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2012-12-11 01:00+0100 (Orsay) — Culture — Musique
Temple des Batignolles — 2012-12-09
Orchestre des Concerts Gais
Marc Korovitch, direction
Pierre Hamel, violon
Concerto pour violon en ré majeur, op. 35 (Tchaikovski)
Symphonie nº104 en ré majeur (Haydn)
Après l'expérience mystique de la Quatrième symphonie de Bruckner à Saint-Roch en mai dernier, je suis allé écouter le nouveau programme de l'Orchestre des Concerts gais. Deux fois ! La raison a priori était que l'on a pas tous les jours l'occasion d'entendre une symphonie de Haydn d'un numéro donné, donc autant écouter deux fois de suite sa Symphonie nº104. J'ai cependant changé de place entre les deux concerts, premier rang à gauche à côté des premiers violons vendredi et premier rang à côté des altos dimanche. Cela m'a permis d'avoir deux perspectives assez différentes pour le concerto de Tchaikovski dans la première partie du programme et concernant la symphonie de Haydn, de l'entendre dimanche jouée de façon encore plus convaincante que vendredi.
Le concert commence avec l'interprétation du concerto pour violon de Tchaikovski. Le soliste est Pierre Hamel, premier violon co-soliste de l'Orchestre Colonne, et par ailleurs redoutable mathématicien amateur. Lors de la première écoute, je suis bluffé par ce que j'entends avant même l'entrée du soliste après une vingtaine de mesures. Cela commence par une mélodie gentillette des premiers violons, puis un Ta.tâ-tidadayada-tâ qui alterne avec un motif descendant puis montant du hautbois. Alors qu'un puissant crescendo s'élabore, les uns sont rejoints par les seconds violons et le hautbois par les autres vents. Et puis, les violons se mettent à faire un tidadayada-ta-ta-tidadayada-ta-ta dont les ta-ta qui sonnent comme des coups de fouet bien nets font trembler le sol du temple des Batignolles. À un mètre des premiers violons, ma perception auditive est sans doute altérée, mais visuellement, je ne crois pas avoir vu souvent une telle énergie se dégager d'orchestres professionnels...
Après cette rampe de lancement furieuse, Tchaikovski utilise une technique d'orchestration des instruments à vents qui lui est particulière, utilisant différentes combinaisons d'instruments sur de courtes durées (cf. ce billet pour un autre exemple). C'est le signal donné pour l'entrée en scène du soliste, seul. À moins de deux mètres de distance, et alors que l'orchestre m'avait déjà quelque peu mis en transe, ce fut d'autant plus impressionnant... Après quelques mesures, le soliste est rejoint par d'autres instruments au moment où s'énonce la grande phrase musicale marquante de ce concerto, langoureuse et en apesanteur. Elle reparaîtra sous diverses formes dans la suite, et en fait, c'est une variation de ce que les premiers violons ont esquissé quelques mesures plus tôt. Ce plaisir s'accompagne de celui de l'audition des pizz. des cordes et en particulier des contrebasses. Je me suis davantage délecté de ces dernières dimanche, puisque mon placement me les faisait entendre mieux et je pouvais profiter aussi des indications que donnait le chef Marc Korovitch aux deux contrebassistes qui accueillaient ces signaux avec un sourire complice et une synchronisation parfaite.
Revenons au soliste qui m'a fait une très forte impression. Lors de la deuxième écoute, outre de très beaux aigus, je crois que ce qui m'a le plus épaté, c'est le jeu de questions et réponses auquel le violoniste se livre avec lui-même à un moment dans la cadence... Dans la musique du Sud de l'Inde, j'apprécie tout particulièrement ces dialogues entre instruments qui interviennent presque systématiquement en fin de concert. J'ai aimé la façon que le violoniste a eu d'interpréter un des passages en donnant l'impression que deux personnages se répondaient.
Si les deux derniers mouvements ne sont pas mes préférés du concerto, j'ai aimé l'atmosphère crépusculaire du deuxième. J'ai reconnu qu'on passait au troisième (enchaîné au deuxième) quand un altiste a posé sa sourdine sur son pupitre... Dans le troisième, les instruments à vent ont m'ont semblé particulièrement magnifiques.
Après l'entr'acte, le démarrage de la Symphonie nº104 de Haydn est assez
spectaculaire, un vrombissant Tâ-Ta..ta-tîîî Tâ-Ta..ta-tîîî
qui
oscille entre deux notes bien définies, et puis on sent que Haydn a envie
d'ajouter un peu de dissonances, d'abord timidement. Et, soudain, c'est le
drame, il se met à faire du Wagner :
Je ne sais pas combien de fois j'ai réécouté ces deux mesures (12-13) sur un enregistrement de l'Orchestre Haydn austro-hongrois pour me convaincre que je n'avais pas rêvé. Oh la la, tous ces bémols et dièses... Vers la fin de ce mouvement, il y aura un passage qui est chromatique de façon encore plus flagrante (suivre ce lien pour écouter l'extrait) :
À la fin du premier mouvement, je me suis dit que la durée de la réverbération de la salle devait être assez grande, puisqu'après que les musiciens se sont arrêtés, il m'a semblé continuer à entendre le son de la musique pendant plusieurs secondes ! Il faudrait être bien naïf pour croire que le deuxième mouvement lent d'une symphonie sert à permettre aux musiciens de souffler un peu. En effet, dans cet Andante, Haydn a malicieusement mis une scène de tempête, courte, mais spectaculaire ! Le Menuet est adorable comme tout. Au début du quatrième mouvement, j'apprécie la pédale des violoncelles (et des cors dans le fond), la longue note tenue au-dessus de laquelle va se développer la mélodie entêtante de cette symphonie, de ce concert, voire de la semaine, j'espère que les symptômes disparaîtront assez rapidement.
J'ai préféré la seconde écoute de cette symphonie. Cela tient peut-être un peu à un placement qui rende ma perception plus équilibrée, mais sans doute pas seulement. J'ai été captivé du début à la fin. La deuxième fois, le dernier mouvement m'a semble-t-il été joué plus rapidement, et l'orchestre m'a alors paru tout à fait débridé !
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