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2012-05-27 12:05+0200 (Orsay) — Culture — Musique
Salle Pleyel — 2012-05-24
Roland Daugareil, violon solo
Orchestre de Paris
Paavo Järvi, direction
Maskarade, ouverture (Carl Nielsen)
Alexander Toradze, piano
Concerto pour piano nº2 en fa majeur, op. 102 (Chostakovitch)
Mari Eriksmoen, soprano (Solveig)
Ann Hallenberg, mezzo-soprano (Anitra)
Arnaud Denis, récitant, Peer Gynt
Aurore Bucher, Laure Holm, Cécile Achille, sopranos (Les Bergères)
Chœur de l'Orchestre de Paris
Lionel Sow, chef de chœur
Peer Gynt, musique de scène, pour récitant, solistes et chœur, op. 23 (Edvard Grieg)
Ce concert de l'Orchestre de Paris est sans doute un des meilleurs de la saison. Il avait pourtant commencé par un gros truc informe, l'ouverture Maskarade de Carl Nielsen, heureusement assez courte. Les choses sérieuses commencent avec le deuxième concerto pour piano de Chostakovitch interprété par Alexander Toradze, que l'on voit battre violemment la mesure avec son pied droite pendant les mouvements rapides. Bien qu'assez brève (vingt minutes environ), l'œuvre est très contrastée. Mon mouvement préféré a été le mouvement lent. Très envoûtant, il met en valeur les cordes graves de l'orchestre. J'aime aussi les rythmes ternaires qu'on y entend et la façon dont le temps semble se suspendre avant que le pianiste attaque une nouvelle note. Je suis presque jaloux des spectateurs du mercredi qui ont pu entendre à nouveau ce mouvement en bis. Jeudi, c'est le troisième mouvement qui a été bissé. Comme le premier mouvement, ce troisième mouvement qui s'enchaîne au deuxième est très spectaculaire ! La musique ne s'était pas encore arrêtée que le pianiste était déjà debout pour aller embrasser le chef Paavo Järvi.
Après l'entr'acte, on joue Peer Gynt (prononcer pair
gunt
) de Grieg. Cela me renvoie à un de mes premiers souvenirs de
musique classique. Je me rappelle un cours de musique au collège dans
lequel la professeure nous fit écouter le fameux extrait Atmosphère
matinale de la première suite pour orchestre extraite de Peer
Gynt. Au disque, je ne connaissais cette musique que via ces
deux suites pour orchestre. Dans ce concert, c'est la quasi-intégralité de
la musique de scène qui est jouée, dans une version mise au point par le
chef d'orchestre Paavo Järvi et le directeur artistique de l'orchestre
Didier de Cottignies. Les parties chantées le sont dans la langue d'origine,
le norvégien 1. Entre les différents numéros musicaux, le texte interprété
par le comédien-récitant Arnaud Denis est en français, de même que les
parties parlées intervenant à des endroits précis de la musique
(mélodrame).
Cette version faisant environ 75 minutes alors que les deux suites n'en
font que 35, je découvre une bonne partie de la musique. Le premier numéro
fait déjà entendre des thèmes que l'on réentendra plus loin, en particulier
la mélodie de la chanson de Solveig. C'est aussi l'occasion d'entendre un
magnifique solo de l'altiste Ana Bela Chavez. Le premier violon Roland
Daugareil se distinguera aussi dans deux solos. Ce qui était déjà évident
depuis le début du concert et qui me frappe encore dès les premières
minutes de cette deuxième partie du concert, c'est l'énergie et la
conviction de tous les musiciens. En particulier, au deuxième rang des
violoncelles, je crois deviner la très investie Delphine Biron. Au début du
numéro 4 Peer Gynt et les bergères, j'ai l'impression d'entendre
un extrait du Vaisseau fantôme de Wagner. Peer Gynt rencontre
trois bergères qui parlent assez vertement des trolls, lesquels sont
évoqués dans la musique par un rapide motif ascendant des flûtes. Plus
loin, ces drôles de créatures seront illustrées par les bassons au début du
morceau Dans l'antre du roi de la montagne. Vient ensuite un
crescendo et une accélération de malades. Du coup, quand le chœur chante
Slagt ham! (Tuez-le !)
, les choristes ont beau être plus de
cent, on n'entend à peu près rien... Globalement, je suis assez déçu par
les parties chorales. Du point de vue mélodique, ce n'est pas très
exaltant. Harmoniquement non plus, puisqu'à très peu d'exceptions près, le
chœur est semble-t-il toujours à l'unisson... (En tout cas, c'est ce qui
est marqué dans la partition.)
Après avoir été poursuivi par les trolls, avoir rencontré le Courbe (un
étrange personnage interprété par une voix invisible), vu sa mère Åse
mourir, au début de l'acte IV, Peer Gynt se retrouve sans transition au
Maroc. On entend le fameux Au matin (nommé Atmosphère
matinale plus haut). La mezzo-soprano Ann Hallenberg (Anitra) et le
chœur interprètent ensuite la danse arabe. Alors que Peer Gynt se fait
passer pour un prophète, Anitra le délaisse. Peer Gynt la traite de
salope
, ce qui déclenche quelques réactions dans la salle. Et puis
la ravissante soprano Mari Eriksmoen entre en scène pour interpréter
magnifiquement la chanson de Solveig...
L'acte V commence de façon très spectaculaire. C'est une scène de tempête et de naufrage. Outre certains motifs rythmiques, je remarque de jolis chromatismes. Celui que j'ai préféré apparaît ci-dessous. Il était joué d'abord par les flûtes et les cordes. Que ce soit en montant ou en descendant, deux notes consécutives ne sont séparées que d'un demi-ton :
La tempo a été invraisemblablement rapide dans ce numéro ! En effet, je me rends compte à la réécoute qu'il m'est difficile de clapper ce rythme, même avec un seul clap par mesure... Sachant que chaque mesure est divisée en 6 croches, la tâche des musiciens me paraît presque surhumaine...
Après un rappel de la chanson de Solveig intervient une longue Scène
nocturne au cours de laquelle Peer Gynt rencontre les pensées qu'il
n'a pas eues, les mots d'ordre qu'il n'a pas dictés, les chansons qu'il n'a
pas chantées, les pleurs jamais versés, les actes qu'il n'a pas fait. On
entend encore de jolis chromatismes dans cette scène. À un moment j'ai
l'impression d'halluciner, mais alors que Peer Gynt dit Ce sont des voix
d'enfants qui pleurent
, on entend une citation du motif du cygne de
Lohengrin (et de Parsifal), qui n'est qu'une suite de
deux accords, mais ils sont comme par hasard dans la même tonalité que chez
Wagner ! Peer Gynt finit par mourir, bercé par la voix de Solveig. L'œuvre
se finit de façon apaisée et Paavo Järvi parvient à faire observer un
silence respectueux au public.
