Weblog de Joël Riou

« Le vite dit de février 2013 | Le Chamber Orchestra of Europe et Romain Guyot à Dijon »

Des Berlinois à la Cité de la musique

2013-03-10 22:42+0100 (Orsay) — Culture — Musique

Entre la Salle Pleyel et la Cité de la Musique, les concertivores parisiens ont eu il y a dix jours quatre occasions d'entendre les musiciens berlinois. Les tarifs de l'Orchestre Philharmonique de Berlin à Pleyel étant un peu élevés ― un jour™ j'irai les écouter à Berlin ― je me suis contenté des deux derniers concerts donnés à la Cité de la musique :

Cité de la musique — 2013-03-01

Emmanuel Pahud, flûte

Paul Meyer, clarinette

Marie-Pierre Langlamet, harpe

Daishin Kashimoto, violon

Maja Avramović, violon

Amihai Grosz, alto

Raphaël Pidoux, violoncelle

Introduction et Allegro (Ravel)

Prélude à l'après-midi d'un faune (Debussy, arrangement de Fabrice Pierre)

Sonate pour flûte, alto et harpe (Debussy)

Quintette pour clarinette et cordes (Brahms)

L'effectif de musiciens pour ce concert de musique de chambre était assez original. À cinq musiciens issus du Philharmonique de Berlin se sont joints le clarinettiste Paul Meyer et le violoncelliste Raphäel Pidoux, ce qui donne un quatuor à cordes augmenté d'une harpe, d'une flûte et d'une clarinette. Si l'œuvre de Ravel jouée en premier m'a plu, j'ai surtout adoré l'interprétation de la réduction du Prélude à l'après-midi d'une faune de Debussy, une réduction pour huit instruments, la harpiste jouant aussi à quelques occasions d'un mini-instrument à percussions dont j'ignore le nom. C'était la première fois que j'entendais le flûtiste Emmanuel Pahud en concert, cela fait un certain effet...

L'œuvre jouée ensuite, la sonate pour flûte, alto et harpe de Debussy ne m'a pas passionné, mais je me suis délecté du jeu de l'altiste Amihai Grosz. J'ai le sentiment de n'avoir écouté que lui pendant ce trio...

Écouter le quintette de Brahms m'a été très agréable, mais je n'ai pas subi exactement le même choc que lors de mes expériences précédentes avec les Berlinois avec les sextuors nº1 et nº2.

Ce concert sera diffusé sur France Musique le 15 mars à 14h.

Ailleurs : Klari.

Cité de la musique — 2013-03-02

Guy Braunstein, violon

Ramón Ortega Quero, hautbois

Philharmonische Camerata Berlin

Concerto pour hautbois (BWV 1056)

Concerto pour violon (BWV 1041)

Concerto pour hautbois (BWV 1053)

Concerto pour violon (BWV 1042)

Concerto pour hautbois et violon (BWV 1060)

Quelle belle idée de programmer ces concertos de Bach ! J'ai en effet eu très peu d'occasions d'entendre des concertos de Bach en concert. La plupart des rares souvenirs que je leur associe me rappellent des concerts des jeunes musiciens amateurs d'un ensemble nommé Concert Latin, sans lesquels je ne serais sans doute pas concertivore aujourd'hui. Une pensée particulière aussi pour la soliste pas plus haute que trois pommes qui, si je me souviens bien, jouait le concerto pour deux violons (BWV 1043) dans l'Église Notre Dame de Toute Joie à Grigny en 2004.

La Philharmonische Camerata Berlin est en théorie un sous-ensemble des Berliner Philharmoniker ; elle comportait semble-t-il ce soir-là quelques musiciens supplémentaires. Les deux solistes choisis sont Guy Braunstein (violon) et Ramón Ortega Quero (hautbois). Le contraste entre les deux solistes est très net !

J'ai eu pour ma part une certaine préférence pour la façon de jouer du hautboïste Ramón Ortega Quero, dont l'attitude m'évoquait une certaine humilité. J'ignore comment il fait pour respirer, mais par moment, je me disais à l'écoute de certaines très longues phrases qu'il devait y avoir quelque prodige derrière une telle capacité pulmonaire. Toutefois, le musicien n'était rendu que plus humain à mes yeux par le fait que le volume sonore de son instrument me paraissait moins important quand il le dirigeait vers le côté (un effet que je n'ai pas encore observé avec le divin François Leleux...). Avant de venir à ce concert, j'espérais avidement me régaler à l'écoute du concerto pour hautbois (reconstitué) BWV 1053. Le moins que je puisse dire est que je n'ai pas été déçu !

Je ne sais pas s'il faut se risquer à décrire l'interprétation du violoniste Guy Braunstein dans les deux premiers concertos pour violon (BWV 1041 et 1042), car en souligner les qualités signifie aussi en pointer les défauts. Le musicien ne joue pas à moitié ! La prise de risque semble totale ! Je n'ai jamais vu un musicien jouer Bach de façon aussi engagée et captivante ! Je ne lui ferai donc pas le reproche d'avoir souvent été un peu border-line et parfois un peu au-delà. Ma béatitude et ma bonne humeur associée à l'écoute de cette musique étaient trop fortes pour être réellement perturbées par les imperfections entendues... Les mouvements lents de ces deux concertos étaient en effet magnifiques !

