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2011-04-30 02:00+0200 (Orsay) — Culture — Musique — Danse — Danses indiennes — Culture indienne
Cela faisait un peu plus d'un an que je n'avais pas vu de bharatanatyam. Je suis donc allé au musée Guimet pour en voir. Avant cela, je suis allé voir l'exposition Lucknow, une cour royale en Inde (organisée par le Los Angeles Country Museum of Art) qui présente des pièces assez variées (des miniatures, accrochées presque bord à bord sur les murs, ce qui vu l'affluence empêche de les apprécier sereinement, des objets de la vie quotidienne richement ouvragés, des photographies datant d'avant la révolte de 1857-1858, et quelques unes datant d'après, comme la Residency ravagée...). J'ai été surpris de voir Qaisar Bagh, photographié 1864-1865, que je n'ai pas vu lors de mon séjour à Lucknow : forcément, il a été détruit par les Anglais. Quelques photographies ou peintures représentant La Martinière/Constantia. Quelques unes des œuvres montrées avaient été en leur temps commandées par le colonel Polier, qui fut un des premiers occidentaux à avoir connaissance à la littérature indienne ancienne, en particulier le Mahabharata, et sa version de l'épopée a été publiée par Georges Dumézil (Gallimard). Pour ce qui est des miniatures, il était évidemment difficile de faire aussi intéressant que l'exposition à la BnF il y a un an. C'est surtout la diversité des types d'œuvres qui fait l'intérêt de cette exposition. (Par exemple, à un moment j'ai craint qu'on ne montre que Lucknow avant la mutinerie, mais plus loin, on trouve aussi comme je le dis plus haut quelques photographies montrant des monuments détruits.)
⁂
Auditorium du Musée Guimet — 2011-04-29
Urmila Sathyanarayanan, bharatanatyam
Swamimalai Kalidas Suresh, chant et nattuvangam
Dhananjayan, mridangam
J. B. Sruthi Sagar, flûte
Le récital d'Urmila Sathyanarayanan ne m'a convaincu qu'à moitié. La première pièce Pushpanjali évoquait Surya, le dieu du Soleil. Cette pièce semble commencer par un lever du Soleil, lent et solennel, la danseuse étant de dos, presqu'immobile. Par la suite, on voit Surya éclairer successivement diverses directions de l'espace. La pièce se finit élégamment sur la chevauchée du Soleil sur son char céleste.
La pièce qui m'a le plus déçu est la pièce principale du récital, le Varnam, dans lequel une femme se languit de Krishna (sujet on ne peut plus classique dans le bharatanatyam). Dès le début de la première pièce, le style de la danseuse s'était affirmé, sans exubérance, renvoyant assez souvent à l'iconographie, mais plus tournée vers la pantomime que vers la danse. On voit la jeune femme choisir un sari pour se faire belle pour Krishna, reconnaissable à sa flûte. Plus tard, elle se maquille. Je ne suis pas très convaincu par cette pièce dans laquelle s'insèrent quelques passages rythmiques (le premier est arrivé de façon très abrupte quelques secondes seulement après le début du Varnam).
Entre cette pièce et la suivante, le temps pour la danseuse de changer de costume, on a inséré un interminable intermède musical (de flûte). Entre les pièces suivantes, il faudra encore supporter ces intermèdes. Le percussionniste s'est fait extrêmement discret au cours du récital. En revanche, le chanteur et joueur de nattuvangam m'a plu.
Dans la pièce dansée suivante Padam, une courtisane se prépare à accueillir un client. Que ce soit Shiva, Vishnu ou Brahma, qu'il paye 6000 pièces d'or ! Quand elle aura vu Shiva, elle changera d'attitude et se laissera séduire. Dans cette pièce, la danseuse travaille beaucoup au sol, comme on imagine la courtisane confortablement installée sur un sofa.
Une autre pièce suit, Javali, évoquant l'amour d'une héroïne
pour Srinivasa (il eut été sympathique d'expliquer que c'est un des noms de
Vishnu...). Curieusement, le dieu Kama (homologue de Cupidon) est tout
simplement appelé Cupid(on)
dans la présentation. Dans cette pièce,
on verra la représentation de Vishnu couché sur l'océan cosmique et
l'héroïne viendra lui masser les pieds (tout comme le fait Lakshmi dans
l'iconographie). Cependant, j'ai déjà vu plusieurs fois cette même
représentation de Vishnu évoquée de façon plus élégante par d'autres
danseuses (notamment par la courbe du bras pour évoquer les têtes du
serpent Ananta/Shesha). Comme dans la pièce précédente, une part
significative de la danse-pantomime se fait au sol.
La pièce où le talent particulier de la danseuse s'est le mieux exprimé est peut-être le Padam sur un sujet que je n'avais encore jamais rencontré dans le bharatanatyam, celui de l'amour d'une mère pour sa jeune fille. On est encore plus complètement dans la pantomime. Il n'y a pas vraiment de pas de danse et peu de gestes semblent appartenir à quelque codification que ce soit. Très mignon.
Traditionnellement, un récital se finit par un dynamique Thillana. Celui-ci, s'il n'a pas manqué de mérites, était vraiment beaucoup, beaucoup, beaucoup trop long.
Et après la fin, la danseuse vient également présenter ses hommages aux musiciens, à la divinité tutélaire (Shiva-Nataraja) et au public. Cette partie, souvent complètement formelle, a été beaucoup plus développée que d'ordinaire puisqu'on a en vérité assisté à une petite pièce supplémentaire évoquant, sur un chant dévotionnel vishnouïste, le culte ordinaire : prière, offrandes. La danseuse a même eu l'idée amusante d'insérer une apparition d'un Krishna espiègle venant mettre un peu de pagaïe dans la cérémonie.