Ailleurs : Paris — Broadway, Andante con anima, Palpatine, Grignotages.
Ce concert est disponible à la réécoute sur Cité de la musique Live jusqu'au 23 septembre 2012.
[1] Quelques jours plus tard, lisant Palpatine, je me souviens qu'effectivement, comme il le dit, certaines phrases chantées, celles des bergères au moins, étaient en français.
2012-05-22 00:43+0200 (Orsay) — Culture — Musique
Église Saint-Roch — 2012-05-11
Michaël Francois, ténor
Chant des Marais, Hymne européen de la Déportation
Orchestre des Concerts Gais
Marc Korovitch, direction
Symphonie nº4 en mi bémol majeur dite “Romantique” (Anton Bruckner)
Cela faisait une petite éternité que je n'étais pas allé à l'église Saint-Roch. La dernière fois, c'était il y a trois ans pour un concert de cantates de Bach. L'acoustique de l'église, à l'invraisemblable réverbérationionion est plus adaptée au répertoire baroque qu'au massif Bruckner. En prenant le passage Saint-Roch longeant l'église quelques dizaines de minutes avant le début du concert, j'ai l'impression d'entendre le son d'un orgue. Étrange, s'agissant de musiciens faisant des derniers raccords pour la quatrième symphonie de Bruckner.
J'entre en même temps que Hugo, et avant que Klari nous rejoigne (la file d'attente à l'extérieur étant très longue) le chef Marc Korovitch vient me serrer la pince, disant en plaisantant qu'il faut savoir aller saluer ses critiques. Malgré cette basse flatterie et la présence de Djac et Zvezdo chez les altos (que je ne vois pas depuis ma place), c'est en toute objectivité que je peux dire avoir véritablement adoré ce concert !
Depuis le premier mouvement et jusques après le concert, j'ai gardé en
tête le rythme du tîtâ-tatata-tîtâ-tatata-...
: cinq noires tenant
dans une mesure de 2/2 : deux noires suivies d'un triolet de noires. Un peu
plus loin, les cordes nous invitent à dansouiller sur un
titi-tââmmm-titi-tâti-chut-titi-tââmmm-... Dans cette orchestration à la
Wagner, les ornementations en formes de trilles me paraîtront assez
incongrues, mais il y en a aussi chez Wagner, alors pourquoi pas... Plus
loin, les thèmes qui viennent d'être introduits se mélangent et à l'écoute
du concert, alors qu'à peine cinq minutes se sont écoulées depuis le début
de cette symphonie, je suis déjà aux anges.
Dans la conduite rythmique, j'apprécie les courts points d'orgue et les
accélérations. De ce point de vue, la fin de ce premier mouvement est très
spectaculaire. Quand je vois le chef agiter ses bras de plus en plus vite,
je me demande jusqu'où cela va aller ! En plus, non seulement cela
accélère, mais on pourra lire sur la partition so stark als
möglich
. Bref, c'est du lourd ! Le deuxième mouvement, lent,
comporte aussi quelques passages exaltés. Le troisième mouvement est un
charmant Scherzo mettant beaucoup en valeur les cuivres, mais
aussi les vents, et puis je me repère dans le rythme grâce aux
pizz. des violoncelles et des contrebasses. La façon d'utiliser
les instruments à vents me rappelle quelque peu la Symphonie
pastorale de Beethoven. Ceci étant, ce mouvement comporte plusieurs
retours sur le spectaculaire ensembles de cuivres du début sur lequel il se
conclut aussi. Dans le quatrième mouvement, très impressionnant (l'énergie
déployée par les contrebassistes était décuplée), on retrouve un peu tout
ce qui a précédé (entre autres le fameux rythme 2+3). (J'ai quelque peu
perdu la notion du temps pendant le bis, j'ignore quelle proportion de ce
mouvement a été rejouée...)
Alors, certes l'acoustique de l'église Saint-Roch n'était pas idéale pour cette œuvre, c'est le moins que l'on puisse dire, mais j'ai pris énormément de plaisir à écouter cet orchestre amateur ! (Mention spéciale au cor solo et au flûtiste !) C'était la première fois que j'entendais du Bruckner ; j'ai bien envie de retenter l'expérience...
Ailleurs : Les explications indispensables de Djac Baweur.
