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2012-03-24 23:07+0100 (Orsay) — Culture — Lectures
Je m'aperçois que j'ai oublié de mettre ici un lien vers le billet que
j'ai écrit sur le Biblioblog à propos du roman Pagli
d'Ananda Devi. J'ai eu le bonheur d'échanger quelques mots avec elle et
de me faire dédicacer ce livre il y a quelques jours lors du Salon du
Livre. J'étais depuis un certain temps déjà convaincu de l'immense talent
de cet auteur. Par le plus grand des hasard, j'ai terminé il y a quelques
semaines ma lecture de son œuvre par ce roman, qui me semble
extraordinairement bien réussi. Peu de livres m'ont autant ému, pas
seulement par l'histoire, mais aussi par le style, la construction, la
poésie. Quand je dis peu
, cela se limite à deux ou trois maximum en
comptant celui-ci !
2012-03-24 22:17+0100 (Orsay) — Culture — Musique — Culture indienne
Théâtre de la Ville — Les Abbesses — 2012-03-24
S. Saketharaman, chant carnatique
Vittal Ramamoorthy, violon
Neyveli Narayanan, mridangam
Le concert de cet après-midi au Théâtre des Abbesses m'a permis de confirmer les observations que je m'étais faites à propos de la musique carnatique en août dernier, à l'occasion de quelques concerts au Vani Mahal à Chennai, en particulier celui de Sri Mohan Santhanam.
Le récital de chant carnatique semble donc se composer de plusieurs
développements
. Éventuellememt, quelques morceaux plus courts
laissant un peu moins de place à l'improvisation peuvent être insérés dans
le programme. Le jeune chanteur S. Saketharaman (~30 ans) en a inséré
trois. Une vive chanson à cinq temps est intervenue après les deux premiers
développements, et en conclusion du récital, il a interprété une berceuse
(apparemment en l'honneur de Krishna-Madhava) et un Tillana un peu
alambiqué.
Restent donc trois développements. La structure générale me semble être
toujours la même. Le chanteur commence par vocaliser tout en incluant
parfois des suites de syllabes un peu toutes faites (comme Tadarina
ou d'autres que l'on entend régulièrement dans des Alap de musique
du Nord de l'Inde). Bref, on dirait une sorte de substitut à
l'Alap dans lequel il serait toutefois permis d'utiliser toutes
les notes du Raga dès le début. Le mouvement mélodique du chanteur est en
général immédiatement répété par le violoniste. Subitement, on passe à la
composition, préalablement fixée. Le texte est chanté par le chanteur qui
est maintenant accompagné par le percussionniste. Progressivement, il va
improviser en prenant cette composition pour base. Il peut garder tout ou
partie du rythme, remplacer les syllabes par des notes de la gamme,
commencer une phrase par des notes solfiées et terminer par les dernières
syllabes du vers (śloka). Le chanteur élabore souvent des
variations qui ont pour propriété rassurante de se terminer toujours de la
même façon et à un endroit précis du cycle rythmique. L'autre
caractéristique est qu'on ne sait jamais comment la nouvelle variation va
commencer. C'est particulièrement agréable à entendre. La composition sous
sa forme originelle revient généralement à la fin du développement pour le
conclure.
Dans cette structure immuable (introduction, composition, improvisation, retour à la composition) peuvent s'insérer des interventions solistes des autres musiciens. En particulier, on entend souvent un solo de violon à la fin de l'introduction. Un solo rythmique peut également intervenir peu avant la fin de la partie la plus improvisée (et plutôt en fin de concert). À tout moment, il peut y avoir des jeux de questions et réponses (particulièrement délectables !) entre les différents musiciens.
Maintenant, je peux parler de ce concert en particulier. Le premier développement (en tamoul) sur le Raga Mohanam a surtout servi au chanteur à se chauffer la voix (ne jamais trop se fier à la première composition...). Il clappe de façon presque hystérique sa main droite sur son genou, tout en accompagnant de sa main gauche le mouvement mélodique. Ce n'est pas le clappeur le plus facile à suivre : je me suis d'abord calé sur le joueur de mridangam. En effet, il a tendance à clapper à la croche bien plus souvent que d'autres chanteurs. Dans cette composition, le Tala Adi (8 temps) n'était cependant pas trop compliqué à suivre. (Par contre, dans la composition à 5 temps, je n'ai pas du tout senti les cycles rythmiques.) Sauf erreur, la deuxième composition en télougou due à Tyagaraja et dédiée à Rama était en Raga Bindumalini (et toujours en Tala Adi). Cette deuxième composition m'a beaucoup plu. Ce qui m'a gêné par contre, c'est la brièveté de la partie introductive du Raga (avant l'entrée de la composition), ce qui était d'ailleurs encore plus un problème dans le premier développement.
Le troisième développement a été sensiblement plus long que les deux
premiers. C'est la pièce principale du programme, sur le Raga Kalyani. Le
cycle rythmique était de sept temps (apparemment divisé ainsi :
1+1+1+½+1+1+1+½). J'ai particulièrement aimé les variations du chanteur se
terminant par les syllabes mi-na-shri
. Le solo de mridangam a été
très décevant... (Peu avant ou après ce solo, je ne sais plus, le tampura
électronique s'est désaccordé, probablement suite à quelque geste brusque
du chanteur qui pour le régler à nouveau a fait émettre à cet engin de
malheur une ou deux gammes chromatiques très
carrées.)
Bref, un bon concert de musique carnatique, mais n'ayant aucun caractère exceptionnel.
2012-03-23 11:50+0100 (Orsay) — Culture — Musique — Danse — Culture indienne
Opéra Bastille — 2012-03-22
Ludwig Minkus, musique, réalisée et adaptée par John Lanchbery
Marius Petipa, Sergueï Khoudekov, livret
Rudolf Noureev, chorégraphie et mise en scène d'après Marius Petipa
Ezio Frigerio, décors
Franca Squarciapino, costumes
Vinicio Cheli, lumières
Fayçal Karoui, direction musicale
Aurélie Dupont, Nikiya
Josua Hoffalt, Solor
Ludmila Pagliero, Gamzatti
Allister Madin, Le Fakir
Yann Saïz, Le Grand Brahmane
Stéphane Phavorin, Le Rajah
Christine Peltzer, Aiya, servante de Gamzatti
Alexis Renaud, L'Esclave
Florimond Lorieux, L'Idole dorée
Charline Giezendanner, Danse Manou
Sabrina Mallem, Julien Meyzindi, Danse indienne
Héloïse Bourdon, Première variation
Charline Giezendanner, Deuxième variation
Aurélie Bellet, Troisième variation
Ballet de l'Opéra
Élèves de l'École de danse de l'Opéra
Orchestre de l'Opéra national de Paris
La Bayadère, ballet en trois actes (production créée pour le Ballet de l'Opéra national de Paris le 8 octobre 1992)
J'avais été émerveillé la première fois que j'avais vu La Bayadère, il y a deux ans. Je viens de voir ce ballet pour la deuxième fois. Ce qui m'a le plus marqué lors de cette représentation du 22 mars (diffusée en direct dans certains cinémas), c'est avant tout la musique du premier acte. Dans les deux derniers actes, à part quelques numéros émouvants (Variation de la corbeille à fleurs de Nikiya, L'entrée des ombres), Minkus a comme à son habitude pondu du zimbadaboum-ertata festif. Dans le premier acte, au contraire, il s'est absolument surpassé. J'ai été tout étonné d'être ému en premier lieu par la musique au cours de ce premier acte. L'Orchestre de l'Opéra de Paris dirigé par Fayçal Karoui est en état de grâce. Absolument tous les pupitres sont formidables. Les cordes, les vents, les cuivres, les timbales, le triangle, j'espère que je n'oublie personne. De ma place acoustiquement idéale au dernier rang du deuxième balcon, j'entends les différentes voix orchestrales (quoi, du contrepoint chez Minkus ?!). Les instruments à vents sont absolument fabuleux, et parmi eux, le flûtiste solo est un génie du phrasé. Les équilibres entre ces instruments à vents qui se répondent m'a procuré un plaisir auquel je ne m'attendais absolument pas ! Le plus merveilleux est que l'orchestre est en symbiose avec ce qui se passe sur scène. Quel sens de la dramaturgie dans cette direction d'orchestre ! Quel science des nuances, des ralentissements/accélérations et du phrasé !
Côté danseurs, j'apprécie tout particulièrement Josua Hoffalt (Solor),
nommé danseur étoile il y a peu ; cela faisait longtemps que j'en entendais
parler par d'autres balletomames, mais la première fois qu'il m'avait
vraiment ébloui, c'était lors de reprise d'Onéguine en décembre dernier. Dans ce grand rôle,
il a été magnifique du début à la fin. J'ai également beaucoup aimé revoir
Aurélie Dupont (Nikiya), même si je l'avais trouvée plus bouleversante
dans le rôle de Tatiana. Ludmila Pagliero joue bien son
rôle dans le premier acte (essentiellement de la pantomime). Je n'ai pas
été très séduit par sa variation dans le deuxième acte (ce que j'ai préféré
dans ce passage, ce sont les adorables glissandis de la harpe !). Je dois
avouer avoir été un tout petit peu ému pendant ses fouettés (qu'elle a
curieusement finis bien en avance sur la musique). À part ça, très belle
idole dorée de Florimond Lorieux, superbe Charline Giezendanner dans la
danse Manou
et dans la deuxième variation du troisième acte. Dans la
danse indienne
du deuxième acte (que je ne trouve plus si penjabie
que ça, à la réécoute/revisionnage), Sabrina Mallem m'a semblée
é-pa-tan-te. Elle avait dû manger du lion...
Il y a deux ans, je me faisais déjà la remarque
évidente que l'Inde montrée dans ce ballet était une Inde phantasmée... La
vision qui en est donnée, au-delà de certains clichés, est somme toute
assez intéressante. Du point de vue religieux, c'est un drôle de
syncrétisme. Un des personnages est le grand brâhmane, et dans le premier
tableau du premier acte, d'autres sont appelés les hindous
.
