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2011-06-29 01:23+0200 (Orsay) — Culture — Danse — Danses indiennes — Culture indienne
Centre Mandapa — 2011-06-28
Lavanya Ananth (disciple de Sri Rajaratnam Pillai, Smt. K. S. Sarosa et Padmabushan Smt. Kalanidhi Narayanan), bharatanatyam
Je suis allé aujourd'hui pour la première fois au Centre Mandapa, à l'occasion d'un récital de bharatanatyam de Lavanya Ananth. Ce spectacle a été une de mes toutes meilleures expériences de spectateur de ce style de danse.
La salle de spectacle accueille environ 40-50 personnes. La scène est d'une étendue assez réduite, mais est toute entière offerte à la danseuse puisque la musique est enregistrée. Une sculpture de Shiva-Nataraja et quelque bâtonnet d'encens sont néanmoins sur le côté droit de la scène, comme il est de coutume.
(L'orthographe des noms des différentes pièces sera approximative... La
première est Netanjali, une pièce de danse pure
comportant
quelques passages purement rythmiques. La première impression est
fabuleuse. La danseuse ne fait pas preuve de virtuosité gratuite. Si sa
danse s'accélèrera parfois jusqu'à ne laisser paraître que furtivement
certaines poses, elle n'est jamais heurtée ou saccadée. Quand il le faut,
elle sait en effet maintenir ses pieds presqu'immobiles alors que le haut
du corps travaille, mais dans ses pas, elle fait également preuve d'une
éblouissante musicalité (et ce malgré l'écho qui brouille quelque peu
l'audition de la musique). À cette pièce s'enchaîne la deuxième,
Ambashtuti, qui évoque plusieurs formes de la déesse (sous les
noms de Parvati, Kali, Sarasvati, Mohini, etc.). Sans être exactement
narrative, cette pièce illustre différents aspects de la déesse de façon
très visuelle. On la voit tour à tour sous une forme séduisante, terrible,
guerrière ou musicienne (Sarasvati, joueuse de vîna). (Quelques passages
rythmiques très dynamiques dans cette pièce.) Si le spectacle s'était
arrêté là, j'en eusse déjà été fort satisfait !
La pièce principale est bien sûr un Varnam. Il est question d'une jeune femme qui se languit, non pas de Krishna, mais de Shiva-Nataraja. C'est donc une version shivaïte de l'assimilation de la dévotion à une relation amoureuse, ou encore d'un parallèle avec les amours divines. La jeune femme a d'abord l'impression d'être délaissée. Un archer, est-ce Kama-Cupidon ? lance ses traits. La fin évoquant le foisonnement printanier de la nature est assez tumultueux. Je ne l'ai pas reconnue dans le développement, mais dans l'introduction était évoquée parmi les créatures de la nature, celle du paon. Peut-être s'agissait-il d'une référence à une légende liée au temple Kapaleshwarar assimilant Parvati éprise de Shiva à une paonne ? Seul regret par rapport à ce Varnam, le passage rythmique beaucoup trop long qui est intervenu peu après le début.
La pièce suivante est intitulée Jagadotarana. Elle évoque l'enfance de Krishna à travers le personnage de Yashoda, la mère adoptive de Krishna. La façon dont la danseuse passe successivement d'un personnage à l'autre est stupéfiante. Son attitude, l'expression de son visage, son regard passant d'un extrême à l'autre à chaque changement de personnage. Tantôt elle est la mère, qui joue avec le très jeune enfant ou le gronde, tantôt elle est une sorte de narrateur extérieur, tantôt elle semble évoquer des exploits du jeune Krishna relatés notamment dans le Harivamsha (j'ai cependant été surpris que l'épisode du pot de beurre n'ait pas été évoqué). Sait-elle que son fils est le Dieu universel ? Apparemment non, elle est tout à son amour maternel.
Comme dans la pièce précédente, la suivante ne contiendra pas de passages rythmiques. Celle-ci évoque encore un amour avec un Dieu, cette fois-ci Padmanabha (dont j'ignorais avant de rechercher à l'instant ce nom sur Wikipedia que c'était un des noms de Vishnu). La fille est vraiment trop jeune. Elle repousse le dieu fort entreprenant. Elle lui dit néanmoins qu'il pourra revenir, quand elle sera plus grande...
La dernière pièce du récital m'a semblée superbe. On retrouve quelques brefs passages rythmiques insérés dans une évocation d'Ardhanarishvara, une représentation androgyne de Shiva et Parvati (dont je me souviens avoir vue lors d'une visite à la galerie des bronzes au Government Museum à Chennai lors de mon deuxième voyage en Inde). La moitié gauche est Parvati, la moitié droite est Shiva. Dans cette pièce (dont la partie chantée est sur un texte d'Adi Shankara), la danseuse a montré de façon saisissante le contraste entre les deux parties. Cela m'a permis de valider quelques éléments du bharatanatyam que j'avais conjecturés depuis un certain temps déjà, comme la façon de représenter la chevelure de Shiva comme une menaçante ondulation des mains de part et d'autre de la tête (exécutée ici bien évidemment uniquement du côté droit).
Je n'ai pas vu passer le temps lors des quelque deux heures du récital ! J'espère que j'aurai à nouveau l'occasion de voir cette danseuse, ou à défaut d'autres ayant des styles semblables.