2012-05-20 11:26+0200 (Orsay) — Culture — Musique — Opéra — Danse
Opéra Garnier — 2012-05-19
Toshiro Mayuzumi, musique
Maurice Béjart, chorégraphie
Nuno Corte-Real, décors et costumes
Tatsuo Takasawa, lumières
Fumitake Ichikawa, réalisation sonore
Haruo Goto, Le Jeune homme moderne / Oboshi Turanosuke, chef des vassaux de la Maison Enya
Mao Morikawa, Ashikaga Tadayoshi, jeune prince, frère cadet du Shôgun régnant
Yuki Miyamoto, Enya Hangan, maître des Banquets auprès d'Ashikaga Tadayoshi
Mika Yoshioka, Dame Kaoyo Gozen, épouse d'Enya Hangan
Ren Yoshida, Rikiya, fils d'Ôboshi Yuranosuke
Yuji Matsushita, Kôno Moronô, conseiller du Shogun
Yu Himuro, Sagisaka Bannaï, serviteur de Kôno Moronô
Naoyoshi Nagase, Hayano Kampei, jeune samourï attaché à la Maison d'Enya
Chika Saeki, Okaru, jeune suivante de Dame Kaoyo Gozen, amante d'Hayano Kampei
Kosuke Wada, le double moderne d'Hayano Kampei
Mari Kawai, le double moderne d'Okaru
Yuichi Sugiyama, Ishido, examinateur d'un cadavre mort par seppuku
Hiroki Umezawa, Yakushiji, examinateur d'un cadavre mort par seppuku
Ryo Ogasawara, Ono Sadakuro, bandit
Reiko Koide, Une courtisane
Yuta Nagata, Yoichibei, père d'Okaru
Yuko Tanaka, Okaya, mère d'Okaru
Mayumi Nishimura, Osai, maîtresse de la maison de courtisannes de Kyôto
Ryo Ogasawara, Première variation des 47 Rônin
Naoyoshi Nagase, Deuxième variation des 47 Rônin
Junko Takamura, Shiori Mori, Mika Murakami, Rui Yoshikawa, Natsumi Kishimoto, Asami Sakai, Rei Othsuka, Mamiko Kawashima, Les suivnates de Dame Kaoyo Gozen
Kazuo Kimura, Yuji Matsushita, Yu Himuro, Naoyoshi Nagase, Ryo Ogasawara, Yuki Miyamoto, Dan Tsukamoto, Hiroki Umezawa, Junya Okazaki, Mao Morikawa, Shunsuke Yasuda, Yuichi Sugiyama, Yuta Nagata, Ren Yoshida, Daichi Matsuno, Yuji Nakamura, Ryohei Nojiri, Yo Sato, Kosuke Wada, Torayuki Takeshita, Hiroki Miyazaki, Yuma Ishida, Hideo Kishimoto, Tatsuya Jotaki, Chikahiko Hanayagi, Suginori Hanayagi, Jushitoshi Hanayagi, Tsuranosuke Hanayagi, Rakuto Hanayagi, Tadahiko Hanayagi, Tsunahito Hanayagi, Suzuhiko Hanayagi, Jinshiro Hanayagi, Kanshichiro Hanayagi, Les 47 Rônin
Le Kabuki
Ce samedi 19 mai, j'ai assisté à trois spectacles. Enfin, pas tout à fait. La durée annoncée du ballet Kabuki était de 1h20, ce qui me laissait largement le temps de rejoindre le Théâtre de la Ville pour le concert de 17h. Si j'avais su que cela durait une heure de plus, j'aurais choisi une autre date pour me rendre au Palais Garnier... Cela dit, c'est sans regret que je suis parti à l'entr'acte, une première pour moi, tant la musique (enregistrée) me semble un drôle de fourre-tout : du japonais, du minimalisme répétitif, des citations de Gershwin, avec parfois un instrument bien identifié pour chaque personnage. J'aime bien la scénographie, la chorégraphie mêlant classique et contemporain ne me déplaît pas, mais je reste sur ma faim.
⁂
Théâtre de la Ville — Place du Châtelet — 2012-05-19
François Leleux, hautbois
Lisa Batiashvili, violon
Lawrence Power, alto
Sebastian Klinger, violoncelle
Quatuor pour hautbois et cordes (d'origine pour flûte et cordes) en ré majeur, KV 285 (Mozart)
Sérénade pour trio à cordes, en ut majeur, op. 10 (Ernő von Dohnányi)
Cinq airs de La flûte enchantée, arrangés pour hautbois et violon (d'origine pour 2 violons) par Mozard (1792) : Wie stark ist nicht dein Zauberton (Tamino), Ach, ich fühl's... (Pamina), Der Vogelgänger bin ich ja (Papagano), Du feines Täubchen, nur Herein (Monostatos, Pamino, Papageno), Der Hölle Rache kocht in meinem Herzen (La Reine de la nuit)
Partia da Camera pour trio à cordes et hautbois, op. 88d (2009), Nicolas Bacri
J'arrive au Théâtre de la Ville pour écouter François Leleux, son épouse Lisa Batiashvili, Lawrence Power et Sebastian Klinger. Je me suis replacé au sixième rang pour fuir les effluves tabagiques de mon voisin.
Le hautboïste se met beaucoup en valeur dans le quatuor (transcrit) pour hautbois et cordes de Mozart (KV 285). Le trio de cordes qui l'accompagne fonctionne très bien puisque je n'ai pas l'impression de distinguer de parties dans le tout. J'apprécie particulièrement le deuxième mouvement tout en pizz.. Après une première tentative, il apparaît que la musique pour instruments à vents de Mozart parvient à m'être agréable.
Cependant, pour moi, le point fort du concert sera le trio pour cordes d'Ernő von Dohnányi. Dans les deuxième et troisième mouvements, je retrouve un peu du style de Janáček qui m'avait tellement plu lors d'un mémorable concert aux Bouffes du Nord. J'aime les pizz. du violoncelliste Sebastian Klinger qui effleure à peine les cordes du bout de ses doigts.
Après la pause, François Leleux et Lisa Batiashvili interprètent debout
des transcriptions dues à un certain Mozard
d'airs de La flûte
enchantée. La partie vocale est airs est confiée au hautbois dans
cette version. Je me demandais si les rôles ne seraient pas inversés pour
l'air de La Reine de la nuit, mais c'est bien du hautbois de
François Leleux que sont sorties ces notes aiguës.
Les quatre musiciens sont revenus pour interpréter une partita de chambre de Nicolas Bacri. Les sonorités sont tout ce qu'il y a de plus classique, on est très loin de ce qu'on entend parfois dans la musique contemporaine. Une exception toutefois : le deuxième mouvement Toccata est beaucoup influencé par le jazz. Le quatrième mouvement s'appelle Scherzo diabolico. Il me donne quelque peu le tournis par la virtuosité tout vol-du-bourdonesque qu'il exige. Je décroche complètement pendant le dernier mouvement. Un bis mozartien a conclu ce concert.
⁂
Opéra Comique — 2012-05-19
Catherine Ailloud-Nicolas, Giordano Ferrari, livret (d'après la fable d'Arrigo Boito)
Richard Brunel, mise en scène
Catherine Ailloud-Nicolas, dramaturgie
Thierry Thieû Niang, collaborateur aux mouvements
Bruno de Lavenère, décors et costumes
Laurent Castaingt, lumières
Carlo Laurenzi, réalisation informatique musicale Ircam
Jean Bresson, conseil scientifique Ircam
Olivier Hagen, assistant musical
Ester Pieri, assistant mise en scène
Émilie Roy, assistant décors
Pascale Paume, assistant costumes
Christophe Manien, Joël Soichez, chefs de chant
Alpha, conseil en prestidigitation
Émilie Valentin, conseil en marionnettes
Sylvain Cadars, ingénieur du son Ircam
Rodrigo Ferreira, Re Orso, un homme de pouvoir
Monica Bacelli, Ver, une femme du peuple
Marisol Montalvo, Oliba, épouse forcée du roi, une courtisane
Alexander Kravets, Trouvère, un courtisan
Geoffrey Carey, Papiol, bouffon
Piera Formenti, Daniel Carraz, Cyril Anrep, Des courtisans
Anthony Millet, Accordéon parlant
Piano robotisé, Trouvère bis
Électronique, Voix, sons, présences invisibles
Carlo Laurenzi, Marco Stroppa, Projection du son
Ensemble Intercontemporain
Susanna Mälkki, direction musicale
Re Orso, légende musicale de Marco Stroppa pour quatre chanteurs, quatre acteurs, onze instruments, voix et sons invisibles, spatialisation et totem acoustique (création)
Je me dirige ensuite vers l'Opéra Comique pour assister à la création de Re Orso, le premier opéra de Marco Stroppa. La création initialement prévue pour 2011 avait été reportée pour donner un délai supplémentaire au compositeur pour achever son travail.