Pourtant, leur rituel associé au feu évoque plutôt le zoroastrisme. La
danse des poignards fait penser au sanglantes flagellations de l'Achoura. L'idole dorée, je
ne sais pas très bien d'où elle vient (Noureev aurait-il vu les films de Spielberg ?). Je lis
sur Wikipedia
que la position des mains du danseur est censée évoquer le lotus.
Peut-être, en tout cas, ce n'est pas ainsi que s'y prennent les danseuses
de bharatanatyam ! En effet, la position des mains du danseur ressemble à
la position de yoga Jnana Mudra
et aussi au
mudra Hamsâsya (tête de cygne) qui ne semble pas admettre le
lotus comme sens possible. Le mudra indien typique serait plutôt Alapadma
(lotus épanoui) ou encore le mouvement des deux mains représentant
l'éclosion de la fleur de lotus.
Un gros détail m'a intrigué. Lors du deuxième acte, Solor fait son entrée en scène à dos d'éléphant (factice). Son entrée est donc bien plus triomphale que celle du Rajah. Cela a de quoi étonner puisque dans le récit de voyage de François Bernier (1656-1669) publié chez Chandeigne sous le titre Un libertin dans l'Inde moghole, on peut lire la description d'un voyage du Grand Moghol Aurangzeb. Toute sa cour l'accompagnait et s'il était à dos d'éléphant, à cheval ou porté par ses hommes, ses courtisans devaient le suivre à cheval, ce qui ne laissait pas de les fatiguer.
L'histoire est censée se passer à Golconde, un fort situé non loin de Hyderabad dans l'enceinte duquel on trouve évidemment des mosquées, mais aussi un temple de Kali :
Le décor du temple du premier acte n'a pas grand chose à voir avec un seul des nombreux temples que j'ai vus en Inde. Pendant le deuxième acte, tout dans les décors évoque l'Inde islamique. On ne distingue certes pas de calligraphies comme on en voit souvent en Inde, mais d'autres éléments sont utilisés, comme les formes géométriques (qui était également visibles sur le décor du temple). Voici quelques exemples vus au fort de Gwalior :
Si on trouve dans les décors peu de représentations florales aussi riches et colorées que celle située au centre de la photographie suivante prise au Fort rouge de Delhi, les motifs en arabesques qui apparaissent sur le bord sont beaucoup utilisés dans le décor d'Ezio Frigerio :
Les arabesques apparaissent également dans la décoration suivante qui orne une voûte du mausolée d'Akbar à Sikandra, près Agra :
Voici un autre exemple de voûte, cette fois-ci en extérieur, sur le pavillon à l'entrée du tombeau de Safdarganj à Delhi :
Idem, avec un cadrage plus large :
Le décor du deuxième acte est assemblage complexe de voûtes dans ce genre-là, mais aussi de variantes arrondies de celle-ci, dont tout le Taj Mahal est orné :
(Lors de mon voyage de l'été 2009, j'avais regroupées certaines photographies en plusieurs séries, notamment Fleurs, Motifs/arabesques, Calligraphies. C'était mon premier voyage en Inde en compagnie de mon réflex, j'avais réussi quelques photos, pas comme lors de mon dernier voyage où je les ai toutes ratées sauf une.)
De quoi voulais-je parler, déjà ? Ah, oui, La Bayadère. À la
fin des saluts, Brigitte Lefèvre est montée sur scène, a commencé par
saluer les (télé)spectateurs et a remercié Ludmila Pagliero d'avoir
remplacé une autre danseuse (Mathilde Froustey qu'elle n'a pas nommée et
dont le nom était encore sur les affiches de la représentation ; l'Opéra
aurait quand même pu en imprimer de nouvelles...). Je me suis dit qu'elle
n'était pas montée sur scène juste pour ça. Quand elle a commencé à dire
qu'elle allait lire un message de Nicolas Joel, j'ai compris... Quelques
secondes plus tard, Ludmila Pagliero était nommée danseuse étoile
.
Cette danseuse a manifestement de fervents admirateurs. Je n'en fais pas
partie. (Je partage le sentiment exprimé par Amélie.)
Abasourdi par cette nouvelle, je suis consterné par ce que je vois en attendant mon train à Châtelet : un contrôle de police. Trois policiers ont malmené verbalement un jeune homme au prénom bien de chez nous (ce qui aurait fait plaisir à Éric Zemmour), mais qui cumule le délit de sale gueule à celui d'écouter de la musique un peu fort. Pour ça, on l'a menacé d'une amende de 135€. Cela se passe de commentaire.
2012-03-23 11:09+0100 (Orsay) — Culture — Musique
Salle Pleyel — 2012-03-20
Karita Mattila, soprano
Ville Matvejeff, piano
Sieben frühe Lieder (Berg)
Meine Liebe ist grün, Wiegenlied, Von ewiger Liebe, Vergebliches Ständchen (Brahms)
Harmonie du soir, Le Jet d'eau, Recueillement (Debussy)
Der Stern, Wiegenlied, Allerseelen, Frühlingsfeier (Strauss)
La Salle Pleyel malheureusement peu remplie accueille chaleureusement Karita Mattila, diva finlandaise. Je l'entends pour la première fois en concert. Quelle déesse du chant ! Quel plaisir de l'écouter ! Tout n'est pas absolument parfait, mais quelle différence avec la souffrance qu'avait été celle d'écouter Natalie Dessay récemment !
En première partie, j'ai préféré son Berg à son Brahms. Après
l'entr'acte, je quitte le premier balcon pour le tout premier rang centré
du parterre où j'avais repéré une place inoccupée ! Après avoir porté une
robe grise à paillettes, elle revient dans une nouvelle robe noire pour
interpréter trois mélodies de Debussy. Sa diction française est parfaite.
Si j'avais voulu suivre le moindre détail du texte, cela ne m'aurait
demandé aucun effort. J'ai préféré me focaliser sur la musique.
L'accompagnement pianistique n'est peut-être égal à celui de Philippe
Cassard, mais ce que fait Ville Matvejeff est plus que bien. Je suis sidéré
par le beauté de cette interprétation. La chanteuse me fait une impression
peut-être meilleure encore dans les quatre Lieder de Richard Strauss
qu'elle a ensuite chantés. Dans la berceuse (Wiegenlied), elle
élabore de superbes et raffinés phrasés que ne renieraient sans doute pas
les chanteurs de dhrupad ! Dans le dernier des Strauss
Frühlingsfeier, c'est un déchaînement vocal absolument divin qui
se déclenche. C'est bien une déesse nordique qui appelait Adonis !
Adonis !
, curieusement...
À part ça, sa façon de s'adresser au public est absolument indescriptible !
Ailleurs : Palpatine.
2012-03-22 09:38+0100 (Orsay) — Culture — Musique
Salle Pleyel — 2012-03-19
Budapest Festival Orchestra
Iván Fischer, direction
Chansons paysannes hongroises pour orchestre (Bartók)
Dezső Ránki, piano
Concerto pour piano nº2 (Bartók)
Symphonie nº9 La Grande (Schubert)
En m'installant à ma place d'arrière-scène, je constate avec tristesse que la Salle Pleyel est pratiquement vide. Je me réjouis pourtant d'entendre le Budapest Festival Orchestra (Bfz) jouer de la musique hongroise. Je les avais déjà entendus dans un programme Wagner/Stravinski il y a deux ans ; le genre de concert qui fixe une référence pour l'interprétation d'une œuvre (en l'occurrence Petrouchka) et qui du coup fait que quelqu'autre combinaison d'orchestre et de chef n'arrive plus qu'à vous la resservir fadasse (JEG/ONF).
L'orchestre prend place au dernier moment, ce qui provoque une certaine surprise. Les violons I sont à gauche avec les violoncelles, les violons II à droite avec les altos et les contrebasses sont alignées à l'arrière. Ce n'est pas la disposition majoritaire, mais cela reste assez standard, ce qui l'est beaucoup moins, c'est le positionnement des vents en deux demi-cercles concentriques au plus près du chef. Ses indications, un coup à gauche, et puis à droite, n'auront donc aucune ambiguité pour quiconque, musiciens ou spectateurs. L'effectif est important. Je dénombrerai 50 cordes (6 contrebasses).
Les violons et les altos jouent debout pendant les Chansons paysannes hongroises. L'ensemble me paraît assez inégal, un peu touffu, mais quelques passages me plaisent beaucoup.
Le grand moment du concert a été l'interprétation du concerto pour piano nº2 de Bartók. Pendant le premier mouvement, je suis impressionné par la virtuosité du pianiste Dezsö Ránki (qui remplace András Schiff). Le chef Iván Fischer est bouillonnant. Pendant la cadence, s'il ne bouge plus les mains, le reste de son corps, notamment la tête, dodeline en rythme avec le son du piano. Le deuxième mouvement (lent) m'a énormément plu, en partie grâce au motif joué à plusieurs reprises par les cordes (et la dernière fois d'une façon toute différente des précédentes) et aussi par le superbe duo entre le piano et les timbales. Ce qui fait la richesse de ce concerto, ce sont plutôt les instruments à vents et tout particulièrement dans le premier mouvement. J'ai l'impression de n'avoir jamais entendu cette œuvre, mais à l'entr'acte, je demanderai confirmation à Klari. Oui, c'est bien le même concerto que lors du concert Boulez/Chamayou/Orchestre de Paris. Pourtant, je n'ai rien reconnu... La façon de jouer des instruments à vents est une des raisons pour lesquelles j'ai nettement préféré l'interprétation du Bfz. Ce qui m'avait semblé incompréhensible et confus paraissait cette fois-ci certes extrêmement inhabituel et étonnant pour moi, n'ayant pas souvent entendu du Bartók, mais plus clair, sans pour autant manquer de contrôle ou de violence (quels crescendos !)