2011-06-26 21:54+0200 (Orsay) — Culture — Musique — Culture indienne
Théâtre de la Ville — Place du Châtelet — 2011-06-26
Kaushiki Chakrabarty, chant khyal
Subhankar Banerjee, tabla
Gourab Chatterjee, harmonium
Ranjana Gathak, tanpura
Raga Madhuvanti
Raga Kedar
Raga Pilu (Thumri)
Raga Bhairavi (Bhajan)
Je n'avais pas réécouté les enregistrements des concerts de Kaushiki Chakrabarty il y a trois ans lors des Vingt-quatre heures du râga. Ce n'était pas vraiment la peine puisque lorsqu'elle a commencé à chanter cet après-midi, j'ai retrouvé les sensations produites par son style. Au fur et à mesure que l'on avançait dans la première composition (Raga Madhuvanti), quand elle introduisait une nouvelle technique d'ornementation ou d'improvisation, je me sentais comme en terrain connu, quoique déserté depuis trois ans.
Cette première composition a duré un peu moins d'une heure. C'est cette partie du concert que j'ai préférée. Après d'austères vocalises (très ornementées), les percussions sont entrées en douceur. Je n'ai pas du tout compris le vers qui a été chanté et à partir duqeul la chanteuse a improvisé, mais elle a fait preuve d'une technique éblouissante, notamment dans les passages solfiés, où sur un rythme fou, elle prononçeait le nom des notes chantées. Elle a en fait utilisé toutes sortes de techniques différentes, les combinant parfois dans le même mouvement.
Dans cette première pièce, j'ai cependant été plusieurs fois mal à l'aise du fait des multiples incompréhensions qui se sont fait voir et entendre entre la chanteuse et le tabliste.
Après un tel développement, il m'a été difficile de me remettre dans l'atmosphère de la double pièce suivante (Raga Kedar). Après ces pièces de style khyal, Kaushiki Chakrabarty a chanté un thumri (Raga Pilu), une lamentation amoureuse. Au bout d'environ deux heures, le concert s'est terminé par un très beau Bhajan (Raga Bhairavi ?).
2011-06-21 01:18+0200 (Orsay) — Culture — Musique — Opéra
Théâtre du Châtelet — 2011-06-20
Plácido Domingo, Pablo Neruda
Charles Castronovo, Mario Ruoppolo
Amanda Squitieri, Beatrice Russo
Cristina Gallardo-Domâs, Matilde
Patricia Fernandez, Donna Rosa
Victor Torres, Giorgio
Laurent Alvaro, Di Cosimo
Pepe Martinez, Le Père de Mario
David Robinson, Le Prêtre, Cura
Randy Razafijaonimanana, Pablito
Orchestre Symphonique de Navarre
Chœur du Châtelet
Jean-Yves Ossonce, direction musicale
Alexandre Piquion, chef de chœur
Ron Daniels, mise en scène
Riccardo Hernandez, décors et costumes
Jennifer Tipton, lumières
Jesse Belsky, recréation des lumières
Philip Bussmann, projections vidéo
David Bridel, chorégraphie
Il Postino, Daniel Catán
Je reviens de la première française de l'opéra Il Postino adapté du film du même nom qui était lui-même adapté du livre Ardiente Paciencia d'Antonio Skármeta. Il s'agit d'une fiction imaginée à partir de la vie de Pablo Neruda. Pendant son exil en Italie au début des années 1950, il se serait lié d'amitié avec un postier, Mario, dans lequel il aurait fait naître un intérêt pour la poésie.
Neruda est avec Matilde. Mario séduit Beatrice, mais sa tante Donna Rosa veille. Il vont se marier, mais Mario va mourir lors d'une manifestation communiste qui dégénérera. Pendant ce temps, Neruda sera rentré au Chili, semblant oublier les moments passés avec eux en Italie. Quand il reviendra, il ne retrouvera que Beatrice et son fils, appelé Pablito en hommage au poète. (En trame de fond, il y a aussi un contexte politique de promesses électorales, qui, dans cette localité, tourne autour de la construction d'un réseau d'alimentation en eau digne de ce nom.)
Cette production d'opéra m'a semblé assez peu intéressante. Malgré un
hautbois quelque peu défectueux, on passe plutôt un bon moment avec une
musique douce aux oreilles (nonobstant l'utilisation du piano comme
instrument à percussions). La musique créée une atmosphère, mais elle ne
semble former qu'un arrière-plan pour les voix. La façon dont les voix
chantent (en espagnol) fait beaucoup penser aux opéras de Puccini (en
particulier La Bohème). J'ai trouvé que cela sonnait vraiment trop
à la manière de
, même si ce n'est pas particulièrement désagréable
(je ne snobe pas Puccini !).
Du côté des chanteurs, Plácido Domingo (Neruda) a encore de beaux restes ! et dans le rôle de Mario, Charles Castronovo est véritablement excellent. Je ne l'avais entendu jusqu'à maintenant que dans Mireille. Je suis moins convaincu par les deux sopranos Cristina Gallardo-Domâs (Matilde) et Amanda Squitieri (Beatrice) qui ont des voix puissantes, mais dont j'ai trouvé les aigus assez déplaisants.
La mise en scène est assez triviale. Il y a un certain gâchis dans l'utilisation des décors et accessoires. Toutes les cinq minutes environ, on vient déplacer des accessoires pour en remettre d'autres ou on fait un précipité pour installer un nouveau décor qui servira pendant cinq minutes. L'idée est sans doute de faire quelque chose d'un peu cinématographique (on note quelques travellings avant de décors de l'arrière de la scène vers l'avant). Enfin, bref, ce n'est pas très convaincant.