Ce spectacle me semble bien meilleur que les trois autres créations d'opéra auxquelles j'ai assisté (Judith de Fénelon, Akhmatova de Mantovani, L'opéra de la lune de Pauset) 1. Pour cette première, le public n'était pas très nombreux. À quelques minutes du début de la représentation, la corbeille était pratiquement vide. C'est manifestement grâce aux effets du replacement qu'elle a paru un peu remplie pendant le spectacle. De mon côté, j'ai pu m'avancer de deux rangs au troisième balcon, sans quoi je n'aurais peut-être pas vu les surtitres. (À une époque, n'y avait-il pas des dispositifs de surtitrages complémentaires sur les côtés ?)
Le nombre de musiciens est très réduit. Ceci permet un aménagement particulier de la fosse d'orchestre. L'espace scénique se prolonge en effet jusqu'à cette fosse, ce qui permet aux chanteurs et comédiens de faire le tour de l'orchestre. De chaque côté, un escalier descend jusqu'aux musiciens. Le problème avec cette architecture est que lorsque les interprètes passent devant l'orchestre, un certain nombre de spectateurs, dont moi, ne voient plus ce qui se passe. Bêtement, un théâtre est conçu pour permettre aux spectateurs de voir ce qui se joue sur scène. Tous les spectateurs n'ont pas le privilège de pouvoir admirer toute la fosse d'orchestre... Sérieusement, chers metteurs en scène et scénographes, pensez au fait que vos spectacles sont destinés à être vus par le public...
Heureusement, l'essentiel se passe sur le plateau de scène. L'histoire racontée dans cet opéra est assez simple. Le roi Ours est un tyran (violeur, meurtrier, etc). Il est confronté à l'apparition spectrale du Ver qui lui rappelle ses méfaits. Alors qu'on fête son mariage avec Oliba (qu'il a forcée), il massacre presque tout le monde quand un trouvère se met à parler un peu trop à Oliba. Dans la deuxième partie de l'opéra, le roi se confesse, mais il n'obtient pas l'absolution. Il meurt misérablement, hanté par les personnages de la première partie.
Si le langage musical de Marco Stroppa m'est largement étranger, il n'a pas la laideur que j'ai trouvée la semaine dernière à celui de Brice Pauset. L'opéra comporte une sorte d'exposition, dans lequel une sorte de chœur raconte les méfaits du roi Ours. Les syllabes successives semblent être confiées à des interprètes différents : ce n'est qu'en mettant ensemble ce que les uns et les autres disent que l'on obtient (peut-être) des phrases complètes en italien. Pour le reste, le traitement des voix me plaît. La tessiture choisie pour le roi tyran est surprenante. J'avais beau avoir lu cette information avant de venir, quand Rodrigo Ferreira a chanté ses premières notes, ce fut une surprise pour moi. Ce choix doit donc être judicieux ! J'ai aimé l'ironie consistant à faire chanter d'une façon toute religieuse la terrible confession du roi. Dans le rôle du Ver, la mezzo-soprano Monica Bacelli m'a beaucoup impressionné. Dans celui d'Oliba, Marisol Montalvo explore le suraigu.
Une des choses que j'ai appréciées dans la musique de Marco Stroppa,
c'est le repère donné par le rythme. Toutefois, avec le raffut qui se passe
sur scène, la multiplicité des voix, les voix invisibles, la spatialisation
et le traitement électronique en temps réel, j'ai en permanence
l'impression de n'entendre qu'une toute petite partie des détails de la
musique. C'est frappant par exemple pendant les interventions du
trouvère bis
, un piano robotisé, dont on voit un nombre
invraisemblable de marteaux se déclencher simultanément.
La mise en scène associe les musiciens de l'Ensemble intercontemporain.
Ils monteront sur scène pour le grand pandémonium
, gros bazar qui
intervient autour de la mort de roi. La chef Susanna Mälkki restera un peu
plus longtemps à sa place puisqu'elle continue à diriger les chanteurs et
qu'elle a passé un costume à capuche qui fait d'elle le confesseur du roi.
Quand les musiciens seront sortis de scène, les chanteurs ne seront plus
accompagnés que par de la musique électronique, et brièvement par un
accordéon. Cette partie ne m'a paru ni plus ni moins intéressante que ce
qui avait précédé.
S'il y a eu quelques huées pour la mise en scène et le compositeur, le public m'a semblé accueillir cette création avec enthousiasme.
Ailleurs : Bladsurb.
[1] Je me rends compte du fait que je suis en train d'oublier The Second Woman de Frédéric Verrières qui m'avait pas mal plu.
2012-05-18 10:47+0200 (Orsay) — Culture — Musique — Culture indienne — Dhrupad
La maison des couleurs — 2012-05-17
Nirmalya Dey, chant dhrupad
Céline Wadier, tampura, chant dhrupad
Pandit Mohan Shyam Sharma, pakhawaj
Raga Adbhut Kalyan
Raga Abhogi
Raga Sohini (“Adi Shiva”)
J'assistais ce soir à mon cinquième concert de dhrupad, après les Gundecha Brothers, Wasifuddin Dagar (!), Sayeeduddin Dagar et Arnaud Didierjean. Le concert de ce soir (non amplifié !) avait lieu dans une belle demeure, “La maison des couleurs”.
Ce concert de Nirmalya Dey est certainement un des deux meilleurs concerts de dhrupad auxquels j'aie assisté, l'autre étant celui de Wasifuddin Dagar. Si dans le cas de ce dernier, le plaisir avait été le plus intense pendant les parties improvisées élaborées autour de la composition, lors du concert de ce soir, ce seront les autres parties qui me procureront le plus d'agrément.