À l'entr'acte, je me fais remarquer en allant me placer au tout dernier rang du deuxième balcon déserté. De là-haut, je peux apprécier les beaux équilibres orchestraux trouvés au cours de la Symphonie nº9 de Schubert. Si tout est superbement joué, je dois avouer avoir trouvé cette œuvre un peu faiblarde dans les deux premiers mouvements. Certes, on y entend de jolis thèmes, mais par rapport à d'autres compositeurs, cela semble manquer d'idées et c'est un peu trop répétitif à mon goût. Cependant, les tuttis orchestraux permettent de mettre en valeur l'énergie dépensée par l'orchestre et les interventions des vents sont délectables.
Mes préventions s'évanouissent avec le troisième mouvement. Les instruments à vents y sont particulièrement à la fête. Les cordes graves se déchaînent comme il faut (mention spéciale au violoncelliste aux cheveux blancs !). Surtout, le chef sait créer des petits retards contrôlés, de brefs moments d'attente qui renforcent le caractère dansant de ce Scherzo. Je reste dans la même état de béatitude pendant le Finale, seulement distrait pendant quelques instants avec l'impression d'entendre un effet que Tchaikovski aurait peut-être pompé pour la Polonaise d'Eugène Onéguine. (Je fais parfois des associations un peu bizarres, par exemple, il y a un motif dans Tristan et Isolde que je surnommerais volontiers Le motif du Freischütz.)
Après que l'orchestre a été beaucoup applaudi, Iván Fischer se tourne
vers le public et demande (dans un français parfait) si nous souhaitons
entendre du Bartók ou du Schubert. Personne d'autre que moi ne doit
entendre mon cri Bartók !
. On vote en effet d'abord à celui qui crie
le plus fort puis à mains levées. La conclusion semble être Les
deux
. Le premier avait l'air d'être plus schubertien que bartókien et
les autres plus bartókiens que schubertiens, mais je n'y mettrais pas ma
main à couper.
Ailleurs : Palpatine, Klariscope.
2012-03-18 21:29+0100 (Orsay) — Culture — Musique
Cité de la musique — 2012-03-18
Les Dissonances
Quatuor à cordes nº1 Métamorphoses nocturnes, György Ligeti
David Grimal, violon
Concerto pour violon et orchestre à cordes Lumière lointaine, Pēteris Vasks
Cinq Mouvements, op. 5, Anton Webern
Métamorphoses, Richard Strauss
S'il n'y avait pas eu la série de concerts du Chamber Orchestra of Europe (en particulier le premier), mon concert de l'année aurait pour le moment été le concert Janáček aux Bouffes du Nord. Certains des musiciens qui jouaient alors faisant partie de l'ensemble Les Dissonances, je me réjouissais d'aller les écouter à la Cité de la Musique.
La première partie du concert a été absolument fabuleuse. Cela a commencé par un quatuor à cordes de Ligeti, peut-être aussi intense pour moi que les quatuors de Janáček précédemment entendus. Les musiciens me paraissent immédiatement sympathiques et pas seulement par la présence de grosses touffes de cheveux sur la tête de certains d'entre eux. Les quatre musiciens ont les uns vis-à-vis des autres des rôles très changeants au cours de ce quatuor. Une phrase musicale pourra être introduite par le violon I (Pierre Fouchenneret), puis reprise par le violon II (Guillaume Chilemme). Les associations peuvent également se faire entre le violon I et le violoncelle (François Salque) ou plus étonnamment entre le violon II et l'alto (Adrien Boisseau). Les motifs sont parfois joués successivement par deux ou plusieurs des musiciens. Au contraire, parfois comme dans un contrepoint le fil musical ne semble exister que par la superposition de toutes les parties. Parfois, et notamment dans les passages les plus vifs, les musiciens aux respirations synchronisées s'activent comme un seul instrument. La fin m'a particulièrement plu avec un petit motif de quatre notes qui est d'abord joué par le violon I, puis successivement par les autres musiciens, avec quelques variations. S'il a été plaisant de voir un certain équilibre entre les musiciens dans ce quatuor (chacun a des moments où il peut être considéré comme le soliste), ce quatuor recèle quelques passages humoristiques et une grande variété de timbres.
Le concerto pour violon de Pēteris Vasks est interprété par David Grimal. Comme dans tout le concert, il n'y aura sur scène que des instruments à cordes. C'est assurément un des plus beaux concertos pour violon que j'aie eu l'occasion d'entendre. La relation entre le violon et l'orchestre me fait penser à celle d'une voix accompagnée par l'orchestre. Le chant du violon n'est cependant pas des plus gais. Il est presque funèbre. Grossièrement, la structure du concerto est la suivante : mouvement lent, mouvement rapide, mouvement lent animé d'un accelerando frénétique, retour à le lenteur. Dans chacune des trois premières parties s'insère une cadence pour le violon. Cela change de la succession habituelle rapide-lent-rapide ! Certains thèmes sont d'abord joués par le soliste puis par l'orchestre. Parfois, comme dans le deuxième mouvement, c'est étrangement le contraire qui se passe. L'assurance et la complicité de cette belle équipe de jeunes musiciens m'a enthousiasmé !
Je suis un peu moins rentré dans les œuvres au programme de la deuxième partie du concert. Les Cinq Mouvements de Webern étaient assez contrastés, plus déliés que les fragments entendus récemment (dans une orchestration plus riche). Depuis ma place, certains des mouvements sonnent à mes oreilles comme un concerto pour alto (David Gaillard), ce qui ne gâche rien...
Bien que je sois allé avant le concert à la conférence d'introduction à cette œuvre, je ne suis pas vraiment rentré dans Les Métamorphoses (pour 23 cordes solistes) et à cause d'un certain état de fatigue je n'étais pas loin de m'endormir... Drôle de composition que ce surplace pantagruélique au bout duquel le compositeur se souvient qu'en vérité, il a été inspiré par le début du deuxième mouvement de la troisième symphonie de Beethoven.
2012-03-18 00:06+0100 (Orsay) — Culture — Musique — Danse
Théâtre des Champs-Élysées — 2012-03-17
William Forsythe, chorégraphie, costumes, conception lumières
David Morrow, musique
Rachel Shipp, réalisation lumières
Sylvie Guillem, Massimo Murru
Rearray
Jiří Kylián, chorégraphie, décor
Dirk Haubrich, musique
Joke Visser, costumes
Kees Tjebbes, lumières
Aurélie Cayla, Lukas Timulak
27'52"
Mats Ek, chorégraphie
Niko Rölcke, musique
Erik Berglund, lumières
Ana Laguna, Mats Ek
Memory
Mats Ek, chorégraphie
Beethoven, musique (Sonate pour piano op. 11, Arietta, enregistrement interprété par Ivo Pogorelich)
Katrin Brännström, décors et costumes
Erik Berglund, lumières
Elias Benxon, vidéo
Sylvie Guillem
Bye
Je n'avais pour le moment vu Sylvie Guillem que dans Éonnagata. Elle dansait dans deux des quatre pièces du programe dont avait lieu ce soir la troisième représentation au TCE.
Le premier ballet Rearray de William Forsythe est interprété par Sylvie Guillem et Massimo Murru. C'est la première fois que je vois un ballet de Forsythe. Je ferai encore quelques essais avec ce chorégraphie, mais il faut bien l'avouer : je me suis plutôt ennuyé en regardant ce ballet divisé en une douzaine de séquences séparées par des fondus au noir. La danse postmoderne avec ces mouvements aléatoires (générés par ordinateur ?), ce n'est pas trop mon truc. Un curieux phénomène lumineux s'est manifesté pendant cette pièce. J'avais en effet l'impression que les bras des danseurs ètaient poursuivis par une traînée de lumière, défiant les lois de la persistance rétinienne.
De Jiří Kylián, je n'avais vu que Kaguyahime, que j'avais adoré. 27'52" m'a un peu moins enthousiasmé, mais je l'ai nettement préféré au ballet précédent. Le chorégraphe utilise bien davantage la possibilité permise à deux danseurs (Aurélie Cayla et Lukas Timulak) de mettre leurs corps en contact. J'ai particulièrement aimé les différents portés. (Avec la succession des divers ballets, j'éprouve quelque difficulté à me souvenir des différentes musiques, mais il me semble que c'est la musique de ce ballet-ci que j'ai préférée.)
Le troisième ballet Memory a été pour moi le point culminant de ce spectacle. Il s'agit d'un bref, intense et poétique duo entre Mats Ek et Ana Laguna ! Très, très émouvant !
Après l'entr'acte, Sylvie Guillem interprète un solo de Mats Ek. Une trop grande part de l'ensemble se passe dans le tout petit angle mort que je ne vois pas depuis mon premier rang de corbeille excentré. Je ne saurais donc trop dire de quoi il est question dans ce ballet, si jamais il avait une quelconque part narrative. Pour le reste, cela reste très poétique, et moins déjanté que Une sorte de..., Appartement. Quand Sylvie Guillem fait plus ou moins le poirier près de l'avant-scène (le genre de choses qui curieusement font rire une partie du public), je peux entendre son souffle et voir pratiquement le moindre de ses muscles abdominaux se mouvoir périodiquement. Sinon, quels mollets !
Ailleurs : Blog à petits pas.
2012-03-16 01:54+0100 (Orsay) — Culture — Musique
Salle Pleyel — 2012-03-15
Katia et Marielle Labèque, pianos
Roland Daugareil, violon solo
Orchestre de Paris
Paavo Järvi, direction
Danses symphoniques, suite de West Side Story (Bernstein)
Battlefield, concerto pour deux pianos et double orchestre, op. 54 (Richard Dubugnon)
Roméo et Juliette, suite nº1, op. 64 bis (Prokofiev)
Le concert de ce soir de l'Orchestre de Paris est une exception au théorème énoncé dans un précédent billet. En effet, dès avant le début du concert, je sentais que l'ambiance était particulièrement bonne parmi les musiciens. Quand il a commencé à ajouter la suite extraite de West Side Story (Bernstein), l'orchestre était déjà survolté tandis que Paavo Järvi dansait sur son estrade.
