danses indiennes — Culture indienne — Voyage en Inde XVIII
The indian fine arts society, Ethiraja Kalyana Nilayam, Chennai — 2019-01-03 à 09:00
Smt. Padma Srirangan, danse bharatanatyam
R. Vijay Madhavan, nattuvangam
Murali Parthasarathy, chant
N. Sriram, mridangam
Ganesan, violon
Mallari (Raga Gambhira Nattai, Rupaka Tala)
Varnam “Manavi...” (Raga Shankarabharanam, Adi Tala)
Padam (Rupaka Tala)
Tillana (Adi Tala)
La indian fine arts society présente de jeunes interprètes en matinée. Il s'agit aussi d'un concours, le jury de trois personnes étant placé sur trois chaises séparées des autres au premier rang. Je suis venu ce jour-ci puisque je connais un tout petit peu le guru, Vijay Madhavan, qui développe sa propre méthode de notation de la danse bharatanatyam (Natyagraphy). Dans la danse de sa disciple, je reconnais certains aspects caractéristiques du style de Chitra Visweswaran et je reconnais même certains phrases chorégraphiques que j'ai apprises avec Arupa Lahiry lors de mon dernier séjour à Delhi. Parmi les adavus typiques, je reconnais le Salute adavu (dans la série des Ta-tai-ta-ha).La danseuse est extrêmement souriante (peut-être un peu trop), mais il y a un certain manque de netteté, en particulier dans les mouvements du haut du corps. (Il est possible qu'avec le temps le style de Chitra Visweswaran ait évolué vers une géométrie plus stricte du corps : comme il est un de ses plus anciens disciples, le style qu'il enseigne ne correspond peut-être plus avec le style de Chitra-akka telle qu'il est représenté par les membres actuels de la Chidambaram Dance Company.) J'apprécie néanmoins le style de récitation de Vijay Madhavan (qui cependant ne regarde pas la danseuse pendant les jatis...). Le premier jati du Varnam était très étonnant parce qu'il y avait très très peu de syllabes et donc de longs silences entre chacune d'entre d'elles. L'Abhinaya de Padma Srirangan m'a paru relativement bien habité dans le Varnam dédié à Shiva. Elle m'a semblé très convaincante dans son premier Sanchari dans lequel en bougeant l'index de la main en Tāmracūḍa, l'héroïne nourissait un oiseau qui pourrait lui servir de messager.
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The indian fine arts society, Ethiraja Kalyana Nilayam, Chennai — 2019-01-03 à 10:10
Samyuktha R., danse bharatanatyam
Priya Karthikeyan, nattuvangam
Pushpanjali (Adi Tala, Raga Arabhi), composition de Dr. M. Balamuralikrishna
Varnam “Innam en manam” (Raga Charukeshi, Adi Tala, composition de Lalgudi Jayaraman)
Padam (Raga Bihag, Adi Tala)
Thillana (Raga Khamas, Adi Tala), composition de Patnam Subramanya Iyer
Mangalam
Juste après, j'ai assisté au récital d'une danseuse encore plus jeune et très athlétique. Elle est capable d'une très grande vitesse, mais sa technique de pieds est vraiment défectueuse : beaucoup de pas sont à peine esquissés, elle fléchit beaucoup trop les genoux quand elle fait des marches ; c'est un véritable massacre technique quand elle exécute les marches à reculons en préparation des passages techniques du Varnam. Dans les jatis, elle semble retenir sa respiration. Je n'aime ni les chorégraphies techniques ni le style de récitation de Priya Karthikeyan. L'Abhinaya est très scolaire : c'est particulièrement flagrant quand la danseuse prend des poses. C'était néanmoins un vrai plaisir pour moi d'entendre le Varnam en Raga Charukeshi composé par Lalgudi Jayaraman. (Du coup, comme le Pallavi et l'Anupallavi sont présentés chacun en entier plutôt que découpés en deux comme dans la plupart des autres Padavarnams, la chorégraphie contenait une double ration de Jatis : à peine le premier était terminé qu'elle enchaînait le deuxième après un ou deux cycles d'une transition quelque peu incongrue.)
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Kartik fine arts, Bharatiya Vidya Bhavan, Chennai — 2019-01-03 à 16:30
Shweta Prachande, danse bharatanatyam
KP Rakesh, nattuvangam
Sakthivel Murugananthan Subramaniam, mridangam
Preeti Mahesh, chant
M. Srikamani, violon
“Om Sharavanabhava” (Raga Shanmukhapriya, Adi Tala), composition de Ghatam Dr. S. Karthick
Varnam “Sakiye Inda Velaiyil...” (Raga Anandabhairavi, Adi Tala), composition du Thanjavur Quartette
Ashtapadi #19 “Priye Cāruśīle” (Raga Mukhari, Khanda Chapu Tala)
Thillana (Adi Tala, Raga Behag), composition de Dr. M. Balamuralikrishna
Kirtana “Ksheerabdi Kanyakaku Sree Maha Lakshmikini” (Raga Kurinji, Khanda Chapu Tala), composition d'Annamacharya (?)
Dans l'après-midi, j'ai assisté à un très beau récital de Shweta Prachande, que j'avais déjà vue il y a cinq ans (et il y a quelques jours pour une lec-dem).
La première pièce est une composition du percussionniste Ghatam Dr. S. Karthick qui était présent pendant la performance de cette pièce. Dédiée à Muruga, elle alterne chant et passages poétiques récités. La pièce est extrêmement complexe d'un point de vue rythmique (on entend et on voit en particulier beaucoup de pas basés sur le nombre 5). Le texte fait entendre un certain nombre de noms de Muruga, comme Guha ou Kartikeya.
La pièce principale, qui est aussi celle qui m'a procuré le plus grand
plaisir a été le Varnam traditionnel “Sakiye Inda
Velaiyil...” en Raga Anandabhairavi composé par le Thanjavur
Quartette. La chorégraphie est aussi très traditionnelle, puisqu'elle est
due à A. Lakshmanaswamy (avec qui travaillait autrefois Priyadarshini
Govind, guru de Shweta Prachande). Dans sa danse technique, la danseuse a
appliqué les principes dont elle avait fait la démonstration avec Apoova
Jayaramana lors de leur lec-dem à la Natya Kala
Conference. La chorégraphie de A. Lakshmanaswamy étant fixée, il est
néanmoins possible de l'interpréter d'une façon personnelle : un même adavu
peut être exécuté avec différentes intentions. Il est possible d'utiliser
plus ou moins l'espace, de faire des mouvements staccato ou au
contraire avec un phrasé très étendu (comme dans le troisième Jati). Le
premier Jati (Trikala) est une variation sur un Tirmanam traditionnel de la
Vazhuvoor bani dont le thème est Kun - ta ri ta - - - ku kun ta ri tai
- - - ku kun ta ta kun ta ta ka ta kun ta ri ki ta ta ka
. La première
vitesse a été magnifiquement bien exécutée, avec un sens esthétique certain
combinant force et douceur. Dans la composition rythmique de ce
Tirmanam, la fin a été légèrement modifiée pour que le Tirmanam se
conclue avant que le texte de la première ligne du Pallavi ne
démarre. (Dans cette version, le texte reprend sur le et
entre le deuxième et le troisième temps.) Dans le deuxième Jati, j'ai aimé
une séquence de Khudita Metti Adavus dans lesquels la danseuse explorait
les différentes directions de l'espace. Dans les Tattu Muttu, je
reconnais les motifs rythmiques qu'utilisent Chitra Visweswaran et
A. Lakshmanaswamy (une série de takadimi, puis une série de takadimi
off-beat).
Dans ce Varnam chorégraphié par A. Lakshmanaswamy, j'ai retrouvé la même qualité dans la construction du discours chorégraphique que dans le récital de Sudharma Vaidyanathan qui est sa disciple. Il serait vain de chercher à résumer ce discours. Je retiens particulièrement les Sancharis des deux lignes de l'Anupallavi. Dans la première ligne, la danseuse décrit une magnifique ville (qui n'est semble-t-il pas nommée explicitement) où se trouve un temple et où la divinité est portée en procession. La danseuse a montré de façon assez spectaculaire les roues du chariot et s'est montré très convaincante en montrant les hommes qui tirent sur les cordes pour le mettre ne mouvement. Dans la deuxième de l'Anupallavi, le texte évoque la conque et le disque de Rajagopalan (Vishnu) devant lequel l'héroïne s'émerveille. De façon très pertinente, la danseuse développe un Sanchari relatant un épisode dans lequel Vishnu utilise ce disque. Il s'agit de l'histoire de de l'éléphant Gajendra attaqué pendant son bain par un crocodile. J'ai déjà vu des danseurs développer le bain de l'éléphant et l'attaque du crocodile dans des productions déraisonnables, le rôle protecteur de Vishnu devenant anecdotique. L'interprétation de Shweta Prachande m'a semblé très pertinente, efficace et émouvante puisque l'élément important en a été l'intervention de Vishnu. Après avoir montré de façon relativement brève l'attaque du crocodile, elle a représenté Vishnu qui entend l'appel à l'aide de Gajendra, et qui intervient pour le sauver. Grâce à son expression faciale, j'ai beaucoup apprécié la sérénité intérieure qui se dégageait dans sa représentation de Vishnu. La danseuse a représenté de façon intéressante le nom Rajagopalan en montrant un gardien de troupeau de la main gauche et en représentant une couronne avec la main droite. (Ceci me rappelle que lors d'une conférence à Paris, Tiziana Leucci avait expliqué que le nom de Rajagopalan était à double sens, puisqu'à l'époque de la composition de ce Varnam, ce nom pouvait désigner soit Krishna (Vishnu) soit le roi de Mysore ?). Dans la deuxième moitié du Varnam, la ligne de Caranam est représenté à la fois sous forme de Swaram et sous forme de texte “Pangana mayile...” (ce qui n'est pas le cas dans toutes les versions). L'héroïne est touchée par les flèches de Kama...
La danseuse a magnifiquement interprété le dix-neuvième Ashtapadi “Priye Charu”. Radha s'est montrée indifférente, voire hostile envers Krishna, et le poème nous fait entendre les paroles de Krishna pour reconquérir Radha. La danseuse avait indiqué dans sa présentation de la pièce que le poème (et aussi la chorégraphie) se plaçait du point de Krishna. La seule critique que je pourrais faire est que la danseuse n'a pas à mon avis assez caractérisé le personnage de Krishna. Sans forcément le représenter avec ses attributs habituels (flûte, plume de paon, etc.), je pense qu'il aurait été souhaitable d'adopter des postures un peu plus masculines pour bien faire comprendre que c'est un homme qui s'exprime, et qu'ainsi c'est bien Krishna qui souhaite que le doux pied de Radha se pose sur sa tête.
Après avoir interprété un Thillana composé par Dr. M. Balamuralikrishna et dont la chorégraphie était très exigeante, plutôt qu'un traditionnel Mangalam, la danseuse a choisi me semble-t-il une très apaisante composition d'Annamacharya consacrée à la Déesse sous le nom de Mahalakshmi. Un des détails remarquables de la chorégraphie réside dans la façon dont la danseuse a représenté sans la montrer la poitrine de la Déesse évoquée par le texte : elle s'est tout simplement mise de dos, sans doute pour éviter toute référence érotique qui ne siérait point à la représentation de ce Kirtana.
J'espère de pas avoir à attendre cinq ans supplémentaires pour assister à nouveau à un récital de cette danseuse dont le travail me semble admirable.
2019-01-03 13:53+0530 (சென்னை) — Culture — Musique — Danse — Danses indiennes — Culture indienne — Voyage en Inde XVIII
The indian fine arts society, Ethiraja Kalyana Nilayam, Chennai — 2019-01-02 à 16:30
Kum. Sruthi Natanakumar, danse bharatanatyam
K. Kalyanasundaram, nattuvangam
Smt Vidya Harikrishna, chant
Vedakrishnaram, mridangam
Kannan, violon
?, flûte
Thorayamangalam “Jaya janaki ramana...”
Padavarnam (Raga Shankarabharanam, Adi Tala)
“Sabaapathikku” (Rupaka Tala, Raga Abogi ?), composition de Gopalakrishna Bharati
Thillana (Raga Atana, Adi Tala), composition de Ponniah Pillai
Click here to read an English translation of this review.