Le récital a été inhabituellement long : un peu plus de deux heures ! C'est à tempérer par le fait que les intermèdes musicaux ont été trop longs et pas extraordinairement passionnants. Si j'étais très déçu à l'issue du Varnam, les pièces suivantes ont fait remonter mon intérêt et ont eu le mérite de me faire partir sur une bonne impression.
2011-04-27 01:13+0200 (Orsay) — Culture — Musique — Opéra
Théâtre des Bouffes du Nord — 2011-04-26
Jean-Yves Aizic, Le pianiste et répétiteur
Jean-Sébastien Bou, Le baryton
Elizabeth Calleo, La cantatrice
Jeanne Cherhal, La chanteuse
Marie-Ève Munger, La colorature
Philippe Smith, Le metteur en scène
Frédéric Verrières, idée, musique
Bastien Gallet, livret
Guillaume Vincent, mise en scène
Marion Stoufflet, dramaturgie
James Brandily, scénographie
Sébastien Michaud, lumières
Fanny Brouste, costumes
Olivier Pasquet, musique électronique
Jean Deroyer, direction musicale
Ensemble Court Circuit
The Second Woman, Frédéric Verrières (création)
Je reviens de la création de l'opéra The Second Woman du jeune compositeur Frédéric Verrières au Théâtre des Bouffes du Nord.
Je suis assez partagé, puisque la première partie m'a beaucoup fait rire, mais ce n'était pas un opéra, en fait, c'était plutôt un anti-opéra. La deuxième partie était davantage musicale, mais il s'agit de musique zarbi pendant lequel le temps est un peu long (pourtant, au total la représentation, sans entr'acte, ne fait qu'un peu plus d'une heure et demie).
L'idée de l'opéra est inspirée du film Opening Night de John
Cassavetes (que je n'ai pas vu) et dans lequel Gena Rowlands joue dans une
pièce intitulée The Second Woman. Dans la première partie, on
assiste à des répétitions d'un opéra. La cantatrice Elizabeth (prénom de la
chanteuse qui interprète le rôle) est en retard, du coup, c'est la
chanteuse sympa Jeanne (Jeanne Cherhal) qui commence le spectacle en
interprétant une sorte de lamentation (qui reviendra de nombreuses fois).
Le metteur en scène sans idées entre. Elizabeth commence la chanson et
l'interprète de façon caricaturalement lyrique. On lui reproche son
vibrato, etc. Tout semble aller contre le genre de l'opéra. On
croit l'entendre chanter un air de Tosca (en tout cas, il semble
qu'on entende distinctement Scarpia
à un moment), puis c'est la
scène de la folie de Lucia di Lammermoor qui est pastichée. La
musique citée est cependant rendue assez méconnaissable (mais au moins dans
ce cas précis, l'orchestration est amusante). Le texte fait référence à une
sœur, Yelena. Une troisième chanteuse (la colorature, qui ne s'appelle pas
Yelena mais Marie-Ève) entre. On entend un peu du duo des fleurs de
Lakmé. Ah, et puis bien sûr, des vocalises de Zerbinetta dans
Ariadne auf Naxos !
Il y a en effet un raprochement évident à faire avec cet opéra de Strauss, puisque comme dans ce dernier, on trouve des réflexions sur l'opéra, la voix, la mise en scène, dans une première partie en forme de prologue qui comporte des parties parlées, avant que la musique prenne le dessus dans la deuxième.
L'histoire devient alors à moitié surréaliste. On ne sait plus très bien si on est pendant la répétition, dans le rêve de la cantatrice, etc. On est peut-être même dans une bobine de film puisque par exemple à un moment, un effet de lumières stroboscopiques fait voir un mouvement saccadé des personnages qui avancent, et qui se mettent à reculer, puis à avancer à nouveau en répétant leur texte...
Pendant que la cantatrice est ailleurs, Jeanne s'amuse à répéter une chanson avec un baryton un peu coincé. Il est amusant de la voir pasticher le style de Brigitte Bardot, de Britney Spears, de citer une émission de Taratata avec Yannick Noah... Toutes idées que le personnage du metteur en scène approuve.
C'est un curieux spectacle, certainement amusant et déroutant, avec une scénographie très réussie (qu'il est sans doute préférable de suivre depuis des places centrées au parterre). (Je dis déroutant, mais pas volontairement incompréhensible comme l'était la Passion de Pascal Dusapin, qui assistait à cette création.)
2011-04-25 23:36+0200 (Orsay) — Culture — Musique — Danse
Opéra Garnier — 2011-04-25
Mats Ek, chorégraphie (1978)
Johann Sebastian Bach, musique (extraits de pièces pour orgue)
Musiques traditionnelles de guitares espagnoles
Marie-Louise Ekman, décors et costumes
Jörgen Jansson, lumières
Ana Laguna, assistante du chorégraphe
Veli-Pekka Peltokallio, répétitions
Kader Belarbi, Bernarda
Alice Renavand, La Servante
Mélanie Hurel, La Sœur aînée
Laure Muret, La Sœur bossue
Eleonora Abbagnato, La Jeune sœur
Béatrice Martel, La Première jumelle
Christine Peltzer, La Seconde jumelle
Audric Bezard, Un Homme
Andrey Klemm, Un Technicien
La Maison de Bernarda, ballet en un acte d'après la pièce de Federico García Lorca La Maison de Bernarda Alba
Mats Ek, chorégraphie (1997)
Henryk Mikolaj Górecki, musique (Petit requiem pour une polonaise op. 66, Concert pour clavecin et orchestre symphonique op. 40)
Maria Geber, décors et costumes
Ellen Ruge, lumières
Mariko Aoyama, Margareta Lidström, répétitions
Nolwenn Daniel, Nicolas Le Riche, Premier pas de deux
Miteki Kudo, Benjamin Pech, Second pas de deux
Muriel Zusperreguy, Caroline Bance, Christelle Granier, Géraldine Wiart, Amandine Albisson, Letizia Galloni
Aurélien Houette, Nicolas Paul, Simon Valastro, Daniel Stokes, Adrien Couvez, Alexandre Gasse
Une sorte de...