Un réaménagement de la scène est nécessaire pour l'œuvre suivante, le double concerto Battlefield de Dubugnon. Les solistes sont les sœurs Labèque. Ce que j'ai vu et entendu ne me donne pas franchement envie de les revoir... Elles jouent presque tout très fort et projettent leur corps théâtralement vers l'arrière comme s'il subissait une contre-réaction à l'instant de la fin d'une phrase musicale. Comme pendant l'exécution de la fameuse symphonie de Rott, j'ai bien du mal à ne pas éclater de rire (davantage par le comportement des solistes que par la musique). Le double orchestre et les deux solistes se confrontent. L'œuvre dédiée à Didier de Cottignies est à sa suggestion inspirée par le triptyque La Bataille de San Romano. Les deux orchestres se répondent souvent. C'est violent. Ça saigne. Je me sens soulagé quand l'entr'acte intervient. (Une petite particularité instrumentale est à signaler dans cette œuvre. J'avais en effet sous mon nez six mini-gongs (accordés sur une note précise) sur lesquels étaient respectivement inscrits : b♮, c♯', g♯, Mi, f♯, a♯.)
En deuxième partie, je retrouve ma place d'arrière-scène pour la suite nº1 extraite de Roméo et Juliette de Prokofiev. L'orchestre est en pleine forme comme dans la première partie, et si on n'entend pas le tube qu'est La danse des chevaliers (qui n'est curieusement pas dans les suites tirées du ballet), j'aurai le plaisir d'entendre La Mort de Tybalt, l'extrait de cette musique de ballet que je préfère. Ce passage m'avait sidéré quand je l'avais entendu pour la première à l'Opéra Bastille. Non seulement ce morceau a été joué, mais il a été bissé. J'ai alors pu m'amuser à compter les coups pendant le solo de timbales (15 !) et apprécier la vivacité galopante des cordes, peut-être encore plus éblouissante lors du bis. La veste de l'altiste Ana Bela Chavez était décorée d'une fleur. Chez les contrebasses, le soliste était Bernard Cazauran, à qui je n'étais pas loin de demander un autographe quand il a fait une apparition au café Beaucour.
2012-03-15 11:53+0100 (Orsay) — Culture — Musique — Opéra
Opéra Bastille — 2012-03-14
Stéphane Degout, Pelléas
Vincent Le Texier, Golaud
Franz Josef Selig, Arkel
Julie Mathevet, Le petit Yniold
Elena Tsallagova, Mélisande
Anne Sofie von Otter, Geneviève
Jérôme Varnier, Un berger, Le médecin
Philippe Jordan, direction musicale
Robert Wilson, mise en scène et décors
Giuseppe Frigeni, co-metteur en scène
Frida Parmeggiani, costumes
Heinrich Brunke, Robert Wilson, lumières
Holm Keller, dramaturgie
Alessandro Di Stefano, chef de chœur
Orchestre et Chœur de l'Opéra national de Paris
Pelléas et Mélisande, Claude Debussy
Jusqu'à ce soir, je n'avais vu qu'un seul spectacle mis en scène par Robert Wilson. C'était il y a cinq ans avec La Passion selon Saint Jean au Châtelet. Si on voulait être méchant, on pourrait dire que ses spectacles se voient aussi bien, sinon mieux, en photo. Et des photographies de ses mises en scènes, j'en ai en effet vu un certain nombre. En vrai, c'est pareil. En dehors du presque bondissant petit Yniold et des éléments plus ou moins géométriques qui constituent le décor et qui se meuvent entre les tableaux, tout est extrêmement statique. Ce n'est pour autant pas le statisme flasque des metteurs en scène je-m'en-foutistes. Non, c'est un statisme tendu qui doit demander un certain effort physique aux chanteurs, surtout au niveau des bras et des épaules.
Depuis mon tout dernier rang de premier balcon de côté, je suis étonné de si bien entendre. La distribution vocale est absolument formidable. J'avais adoré le Golaud de Laurent Naouri au TCE l'année dernière, celui de Vincent Le Texier, plus froidement inquiétant, m'a également beaucoup plu ! L'Arkel de Franz Josef Selig est impérial. Dans le rôle de Mélisande, j'ai été ravi d'entendre Elena Tsallagova que je n'avais entendue que dans La petite renarde rusée et dans d'adorables rôles de moindre importance (Waldvogel dans Siegfried notamment). J'ai également pu réentendre Anne Sofie von Otter (Geneviève) que je n'avais pas vue depuis 2004 (dans un Couronnement de Poppée au TCE). N'ayant pas la possibilité de voir les surtitres depuis ma place, j'ai été heureux que le français de ces chanteurs soit parfaitement intelligible. On ne peut pas en dire tout à fait autant de Stéphane Degout (Pelléas) dont la voix est un peu trop lyrique, mais son texte restait tout de même à peu près compréhensible. Scéniquement moins contraint que les autres, le seul personnage qui parvienne à m'émouvoir, un peu, est Mélisande. Bref, le plaisir tiré de la mise en scène est légèrement glacé. Celle de Stéphane Braunschweig vue à l'Opéra Comique en 2010, quoiqu'elle fût aussi assez sobre, me semblait plus apte à maintenir un intérêt et à émouvoir.
Plus que des images, le plaisir vient de la musique. Des voix, bien sûr, mais surtout de l'orchestre, dirigé par Philippe Jordan. Le son est merveilleux, aussi bien chez les cordes que chez les vents (et tout particulièrement les hautbois et le cor anglais). Certains aspects illustratifs de la musique de Debussy que je n'avais jamais soupçonnés dans cet opéra paraissaient ici flagrants ! Les moments orchestralement les plus tendus m'ont semblé irrésistibles. Comme les coups de timbales au début du quatrième acte ont bien sonné !
Ailleurs : Zvezdo, Palpatine, Grignotages.
2012-03-14 13:11+0100 (Orsay) — Culture — Musique — Danse
Opéra Garnier — 2012-03-13
Frédéric Chopin, musique (Mazurkas op. 6 nº2 et nº4, op. 7 nº4 et nº5, op. 24 nº2, op. 33 nº3, op. 56 nº2, op. 63 nº3 ; Valse op. 34 nº2, op. 69 nº2 ; Grandes valses brillantes op. 34 nº1 et op. 42 ; Études op. 25 nº4, nº5 et op. 10 nº2 ; Scherzo nº1 op. 20 ; Nocturne op. 15 nº1)
Jerome Robbins, chorégraphie (1969) réglée par Jean-Pierre Frohlich
Joe Eula, costumes
Jennifer Tipton, lumières
Ben Huys, répétitions
Mathieu Ganio, en brun
Muriel Zusperreguy, en jaune
Benjamin Pech, en vert
Ludmila Pagliero, en rose
Karl Paquette, en violet
Mélanie Hurel, en bleu
Christophe Duquenne, en bleu
Eve Grinsztajn, en mauve
Agnès Letestu, en vert
Alessia Carbone, en rogue brique
Dances at a gathering
Mats Ek, chorégraphie (2000)
Peder Freiij, scénographie, objets et costumes
Erik Berglund, lumières
Jörgen Jansson, réalisation des lumières
Mariko Aoyama, répétitions
Fleshquartet, musique originale interprétée sur scène
Örjan Högberg, alto
Mattias Helldén, Sebastian Öberg, violoncelles
Christian Olsson, musique assistée par ordinateur
Veli-Pekka Peltokallio, répétitions
Marie-Agnès Gillot, Jérémie Bélingard, Simon Valastro, Nicolas Le Riche, Audric Bezard, José Martinez, Alice Renavand, Laure Muret, Amandine Albisson, Adrien Couvez, Clairemarie Osta, Christelle Granier
Appartement
Plus d'un mois sans aller à l'Opéra Garnier, cela m'a semblé une éternité. Ayant fait un saut à Pleyel pour récupérer la brochure 2012/2013, arrivant donc à Auber en prenant le RER A dans le sens opposé à mon habitude, j'ai même réussi à me tromper de sortie de métro.
À l'intérieur, rien n'a changé, des hôte-sse-s des invités d'une marque de cartes de crédit sponsorisant cette reprise sont habillés de façon très classique en noir, avec une peu discrète touche de rouge. L'Opéra se frotte au monde de la finance. C'est cohérent avec la politique tarifaire (l'annonce de la nouvelle saison a confirmé mes craintes ; seule bonne nouvelle, il est possible de s'abonner en catégorie 6 à Bastille, ce qui n'était pas le cas l'année dernière ; je me suis donc fait un abonnement minuscule de 5 spectacles pour être tranquille avec Bastille).
Le programme de cette première commence par Dances at a gathering de Jerome Robbins. Pendant une heure, on y entend diverses musiques pour piano de Chopin. Le ballet ne raconte pas d'histoire. Les dix danseurs dansent dans différentes configurations. Le début m'a semblé assez terne, presqu'ennuyeux. Il a fallu qu'Alessio Carbone et Muriel Zusperreguy entrent en scène pour leur pas de deux pour que je commence à trouver de l'intérêt à cette pièce, qui jusque là manquait d'éclat et d'humour. L'ensemble de six danseurs qui suivra (trois couples) me séduira aussi. Cependant, les plus grands moments de cette heure, ce sont les apparitions d'Agnès Letestu, superbifique dans ses deux solos. Pour une fois, Karl Paquette m'a presqu'enthousiasmé.
