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2013-12-02 11:39+0100 (Orsay) — Culture — Danse — Danses indiennes — Culture indienne
Onyx, Saint-Herblain — 2013-11-09
Shantala Shivalingappa, interprétation, chorégraphie, direction artistique
Savitry Naïr, conseillère artistique
Ezra Belotte-Cousineau, création film
Nicolas Boudier, lumières et direction technique
Shantala Shivalingappa, Nicolas Boudier, espace scénique
Denis Chapellon, régie générale et lumières
Baptiste Klein, régie vidéo et son
B. P. Haribabu, natuvangam (cymbales) et pakhawaj (percussions)
J. Ramesh, chant
N. Ramakrishnan, mridangam (percussions)
K. S. Jayaram, flûte
Sangama (kuchipudi)
Shantala Shivalingappa, chorégraphie
“De Bois”, Felix-Antoine Coutu et Jean-Michel Coutu, musique
Medley
Sidi Larbi Cherkaoui, chorégraphie
Olga Wojciechovska, musique (Olga Wojciechovska (violon), Tsubasa Hori (piano), Gabriele Miracle (percussions))
Flare (extrait de Play)
Pina Bausch, chorégraphie
Ferran Savall, voix et guitare
Pedro Estevan, percussions
Marion Cito, costume
Solo
Shantala Shivalingappa, chorégraphie
Shift
Il m'est déjà arrivé de prendre des TGV ou des avions pour assister à des opéras ou des concerts, mais la danse n'avait jamais constitué à elle seule le motif d'un de mes voyages avant le week-end du 11 novembre au début duquel j'ai fait un aller-retour à Nantes pour assister au programme Sangama de Shantala Shivalingappa.
Au cours de mes voyages en Inde, j'ai eu l'occasion de visiter le village de Devprayag et la ville d'Allahabad. Il s'agit de deux sites remarquables pour la confluence que l'on peut y observer entre deux rivières. Chacune de ces confluences est appelée Sangam. L'Alaknanda et la Bhagirathi se rejoignent à Devprayag pour former une rivière que l'on appelle Ganga à partir de cette confluence :
Devprayag, confluence entre la Bhagirathi et l'Alaknanda donnant naissance à la Ganga
La Yamuna se jette dans la Ganga à Allahabad. Lors de l'Ardh Kumbh Mela de janvier 2007, des dizaines de millions de pélerins venaient se baigner à Allahabad. Sur la phographie ci-dessous, la Yamuna vient de la droite et la Ganga de la gauche :
Si le titre du spectacle de danse de Shantala Shivalingappa s'appelle Sangama, c'est sans doute parce qu'y confluent la danse indienne kuchipudi dont Shantala Shivalingappa est spécialiste et la danse contemporaine qu'elle connaît aussi pour avoir travaillé avec plusieurs grands chorégraphes.
La salle de spectacle Onyx est située en périphérie de Nantes, à Saint-Herblain, entre un Ikea et un Decathlon. Cela reste accessible en tramway. Quand il fait déjà nuit et qu'il pleut, la salle de spectacle en forme de Kaaba imaginée par Jean Nouvel n'est pas très engageante :
Une fois passé le hall et les escaliers sombres et austères, les sièges de la salle paraissent très confortables, et mon placement idéal : la pente des gradins commençait au rang où je me trouvais, je pouvais ainsi voir les pieds de la danseuse qui resteraient cachés aux spectateurs de la poignée de rangs situés devant moi.
Venons-en au spectacle lui-même. Posé sur un petit socle suspendus depuis les cintres, une statue de Shiva-Nataraja est présente sur le côté droit de la scène. Les musiciens s'installent du côté gauche et interprètent une Prière chantée à Vani, déesse des Arts. Vani est un des noms de la déesse Sarasvati (cf. ce précédent billet). Les musiciens en charge de la partie mélodique sont un chanteur et un flûtiste. Pendant l'Alap du flûtiste, je m'émerveille des possibilités inattendues de cet instrument en terme de glissando.
La première pièce dansée est intitulée Ganapati Vandana. Cette pièce, comme les autres pièces de kuchipudi interprétées dans ce récital par Shantala Shivalingappa était déjà au programme de de son spectacle Svayambhu (que j'ai vu en 2010). J'ignore si les chorégraphies sont exactement les mêmes ou s'il s'agit de pièces nouvelles du même nom, en tout cas je n'ai pas eu d'impression de déjà-vu. Si la danse n'a peut-être pas changé, mon regard, lui, a indiscutablement évolué depuis trois ans ! Je suis immédiatement conquis par la gestuelle de la danseuse au sari violet qui a une délicieuse et inimitable façon de tourner sur elle-même. Elle évoque notamment les oreilles et la trompe de Ganesh, ainsi que sa démarche de pachyderme. La musique alterne entre poème et onomatopées rythmiques. Le sens de la pièce n'est jamais perdu de vue, même dans les passages qui s'approchent de la danse pure. Dans ces passages très rythmiques (appelés jati dans le bharatanatyam, j'ignore s'ils ont le même nom dans le kuchipudi), la musique est souvent composée par des vers du poème prononcés à une certaine vitesse par le chanteur et ce de façon synchronisée avec les mouvements rapides de la danseuse, lesquels ne sont pas dénués de signification, mais au contraire illustrent le sens du poème. Cela va un peu vite pour que je puisse tout suivre, mais en voyant cette pièce j'ai été plus d'une fois émerveillé par ce remarquable procédé. J'ai aussi été agréablement surpris de voir par moment la danseuse bouger ses lèvres pour prononcer silencieusement le texte du poème.
