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2014-09-23 17:40+0200 (Orsay) — Culture — Danse — Danses indiennes — Culture indienne
(Billet mis à jour le 2 mai 2015.)
Introduite par Rudolf Benesh (1916-1975) dans les années 1950, la
notation du mouvement Benesh est surtout utilisée dans la danse classique
européenne, et tout particulièrement au Royaume-Uni (on pourra d'ailleurs
lire à ce sujet les
billets du blog Impressions danse portant sur la notation Benesh,
parfois aussi appelée choréologie
). Cette technique de notation
n'est aucunement spécialisée dans ce style : il est possible de l'utiliser
pour toutes sortes de danses. La notation ne remplace en aucun cas
l'apprentissage du style et la transmission de pièces par un professeur,
mais je voudrais néanmoins encourager son utilisation. La notation est
évidemment un support utile pour se remémorer une pièce dont on aurait
oublié certains détails, mais elle permet aussi de mieux comprendre la
chorégraphie et dans le cas de la notation d'enchaînements (adavus), elle
facilite également la comparaisons entre différentes écoles.
Dans ce billet, je voudrais montrer que la notation Benesh est adaptée à la notation de pièces de danses indiennes de style bharatanatyam, et tout particulièrement aux passages de danse pure. Pour cela, j'ai sélectionné un extrait de chorégraphie disponible sur Youtube :
Il s'agit d'un extrait d'un Varnam (ou plus exactement un Svarajati) apparaissant dans le DVD Rasaanubhavam de Janaki Rangarajan (qui est une de mes danseuses préférées, cf. mes billets sur ses récitals au Musée Guimet, au Bharatiya Vidya Bhavan à Chennai et au Centre Mandapa ; je la remercie de m'avoir permis d'utiliser sa chorégraphie dans ce billet). Sur la vidéo ci-dessus, à la fin d'une séquence narrative, on la voit reculer vers l'arrière de la scène et exécuter des pas préparatoires à un Jati tandis que la nattuvanar (Jayashree Ramanathan, que j'apprécie beaucoup !) prononce la suite de syllabes Dhalan–guTakadhikuTakatadhinGinatom–. Le Jati dure une trentaine de secondes sur la vidéo, de 4'42" à 5'14". Voici cette séquence écrite en notation Benesh :
Jati en notation Benesh
(version PDF)
Je tiens à préciser que je suis débutant en notation Benesh et qu'il est donc fort probable que ce texte contienne des approximations, et peut-être même des erreurs !
Le but de ce billet est d'expliquer le sens de la plupart des signes
apparaissant sur la première page de cette partition. (La deuxième page
comporte des signes plus complexes sortant du cache de ce tutoriel
,
notamment en raison des sauts que la danseuse exécute à la fin de la
séquence.)
De même que la musique occidentale, la
notation Benesh s'inscrit sur une portée de cinq lignes (usuellement
tracées en rouge). Ceci laisse la possibilité de combiner sur une même
partition la chorégraphie et tout ou partie de la musique utilisée pour la
danse. Même si la notation de la choréographie se suffit a priori
à elle-même, j'ai préféré adjoindre ici une ligne rythmique
permettant de situer dans le temps les frappes de pieds.
J'ai également indiqué sur une troisième portée les syllabes prononcées
par la nattuvanar Jayashree Ramanathan.
Venons-en maintenant au sujet, à savoir la portée de cinq lignes rouges
ci-dessus. L'idée fondamentale de la notation Benesh est de représenter la
position de la danseuse (ou du danseur) à certains instants-clefs
et
d'indiquer par des lignes de mouvement la façon de passer d'une position à
une autre. On utilise pour cela une représentation schématique du corps de
la danseuse vue de derrière. Les cinq lignes de la portée
représentent successivement, en partant du bas, le sol, les genoux, la
taille, les épaules et le haut de la tête comme sur la figure
ci-dessous :
Représentation du corps sur une portée, p. 19 de Reading dance de Rudolf & Joan Benesh
Commençons par voir comment sont représentées deux positions importantes du bharatanatyam. Sur la figure suivante, je n'ai représenté que les pieds et genoux :
Les pieds sont représentés par des tirets horizontaux. Quand ils sont
côte-à-côte, on obtient un tiret long comme sur les deux positions
ci-dessus. La position assise
(araimandi) correspond au
demi-plié de la danse classique européenne, les croix (plus larges que
hautes) qui représentent les genoux sont donc un peu écartées et placées
plus bas que la ligne des genoux. Comme on ne représente un genou en
notation Benesh que si la jambe n'est pas tendue, ils ne sont donc pas
notés pour la position debout.