En deuxième partie, un ballet qui avait été créé pour l'Opéra : Appartement de Mats Ek. Comme dans Une sorte de..., l'espace scénique est prolongé jusqu'au-dessus de la fosse d'orchestre. C'est ici que Marie-Agnès Gillot danse le premier solo du Bidet de ce ballet en dix parties. Progressivement, de nouvelles parties de l'appartement sont dévoilées à chaque fois qu'est levé un nouveau rideau identique au rideau de l'Opéra Garnier. Dans la cuisine, on verra par exemple une scène de ménage entre Clairemarie Osta et Jérémie Bélingard. Comme dans La Maison de Bernarda, les danseurs parlent ou crient. Quand le troisième rideau est levé, on voit apparaître un quatuor de musiciens (Fleshquartet) disposé au fond de la scène. La musique qu'ils jouent est passée à travers quelques transformations électroniques. Il est assez inhabituel d'entendre une musique de ce type dans cette salle, mais elle est loin de m'avoir déplu. Les premiers extraits me rappeleront vaguement des mélodies de L'Art de la fugue (mais sans fugue !) et cette musique se fera assez subtile dans le superbe pas de deux dansé par Alice Renavand et Nicolas Le Riche près de la porte. Avant cela, le climax du ballet et de la musique aura été atteint pendant l'ébouriffante Marche des aspirateurs. Si certains mouvements chorégraphiques rappellent Une sorte de... (j'ai bien aimé la petite roulade par terre à la toute fin pour se glisser sous le rideau de scène avant qu'il n'atteigne le sol), l'ensemble paraît moins bordélique, mais tout autant enthousiasmant. Cela dit, n'ayant pas en tête les noms des différents tableaux, je ne voyais pas où Amélie voulait en venir quand en sortant elle me faisait part de son enthousiasme pour La Télévision, le deuxième tableau au cours duquel José Martinez se vautre flasquement sur son fauteuil. Absolument tous les danseurs étaient très investis, ils ont paru tous radieux et manifestement heureux d'avoir dansé lors des saluts.
Ailleurs : Blog à petits pas.
2012-03-12 10:12+0100 (Orsay) — Culture — Musique — Opéra
Théâtre des Champs-Élysées — 2012-03-11
Lioba Braun, Isolde
Stephen Gould, Tristan
Matthew Best, Marke
Brett Polegato, Kurwenal
Christianne Stotijn, Brangäne
Ben Johnson, Un marin, un timonier
Benedict Nelson, Melot, un berger
accentus
Pieter-Jelle de Boer, chef de chœur
Orchestre Symphonique de Birmingham
Andris Nelsons, direction
Tristan und Isolde, Richard Wagner
Côté spectacles, après le concerto en fa de Gershwin, les concerts du Chamber Orchestra of Europe (1, 2, 3), le Rundfunk-Sinfonieorchestrer Berlin et Jayanthi Kumaresh et Purbayan Chatterjee, mon mois de mars s'annonce presqu'aussi prometteur que celui de novembre dernier (la Naïla de Myriam Ould-Braham (×2), Lulu, Britten/Chostakovitch par le Philhar', Shakuntala au Cente Mandapa, Ananda Devi au Louvre, La symphonie fantastique (×2), Mallika Thalak (×2), Laxmi Myriam Quinio, Musique russe pour le Colonne, Batiashvili/Leleux et al. au TCE, Jephta, Shahid Parvez, LSO/Gergiev/Chostakovitch (×2) ; je n'ai gardé dans cette liste que le meilleur !).
Si entretemps, je ne suis pas vraiment rentré dans le Didon & Énée donné à l'Opéra Comique, j'ai par contre beaucoup aimé la représentation de l'opéra Tristan und Isolde donné en version de concert au TCE. C'était mon deuxième Tristan et Isolde. La première fois, j'avais eu du mal à ne pas m'endormir. Ce soir, avec l'orchestre symphonique de Birmingham dirigé par Andris Nelsons, je n'ai pas eu ce problème.
Depuis janvier 2011, je me prépare soigneusement aux représentations des opéras de Wagner auxquelles je vais assister : d'abord Siegfried, puis Parsifal, Le Crépuscule des Dieux, le Ring Saga et Tannhäuser. Je me suis ainsi préparé une fiche sur la base des motifs mentionnés dans Le voyage artistique à Bayreuth de Lavignac et je me suis écouté un enregistrement (Barenboim, Bayreuth 1995) en suivant sur la partition d'orchestre, ce qui permet parfois de voir des motifs avant de les entendre ou de remarquer des détails d'orchestration qui sinon pourraient passer inaperçus.
J'avais vu Andris Nelsons diriger l'Orchestre de Paris dans un programme Beethoven/Strauss (Eine Alpensinfonie). Je n'en ai pas parlé ici, donc allez voir les billets de Klari, andante con anima ou Palpatine. Le style de direction assez unique de ce chef m'avait enthousiasmé. Si j'avais jusqu'à maintenant quelque mal à distinguer son nom de celui de Mariss Jansons (avec lequel il a d'ailleurs travaillé, je me sens moins bête, du coup), après la représentation de ce soir au TCE, je pense que je garderai son nom en mémoire pendant un petit moment.
Mon placement est un tout petit peu meilleur que pour le concert de Jonas Kaufmann. Je suis deux rangs devant, mon champ de vision se réduit à la moitié de l'orchestre située à la gauche du chef. Par chance, Isolde et Brangäne apparaissent de ce côté, ce qui me permettra d'apprécier les trois robes portées par l'héroïne acte après acte. Je vois aussi Tristan et en me penchant un peu, je peux apercevoir Kurwenal, et parfois Marke.
Le chef dirige le plus souvent assis sur une chaise haute. Quand il se
lève, c'est pour déchaîner l'orchestre, parfois au prix d'un sonore appui
du pied sur l'estrade. Chez les cordes, je ne vois que les violons et les
altos. L'impression visuelle est très forte (quoique que parfois moins
irréprochablement rigoureuse que celle du Rundfunk-Sinfonieorchester Berlin entendu mardi). J'éprouve
quelques craintes avec l'interprète du rôle d'Isolde (Lioba Braun) au
premier acte tant l'orchestre la met à l'épreuve, mais ces craintes
s'évanouiront dans le deuxième acte, absolument sublime. L'instant du
Regard entre Isolde et Tristan a été fantastique, leur duo subséquent très
émouvant, les mises en gardes de Brangäne (Christianne Stotijn) s'y
incisant très harmonieusement. Le fait d'avoir travaillé les motifs avant
m'a sans doute fait apprécier encore davantage ce concert (et je ne me suis
pas senti perdu lors de la panne de surtitrage au milieu du deuxième
acte !). Cela dit, je basculais parfois du mode analytique
au mode
intuitif-émotif
...
Dans le troisième acte, le premier rôle est celui de Tristan, formidablement bien chanté par Stephen Gould (ok, il y a eu un ou deux mini-couacs). Je ne connaissais aucun des chanteurs de cette distribution. J'ai particulièrement aimé aussi Matthew Best dans le rôle de Marke. Chez les vents, le cor anglais (très beau solo joué depuis les coulisses) et la clarinette-basse se sont particulièrement distingués !
Quand Lioba Braun a commencé à chanter Mild und leise..., j'ai
oublié mes autres références dans le rôle d'Isolde et me suis laissé
entraîner par la musique qui s'est conclue par un long silence respectueux
pendant lequel j'ai bien eu du mal à contenir mes émotions. (L'abruti qui
avait crié Bravo
un micro-pouillème de seconde après la fin du
premier acte n'a heureusement pas récidivé !)
Ailleurs : Paris Broadway, Mes bouquins refermés.
2012-03-10 21:57+0100 (Orsay) — Culture — Musique — Culture indienne
Théâtre de la Ville — Place du Châtelet — 2012-03-10
Jayanthi Kumaresh, veena
Purbayan Chatterjee, sitar
Shahbaz Hussain, tabla
Tumkur Ravishankar, mridangam
Raga Hamsadhvani
Raga Madhuvanti/Dharmavati
Duo de percussions
Bhajan
Je crois que c'est la première fois que j'assiste à un concert de musique indienne de type Jugalbandi. Il s'agit en effet d'un duo dans lequel les deux musiciens sont sur un pied d'égalité. L'un vient du Nord et joue du sitar (Purbayan Chatterjee), l'autre joue de la veena (Jayanthi Kumaresh), et vient du Sud (ce qui ne se lit pas immédiatement sur son nom). Deux percussionnistes (mridangam et tabla) joueront avec eux en se faisant face. Entre eux, les deux musiciens ont pris place, chacun ayant auprès de soi le percussionniste issu de la même moitié de l'Inde.
Après une petite introduction musicale (qui n'est pas un Alap), les deux musiciens jouent une composition sur le Raga Hamsadhvani (carnatique). Si le son du sitar est joliment étincelant, j'éprouve une préférence pour les rondes sonorités de la veena de Jayanthi Kumaresh (qui n'était pas prévue initialement, mais que je réécoute avec plaisir suite à un autre concert en 2009). J'apprécie tout particulièrement ses phrasés et ornementations recherchées qui permettent de mettre en valeur les sonorités graves de son instrument. J'aime également sa façon de finir paisiblement ses phrases sur la note Sa. Dans ces improvisations sur un rythme à 16 temps (m'a-t-il semblé...), on a commencé à entendre un jeu de questions et réponses entre les deux solistes.
Dans le Raga suivant, plus élaboré, les musiciens travaillent dans un Raga appelé Madhuvanti dans la tradition hindoustanie et Dharmavati dans la tradition carnatique. Les deux musiciens jouent chacun à son tour un Alap sur ce Raga. C'est beaucoup trop court et rapide à mon goût (surtout côté sitar). On a à peine le temps d'apprécier un petit glissando entre deux notes que l'on est passé à autre chose. Ensuite viendra la composition et des passages plus improvisés. Un beau jeu de questions et réponses rythmiques va se développer entre Jayanthi Kumaresh et le joueur de mridangam, ce dernier reproduisant autant que possible le rythme, les nuances et le phrasé de la veena. Dans la musique carnatique, ce rôle est en général confié au violon. Les possibilités offertes par le mridangam s'avèrent étonnantes ! Les deux compères du Nord feront de même à la suite des deux du Sud. Je pardonne volontiers aux musiciens la fin quelque peu hydravionesque de ce Raga.