Le frissonomètre a atteint d'irrésistibles sommets aujourd'hui lors du récital de Kum. Sruthi Natanakumar, disciple et petite-fille du Nattuvanar Guru K. Kalyanasundaram dont la famille est installée à Mumbai depuis les années 1940. (Sa famille et celle de K. P. Kittappa Pillai sont les représentants les plus éminents du style dit de Thanjavur, mais je ne sais pas très bien ce que cela veut dire puisque les styles de Kittappa et de Kalyanasundaram sont me semble-t-il aussi différents l'un de l'autre qu'ils ne le sont des autres styles..)
Le maître est un personnage très attachant. Juste avant que le récital commence, un (autre) homme très âgé est entré. Je n'ai pas entendu son nom, mais il fait semble-t-il comme lui partie d'une famille traditionnelle. Guruji (Kalyanasundaram) s'est approché de lui, avec ses jambes de 86 ans. Guruji s'était exprimé jusque là en tamoul, et quand il m'a vu au deuxième rang, il m'a demandé sans formalité en anglais “Does my tamil bother you?” et dans quelle mesure je comprenais le tamoul, j'ai répondu en hindi “Thora thora”, dont il a délicieusement donné une traduction tamoule.
La première pièce est Thodayamangalam, un ensemble de cinq compositions dédiées à Vishnu (sous la forme de Rama ou de Krishna) qui sont dans différents talas (Khanda Chapu, Mishra Chapu, Rupaka, Adi, m'a-t-il semblé) et qui sont séparées par des Tirmanams. C'est un plaisir immense pour moi d'entendre la voix de Kalyanasundaram récitant les onomatopées des passages rythmiques. La danseuse est précise rythmiquement et j'apprécie la douceur qu'il y a chez elle dans le haut du corps : ses positions de bras et de mains sont très précises, mais elle les exécute de façon gracieuse, pas du tout militaire.
La pièce principale a été un Padavarnam en Raga Shankarabharanam et Adi Tala. Guruji a pas mal parlé (en tamoul et un tout petit peu en anglais par égard pour moi !) pour présenter les pièces. Pour celle-ci, il a dit dans le langage de la musique plus qu'en tamoul que le texte commençait après “Ta ki ta”, autrement dit que dans la première moitié du Varnam les paroles commencent sur le et après le deuxième des huit temps d'Adi Tala. Il a aussi expliqué qu'il utilisait des combinaisons de syllabes traditionnelles, comme “ta-dit-dit-ta”. En entendant et en voyant ses Tirmanams, il apparaît évident que cet homme est un génie, tout simplement... Bien d'autres mridangistes et chorégraphes utilisent le même type d'ingrédients pour construire leur tirmanams, mais K. Kalyanasundaram est un des très rares à savoir faire de la bonne cuisine... Le troisième Tirmanam a été entièrement en usi (à contretemps). Assez souvent, certaines courtes formules conclusives ont été jouées en tishra-nadai (à l'échelle d'un temps du cycle ou de la moitié d'un temps). La plupart des Nattuvangam artists ralentissent quand ils basculent en tishra-nadai, mais Guruji a une maîtrise absolue de la régularité de la pulsation (Kalapramanam). Bien que la danse soit rythmiquement très complexe, je n'ai eu aucune difficulté à suivre le tala pendant l'ensemble du récital.
L'étroitesse du créneau horaire ne permettait pas de très longs développements dans l'Abhinaya : les lignes d'Ettugada Sahitya n'ont été interprétées qu'une seule fois (en Tattu Muttu). Il y a néanmoins eu un délicieux Sanchari pour la deuxième ligne du Pallavi dans lequel l'amour de l'héroïne pour la divinité lui fait perdre le goût pour la musique, etc. Les chorégraphies ne montrent le plus souvent que l'héroïne. Ici, c'était comme un dialogue entre l'héroïne et son amie (sakhi), qui tente tout pour lui faire retrouver le goût des choses. Celle-ci prépare un verre de lait, mais l'héroïne le refuse. Dans le lit de fleurs, elle tombe sur une épine. Plus loin, dans son sommeil, elle voudrait rêver, mais c'est un cauchemar qu'elle fait.
Pendant l'ensemble du récital, la sonorisation de la chanteuse n'était sans doute pas bien réglée, contrairement à celle du Nattuvanar : je n'arrivais pas à distinguer les consonnes dans le chant de Vidya Harikrishna, ce qui m'a rendu quasiment impossible d'entendre les mots chantés. En particulier, je n'ai pas réussi à bien rentrer dans la pièce suivante sur Shiva, dans sa forme résidant à Chidambaram. Bref, je n'ai pas toujours réussi à bien distinguer l'intention dans certains passages expressifs. La danseuse semblait très convaincante dans son interprétation, mais je n'arrivais pas à distinguer le sens. Cela dit, je préfère me perdre parfois et me sentir subjugué par le spectacle comme cela a été le cas lors de ce récital, plutôt que d'assister un spectacle en ayant le sentiment de voir toutes les ficelles...
(Guruji a fait à un moment une remarque sur sa façon de chorégraphier les Tattu Muttu, ces passages dans lequels la danseuse interprète le texte tout en effectuant des motifs rythmiques précis avec les pieds. Pendant tout le récital, les motifs rythmiques des Tattu Muttu ont été beaucoup plus complexes que ce que l'on voit d'habitude (beaucoup de takadimi, parfois un peu de takita à la fin des phrases, ces motifs étant construits en général indépendamment de la prosodie du texte). Dans le style de Kittappa Pillai (qui était aussi de la Thanjavur bani), la prosodie du texte prime sur le tala : les contours rythmiques des Tattu Muttu épousent les contours des mots, et comme les mots ont des durées musicales différentes, les motifs rythmiques peuvent sembler très complexes, mais comme ils sont extrêmement musicaux, ils sont d'autant plus agréables à danser. Dans la mesure où la sonorisation imparfaite m'empêchait de bien distinguer les consonnes dans le chant, je ne saurais dire si Guruji suit le même principe associant de façon harmonieuse poésie, musique et danse.)
Le récital s'est poursuivi avec un sublime Thillana. Je me suis particulièrement délecté lors des Mai adavus dans lesquels la danseuse a montré une maîtrise complète des contretemps, la plupart des séquences commençant usi (off-beat). Un véritable festin rythmique !
Je me perds un peu dans mes notes, mais la danseuse a dû conclure son récital par une courte pièce dédiée à Muruga.
Pendant ce récital d'après-midi, plusieurs fois j'ai cru mourir de plaisir ! Avec la programmation folle à Chennai, j'aurais bien pu aller à un ou deux autres récitals dans la foulée, mais j'ai préféré rester sur le sentiment de plénitude apporté par Sruthi & K. Kalyanasundaram.
⁂
This is a translation of the above review in French.
Today, my goosebumps-meter has reached irresistible heights during the recital by Kum. Sruthi Natanakumar, disciple and grand-daughter of Nattuvanar Guru K. Kalyanasundaram, the family of whom settled in Mumbai in the 1940s. (His family and the family of K. P. Kittappa Pillai are the most eminent representatives of the Thanjavur style (or bani), but I am not sure what it means exactly as I feel that Kittappa's and Kalyanasundaram's styles are as different from each other than they are from the other styles.)
The maestro is a very engaging and charming person. Just before the recital started, another older man entered. I did not understand his name, but it seems he also belongs to a traditional family of artists. Guruji (Kalyanasundaram) approached him, with his 86-year old legs. Guruji had spoken only in tamil until then, but when he saw me sitting in the second row, he casually asked me in English “Does my tamil bother you?” and to what extent I would understand tamil, I answered in hindi “Thora thora”, which he deliciously translated into tamil.
The first item was Thodayamangalam, which is a set of five compositions dedicated to Vishnu (under the form of Rama or Krishna). They are in differents talas (Khanda Chapu, Mishra Chapu, Rupaka, Adi, as it seemed to me) and they are interspersed with Tirmanams. It has been an immense delight for me to listen to Kalyasundaram when he was reciting the shollukattus. The dancer is rhythmically very precise and I like very much the softness in her upper body movements: her positions of arms and hands are very precise, but she performs them in a very gracious manner, not at all in a military style.
The main item was a Padavarnam in Raga Shankarabharanam and Adi Tala. In order to introduce the items, Guruji spoke a lot (in tamil and a little bit in English out of regard for me!). For this item, he said not exactly in tamil but in the language of music that the sahitya would start after “Ta ki ta”, which means that in the first half of the Varnam, the lyrics would start on the "and" after the second of the eight beats of Adi Tala. He also explained that he would use combinations of traditional syllabes like “ta-dit-dit-ta”. By watching and listening to his Tirmanams, it seems obvious to me that this man is a genius. Many other mridangists or choreographers are using the same sort of ingredients in order to construct their tirmanams, but K. Kalyanasundaram is one of the very few who know how to cook good cuisine... The third Tirmanam was entirely in usi (i.e. offbeat). Quite often, it seemed to me that some concluding rhythmic formulas were done in Tishra-nadai (at the small scale of only one beat, or even half a beat!). Many nattuvangam artists slow down a little bit the tempo when they switch to Tishna-nadai, but Guruji has an absolute mastery over the regularity of the pulse (Kalapramanam). Although the dance was rhythmically very complex, I did not feel any difficulty to follow the tala during all the recital.
Unfortunately, the shortness of the dance slot did not allow long elaboration in the Abhinaya: the Ettugada Sahitya lines have been performed only once (in Tattu Muttu). However, the dancer exquisitely performed a Sanchari for the second line of the Pallavi. Because of her love for the God, the Nayika loses her taste for music, etc. Most choreographies would show only the Nayika. Here, it was interestingly staged as a dialogue between the Nayika and the Sakhi who is trying all her best to make the Nayika recover her taste for all the beauty in life. The sakhi would prepare a glass of milk, but the heroin would refuse it. In a bed of flowers, she would find only a thorn. Later, in her sleep, she would like to dream, but she is only doing a nightmare.
During the recital, the tuning of the microphone was good for the Nattuvanar, but not for the singer; then, I was not able to distinguish the consonants in the beautiful singing of Vidya Harikrishna. This prevented me from understanding some words in the sahitya. In particular, I could not enter properly into the following item on Shiva, in his form residing in Chidambaram. In short, I could not fully get the intention in the expressive sections. The dancers seemed very convincing in her interpretation, but I could not follow the meaning. However, I prefer being sometimes lost and overwhelmed by the dance as it has been the case in this item, rather than attending programmes where I would feel I understand everything and that I could pull all the narrative strings myself.
(At some point, Guruji made a remark about his way of choreographying the Tattu Muttu, these segments where the dancer interprets the sahitya while executing specific precise rhythmic footwork.) During all the programme, I have felt that the Tattu Muttu patterns have been much more complex than what we usually see (which is lots of takadimi, sometimes some takita in second half of sahitya lines, i.e. patterns that are usually constructed independently of the prosody of the text). As I have been taught by Sucheta Chapekar (guru of my teacher in Paris), in the style of Kittappa Pillai (also from the Thanjavur bani), the prosody of the text is more important than the tala: the rhythmic contours of the Tattu Muttu follows the contours of the words, and as the words have longer or shorter musical lenghts, the rhythmic patterns of the Tattu Muttu may seem very comlpex, but as they are extremely musical, they are a real pleasure to perform. Because the microphone of the vocalist was not properly tuned, I could not properly distinguish the consonants in the singing. Then, I am not able to say whether the principles following by Guruji are the same as Kittappa's in their way of bringing together in a harmonious manner the poetry, the music and the dance.)
The recital continued with a sublime Thillana. I have particularly enjoyed the Mai adavus during which the dancer proved a full mastery over off-beats: most of these sequences started usi. An authentic rhythmic delight!
I am a little bit lost in my notes, but it seems the dancer ended her recital with a short item on Muruga.
During this afternoon recital, several times it was as if I was about to faint or die from the intense aesthetic pleasure I was feeling! Due the crazy schedule of performances in Chennai, I could have attended one or two other recitals just after this one, but I preferred staying with this sentiment of fullness brought by Sruthi & K. Kalyanasundaram.