Approfondissons maintenant le tiret utilisé pour représenter les pieds. Voici une façon de noter un pas chassé vers la droite :
Trois instants-clefs sont représentés de gauche à droite. Sur le premier, les pieds sont joints. Sur le deuxième, on voit deux tirets écartés. Pour indiquer que c'est le pied droit qui se déplace (vers la droite), on ajoute une ligne de mouvement représentant le mouvement effectué par le pied depuis la position précédente. (Ces principes s'appliqueront de la même façon aux mouvements des mains, qui sont représentées par les mêmes symboles que les pieds.) Sur le troisième instant-clef, on veut indiquer que le pied gauche vient rejoindre le pied droit. Ceci pourrait se noter comme sur le deuxième instant-clef en utilisant une ligne de mouvement, mais il est plus économique d'adjoindre au tiret correspondant au pied gauche un petit trait oblique (qui est dérivé de ce qu'on appelle le symbole de contact). (Exercice : Si le trait oblique était placé au niveau du pied droit plutôt qu'au niveau du pied gauche, à quel enchaînement de mouvements correspondrait la notation ?)
(Sur la figure précédente, j'ai utilisé une ligne de mouvement. En toute
rigueur, il est plus idiomatique de représenter les pas en notation Benesh
par ce qu'on appelle des lignes de locomotion
. Comme leur lecture
est plus difficile, j'ai préféré éviter de les utiliser ici.)
Pour le moment, les pieds sont posés à plat sur le sol. Dans l'exemple suivant, j'ai utilisé un signe spécifique (un tiret auquel un petit rond est adjoint) indiquant que c'est le talon qui touche le sol :
Partant de la position assise, on pose le talon droit sur le côté droit
(deuxième instant-clef), puis on exécute une frappe du pied gauche (notez
la petite ligne de mouvement sur le troisième instant-clef) et on exécute
une frappe du pied droit qui revient à côté du pied gauche
(quatrième instant-clef). Cette suite de mouvements de pieds est très
courante dans le bharatanatyam et est accompagnée lors de la pratique par
les onomatopées rythmiques ou bols di-di-tai
.
Le symbole utilisé dans le dernier instant-clef des deux exemples
précédents est un symbole de fermeture indiquant le mouvement vers une
position fermée
, en l'occurrence pieds joints. On peut utiliser
plusieurs de ces symboles à la suite pour noter des frappes de pieds, comme
dans l'exemple suivant qui est le troisième Tatta Adavu :
Cet exemple permet d'introduire d'autres symboles. Pour la position
assise initiale, j'ai indiqué la position des mains au niveau de la taille
avec le symbole de contact (un trait oblique pour chaque main). J'ai
également indiqué la métrique utilisée dans cet adavu se dansant sur quatre
temps : trois frappes de pieds et un temps vide
. Le dernier temps
vide est indiqué par un signe au-dessus de la portée. Enfin, j'ai utilisé
une barre de répétition comportant une ligne oblique et une ligne droite,
ce qui signifie que la répétition se fait en miroir, en alternant les
côtés : à droite, puis à gauche. (Dans certaines écoles de bharatanatyam,
comme celle de Sucheta Chapekar, guru de ma prof, le troisième Tatta Adavu
se danse sur trois temps au lieu de quatre, sans gap.)
Le signe indiquant les pieds peut être placé verticalement à différents endroits par rapport à la ligne du bas de la portée. Ceci permet de distinguer un pied à plat (ou sur le talon) d'un pied en demi-pointe :
Sur le premier instant-clef, les tirets se confondent avec la ligne de
la portée : les pieds sont en demi-pointe (et dans cet exemple le signe
courbe en-dessous des pieds indique en outre que l'on exécute un petit
saut). Au deuxième instant-clef, les tirets sont placés sous la ligne : les
pieds sont posés à plat. Sur cet exemple, on a ainsi une alternance entre
pieds en demi-pointe et pieds à plats. Cette alternance est typique des
Khudita Metti Adavus accompagnés des bols tai-hat-tai-hi
. La
chorégraphie de Janaki Rangarajan commence d'ailleurs par un des adavus de
cette série. (On pourra noter que sur les deuxième et quatrième
instants-clefs, un signe nouveau apparaît au dessus de la portée : il est
utilisé pour indiquer que l'instant-clef ne tombe pas sur un temps, mais
sur une subdivision d'un temps en deux. D'autres signes sont utilisés pour
des subdivisions en 3 ou 4.)