Vient ensuite un moment très intéressant du concert, le duo de percussions. Chacun des deux percussionnistes va commencer par y aller de son solo. Imperturbablement, Jayanthi Kumaresh clappe le Tala (Adi) à 16 temps utilisé pendant cette séquence. Il est évident que la musicienne est plus habituée à cet exercice que le sitariste. En effet, dans le Sud, il n'y a pas un concert de musique carnatique sans un solo de percussions au cours duquel le soliste clappe ostensiblement le Tala pour mieux apprécier l'art du percussionniste et fournir au passage un point de repère aux auditeurs... Après avoir exécuté leurs solos respectifs, les musiciens vont commencer leurs jeux de questions et réponses. D'abord sur une mesure complète de 16 temps. Ils vont ensuite se la diviser en 2, le premier jouant sur les premiers temps, le deuxième répondant aux phrases du premier sur les 8 derniers. Les sections vont se faire de plus en plus courtes. Après 16 et 8 temps, elles feront chacune 4, 2 et enfin 1 seul temps ! J'ai beaucoup aimé ce moment, mais l'atmosphère n'était pas aussi délectable qu'avec les deux percussionnistes que j'eus l'occasion d'entendre lors d'un concert de Sri Mohan Santhanam à Chennai.
Ce court concert (à peine 1h30) s'est achevé par un Bhajan.
(Ce concert a été enregistré par France Musique et sera diffusé le 2 mai à 22h30.)
2012-03-10 00:30+0100 (Orsay) — Culture — Musique
Je viens de visionner sur le site du Monde la vidéo La
parabole des Tuileries faite par David Castello-Lopes et Léonard
Cohen. Sous-titrée Quelques effets économiques postifis de
l'investissement public dans la culture
, elle parle d'un sujet qui me
tient évidemment à cœur, donc je recommande vivement de la regarder :
(Cliquer ici pour visionner la vidéo sur le site du Monde.)
Au delà de l'amusement premier procuré par une analyse de mon propre comportement culturel (la boulimie de spectacles), de voir une contrebasse dans la représentation iconographique d'un quatuor à cordes, cette vidéo m'agace quelque peu par la vision excessivement idéalisée qu'elle donne du rôle de l'État. L'évocation de ces sujets dans les médias est rare, l'initiative est louable, mais en écoutant le texte, il y a de quoi se demander si on entend une vidéo de propagande gouvernementale ou s'il s'agit d'un travail de journaliste.
Loin de moi l'idée de minimiser le rôle de l'État, puisque c'est lui qui
me verse mon salaire via une université autonome
, sans lui
je n'aurais pas eu la formation qui m'eût permis de l'obtenir, je ne me
serais pas fait à l'École
des amis
qui ayant baigné dans cette culture-là depuis leur enfance m'ont en quelque
sorte inité à la musique classique. Sans l'État (qui subventionne
indirectement la Salle Pleyel via la Cité de la Musique), je
n'aurais jamais assisté au concert de ma vie, qu'Il en
soit grandement remercié !
S'il est évidemment bon que l'État injecte de l'argent dans la culture,
il n'est pas interdit de réfléchir pour savoir s'il le fait bien. Puisque
l'on voit passer le logo de l'Opéra de Paris dans la vidéo, on peut se
demander si l'argent public est utilisé à bon escient dans cette
institution. Je ne dis pas que l'Opéra ne doit pas recevoir d'argent de
l'État, mais que la façon de l'utiliser pourrait sans doute être meilleure.
Attention : mode pifométrie ON
. L'Opéra de Paris reçoit
environ 100 millions de subventions et 50 millions en billeterie. Pour les
opéras, la majorité des spectateurs paye à peu près 100€ ou plus. Pour 100€
qu'ils ont donnés, l'État ajoute donc 200€. Pifomètre
désactivé.
Seules les catégories sociales les plus favorisées
peuvent se permettre de dépenser régulièrement de telles sommes. Étant très
loin d'être à plaindre, je ne pourrais me permettre cela
qu'exceptionnellement (sauf erreur, je ne pense avoir dépensé 100€ ou plus
qu'une seule fois pour assister à un spectacle). Est-il
véritablement dans l'intérêt de la société que l'État fasse un cadeau aux
catégories sociales les plus favorisées en divisant par trois leur
dépense ? S'il n'y a pas d'effet redistributif (notamment par une offre
comportant une proportion significative de billets à des tarifs plus
abordables), cela me semble difficilement défendable, or la politique de
l'Opéra va exactement dans le sens contraire. (La
brochure 2012/2013 de l'Opéra paraissant dans les jours prochains, on
pourra bientôt savoir si j'ai ou non fait ma Cassandre.)
Les subventions et les prix ne sont pas le seul frein à l'accès à la
culture classique
. Si vous avez une théière de thé devant vous,
lancez-vous dans la lecture du foisonnant billet de Djac Baweur Pourquoi
la musique classique, c'est ringard ? Si on doit pouvoir trouver
des exemples de personnes qui ont commencé à adorer la musique classique
grâce à une réminiscence de cours de musique de collège comme il est
suggéré dans la vidéo, je trouve quelque peu naïve la façon dont la vidéo
évoque cet amorçage
de l'intérêt pour cette culture. Je n'ai
peut-être pas eu de chance, mais mes seuls souvenirs de musique classique
entre le collège et le lycée, ce sont des extraits de Peer Gynt en
cours de musique et la mention du nom de Schönberg et de Boulez en cours
d'histoire au lycée (ah, si j'avais davantage écouté cette
enseignante !).
2012-03-09 22:20+0100 (Orsay) — Culture — Musique
Salle Pleyel — 2012-03-06
Marek Janowski, direction
Rundfunk-Sinfonieorchester Berlin
Six Pièces, op. 6 (Webern)
Nina Stemme, soprano
Wesendonck-Lieder (Wagner)
Mort et Transfiguration (Strauss)
Prélude et Mort d'Isolde de Tristan et Isolde (Wagner)
Autant de concerts fabuleux à Pleyel en aussi peu de temps, c'est presqu'inhumain. Après les trois concerts du Chamber Orchestra of Europe (vendredi, samedi et lundi), cette salle accueillait mardi le Rundfunk-Sinfonieorchester Berlin dirigé par Marek Janowski.
Le programme commence par du Webern, un compositeur dont je n'ai guère eu l'occasion d'entendre la musique. Comme une autre fois à l'Opéra Comique (en 2010), ce sont des fragments qui sont joués. Les morceaux font une petite poignée de minutes tout au plus (au total, les six pièces durent dix minutes !). L'atmosphère est très sinistre. Le troisième mouvement censé évoquer des bruyères me fait davantage penser à un environnement urbain déprimé (avec une canalisation d'eau qui fuit un peu). Le quatrième des six pièces est la plus développée, la plus stridente et la plus percussive de toutes. Contre toutes mes attentes, l'orchestre a réussi à m'enthousiasmer pour cette austère musique.
J'avais déjà eu l'occasion d'entendre Nina Stemme dans le rôle d'Elisabeth de Tannhäuser. Cette fois-ci, j'ai été immédiatement transporté par sa voix lors du premier des Wesendonck-Lieder (Wagner). J'apprécie le côté brünnhildien du deuxième Lied Stehe still!. Le troisième Lied Im Treibhaus est très sombre et fait immédiatement penser à Tristan et Isolde (motif de la Solitude). On y entend aussi un très beau solo d'alto. Certains accords entendus dans Schmerzen (notamment le tout premier) me font penser à d'autres entendus chez Wagner sans que je puisse dire lesquels. Bien qu'il s'agisse d'une berceuse, le cinquième et dernier Lied Traüme est loin de m'endormir...
Je suis en fait tout à fait bouleversé par ce que je viens d'entendre. Je retrouve Bladsurb et Klari à l'entr'acte et parvient à les convaincre de quitter le premier balcon pour me rejoindre au dernier rang du deuxième balcon pour la deuxième partie du programme. Les conditions acoustiques y sont en effet fabuleuses. Je n'ai toutefois pas pris autant de plaisir qu'à l'écoute du poème symphonique Une vie de héros il y a deux mois, mais cette Mort et Transfiguration était quand même une fichtrement belle bête. L'œuvre est peut-être un peu trop sérieuse ; cela manque un peu de second degré. Il m'a juste semblé entendre dans les dernières minutes un petit motif qui ressemblait à un autre entendu dans Salomé. L'orchestre passe par différents états et s'enflamme parfois littéralement dans des accès de violence. Une de mes héroïnes de la soirée, la joueuse de cor anglais est aux commandes pour faire redescendre l'orchestre des sommets de violence à de plus douces atmosphères. L'orchestre est très beau à regarder. Il bouge comme un seul corps. Que les violons I et II soient du même côté du chef accentue encore cette impression. Cependant, dans la foule de musiciens, la première des seconds violons est particulièrement énergique !
Vient ensuite le Prélude et la Mort d'Isolde (Wagner). C'est pour moi un exercice pratique avant d'entendre une version de concert de cet opéra au TCE dimanche. Je me prépare en effet depuis deux semaines à cette représentation en essayant de mémoriser les différents motifs. Comme exercice, ce n'est pas très concluant parce que j'ai été surchargé d'émotion avant même la fin du Prélude. J'ai bien reconnu la plupart des motifs, mais comme en passant, l'émotion étant ailleurs, mon plaisir étant ainsi très différent de celui, contenu et intérieur, presque froid, que j'avais ressenti en assistant pour la première fois à une représentation du très motivique Siegfried. La façon qu'a eu Nina Stemme de chanter les tout premiers mots ne m'a pas absolument enchanté, mais la suite m'a beaucoup plu. Certes, il y a pas mal de vibrato, mais quelle puissance vocale !
J'ai apprécié que le chef Marek Janowski parvienne à obtenir du public un silence respectueux de plusieurs secondes à la fin de chacune des œuvres jouées.