2019-01-02 22:12+0530 (சென்னை) — Culture — Musique — Danse — Danses indiennes — Culture indienne — Voyage en Inde XVIII
The indian fine arts society, Ethiraja Kalyana Nilayam, Chennai — 2019-01-02 à 15:15
Rashmi Menon, mohiniattam
Shloka “Gajananam...” (Raga Shanmukhapriya)
Kirtana (Raga Shanmukhapriya, Adi Tala), composition de Papanasam Sivan
Dasavatar (Ragamalika, Adi Tala), extrait du Gita-Govinda
Histoire de Kuchela (Raga Shri, Adi Tala)
“Krishna ni en ariyala...” (Ragamalika/Talamalika), poème de Sudatakumar
Je divise en deux le compte-rendu de la journée, parce que même si les deux récitals étaient l'un à la suite de l'autre au même endroit, cela n'aurait aucun sens de les regrouper.
Le premier récital vu cet après-midi était celui de la danseuse de mohiniattam Rashmi Menon (qui pratique aussi le kuchipudi et le bharatanatyam). Ses gurus de Mohiniattam ont été Kalamandalam Kalyanikutti Amma, puis Kalamandalam Kshemavathy. Elle se perfectionne en Abhinaya auprès de Bragha Bessel.
Le costume et le style d'Abhinaya est typique des formes de théâtre dansé du Kerala, mais à part cela, rien ou presque n'indiquait qu'il s'agissait de mohiniattam puisque la jeune danseuse n'a me semble-t-il pas exécuté le moindre adavu : il n'y a eu aucun véritable passage de danse pure dans tout le récital.
L'Abhinaya de la danseuse n'est pas très élaboré. À part dans la toute dernière pièce que je n'ai pas regardée avec beaucoup d'attention, j'ai l'impression d'avoir compris presque de 100% de l'intention narrative, qui me semble globalement manquer de subtilité. La musique enregistrée obéit à une esthétique qui n'est pas vraiment la mienne, puisqu'il y avait d'assez horribles sons de sitar ou de vina au début de chaque pièce. Après le Shloka sur Ganesh et la première pièce dédiée à Shiva, la danseuse a représenté les 10 avatars (canoniques) de Vishnu. Krishna a été montré comme protecteur de Draupadi. Buddha et Kalki ont été représentés, ce qui n'est pas extrêmement courant dans les représentations de Dasavatars.
Dans une pièce relatant la rencontre entre Kuchela et Krishna après de longues années de séparation, le personnage de Kuchela n'apparaît que de façon anecdotique. Il s'agit surtout pour la danseuse de développer un épisode à la gloire de Krishna au travers de son apparition indiscutablement spectaculaire à Arjuna quand il lui enseigne la Bhagavad-Gita. La représentation de Krishna comme cocher d'Arjuna ne m'a pas semblé très convaincante, et globalement les personnages sont insuffisamment caractérisés à mon goût.
La dernière pièce contenait une étrange combinaisons de talas, le motif récurrent étant en Tishra-nadai Adi Tala.
2019-01-02 12:20+0530 (சென்னை) — Culture — Musique — Danse — Danses indiennes — Culture indienne — Voyage en Inde XVIII
Music Academy, Kasturi Srinivasan Hall, Chennai — 2019-01-01 à 08:00
Anugrah Lakshmanam Group
Devotional Music
J'ai assisté à la clôture de la conférence de la Music Academy. Il n'y avait pas grand monde pour ce bilan. Il y a d'abord eu un mini-concert de bhajans par l'Anugrah Lakshmanam Group. Ils ont chanté des compositions dans différents Talas habituels comme Adi, Mishra Chapu, Rupaka, mais aussi dans des Chapu Talas très originaux. Un d'entre eux était à 16 temps découpés en 5+5+2+2+2. Un autre était à 8 temps découpés en 3+2+3.
Le bilan a ensuite été fait par V. Sriram qui avait fait le chairman pendant les lec-dems. Puis, le mridangiste Sangita Kalanidhi Umayalpuram K. Sivaraman a complimenté l'équipe organisatrice. D'autres personnes sont intervenues, y compris dans le public pour poser des questions et formuler des suggestions pour les années futures. La conclusion a été faite par la chanteuse Aruna Sairam, qui n'était alors que Sangita Kalanidhi designate, et qui depuis hier après-midi est officiellement devenue Sangita Kalanidhi, le plus haut titre existant dans le monde de la musique carnatique.
2019-01-01 12:12+0530 (சென்னை) — Culture — Musique — Danse — Danses indiennes — Culture indienne — Voyage en Inde XVIII
Kartik fine arts, Bharatiya Vidya Bhavan, Chennai — 2018-12-31 à 19:30
Neena Prasad, mohiniattam
Sharanya, nattuvangam
Madhav Namboodiri, chant et compositions musicales
Ramesh Babu, mridangam
Easwar Ramakrishnan, violon
Solkattu (Khanda Triputa Tala, Raga Hamsadhwani)
Prabandham “Panjajakshana” (Rupaka Tala, Raga Todi)
Padavarnam “Mate Ganga Tarangini” (Mishra Chapu Tala, Raga Kamboji)
Ashtapadi “Kuru Yadu Nandana” (Raga Pantuvarali, Adi Tala, poème de Jayadeva)
Thillana (Adi Tala, Raga Bihag)
Mangalam
Comme la veille, j'ai pu voir la subtile beauté du mohiniattam, avec cette fois-ci le guru de Thomas Vo Van Tao : Dr. Neena Prasad. Les musiciens de la veille ont été rejoints par le violoniste Easwar Ramakrishnan et une élève de la danseuse (Sharanya ?) a joué le nattuvangam. Dans tout ce récital, j'ai apprécié la très grande musicalité de la danseuse et son immense talent dans l'art de l'Abhinaya.
Elle a commencé son récital par un Solkattu dans lequel elle a inséré un Shloka d'une Upanishad sur le guru.
La deuxième pièce représente la procession de la divinité du Temple Padmanabhaswamy de Trivandrum. La chorégraphie représente notamment les porteurs ainsi que la foule des dévots qui cherchent à apercevoir le dieu. Certains se mettent sur la pointe des pieds. D'autres font grimper leur enfant sur leurs épaules. Une dame courbée par le grand âge ne peut semble-t-il que le voir en pensée.
Depuis des années, j'espérais voir un Varnam sur le thème de Ganga. Ce souhait a enfin été exaucé. Cette pièce a initialement été enseignée à la danseuse par Guru Kalamandalam Sugandhi, et elle a été remise en musique par le chanteur Madhav Namboodiri. Je crois que c'est la première fois que je vois un Varnam en Misra Chapu. Un des passages rythmiques (le deuxième il me semble) utilisait beaucoup de contretemps entre les temps forts du cycle et les pas de danse. Les lignes de texte représentent chronologiquement la descente de la rivière Ganga, des cieux jusqu'à la Terre grâce à l'intervention de Bhagiratha pour permettre l'accomplissement des derniers rites pour les 60000 fils du roi Sagara, et enfin pour devenir une rivière sacrée dans laquelle les dévots de baignent rituellement. Après que la rivière a été faite prisonnière de la chevelure de Shiva, le moment le plus délectable a été pour moi la scène de jalousie de Parvati, dont Shiva est tombé amoureux et qu'il ne veut plus relacher.
Le point culminant de récital – et à ce jour le point culminant de ce séjour en Inde en tant que spectateur – a été son interprétation du dernier Ashtapadi “Kuru Yadu Nandana”. Tout simplement sublime !
Le récital s'est conclu par un Thillana dont le Caranam était consacré à Krishna, celui qui porte la flûte (Murali).
2018-12-31 08:11+0530 (சென்னை) — Culture — Musique — Danse — Danses indiennes — Culture indienne — Voyage en Inde XVIII
Art on the Terrace, Chennai — 2018-12-30 à 18:30
Thomas Vo Van Tao, mohiniattam
Neena Prasad, nattuvangam
Madhav Namboodiri, chant
Ramesh Babu, mridangam
Solkattu (Mishra Triputa Tala, Raga Gambhira Nattai)
Varnam (Adi Tala, Raga Shankarabharanam)
Panchakshara Stotram “Nāgendrahārāya” (Adi Tala, Raga Purvikalyani)
Thillana (Rupaka Tala, Raga Tillang), composition de Madhav Namboodiri
Mangalam
Comme lors de quelques autres très rares spectacles extraordinaires
auxquels j'ai eu la chance d'assister, je pourrais résumer mes impressions
avec l'unique mot Fantabullissime !
, mais je vais
développer davantage.
D'abord formé au bharatanatyam, Thomas Vo Van Tao s'est tourné vers le mohiniattam il y a une petite dizaine d'années environ. Il se forme auprès de son Guru Dr. Neena Prasad qui dirigeait le récital de ce soir, donné sur une terasse à Besant Nagar, au Sud de Chennai. L'orchestre a été magnifique. Une des particularités du mohiniattam par rapport au bharatanatyam est que dans la pièce principale (Varnam) les parties techniques de la première moitié ne sont pas accompagnées d'onomatopées rythmiques (Jati) comme dans le contexte du bharatanatyam, mais elles sont accompagnées par le texte (Sahitya) de la composition. En l'absence d'un autre instrument mélodique, c'est forcément au chanteur de répéter les lignes de texte, et il l'a remarquablement fait en changeant l'intention dans chaque répétition du texte, notamment en en modifiant la mélodie. Le percussionniste a bien fait deux ou trois petites acrobaties, mais il était magnifiquement tourné vers l'esthétique de la danse : quand l'art de l'expression l'exigeait, il savait mettre en valeur une pause ou pose dans la chorégraphie. (Note : dans ce récital de mohiniattam, et comme cela devrait aussi plus souvent être le cas en bharatanatyam, les poses ne sont jamais mortellement immobiles, elles sont pleines de vie.)
Après un magnifique Namaskar (commençant par un très beau demi- ou trois-quarts-de-plié à la seconde), la première pièce est un Solkatu. Il s'agit d'onomatopées rythmiques chantées sur un rythme assez complexe à 11 temps, chaque temps comptant en fait pour deux, donc on peut le considérer comme un cycle à 22 temps. La composition et la danse sont faites à différentes vitesses, y compris en utilisant des subdivisions en trois des 22 temps, ce qui demande de répéter trois fois la phrase chantée pour faire un nombre entier de cycles avant de passer à une autre vitesse. La technique de danse de Thomas Vo Van Tao est superbe et très musicale. Il danse magnifiquement bien, en toute simplicité. Les contacts de pieds avec le sol sont moins rapides que dans la danse bharatanatyam, mais ici le corps tout entier est constamment en mouvement, ce qui permet aux spectateurs d'apprécier certes les différentes positions du corps mais aussi et surtout le mouvement entre les positions.
La pièce principale est un Varnam dédié au dieu Rama. Dans le Pallavi, après une introduction et un passage rythmique (accompagné par le chant), le danseur développe un épisode extrait du Mahabharata. Il est heureux que le danseur ait présenté cet épisode avant de danser la pièce. Je ne sais pas s'il figure dans toutes les éditions intégrales du Mahabharata. Lors d'un des voyages d'Arjuna, il serait allé à Rameshwaram et aurait rencontré le singe Hanuman qui le met au défi de constuire un pont tout comme l'armée des singes avait construit un pont pour rejoindre Lanka. Hanuman détruit d'un coup de pied le pont de flèches construit par Arjuna. Un deuxième essai est accordé, mais cette fois-ci, avec un brahmane comme témoin. Alors qu'il grandit pour détruire le pont, Hanuman renonce à le détruire parce qu'il sent que le brahmane le met lui aussi à l'épreuve : le brahmane ne peut être que Rama en personne.