Le premier raga est Adbhut Kalyan. On trouve aussi
l'orthographe sans le h, qui est me semble-t-il une mauvaise transcription
de अद्भुत
कल्याण. Klari saura sans doute mieux que moi
expliquer pourquoi ce Raga de la famille Kalyan est merveilleux,
étonnant, remarquable, étrange, surnaturel
(d'après mon dictionnaire de
hindi). En effet, mes capacités pour reconnaître les notes à l'oreille sont
pour le moment assez limitées : si cela sonne drôlement bien, c'est un
Sa, un Pa ou à la rigueur un Ma (do, sol ou
fa) ; la semaine dernière, en cours de dhrupad, j'ai même pris un
Ga (mi) pour un Sa. Hors contexte, pour distinguer entre
le Sa et le Pa, j'ai encore un peu de mal... En savoir
plus sur ce Raga avant d'aller au concert m'aurait évité de me poser des
questions, puisque comme le disait Klari à la sortie du concert, il n'y a
ni Ma ni Pa dans ce raga. Et effectivement, d'après mes appareils de mesure, sur
la vidéo ci-liée,
la vînâ (accordée en la) de Bahauddin Dagar n'utilise que les notes
Dha-Ni-Sa-Re-Ga (non altérées) pendant son Alap sur ce Raga Adbhut
Kalyan. (Ananth, le fils d'un collègue indien qui m'accompagnait,
m'expliquait qu'un autre chanteur, Uday Bhawalkar, lui avait dit après un
concert à Chennai qu'il décidait parfois au tout dernier moment le raga
qu'il chanterait, au moment même d'accorder le tampura ! J'espère qu'un
jour j'arriverai à entendre en concert un raga que j'aurai déjà un peu
pratiqué...)
Pour revenir au concert de ce soir, j'ai beaucoup apprécié l'Alap de Nirmalya Dey. J'aime sa façon de prendre son temps, de caresser les notes avec douceur, de passer le relais à Céline Wadier (ma prof). J'apprécie la continuité de l'ensemble puisqu'à plusieurs reprises j'ai eu l'impression qu'il commençait sa phrase sur la note qu'elle avait chantée en dernier. J'aime sa façon de chanter les notes aiguës en les nasalisant à divers degrés (la bouche étant plus ou moins fermée). On entend assez peu de pppp, la subtilité passant davantage par le mouvement mélodique que par les nuances extrêmes. Si les syllabes chantées sont comme toujours un peu les mêmes (Re-Ne-Na, Ri-Na...), il arrive souvent à surprendre, par exemple en retardant la dernière syllabe, créant une attente qui est apaisée pour l'auditeur qui sait être tout petit peu patient. Il surprend aussi parfois en introduisant un petit Gamak, une sorte d'accent apparemment obtenu en plaçant sa langue d'une façon particulière (palatalisation ?). (Cela n'a aucun rapport avec les ornementations aussi appelées Gamakas dans le chant carnatique, celles-ci consistant en une oscillation de faible amplitude de la hauteur de la note autour de la note juste.)
À la fin de l'Alap est intervenue une section dans laquelle un rythme s'insinue dans le chant. Les interventions de Nirmalya Dey et Céline Wadier utilisent le même type de rythmes, mais du point de vue mélodique, il me semble qu'ils font tous les deux des choses assez différentes. Le contraste est assez intéressant. C'est une des parties du concert que j'ai aussi beaucoup appréciées. Ce type de section rythmique (Jor) est à rapprocher du Tanam de la musique carnatique (cf. mon compte-rendu d'un récent concert d'Aruna Sairam), lequel Tanam intervient après le Ragam Alapana et avant la composition (Pallavi). Finalement, il y a donc une certaine unité entre les styles classiques de musique du Nord et du Sud de l'Inde... Une différence cependant, de taille : un long développement de musique carnatique dépasse rarement la demi-heure, tandis que le premier développement de dhrupad de Nirmalya Dey a fait 1h20...
Ce premier raga s'est terminé avec une composition sur un cycle standard à douze temps joué par le percussionniste Mohan Shyam Sharma (que j'avais déjà vu accompagner Wasifuddin Dagar et Sayeeduddin Dagar). J'apprécie le tempo lent de cette composition, la façon dont le chanteur arrive à l'heure à la fin des cycles rythmiques et la conclusion paisible de la composition par évanouissement du son (très élégant) du pakhawaj. J'éprouve cependant quelques difficultés à être tout à fait enthousiasmé par cette composition peu développée, le son du percussionniste étant aussi un peu trop fort pour que je puisse entendre dans les meilleures conditions la voix du chanteur. (N'ayant pas assisté à des concerts de dhrupad ces derniers temps, je suis presque surpris de ne pas entendre d'improvisations de type sargam dans lesquelles le chanteur prononce le nom des notes. Cette forme d'improvisations, très présente dans la musique carnatique et dans le khyal, serait donc absente du dhrupad.)
Je préfèrerai la deuxième composition sur le Raga Abhogi. Ce développement (omettant la section Jor) fera environ 35 minutes. Le cycle rythmique est cette fois-ci un peu plus tordu : 14 temps, qui se divisent apparemment en 5+5+4. Il me faut quelques minutes avant d'être certain d'avoir saisi la structure, mais j'apprécie d'autant mieux la suite !
Le concert s'est terminé par une dernière composition commençant par les mots Adi Shiva et précédée d'une courte improvisation vocale de forme assez libre. Le texte fait manifestement référence à Shiva, dont le nom Parameshwara sera aussi prononcé. Quelques autres divinités comme Sarasvati (et peut-être Hanuman) seront également mentionnées. Le rythme est beaucoup plus rapide. J'ai donc tendance à considérer que chaque temps compte en fait pour ½, et je perçois une structure qui avec la convention habituelle de ce blog serait décrite comme 2½+2½, chaque moitié du cycle comptant pour 2½ étant divisée en 5, ce cycle de 5 ne comprenant que 3 frappes franches. Ce que j'entends, c'est donc ...+1+1+½+1+1+½+1+1+½+... que j'aurais arbitrairement tendance à parenthéser comme ...+(1+1+½)+(1+1+½)+(1+1+½)+... À la sortie du concert, je me disputaille en mode dialogue de sourds avec Djac Baweur qui me dit que ce que je clappe est un rythme à 7 temps, euh... Après une manœuvre de conciliation de Klari, il apparaît que nous étions en fait d'accord, mais qu'un meilleur parenthésage serait plutôt ...+1)+(1+½+1)+(1+½+1)+(1+½+... En bon mathématicien, j'avais la bonne période de la fonction ; quant à savoir où commence véritablement le cycle, c'est une affaire trop sérieuse pour être abordée par les non-musiciens...
Ailleurs : Klari.