Ailleurs : Bladsurb, Paris — Broadway.
Le concert est disponible à la réécoute sur le site de France Musique.
2012-03-08 10:26+0100 (Orsay) — Culture — Musique
Salle Pleyel — 2012-03-05
Bernard Haitink, direction
Chamber Orchestra of Europe
Grand Chœur de la Radio néerlandaise
Jessica Rivera, soprano
Karen Cargill, mezzo
Roberto Saccà, ténor
Hanno Müller-Brachmann, baryton-basse
Edward Caswell, chef de chœur
Symphonie nº1 (Beethoven)
Symphonie nº9 Hymne à la joie (Beethoven)
Il y avait a priori de quoi se poser la question après le concert de vendredi avec l'ouverture Egmont et la Symphonie Pastorale : ce concert mémorable resterait-il à ce jour le concert de ma vie ? Le concert de samedi, intense, mais différemment, n'avait pas réussi à le détrôner.
Le Chamber Orchestra of Europe avait placé la barre de mes attentes très
haut dès la deuxième mesure de l'ouverture Egmont vendredi. On aurait ainsi
tort de se plaindre qu'au lieu d'être sublimissime, le dernier concert de
la série n'ait été que
sublime. C'est mon sentiment après avoir
assisté à ce concert de lundi au cours duquel furent jouées les symphonies
nº1 & 9 de Beethoven.
Si toutes les symphonies de Beethoven sont superbes, la première est peut-être moins génialissime que les autres. Si l'enthousiasme de l'orchestre est intact et qu'il joue toujours aussi fantastibuleusement bien, le plaisir pris à l'écouter s'en trouve cependant légèrement amoindri. Cela dit, quelques moments ont été irrésistibles, notamment dans les passages les plus vifs (mon dieu, la flûte pendant la dernière minute du dernier mouvement !)
Je n'avais pas réécouté la neuvième symphonie depuis longtemps. En
concert, cela remontait à octobre 2008 et je n'en ai strictement aucun
souvenir (faut aller voir chez Palpatine ;
j'avais d'ailleurs commenté sous son billet, en faisant un lien vers le
COE, mais malheureusement pas encore le Chamber Orchestra of Europe, mais le Council of Europe...). Je redécouvre ainsi
le début de l'œuvre. Au cours du premier mouvement, les instruments à vents
semblent vouloir installer un Raga (mais lequel ?) tant la partition leur
demande de tenir des notes très longuement. À la différence des pianistes
qui n'ont qu'à appuyer sur la pédale pour obtenir cet effet, au détriment
de l'intensité du son qui finit par décroître, nos instrumentistes doivent
souffler continuellement dans leurs instruments et au prix d'un souffle
héroïque, ils peuvent maintenir toute la force du son. Ces notes tenues me
donnent un sentiment cosmogonique de création du Monde, un ressenti à
rapprocher de ma rencontre récente avec la Symphonie nº1
“Titan” de Mahler. Ensuite, dans le deuxième mouvement, le rythme et le
fouettement des cordes me fait penser à une chevauchée dans une campagne où
quelque bruine dégoulinerait des cheveux sales de notre cavalier. Le son de
l'orchestre est en effet un tout petit moins propre
que lors des
concerts précédents. Le temps n'est plus aussi subtilement suspendu. La
trompette n'est peut-être pas non plus aussi parfaitement juste ou joliment
timbrée. La tension se relâche parfois un peu. Ma respiration n'est pas
coupée, la réanimation ne sera pas nécessaire. Toutefois, j'ai été ébloui
par les trombones (malheureusement ignorés par les caméras pendant ce
deuxième mouvement).
Après ces deux premiers mouvements très beaux mais pas absolument idéaux, le cavalier arrête sa monture dans une clairière. Il écoute le son de la nature. Les cordes reproduisent souvent les mini-bruits de petits oisillons. Ce troisième mouvement mettant superbement en valeur les instruments à vents a été pour moi le point culminant du concert.
Dans le quatrième mouvement, on entend le superbe chant de désespoir de quelque saule pleureur incarné par les violoncelles et les contrebasses tandis que le cavalier revoit en flashback ce qu'il a vécu au cours des deux premiers mouvements. L'atmosphère change progressivement. Les vents esquissent un nouveau thème. L'ivresse s'empare de l'orchestre en commençant par les violoncelles et les contrebasses qui énoncent pour la première fois complètement le thème de l'Hymne à la Joie. Le fait que la basse ne m'enchante pas tout à fait lors de ses premières interventions est compensé par le vivifiant accompagnement des vents (!!!) avant que le superbe Grand Chœur de la Radio néerlandaise et les autres chanteurs (bons, sans plus) se fassent entendre. Après, je me dis que le compositeur devait être complètement shooté quand il a composé le solo de contrebasson et tout ce qui s'ensuit, à partir de Froh, wie seine Sonnen fliegen et l'apparition du triangle...
Si je n'ai pas été continuellement au plus haut niveau de l'extase pendant les quelque soixante-dix minutes de cette interprétation, j'ai pris un très grand plaisir au cours de ce concert ! Je m'inscris aussitôt à la virtuelle Cihohi Appreciation Society et si je ne pourrai malheureusement pas réentendre cet orchestre avant l'été, j'espère qu'entre la Cité de la Musique et Dijon, la saison prochaine fourmillera d'autres occcasions...
Comme les deux autres, ce concert peut être revisionné sur ArteLiveWeb.
2012-03-05 09:30+0100 (Orsay) — Musique
Je pensais que je commençais à comprendre comment utiliser le nouveau
système de réservation de la Salle Pleyel (le même que celui de l'Opéra de
Paris), Secutix, décrit par Klari
comme la seule 'solution billetterie' qui garantit que 100% des
spectateurs ayant commis un achat en ligne sont authentiquement
motivés
.
Je tente ce matin de me prendre une place en plus pour le
concert Colonne de l'après-midi du 10 juin. Je choisis la catégorie, je
valide. Je m'attends à devoir choisir entre trois possibilités : l'envoi du
billet par la poste, l'impression à domicile et le retrait au guichet. Un
encadré sur la gauche m'annonce fièrement Ce service d'achat en ligne
vous permet d'imprimer directement vos billets à domicile, sur votre
imprimante (en noir et blanc ou en couleur).
Que nenni ! Je ne vois que
Courrier normal - Envoi postal
et Retrait au guichet - Billet
laissé au contrôle
. Heureusement l'envoi postal est gratuit (pas comme
à l'Opéra de Paris). Je valide cette option.
Quelle fût ma surprise quand je vis dans mon récapitulatif de commande
Mode de livraison : Courrier électronique
. Suis-je devenu fou ?
Quelques secondes plus tard, la confirmation de ma commande arrive et
m'indique que mes billets seront envoyés à mon adresse postale.
Sérieusement, il a été testé ce système de réservation avant d'être mis en route ?
2012-03-04 19:37+0100 (Orsay) — Culture — Musique
Salle Pleyel — 2012-03-03
Bernard Haitink, direction
Chamber Orchestra of Europe
Leonore III, ouverture (Beethoven)
Symphonie nº4 (Beethoven)
Symphonie nº7 (Beethoven)
Ce serait mentir de dire que j'aie été autant ému par le deuxième concert du Chamber Orchestra of Europe que par le premier de la série et tout particulièrement par la Symphonie Pastorale. Heureusement, d'ailleurs, parce qu'il serait à la longue passablement inconfortable de ne pas pouvoir tenir la durée d'un concert sans avoir le visage liquifié au bout de quelques secondes. Le choc de la première fois est passé, je n'oublierai jamais. Le temps est venu d'écouter ce merveilleux orchestre d'une façon plus sereine.
Cela tombe bien parce que l'ouverture Leonore III commence également de façon plus douce qu'Egmont. On entend ainsi par exemple les clarinettes sussurer un suave thème tiré de l'opéra. Et puis, après quelques péripéties, la tension va se mettre à monter progressivement. Je perd un peu le fil puisque sur ma droite au bout du rang devant moi, une femme enceinte semble avoir un petit malaise. Quand une porte conduisant aux coulisses s'ouvre à l'arrière-scène, je vois d'abord une trompette dépasser avec un trompettiste du COE au bout. Après l'évacuation, je reprends le fil de l'ouverture, et quand la même porte s'ouvre à nouveau, j'aperçois cette fois-ci le trompettiste lançant un appel quelque peu martial depuis les coulisses. Explorant les nuances depuis les plus douces jusqu'aux plus violentes, le déferlement orchestral qui suit est irrésistible...
La quatrième symphonie de Beethoven était la dernière qu'il me restait à entendre en concert. Quelques phrases des vents me rappellent délicieusement ce que j'ai entendu la veille dans la Pastorale. Si le clarinettiste Romain Guyot a été particulièrement divin pendant tout le concert, l'osmose entre les vents a été formidable. Pas seulement entre les vents, d'ailleurs, puisque la façon dont certains thèmes passaient entre les vents et les cordes était très belle. J'ai tout particulièrement aimé les premier et quatrième mouvements de cette symphonie. Dans le premier, l'énergie déployée par les cordes pour leurs démarrages en coup de fouets était impressionnante !
Une sensation qui ne m'a pas lâché pendant ce concert et le précédent, c'est le sentiment que le temps s'allongeait. Pas que je me sois ennuyé le moins du monde ou que les tempi aient été particulièrement lents (cela a été plutôt le contraire, comme cela le sera dans le voluptueux Allegretto de la Symphonie nº7), mais tout étant énoncé de façon tellement limpide et énergique, c'est comme si le fait de voir défiler une avalanche continue de sensations musicales induisait un étirement de la notion du temps.