Je suis retourné voir la soirée consacrée au chorégraphe Mats Ek. Dans
La Maison de Bernarda, on a une distribution sans étoile
(curieusement, l'ancien danseur étoile Kader Belarbi apparaît comme
artiste invité
plutôt qu'étoile invitée
, bizarre). Pourtant,
globablement, j'ai préféré cette distribution à celle de la première. C'est peut-être une question de point de vue
(première loge de côté quasi de trois quarts par rapport au même angle
trois étages plus haut). C'est aussi peut-être lié au fait que je revoyais
cette pièce. Toujours est-il que j'ai trouvé que cela fonctionnait un peu
mieux. L'histoire m'a semblé plus intelligible aussi. Lors de la première,
je n'avais même pas remarqué que la sœur bossue était rendue bossue par le
costume. J'avais alors eu quelque mal à m'y retrouver entre les cinq sœurs
et la servante. Là, tout m'a paru plus clair. Le jeu des danseurs m'a parlé
davantage, et par exemple, j'ai mieux compris le sens du coffre rose
(pourtant évident...).
Dans la distribution, ce n'est guère une surprise pour moi, mais la danseuse qui m'a le plus épaté a été Alice Renavand. Parmi les bonus : contrairement à Marie-Agnès Gillot, quand elle hurle des insultes, on comprend ce qu'elle dit ! Dans le rôle de la mère, Kader Belarbi est certes moins athlétique que José Martinez, mais j'ai préféré sa façon de montrer l'empire qu'il a sur les filles. En même temps, son corps un peu plus âgé ajoute à la faiblesse du même personnage dans la scène avec le Christ. Au moment où il le repose sur la croix, on a véritablement l'impression qu'il fait un chemin de croix, la statue du Christ ayant évidemment la même forme que la croix. Mélanie Hurel paraît assez bien distribuée dans le rôle de l'aînée. En sœur bossue, Laure Muret joue très bien la comédie, mais Clairemarie Osta était plus impressionnante dans son solo. Il est difficile de départager les couples Charlotte Ranson/Stéphane Bullion et Eleonora Abbagnato/Audric Bézard tant l'interprétation a été différente, ces derniers étant tout autant sensuels que les premiers, mais de façon un peu plus enflammée.
La deuxième pièce me semble toujours Une sorte de... grand n'importe quoi. Depuis les premières loges, les effets sont plus saisissants et on entend mieux les danseurs crier vers le début. Les petites variations entre les distributions (dans les six couples hors solistes) me permettent de mettre un nom sur un visage (de quadrille). Parmi les autres danseurs, il y en a un que je sais reconnaître depuis longtemps à son crâne, Aurélien Houette, qui est toujours assez impressionnant physiquement parlant. Même son ombre projetée d'éclateur de ballon est impressionnante !
2011-04-23 01:53+0200 (Orsay) — Culture — Musique
Théâtre des Champs-Élysées — 2011-04-22
Marlis Petersen, soprano
Maarten Engeltjes, contre-ténor
Tilman Lichdi, ténor
Klaus Mertens, basse
The Amsterdam Baroque Orchestra and Choir
Ton Koopman, direction
La Passion selon Saint Jean, BWV 245, Johann Sebastian Bach.
Je crois que dans mon expérience de dilettante un cycle s'est terminé ce soir. Il y a exactement huit ans (selon le calendrier liturgique), donc le Vendredi Saint de l'an 2003, j'allais écouter au TCE la Passion selon Saint Jean par The Amsterdam Baroque Orchestra and Choir dirigés par Ton Koopman. C'était un des tous premiers concerts de musique classique auquels j'assistais. La deuxième fois au TCE après un Oratorio de Noël le 7 décembre 2002 dont je garde encore un fort bon souvenir.
Ce soir, rebelote, et même plus que ça, puisque c'était la huitième fois que j'assistais à une Passion selon Saint Jean :
Inutile de dire que maintenant, j'ai un peu l'impression de connaître cette œuvre par cœur. C'est un peu le problème, parce que du coup, je n'ai presque plus aucune surprise. Je sais exactement à quel moment m'avancer sur mon siège de balcon pour voir les vigoureux coups d'archets des violoncelles et de la contrebasse évoquant la terre qui tremble au moment de la mort de Jésus.
Si depuis huit ans, j'ai appris à apprécier d'autres œuvres que les
Passions de Bach, et surtout d'autres styles, c'est une musique
que j'apprécie toujours autant, mais comment se fait-il que je sois à ce
point blasé pour que, contrairement au reste du public, très nombreux (et
par ailleurs respectueux des silences, en particulier celui demandé par le
chef à la fin), j'aie été déçu par une prestation qui était au minimum
bien
?