2012-05-15 23:36+0200 (Orsay) — Culture — Musique — Danse
Opéra Bastille — 2012-05-15
Hector Berlioz, musique (Symphonie dramatique, op. 17)
Émile Deschamps, texte (d'après Shakespeare)
Sasha Waltz, chorégraphie
Pia Maier Schriever, Thomas Schenk, Sasha Waltz, décors
Bernd Skodzig, costumes
David Finn, lumières
Patrick Marie Aubert, chef du chœur
Juan Kruz Diaz De Garaio Esnaola, Luc Dunberry, Renate Graziadei, assistants de la chorégraphe
Stéphanie d'Oustrac, mezzo-soprano
Yann Beuron, ténor
Nicolas Cavallier, basse
Aurélie Dupont, Juliette
Hervé Moreau, Roméo
Nicolas Paul, Père Laurence
Ballet de l'Opéra
Orchestre et Chœur de l'Opéra national de Paris
Vello Pähn, direction musicale
Roméo et Juliette
Ce que j'ai préféré dans ce ballet de Sasha Waltz, c'est la musique de
Berlioz : la Symphonie romantique, que je ne connaissais au disque
que par la Scène d'amour qui est accompagnée ici d'un beau pas de
deux entre Roméo et Juliette. Je connais assez mal Berlioz, mais maintenant
je pense pouvoir lui pardonner son adaptation de l'Orphée et
Eurydice de Gluck qui doit être pour quelque chose au fait que cette
œuvre est souvent jouée par des orchestre pas très baroquisants (alors que c'est tellement mieux quand c'est joué dans ce
style). Je n'ai découvert qu'assez récemment la
Symphonie fantastique que j'avais adorée. Dans ce ballet, la
superbe musique de Berlioz me semble magnifiquement jouée par l'orchestre
de l'Opéra. J'ai beaucoup aimé entendre Emmanuel Ceysson à la harpe. Les
vents (notamment le hautbois) ont aussi fait des merveilles. (Une de mes
prises de conscience de la dernière série de L'Histoire
de Manon est qu'il y a en fait deux orchestres à l'Opéra, dont les
petits noms sont les bleus
et les verts
, ces derniers ayant
joué d'une bien meilleure façon à mon goût la musique de Massenet, et
rétrospectivement, il en allait de même dans La Source au début de
la saison. Ce soir, c'étaient semble-t-il aussi les verts qui
jouaient.)
Ainsi, j'ai souvent regretté que le bruit des pas des danseurs du corps de ballet interfère avec la musique. La chorégraphie de Sasha Waltz ne m'a pas beaucoup intéressé. À l'inverse de ce que je vois d'habitude dans les ballets classiques et dans les danses indiennes, dans ce ballet les mouvements des danseurs se déclenchent le plus souvent en dehors du cadre rythmique imposé par la musique, et quand la danse et la musique sont en phase, ce n'est pas forcément pour le meilleur (danseuses remontant leur postérieur au même moment du cycle à quatre temps, mesure après mesure, dans la scène du bal).
J'ai trouvé que le début du ballet était un peu bordélique, avec ces nombreuses entrées et sorties de scène de groupes de danseurs dont le sens paraît peu clair. Les clins d'œil plus ou moins comiques de la chorégraphie m'ont rapidement lassé. Seul le pas de deux de la scène d'amour et le solo sans musique de Roméo m'ont plu. Pour le reste, même en les regardant avec des jumelles, je n'ai guère été ému par les interprètes (à part peut-être par Charlotte Ranson, dans le corps de ballet, qui est aussi appréciable quand elle a les cheveux soigneusement attachés que quand ils sont dénoués). Je reste impressionné par le travail d'Aurélie Dupont et d'Hervé Moreau (que je voyais pour la deuxième fois, la première c'était il y a trois ans dans Proust ou les intermittences du cœur), mais cette chorégraphie de Sasha Waltz me laisse indifférent.
Malgré cela, le spectacle reste intéressant grâce à la musique de Berlioz dirigée par Vello Pähn (que l'Opéra devrait inviter plus souvent, je n'ai que des bons souvenirs avec ce chef). J'ai bien aimé le chœur et parmi les chanteurs, j'ai tout particulièrement aimé la prestation de Stéphanie d'Oustrac.
2012-05-14 00:15+0200 (Orsay) — Culture — Musique — Opéra
Théâtre de Dijon — 2012-05-12
Jacques Prévert, livret
Brice Pauset, direction musicale
Damien Caille-Perret, mise en scène
Céline Perrigon, scénographie, costumes
Jérémie Papin, lumières
Adrien Béal, assistant du metteur en scène
Denis Comtet, chef assistant et chef de chœur
Angéline Pondepeyre, chef de chant
Joël Soichez, préparateur du chœur
Maurizio Prosperi, pianiste accompagnateur
Ateliers de l'Opéra de Dijon, réalisation des décors et costumes
Peggy Sturm, réalisation des costumes
Thomas and Neel, création des surtitres
Éditions musicales Henry Lemoine, édition de la partition
Luanda Siqueira, La Femme (soprano)
Jérôme Billy, L'Enfant (ténor)
Vincent Deliau, L'Homme (baryton)
Gilles Ostrowsky, L'Enfant/récitant
Jérémie Leymarie, L'Enfant (figurant)
Orchestre Dijon Bourgogne
Chœur de l'Opéra de Dijon
L'Opéra de la lune, Brice Pauset (création)
J'ai assisté samedi après-midi à la création de L'Opéra de la lune, le nouvel opéra de Brice Pauset, compositeur en résidence à Dijon. Cette première représentation ne s'est pas passée pour moi dans des conditions idéales. D'une part, il est difficile de rester éveillé alors qu'il fait une chaleur insupportable au fond du premier balcon. D'autre part, comment rester concentré quand on laisse entrer des retardataires et que de nombreux enfants et leurs accompagnateurs chuchotent un peu trop bruyamment. Je vois bien, mais l'acoustique n'est pas idéale ; elle me semblera meilleure au troisième balcon lors de la représentation du soir.
La musique de Brice Pauset me déplaît très franchement. Dans les parties orchestrales, aucune mélodie ou continuité ne se détache du bruit des instruments. J'éprouve de la sympathie pour le percussionniste qui par un mouvement de va et vient du poignet ininterrompu pendant environ trois minutes devra en quelque sorte évoquer le travail des habitants de la Lune pour l'embellir. Après son quasi-solo pour un instrument tout droit sorti du monde des Shadoks, le percussionniste semblait visiblement soulagé, mais sa main mettra un certain temps avant de retrouver une circulation sanguine normale... J'espère qu'aucune tendinite ne fera obstacle au bon déroulement des représentations suivantes.
