Weblog de Joël Riou

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Biennale de quatuors à cordes à la CdM

2010-01-16 23:10+0100 (Orsay) — Culture — Musique — Danse

Jusques à il y a deux ans, je vivais dans l'idée fausse que la Cité de la Musique n'était que le Temple de la Musique Nouvelle 1. À vrai dire, tous les styles de musique y sont représentés, ce qui la distingue des autres lieux culturels parisiens. Je n'y avais pour le moment entendu que des Râgas et de la musique baroque.

Il n'y avait pas de raison que je n'essayasses point d'entendre aussi de cette musique du vingt-et-unième siècle quand l'occasion se présenta de coupler l'écoute de cette musique avec une partie de programme de l'intégrale Schubert prévue lors de la biennale de quatuors à cordes.

Cité de la musique — 2010-01-13

Quatuor Diotima

Gilbert Nouno, réalisation informatique musicale Ircam

Quatuor à cordes nº4 (Jonathan Harvey)

Quatuor Pražák

Quatuor à cordes nº7 (Schubert)

Jiří Hudec, contrebasse

François-Frédéric Guy, piano

Quintette pour piano et cordes La Truite (Schubert)

Mercredi dernier, j'ai assisté au programme de 20h30. Je m'installe sur mon siège dans la salle que je trouve dans une configuration géométrique inhabituelle. Les deux fois précédentes, les sièges étaient dirigés vers le centre du côté le moins long du rectangle, alors que ce soir, ils étaient tournés de 90°.

Les placeurs de la CdM sont certainement les plus décontractés qu'il se puisse voir. Entre deux spectateurs, combien de ragots sont échangés !

La première partie aurait dû voir la création d'un quatuor de Philippe Manoury. Elle n'aura pas lieu. À la place, le quatuor Diotima joue le quatuor à cordes nº4 (2003) de Jonathan Harvey. Après que le quatuor s'est installé et qu'une annonce bienveillante à destination d'un pays récemment frappé par les destructrices forces sous-terraines, des sons se font entrendre de toutes les directions. Le concert est en effet sonorisé par un dispositif électronique en temps réel opéré par Gilbert Nouno. Parfois, on ne sait plus très bien si ce qu'on entend est du direct, l'écho de ce qui a déjà été entendu ou un tout autre son. En tout cas, le son provient de partout et la localisation change tout le temps. C'est rigolo, mais j'ai du mal à considérer qu'il s'agisse de musique. En effet, le premier son qui se fait entendre est celui d'un archet frottant non pas les cordes mais le bois du violon. Un peu plus loin, l'archet du violoncelle essuie les cordes longitudinalement. Je me demande bien comment ces techniques sont notées sur la partition 2. Plein d'autres techniques zarbi. C'est amusant, c'est indiscutablement original, mais ce n'est pas franchement ce que j'aime entendre.

La deuxième partie laisse la place au quatuor Pražák pour le septième quatuor de Schubert et son quintette La Truite (pendant lequel un violon s'effacera et le trio restant sera rejoint par le contrabassiste Jiří Hudec et le pianiste François-Frédéric Guy). Je n'ai pour le moment que très peu eu l'occasion d'entendre de la musique de chambre. En particulier, c'est la première fois que j'entends ces œuvres en concert. Mon impression est assez mitigée. J'ai en effet souvent eu l'impression que le premier violon couinait. Pendant le quintette, peut-être est-ce de la faute à mon placement près d'un des murs et d'une entrée, mais de ma place, le son du piano me semblait dégradé comme dans un mauvais enregistrement datant d'un demi-siècle. Cela dit, je suis plutôt content d'avoir entendu ces œuvres en concert, tout particulièrement La Truite dont je n'avais entendu que la version Lied chantée par Waltraud Meier.

Cité de la musique — 2010-01-16

Quatuor Arditti

Quatuor VII OpenTime, 21 variations pour quatuor à cordes, Pascal Dusapin (création)

Quatuor Hagen

Douze Microludes (György Kurtág)

Quatuor à cordes nº16 (Beethoven)

Samedi, 17h, je suis de nouveau à la Cité de la Musique pour un autre programme de quatuors. En première partie, le Quatuor Arditti crée le Quatuor VII OpenTime de Pascal Dusapin. Contrairement au truc de Jonathan Harvey évoqué ci-dessus, là, il s'agit indiscutablement de musique. Cela dure une quarantaine de minutes. L'œuvre est dédiée à Anton, né le 29 juin 2009 à 0h31. Cela commence par un coup d'archet de l'alto sur deux notes. À vrai dire, le début est presque un solo pour alto, l'accompagnement du violoncelle étant assez discret. Lors des 21 variations, le quatuor montre un large éventail d'ambiances, de sonorités, de rythmes et de techniques, qui restent néanmoins dans le cadre d'une utilisation standard des instruments à cordes. Le public apprécie. Comme de coutume lors d'une création (si je compte bien, cela doit être la quatrième à laquelle j'assiste), le compositeur vient saluer le public avec le quatuor. Cette création, ainsi que d'autres concerts de la biennale sont disponibles sur Arte Live Web et devraient bientôt l'être sur le site de la CdM.