N'ayant eu que très peu d'occasions d'entendre en concert ces deux concertos pour violon, j'ai été étonné et à vrai dire agréablement surpris que Guy Braunstein joue la partie des premiers violons quand il n'avait pas à jouer de solos. Ce faisant, au début du concerto BWV 1041, il tournait le dos aux spectateurs, comme pour soustraire religieusement son ego afin de mieux le fondre dans l'ensemble orchestral. Après avoir jeté un coup d'œil aux partitions sur IMSLP, il semblerait que, dans l'édition consultée au moins, le soliste n'ait pas vocation à se reposer entre deux interventions mais à jouer à l'unisson des premiers violons. Cela modifie quelque peu ma façon de penser à ces œuvres. Bach a écrit des concertos pour orchestre (les Brandebourgeois) dans lesquels il n'y a pas un instrument qui domine particulièrement (si on laisse de côté peut-être la folle cadence de clavecin du Cinquième ; cf. cet enregistrement à partir de 5'55" environ). Sur la seule foi de ce que me faisaient entendre mes enregistrements de ces œuvres, je concevais ces deux concertos pour violon comme des concertos au sens plus moderne du terme, avec un instrument soliste dialoguant avec l'orchestre. Les avoir entendus et surtout vus ce soir-là me les feraient presque reconsidérer comme des concertos pour orchestre dans lequel il se trouverait que le premier violon se distinguerait des autres lors de solos élaborés (un procédé qui est très courant dans les œuvres orchestrales, n'est-ce pas ?).

Le concert s'est conclu avec le concerto pour violon et hautbois BWV 1060 dont les thèmes n'ont pas arrêté de me tourner dans la tête pendant quelques heures après le concert. Plutôt qu'une confrontation entre les deux solistes qui était à mon avis à craindre vu la différence entre leurs styles d'interprétation, les deux musiciens se sont pour ainsi dire livrés à un dialogue amoureux. Il fallait voir les mimiques attendries de Guy Braunstein dans le somptueux mouvement lent dans lequel il donnait la réplique au hautboïste Ramón Ortega Quero...

Ailleurs : Bladsurb.

Lien permanent


Commentaires

1. 2013-03-11 17:33+0100 (régis)

Dans les concertos pour violon de Bach, la partie soliste comporte noir sur blanc les tutti avec laquelle elle s'enchaîne parfaitement. Pas le choix, il faut la jouer!L'entrée du soliste après le tutti ça commence avec les classiques (Haydn/école de Mannheim)

2. 2013-03-11 20:13+0100 (Joël)

Ce qui est amusant, c'est qu'il faut le voir en concert ou sur la partition pour s'en rendre compte ! parce que ce n'est pas du tout flagrant sur mes enregistrements !

(Cela dit, même chez Mozart, le violon solo joue les tutti, j'ai vu Kavakos le faire dans le quatrième concerto KV 218 : le soliste joue avec les premiers violons jusque vers la bas de la troisième page <URL: http://imslp.org/wiki/Violin_Concerto_No.4_in_D_major,_K.218_%28Mozart,_Wolfgang_Amadeus%29 >.)

3. 2013-03-17 16:34+0100 (régis)

Ben, oui et non. Les éditions dont nous disposons datent de la fin du 19ème siècle, et sont souvent dues à de grands instrumentistes qui visaient à mettre le soliste en valeur. Tu as pris l'exemple du 4ème de Mozart où jouer le tutti est possible. Ecoute le 3ème: tu constateras que ce n'est pas envisageable. Passe au 5ème: c'est très inconfortable de jouer cet adagio suspendu sur la corde mi avant l'exposition du 1er thème par le soliste (le trait!) si on a joué le tutti... Je pense également que l'essor du concerto pôur piano y est pour quelque chose. Haydn et Mozart, puis Beethoven, étaient des pianistes qui ont écrit des concertos pour violon... et le piano ne peut jouer les tutti.

4. 2013-03-17 22:21+0100 (Joël)

Ça devient compliqué ! Promis, je surveillerai Kavakos quand je le verrai jouer un autre concerto pour violon de Mozart...

5. 2013-03-20 12:11+0100 (régis)

c'est pas compliqué... je les ai joués;) ça change tout!


Vous pouvez poster un commentaire grâce au formulaire ci-dessous.

Nom ou surnom (obligatoire) :
Adresse email (facultative, n'apparaîtra pas publiquement sur ce site) :
Site Web (facultatif) :
Faire conserver ces coordonnées par mon navigateur ?
Pour montrer que vous n'êtes pas un robot stupide, veuillez recopier les chiffres 25651, dans l'ordre inverse :
Le commentaire (de grâce, évitez le SMS-speak) :

Ne mettez que du texte dans les commentaires ; vous pouvez néanmoins insérer des liens en saisissant par exemple <URL: http://www.google.fr/ > (à savoir « <URL: », une espace, l'URL proprement dite, une espace, et enfin « > ».

Date de génération : 2023-07-27 14:18+0530 ― Mentions légales.