Cette septième symphonie m'a procuré un grand plaisir du début à la fin. J'ai particulièrement apprécié le petit motif Pin-pon qui se fait entendre peu de temps après le début du troisième mouvement, joué par la flûte et la clarinette qui le refilent aux violons et aux altos avant de céder la place aux bassons, cors, violoncelles et contrebasses (cela a un petit air du motif de la Fonte de l'acier dans Siegfried). Conformément à l'impression énoncée ci-dessus, à la fin du troisième mouvement, j'ai eu comme un doute : l'orchestre est déjà déchaîné comme il doit l'être dans le dernier mouvement, serait-ce déjà fini ? sinon, comment pourrons-ils faire encore plus fort ? J'ai vite compris que c'était possible. Étant placé dans l'axe de l'instrument, les tonitruantes notes graves du deuxième cor ont donné un inquiétant goût de fin du monde à ma perception des violentes premières notes du quatrième mouvement Allegro con brio qui ont sonné comme Tin-Papa-PAAAAAAAAAH.
L'engagement physique de Bernard Haitink (dont c'est aujourd'hui le quatre-vingt-troisième anniversaire) a été très important dans cette symphonie, il s'est même pendant un instant transformé en timbalier virtuel. J'espère qu'il sera autant en forme lundi pour la Neuvième, et la Première aussi !
Comme celui de vendredi, ce concert a été enregistré pour ArteLiveWeb. Frissons garantis !
2012-03-03 14:42+0100 (Orsay) — Culture — Musique
Salle Pleyel — 2012-03-02
Bernard Haitink, direction
Chamber Orchestra of Europe
Renaud Capuçon, violon
Gautier Capuçon, violoncelle
Frank Braley, piano
Egmont, ouverture (Beethoven)
Triple concerto (Beethoven)
Symphonie nº6 Pastorale (Beethoven)
Que dire après un tel concert... En voyant l'énergie et la conviction déployée par tous les musiciens, je savais déjà après moins de cinq secondes d'ouverture Egmont que j'assistais au concert de ma vie. Je suis au premier balcon après avoir fait un semi-échange avec Klari pour que depuis l'arrière-scène elle puisse voir de face Bernard Haitink diriger le Chamber Orchestra of Europe. Je ne vois donc pour le moment Haitink que de dos, mais il est évident que le moindre de ses gestes est réfléchi et qu'aucun n'est superflu. Pendant l'exécution des œuvres, le temps se suspend et il nous fait entrer, nous immerge dans la musique, qui si elle peut paraître un peu bourrine jouée par d'autres, se déploie ici dans son suprême raffinement.
Faisons une avance rapide sur le Triple concerto pour lequel on aurait mieux fait de faire jouer les parties des solistes par des musiciens de l'orchestre, surtout celle de violoncelle. J'ai eu quelque mal à réprimer des gloussements de pervesse horreur en entendant le vibrato infâme de Gautier Capuçon au début du deuxième mouvement. Le trio de solistes qui se développe à partir de là m'a passablement ennuyé. Voilà, c'est dit. Passons à la deuxième partie du concert.
Je rejoins Klari à l'arrière-scène pour la sixième symphonie, une des deux dernières qu'il me reste alors à écouter en concert. Le chef a la bonne idée de faire de brèves pauses après les premier et deuxième mouvements pour me permettre de sécher mes larmes et de contrôler mes voix nasales pour affronter les émotions des trois derniers mouvements qui seront enchaînés.
Où que l'on regarde, on voit des musiciens débordant d'énergie. Que ce soient les contrebasses, au dernier rang des violons I, partout, absolument partout. D'autres orchestres ont des instants d'euphorie collective (le LSO, l'Orchestre de Paris, le Colonne, j'en vois qui en doutent, mais si, si, ça leur arrive aussi !), mais avec eux, c'est permanent et ça se voit et s'entend dès le début du concert. Le plus important, le son qui en sort, est magique. Les phrasés, les accents, les crescendos qui grimpent par vagues, chaque vague diffusant un son au timbre enrichi. Le phénomène est saisissant pendant le Ti.tatata.ta. Ti... que l'on entend dans le premier mouvement Éveil d'impressions agréables en arrivant à la campagne :
Cette séquence est analysée par Djac Baweur dans son superbe billet Comment Beethoven pulvérise les minimalistes américains.
Sinon, bien sûr, les vents sont fantastiques. Le hautbois et la clarinette, mais aussi le basson et la flûte, mais trève de bidules techniques, parce que cette symphonie s'appelle la Pastorale. Dans le premier mouvement, on entend ainsi souvent le chant des oiseaux. Plus loin, ce sera le coucou au fond des bois alors que se fait entendre l'eau du ruisseau frémissant. Les villageois se réjouissent, et puis PAF (mon dieu, cette timbale !), l'orage se déchaîne avant que tout le monde se dise au revoir.
C'est mon troisième concert de l'année à atteindre le niveau rouge des graduations du lacrimamètre (après La Traviata à Dijon et le concert Janáček aux Bouffes du Nord), mais celui-ci explose complètement tous les compteurs. Bravo à tous ces immenses artistes et à Bernard Haitink, qui dirigeait cette sixième symphonie de mémoire, mais en gardant devant lui la figure tutélaire de Beethoven symbolisée par une partition refermée.
Le concert a été enregistré pour ArteLiveWeb. Après avoir visionné quelques extraits, l'enregistrement vidéo semble très bien fait nonobstant le nombre réduit de caméras, qui ne gênaient donc nullement les spectateurs contrairement à ce qu'on a parfois constaté avec d'autres équipes techniques, notamment pour quelques concerts de l'Orchestre de Paris...
Ailleurs : Klari, Rick et Pick.
PS : Ayant pu réécouter ces deux concerts grâce à ArteLiveWeb pour l'un
et France Musique à l'autre, je reclasse rétroactivement le concert Janáček aux Bouffes du Nord du 23 janvier 2012
concert de ma vie
ex-aequo avec celui-ci.
2012-03-02 11:24+0100 (Orsay) — Culture — Musique
Salle Pleyel — 2012-03-01
Stefano Bollani, piano
Roland Daugareil, violon solo
Orchestre de Paris
Riccardo Chailly, direction
Porgy and Bess: Catfish Row, suite symphonique (Gershwin)
Rhapsody in Blue, pour piano et orchestre (Gershwin)
Concerto pour piano en fa majeur (Gershwin)
Après de nombreuses observations, voici un énoncé qui semble se dégager :
Théorème de l'Orchestre de Paris — Quels que soient le
chef d'orchestre et les œuvres jouées, un concert de l'Orchestre de Paris
admet la structure suivante : première partie mouaif
, entr'acte,
deuxième partie youpi
.
Remarque — Toutefois, comme pour les groupes simples finis et les systèmes de racines, sporadiquement, des exceptions ont été signalées, notamment quand Paavo Järvi dirige Haydn (cf. [1], [2]), quand les solistes sont Leonidas Kavakos ou Akiko Suwanai, ou encore quand Boulez dirige La Nuit transfigurée.
Dans ce programme Gershwin, on aura beau avoir tenté d'obtenir un contre-exemple en intervertissant l'ordre des deux œuvres jouées pendant la première partie, rien n'y a fait : si la première partie ne m'a pas déplu, elle ne m'a pas autant enthousiasmé que je l'espérais. L'orchestre dirigé par Riccardo Chailly a commencé par une suite extraite de Porgy & Bess. C'est une suite, donc on passe rapidement d'une chose à une autre, sans véritable transition. Ce n'est pas très original, mais j'ai particulièrement aimé quand Roland Daugareil a fait chanter à son violon l'air Summertime. La partie de piano avait l'air assez amusante aussi.
Ensuite, on a changé de piano et de pianiste pour Rhapsody in Blue, qui a commencé par un fabuleux solo de clarinette (Frédéric Berrod d'après Simon Corley). Et puis, je ne me suis pas vraiment ennuyé, mais il y avait un certain décalage entre l'enthousiasme et les grands gestes du chef sur son estrade et les musiciens. Cela dit, il est normal qu'il y ait un décalage, au moins temporel, puisqu'il dirige un peu en avance. Si le pianiste Stefano Bollani semble très attentif à ce que fait l'orchestre, j'ai l'impression que chacun joue à son tour sans que ça se mélange bien quand le piano est accompagné de l'orchestre (mais le fait d'être placé à l'arrière-scène influence sans doute ma perception). La façon d'interpréter la fin a été de toute beauté. Les cuivres ont entamé un crescendo, puis un petit decrescendo avant de reprendre le crescendo final, le tout dans un seul élan.
Après l'entr'acte, la configuration est restée la même pour le concerto
pour piano en fa majeur. Dès les premières notes, je me suis souvenu que
cette œuvre était sur l'unique disque Gershwin que je possède. L'attitude
des musiciens de l'orchestre trahit un enthousiasme plus grand qu'en
première partie. Le pianiste fait également des merveilles. Je décide de
passer résolument en mode youpi
au début du deuxième mouvement qui
met beaucoup en valeur les vents et les cuivres. J'ai été absolument sidéré
par la beauté du son du trompettiste solo (Frédéric Mellardi) ! De
l'euphorique troisième mouvement, je retiens la façon dont le pianiste
clappe le tal enfin bref la mesure avec son pied gauche. (D'ailleurs, j'ai
entendu une spectatrice se plaindre du fait qu'il portait des baskets.)
Après un bis pour piano et orchestre (non identifié, je n'étais pas assez près des percussionnistes pour lire le titre sur la partition), le pianiste est revenu pour trois bis supplémentaires en solo, résolument jazz. Le premier d'entre eux était basé sur un morceau de Scott Joplin (Maple Leaf Rag), auquel la main gauche du pianiste a apparemment ajouté des plaisanteries que je n'ai pas tout à fait saisies (mais qui ont fait glousser des musiciens de l'orchestre et une partie du public). Du dernier bis, je ne me souviens que de la suite d'accords très dissonants que le pianiste a joué quelques secondes avant la fin et sa façon peu orthodoxe de se lever tout en continuant à jouer ou encore de faire pencher son siège dangereusement vers l'avant...
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