Weblog de Joël Riou

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Padmâvatî au Châtelet

2008-03-15 16:49+0100 (Orsay) — Culture — Opéra — Cinéma — Culture indienne

Théâtre du Châtelet — 2008-03-14

Sylvie Brunet, Padmâvatî

Finnur Bjarnason, Ratan-Sen

Alain Fondary, Alaouddin

Yann Beuron, Le Brâhmane

Blandine Folio Peres, Nakamti

François Piolino, Badal

Lauvent Alvaro, Gora

Alain Gabriel, Le Veilleur

Jean-Vincent Blot, Un Prêtre

Orchestre Philharmonique de Radio France

Chœur du Châtelet

Sanjay Leela Bhansali, mise en scène

Omung Kumar Bhandula, scénographie

Tanushree Shankar, chorégraphie

Rajesh Pratap Singh, costumes

Somak Mukherjee, lumières

Lawrence Foster, direction

Stephen Betteridge, chef de chœur

Padmâvatî, opéra-ballet d'Albert Roussel

Hier soir, j'étais à la première de l'opéra-ballet Padmâvatî au théâtre du Châtelet. Je n'avais jamais été autant ému par un opéra. Le thème de cet opéra-ballet est inspiré de l'histoire d'une rani rajpoute de Chittor (Rajasthan) qui s'est sacrifiée avec de nombreuses autres femmes de la citadelle avant qu'un sultan ne prenne possession du palais après avoir vaincu l'armée conduite par le raja. Dans l'adaptation de cette histoire par Louis Laloy, Padmâvatî tue son mari Ratan-Sen qui veut céder à la demande du sultan mogol (sic) Alaouddin de lui donner la belle Padmâvatî en échange de la paix.

Je n'ai pas de goût marqué pour la musique vingtième siècle de Roussel. Pourtant, cette musique symphonique a la faculté de déclencher des impressions et des émotions fortes. En dehors de la musique et du chant (chœur du Châtelet et orchestre philharmonique de Radio France dirigé par Lawrence Foster), l'essentiel de la production a été confié à des indiens. La mise en scène de Sanjay Leela Bhansali (qui a notamment réalisé le film Devdas) et les décors semblent avoir pleinement utilisé les possibilités techniques du théâtre : Ganesh surgissant du ciel, décors escamotés par en haut au milieu d'un acte, rideau venant cacher l'arrière-scène pour mettre en valeur la scène tendue entre Ratan-Sen et Padmâvatî au deuxième acte.

Au premier acte, après une gracieuse entrée en scène du chœur par les allées de l'orchestre et un prologue, Alaouddin entre à dos d'éléphant, parlemente avec Ratan-Sen et sollicite des spectacles de plus en plus merveilleux jusqu'à demander explicitement Padmâvatî dont le nom évoque le lotus. Ceci permet de mettre en scène des danses de plus en plus gracieuses : guerriers, femmes esclaves, femmes du palais. Bien que la musique soit assez différente des musiques indiennes, Tanushree Shankar a merveilleusement bien chorégraphié ces danses.

Au début du deuxième acte, la bataille a commencé. Dans le temple de Śiva (de part et d'autre de la scène se trouvent un lingam/yoni et le buffle Nandi), les prêtres invitent Padmâvatî à se préparer à suivre son mari sur le bûcher. Muni de certains de ses attributs (trident, tambour, croissant de lune dans le chignon tressé), Śiva fait une apparition et prend la position Nataraja du seigneur de la danse. Pendant une trêve, Ratan-Sen entre dans le palais. Quand il demande à son épouse de se donner à Alaouddin pour épargner les autres femmes de son peuple, à l'évocation de leur mariage, quelques aspects du rite du mariage hindou sont mimés. Elle l'embroche avec le trident de Śiva. Les déesses Kali et Dourga surgissent. Lors de son entrée sur scène, Dourga est accompagnée d'un tigre ! À première vue, cela peut sembler inutile, mais dans cette production, les aspects indiens de l'œuvre sont respectés aussi authentiquement que possible. Les turbans des hommes du commun du premier acte sont ceux des rajasthanis, la barbe d'Alaouddin a la couleur orangée commune à celle que produit le henné sur la chevelure de nombreux hommes indiens, etc. Ici, le tigre est justifié par le fait que Dourga est traditionnellement représentée assise sur un félin (le plus souvent un tigre, parfois un lion). On voit une Kali avide de sang tirer la langue. Dans ce deuxième acte, l'évocation de Dourga et Kali (et d'autres divinités voisines et qui leur sont parfois identifiées) par les prêtres procure l'occasion de magnifiques scènes dansées. À un moment, les deux groupes de danseuses entourant Kali et Dourga se sont regroupées derrière leur divinité tutélaire, et ont positionné leurs bras de façon à suggérer les multiples paires de bras de l'iconographie hindoue (nécessaires pour représenter les nombreux attributs des divinités). Sous un meilleur angle que le mien, l'effet devait être saisissant.

