« Exposition “Miniatures et peintures indiennes” à la BnF | L'Amant jaloux à l'Opéra Comique »
2010-03-14 03:50+0100 (Orsay) — Culture — Musique — Opéra
Opéra Bastille — 2010-03-13
Falk Struckmann, Wotan
Samuel Youn, Donner
Marcel Reijans, Froh
Kim Begley, Loge
Peter Sidhom, Alberich
Wolfgang Ablinger-Sperrhacke, Mime
Iain Paterson, Fasolt
Günther Groissböck, Fafner
Sophie Koch, Fricka
Ann Petersen, Freia
Qiu Lin Zhang, Erda
Caroline Stein, Woglinde
Daniela Sindram, Wellgunde
Nicole Piccolomini, Flosshilde
Philippe Jordan, direction musicale
Günter Krämer, mise en scène
Jürgen Bäckmann, décors
Falk Bauer, costumes
Diego Leetz, lumières
Otto Pichler, mouvements chorégraphiques
Orchestre de l'Opéra national de Paris
Das Rheingold, Wagner
Je reviens de la troisième représentation de l'opéra Das Rheingold de Wagner dans la nouvelle production proposée par l'Opéra de Paris. Après Lohengrin et Tristan und Isolde, Das Rheingold est le troisième opéra de Wagner dont j'assite à une représentation. J'ai acheté récemment les DVD de la production du centenaire du Ring des Nibelungen de Boulez/Chéreau au festival Bayreuth afin de me préparer à la tétralogie dont la première moitié est présentée cette saison.
L'histoire ne ressemble guère à une histoire habituelle d'opéra ! Dans
ce prologue
du festival scénique du Ring, on assiste à 2h20
de musique continue. Après un étonnant prélude représentant les mouvantes
eaux du Rhin, les filles de ce fleuve se moquent du Nibelung Alberich qui
voudrait les séduire. Elles laissent entendre que le trésor qu'elles
gardent ne peut être gagné que par un homme qui aurait renoncé à l'amour et
qu'avec cet or, un anneau aux pouvoirs universels pourrait être forgé, ce
que s'empresse de faire Alberich. Dans la deuxième scène, Wotan, son épouse
Fricka et d'autres dieux pensent au palais que viennent de leur construire
les géants. Ceux-ci doivent recevoir Freia, la sœur de Fricka, en
rétribution. Fricka s'y oppose. Il faut trouver un substitut qui satisfasse
les géants. Loge arrive alors pour dire qu'en parcourant le monde, il n'a
rien trouvé de satisfaisant, mais qu'on pourrait voler le voleur Alberich.
Wotan et Loge descendent dans le monde des Nibelungen dominé par Alberich
pour ce faire. Pendant ce temps, Alberich a fait fabriquer par Mime un
heaume lui permettant de changer d'apparence selon sa volonté. Loge obtient
de lui qu'il en fasse la démonstration. Il apparaît d'abord en dragon, puis
en crapaud. Sous cette dernière forme, Wotan et Loge n'ont guère de mal à
le capturer. Dans la dernière scène, le captif est forcé d'abandonner son
or, son heaume et son anneau. Les géants arrivent ensuite pour se faire
payer. Ils rendent Freia à condition que l'or en cache complètement la vue.
Pour boucher les interstices, Wotan est obligé de céder non seulement l'or,
mais aussi le heaume et l'anneau, ce qu'il n'aurait pas fait sans les
insistances de Fricka et l'intervention d'Erda qui annonce le crépuscule
des dieux. Les dieux se dirigent enfin vers le palais, le Walhalla, tandis
que Loge refuse de les suivre.
Si pour le moment Lohengrin reste l'opéra de Wagner que j'aie le plus apprécié, la musique du Rheingold ne m'a pas déplu et hormis certains leitmotivs, j'ai particulièrement aimé les passages avec les trois filles du Rhin. Si j'ai trouvé que parfois, Peter Sidhom (Alberich) avait quelque mal à se faire entendre jusqu'au tout dernier rang du deuxième balcon où j'étais assis, j'ai plutôt apprécié les différentes prestations vocales, en particulier celle de Kim Begley (Loge).
Il n'en va pas de même des autres aspects de la production à propos desquels mon impression est plus mitigée. Si le travail de mise en scène à proprement parler me semble plutôt très bon, et les décors inégaux, les costumes paraissent à première vue complètement ratés.
Le ratage des costumes commence par ceux des filles du Rhin, roses avec
en surimpression des marques pour les tétons, le nombril et le pubis. Les
faire paraître sur des balançoires n'est pas une idée très convaincante. On
est loin des souvenirs de Bayreuth de Camille Saint-Saëns lus dans le
programme (15€, je plaisante avec le vendeur pour me plaindre qu'à ce
prix-là, on pourrait espérer trouver une belle photographie en
couverture) : Elles se poursuivent en nageant, car nous sommes au fond
du Rhin ; et rien ne peut faire comprendre comment elles sont suspendues au
milieu de l'eau : c'est le triomphe de l'illusion scénique.
. Plus tard,
on voit les dieux paraître avec un couche de costumes imitant la nudité de
la partie supérieure du corps, ce qui les fait paraître plus musclés. Les
géants et leurs serviteurs sont habillés en tenue de commando (peut-être
que cette bizzarerie trouvera sa cohérence dans les trois opéras qui
suivront) ; leur entrée en scène est indiscutablement spectaculaire. La
plus grotesque tenue est celle de Loge qui est habillé et maquillé en
clown. Certes, il a un rôle un peu à part et n'hésite pas à dénigrer Wotan
et les autres, mais en faire un clown semble un peu exagéré.
La mise en scène de la troisième scène est assez intéressante par la façon de représenter le monde ouvrier des Nibelungen, qui travaillent la boule d'or qu'Alberich avait volée dans la première scène. Les influences sont alors à chercher dans Metropolis de Fritz Lang dont le programme rappelle des images (évidemment, en noir et blanc, ce qui montre l'absurdité de la hausse du prix du programme pour ce spectacle). Malheureusement, cette scène est un peu gâchée par les transformations d'Alberich. Il doit en effet se transformer en dragon et en crapaud, ce qui est un défi au metteur en scène. Günter Krämer a choisi de représenter le dragon et le crapaud par des dizaines de figurants en costumes lumineux. Le timing n'est pas terrible : les figurants-crapauds continuent à défiler vers la sortie pendant encore longtemps après qu'Alberich, visible sur scène, a été capturé.
Le programme donne une deuxième source probable d'inspiration
iconographique : Les dieux du stade de Leni Riefenstahl...
Peut-être est-ce l'explication pour le costume des dieux. Si Wagner a
fasciné Hitler et si Wagner était ouvertement antisémite, n'est-il pas
permis de représenter cet Anneau du Nibelung sans faire des
références aussi intempestives à la période nazie ? Dans cet ordre d'idées,
on verra apparaître à deux reprises Germania
écrit dans une fonte
imitant les formes des caractères gothiques (mais sans être de l'alphabet
gothique pour autant, sinon les spectateurs français ne déchiffreraient
pas).
Parmi les bons points, j'ai apprécié le traitement scénique des fruits
que Freia a l'habitude de cueillir et qui permettent aux dieux de préserver
leur corps des atteintes du temps. On la voit ainsi rassembler les fruits.
Plus tard, quand les dieux ressentent le manque, on les voit se battre pour
prendre possession des quelques spécimens, un signe annonciateur de leur
crépuscule
.
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