Quand il faut bien faire chanter le ténor qui interprète le rôle de l'enfant qui rêve de la Lune, en plus de bruits divers, l'orchestre joue de longues notes continues, un sur-place auquel va se superposer un chant atonal d'un ennui profond (plus intéressant quand le rôle est interprété par Jérôme Billy que par Anthony Lo Papa, ce dernier étant plus convaincant dans son jeu scénique). Le seul intervalle autorisé entre deux notes successives semble être le demi-ton. Pendant la prononciation des voyelles d'à peu près toutes les syllabes, la ligne vocale oscille de façon très carrée entre deux notes consécutives. C'est très peu plaisant. Le seul avantage que je puisse voir à cette manière de faire est qu'elle préserve l'intelligibilité du texte. On ne peut pas en dire autant des parties chorales dont le texte est souvent rendu incompréhensible à dessein. La façon qu'ont le ténor et le chœur de rouler les r de façon exagérée est assez hoôoôoôrrrrrriîiîîpiîiîiîlaãaãaãnte.
Voilà pour la musique originale de Brice Pauset dans cet opéra pour un
unique personnage, l'enfant imaginé par Jacques Prévert. Ce personnage est
représenté triplement sur scène par le ténor, par un comédien qui est à la
fois l'enfant et un récitant, et par un enfant-figurant. Trois personnes
sur scène pour incarner un seul personnage, je pense que c'est au moins une
de trop... Les membres du chœur constituent un autre personnage, les
gens
qui interrogent l'enfant sur son rêve lunaire.
Dans cet opéra, toute la musique n'est pas de Brice Pauset. Des Lieder
évoquant la Lune ont en effet été insérés. Ils sont chantés par la Femme et
l'Homme, deux personnages qui ne semblent pas avoir de lien avec le reste
de l'histoire... Si certains programmes de concerts donnent l'occasion
d'entendre deux versions d'une œuvre (comme l'intelligent
programme du Britten Sinfonia en février à Dijon), je trouve ridicule
de faire chanter cinq fois le même texte de Goethe “An den Mond” par les
solistes, quand bien même il s'agirait de compositions différentes par
quatre compositeurs (Schubert, Himmel, Reichardt, Zelter). On voit ainsi
cinq fois Tu emplis à nouveau buissons et vallons
paraître dans les
surtitres... Un lied de Schubert sur un texte de Hölty fait exception. Ces
interludes rompent le déroulement de l'opéra, mais ce seront les seuls
moments qui me seront un peu agréables à l'oreille. Malheureusement,
l'orchestration est de Brice Pauset et si on entend parfois quelques
décorations intéressantes, j'ai globalement le sentiment qu'il a pourri le
matériau musical d'origine. Comment peut-on écrire une musique d'une telle
laideur ? Je n'apprécie guère sa façon d'utiliser systématiquement les
cuivres (en sourdine) et le registre grave des cordes (aux déplaisants
coups d'archets). Chez les vents, le basson est curieusement
sous-utilisé.
Je ne suis pas un grand admirateur de Schumann, mais Brice Pauset a
pareillement maltraité les Kinderszenen dont on reconnaît des
citations tout au long de l'opéra. Ce sont les numéros de ce cycle pour
lesquels Brice Pauset a préservé l'essentiel de la partition pour piano qui
m'ont le plus plu. D'ailleurs, le piano était en quelque sorte un piano
préparé
puisque la pianiste passait une partie de son temps à déplacer
devant elle des petits objets (que je ne distinguais pas depuis ma
place).
Malgré la musique, le spectacle se laisse regarder. La Lune et les astres sont représentés par des cubes qui sont aussi ceux avec lesquels pourrait jouer l'enfant. Un assemblage de cubes beaucoup plus gros constitue un décor mobile au milieu de la profondeur de la scène. Quand la vision de la lune de l'enfant sera dévoilée, une représentation abstraite apparaîtra à l'arrière-plan et d'autres éléments plus concrets pourront surgir.
Globalement, je ne suis pas enthousiaste. Cependant, quand on sait que l'avant-dernière commande de l'Opéra de Paris était Akhmatova de Bruno Mantovani, qui y maltraitait encore plus la voix que ne le fait Brice Pauset dans L'Opéra de la lune, je me dis qu'avec les moyens qui sont les siens, l'Opéra de Dijon n'a vraiment pas à rougir de la comparaison...
2012-05-06 21:18+0200 (Orsay) — Culture — Musique
Conservatoire national supérieur d'art dramatique — 2012-05-06
Menahem Pressler, piano
Alexandre Gattet, Gildas Prado, hautbois
Philippe Berrod, Olivier Derbesse, clarinettes
Giorgio Mandolesi, Lola Descours, bassons
Benoît de Barsony, André Cazalet, cors
Sérénade pour 8 instruments à vents nº11 en mi bémol majeur, KV 375 (Mozart)
Quintette pour piano et vents en mi bémol majeur, KV 452 (Mozart)
Clair de lune (Debussy)
Sérénade pour 8 instruments à vents nº12 en ut mineur, KV 388 (Mozart)
Des musiciens de l'Orchestre de Paris faisaient ce week-end trois concerts de musique de chambre au Conservatoire national supérieur d'art dramatique. Préférant la manière qu'a Mozart d'écrire pour les instruments à vents, je me suis contenté du dernier des trois concerts prévus, ce dimanche après-midi.
Qu'il est agréable de de voir des musiciens prendre visiblement beaucoup de plaisir en interprétant leur programme musical ! Pendant la Sérénade nº11, je suis subjugué par le clarinettiste Philippe Berrod vers lequel les regards des autres musiciens semblent régulièrement converger. Le corniste André Cazalet bat la mesure avec son pied gauche et par d'adorables mouvements de tête, laquelle exprime une certaine appréciation de ce que font ses camarades. Les mouvements qui m'ont le plus plu sont le premier (Allegro maestoso), le troisième (Adagio) et le cinquième (Allegro) qui est un peu fugué et qui fait se répondre de manière amusante les différents instruments à vents comme pourraient le faire des oiseaux..