L'orchestre était dans une formation assez réduite : un peu plus de vingt musiciens. Une violoniste et une altiste pouvaient se transformer un violistes lors de deux mouvements de la deuxième partie (le temps que les violes soient accordées, on aurait eu le temps de caser un entr'acte !). Deux orgues sont disposées sur scène, un dans un coin, un autre devant le chef, qui en joue pendant les récitatifs.
La version jouée ce soir est tout à fait standard. Contrairement à la façon qui se répand de réduire au maximum le nombre de chanteurs (huit l'année dernière à Pleyel), ici, en plus des quatre solistes principaux, on entend un chœur d'environ vingt chanteurs (parmi lesquels était cachée une amie d'un collègue mathématicien et violoncelliste, que j'avais d'ailleurs eu plusieurs fois l'occasion d'entendre chanter de la musique ancienne à l'ENS il y a quelques années).
Si j'ai été déçu par cette soirée, c'est d'abord du fait de l'évangéliste Tilman Lichdi que j'avais auparavant apprécié lors d'un Oratorio de Noël pourtant décevant. Est-ce en raison d'une tournée pour jouer cette Passion à tous les coins de l'Europe autour de cette fatidique date ? (C'est une hypothèse : je n'ai pas trouvé un agenda de l'orchestre à jour.) Toujours est-il que cet évangéliste m'a semblé comme fatigué. On sent qu'il a envie de bien faire, certains passages de ses airs sont même très intéressants, mais j'ai trouvé que son interprétation de ce rôle était désincarnée (tout l'inverse de Markus Brutscher l'an dernier à Pleyel). Mais pour qu'une Saint Jean fonctionne, il faut un excellent évangéliste !
Le résultat est que cette interprétation de la Passion me paraît extrêmement austère, dépouillée. Autant j'apprécie la façon dont Ton Koopman fait parfois varier le tempo, autant je suis étonné que bien souvent il ne joue pas sur la dynamique. De nombreux passages qui normalement sont spectaculaires paraissent fades. La façon dont le chœur dit Wohin ?... nach Golgatha m'avait complètement saisi il y a huit ans (oui, je m'en souviens encore). Ce soir, c'était plus égal. Du côté de l'orchestre, vers la fin de l'air d'alto Es ist vollbracht (et non pas Er (sic) ist vollbracht comme il est écrit par deux fois dans le programme du TCE), le frissonomètre reste en berne alors que tout devrait exploser sur Der Held aus Juda siegt mit Macht / Und schließt den Kampf. La soprano Marlis Petersen n'a pas trouvé grâce à mes yeux (pourtant, sa robe rouge a été la seule entorse à l'atmosphère austère de la soirée) : s'il ne me déplairait pas de l'entendre à l'opéra, elle paraît moins à l'aise dans ce répertoire. La basse Klaus Mertens, que j'apprécie beaucoup normalement, n'a pas paru dans une forme éblouissante non plus dans son Betrachte, meine Seel et son Eilt, ihr angefochten Seelen, mais son Mein teurer Heiland, laß dich fragen m'a presque consolé.
Cela me rend triste de relever autant de points négatifs... Du côté des choses positives, j'ai vraiment apprécié le chœur, notamment dans les chorals, ou dans le chœur final Ruht wohl....
2011-04-21 16:46+0200 (Orsay) — Culture — Musique — Opéra — Danse
Ce n'était pas sans éprouver quelques contrariétés que j'avais rempli mon formulaire d'abonnement à l'Opéra pour l'année prochaine. J'avais coché tous les ballets (sauf le Roméo et Juliette de Sasha Waltz) et étais même allé jusqu'à sélectionner quelques opéras (notamment un Tannhäuser à Bastille).
Aujourd'hui, j'ai reçu mon récapitulatif de réservation. J'avais demandé, comme les années précédentes à être prioritairement aux troisièmes ou quatrièmes loges à Garnier, et que l'amphithéâtre ne soit envisagé qu'en tout dernier recours. Pour cette année, ces préférences avaient été prises en compte. Je n'ai eu qu'une place d'abonnement à l'amphithéâtre, pour Giulio Cesare où je m'étais en plus retrouvé derrière un grand chevelu. Un petit mot sur le récapitulatif de l'année dernière s'était excusé par avance du désagrément de ne pas voir tous mes vœux de placement satisfaits.
Sur le récapitulatif reçu aujourd'hui, pas moins de huit billets
réservés étaient à l'amphithéâtre. Une fois ou deux par an, cela peut
aller, mais à ce niveau, le déplaisir serait trop grand. Heureusement, il
faut confirmer son abonnement avant qu'il soit validé. Avant, cela
permettait aussi de faire d'éventuelles retouches et cela se passait plutôt
bien. Là, au téléphone, quand j'ai demandé s'il était possible de revoir le
placement, on m'a dit à peu près que La direction de l'Opéra a toujours
été très claire. Les préférences de placement ne sont respectées que dans
la mesure des disponibilités. Si cela n'a pas été le cas, c'est que c'était
vraiment impossible.
. L'impossibilité ainsi constatée d'évoquer des
retouches aux réservations cache plus certainement une volonté
d'efficacité
(traitement plus rapide des dossiers, moins de temps
passé au téléphone avec ces enquiquineurs) qu'un souci de la satisfaction
des désirs du spectateur (satisfaits fin juin plutôt que fin avril dans mes
souvenirs des années précédentes, ce qui permettait aussi de commencer à
payer l'abonnement un peu plus tard). En effet, comment expliquer sinon que
les dates retenues fussent systématiquement la première des trois que
j'avais données alors qu'il était évident que j'avais mis une priorité sur
le placement. (Je passe sur le fait que les billets qui m'avaient été
réservés à Bastille étaient absolument tous vers le fond du parterre, où
jusqu'à cette année ces places étaient vendues trois fois moins
chères.)