Pour le moment, tout se passe dans le plan du corps. Deux nouveaux signes sont nécessaires pour indiquer un pied (ou une main) placé à l'avant du plan du corps (un trait vertical) ou à l'arrière du plan du corps (un point) :
De ces symboles sont dérivés les symboles utilisés pour les genoux (et les coudes). Les tirets se transforment en croix et le rond en une croix tournée de 45°.
Il est maintenant possible d'analyser le début de la chorégraphie du Jati de Janaki Rangarajan. Tout d'abord, il me semble important de bien comprendre ce qui se passe d'un point de vue rythmique. Pour cela, il peut être utile de s'imprégner de la pulsation de la mesure à six temps dans les dizaines de secondes précédant le Jati sur la vidéo ci-dessus. Il s'agit de Rupaka Tala qui suivant les théories ou les pratiques diverses comporte au choix six temps ou trois temps. Du point de vue du solfège occidental, on peut dire que le cycle est composé de six croches ou de trois noires. On considérera ici que ce cycle a six temps. (Les personnes qui essaieront de déchiffrer les lignes rythmiques indiquées en bas observeront que je les ai notées en 3/4, c'est-à-dire avec trois noires par mesure. La noter en 6/8 aurait été une mauvaise idée parce que la convention en musique occidentale aurait impliqué que les six croches se répartissent par groupes de trois (6=3+3) plutôt que par deux (6=2+2+2).)
Normalement, si vous avez saisi la bonne pulsation (autour de 104 temps
par minute), quand la nattuvanar a fini de dire Ginatom–
, comptez de
1 jusqu'à 8, puis comptez de nouveau de 1 à 8. Normalement, quand vous
arrivez à 5, vous voyez la danseuse passer de la position assise à la
position debout. (Si ce n'est pas le cas, recommencez en comptant deux fois
plus vite ou deux fois plus lentement...) Une fois ceci acquis, vous pouvez
essayer d'observer le découpage du Jati en
8+8+(3+3+6)+(3+3+6)+5+5+4=54, i.e. comptez de 1 à 8, recomptez de 1 à 8,
puis de 1 à 3, etc. Après le dernier compte de 1 à 4, le chanteur
intervient et la musique redevient mélodique. Le nombre total de temps est
54=9×6, c'est-à-dire qu'après Ginatom–, le Jati s'étend
sur 9 cycles de Rupaka Tala. Toutefois, le découpage que j'ai donné plus
haut est très différent du découpage régulier qui serait donné par le
Tala : 6+6+6+6+6+6+6+6+6=54. Il s'agit là d'une des difficultés rythmiques
du bharatanatyam : les motifs qui se répètent ne commencent pas toujours au
début d'un cycle et ils peuvent enjamber plusieurs cycles. Sans la musique
qui précède, il serait pour ainsi dire impossible de deviner que le cycle
rythmique est Rupaka Tala...
Pendant la phrase initiale Dhalan–guTakadhikuTakatadhinGinatom–,
la danseuse se met en position assise, les mains au centre près du corps
dans le mudra Katakamukha. Dans l'article Notating Indian Dance de
Rudolf & Joan Benesh et Marianne Balchin, Sangeet Natak nº9
(1968) que j'ai pu consulter à la
médiathèque du Centre national de la danse, les auteurs ont l'ambition
de noter les positions des mains par un système de notation qu'ils
esquissent (par exemple P6
avec un point au-dessus du 6 pour le
mudra Shikhara) ; cela me paraît un peu trop optimiste de leur part. Il me
semble préférable de procéder comme dans le chapitre X consacré aux danses
indiennes de Reading Dance, The Birth of Choreology de Rudolf
& Joan Benesh : utiliser une abréviation des noms des mudras, comme Km
pour Katakamukha, Ap pour Alapadma, Pt pour Pataka, Tp pour Tripataka.
(Pour certains mudras comme Pataka ou Tripataka,
il convient de préciser aussi la
façon dont la main est tournée, ce que j'ai indiqué à partir de la quatrième mesure sur la partition.)
La position initiale du Jati se note ainsi :
Les coudes sont écartés et les mains légèrement vers l'avant du corps. (L'écartement des coudes dicte la distance entre les mains et le corps : si les mains étaient davantage vers l'avant, les coudes seraient moins écartés.)