Je n'ai pas bien compris le sens de l'Anupallavi qui n'a pas été développé, si ce n'est qu'il était question de Kama. Il est important de savoir que les mouvements de mains sont assez différents entre le bharatanatyam et le mohiniattam... Dans ce style, l'expression est aussi ornementée de très nombreux micro-mouvements, notamment au niveau du visage (sourcils, petits mouvements latéraux et la tête, etc.). Après un élégant Muktayi Swaram et la section d'Abhinaya associée, le tempo accélère légèrement pour la deuxième moitié du Varnam. La ligne de texte du Caranam contient très distinctement le nom de Gautama, ce qui m'a permis de comprendre immédiatement que c'était l'histoire d'Ahalya qui serait explorée. Alors que son mari Gautama était allé se rafraîchir à la rivière, Indra prend son apparence pour séduire Ahalya. Quand Gautama rentre, il comprend ce qui s'est passé et les maudit. Ahalya est transformée en pierre et retrouve la vie quand bien plus tard Rama la touche du pied. (Si je n'avais pas entendu le mot Gautama dans le texte, je n'aurais compris qu'il s'agissait de l'histoire d'Ahalya qu'à la toute fin de la séquence ! C'est vraiment par chance que j'ai pu apprécier les nuances de cette interprétation.) La structure de la suite du Varnam est comparable à ce qui se fait en bharatanatyam. On trouve ainsi des passages rythmiques accompagnés d'une mélodie solfiée (Ettugada Swaram), puis sur la même mélodie un texte est chanté (Ettugada Sahitya), un petit nombre de fois, la dernière étant en Tattu Muttu. Comme il n'y a pas véritablement de place pour l'élaboration, le sens est beaucoup plus fugitif. Je me souviens simplement que le dernier semblait être sur le thème de l'amour, évoqué notamment par des lèvres de lotus.
Ce Varnam et la pièce qui suit ne font sans doute pas partie du
répertoire de mohiniattam le plus traditionnel. Cette forme de danse est
quasi-exclusivement pratiquée par des femmes. Quelques interprètes masculins
portant le costume féminin interprètent aussi cette danse de
l'enchanteresse
qui aborde le plus souvent le sentiment amoureux d'un
point de vue féminin. D'après ce qu'une de ses condisciples m'a confié,
Thomas Vo Van Tao est le premier danseur masculin qui a à son répertoire
des pièces de mohiniattam qui se placent résolument du point de vue
masculin (comme dans le Varnam) ou qui abordent d'autres
thèmes. Il faut vraiment féliciter Thomas Vo Van Tao et son guru Dr. Neena
Prasad pour ce travail.
La pièce qui suit est une représentation dansée du Panchakshara Stotram “Nāgendrahārāya” (d'Ādi Śaṅkarācārya) basé sur le mantra (Om) Namah Shivaya. Après un Shloka introductif, les cinq parties de la pièce sont la mise en musique de vers commençant par l'une des cinq syllabes du mantra. Le sens de chacun des cinq vers est montré dans la danse de façon extrêmement claire et surtout très belle. Je ne vais pas développer puisque sinon je serais obligé de citer intégralement le poème.
Ce superbe récital s'est terminé par un Thillana et un Mangalam.
2018-12-30 00:47+0530 (சென்னை) — Culture — Musique — Danse — Danses indiennes — Culture indienne — Voyage en Inde XVIII
Music Academy, Kasturi Srinivasan Hall, Chennai — 2018-12-29 à 08:05
Vidushi Kalyani Ganesan
Chittaswarams composed by Vainikas
J'ai assisté aux deux exposés de la session matinale de conférences à la Music Academy. Le premier discutait des Chittaswarams (séquences de notes solfiées) composées par des Vainikas (c'est-à-dire des musiciens qui jouent de la vina). La viniste Kalyani Ganesan est accompagnée de ses élèves qui chantent les exemples donnés. Un certain nombre d'entre eux viennent de Muthuswamy Dikshitar et des musiciens de sa lignée, parmi lesquels l'auteur du Sangita Sanpradaya Pradarshini. L'exposé était en tamoul, mais les textes projetés sur un écran étaient en anglais. Un exemple amusant était une mélodie en palindrome pour la composition Kamala bajane (Raga Kedaram, Adi Tala) de Muthuswamy Dikshitar.
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Music Academy, Kasturi Srinivasan Hall, Chennai — 2018-12-29 à 09:05
Aruna Sairam, chant
Ragavendra Rao, violon
Vaidyanathan, mridangam
The impact of Bhajana Sampradaya on Carnatic Music
La salle était pleine parce que l'exposé suivant était confié à Aruna Sairam, qui va recevoir le premier janvier le titre de Sangeetha Kalanidhi. Elle a discuté de la tradition de chant de bhajans, dans laquelle la communauté d'auditeurs participent en chantant dans un cadre dévotionnel, contexte qui s'oppose a priori au concert, où la musique est jouée dans but purement esthétique. Elle a donné de nombreux exemples de compositions, et aussi d'échanges entre ces deux traditions. Par exemple, elle a suggéré que les Chapu-talas viendraient d'une pratique de compositions jouées à vitesse rapide dans un cadre dévotionnel.
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Narada Gana Sabha, Narada Gana Sabha (Main Hall), Chennai — 2018-12-29 à 13:45
Sudharma Vaithiyanathan, danse bharatanatyam
A. Lakshmanaswamy, nattuvangam, chorégraphies
K. Hariprasad, chant
Nellai D. Kannan, mridangam
Kalaiarasan Ramanathan, violon
Pushpanjali (Adi Tala, Raga Arabhi), composition de Dr. M. Balamuralikrishna
Varnam “Samiyai Azhaittu” (Raga Khamas, Adi Tala), composition du Thanjavur Quartette
Shloka “Rāmo nāma babhūva...”
Ashtapadi “Yahi Madhava” (Adi Tala, Raga Sindhu Bhairavi)
Javali (Raga Paras, Adi Tala)
Tillana (Raga Desh, Adi Tala), composition de Lalgudi Jayaraman
Mangalam
Premier grands frissons de la saison pour moi en matière de récital de danse solo. J'avais déjà assisté à un récital de la danseuse Sudharma Vaithiyanathan en 2015 lorsqu'elle avait eu le premier prix ex-aequo du Festival Spirit of Youth. Tous les paramètres sont au plus haut : les chorégraphies de son guru A. Lakshmanaswamy sont magnifiques (et très musicales), le chanteur K. Hariprasad et le violoniste Kalaiarasan sont excellents et le percussionniste Nellai D. Kannan est tout simplement sublime ! La technique de la danseuse est magnifique : il n'y a pas un mouvement qui soit fait à moitié.
Après un Pushpanjali, la danseuse a interprété un des Varnams les plus dansés (celui en Khamas du Thanjavur Quartette) dédié à Sundareswarar, la forme de Shiva résidant à Madurai. Très beau premier Jati avec d'assez longs silences (karvais) avant de reprendre certains mouvements. La danse est très élégamment ornementée, avec un très beau phrasé : rien n'est mécanique, même quand la danseuse doit alterner rapidement entre la position debout et le grand-plié. Dans l'Abhinaya, l'élaboration est magnifique. Par exemple, la première ligne du Pallavi est d'abord jouée uniquement avec les yeux. Puis, la danseuse suit le mot-à-mot du texte tout en donnant vie aux personnages : l'héroïne implore son amie d'aller transmettre son message à Shiva. Cette présentation du texte est répétée à de nombreuses reprises, sans jamais ennuyer puisqu'il y a toujours des variations significatives d'une fois sur l'autre. Et alors seulement, la danseuse développe un Sanchari : touchée par les flèches de Kama, elle perd l'appétit et le sommeil, et supplie son amie d'aller trouver Shiva pour qu'il vienne. Ensuite viennent les Tattu Muttu (partiellement à contretemps), des marches en arrière, une pause, puis des marches en diagonales avant de démarrer le Jati suivant. Je connaissais déjà le deuxième puisque j'ai vu Geoffrey Planque le danser dans un autre Varnam. Plus loin, l'héroïne demande au grand Shiva, beau comme la Lune de ne pas rester indifférent. La grandeur de Shiva est le thème de cette partie puisqu'un Sanchari développe la légende de la colonne de lumière en laquelle Shiva s'était manifesté : il avait défié Vishnu et Brahma d'en trouver les extrémités, mais aucun n'avait réussi. La chorégraphie ne représente que la tentative de Vishnu qui s'en va vers le bas de la colonne, en vain. Le troisième Jati utilise beaucoup l'espace scénique et utilise astucieusement des contretemps. Dans l'Anupallavi, on est dans la ville de Madurai et l'héroïne s'émerveille du temple qui s'y trouve. La chorégraphie représente ses différents gopurams, le bassin de lotus, le Shiva-lingam et celle aux yeux de lotus (Meenakshi). Plus loin, elle cherche l'union avec Shiva. L'héroïne se donne des airs de timide, mais son amour est trahi par ses yeux, et on la voit aussi préparer un lit de fleurs... Le Muktayi Swaram est très élégant. Le texte associé semble évoquer les pieds de lotus de Shiva et le dieu de l'Amour. La deuxième moitié du Varnam tourne autour du sentiment amoureux provoqué par les flèches de Kama, suggéré par le butinement des abeilles et le son des couples d'oiseaux. À la fin du dernier Ettugada Swaram, la danseuse exécute un formidable saut en avant typique de la tradition Vazhuvoor. Souffrant de la séparation, l'héroïne demande finalement à un oiseau de transmettre son message à Shiva.
Ensuite, la danseuse a magnifiquement bien interprété trois pièces de pur Abhinaya. La première était un Shloka “Rāmo nāma babhūva...” extrait du Krishna-katha. Magnifiques doubles cordes du violiniste dans l'introduction de la pièce dans laquelle Yashoda essaie de coucher Krishna, mais il demande qu'elle lui raconte une histoire. Il ne veut pas d'une histoire d'oiseaux ou de lion, mais il est partant pour l'histoire de Rama. La narration va de la naissance de Sita jusqu'à son enlèvement par Ravana. D'une part, la danseuse doit incarner les différents personnages du Ramayana, et d'autre part elle doit souvent revenir au rôle de Yashoda qui est une conteuse pour Krishna. Elle ne peut montrer les réactions de Krishna qu'au travers du regard de Yashoda. Quand Krishna prend peur alors que Sita vient d'être enlevée, Yashoda le rassure en lui disant que cela se finit bien (ce qui, au passage, est un peu discutable..) Finalement, elle le berce et il ferme les yeux.
Le récital s'est poursuivi avec l'Ashtapadi “Yahi Madhava”. Radha prépare un lit de fleurs et une guirlande pour Krishna, mais elle l'attend en vain toute la nuit. Quand il arrive, elle lui fait des reproches. Elle remarque par exemple une marque sur ses lèvres, mais il prétend avoir mangé des baies. Les griffures sur son corps s'expliquent par le frottement des branches de la forêt qu'il a traversée. Qu'il arrête ses paroles mielleuses (je traduis ici littéralement la chorégraphie) ! Elle finit par détruire son lit de fleurs.
Je n'ai pas absolument tout compris au Javali (Raga Paras/Adi Tala) qui a été interprété de façon très sarcastique ! À la fin, l'héroïne qui vient de recevoir une flèche florale de Kama se retourne et renvoie la fleur à l'envoyeur !
Le récital d'une heure et demie s'est terminé par un beau Thillana et un Mangalam.
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Sri Mutha Venkatasubbarao Concert Hall, Chennai — 2018-12-29 à 19:00
TM Krishna, chant
Dr. R. Hemalatha, violon
Praveen Kumar, mridangam
Delhi Sairam, mridangam
BS Purushothaman, kanjira
Il s'agit de l'unique concert de TM Krishna pendant la saison des concerts. Ses concerts ne ressemblent pas du tout à ceux des autres musiciens. D'un concert à l'autre, il ne se ressemble pas non plus à lui-même : c'est toujours très différent. Il a élaboré des Alap et chanté des compositions utilisant des tempis très lents. Il ne clappe pas vraiment le Tala, ou s'il le fait, c'est souvent plus confusogène qu'autre chose. Même les connaisseurs avaient beaucoup de mal à suivre, et y compris les autres musiciens : il a semble-t-il un peu chambré les percussionnistes quand ils les a complètement perdus au début d'une des compositions.