Heureusement, j'avais établi ma stratégie avant d'appeler. C'était soit négociation soit annulation. J'ai donc décidé d'annuler mon abonnement 2011/2012 à l'Opéra. Mes finances ne vont que s'en mieux porter ! Et tant pis si j'arrive pas à aller voir tous les ballets que je voudrais à 9€ ou 12€...
2011-04-21 01:58+0200 (Orsay) — Culture — Musique — Danse
Opéra Garnier — 2011-04-20
Mats Ek, chorégraphie (1978)
Johann Sebastian Bach, musique (extraits de pièces pour orgue)
Musiques traditionnelles de guitares espagnoles
Marie-Louise Ekman, décors et costumes
Jörgen Jansson, lumières
Ana Laguna, assistante du chorégraphe
Veli-Pekka Peltokallio, répétitions
José Martinez, Bernarda
Marie-Agnès Gillot, La Servante
Ludmila Pagliero, La Sœur aînée
Clairemarie Osta, La Sœur bossue
Charlotte Ranson, La Jeune sœur
Aurélia Bellet, La Première jumelle
Amélie Lamoureux, La Seconde jumelle
Stéphane Bullion, Un Homme
Andrey Klemm, Un Technicien
La Maison de Bernarda, ballet en un acte d'après la pièce de Federico García Lorca La Maison de Bernarda Alba
Mats Ek, chorégraphie (1997)
Henryk Mikolaj Górecki, musique (Petit requiem pour une polonaise op. 66, Concert pour clavecin et orchestre symphonique op. 40)
Maria Geber, décors et costumes
Ellen Ruge, lumières
Mariko Aoyama, Margareta Lidström, répétitions
Nolwenn Daniel, Nicolas Le Riche, Premier pas de deux
Miteki Kudo, Benjamin Pech, Second pas de deux
Muriel Zusperreguy, Caroline Bance, Christelle Granier, Géraldine Wiart, Peggy Dursort, Ninon Raux
Aurélien Houette, Nicolas Paul, Simon Valastro, Daniel Stokes, Adrien Couvez, Alexandre Gasse
Une sorte de...
La salle s'est remplie plus doucement que d'habitude, mais au final, elle m'a semblé relativement bien garnie alors que la programmation fait que l'on s'aventure en dehors du répertoire le plus traditionnel de la maison.
Le premier ballet au programme La Maison de Bernarda (Mats Ek) raconte un huis-clos dans une maison espagnole où la mère force toute la maisonnée à porter le deuil du père. La chorégraphie est plus proche des styles classiques que je m'y attendais. Certaines scènes sont dansées sans aucun accompagnement musical. Souvent, les danseurs parlent, enfin, plutôt crient, je veux dire, HURLENT. La musique (enregistrée) s'ouvre et se conclut par du Bach pour orgue (avec à la fin, Toccata et Fugue sans la fugue malheureusement). Au milieu, de la guitare espagnole. La chorégraphie se fait parfois presque mécaniste dans des scènes où la famille devient un peu folle (les personnages s'assommant les uns les autres, en rythme avec la musique). Pour revenir à l'histoire, deux des filles, l'aînée (Ludmila Pagliero) et la jeune (Charlotte Ranson) n'ont pas vraiment envie de porter le deuil, d'autant plus qu'elles sont séduites par un homme (Stéphane Bullion). La fin tragique arrive quelque peu abruptement, après un solo de Clairemarie Osta en costume simili-nudité.
José Martinez (Bernarda) est toujours aussi stupéfiant. Tous les autres danseurs m'ont fait une bonne impression, mais j'ai particulièrement aimé Ludmila Pagliero et Charlotte Ranson (coryphée) que je voyais pour la première fois dans un rôle important.
Le deuxième ballet de Mats Ek au programme Une sorte de... est beaucoup plus facile à regarder, mais on n'y comprend rien... On fait exploser des ballons sur les diverses éminences que recelle le corps humain. On se roule par terre. On s'enferme dans des valises. On boit dans la chaussure de sa partenaire, on purifie le corps de l'autre au pistolet à eau. Fait intéressant : le plateau de scène s'étend jusque sur la fosse d'orchestre, ce qui produit une impression de proximité plus grande qu'habituellement, même depuis ma quatrième loge... Pour ce qui est de la musique de Henryk Mikolaj Górecki utilisée pour ce ballet, je ne l'ai pas trouvée désagréable, mais quand même un peu répétitive.
Nolwenn Daniel avait une belle présence scénique pendant son pas de deux avec Nicolas Le Riche (au moins en partie sans accompagnement musical, il me semble). Après l'avoir vue dans le rôle de l'Élue dans Le sacre du printemps, j'ai beaucoup aimé de voir Miteki Kudo dans un rôle important et fort différent.
Ailleurs : Palpatine, Blog à petits pas.
2011-04-20 00:33+0200 (Orsay) — Culture — Musique
Salle Pleyel — 2011-04-19
Georges Prêtre, direction musicale
Orchestre de l'Opéra national de Paris
Symphonie nº2 en ré majeur, Brahms
Les Biches, Poulenc
Daphnis et Chloé, suite nº2, Ravel
Barcarolle (Les Contes d'Hoffmann), Offenbach
Au fond, Georges Prêtre (86 ans) est un grand enfant. Pendant la deuxième symphonie de Brahms, il s'amuse avec le grand joujou extra qu'est l'Orchestre de l'Opéra national de Paris.