2011-06-19 23:31+0200 (Orsay) — Culture — Musique — Danse — Danses indiennes — Culture indienne
Au bout de l'Allée des Berges, Sucy-en-Brie — 2011-06-19
Brigitte Chataignier, Hélène Marionneau, Mallika Thalak (Compagnie Prana), danse
Brigitte Chataignier, direction artistique et chorégraphique
Zéno Bianu, texte, voix
Alain Kremski, musique, piano et bols chantants
Denis Gambiez, réalisation sonore
Philippe Lacroix, scénographie
Joe Ikareth, costumes
Sylvain Labrosse, régie plateau
Brigitte Prost, aide dramaturgie
Gangâ
Je suis retourné au festival de l'Oh ce dimanche après-midi. Cette fois-ci, c'est à Sucy-en-Brie, à un kilomètre environ de la station de RER. J'arrive un peu avant une conférence-débat Les paysans indiens face aux techniques modernes avec Esha Shah, ingénieure environnementale et anthropologue, qui s'est intéressée au phénomène du suicide des paysans en Inde. Dans son exposé, elle a présenté quelques aspects de la Révolution verte en Inde, entreprise à partir du milieu des années 1960. Elle a expliqué que paradoxalement, ce ne sont pas les paysans les plus pauvres qui se suicident : ce sont plutôt ceux qui, ayant terrains, machines et main d'œuvre, n'arrivent plus à exporter du fait de la concurrence internationale et ne parviennent plus à rembourser leurs dettes. Des expérimentations prometteuses ont été faites pour retourner à une agriculture sans pesticides, mais cela reste encore très minoritaire.
La dernière représentation du spectacle Gangâ a lieu ensuite. Le décor s'inscrit dans le cadre naturel de ce bord de Marne. Avant la représentation, les danseuses balayent le praticable en bois avec des balais de brindilles typiquement indiens. Au piano électronique, Alain Kremski, dont j'avais tant aimé Melancolia créé à Pleyel il y a un mois, se dégourdit les doigts en jouant quelques mesures de la Première Gymnopédie (Satie).
Le spectacle commence. Il met en scène trois danseuses en kurta-pyjamas (jaune, bleu et rouge) et un récitant-poète. Le texte, quasiment chuchoté, est une poésie rimée évoquant la Gangâ dans un style dépouillé et hermétique. Il ne m'en reste presqu'aucun souvenir, si ce n'est une énumération de villes et villages où passe la Gangâ (ou certains de ses affluents, puisque Kedarnath apparaissait dans cette liste). À de nombreux moments, vu l'extrême lenteur des mouvements, on est vraiment à la limite de la danse. Il faut quand même noter la difficulté qu'il doit y avoir à maintenir certaines postures pendant de longues secondes, alors que le vent s'immisce dans cette représentation en plein air.
La chorégraphe Brigitte Chataignier (que j'avais trouvée plus
convaincante en danseuse de mohiniattam) utilise dans sa
chorégraphie contemporaine
des éléments issus des danses indiennes :
mouvements rythmiques des pieds, langage des mains et des bras (évocation
des poissons, des éléphants, etc). Curieusement, quand elle prend une
posture qui ne peut vraisemblablement être que celle de Shiva-Nataraja, son
bras gauche est orienté vers le bas alors qu'usuellement, il serait être
tourné vers la droite, quasi-flasque, faisant penser à une trompe
d'éléphant. Dans une scène parlée (mais inaudible) dans une langue
indéterminée, il semble que les danseuses reproduisent
une scène de lavandières travaillant au bord de la rivière. Plus loin, on
les verra danser de façon plus enjouée sur une musique enregistrée
Bollywood, circa 1950 ; ce sera le seul passage que l'on pourrait qualifier
de pas de trois
.
Parmi les moments saisissants, celui où la danseuse en bleu Hélène Marionneau trempe sa longue chevelure dans un mini-bassin carré placé au fond de la scène, puis se dresse, projetant ses cheveux vers l'arrière, décochant de multiples gouttelettes. La troisième danseuse (en jaune) Mallika Thalak m'a semblé particulièrement à l'aise avec les éléments de la chorégraphie provenant du bharatanatyam, en commençant par un port de tête exquisement gracieux.
La réalisation sonore de Denis Gambiez reproduit l'ambiance de scènes
réelles enregistrées au bord de la Gangâ. J'ai trouvé que cela avait une
importance un peu trop grande par rapport à la musique interprétée par
Alain Kremski. Celle-ci se termine tout en beauté par l'utilisation de
bols chantants
, des instruments à percussions tout en résonance.
Globalement, le spectacle m'a un peu plu, mais sans m'enthousiasmer au plus haut point.
2011-06-18 18:04+0200 (Orsay) — Culture — Musique — Opéra
Opéra Bastille — 2011-06-17
Aleksandrs Antonenko, Otello
Lucio Gallo, Jago
Michael Fabiano, Cassio
Francisco Almanza, Roderigo
Carlo Cigni, Lodovico
Roberto Tagliavini, Montano
Renée Fleming, Desdemona
Nona Javakhidze, Emilia
Chae Wook Lim, Un araldo
Andrei Serban, mise en scène
Peter Pabst, décors
Graciela Galan, costumes
Joël Hourbeigt, lumières
Alessandro Di Stefano, chef de chœur
Marco Armiliato, direction musicale
Orchestre et Chœur de l'Opéra national de Paris
Maîtrise des Hauts-de-Seine, Chœur d'enfants de l'Opéra national de Paris
Otello, Verdi (sans décors ni accessoires)
Une grève à l'Opéra a fait que cette représentation de l'Otello
de Verdi s'est faite sans décors. Le mouvement devait être plus étendu que
d'habitude puisque les chanteurs n'avaient à leur disposition aucun
accessoire. En sus, parmi eux, il y en avait au moins deux qui ne jouaient
pas (Otello et Desdemona). Scéniquement, c'était bien en dessous de ce qui
se voit dans les représentations d'opéras annoncées à l'avance comme étant
en version de concert
. Lors de la dernière série de représentations
de L'Italienne à Alger, j'avais trouvé que la
version sans décors avec mise en scène improvisée était meilleure que la
version normale (mise en scène par Andrei Serban). Je n'ai pas encore vu
sa mise en scène d'Otello, je pourrai comparer plus tard...
