« Don Giovanni au TCE | La donna del lago à Garnier »
2010-06-14 01:43+0200 (Orsay) — Culture — Musique — Culture indienne
Théâtre des Champs-Élysées — 2010-06-13
Amitabh Bachchan
Viju Shah, Claviers 1
Mushraf Khan, Tabla
Prem Singh, Dholak
Ahmed Khawra, Dholak, Duff
Bharat Savla, Percussions
Rajesh Dedhia, Claviers 2
Jayesh Shah, Rythmes électroniques
Amitabh Bachchan lit et chante Harivansh Rai Bachchan
Ce soir, le public clairsemé du TCE était assez différent d'ordinaire : on y voyait beaucoup plus de personnes d'origine indienne que d'habitude. Le spectacle était intitulé Amitabh Bachchan lit et chante Harivansh Rai Bachchan. A priori, on est plutôt venu voir la star du cinéma bollywoodien (standing-ovation immédiate lors de son entrée en scène) qu'entendre les poèmes de Harivansh Rai Bachchan, le père du comédien.
Je ne connaissais qu'un seul de ces poèmes : मधुशाला (Madhushala : Au Cabaret). C'est celui qu'Amitabh Bachchan a chanté en premier, accompagné de musiciens (constituant un effectif inhabituellement élevé pour de la musique indienne : sept). Il y est assez impieusement question d'un lieu où l'on consomme du vin.
La plupart des poèmes qui suivront seront lus sans accompagnement musical. Les sur-titres ont manifestement quelque mal à défiler à la bonne vitesse. Ils sont écrits dans une fonte inhabituellement petite pour ce lieu : les mots défilent plus vite que dans un spectacle d'opéra... En fait, presque systématiquement, Amitabh Bachchan explique en anglais au fur et à mesure le sens des strophes. Comme les vers ne sont pas dénués d'humour, les rires tombent à retardement : une première salve au moment où les mots sont prononcés par ceux qui comprennent le hindi et ceux qui arrivent à lire les sur-titres, une autre fuse quand le sens est expliqué en anglais. Le public applaudit de temps en temps un vers particulièrement édifiant, un peu intempestivement à mon goût.
Parmi les poèmes particulièrement remarquables, ख़ुन के छपे
(Traces de sang) où le poète raconte que sa femme a fait un rêve
terrifiant dans lequel un fantôme vient apposer sur des portes de maisons
l'empreinte de sa main trempée dans un seau de sang. Il se demande à qui se
sang appartient : यह बेगुनाह खून किनकी है ?
.
Les strophes qui suivent commencent aussi par ce vers, dans lequel
l'adjectif बेगुनाह
(innocent) aura été remplacé par un autre. Elles évoquent différents
aspects de la domination de l'Angleterre sur l'Inde.
Celui que j'ai préféré est बुद्ध और नाचघर (Bouddha et le bal) où les religions (le bouddhisme en particulier) sont ridiculisées. Comme pour d'autres poèmes, Amitabh Bachchan explique le contexte. Ici, le poète est en Angleterre à une soirée dansante. Alors que l'on danse et flirte, il aperçoit dans un coin une statue de Bouddha. Le poète pense alors à la contradiction entre la doctrine de Bouddha, son évolution et sa réduction au statut d'objet décoratif :
Il était contre les idoles
Le monde l'a érigé en idole,
Il s'opposait à toute adoration,
Et le monde l'a fait objet d'adoration,
[...]
Sa tête était dénudée,
On lui a mis une belle chevelure bouclée ;
[...]
(Traduction d'Annie Montaut)
Suivront d'autres poèmes, dont certains seront chantés dans un style folklorique. L'avant dernier est intitulé रुस की गुड़िया (La Poupée russe). Il est dans l'ordre d'idées du fragment littéraire gratuit Divagations métaphysiques redux de David Madore. Une petite poupée russe à qui on demande dans combien de poupées elle est imbriquée explique qu'il doit y avoir un monde au-dessus, puis un autre monde encore au-dessus, etc.
Dans le dernier qu'Amitabh Bachchan présente comme une réponse du poète
à une altercation dans laquelle il lui disait en substance : Je suis
certes un bon à rien, mais c'est de ta faute, vu que tu porte la
responsabilité de ma naissance.
. Il lui répond en appliquant
récursivement ce reproche à son propre père, puis au père de celui-ci, etc,
qui ne lui ont pas non plus demandé son avis avant de le concevoir.
Le spectacle s'est terminé par une reprise de Madhushala.
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