Finalement, Padmâvatî rejoint son époux sur le bûcher. Quand Alaouddin victorieux force la porte du palais, il est trop tard. Depuis le devant de la scène, il se retourne et voit Padmâvatî et Ratan-Sen enlacés rejoindre leur séjour céleste. Tomber de rideau. Applaudissements enthousiastes de la salle pour l'ensemble des artistes qui viennent saluer.

PS : Une fois n'est pas coutume, Renaud Machart, du Monde, n'a pas détesté.

Pour me préparer à ce magnifique spectacle (auquel je vais essayer de retourner), j'avais écouté l'enregistrement par l'orchestre du Capitole de Toulouse (Michel Plasson) avec notamment Marilyn Horne (Padmâvatî), Nicolai Gedda (Ratan-Sen) et José Van Dam (Alaouddin). Par le même orchestre, Lakmé de Delibes avec Natalie Dessay (Lakmé), José Van Dam (Nilakantha), Gregory Kunde (Gerald) est aussi hautement recommandable. Contrairement à d'autres opéras édités par EMI classics, le livret n'était pas inclus dans le coffret. Je ne comprends pas sous quel prétexte économique fallacieux on peut se dispenser de publier un opéra avec son livret, de préférence traduit aussi dans d'autres langues (le plus souvent, les textes joints avec les disques de musique classique apparaissent en italien, allemand, français et anglais). La quatrième de couverture du coffret invite à consulter full libretto and translations at www.theoperaseries.com and www.emiclassics.com. En allant sur ces sites, je n'ai trouvé qu'un indigne fichier PDF. Tout d'abord, le livret est uniquement présenté en français, donc sans les traductions promises dans les autres principales langues européennes. Ceci ne m'émeut guère dans ce cas particulier, mais ce fichier n'est qu'un grotesque brouillon qui n'a manifestement été relu par quiconque entendrait le français ni même quiconque apte à déchiffrer l'alphabet latin. Certains mots manquent, des groupes de lettres sont absents, remplacés par d'autres à la graphie voisine. On y peut lire par exemple Elle découvrent le cadavre et en vent (sic) ecantées (sic) par les prêtres.. Manifestement, le texte est le résultat brut d'une entreprise de reconnaissance automatique de caractères (OCR) sur un scan d'un livret imprimé ; pour qu'il présente mieux vu de loin, on a cependant bien voulu rendre les didascalies en italique et le nom des personnages en gras. Le format PDF permettant d'inclure des images, il aurait été préférable d'inclure un livret correct dans un format bitmap, quitte à ce que fichier soit plus gros. Les lecteurs s'en trouveraient moins incommodés.

Lors de mon dernier séjour en Inde, je ne suis pas passé loin de Chittor. Depuis Pushkar, j'avais pris un petit bus matinal avec des écoliers allant à l'école dans la ville voisine d'Ajmer. Je voulais continuer vers la citadelle de Chittor en bus, mais j'eusse dû attendre cinq heures pour le prochain bus. N'ayant alors plus que trois jours à consacrer au Rajasthan pour ce séjour, je pris un bus en partance pour la très belle ville d'Udaipur. Ce sera pour une prochaine fois...

Albert Roussel avait visité cette citadelle lors d'un voyage en Orient quelques années avant de composer cet opéra. Le programme vendu au théâtre du Châtelet contient un extrait du journal de voyage du compositeur. Ce journal a d'ailleurs été publié dans Albert Roussel, Lettres et Écrits, Flammarion Harmoniques.

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Commentaires

1. 2008-03-22 21:37+0100 (Traou)

AAArrrrgggghhhhhh ! l'autre jour on m'a proposé des invitations pour mercredi soir, et je ne pouvais pas y aller...

Si tu y retournes, ça m'intéresse !

2. 2008-03-23 16:20+0100 (Joël)

J'y suis allé de nouveau jeudi dernier et vais y retourner une troisième fois pour la dernière demain soir. J'ai pris ces deux places le lendemain de la première sur Internet, mais maintenant, il ne reste plus que des places de première catégorie.


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