Le renoncement d'un certain nombre de spectateurs m'a permis, avec d'autres, de bénéficier d'un replacement de première catégorie au premier rang centré du premier balcon.
Du côté de la musique (l'orchestre de l'Opéra dirigé par Marco Armiliato), j'ai trouvé cette représentation sublime. Les sonorités de l'orchestre passent par de nombreux états au cours de l'opéra, les orchestrations des différents moments étant très variées, chacune convenant aux sentiments ou à la situation particulière. Dans la mise en musique du texte, on trouve peu de passages que l'on pourrait qualifier d'airs. On observe au contraire une grande continuité dans la musique, dont la tension ne retombe jamais. Bref, c'est assez wagnérien... L'atmosphère d'une phrase musicale confiée aux violoncelles me fait d'ailleurs penser à un passage similaire dans le premier acte de La Walkyrie. On trouve même des motifs, en tout cas au moins un, utilisé au dernier acte comme réminiscence de l'amour d'Otello et Desdemona avant que la jalousie n'y fît obstacle. Parmi les moments très forts, j'ai apprécié l'utilisation des contrebasses pour accompagner l'entrée en scène d'Otello alors qu'il va commettre l'irréparable.
S'il avait été un peu plus comédien, j'aurais été totalement convaincu par Aleksandrs Antonenko (Otello). Le jeu de Renée Fleming (Desdemona) a été également très en retrait, mais je n'ai pas beaucoup apprécié sa voix, qui quoique dotée d'un joli timbre, m'a semblée assez inconstante et peu puissante. Mon impression négative sur la première partie de la représentation s'est cependant un peu améliorée dans les deux derniers actes. J'ai lu beaucoup de commentaires assassins sur le baryton Lucio Gallo (Jago). Moi, je l'ai trouvé très bien. C'était aussi le seul à véritablement jouer son rôle, qui est tout en duplicité.
2011-06-15 02:57+0200 (Orsay) — Culture — Musique — Danse — Danses indiennes — Culture indienne
Le Moulin Brûlé, Maisons-Alfort — 2011-06-14
Sanjip Dasgupta, sarod
Raga Desh
Brigitte Chataignier, danse
Deux pièces de Mohiniattam
À la suite de deux exposés épuisants (51 transparents en deux heures) et bien que faisant ainsi je manquais le cocktail de cette école d'été (sic), je me suis précipité à Maisons-Alfort pour aller écouter une conférence à propos de la Ganga comme me l'avait suggéré un des organisateurs, par ailleurs lyricomane.
La conférence a lieu au Moulin Brûlé, situé sur l'île de Charentonneau au bord de la Marne. Elle est précédée par deux programmes culturels.
Cela commence par un Raga de la saison des pluies (la post-traduction en français a été plus que fantaisiste sur ce point-là !) : Raga Desh, interprété au sarod par Sanjip Dasgupta, originaire de Kolkata. Le début fait penser à une traduction dans cet instrument de ce qui se fait dans la musique vocale hindustani. Pendant la première partie, les suites de notes jouées commencent systématiquement par les mêmes deux premières notes (du grave vers l'aigu). Les notes suivantes se compliquent au fur et à mesure que l'on avance. L'interprète utilise une technique élaborée de vibrato. Dans la musique carnatique, j'ai très souvent vu des violonistes jouer une note, puis faire monter le son vers l'aigu ou le grave en faisant glisser amplement le doigt de la main gauche vers le haut ou vers le bas. Il me semble que le geste n'était jamais que dans une seule direction. Ce que fait l'instrumentiste de ce soir est plus évolué : après avoir fait vibrer la corde, il peut déplacer le doigt dans une direction pour faire baisser la hauteur, puis, sans relancer la vibration de la corde, faire repartir son doigt dans l'autre direction. Plus tard, l'interprétation se fait plus virtuose et le musicien est rejoint par un tabliste (que la faible amplification de l'instrument ne permettra pas véritablement d'entendre). La sonorité du sarod (que je n'avais entendu qu'au disque) est une très belle découverte.
Ensuite, la danseuse Brigitte Chataignier entre en scène pour interpréter deux courtes pièces de Mohiniattam, la danse traditionnelle féminine du Kerala (que je n'avais vue qu'une fois lors des vingt-quatre heures du Raga). Comme il m'avait semblé la première fois, les mouvements et posture des mains rappellent ceux du bharatanatyam. Les pieds semblent avoir essentiellement un rôle rythmique (grelots aux chevilles), l'essentiel étant fait par le haut du corps. On est très loin de la recherche d'effets et de vitesse que l'on observe parfois dans le bharatanatyam. De façon amusante, il semble que comme dans la danse/théâtre du Kerala, le kathakali, un effort particulier soit porté sur l'expression faciale, par le contrôle le plus individualisé que possible des muscles faciaux (permettant de faire bouger un sourcil en maintenant le reste du visage impassible...). La première pièce était sur le Raga Cakravaka et se finissait par une prière à Shiva et Parvati, des divinités qui ont été presque furtivement évoquées dans la chorégraphie.
La deuxième pièce est un Padam (Raga Ahari ?). L'annonce du thème m'a presque fait sursauter tant il est typique : une femme se languit de Vishnu auprès de sa confidente (le Dieu est désigné par un nom inconnu de moi, peut-être parce que c'était en malayalam ?). Ce dernier sera évoqué dans la chorégraphie sous la forme où on le voit couché sur l'océan cosmique. Quand le dieu Kama lui lancera des flèches, on se serait cru dans Armide et Renaud, ballet à l'intérieur du ballet Flammes de Paris. La femme se fera ensuite aussi belle que possible pour aller à la rencontre du Dieu. Cette danse étant lente et dépourvue de spectaculaire, il me semble a priori extrêmement délicat de l'interpréter de façon convaincante. Pourtant, j'ai été assez convaincu par cette danseuse.