Il s'agissait d'un concert caricatif en faveur du chœur d'enfants Nalandaway. Les jeunes musiciens ont rejoint le maître à la fin du concert pour interpréter plusieurs compositions, dont un mix entre deux Thillanas en Adi Tala et Raga Khamas (compositions de Pooci Srinivasan Iyengar et de Lalgudi Jayaraman), et pour conclure, une composition de Rabindranath Tagore.
2018-12-28 23:24+0530 (சென்னை) — Culture — Musique — Danse — Danses indiennes — Culture indienne — Voyage en Inde XVIII
Kartik fine arts, Bharatiya Vidya Bhavan, Chennai — 2018-12-28 à 19:30
Jyotsna Jagannathan, danse bharatanatyam
S. Srilatha, nattuvangam
Murali Parthasarathy, chant
Ramesh Babu, mridangam
Smt. K. P. Nandhini, violon
Muthu, flûte
Nandichol (Tishra Triputa Tala), composition de Ramesh Babu
Varnam (Adi Tala), composition de K. Hariprasad
Padam (Mishra Chapu Tala), composition d'Aditya Prakash d'après un poème de Surdas
Thillana (Raga Shankarabharanam, Adi Tala), composition de Pooci Srinivasan Iyengar
Récital dans lequel tout est fait pour être joli, mais pour moi sans émotion. C'est une des premières représentations de danse que je vois lors de ce séjour pour laquelle la salle est très bien remplie, le Who's who du bharatanatyam étant aussi très bien représenté.
Ancienne disciple de Guru A. Lakshman Swamy, Jyotsna Jagannathan travaille maintenant avec Malavika Sarukkai et Bragha Bessel. La première pièce est un Nandi-chol. La récitation par S. Srilatha sera magnifique pendant tout le récital. Il y a quelque chose dans sa façon de réciter qui fait que l'on continue à bien sentir la pulsation principale même pendant les passages les plus complexes. Je n'ai ainsi eu aucun problème à suivre le cycle rythmique pendant le passage en Tishra-nadai et le retour en Chatushra. La chorégraphie est délicieuse, mais je ne comprends pas l'intérêt de cette pièce si ce n'est qu'elle remplit un quart d'heure dans le créneau. La fin est toute mignonne puisqu'après avoir joué du mridangam, Nandi la monture de Shiva reçoit de celui-ci le tambour Damaru et commence à jouer avec...
La pièce principale est dédiée à Ranganatha (Vishnu). Il s'agit d'un Varnam composé par le chanteur K. Hariprasad. Le Trikala Jati est très bien chorégraphié, même si je n'apprécie pas la première vitesse qui est beaucoup trop mécanique. Dans la première ligne du Pallavi, l'héroïne cherche le bras protecteur de Vishnu. Cela donne l'occasion à la danseuse de faire pas moins de cinq courts Sancharis autour des bras de Vishnu et de son rôle de protecteur, un autour de la conque et du disque qu'il porte, un autre autour de la montagne Govardhana qu'il avait soulevée, un autre autour de Draupadi, sauvée dans l'épisode de la partie de dés, un dernier autour de l'éléphant Gajendra, et encore un autre que j'allais oublier à propos du Rasalila, Krishna tenant les gopis par la main. Plutôt que d'émouvoir de façon irrésistible, cela fait un peu collection d'images... Très beau deuxième Jati en Tishra nadai. Le quatrième était en Chatushra-nadai, avec parfois de tous petits passages d'un seul temps en Tishra-nadai. Dans la deuxième moitié du Varnam, l'héroïne souffre de la séparation et cherche l'union avec lui. Dans un des passages expressifs, l'héroïne semble demander à un oiseau d'aller transmettre son message à Vishnu dans les trois mondes. Malgré la présence scénique de la danseuse et des lumières très étudiées, je suis resté de marbre pendant la performance. Dans sa technique, elle est parfois légèrement en avance sur la musique et surtout il n'y a pas suffisamment de contrastes dans ses frappes de pieds (il faut regarder ses pieds ou écouter les thalams pour savoir si elle fait des motifs de 4 ou de 3 dans les Tattu Muttu). Son demi-plié est plutôt un quart-de-plié : dans de nombreux gestes techniques, on ne sait pas si elle est censée être debout ou en demi-plié...
Le Padam est très joli, mais il ne donne pas suffisamment à faire ressentir des émotions humaines. On commence par l'image de Rama traversant une forêt inhospitalière (belles doubles cordes dissonantes par la magnifique violoniste KP Nandhini dont le micro était malheureusement mal réglé). Tout dans la Nature rappelle à Rama le souvenir de Sita : ses yeux dans les antilopes, son visage dans la Lune qu'il aperçoit à travers le feuillage des arbres, etc.
Le récital s'est terminé par un Thillana en Adi Tala dédié à Padmanabha qui présentait la particularité de commencer sur le huitième temps, ce qui produit un effet de surprise lorsque les différents enchaînements se terminent...
Pas de Mangalam pour conclure le récital. Cela fait bizarre, une fin aussi abrupte !
2018-12-28 00:50+0530 (சென்னை) — Culture — Musique — Danse — Danses indiennes — Culture indienne — Voyage en Inde XVIII
Natya Kala Conference, Dr. Nalli Gana Vihar, Chennai — 2018-12-27 à 10:20
Aravinth Kumarasamy (Apsara Arts)
The Modern Dance Ensemble
La deuxième journée de la Natya Kala Conference a commencé par une projection d'un film sur Mrinalini Sarabhai, commenté par Sunil Kothari. Je n'y suis pas allé parce qu'il avait déjà présenté ce film à Paris. Le premier exposé a été fait par Aravinth Kumarasamy qui crée des productions de danse avec la compagnie Apsara Arts à Singapour. Il a expliqué son processus de création, les différents types de personnes à réunir en équipe suivant la taille des projets. Il a montré quelques extraits vidéos montrant diverses techniques scénographiques : comme des piliers qui sont déplacés sur scène, l'utilisation de projection vidéo ou de lumières pour créer une certaine esthétique. Il a aussi expliqué comment la forme de danse bharatanatyam pouvait être adaptée pour tenir compte des particularités culturelles de l'Asie du Sud-Est.
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Natya Kala Conference, Dr. Nalli Gana Vihar, Chennai — 2018-12-27 à 11:05
Apoorva Jayaraman, danse bharatanatyam
Shweta Prachande, danse bharatanatyam
Millennial Adavus
La présentation était plus intéressante que le titre. Apoorva & Shweta, deux excellentes disciples de Priyadarshini Govind ont présenté leur approche des adavus : comment les rendre contemporains ? Trois ingrédients : Intention, Innovation, Inspiration. Le plus évident dans leur danse est qu'elles mettent une intention particulière quand elles exécutent un adavu dans un contexte donné. Apoorva sourit et utilise beaucoup les yeux. La palette de Shweta est moins immédiatement impressionnante, mais elle paraît plus riche. Parmi les innovations, il ne s'agit pas forcément de créer de nouveaux adavus, mais de les combiner différemment. Ainsi, elles ont montré comment utiliser dans un jati des mouvements habituellement utilisés comme transition après la conclusion d'un Korvai dans un Jatiswaram. Une combinaison particulièrement impressionnante a consisté à effectuer un tour complet tout en exécutant un tarikitatom. Une autre façon d'innover consistait à créer des enchaînements utilisant des positions connues qui habituellement ne se suivent pas.
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Natya Kala Conference, Dr. Nalli Gana Vihar, Chennai — 2018-12-27 à 11:55
Mrs Akhila Krishnamurthy
Srinidhi Chidambaram
Ms S. Janaki
Nrithya Pillai
Smt Tulsi Badrinath
Caste, Gender, Privilege and their Roles in the Bharatanatyam landscape: A panel discussion (moderated by Sri V Sriram)
Cette discussion est restée au niveau des généralités, sans véritablement rentrer dans le fond du sujet, beaucoup trop large. La partie la plus intéressante est bien sûr venu de Nrithya Pillai qui a partagé le ressenti de sa famille de praticiens héréditaires de la danse. Quand elle apprenait la danse toute petite, on lui disait “This is not for us.” : nous pouvons enseigner, mais pas danser en public. Je l'avais déjà entendue développer davantage sur ce sujet lors d'une conférence en août dernier, et je me disais alors qu'il serait intéressant qu'elle puisse faire le même exposé dans un lieu tel que la Natya Kala Conference.
Actuellement, le problème principal semble être qu'au moins en début de carrière, les danseurs et danseuses doivent payer pour se produire. Il n'y a pas de procédure transparente pour sélectionner les danseurs.
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Vipanchee, R. K. Swamy Auditorium, Chennai — 2018-12-27 à 19:30
Kum. Ananya, Kum. Akshara, Kum. Kirtana, danse bharatanatyam
Swamimalai K. Suresh, nattuvangam, chant
T. Sashidhar, flute
M. Dhanamjayan, mridangam
Invocation “Jayasuda pori...” (Khanda Chapu Tala)
Mallari (Raga Ganapanchaka, Mishra Triputa Tala)
Pada-varna “Deva Munivar...” (Raga Shanmukhapriya, Adi Tala), composition de Lalgudi Jayaraman
Viruttam “Kunitha puruvamum...” / Kirtana Sadanandatandavam (Raga Marudari, Adi Tala)
Thillana (Raga Surutti, Tisra-gati Adi Tala), composition d'Oothukkadu Venkata Kavi
Mangalam
Pour la première fois de ma vie, j'ai vu un Nattuvanar diriger un récital de bharatanatyam. De même que son grand-oncle S. K. Rajarathnam Pillai, Swamimalai K. Suresh dirige et chante. Quel plaisir à écouter !
Toutes les pièces sont exécutées par trois de ses disciples. Les danseuses sont relativement jeunes ; l'exécution n'était pas toujours absolument parfaite, mais elles sont toutes très musicales dans leur danse. Kumari Akshara est particulièrement douée.
Le style de Swamimalai K. Suresh comporte quelques aspects particulièrement Vazhuvoor, mais je vois dans ces chorégraphies dans enchaînements que je n'avais jusqu'à maintenant vus que chez Kuttalam M. Selvam et son père Muthuswamy Pillai.
Dans le Mallari à 11 temps, le rythme des pas est très complexe puisqu'il ne suit ni le tala ni les shollus : on a en quelque sorte une polyrythmie à trois voix.
Le Varnam m'a semblé délicieux. Il s'agit d'une composition de Lalgudi Jayaraman, dont Swamimalai K. Suresh a été un disciple. Le sens du texte est relativement clair dans la gestuelle des danseuses, même si parfois je ne comprends pas tout à fait le sens global de chaque ligne. Les dieux et sages vénèrent le pied de Jagannath. Dans de courts Sancharis, les trois danseuses représentent plusieurs exploits de Vishnu, notamment la libération d'Ahalya (une représentant Ahalya, et les deux autres Rama et Lakshmana). Dans la deuxième ligne, je comprends l'idée que Vishnu protège et que son épouse est Lakshmi. Dans l'Anupallavi, on célèbre les pieds de Vishnu et un Sanchari développe l'histoire de l'avatar du Nain (Vamana). Enfin, il est question de la montagne où il réside (Venkatagiri) et de ses yeux de lotus. Dans cette première moitié de Varnam, les jatis et le Muktayi Swaram sont magnifiquement récités ou chantés, et chorégraphiés avec un grand sens musical et une utilisation intéressante de l'espace. Ainsi, dans le Muktayi Swaram, les danseuses utilisant beaucoup les diagonales, et font des séries de quatre quarts de tour. Dans toute la pièe, les Arudis sont délicieuses de simplicité ; les Tattu Muttu suivent des motifs un peu plus complexes, mais néanmoins très agréables. L'Abhinaya est beaucoup moins développé dans la deuxième moitié du Varnam. À la fin, on trouve une représentation de l'apparition indiscutablement spectaculaire de Krishna à Arjuna.
La pièce suivante est dédiée à Shiva. La partie rythmique commence par un Jati dans lequel les danseuses n'utilisent pas les mudras utilisés normalement dans la danse pure mais elles représentent à la place les divers attributs de Shiva. Cela se fait assez régulièrement, mais il était intéressant d'en voir une version à trois. Plusieurs élégantes séquences rythmiques ont été insérées dans la composition qui exprime l'émerveillement devant la danse de Shiva.
