Weblog de Joël Riou

« L'Orchestre des Concerts Gais au Temple des Batignolles | Götterdämmerung à Bastille »

Wasifuddin Dagar à l'Institut des Cultures d'Islam

2011-06-06 00:54+0200 (Orsay) — Culture — Musique — Culture indienne — Dhrupad

Institut des Cultures d'Islam — 2011-06-05

Ustad F. Wasifuddin Dagar, chant dhrupad

Pandit Mohan Shyam Sharma, pakhawaj

Raga Multani

Raga Bhupali

Deuxième concert de dhrupad de ma vie après celui des Gundecha Brothers à la fin des Vingt-quatre heures du râga en 2008. C'est grâce à Klari que j'ai eu connaissance de ce concert à l'Institut des Cultures d'Islam. Nous n'avons pas très bien compris comment il eût fallu faire pour réserver. Comme c'était gratuit, on a été suffisamment gentil pour nous laisser entrer et nous installer sur des petits coussins au deuxième rang, le public plutôt fourni s'étant assis comme nous sous le dais transparent abritant la scène ou ayant trouvé un banc ou une chaise auprès des tables situées tout autour. Ce sentiment des minutes précédentes de ne pas savoir si je pourrais assister au concert m'a fait penser aux expériences semblables que j'ai faites en Inde : voir le jour-même l'annonce d'un programme potentiellement intéressant dans un lieu inconnu, noter l'adresse, essayer de trouver un moment au cours de la journée pour aller sur Internet pour récupérer des informations éventuelles sur le lieu, passer des coups de fil pour voir si c'est payant ou non, s'il faut réserver avant de venir, estimer le temps nécessaire (voir large) pour s'y rendre, se perdre en chemin, le retrouver et apprécier un concert inoubliable comme celui de Gaayatri Kaundinya lors de mon dernier séjour à Kolkata.

Le chanteur Ustad F. Wasifuddin Dagar sera accompagné par le percussionniste Pandit Sharma (pakhawaj) et de deux tanpuras actionnés par deux femmes. Je n'ai jamais été aussi près de ces instruments, à l'impressionnante caisse de résonance. De plus, bien que nous soyons en plein air dans une cour, la sonorisation, qui mettra un certain temps à être réglée, est très légère. Ceci fait que l'on a pu entendre très clairement le son des tanpuras lorsque l'Ustad les a accordés. Cela doit d'ailleurs être un des premiers concerts de musique indienne sans tanpuras électroniques auxquels j'assiste.

Le raga interprété pendant la première partie du concert est Multani. Avant de commencer, Wasifuddin Dagar a bredouillé une explication pas très nette sur le sens du vers qu'il utiliserait dans la composition. Bien qu'il soit musulman, le vers utilisé provient de la mythologie hindoue. Je comprends juste qu'il est à la fois question de Hari (nom de Vishnu, souvent attribué à son avatar Krishna, qui est aussi appelé Giridhar, celui qui porte la montagne (pour protéger les bouviers des pluies diluviennes déclenchées par Indra à ceux qui ne voulaient pas lui rendre de culte), voyez cette photographie d'une représentation à Vrindavan) et de Har(a) (nom de Shiva, dont le chignon tressé amortit la descente de la rivière Ganga, voir par exemple le kitschissime jet d'eau vertical qui sort des cheveux de cette statue de Shiva dans le temple Shri Durgiana à Amritsar ou la petite tête qui dépasse du sommet du chignon sur cette photographie prise lors d'une cérémonie du soir au bord de la Ganga à Rishikesh).

Après une présentation de la gamme qui serait utilisée, le concert proprement dit a commencé. Je ne sais pas exactement combien de temps a duré cet Alap ; je dirais au moins une demi-heure ! Avec le seul accompagnement des tanpuras, le chanteur a laissé les différentes notes entrer progressivement dans le système. Le tout a été fait avec une douceur extrême seulement perturbée par quelque bruit de klaxon ou de moteur dans les environs qui ont fait poindre quelque sourire au bord des lèvres du musicien. Il se montre capable de tenir une note pendant une durée invraisemblable tout en faisant un decrescendo poussé jusqu'au complet évanouissement de la note. Il me semble aussi entendre des ornementations dans lesquelles le chanteur fait varier très légèrement la hauteur du son autour de la note juste.

Le percusionniste entre ensuite en action. J'ai été surpris par le rythme frénétique de sa première intervention, se superposant à la pulsation plus modérée du chanteur. Pourtant, les deux musiciens m'ont semblé jouer ensemble en bonne intelligence. Le chanteur passe des vocalises au texte du vers. Dans un premier temps, les phrases musicales paraissent assez régulières. Dans un deuxième temps, le chanteur et le percussionniste laissent se développer leur sens de l'improvisation. Les phrasés sont souvent très fluides, parfois plus hachés. Toutes sortes de techniques vocales sont utilisées, comme la nasalisation bouche fermée. Un silence respectueux accompagne le moment où la dernière note s'éteint, suivi d'applaudissements enthousiastes.

J'ai beaucoup aimé ce raga qui aura été développé sur un peu plus d'une heure. La maîtrise du pppp par le chanteur est stupéfiante. Les techniques d'improvisation m'ont paru moins éblouissantes que celles de la sus-nommée Gaayatri Kaundinya (chant khyal) qui reste ma référence en la matière. Dans la séance de questions-réponses avec le public qui a suivi l'entr'acte, il a notamment expliqué que dans la tradition d'interprétation à laquelle il appartient (Dagarvani), les phrases musicales ressemblent plus à des phrases d'une voix naturelle, par opposition à d'autres styles comme le khyal où ce serait plus découpé. Dans toutes ses réponses, il a fait preuve d'un certain sens de l'humour. Un autre raga, Bhupali, a été joué pour conclure le concert : on est entré beaucoup plus vite en matière et cela a été malheureuseument assez court, faute de temps.

Wasifuddin Dagar chantera au même endroit le 21 juin prochain...

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