La conférence, qui devrait être faite par Veer Bhadra Mishra, est faite par un autre responsable de la Sankat Mochan Foundation : Prof. S. N. Upadhyay. Il commencera par expliquer le sens religieux de la Ganga pour les hindous (expliquant curieusement que les habitants de Varanasi n'en sont pas, puisqu'ils pratiqueraient le Sanatana Dharma). Sur les transparents de la présentation, on peut lire un certain nombre de śloka sanskrits avec ou non une traduction en anglais. (Il y avait une traduction simultanée en français sur écouteurs, mais j'ai préféré écouter la VO.) Du côté de la mythologie, il a fait référence à la légende suivante qui est notamment racontée dans le premier livre du Rāmāyaṇa (pour plus de détails, voir mon résumé...) :
Ils se dirigent maintenant vers Mīthilā, le royaume de Janaka. Durant ce trajet, Viśvāmitra raconte de nombreuses histoires, notamment celle de la traversée des mondes de la Gaṅgā pour rejoindre l'océan. Le roi Sagara avait obtenu de Bhṛgu une nombreuse descendance par ses austérités : sa première épouse eut un fils Asamañja et sa deuxième épouse préféra donner naissance à soixante mille fils. Sagara voulut célébrer un sacrifice de cheval, mais Indra vola le cheval, ce qui devait plonger Sagara dans le malheur. Il demanda à ses fils de retrouver le cheval : ils parcoururent la surface de la terre, puis creusèrent, creusèrent, à tel point que la terre (identifiée à l'épouse de Viṣṇu) se mit à crier. Aux extrémités des mondes souterrains, ils rencontrèrent les énormes éléphants gardiens des points cardinaux. Mais Brahmā avait tout prévu : les soixante mille fils de Sagara devaient être brûlés par l'ardeur de Viṣṇu qui avait pris la forme du sage Kapila. Le petit-fils Aṃśumān de Sagara par Asamañja était un homme bon, son grand-père lui donna la mission de retrouver ses soixante mille oncles et de retrouver le cheval du sacrifice. Il fallait procéder aux rites funéraires de ces soixante milles hommes ; la solution fut trouvée par Bhagīratha, le petit-fils d'Aṃśumān : satisfait de son ascétisme, Brahmā fit tomber les eaux de Gaṅgā sur la chevelure de Śiva. Guidée par Bhagīratha, Gaṅgā finit par s'écouler sur la terre et atteindre l'océan et les mondes souterrains pour submerger les cendres des fils de Sagara.
L'embouchure de la Ganga, au Sud de Kolkata, est justement voisine de l'île de Gangasagar. Il s'y trouve un temple qui fait référence à cette légende (mais je n'ai pas encore eu l'occasion d'y aller). C'est aussi pour cette raison qu'une des deux rivières qui confluent à Devprayag pour former la Ganga s'appelle la Bhagirathi.
Il a expliqué l'état désastreux de pollution de la Ganga (et du Varuna
et de l'Assi) autour de Varanasi, la principale source de pollution étant
les nombreuses évacuations d'égoûts directement raccordées au fleuve. Il a
expliqué le projet de sa fondation de construire une canalisation passant
sous les ghats et dans laquelle les égoûts se déverseraient plutôt que dans
le fleuve, cette canalisation acheminant les eaux usées jusque sur un
terrain situé au Nord Est de la ville (au prix peut-être du détournement
d'un petit bras du fleuve, je ne suis pas sûr d'avoir bien compris), ce
terrain (appartenant au gouvenement) pouvant accueillir un certain nombre
de bassins de décantation et de retraitement (par des moyens
naturels
). La raison pour laquelle Veer Bhadra Mishra n'était pas
présent était justement qu'il devait discuter auprès du gouvernement
central de ce projet. Un autre projet-test de retraitement des eaux usées a
également été évoqué : sous-dimensionné, il sera situé en amont du fleuve,
non loin de la Banaras Hindu University.
Le Festival de l'Oh (centré cette année autour de la Ganga) continue ce week-end...
2011-06-13 00:16+0200 (Orsay) — Culture — Musique — Opéra
Opéra Bastille — 2011-06-12
Torsten Kerl, Siegfried
Iain Paterson, Gunther
Peter Sidhom, Alberich
Hans-Peter König, Hagen
Brigitte Pinter, Brünnhilde
Christiane Libor, Gutrune, Dritte Norn
Sophie Koch, Waltraute
Nicole Piccolomini, Erste Norn, Flosshilde
Caroline Stein, Woglinde
Daniela Sindram, Zweite Norn, Wellgunde
Philippe Jordan, direction musicale
Günter Krämer, mise en scène
Jürgen Bäckmann, décors
Falk Bauer, costumes
Diego Leetz, lumières
Otto Pichler, chorégraphie
Stefan Bischoff, création images vidéo
Patrick Marie Aubert, chef du chœur
Orchestre et Chœur de l'Opéra national de Paris
Götterdämmerung, Wagner
Épisodes précédents :
Comme je l'avais fait pour le prologue et les deux premières
journées
du festival scénique du Ring, voici un résumé de
la dernière. Dans le prologue du Crépuscule des Dieux, trois
nornes se lamentent sur les fautes commises par Wotan : il a bu à une
source, il a fait tomber le frêne du monde, il a dompté le feu Loge. Elles
annoncent l'incendie du Walhalla. On retrouve ensuite Siegfried et
Brünnhilde là où on les avait laissés à la fin de Siegfried. On
assiste à une scène d'adieux, Siegfried s'en allant pour de nouveaux
exploits. Il laisse à Brünnhilde le soin de conserver l'anneau.