Comme dans Svayambhu, la pièce principale de ce récital est Tarangam, en l'honneur de celui qui est né de lui-même, ici Shiva. La pièce commence par un mantra sanskrit en l'honneur de Shiva sous le nom de Mahadeva. Dans la première pose qu'elle a présentée, la danseuse utilise ses deux mains pour évoquer le lingam de Shiva. De nombreux autres attributs seront évoqués, comme son chignon, son tambour Damaru, sa forme terrible Bhairava, sa forme ascétique, la descente de Ganga qui après être passée par le chignon de Shiva prend l'apparence d'une jeune femme. J'ai aussi aimé la façon de la danseuse de représenter le serpent qu'il porte avec cinq têtes (je ne connaissais pas cette représentation polycéphale sans doute liée au fait que cinq soit le nombre caractéristique de Shiva). La danseuse a aussi pris la forme de Shiva-Nataraja, et ce sans se limiter à la pose caractéristique associée puisqu'elle a développé sa danse très virile. Cette pièce a comporté une section de danse sur un plateau en laiton, une spécificité du style kuchipudi dans laquelle s'élabore un jeu de questions et réponses élaboré entre les cymbales et les mouvements de la danseuse. Les dernières minutes de la pièce m'ont particulièrement plu. Elles représentaient l'adoration joyeuse (bhakti) de Shiva, une forme du culte plus souvent associée à Krishna et que j'étais très content de voir ici associée à Shiva.
Après ces pièces de danse kuchipudi, les deux percussionnistes se sont livrés à un duo rythmique de toute beauté, sur le Tala Adi (à 8 temps) si je me souviens bien. Est projeté ensuite un film d'Ezra Belotte-Cousineau montrant des extraits de répétitions ou de représentations mettant en scène Shantala Shivalingappa seule ou avec d'autres danseurs et chorégraphes, notamment Sidi Larbi Cherkaoui. J'ai beaucoup de mal à m'émouvoir en visionnant de si courts extraits hors contexte. Ce n'est pas toutefois pas désagréable à regarder et ce d'autant plus qu'avant la fin de la projection la danseuse a paru derrière le rideau pour traverser la scène et commencer la partie danse contemporaine de son programme dont je ne suis pas tout à fait certain d'avoir parfaitement compris le découpage. D'après mes archives, il semblerait que j'aie déjà vu certaines de ces pièces en 2008 dans son programme Namasya, mais cela remonte à trop loin pour que j'en aie gardé un souvenir précis.
La première pièce (Medley ?) commence par un passage accompagné de deux percussionnistes et d'onomatopées rythmiques dans lequel les lumières ne laissent paraître que la silhouette de la danseuse. Ensuite, la musique se fait hispanisante et la chorégraphie me fait beaucoup penser à Pina Bausch, quoique les mains de la danseuse utilisent des codes indiens (comme le mudra Alapadma) ; la danseuse m'a paru extrêmement investie dans ce passage très convaincant.
À partir du moment où la danseuse passe résolument au sol et utilise des mouvements pouvant faire penser au hip hop (sans le côté acrobatique), je crois pouvoir penser que l'on est passé à Flare de Sidi Larbi Cherkaoui, la pièce qui m'a le moins convaincu. Cela dit, il m'est toujours difficile d'accrocher à des pièces aussi courtes extraites de programmes plus élaborés (en l'occurrence Play, cf. ce billet de Bladsurb qui l'a vu en entier), puisque j'ignore le sens qu'elle avait (ou non) dans l'ensemble.
La pièce qui suit ne peut semble-t-il pas être attribuée à 100% à Pina Bausch, mais plus vraisemblablement à travail commun de la danseuse et de la chorégraphe. Ce Solo est en effet très indo-bauschien, des mouvements de mains très indiens étant incorporés au style de la chorégraphe allemande. À cette très belle pièce s'enchaîne une autre, Shift, chorégraphiée par la danseuse elle-même. La danseuse abandonne la robe noire qu'elle portait pendant le Solo de Pina Bausch pour interpréter sa pièce dans le silence, puis en musique. La danseuse y évoque notamment une femme qui se regarde dans un miroir. Cette chorégraphie est la plus influencée par le kuchipudi.
Si j'aurais peut-être préféré voir un peu plus de kuchipudi, j'ai été néanmoins content de voir ces pièces de danse contemporaine, toutes exécutées avec engagement par la danseuse.
J'ai déjà dit plus haut que la salle n'est pas très accueillante extérieurement. Le hall est sombre et les escaliers conduisant à la salle un peu branlants, mais l'accueil y est néanmoins très chaleureux. Un petit buffet était même prévu pour les spectateurs à la fin du spectacle ! Comme le programme distribué mentionnait une rencontre avec les artistes à l'issue de la représentation, je suis resté dans le hall, qui s'est vidé progressivement. Quand j'ai posé la question, une employée de la salle m'a dit que la rencontre étant semble-t-il annulée, mais elle m'a très gentiment permis de descendre avec quelques autres personnes au sous-sol pour voir la danseuse et son adorable mère Savitry Nair. J'ai ainsi eu le privilège de discuter avec elle et de la complimenter sur quelques aspects qui m'avaient particulièrement plu dans sa danse kuchipudi. J'ai été heureux de voir qu'elle y était très sensible.
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