La position précédente est la position de départ d'un des Khudita Metti Adavus que la danseuse exécute pour commencer. Cet adavu consiste en deux répétitions de la séquence suivante :
Les mouvements des pieds correspondants (tai-hat-tai-hi
) ont déjà
été décrits plus haut. Au niveau des mains, la seule variation par rapport
à la position initiale réside dans le symbole utilisé pour la main droite
sur le premier instant-clef. C'est un rond et non un tiret, ce qui signifie
que la main est à l'arrière du corps. Comme le coude n'est pas noté, il
faut comprendre que le bras droit est tendu. La main droite est en
Alapadma, mais la main gauche reste en Katakamukha, c'est pourquoi j'ai
précisé entre parenthèse l'initiale de droite
pour indiquer que le
changement de mudra ne concerne que la main droite. Sur le
troisième instant-clef, la main droite revient à la position initiale, en
Katakamukha. Comme il existe des symboles pour représenter les positions de
la tête, en toute rigueur, on pourrait indiquer sur le premier instant-clef
que la tête se tourne vers la droite (puis se remet de face au troisième
instant-clef), mais ce n'est pas nécessaire dans le style bharatanatyam
puisqu'il est implicite que l'on doit ici regarder la direction indiquée
par la main qui se déplace. (Pour simplifier, j'ai utilisé ici
l'écriture visuelle. Le fait que le bras droit soit tendu derrière
le corps à la hauteur des épaules va impliquer une rotation du torse la
droite. Une autre façon d'analyser ce mouvement correspondant à ce que l'on
appelle l'écriture de base serait d'indiquer d'une part que le
bras se tend sur le côté droit et que le torse se tourne de 90 degrés, mais
cela nécessiterait d'introduire un nouveau signe.
La chorégraphie se poursuit avec une variante debout de la suite de pas di-di-tai vue précédemment :
La bras droit se déplie pour se tendre vers le côté droit, la main s'ouvrant en Alapadma. Une ligne courbe s'étend au-dessus de la portée : c'est le symbole de legato indiquant ici que le mouvement du bras commence en même temps que la danseuse se lève. Sans ce signe, le mouvement du bras commencerait plus tard, juste après la frappe du pied gauche. (D'un point de vue rythmique, on pourra observer qu'au-dessus de la portée, on voit apparaître pour la première fois un trait oblique superposé à un point, il indique une subdivision des temps en 4 : l'instant-clef intervient un quart de temps après le début du temps en cours. Si le signe était tourné de l'autre côté, on serait un quart de temps avant le temps suivant.)
La partition peut en principe être déchiffrée en utilisant les indications déjà données jusque vers le milieu de la mesure 4. On peut observer que la portée servant à noter la chorégraphie comporte des blancs. Cela provient des répétitions (en miroir) dans la chorégraphie. Contrairement aux partitions musicales, en notation Benesh on laisse un espace en blanc pour les parties de la chorégraphie qui sont des répétitions. Par exemple, après la première séquence de 8 temps, j'ai laissé de la place (s'étendant sur 8 temps).
Pour reprendre de façon plus détaillée ce que j'ai esquissé dans ce
billet, je recommande de regarder les six petites vidéos d'introduction à
la notation Benesh qui
sont listées sur cette page. Ces vidéos utilisent le langage de la
danse classique européenne et certaines spécificités du style de la
Royal Academy of Dance, mais si on laisse de côté la courbure
spécifique des bras dans le ballet et quelques autres particularités, la
notation reste la même. Il ne faut pas trop s'inquiéter d'être
un peu perdu quand Anuschka Roes prononce des expressions ésotériques
comme closing in fifth position
: il s'agit de positions des pieds
qui ne sont pas immédiatement utiles pour noter le bharatanatyam.
Rudolf & Joan Benesh ont publié plusieurs livres sur la notation Benesh. Je ne les ai pas tous consultés, mais je peux dire que Reading Dance: The Birth of Choreology (Condor Book, 139 pages) est une lecture très agréable. (Il est assez facile de se procurer ce livre, neuf ou d'occasion.) Joan Benesh ayant pratiqué un peu le bharatanatyam, on pourra lire avec intérêt le court chapitre X qui lui est consacré. (L'article Notating Indian Dance, Sangeet Natak nº9 (1968) auquel j'ai fait référence plus haut est une lecture moins indispensable dans la mesure où cet article se place à un niveau très général qui ne permet pas d'approfondir la question : il n'est pas seulement question du bharatanatyam, mais aussi d'autres styles classiques ainsi que des danses folkloriques d'Inde.)
Un aide-mémoire sur la notation Benesh est disponible sur le site de l'Institut Benesh dépendant de la Royal Academy of Dance.
En français, Grammaire de la notation Benesh : manuel élémentaire d'Éliane Mirzabekiantz permet d'aller plus loin dans la notation Benesh, mais sa lecture me semble un peu plus difficile de prime abord. Le Centre Benesh est une association française promouvant la notation du mouvement. Le BeneshBlog vient d'être lancé.
