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2015-07-25 08:49+0530 (दिल्ली) — Culture — Musique — Danse — Danses indiennes — Culture indienne
Sucheta Chapekar, le guru de ma prof de bharatanatyam a passé plusieurs
semaines en France aux mois de mai et juin. J'avais déjà eu l'occasion de
la rencontrer à Pune l'année dernière. Je n'oublierai pas
les nombreux moments partagés avec elle au cours de son séjour.
J'ai déjà évoqué dans un billet
précédent le stage dans lequel elle nous enseigna un
Abhinaya-Pada sur la destruction de Tripura par Shiva sur le cycle
rythmique Khanda-jâtî Ata Tala. Je n'oublierai pas non plus les cours
particuliers ou semi-particuliers, qui donneront lieu à quelques
perplexités : Ah, this is Tishra-jati. ― No, this is Tishra-jâtî. —
Tishra-jati ? — No,
. Trois événements
publics ont rythmé son séjour à Paris au début du mois de juin : une
conférence-dansée sur le Nrityaganga à l'École normale supérieure,
une autre sur des fables du Panchatantra à l'Université Paris 8 et
un récital de bharatanatyam au Centre Mandapa. Je ne commenterai pas en
détail son interprétation de quelques fables animalières à Paris 8,
mais je reviendrai dans un futur billet sur son récital au Centre Mandapa.
Je vais me concentrer ici sur sa conférence-dansée sur le Nrityaganga.jati
is a different word.
Le premier juin avait donc lieu une conférence-dansée dans la salle d'expression artistique du Nouvel Immeuble Rataud (NIR) de l'École normale supérieure. Cette conférence était organisée par un groupe d'élèves et anciens élèves, Indias, l'Initiative Normalienne pour le Développement des études sur l'Inde et l'Asie du Sud.
Le thème de l'exposé de Sucheta Chapekar était “Nrityaganga”. Il s'agit du style de danse qu'elle a développé, associant la danse bharatanatyam (originaire du Sud de l'Inde) et la musique hindustani (la musique classique du Nord de l'Inde). Elle en a expliqué la genèse. Elle a ainsi commencé par raconter son travail avec son premier guru, Acharya Parvati Kumar. La musique carnatique est chantée habituellement dans des langues du Sud de l'Inde comme le télougou ou le tamoul, mais elle a expliqué, tout comme l'avait fait le chercheur Davesh Soneji dans une conférence récente à l'EHESS, que la langue marathi (parlée dans la région de Sucheta Chapekar) avait une place importante dans l'histoire de la musique carnatique. En effet, au XVIIe siècle au XIXe siècle, ce sont des rois marathes qui ont régné à Thanjavur et pendant cette période, les arts se sont développés, toutes les formes et langues entrant en confluence à Thanjavur (y compris la musique classique européenne dont on trouve des traces dans les compositions Nottuswaram du grand compositeur carnatique Muthuswamy Dikshitar). Selon Davesh Soneji, les formes musicales originaires de la région Marathe auraient beaucoup influencé la musique carnatique à cette époque. Sucheta Chapekar et son guru ont utilisé des compositions de danse bharatanatyam en langue marathi dans le style carnatique datant de cette époque et conservées à la Saraswati Mahal Library à Thanjavur. Les livres et les manuscrits ne contenaient a priori que le texte et le nom des talas et ragas. En utilisant ces sources, ils ont pu rendre vie à des compositions attribuées au roi Serfoji II (ou Sharabhoji) qui régna de 1798 à 1832.
Par la suite, en travaillant avec Kitappa Pillai, Sucheta Chapekar s'est intéressée au répertoire plus ancien du roi Shahaji (1684-1712) et l'idée lui est venue de créer de nouvelles de pièces de danse bharatanatyam utilisant les formes de musique du Nord de l'Inde et des textes en marathi, hindi ou sanskrit. Elle a commencé par chorégraphier des pièces d'Abhinaya parce qu'elles posaient moins de problèmes. D'autres interprètes avaient déjà commencé à intégrer des compositions du Nord comme des Bhajan de Mirabaï, mais elle a voulu constituer un format parallèle et alternatif au format habituel Margam des récitals de danse bharatanatyam. Par exemple, l'Alarippu est remplacé par Prastar, une pièce de danse pure dont la musique s'inspire de formes de musique rythmiques pratiquées par des joueurs de pakhawaj, l'instrument à percussion qui n'est pour ainsi dire plus utilisé que dans la musique dhrupad. Parmi les principes du bharatanatyam qu'elle a voulu conserver, il y a l'idée d'utiliser les diverses formes musicales existantes, mais dans le contexte de la musique classique du Nord. Parmi les autres principes du bharatanatyam qu'elle a retenus, elle compte aussi la position assise, l'équilibre entre la danse pure et la danse expressive, le fait que les mouvements de danse utilisent autant le haut que le bas du corps. Enfin, les compositions expressives doivent mettre en scène l'amour érotique, l'amour maternel et l'amour dévotionnel. Mises ensemble de façon cohérente, de telles pièces de danses constituent une alternative au Margam. Le nom qu'elle a retenu est Nrityaganga, en référence à la rivière Ganga, qui est considérée comme sacrée dans toute l'Inde.