Sur son estrade, l'absence de rambarde et de pupitre-partition montre qu'il est dans autre chose que la direction d'orchestre au sens habituel. À vrai dire, il réalise un véritable ballet-pantomime pour les musiciens et les spectateurs situés à l'arrière-scène, dont je suis. C'est beau à regarder, mais on aurait quand même envie de lui dire que la musique de ballet n'est programmée qu'après l'entr'acte ! Dans les mouvements lents, il harangue la foule de musiciens à mains nues. Dans les rapides, la baguette devient parfois comme une épée menaçante. Le vénérable chef donne en effet des satisfecits et des remontrances aux différents pupitres. Je ne suis pas fan de Brahms (malgré quelque bon moment avec le Colonne) et cela ne va pas changer avec cette interprétation de la deuxième symphonie. Je suis assez perplexe devant les problèmes de synchronisation des différents pupitres (ça se voit dans les coups d'archets et ça s'entend dans les débuts de phrases musicales). L'effet n'est pas si surprenant tant le chef se dispense de battre la mesure et laisse l'orchestre en pilotage automatique. La fin de la symphonie est fortement atteinte d'une variante du syndrome de l'hydravion, mais j'hésite : était-ce une diligence ou un train à vapeur que l'on voulait arrêter au juste ?
Après l'entr'acte, l'effectif de l'orchestre est augmenté pour la musique du ballet Les Biches de Poulenc. L'œuvre me plaît. On sent que le chef se montre un peu plus sérieux. Pendant la dernière pièce, la deuxième suite de Daphnis et Chloé de Ravel, Georges Prêtre se fait encore beaucoup plus convaincant. Cette œuvre, que je découvre aussi, repose beaucoup sur les instruments à vents (notamment la flûte) et me donne beaucoup de plaisir !
Pour conclure le concert après une vraie standing ovation (même le ministre Mitterrand s'est levé), on donne en bis la Barcarolle des Contes d'Hoffmann d'Offenbach très bien interprétée, sur un tempo un tout petit peu lent.
Ailleurs : Palpatine, Paris Broadway.
2011-04-16 02:11+0200 (Orsay) — Culture — Musique — Opéra
Théâtre des Champs-Élysées — 2011-04-15
Natalie Dessay, Mélisande
Simon Keenlyside, Pelléas
Marie-Nicole Lemieux, Geneviève
Laurent Naouri, Golaud
Alain Vernhes, Arkel
Khatouna Gadelia, Yniold
Nahuel di Pierro, Un médecin
Chœur de l'Orchestre de Paris
Orchestre de Paris
Louis Langrée, direction
Pelléas et Mélisande, Claude Debussy
Après la belle production présentée à l'Opéra Comique l'année dernière, c'était ce soir mon deuxième Pelléas et Mélisande, cette fois-ci en version de concert. J'étais dans des conditions de confort à peu près semblables à celles d'hier pour Parsifal, mais j'ai payé bien plus cher cette place d'abonnement...
La salle du TCE est pleine comme elle l'est rarement. Le deuxième balcon de côté est très bien rempli et il semble que quelques personnes se cachent derrière les meurtrières situées dans les hauteurs du théâtre.
Par rapport au Parsifal d'hier, les entrées et sorties sont un peu mieux gérées et les expressions faciales et les attitudes expriment davantage le sentiment particulier de chaque situation. Conformément à la tradition du TCE, pas de surtitres pour les opéras en français, mais le texte est presque tout le temps parfaitement intelligible. Il y a cependant des moments où le volume de l'orchestre fait que l'on entend encore le son des voix mais plus le sens des paroles.
Sur le papier, on a une distribution de rêve : Natalie Dessay (Mélisande), Simon Keenlyside (Pelléas), Laurent Naouri (Golaud), Marie-Nicole Lemieux (Geneviève), Alain Vernhes (Arkel). Les promesses sont bien tenues. J'ai été particulièrement content d'entendre pour la première fois Simon Keenlyside, qui avait une attelle au coude gauche. Le chanteur qui m'a fait la meilleure impression a été Laurent Naouri, phénoménal Golaud (voix puissante, belles dynamiques, texte parfaitement compréhensible, un jeu idéal compte tenu des limites de la version d'un concert). Dans le rôle de Mélisande, Natalie Dessay a fait une bonne prestation, notamment dans la première scène du troisième acte avec Simon Keenlyside. Il y a cependant des moments, en particulier au début de certaines phrases, où le timbre de sa voix est comme altéré, mais je suis néanmoins content de n'avoir à aucun moment éprouvé la désagréable tension ressentie lors de précédents concerts de cette chanteuse (Giulio Cesare, La Sonnambula) : la crainte que la voix exploserait en plein vol. Espérons que cela continue ! Alain Vernhes et Marie-Nicole Lemieux ont également été très bons, tout comme Nahuel di Pierro dans le rôle du médecin (et du berger) et Khatouna Gadelia dans celui d'Yniold.
À force de voir l'Orchestre de Paris, il y a des visages qui tendent à devenir comme familiers. J'ai été très impressionné par les cordes, dont j'ai apprécié la variété des ambiances sonores produites. Je n'ai pas été immédiatement emballé par les instruments à vents lors de la première apparition d'un motif caractéristique (dans les toutes premières mesures), je ne saurais pas exactement dire pourquoi, mais par la suite, je les ai appréciés aussi, et mon impression sur l'orchestre en général s'est encore fortifiée à mesure que les actes se succédaient. Le chef Louis Langrée avait l'air assez attentif aux chanteurs, se tournant parfois vers eux en faisant du lip sync. Les quelques moments forts vocaux sont bien mis en valeur, mais il est quelque peu dommage que l'enthousiasme communiqué à l'orchestre ait parfois nui à l'intelligibilité du texte. Mais dans l'ensemble, j'ai passé un très bon concert !