La dernière pièce du récital est un Thillana en Tishra-nadai Adi Tala (avec une séquence en Chatushra-nadai à la fin). La chorégraphie avait à mon goût le niveau de complexité rythmique idéal : ni trop simple, ni trop compliquée, juste ce qu'il faut de polyrythmie pour qu'on sente un peu de frottement entre la danse et la musique sans pour autant être complètement perdu.
2018-12-26 23:55+0530 (சென்னை) — Culture — Musique — Danse — Danses indiennes — Culture indienne — Voyage en Inde XVIII
Natya Kala Conference, Dr. Nalli Gana Vihar, Chennai — 2018-12-26 à 10:30
Ms Mahati Kannan
The Karanas Decoded
Après mon cours de bharatanatyam, je file au Krishna Gana Sabha pour assister à une partie de la matinée du premier jour de la Natya Kala Conference. J'arrive vers la fin de la présentation de Mahati Kannan qui a étudié les Karanas dans les sculptures, y compris dans d'autres régions de l'Asie que l'Inde.
À peine me suis-je assis que je l'entends prononcer le nom du peintre Edgar Degas et des termes de ballet : grand jeté, grand battement. Une version indienne de ces mouvements est présentée. À l'invitation de CV Chandrashekar, Mahati Kannan fait la démonstration d'un Swaram utilisant uniquement des tours (de différentes sortes, parmi lesquelles il y avait des sortes de fouettés et aussi des tours avec les genoux à terre.)
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Natya Kala Conference, Dr. Nalli Gana Vihar, Chennai — 2018-12-26 à 11:30
Ms Sanjukta Wagh
Manodharma in Kathak and Dance Theatre
La danseuse de kathak Sanjukta Wagh intervient ensuite pour une démonstration sur l'improvisation. Elle explique comment en quelques mois au Trinity Laban Conservatoire de Londres elle a repensé sa pratique de la danse. Elle a cherché à explorer l'improvisation qu'elle pouvait admirer dans d'autres formes d'art, comme la musique dhrupad.
Elle a présenté trois extraits sur le thème de Gandhari accompagnée par un guitariste et par son propre chant. Les deux premiers était de pur Abhinaya. Ses mouvements étaient très simples, mais l'intensité qui s'en dégageait m'a semblé assez sublime. Le troisième était un passage rythmique dans lequel elle incarne Gandhari portant le bandeau qui l'a rend aveugle.
Elle a interprété aussi une composition en Ektal sur un poème soufi penjabi de Shah Hussain “Ghum ghum carakhra”.
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Natya Kala Conference, Dr. Nalli Gana Vihar, Chennai — 2018-12-26 à 12:15
Sri V. Balagurunathan
Sri Guru Bharadwaj
Smt Meenakshi Srinivasan
Sri Swamimalai Suresh
Smt Pavithra Srinivasan
Jathis - the long and short of it: A panel discussion (moderated by Priya Murle)
J'étais principalement venu pour cette discussion entre danseurs, percussionnistes et un nattuvanar. L'organisatrice de la conférence Srinidhi Chidambaram a introduit le sujet avec des commentaires assez acides à propos de l'évolution des jathis vers de plus en plus de longueur, de plus en plus de complexité, au détriment de la musicalité. Chacun des intervenants a présenté son opinion sur les Jathis, certains s'exprimant uniquement en tamoul... Le percussionniste Guru Bharadwaj a expliqué dans quelle mesure les shollus variaient entre le mridangam, le tavil et les jathis en bharatanatyam. L'idée la plus importante m'a semble-t-il été énoncée par Swamimalai Suresh qui a dit que ce qui comptait c'était la musicalité... Meenakshi Srinivasan était aussi de cet avis, mais qu'il fallait aussi prendre en compte le contexte (quel Varnam et où ?) dans lequel s'insère le jati pour produire le Bhava adapté ; par ailleurs, autant visuellement qu'en termes d'onomatopées, le jathi doit utiliser un vocabulaire cohérent, comme une sorte de thème et variations.
Une controverse générale s'est répandue à propos de la question de savoir qui est-ce qui dirige la danse, en particulier pendant les silences (karvais) ? Cela faisait suite à une remarque de la danseuse Meenakshi Srinivasan qui pensait que dans ce cas c'était à la danseuse de diriger et aux musiciens de suivre. Beaucoup d'autres, et Guru Bharadwaj en premier pensaient très fortement que ce qui compte c'est que tout le monde soit en même temps en rythme (kalapramanam). (Personne n'a pensé à dire qu'il est possible pour le nattuvangam artist et/ou le mridangiste de remplir un peu les silences pour faciliter la perception des bons intervalles de temps.) Srinidhi Chidambaram a insisté sur le fait qu'il fallait inciter les jeunes danseurs à aller assister à des concerts pour mieux comprendre la musique carnatique...
Parmi les questions du public, Nrithya Pillai a demandé à Swamimalai Suresh de réciter un jati spécifique qui est particulièrement intéressant pour les longs intervalles de silence qu'il contient. L'artiste qui est le petit-neveu de S.K. Rajaratnam Pillai s'est exécuté et en a aussi récité un deuxième. C'étaient de véritables gourmandises auditives !
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Music Academy, T.T.K. Auditorium, Chennai — 2018-12-26 à 16:00
Aruna Sairam, chant
Vittal Ramamurthy, violon
J. Vaidyanathan, mridangam
Dr S. Karthik, ghatam
Bien qu'elle ait pas mal toussoté entre les pièces, très beau concert de la grande Aruna Sairam, qui va très bientôt recevoir le titre de Sangeetha Kalanidhi par la Music Academy. Elle a commencé par un Varnam en Khanda Ata Tala (14 temps). Plus loin, alors même que je regardais le portrait de Shyama Shastri accroché à droite dans les hauteurs du T. T. K. Auditorium, elle a annoncé qu'elle allait chanter Brovavamma Tamasa... (Raga Mahnji, Misra Chapu Tala) de ce compositeur. La pièce principale a été un Ragam-Thanam-Pallavi en Khanda Chapu à la fin duquel les deux percussionnistes ont fait un beau Tani Avarthanam.
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Narada Gana Sabha (Main Hall), Chennai — 2018-12-26 à 19:00
Narthaki Nataraj, danse bharatanatyam
Kaushik Champakesan, nattuvangam
Nandini Sai Giridhar, chant
Nag Sriram, mridangam
Srilaksmi Ramani, violon
Devraj, flûte
Chidambaram Thiruppugazh (Raga Gambhira Nattai, Chatushra Ekam Tala)
Kirtana “Devi Mina Netri” (Raga Shankarabharanam, Adi Tala), composition de Shyama Shastri
Pada Varnam “Mohamana” (Raga Bhairavi, Rupaka Tala), composé par Ponniah Pillai (Thanjavur Quartet)
Kriti “Kanna vendum” (Raga Surutti, Adi Tala), composition d'Arunachala Kaviraya
Padam “Enako Munako” (Raga Abheri, Tisra-nadai Adi Tala)
Padam (Ragamalika, Khanda Chapu Tala)
Mangalam
C'est un fort beau Margam de deux heures qu'a présenté Narthaki Nataraj (que j'avais déjà vue en 2013).
Le première pièce est un hommage à Muruga aux six visages. La façon d'exécuter les mouvements de danse pure n'est pas la plus raffinée ou stylisée qui soit, et les pieds manquent parfois un peu de précision (on sent aussi que l'orchestre n'a pas beaucoup répété et que le mridangam en fait dix mille fois trop). Comme dans tout le récital, la danse pure sera fait en vitesse moyenne, conformément à ce qu'enseignait K.P. Kittappa Pillai, le guru de la danseuse. Il n'y a aucune volonté de virtuosité. Par contraste avec ce qui se fait habituellement de nos jours, c'est extrêmement agréable à écouter et à regarder. Les mouvements expressifs de la danseuse sont extrêmement beaux et semblent être d'un autre temps.
Après une pièce introductive dédiée à Muruga et un kirtana de Shyama Shastri dédié à la Déesse aux yeux de poisson, Narthaki Nataraj a interprété le Varnam “Mohamana”, un grand classique. Je l'avais vu en août dans une chorégraphie de Rama Vaidyanathan qui avait pour ainsi dire enlevé tout l'aspect amoureux de la pièce. C'est donc avec un grand plaisir que j'ai apprécié cette interprétation (d'une chorégraphie de K.P. Kittappa Pillai). L'héroïne enamourée de Tyagesha (Shiva) perd le sommeil et l'appétit. Elle ne peut supporter les sons de la nature. Plus loin, l'amie de l'héroïne n'en peut plus de devoir transmettre des lettres entre l'héroïne et Tyagesha : au bout de quelques allers-retours, elle est épuisée. Ensuite, la ville de Thiruvarur est évoquée avec un éloge des arts (sculpture, musique) et un court développement d'une légende selon laquelle les roues d'un char avaient tué une vache et pour expier sa faute, le pilote avait sacrifié son fils. Enfin, l'héroïne cherche l'union avec celui qui chevauche le buffle. Plus loin, il y a eu une transition interminable du percussionniste : la danseuse au milieu de la scène s'est mise à clapper le tala pour ne pas se perdre avant de commencer la deuxième partie dans laquelle l'héroïne est touchée par les flèches de l'Amour et souffre de la séparation avec Tyagesha. Le chant des oiseaux la fait souffrir. La nuit, elle est ardente. Elle brûle d'amour à cause de la lumière de la Lune.
Le récital s'est terminé par trois pièces de pur Abhinaya. Le premier mettait en scène Shurpanakha décrivant la belle Sita à Ravana.
2018-12-25 22:30+0530 (சென்னை) — Culture — Musique — Danse — Danses indiennes — Culture indienne — Voyage en Inde XVIII
Narada Gana Sabha (Main Hall), Chennai — 2018-12-25 à 19:00
Srekala Bharath, danse bharatanatyam
Padma Raghavan, nattuvangam
Dhanamjayan, mridangam
Preeti Mahesh, chant
M. Srikamani, violon
Invocation (Rupaka Tala)
Pushpanjali (Adi Tala, Raga Arabhi), composition de Dr. M. Balamuralikrishna
Viruttam
Muruga Kavuttuam
Swarajati (Adi Tala, Raga Kamboji), composition du Thanjavur Quartette
Padam “Jagadhodharana” (Raga Kapi, Adi Tala, composition de Purandaradasa)
Javali (Adi Tala, Raga Kamas)
Thillana (Adi Tala, Raga Paras), composition de Pooci Srinivasan Iyengar
Kriti “Omkara Akarini” (Adi Tala, Raga Lavangi), composition de Dr. M. Balamuralikrishna
Mangalam
Chroniquette express. Le récital de danse auquel j'ai choisi d'assister ce soir était celui de Srikala Bharath (disciple de KJ Sarasa, dont elle enseigne le style Vazhuvoor à Chennai). Elle a interprété un Margam de forme traditionnelle. La danseuse m'a semblé très en difficulté dans sa danse pure au début du récital. On n'entendait pas ses pieds (ce qui lui permettait de ne faire parfois qu'un pas sur deux). Cela s'est un peu amélioré par la suite, notamment dans le Swarajati en Raga Kamboji et Rupaka Tala du Thanjavur Quartette. Elle a très bien représenté les ornements de Shiva (peau de tigre, serpents...) qui au lieu d'effrayer l'héroïne la ravissent. Elle a aussi élégamment montré la jalousie de l'héroïne pour Parvati qui ne fait qu'un avec Shiva dans sa forme Ardhanarishwara. Quelques autres beaux moments dans l'Abhinaya de la danseuse, notamment dans Jagadhodharana, mais pas de grands frissons...
2018-12-24 23:08+0530 (சென்னை) — Culture — Musique — Danse — Danses indiennes — Culture indienne — Voyage en Inde XVIII
Depuis que je suis arrivé à Chennai, comme lors de mes séjours précédents, je prends des cours avec Master Kuttalam M. Selvam. Après mon deuxième cours de la journée, où il a commencé à m'enseigner l'Abhinaya d'un Shabdam consacré à Muruga, je me suis rendu au Brahma Gana Sabha pour assister à un programme thématique consacré à ce dieu. Les premiers spectacles de danses vus hier et avant-hier ne suivaient pas le modèle traditionnel du Margam (même en version réduite : il faut au minimum un Varnam, un Padam et un Thillana). Je me sentais en manque de Margam, et je n'osais espérer être satisfait avec un programme thématique dont les formats varient beaucoup. Non seulement, j'ai été satisfait sur ce point, mais le frissonomètre a grimpé très haut !