Pour la deuxième partie, Dusapin regagne sa place et le quatuor Hagen entre en scène. La première œuvre, très courte, est Douze Microludes György Kurtág. Si elle n'était pas désagréable à écouter, elle a déjà fui ma mémoire. Quelques mignons effets de glissando du violon. Pour finir, un charmant quatuor nº16 de Beethoven qui vaut une ovation méritée au quatuor.

C'est probablement l'effectif musical restreint qui accentue cela, mais j'ai trouvé que pendant ces concerts, les nuisances habituelles du public étaient décuplées. Certes, nous sommes en janvier, mais il est invraisemblable qu'autant de gens se mettent à tousser tout au long du concert.

Cette expérience m'incite à augmenter la proportion de musique de chambre dans les concerts auxquels j'assisterai à l'avenir (j'en entends déjà occasionnellement dans des lieux comme l'église des Billettes, mais cela se limite au répertoire baroque). Voir d'aussi petites formations rend aussi l'expérience de la musique moins impersonnelle qu'elle ne peut paraître quand on écoute un orchestre. On peut en effet plus facilement imaginer le type de liens et les vies qui se cachent derrière la musique que l'on entend. À cet égard, le roman Quatuor de Vikram Seth est remarquable.

[1] Veuillez pardonner à cette pulsion terminologique : je viens de lire un roman de Shan Sa (pas très bon d'ailleurs : Les Conspirateurs).

[2] À propos de notations, je me suis toujours demandé comment la chorégraphie d'un ballet ou la mise en scène d'une pièce de théâtre ou d'un opéra était notée, si elle l'est effectivement. Si on peut comprendre qu'il est possible de la communiquer à un interprète simplement en lui montrant comment faire (j'ai même cru comprendre que dans certaines chorales, les choristes non solfégistes apprenaient par cœur la musique en écoutant des enregistrements), cette transmission se heurte aux limites de la mémoire et de la vie. Ce n'est pas tout à fait anodin puisque des ballets du répertoire français du XIXe comme Giselle (1841) ont été oubliés en France à partir de 1868, mais ont continué à être joués en Russie grâce à Marius Petipa, rendant possible des reprises ultérieures à l'Opéra (1910). Certains de ces ballets ont été notés en utilisant des symboles musicaux comme l'avait imaginé Vladimir Stepanov. Le seul document de ce type que j'ai vu est une notation utilisant cette méthode pour La Bayadère. Je me demande quels sont les usages modernes en la matière.

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Commentaires

1. 2010-01-17 08:46+0100 (Bladsurb)

A propos de transcription de chorégraphie, il y a une troupe moderne qui s'est intensément intéressée à la question : <URL: http://www.lescarnetsbagouet.org/fr/carnets/mission.html >.

Pour les partitions musicales avec des gestes inusités, souvent les premières pages de la partition décrivent les signes utilisés dans les suivantes. Un consensus peu à peu se forme entre les compositeurs et les musiciens, pour des gestes qui, nouveaux il y a quelques décennies, deviennent maintenant plus banals (clusters, quarts de tons, formes de glissandi ...) ! Il y a des exemples de partitions très amusantes, parfois à la limite entre composition purement graphique et partition de musique jouable, dans le Musée de la Musique (toujours à la Cité ...).

2. 2010-01-17 08:52+0100 (Bladsurb)

Ah oui, j'oubliais. Il me semble que ces deux concerts étaient dans la grande salle de la Cité. Essaie un jour d'assister à un concert dans leur amphithéâtre. La sensation de proximité avec les musiciens y est bien plus forte encore ; c'est ma salle préférée pour écouter de la musique de chambre. (le placement y est libre, places non numérotées, donc il faut parfois y arriver en avance pour bien choisir sa place).

3. 2010-01-17 16:24+0100 (Joël)

Merci pour ces explications très intructives et ces suggestions.

Effectivement, il faudra que j'essaie d'aller à des concerts à l'amphithéâtre et de prendre le temps de passer au musée de la Cité.


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