Au début du premier acte, de nouveaux personnages (Gibichungen, vivant au bord du Rhin) préparent un mauvais tour à Siegfried. Hagen, fils d'Alberich, voudrait que Gutrune et Gunther se marient. À Gunther, il vante les mérites de Brünnhilde, mais il dit aussi qu'elle réside dans un lieu inaccessible pour lui. La seule solution est que Siegfried aille l'y prendre pour lui. En échange, on lui donnera la main de Gutrune. (Ce qui intéresse Hagen, c'est bien sûr l'anneau !) Comme par hasard, Siegfried passe par là, on lui sert quelque breuvage enchanté, et il tombe immédiatement sous le charme de Gutrune. Il a complètement oublié Brünnhilde. Il accepte d'aller la chercher en prenant les traits de Gunther grâce au pouvoir du Tarnhelm. De leurs sangs mêlés, Gunther et Siegfried scellent un pacte. Mort à celui qui viendrait à le rompre. Nous sommes de retour au rocher de Brünnhilde, où celle-ci reçoit la visite de Waltraute, une autre Walkyrie. Les deux femmes ne peuvent se comprendre. Waltraute voudrait qu'elle rende l'anneau aux filles du Rhin, mais pour Brünnhilde, ce serait trahir Siegfried. C'est celui-là-même qui vient la trahir, comme il a été manigencé plus haut. Il lui arrache l'anneau des mains. Ils passent la nuit ensemble, mais l'honneur selon Siegfried est sauf puisqu'ils sont séparés l'un de l'autre par l'épée Notung.
Au début du deuxième acte, Alberich vient attiser les désirs de Hagen, l'incitant à tuer Siegfried. Plus tard, Siegfried, précédant Gunther et Brünnhilde revient chez les Gibichungen. Il explique à Hagen et Gutrune ce qui vient de se passer. On s'apprête à célébrer l'union de Gunther et Brünnhilde et de Gutrune et Siegfried. Quand le nom de Siegfried est prononcé, Brünnhilde comprend qu'elle a été trahie (pour l'enlever, Siegfried avait pris la forme de Gunther, elle ne pouvait donc pas le reconnaître, mais d'un autre côté, elle avait la promesse de Wotan que seul un vaillant héros pourrait traverser les flammes pour la rejoindre...). Brünnhilde décide de provoquer la zizanie. Elle s'étonne que ce soit Siegfried qui porte l'anneau à son doigt, vu que c'est Gunther qui est censé l'avoir enlevée. Siegfried est persuadé d'être tout ce qu'il y a de plus honorable, il ne comprend pas ce que dit la femme de Gunther. Ces paroles déclenchent la colère de Gunther, qui est attisée encore davantage par Hagen. Avec Brünnhilde, ils décident de tuer Siegfried. Elle leur indique que la seule manière est de l'atteindre dans le dos. Par égard pour Gutrune, on décide de faire passer le meurtre pour un accident de chasse.
Au troisième acte, lors de la chasse, Siegfried s'est détaché du groupe. Il se retrouve au bord du Rhin et rencontre les trois filles du fleuve. Celles-ci chantaient, espérant voir arriver celui qui leur rendrait l'anneau. Elles lui expliquent que l'anneau est maudit et que la seule manière de lever cette malédiction est qu'il leur donne l'anneau. Lui explique qu'il n'a pas appris la peur. Elles lui annoncent qu'il va mourir le jour-même. À un moment de la discussion, il offrirait bien l'anneau contre l'amour d'une des filles du Rhin, quoique ce soit inconvenant vis-à-vis de Gutrune. Après quelques hésitations, Siegfried garde finalement l'anneau. Hagen, Gunther et les autres chasseurs le rejoignent. On discute, on discute. Siegfried se retrouve à raconter son enfance... Il en vient à expliquer qu'il a obtenu la faculté de comprendre le langage des oiseaux en tuant le dragon Fafner. Il raconte ce que l'oiseau lui avait chanté dans Siegfried. Pour lui faire retrouver encore un peu mieux la mémoire, on lui faire boire un nouveau breuvage. Il prononce avec ardeur le nom fatidique de Brünnhilde. Hagen le tue d'un coup de lance dans le dos. Dans la dernière scène, on rentre de la chasse. Gutrune est inquiète. Serait-il arrivé quelque chose à Siegfried. On n'arrive pas à lui cacher longtemps la vérité. Elle se lamente du malheur apporté par Brünnhilde. Celle-ci demande qu'on dresse un bûcher funéraire. Avant de s'y jeter, elle lance un trait enflammé en direction du Walhalla... Le Rhin envahit les lieux. Les filles du Rhin s'emparent de l'anneau. Devenu fou, Hagen se précipite désespérémment dans le Rhin pour tenter de récupérer l'anneau, en vain.
Du côté de la mise en scène de Günter Krämer, si celles de Das Rheingold et de Die Walküre m'avaient déplu et si celle de Siegfried m'avai semblée assez satisfaisante, il y avait dans tous les cas de la matière (avec laquelle on pouvait ou non être en accord). Dans Götterdämmerung, il n'y a strictement rien et tout est extraordinairement statique. On n'observe aucune cohérence d'ensemble entre les quatre volets de la tétralogie, ou si on avait pu croire qu'il y en avait une, le metteur en scène montre que ce n'était qu'une vaste plaisanterie. Le fameux grand escalier qui reliait la terre au Walhalla reparait ici il me semble deux fois. Une fois quand Waltraute descend pour rencontrer Brünnhilde. C'est normal. Plus loin, le même escalier fait office de gradins pour le chœur en rang d'Oignon qui accueille l'arrivée de Gunther et Brünnhilde. Un troisième lieu de villégiature a été donné à Brünnhilde. Alors qu'on l'avait quittée sous une simple table dans Die Walküre, elle avait reparu couchée sur le grand escalier, légèrement en hauteur. Dans ce dernier volet, on la retrouve dans un nouveau lieu avec néanmoins toujours ladite table. Quand Waltraute viendra la voir, il y aura encore eu des changements, des meubles ayant été ajoutés faisant de Brünnhilde une parfaite bourgeoise.