Brahma Gana Sabha, Sivagami Pethachi Hall, Chennai — 2018-12-24 à 19:00
Chidambaram Dance Company
Chitra Visweswaran, Priyadandapani, Vidhya Anand, Jai Queheni... (danse bharatanatyam)
R. Visweswaran, Lalgudi Jayaraman, etc. (musique)
Skaandam (Chitra Visweswaran)
Murali Parthasarathy, chant
Sukanya, nattuvangam
Venkat Subramaniam, mridangam
Tyagaraja, flûte
Sai Ganesh, vina
Dans le style de danse bharatanatyam, rares sont les chorégraphes qui parviennent à mettre en scène de façon intéressante des groupes. La seule exception que je connaisse est Chitra Visweswaran dont j'ai pu apprécier plusieurs productions : Anubhuti vu à Paris en 2013, Meera: The Soul Divine dont j'ai assisté à la création en juillet 2016 à Chennai. Je suis légèrement biaisé puisque lors de mes séjours à Delhi, je prends des cours avec une de ses disciples, mais les chorégraphies solo de Chitra Visweswaran sont excellentes et quand il s'agit de groupes elle est tout simplement géniale.
Le programme présenté ce soir au Brahma Gana Sabha est intitulé Skaandam (dieu aussi connu sous les noms de Kartikeya, Muruga, Guha, Kumara, Shanmukha, Subramanya, etc.). Après la récitation d'un mantra et d'une composition, le programme proprement dit a commencé par un Shloka sanskrit dédié à Muruga et dansé par Chitra Visweswaran. La danseuse développe élégamment la représentation du paon, la monture de Skanda.
Le Shloka s'enchaîne avec un Pushpanjali initialement dansé par huit danseuses de la Chidambaram Dance Company parmi lesquelles je reconnais Vidhya Anand et Jai Queheni. L'utilisation de l'espace par le groupe est magnifiquement bien reglé. Il s'agit alors de mettre en scène le combat entre les dieux et les démons, principalement sous la forme de quatre duels mettant chacun en opposition deux danseuses qui se défient l'une l'autre. La tournure des événements change radicalement quand une neuvième danseuse (Priyadandapani) entre en scène dans le rôle de Skanda. Il lutte, et assez étrangement, tue un éléphant et un tigre. La pièce se termine par un alignement de huit danseuses et à peu près autant de paires de bras représentant Skanda devant lequel se tient une danseuse faisant le paon. Un peu plus loin, en forme de transition, deux dévotes s'émerveillent en rappelant à leur souvenir celui qui est né de façon miraculeuse au bord de la rivière Ganga.
Le spectacle se poursuit avec un magnifique Varnam de Lalgudi Jayaraman (Raga Nilambari, Adi Tala). Il est interprété par neuf danseuses dans différentes configurations. Les passages techniques sont superbes. Les chorégraphies me semblent très musicales et toutes les danseuses savent utiliser les contrastes entre force et douceur dans leurs mouvements. Rarement une première vitesse d'un Trikala Jati ne m'a semblé aussi délectable ! La première ligne du Pallavi comporte le plus long développement sur la naissance de Skanda. Les dieux viennent voir Shiva pour lui demander d'avoir un fils qui pourra vaincre les démons. On voit aussi la rencontre de Shiva et Parvati, cette dernière prenant soin de lui alors qu'il est en méditation ; il réduira en cendres Kama quand celui-ci perturbera son ascèse. Plus loin, six nourrices s'occupent de l'enfant à six têtes et douze bras. Les motifs rythmiques des Tattu Muttu sont délicieux avec la moitié d'entre eux qui sont sur les temps et l'autre moitié qui est décalée, ce qui procure une sensation assez particulière. Le deuxième Tirmanam, dansé à trois, est particulièrement beau puisque la plupart des mouvements sont faits à contretemps par rapport aux syllabes récitées. Plus loin, la chorégraphie évoquera la dévotion à Skanda ainsi que sa monture. Assister à la deuxième moitié du Varnam a été un pur plaisir !
À peine le Varnam terminé, Chitra Visweswaran entre en scène pour une double pièce d'Abhinaya (dans les talas Adi Tala et Mishra Chapu). Le sens général de cette pièce m'a complètement échappé si ce n'est qu'à la fin son personnage s'émerveille en voyant Skanda aux 6 têtes et 12 bras. Par exemple, je n'ai pas compris pourquoi la danseuse avait évoqué très longuement un jeu de balle ? Cela dit, dans sa façon de faire les mouvements, on ne peut qu'admirer la maîtrise absolue de son art par l'interprète.
La programme se conclut par un Thillana très élaboré, commencé par Chitra Visweswaran, et poursuivi par ses disciples.
2018-12-24 00:19+0530 (சென்னை) — Culture — Musique — Danse — Danses indiennes — Culture indienne — Voyage en Inde XVIII
Music Academy, Kasturi Srinivasan Hall, Chennai — 2018-12-23 à 08:05
Vidwan K. Sadgurucharan
Panchamukhi Tala Avadhana
Pendant le festival de la Music Academy, des lecture-demonstrations sont organisées tous les matins dans la petite salle. Un des titres qui avait attiré mon attention était celui du mridangiste Vidwan K. Sadgurucharan.
Il a expliqué le concept de Panchamukhi Tala Avadhana. Il s'agit d'une performance consistant à clapper simultanément différents talas avec différentes parties du corps (cinq s'il s'agit de Panchamukhi et six s'il s'agit de Sanmukhi). Il a expliqué que des traductions télugu de textes sanskrits anciens contenaient des descriptions de telles performances par les dieux Shiva, Vishnu et Brahma. La première performance historiquement attestée date de 1914 par Narayana Dasu. Vidwan K. Sadguducharan a expliqué les différentes façons d'exécuter cela.
Le point culminant de la présentation fut sa démonstration de l'Ishwara Panchamukhi Tala Avadhana. Il a chanté une composition de Tyagaraja qui est originellement en Adi Tala, donc huit temps dont chacun est subdivisé en quatre ce qui fait 32 pulsations (rapides) par cycle rythmique. Dans sa performance, alors qu'il était assis sur une sorte de banc, il a frappé du pied gauche toutes les trois pulsations rapides (Tishra), du pied gauche toutes les neuf pulsations (Sankirna), de la main gauche toutes les sept pulsations (Mishra), de la main droite toutes les quatre pulsations (Chatushra) et toutes les cinq pulsations (Khanda), il faisait un mouvement simultané des deux épaules. Après le mouvement simultané des cinq parties du corps sur la toute première pulsation, il faut attendre 1260=4×5×7×9 pour que les cinq cycles indépendants se rejoignent à nouveau. Tout le monde n'est pas capable de clapper une pulsation de façon régulière. La plupart des gens arrivent à néanmoins à le faire. Je fais partie de ceux qui arrivent à clapper certaines combinaisons de deux pulsations plus ou moins indépendantes comme (3,4), (3,9), (3,6), (5,10), (7,14). Là il s'agissait d'un véritable prodige consistant à le faire pour le quintuplet (3,4,5,7,9) tout en chantant une composition en Adi Tala (sur un cycle de 8×4=32 pulsations, nombre qui ne divise pas 1260, ce qui nécessita une petite manipulation à la toute fin).
Cinq musiciens réputés avaient été conviés pour vérifier que la
performance ne comporterait pas d'erreur : chacun devait surveiller une des
cinq parties du corps. Quand ils se sont tous levés à la fin de la
performance, le public a fait de même et Aruna Sairam, qui commente chacune
des lec-dems en tant que Sangeetha Kalanidhi designate
, s'est
réjouie que l'on trouve encore des génies dans la musique carnatique
aujourd'hui.
Voici cette performance en notation Benesh :
Le musicien a également fait une performance de Sanmukhi Tala Avadhana en clappant Adi Tala en six vitesses différentes (chaque vitesse étant deux fois plus rapide que la précédente). Il l'a fait en chantant un Varnam en Chatushra et Tishra-nadai.
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Natya Darshan, Bharatiya Vidya Bhavan, Chennai — 2018-12-23 à 17:00
Mythili Prakash, danse bharatanatyam
D. Punaya, chant
Jayashree Ramanathan, nattuvangam
Easwar Ramakrishnan, violon
Mohan Krishnamurthy, mridangam
The Dichotomy of the Goddess
J'ai assisté aux trois programmes de la soirée conclusive de la conférence Natya Darshan organisée par Priya Murle. La première performance est de Mythili Prakash, disciple de sa mère Viji Prakash et dont la mentor actuelle est Malavika Sarukkai.
La danseuse a présenté un Daru Varnam en Raga Kamas et Adi Tala de Harikesanallur Muthiah Bhagavatar, intitulé Māte malayadhvaja.....
Mythili Prakash a une technique de danse très élégante, tout en étant à la fois précise dans les lignes et le rythme. La pièce joue du contraste entre la douceur féminine et la vigueur de la Déesse en tant que combattante (impression de déjà vu avec le programme d'hier de Malavika Sarukkai...). En effet, le programme s'intitule The Dichotomy of the Goddess, et ce thème avait été introduit par des gestes des deux mains en Pataka dans une introduction présentant différentes images de femmes autour des mantras Ya Devi Sarva Bhuteshu et Ayi Girinandini Nanditamedini, qui eux-mêmes faisaient suite à une prière à celle qui était comparée de nombreuses manières à la fleur de lotus (Kamala). Dans l'unique ligne de Pallavi, la Déesse est la fille de la Montagne et la mère de Ganesh et Guha (Skanda). La danseuse élabore autour du thème de la femme-mère jouant avec ses enfants, les couchant, puis avec celui de la femme-amante. De façon à généraliser le propos à toutes les femmes, la chorégraphie contient peu de références précises à la Déesse en particulier, si ce n'est qu'elle a un fils ayant une tête d'éléphant. Dans l'Anupallavi et dans le Jati correspondant (en Tishra-nadai), la chorégraphie fait contraster d'une part la lenteur, la douceur, la femme séductrice, les beaux cheveux et d'autre part la vitesse, la brutalité des armes, la force guerrière, les cheveux défaits.
La pièce semble s'arrêter une première fois sur une femme en situation de détresse. Dans sa deuxième moitié, la structure du Varnam est quelque peu malmenée, les onomatopées se superposant parfois à la ligne de Caranam, les Swarams n'étant pas toujours dansés, et les arudis ne se finissant pas toujours au point prescrit, mais juste après. La danse va s'arrêter une autre fois, avec un passage accompagné du nattuvangam (bâton) pour le combat entre Mahishasura, le démon en forme de buffle, et la Déesse. De façon étrange, après cette victoire, le Varnam se finit sur une femme dans une situation de désespoir total.
Je ne suis pas vraiment convaincu par le concept autour de cette pièce ; les parallèles et oppositions ne me semblent pas très pertinents dans le cadre de cette composition musicale. La danse est élégante, mais émotionnellement le frissonomètre n'est pas monté très haut. Il est par ailleurs étonnant que la danseuse n'ait utilisé que 45 minutes de son créneau qui faisait plus d'une heure !
(Indépendamment de la danseuse, il m'a été difficile de me concentrer, les ouvreurs n'arrêtant pas de faire la police pour que les gens s'installent à une place qui corresponde au prix de leur billet ; ils faisaient entrer les retardataires auxquels ils montraient le chemin avec une puissante lampe, etc.)