2011-04-15 02:46+0200 (Orsay) — Culture — Musique — Opéra
Théâtre des Champs-Élysées — 2011-04-14
Michael Volle, Amfortas
Steven Humes, Titurel
Kwangchul Youn, Gurnemanz
Nikolai Schukoff, Parsifal
John Wegner, Klingsor
Angela Denoke, Kundry, une voix du ciel
Kevin Conners, Premier chevalier
Levente Molnár, Second chevalier
Ulrich Reß, Kenneth Roberson, Ecuyers
Solistes du Tölzer Knabenchor, Ecuyers
Hanna-Elisabeth Müller, Laura Tatulescu, Gabriela Scherer, Evgeniya Sotnikova, Tara Erraught, Okka von der Damerau, Filles-fleurs de Klingsor
Orchestre de la Staatsoper de Munich
Chœur de la Staatsoper de Munich
Kent Nagano, direction
Parsifal (Wagner)
Je n'avais pas prévu d'aller écouter ce Parsifal au TCE, mais la possibilité d'obtenir des places de première catégorie (en l'occurrence, un premier rang de première loge de face) à 30€ m'avait décidé. Faute de temps, je m'y étais préparé plus sommairement que pour Siegfried, mémorisant quelques motifs parmi les plus importants comme La Cène, Le Graal, La Foi, La Lance, Kundry, Le baume, Parsifal...
Il vaut mieux avoir quelques points de repère pour pouvoir maintenir une activité intérieure et défier la fatigue pendant le concert, très long (début à 18h, fin de la standing ovation vers 23h30), le tempo étant d'ailleurs presque tout le temps très lent.
La grande surprise que j'ai eue lors du premier acte est venu du rôle de Gurnemanz qui y a une fonction qui fait penser à celle de l'Évangéliste dans les Passions de Bach. L'excellente basse Kwangchul Youn arrive à maintenir un intérêt constant pour ce rôle qui n'est a priori pas le plus flatteur (je garde également un très bon souvenir de la performance de ce chanteur dans le rôle de Wurm dans Luisa Miller en 2008). Kundry (Angela Denoke) sert les chevaliers du Graal et le premier d'entre eux (Amfortas) à qui elle administre un baume. Nous sommes en situation de crise : du fait de sa souffrance, il ne peut plus célébrer comme il faut le Graal, touché qu'il a été par la Lance (tout comme le Christ) après que Klingsor l'avait détourné de son vœu de chasteté. On annonce qu'un être innocent pourra récupérer cette Lance, c'est bien sûr Parsifal qui se fait remarquer lors de son entrée parce qu'il commet le sacrilège de tuer un cygne. De façon amusante, Wagner utilise le même motif que dans Lohengrin pour évoquer le cygne. Nikolai Schukoff n'est pas très convaincant dans son rôle au cours de ce premier acte. Il le sera bien davantage dans le deuxième où il va conquérir la Lance. Entretemps, il aura été tenté par les Filles-fleurs, puis par Kundry qui est maintenant sous l'emprise de Klingsor. Angela Denoke est tout aussi impressionnante dans ce rôle que dans Kátia Kabanová. Au troisième acte, on se retrouve au même endroit qu'au premier acte. Gurnemanz reconnaît en Parsifal celui qui va les sauver, Parsifal puis Kundry sont baptisés. Alors qu'Amfortas (remarquable Michael Volle) rappelle qu'il voudrait mourir pour ne plus souffrir de sa blessure, Parsifal entre pour le soigner en mettant la Lance en contact avec son flanc. Parsifal peut alors succéder à Amfortas en maître de cérémonie.
Par rapport à une version scénique, on y perd un peu en cohérence. Dans ce troisième acte, Angela Denoke ne reparaît que pour répéter le mot Dienen (servir) alors qu'à plusieurs reprises, on s'adresse à Kundry alors qu'elle n'est plus en scène. De même, au premier acte, l'interprète de Parsifal est sorti de scène après ses dernières paroles. Pourtant, il est censé assister silencieusement à la cérémonie qui se tient jusqu'à la fin de l'acte, où Gurnemanz lui dit d'aller voir ailleurs.
L'orchestre de l'opéra d'état de Munich dirigé par Kent Nagano a été remarquable. J'ai bien du mal à détailler tant j'étais comme hypnotisé par la musique. Comme je l'ai dit, à part Nikolai Schukoff en demi-teinte, les chanteurs ont tous été excellents. Par ailleurs, chose appréciable, et assez inhabituelle chez Wagner, l'œuvre comporte plusieurs chœurs (certains étant chantés depuis les coulisses) et fait aussi entendre six solistes en filles-fleurs lors du deuxième acte. Bref, cela a été un plus qu'excellent concert !