Les Nornes sont habillées de sobres robes noires. Dans la deuxième partie du prologue, elles restent immobiles au fond de la scène. Vers la fin, elles passent par dessus leur robe le costume hideux des Filles du Rhin vu dans Das Rheingold. Quelques secondes plus tard, elles retrouvent leur costume précédent et font cependant quelques mouvements ondulatoires avec les mains derrière un grand écran vertical transparent où s'animent des images fluviales. Pourquoi pas. Mais pourquoi donc s'en vont-elles à peu près précisément au moment où les motifs présents dans la musique se mettent justement à évoquer le Rhin (Siegfrieds Rheinfahrt). À ce moment-là, un ballet ridicule est exécuté par des hommes habillés en femmes qui disposent des tables et des bancs (dont on ne fera aucun usage plus tard).
Le grand écran électrique transparent devient le principal ingrédient
scénographique de cette production. Cela fait d'ailleurs un peu peur dans
la première partie quand on voit ce haut échafaudage tourner avec tout le
décor autour d'un axe tandis que les nornes s'avancent. À la fin de
l'opéra, avant la réapparition des filles du Rhin, il n'y a en scène que
Brünnhilde, le grand écran et le corps de Siegfried. La scène m'a paru bien
ennuyeuse... Elle se termine en pied de nez : sur l'écran apparaissent des
images d'un jeu vidéo style Doom
où il faut dégommer le maximum de
dieux.
L'autre trouvaille a été de faire de Hagen un personnage en fauteuil
roulant, plus ou moins manipulé par Alberich, qui, scandâââle, prononce les
dernières paroles de l'opéra : Zurück vom Ring!
, alors que ce sont
les derniers mots de Hagen dans le livret.
Il y a peut-être une scène qui est à peu près réussie : celle où Siegfried prend la forme de Gunther grâce au Tarnhelm pour enlever Brünnhilde. Les interprètes de Siegfried et Gunther sont tous les deux en scène, Siegfried posté derrière Gunther en tenant le Tarnhelm devant lui pour dissimuler son visage à la vue de Brünnhilde. On pourrait penser que pour le metteur en scène, seul Siegfried est présent et Gunther n'est qu'une marionnette (incapable de faire du lip synch) apparue par le pouvoir du Tarnhelm, mézalor il est étrange que les interprètes de Brünnhilde et Gunther se retrouvent couchés collés l'un contre l'autre tandis que de l'autre côté de la scène Siegfried jure devant Notung qu'il reste à l'écart de l'épouse de Gunther. Ou bien il faut penser que Gunther est aussi présent avec Siegfried, mézalor on contredit la suite du livret puisque Gunther n'est censée rencontrer Brünnhilde que le lendemain.
Parmi les autres bizarreries, dans les moments qui précèdent le meurtre de Siegfried, celui-ci refuse de prendre le breuvage (du whiski probablement) que lui tend Hagen. Comment retrouve-t-il la mémoire sans ça ?
Pour moi, des quatre mise en scène que l'on a vu dans ce cycle, c'est indiscutablement celle qui est la plus ratée.
Du côté de la musique, alors que j'avais été véritablement enchanté par la prestation de l'orchestre dans Siegfried, je sors de cette représentation relativement déçu. Il s'est trouvé un certain nombre de passages où j'avais l'impression qu'il y avait des hésitations au démarrage et d'autres où des phrases musicales m'ont paru méconnaissables (exemples : motifs des Gibichungen, du meurtre, de la rédemption par l'amour), en tout cas moins claires que ce à quoi je suis habitué. Cette impression générale est peut-être liée au fait qu'il soit beaucoup fait usage des cuivres dans cet opéra. Parmi les bonnes choses, il y a eu les fabuleuses interventions des clarinettes puis des hautbois reprenant le motif de Brünnhilde, repris par l'orchestre et culminant en un rappel du Salut au monde avant l'entrevue de Brünnhilde avec Waltraute. Dans la marche funèbre de Siegfried, on a entendu un fort beau déploiement de décibels. (À noter aussi, cela dure une demi-heure de plus que la version Boulez/Chéreau !)
Du côté des voix, presque tous les rôles me semblent fort bien interprétés. Hans-Peter König est superbe en Hagen, comme Iain Paterson en Gunther. J'ai aussi aimé les Filles du Rhin, les Nornes, Gutrune, Waltraute. Même Torsten Kerl (Siegfried) que j'avais eu du mal à entendre dans Siegfried passe sans souci la rampe.
Mon principal problème avec cette représentation vient de l'interprète de Brünnhilde, Brigitte Pinter, qui a dû remplacer Katarina Dalayman (souffrante). Conditions peu idéales pour une prise de rôle ! J'ai été gêné par la voix un peu fatiguée qui ne tient pas toujours jusqu'au bout des phrases et qui est parfois recouverte par l'orchestre. Cela n'admet pas vraiment d'explication rationnelle et cela ne se commande pas, mais je suis très étonné de n'avoir absolument pas été ému par la scène finale.
PS : Mon avis sur l'orchestre s'est bonifié lors de la dernière représentation.