L'effectif se réduit pour le quintette. Restent, de gauche à droite, Alexandre Gattet, Giorgio Mandolesi, André Cazalet et Philippe Berrod, tandis que Menahem Pressler (88 ans) s'installe au piano. Mon mouvement préféré a été le mouvement lent (Larghetto) dans lequel l'équilibre entre le piano et les quatre autres musiciens était à mon goût le meilleur. J'ai tout particulièrement aimé la façon dont les thèmes se passaient d'un musicien à un autre et aussi une exquise ornementation (trille) à la fin d'une phrase du hautbois, qui passait ensuite au cor et au basson. J'appréciais d'autant plus les barres de reprise... En bis, le pianiste a livré une interprétation de Clair de lune (Debussy) qui m'a beaucoup ému.
La Sérénade nº12 m'a paru moins drôle que la nº11, mais les instruments m'ont semblé y avoir des rôles plus équilibrés. La clarinette nº1 était cette fois-ci Olivier Derbesse qui a aussi un très beau son. Par moments, seuls les bassons et les hautbois jouaient. J'appréciais alors les regards vers les hautboïstes de Giorgio Mandolesi (dont le visage avait davantage rougi que celui de sa consœur Lola Descours). Ensemble ou seuls, les deux hautboïstes ont fait entendre leur son particulier, celui de Gildas Prado étant d'une grave beauté !
Des concerts comme ça, j'en redemande !
2012-05-05 23:45+0200 (Orsay) — Culture — Musique
Salle Pleyel — 2012-05-01
London Symphony Orchestra
London Symphony Chorus
Peter Eötvös, direction
Nocturnes (Debussy)
Christian Tetzlaff, violon
Concerto pour violon nº1 (Szymanowski)
Poème de l'extase (Scriabine)
Des deux concerts donnés par le London Symphony Orchestra & Chorus, je retiendrai un coup de foudre pour la musique de Szymanowski, cela tombe bien puisque le LSO reviendra en jouer l'année prochaine !
Le premier concert avait commencé par Nocturnes, une très belle œuvre de Debussy que l'orchestre a joué en produisant un volume sonore assez faible. J'ai eu le sentiment d'être au bord de la mer, ce qui est confirmé plus tard par la lecture du programme : le troisième mouvement s'intitule Sirènes.
Le choc intervient ensuite avec le premier concerto pour violon de
Szymanowski. On comprend immédiatement qu'il s'agit d'une musique du
XXe siècle, qui rappelle Stravinski (surtout) et Debussy (un
peu). Le violoniste Christian Tetzlaff ne me plaît pas beaucoup. J'ai comme
l'impression qu'il cajole son violon, qu'il le chatouille, lequel violon
émet des gloussements aigus à la limite de la vulgarité ; à mon goût, un
petit peu trop de vibrato aussi. Je suis étonné par son déconcertant
mouvement de va-et-vient vers la gauche, et puis à droite, et encore à
gauche, le tout accompagné de flexions des genoux. Cependant, je me suis
dit à plusieurs reprises : Quel beau concerto !
. La plupart des
thèmes du violon sont repris par l'orchestre, les différents pupitres se
les passant les uns aux autres fort joliment. Certains thèmes explorent les
confins de l'orchestre, reviennent comme en écho, et au bout d'un moment
l'écho finit par s'évanouir. Ceci me procure à chaque fois un très grand
plaisir et quand le son de l'orchestre s'évanouit, celui du violon a repris
le dessus et l'attention se reporte sur le soliste.
Le chef Peter Eötvös dirigeant en avance sur la musique, je peux me délecter en avance de certaines interventions, en particulier des cuivres. Quelle maîtrise du crescendo ! Le concerto ne se finira toutefois pas après le grand élan emphatique intervenant peu avant la fin, mais quelque peu plus loin, d'une très étrange façon.
Ayant la flemme de remontrer au premier balcon après l'entr'acte, je me suis replacé au parterre. J'ai davantage apprécié ma belle vue en perspective sur une ligne de violoncelles que la musique du Poème de l'extase de Scriabine.
⁂
Salle Pleyel — 2012-05-02
London Symphony Orchestra
London Symphony Chorus
Peter Eötvös, direction
Musique pour cordes, percussion et célesta (Bartók)
Nikolaj Znaider, violon
Concerto pour violon nº2 (Bartók)
Sarabande (BWV 1002)
Steve Davislim, ténor
Symphonie nº3 Chant de la nuit (Szymanowski)
Le lendemain, j'ai été captivé comme rarement par la Musique pour cordes percussion et célesta de Bartók. Le premier mouvement d'une apparente simplicité (les différents pupitres de cordes se passant un mouvement mélodique descendant) était à couper le souffle. L'utilisation de huit contrebasses n'a pas empêché l'orchestre de rester sur des nuances très très piano. (L'orchestre était disposé d'une très étonnante façon. L'orchestre est semble-t-il divisé en deux. Les contrebasses et violoncelles forment un grand demi-cercle avec quatre contrebasses à chaque extrémité. À l'intérieur, un célesta, un piano et de part et d'autres des pupitres de violons et altos.) Les autres mouvements seront tout différents, tous passionnants. L'entrée du célesta, tout comme ses apparitions ultérieures, me procureront un très grand plaisir. Les sonorités obtenues par le timbalier sont tout simplement hallucinantes ! J'avais déjà eu ce type d'impression lors des concerts du Chamber Orchestra of Europe, mais à l'écoute de cette œuvre (et des autres), j'ai fait l'expérience d'un temps étiré. L'œuvre ne fait en théorie que 25 minutes, mais elle m'a semblée plus longue, sans que je me sois ennuyé pour autant !
Après l'entr'acte, je passe à côté du concerto pour violon nº2 de Bartók, qui s'il a compté de fort beaux moments, m'a globalement plutôt ennuyé (toutes proportions gardées, c'était fort agréable, mais le contraste était trop grand pour moi avec le concerto de Szymanowski de la veille et la superbissime œuvre de Bartók juste précédemment). En bis, le violoniste Nikolaj Znaider a joué le Bach habituel, mais de façon tellement sublime qu'il est tout pardonné.
L'extase mystique, elle vient avec la dernière œuvre au programme : la Symphonie Chant de la nuit de Szymanowski (sur un texte de Rûmî). Quelle volupté dans cette œuvre orientalisante ! En comparaison, je pourrais presque dire que la Salomé de Strauss me semblerait peu de choses. Les instruments à vents m'ont paru fantabullissimes, tout comme le cor solo. Quel dommage que le chef n'ait pas fait saluer séparément les différents groupes de musiciens. Il y a quelques bravos qui se sont perdus...
Ailleurs : Palpatine (Premier concert, deuxième concert), Paris — Broadway, Bladsurb (deuxième concert).
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