Outre l'exemple que je traite dans ce billet, vous pouvez télécharger ce fichier PDF contenant une notation des quatre séries d'adavus (Tatta, Natta, Marditha, Khudita Metti) que j'ai apprises avec Arupa Lahiry (disciple de Chitra Visweswaran) à Kolkata et Delhi au cours de mon dernier voyage en Inde. Vous pouvez essayer de les déchiffrer (et constater qu'elles sont peut-être différentes de celles de votre école).
Ensuite, il convient d'avoir un crayon gris, une gomme et du papier à musique (PDF)...
En ce qui me concerne, je ne m'intéresse à la notation Benesh que depuis le printemps 2014. Pour m'entraîner, j'ai commencé par essayer de noter Shri Gana Natha, la première chorégraphie que j'ai apprise avec ma prof Jyotika Rao. Lors des cours que j'ai pris avec la danseuse Arupa Lahiry à Kolkata puis à Delhi cet été, j'ai surtout appris des adavus (par séries complètes). Une fois rentré à l'appartement que je louais, ou sur le chemin du retour, je pouvais essayer de noter les adavus qui me revenaient en mémoire, dans le désordre. Le fait de les noter m'aidait à mieux les comprendre et lors des cours suivants, je pouvais m'assurer que je ne m'étais pas trop trompé dans ma notation. À la fin de la série de cours, j'avais noté les quatre séries d'adavus qu'elle m'avait montrées : Tatta Adavus, Natta Adavus, Marditha Adavus, Khudita Metti Adavus (PDF).
Plus tard, à Pune, après chacune des quatre heures de cours que j'ai eues avec deux disciples de Sucheta Chapekar qui me montraient les mouvements de son Shiva Kautukam, je notais la chorégraphie en notation Benesh, ce qui m'aidait à la comprendre et à la mémoriser, de façon à ne pas être trop ridicule pour le dernier cours quand il s'est agi de montrer à Sucheta Chapekar où j'en étais arrivé et qu'elle me donne des conseils et corrections. Le temps passé à noter les morceaux de chorégraphie était assez réduit en comparaison de la durée des cours et de ma pratique personnelle entre les cours. La chorégraphie d'un peu plus de deux minutes tenait sur trois pages (ce qui est ni plus ni moins le nombre de pages qu'occupait la notation rythmique du texte de la musique, à l'indienne, sous forme de tableau), donc on peut considérer que la notation Benesh est relativement compacte. Par la suite, j'ai noté au fur et à mesure les autres pièces de bharatanatyam que j'ai apprises.
À partir de décembre 2014, j'ai suivi pendant cinq mois le Distance Learning Course 1 du Benesh Institute. Ce cours à distance est très bien fait. Il suppose une certaine connaissance de la terminologie du ballet. Étant aussi balletomane, ce cours m'a aussi permis d'approfondir ma connaissance du vocabulaire du ballet en même temps que la notation Benesh.
Deux grands systèmes de notation de la danse sont utilisés en danse classique ou en danse contemporaine. Outre la notation Benesh, il existe aussi le système de notation Laban, que je n'ai pas regardé en détail, mais il est à noter que la danseuse de bharatanatyam Rukmini Vijayakumar, en plus de son initiation à d'autres styles de danses comme le ballet, a également reçu une formation en notation Laban.
Dans le livre Bharatanatyam édité par Sunil Kothari se trouve un chapitre intitulé Dance Notation of Adavus rédigé par Padma Subrahmanyam. Cent quatorze adavus appartenant à treize familles y sont décrits. Elle y utilise son propre système de notation utilisant de façon très différente que ci-dessus les lignes d'une portée musicale. Ce système de notation n'est pas aussi complet que la notation Benesh puisque seules les positions des pieds y sont notées. Sans les compléments d'information apportés par les lignes de texte et photographies qui les accompagnent, les séquences notées ne peuvent donc pas être comprises.
Une alternative est de représenter la danse comme une suite de petits dessins schématiques, comme cela apparaît par exemple dans le Manuel traditionnel du Bharata-Nâtyam, Le Danseur Cosmographe de Katia Légeret. Un des intérêts de la notation Benesh est de dispenser le notateur de la nécessité de posséder quelque talent que ce soit en dessin !
⁂
Je serais particulièrement intéressé par d'éventuels retours sur ce
billet ou par des informations à propos d'autres personnes ayant utilisé la
notation Benesh (ou un autre système de notation) pour le bharatanatyam ou
d'autres styles de danses classiques indiennes. (Vous pouvez utiliser les
commentaires ci-dessous ou mon adresse email
joel.riou@normalesup.org
.)
Vous pouvez poster un commentaire grâce au formulaire ci-dessous.
Date de génération : 2023-07-27 14:18+0530 ― Mentions légales.