2011-06-06 00:54+0200 (Orsay) — Culture — Musique — Culture indienne — Dhrupad
Institut des Cultures d'Islam — 2011-06-05
Ustad F. Wasifuddin Dagar, chant dhrupad
Pandit Mohan Shyam Sharma, pakhawaj
Raga Multani
Raga Bhupali
Deuxième concert de dhrupad de ma vie après celui des Gundecha Brothers à la fin des Vingt-quatre heures du râga en 2008. C'est grâce à Klari que j'ai eu connaissance de ce concert à l'Institut des Cultures d'Islam. Nous n'avons pas très bien compris comment il eût fallu faire pour réserver. Comme c'était gratuit, on a été suffisamment gentil pour nous laisser entrer et nous installer sur des petits coussins au deuxième rang, le public plutôt fourni s'étant assis comme nous sous le dais transparent abritant la scène ou ayant trouvé un banc ou une chaise auprès des tables situées tout autour. Ce sentiment des minutes précédentes de ne pas savoir si je pourrais assister au concert m'a fait penser aux expériences semblables que j'ai faites en Inde : voir le jour-même l'annonce d'un programme potentiellement intéressant dans un lieu inconnu, noter l'adresse, essayer de trouver un moment au cours de la journée pour aller sur Internet pour récupérer des informations éventuelles sur le lieu, passer des coups de fil pour voir si c'est payant ou non, s'il faut réserver avant de venir, estimer le temps nécessaire (voir large) pour s'y rendre, se perdre en chemin, le retrouver et apprécier un concert inoubliable comme celui de Gaayatri Kaundinya lors de mon dernier séjour à Kolkata.
Le chanteur Ustad F. Wasifuddin Dagar sera accompagné par le percussionniste Pandit Sharma (pakhawaj) et de deux tanpuras actionnés par deux femmes. Je n'ai jamais été aussi près de ces instruments, à l'impressionnante caisse de résonance. De plus, bien que nous soyons en plein air dans une cour, la sonorisation, qui mettra un certain temps à être réglée, est très légère. Ceci fait que l'on a pu entendre très clairement le son des tanpuras lorsque l'Ustad les a accordés. Cela doit d'ailleurs être un des premiers concerts de musique indienne sans tanpuras électroniques auxquels j'assiste.
Le raga interprété pendant la première partie du concert est Multani. Avant de commencer, Wasifuddin Dagar a bredouillé une explication pas très nette sur le sens du vers qu'il utiliserait dans la composition. Bien qu'il soit musulman, le vers utilisé provient de la mythologie hindoue. Je comprends juste qu'il est à la fois question de Hari (nom de Vishnu, souvent attribué à son avatar Krishna, qui est aussi appelé Giridhar, celui qui porte la montagne (pour protéger les bouviers des pluies diluviennes déclenchées par Indra à ceux qui ne voulaient pas lui rendre de culte), voyez cette photographie d'une représentation à Vrindavan) et de Har(a) (nom de Shiva, dont le chignon tressé amortit la descente de la rivière Ganga, voir par exemple le kitschissime jet d'eau vertical qui sort des cheveux de cette statue de Shiva dans le temple Shri Durgiana à Amritsar ou la petite tête qui dépasse du sommet du chignon sur cette photographie prise lors d'une cérémonie du soir au bord de la Ganga à Rishikesh).
Après une présentation de la gamme qui serait utilisée, le concert proprement dit a commencé. Je ne sais pas exactement combien de temps a duré cet Alap ; je dirais au moins une demi-heure ! Avec le seul accompagnement des tanpuras, le chanteur a laissé les différentes notes entrer progressivement dans le système. Le tout a été fait avec une douceur extrême seulement perturbée par quelque bruit de klaxon ou de moteur dans les environs qui ont fait poindre quelque sourire au bord des lèvres du musicien. Il se montre capable de tenir une note pendant une durée invraisemblable tout en faisant un decrescendo poussé jusqu'au complet évanouissement de la note. Il me semble aussi entendre des ornementations dans lesquelles le chanteur fait varier très légèrement la hauteur du son autour de la note juste.
Le percusionniste entre ensuite en action. J'ai été surpris par le rythme frénétique de sa première intervention, se superposant à la pulsation plus modérée du chanteur. Pourtant, les deux musiciens m'ont semblé jouer ensemble en bonne intelligence. Le chanteur passe des vocalises au texte du vers. Dans un premier temps, les phrases musicales paraissent assez régulières. Dans un deuxième temps, le chanteur et le percussionniste laissent se développer leur sens de l'improvisation. Les phrasés sont souvent très fluides, parfois plus hachés. Toutes sortes de techniques vocales sont utilisées, comme la nasalisation bouche fermée. Un silence respectueux accompagne le moment où la dernière note s'éteint, suivi d'applaudissements enthousiastes.
J'ai beaucoup aimé ce raga qui aura été développé sur un peu plus d'une heure. La maîtrise du pppp par le chanteur est stupéfiante. Les techniques d'improvisation m'ont paru moins éblouissantes que celles de la sus-nommée Gaayatri Kaundinya (chant khyal) qui reste ma référence en la matière. Dans la séance de questions-réponses avec le public qui a suivi l'entr'acte, il a notamment expliqué que dans la tradition d'interprétation à laquelle il appartient (Dagarvani), les phrases musicales ressemblent plus à des phrases d'une voix naturelle, par opposition à d'autres styles comme le khyal où ce serait plus découpé. Dans toutes ses réponses, il a fait preuve d'un certain sens de l'humour. Un autre raga, Bhupali, a été joué pour conclure le concert : on est entré beaucoup plus vite en matière et cela a été malheureuseument assez court, faute de temps.
Wasifuddin Dagar chantera au même endroit le 21 juin prochain...
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