Lors de sa démonstration, elle a interprété cinq pièces de Nrityaganga. La première a été Māta Sarasvatī, un hommage à Sarasvatī : elle est la déesse de la parole, de la connaissance, et joue de la vînâ. Cette pièce comporte quelques courtes sections de danse pure. Les deux pièces suivantes ont été des pièces d'Abhinaya. Dans Nāhī mī bolata nāthā, une jeune femme pudique du Maharashtra se prépare à accueillir son amoureux. Quand il arrive, il la flatte par ses mots doux, mais elle fait semblant de le repousser... Dans la pièce suivante Ao Pyare, une gopi s'émerveille des qualités du jeune Krishna. Elle tente de l'attirer maternellement à elle. Elle décrit sa belle allure. Quand elle vaque à ses tâches quotidiennes, que se soit la lessive ou la traite des vaches, elle est charmée par le son de sa flûte. Cependant, quand elle essaye de s'en approcher, il s'échappe. Elle ne parviendra à l'arrêter qu'en lui donnant à manger du beurre.
En voyant ces trois premières pièces, il m'a semblé que Sucheta Chapekar utilisait davantage de frappes de pieds dans ses chorégraphies de pièces d'Abhinaya qu'on ne l'observe habituellement. En outre, j'ai eu le sentiment qu'en général elle s'appuyait de façon quelque peu différente sur le rythme qu'on ne le fait dans le bharatanatyam quand il est dansé sur de la musique carnatique. Dans la musique carnatique, le premier temps du cycle est me semble-t-il vraiment vu comme un point de départ. Dans la danse, on verra souvent des formules conclusives comme didi-tai—didi-tai—didi-tai, mais le dernier tai n'est pas sur le premier temps, il est juste à la fin du cycle précédent, ce qui permet d'enchaîner immédiatement avec une autre série de mouvements au début du cycle qui suit. Dans les pièces de Nrityaganga que j'ai vues au cours de cette démonstration, le premier temps du cycle rythmique semble être conçu comme une conclusion de ce qui a précédé. On trouve souvent une frappe très appuyée sur ce premier temps et la pose est maintenue, comme une respiration. Il me semble qu'il y a là un point commun avec ce que l'on peut observer dans le style kathak (qui utilise aussi la musique hindustani). (Il ne s'agit pour l'instant que de conjectures de ma part, cela mériterait d'être approfondi à l'avenir...)
Avant d'interpréter la pièce suivante, Sucheta Chapekar a expliqué que la partie la plus difficile de son travail a été la chorégraphie de pièces de danse pure. Une idée lui est venue en lisant un passage du Natyashastra dans lequel le narrateur fait hommage aux gardiens des huit directions (les quatre points cardinaux et les directions intermédiaires). Elle a ainsi conçu une pièce Aṣṭamaṅgala qui rend hommage à ces huit divinités représentées dans beaucoup de temples hindous. Il s'agit d'une des plus belles merveilles de chorégraphie que j'aie eu le privilège d'observer. Au cours de cette pièce d'un peu moins d'une dizaine de minutes, la danseuse part du centre de la scène et se tourne successivement dans les huit directions en commençant par l'Est (de face). Pour chacun de ces huit gardiens (Ashtadikpala), elle exécute une section de danse pure et conclut cette partie en évoquant brièvement la divinité correspondante. Les divinités ne sont pas faciles à reconnaître puisqu'elles appartiennent peut-être davantage à la religion védique qu'à la religion hindoue qui en a émergé, mais la dernière divinité évoquée est le gardien du nord-est, Īśāna (Shiva), qui est représenté comme danseur.
La démonstration s'est conclue par un magnifique Bhajan du roi Shahaji en Raga Bhairavi. Le dévôt se demande ce qu'il peut offrir à la divinité. Une guirlande de fleurs ? Non, Tu portes déjà des serpents et une guirlande de crânes. Dois-je Te faire une offrande de feu ? Non, car Tu portes le feu dans Ta main. Dois-je danser pour toi ? Non, parce que Tu es le Seigneur de la danse.
De larges extraits de la conférence sont visibles sur la vidéo ci-dessus (je vous conseille de la lire depuis cette adresse puisque le chapitrage y est visible.)
Merci joel pour ce commentaire détaillé sur le style Nrityaganga que Sucheta a présenté le 4 juin 2015
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