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Natya Darshan, Bharatiya Vidya Bhavan, Chennai — 2018-12-23 à 18:15
Shijith Nambiar & Parvathy Menon, danse bharatanatyam
D. Punaya, chant
Parthasarathy, nattvangam
Easwar Ramakrishnan, violon
Karthikeyan Ramanathan, mridangam
J'ai en général peu d'affinités avec le style Kalakshetra, mais après la pause, le couple de danseurs Shijith & Parvathy a présenté un très beau programme. J'avais déjà eu l'occasion de voir une de leur disciple l'année dernière (elle avait eu le deuxième prix du festival Spirit of Youth). J'ai particulièrement apprécié la danse de Shijith Nambiar, dont l'Abhinaya m'a semblé très convaincant, même s'il s'agit davantage de description que d'incarnation, le seul sentiment humain véritablement représenté étant la dévotion.
Le programme a commencé par un magnifique Alarippu en Adi Tala dont la phrase de première vitesse occupait deux cycles, soit seize temps répartis en 16=7+9. Il s'agissait en fait d'un medley entre l'Alarippu et une composition dédiée à Shiva. Sur la phrase introductive ressemblant à Tat tai tai yum... répétée de nombreuses fois, Shijith joue le rôle du dévot de Shiva incarné par Parvathy Menon. Puis, la danse pure intervient. Que l'Alarippu soit en Adi Tala donne la sensation d'assister à un Trikala Tirmanam comme dans un Varnam. La pièce enchaîne avec la composition musicale dédiée à Shiva. Les danseurs se transforment en dévots qui entrent dans le temple de Shiva. C'est typiquement de l'Abhinaya Kalakshetra, mais c'est très bien fait. La phrase initiale de l'Alarippu revient en conclusion alors que les deux danseurs ont repris leurs rôles initiaux.
Les danseurs ont dansé un Jatiswaram en Ragamalika et Misra Chapu. Il est habituellement attribué au Thanjavur Quartette, mais il a été ici annoncé comme étant de Swati Tirunal, avec en outre la présence de paroles dédiées à Padmanabha sur la mélodie des Swarams. Dans l'interprétation, des shollus se sont parfois superposés à la mélodie, ce qui est assez étrange. La technique des deux danseurs est excellente. La chorégraphie comporte de nombreuses trouvailles, que ce soit en termes d'adavus ou en termes de duo (un des Swarams a ainsi été interprété plus ou moins en canon ou sous forme de questions et réponses). J'apprécie beaucoup les passages rythmiquement complexes quand ils sont à vitesse modérée. Leur capacité à exécuter des mouvements très rapides (frappes, tattu muttu) est impressionnante, mais il y a à mon avis, et c'est un travers typiquement kalakshetrien, une utilisation excessive des subdivisions des temps du cycle rythmique Misra Chapu. Ainsi, si certains passages sont impressionnants de virtuosité, il est regrettable qu'une véritable bataille ait lieu entre la mélodie de la composition rythmique et le rythme des pas de danse. Au contraire, plutôt que de se combattre, les deux devraient concourir au plaisir esthétique.
Le récital s'est poursuivi par une interprétation du vingt-troisième Ashtapadi Kṣaṇam Adhunā extrait du Gita-Govinda. La mise en musique par Rajkumar Bharati en Ragamalika et Misra Chapu n'est pas de nature à créer une atmosphère permettant aux émotions les plus subtiles de s'exprimer. Pourquoi donc insérer des Swarams ? et des frappes rythmiques ? S'il n'est pas complètement évité, le caractère érotique est assez largement laissé de côté. Je retiens surtout la préparation des deux amants, Shijith interprétant Krishna nouant son dhoti, mettant une plume de paon dans ses cheveux, se massant avec de la pâte de santal, etc. Plus loin, il lancera des flèches florales.
Le récital s'est conclu sur un Ardhanarishwara en Khanda Chapu et Brindavani Sarang (raga hindustani) également mis en musique par Rajkumar Bharati d'après des vers de Shankaracharya et des textes tantriques. Je ne retiens pas grand'chose de cette pièce plutôt descriptive si ce n'est le leitmotif chorégraphique constitué par l'association d'une main du danseur et de la danseuse pour former le mudra représentant le Shiva-linga.
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Natya Darshan, Bharatiya Vidya Bhavan, Chennai — 2018-12-23 à 19:30
Sanatkumar, Athul Balu, Vishnu Bhasi, Sudarshini Iyer, Manaswini Korukkai, Sivasri, Ananthashree, Jai Queheni, Arul, danse bharatanatyam
Destination: The Self, A Thillana Medley
KP Rakesh, chorégraphie
Sri Kasi, nattuvangam
Nandini Anand Sharma, chant
Easwar Ramakrishnan, violon
KP Ramesh Babu, mridangam
La soirée s'est terminée par un medley de Thillanas (en Rupaka Tala, Adi Tala en Chatushra- ou Tishra-nadai et divers ragas) interprété par neuf jeunes danseurs. Il s'agit d'une chorégraphie commandée spécialement à KP Rakesh de Kalakshetra, dont Priya Murle a étrangement annoncé qu'il était un Nattuvanar (terme strictement réservé aux membres des familles héréditaires qui pratiquent l'art du nattuvangam) représentant le style de Balamma (?!??), alors qu'il a été formé à Kalakshetra.
La chorégraphie était agréable à regarder. Les séquences rythmiques sont plutôt musicales et utilisent bien le groupe de danseurs (entre 3 et 9 présents sur scène à un instant donné). Dans le groupe, j'ai particulièrement apprécié la délicieuse danse de Jai Queheni, disciple de Chitra Visweswaran.
2018-12-22 22:58+0530 (சென்னை) — Culture — Musique — Danse — Danses indiennes — Culture indienne — Voyage en Inde XVIII
Je suis arrivé cet après-midi à Chennai après une relativement courte correspondance à l'aéroport de Delhi. Au guichet de l'immigration, pour la première fois en dix-huit entrées, on me demande ce que je viens faire en Inde. Vous venez pour un camp de méditation ou de yoga ? Ah non, pas vraiment, je viens pour la saison de musique et danse. Et, vous pouvez le prouver ? Euh, oui, coup de bol, j'ai un billet pour un concert le 29 décembre. Et à part ça ? Par exemple ce soir je vais voir Malavika Sarukkai. Comment vous épelez ce nom ? Comment dire, il y a pleins de spectacles tous les jours, je ne vois pas trop l'intérêt de vous donner toute la liste...
En sortant de l'aéroport à pieds, je mets un peu plus de temps que d'habitude pour trouver la station de train Tirusulam pour rejoindre rapidement le centre de Chennai d'où je prendrais un rickshaw pour rejoindre l'appartement où je vais séjourner à Alwarpet. Arrivé au carrefour de la Music Academy, le pilote de rickshaw s'apprête à tourner dans la direction opposée ! Heureusement, je pourrai faire office de copilote jusqu'à l'arrivée.
L'appartement où je suis est stratégiquement placé à proximité du Narada Gana Sabha, du Brahma Gana Sabha et de la Music Academy. À peine arrivé, je repars pour la salle de spectacle où se déroule le festival du Brahma Gana Sabha.
⁂
Brahma Gana Sabha, Sivagami Pethachi Hall, Chennai — 2018-12-22 à 19:00
Malavika Sarukkai, danse bharatanatyam
Murali Parthasarathy, chant
Nellai Balaji, mridangam
Malavika Sarukkai est certainement une des danseuses de bharatanatyam les plus connues. Je ne l'avais jusqu'à maintenant jamais vue en spectacle. Elle a assurément une présence scénique impressionnante. L'art de l'expression (Abhinaya) n'est pas vraiment son point fort. D'un point de vue strictement narratif ou descriptif, ce qu'elle fait est impressionnant (mais un peu exagéré), mais en termes émotionnels, je reste vraiment sur ma faim. Son point fort est son assez extraordinaire travail sur le rythme (pour lequel elle a été aidée par le percussionniste MS Sukhi dans sa pièce principale). Ses frappes sont extrêmement vigoureuses, et on entend ainsi assez bien le jeu rythmique auquel elle se livre. Ces pas sont insérés en permanence dans son Abhinaya, dans des proportions qui malheureusement détournent l'attention vers le rythme au dépens du sens.
Après le mantra Om Namah Shiva
et une composition en Khanda
Chapu (à moins que ce ne soit Khanda-nadai Adi Tala) commençant par
Prabhu...
qui évoquait les divers attributs de Shiva (le
croissant de Lune, la Ganga, les cheveux défaits, le cercle de feu, son
épouse, le lingam, etc.), elle a interprété une pièce principalement
rythmique faisant se succéder jatis et swarams. À la fin de chaque
séquence, un Arudi est exécuté qui marque le cinquième temps,
puis, ô surprise, marque aussi le septième temps après des frappes
virtuoses, et deuxième surprise, marque aussi parfois le premier temps
du cycle suivant.
La pièce principale aborde le thème de Mahishasuramardini, à savoir du
triomphe de la Déesse contre le démon Mahisha. Le texte est extrait du
Devi-mahatmya (qui fait partie du Markandeya-Purana), des
extraits que j'ai eu l'occasion de lire il y a quelques mois lorsque j'ai
réalisé la notation Benesh d'une chorégraphie de Sucheta Chapekar qui
aborde aussi ce thème (de façon beaucoup plus brève). La pièce repose sur
le contraste entre d'une part la brutalité de ce démon et la fureur de la
Déesse combattante et d'autre part la beauté et la délicatesse de la Déesse
dans ses formes plus apaisées. Le corps de lotus de la Déesse, ses beaux
seins d'une part, et d'autre part elle porte aussi le trident, chevauche le
tigre. La représentation de la fureur n'est pas très subtile. Ainsi, par
exemple, la danseuse a traversé la scène de l'arrière vers l'avant en mode
Déesse chevauchant un tigre qui sautait en mode sauterelle (on est ni dans
la stylisation d'une intention ni dans l'imitation naturaliste du tigre ;
je ne sais pas très bien où on est...). La Déesse ne sait pas très bien
dans quelle main tenir son arc. Parmi les métamorphoses du démon Mahisha,
la chorégraphie représente sa transformation en éléphant. Certes il s'agit
d'un éléphant surexcité, mais la vitesse des mouvements de la danseuse ne
permet pas de croire qu'il s'agit véritablement d'un éléphant. La pièce se
conclut par une longue prière adressée à la Déesse. Il y a un gros travail
rythmique dans cette pièce et une volonté d'impressionner (qui a
manifestement fonctionné sur le public), mais alors que ma vénérable
voisine me confiait This was something!
, je ne pouvais que répondre
It's special...
.
La danseuse interprète ensuite le classique Krishna Ni Begane. Le très jeune Krishna suscite l'émerveillement de sa mère adoptive Yashoda. Les mouvements expressifs de la danseuse sont très convainquants. C'est du travail bien fait, mais je ne suis nullement ému par l'essentiel de la pièce, qui est bien sûr agrémenté de très nombreuses frappes de pieds, surtout quand Yashoda admire les grelots de Krishna. Le plus beau moment a été à la fin quand, en ouvrant la bouche, Krishna révèle à sa mère qu'il est Vishnu et qu'il ne fait qu'Un avec tout l'Univers.
Suit l'Ashtapadi “ललितलवङ्ग” dans lequel l'interprète représente le printemps de nombreuses manières, en agrémentant la description d'un formidable jeu rythmique, mais on passe pour ainsi dire presque complètement à côté des sentiments que ce printemps suscite chez les bouvières. Les sentiments humains ne seront présents que lors de la sortie de scène de la danseuse qui alterne alors entre une femme amoureuse et un homme qui la suit.
J'aurais eu une opinion extrêmement mitigée de ce récital s'il n'y avait pas eu le Thillana de Lalgudi Jayaraman (Raga Mohanakalyani/Adi Tala). Ce fut véritablement une merveille. Cette composition rythmique, que j'ai eu l'occasion d'entendre à Paris il y a quelques semaines de cela, présente une particularité rythmique intéressante : les phrases musicales ne commencent pas sur le premier temps, ce qui n'est en soi pas rare, mais elles commencent une moitié de temps avant le premier temps. Les phrases chorégraphiques doivent alors en principe aussi commencer avant le premier temps et se finir juste avant le même endroit, ce qui procure une sensation assez unique quand la danse est interprétée de façon très musicale quand l'a fait Malavika Sarukkai.
Le récital s'est conclu avec Vande Mataram et une ultime violente frappe de pieds sur le dernier temps de la composition.
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