2011-04-13 00:54+0200 (Orsay) — Culture — Musique — Danse
Opéra Garnier — 2011-04-12
Élèves de l'école de danse de l'Opéra
Orchestre de l'Opéra national de Paris
Marius Stieghorst, direction musicale
Piotr Ilyitch Tchaikovski, musique (1882) (Trio pour piano, violon et violoncelle en la mineur, op. 50 : deuxième mouvement, Thème et variations)
John Taras, chorégraphie (1948)
Jean-Yves Sébillotte, piano
Éric Lacrouts, violon
Matthieu Rogué, violoncelle
Alice Catonnet, Caroline Osmont, Clotilde Tran Phat, Claire Trouvé
Natan Bouzy, Germain Louvet
Dessins pour six
Léo Delibes, musique (1870)
Pierre Lacotte, chorégraphie et adaptation (1973) d'après la version d'Arthur Saint-Léon
Charles Nuitter, livret (d'après le conte d'E.T.A. Hoffmann, L'Homme au sable (1816)
Décors d'après les maquettes de Jean-Émile Daran (1875), inspirées de celles de Charles-Antoine Cambon (Actes I et III, 1870) et celles d'Edouard-Désiré Desplechin et Jean-Baptiste Lavastre (Acte II, 1870)
Costumes d'après les maquettes d'Alfred Albert (1870)
Alizée Sicre, Swanilda
Mathieu Contat, Frantz
Julien Guillemard, Coppélius
Raphaël Bouttier, Le Bourgmestre
Éléonore Thomas, La Paysanne
Cyprien Bouvier, Le Persan
Pascal Bayart, Le Chinois
Isaac Lopes-Gomez, Le Cymbalier
Marie Le Révérend, La Poupée
Coppélia ou la fille aux yeux d'émail, ballet en trois actes
Je suis retourné voir le spectacle de l'école de danse sur une place à 8€. Cela devait être une des toutes meilleures places de cette catégorie ! Facile à repérer sur le plan de salle, un fond de deuxièmes loges de côté quasi de trois-quart (déflation du prix parce que derrière un pilier, heureusement non gênant). Assis, j'aurais vu quelque chose, mais debout j'avais à la fois une vue presque frontale sur la scène et une bonne vue sur l'orchestre (je manquais seulement la première rangée de violons). Avec ou sans jumelles, je voyais bien mieux que depuis une place située à peu près exactement deux étages au-dessus le soir de la première.
La distribution de Dessins pour six est changée à moitié. La prestation des élèves ce soir m'a bien davantage plu que lors de la première. Cette fois-ci, pas de sortie sur un porté spectaculaire comme lors de la première, mais l'interprétation a été beaucoup plus propre et maîtrisée. Des disparités entre les niveaux de souplesse et d'aisance des différentes danseuses se font voir, mais la précision de l'ensemble fait que mon impression sur ce ballet a été complètement modifiée. On va dire que je ne le déteste plus.
J'étais donc dans des dispositions encore meilleures que lors de la première pour le deuxième ballet au programme, Coppélia ou la fille aux yeux d'émail. La magie de cette version ne disparaît pas au deuxième visionnage. La distribution des trois rôles principaux est différente que lors de la première. Il m'est difficile de dire laquelle des deux Swanilda j'ai préférée, tant elles ont été toutes les deux fantastiques à la fois comme danseuses et comme comédiennes. Si Alizée Sicre laissait transpirer une légère impression de fatigue dans le troisième acte, elle m'a fait une excellente impression. Très gracieuse et élégante dans sa danse, elle a magnifiquement bien joué la comédie. Son couple avec Mathieu Contat (Frantz) était très harmonieux. Lui aussi a été très convaincant et très charmeur dans son jeu et dès sa variation du premier acte, il a fait preuve de belles qualités de danseur, qui me mettaient en appétit pour le troisième acte, où il a semblé n'éprouver aucune difficulté lors des portés. Très belle pantomime aussi pour Julien Guillemard (Coppélius). Du côté des ensembles, le positionnement m'a paru plus régulier ; il est intéressant de voir que le niveau progresse d'une représentation sur l'autre ! J'ai encore une fois apprécié la musique de ce ballet, qui s'accorde très bien à la chorégraphie, non sans quelques pointes d'humour.
2011-04-12 01:47+0200 (Orsay) — Culture — Musique — Danse
Opéra Bastille — 2011-04-11
Sergueï Prokofiev, musique
Rudolf Noureev, chorégraphie et mise en scène, réglées par Patricia Ruanne et Frederick Jahn
Ezio Frigerio, décors
Ezio Frigerio et Mauro Pagano, costumes
Vinicio Cheli, lumières
Yuri Uchiumi, choréologue
Mathieu Ganio, Roméo
Laëtitia Pujol, Juliette
Stéphane Bullion, Tybalt
Mathias Heymann, Mercutio
Christophe Duquenne, Benvolio
Myriam Ould-Braham, Rosaline
Julien Meyzindi, Pâris
Vincent Cordier, Le Seigneur Capulet
Delphine Moussin, Dame Capulet
Ghyslaine Reichert, La Nourrice
Arnaud Dreyfus, Frère Laurent
Ballet de l'Opéra
Orchestre de l'Opéra national de Paris
Vello Pähn, direction musicale
Roméo et Juliette, ballet en trois actes d'après William Shakespeare
Ce ballet de Noureev ne m'a pas excessivement enthousiasmé. On retrouve
des caractéristiques de son style, comme des hommes qui dansent ensemble.
Pas mal de vulgarité aussi : on tripote les seins de Rosaline, plus loin,
via un tour de passe-passe, c'est l'entrejambe de Mercutio qu'on frôle.
Mais, ce ballet, c'est surtout du grand spectacle. Vers le début du premier
acte, on assiste à une lutte entre les verts (Montaigu) et les rouges
(Capulet). On est un peu comme dans une cour de récréation ou en marge d'un
match OM-PSG. On se fait des bras d'honneur. On violente quelque fille du
camp adverse. C'est très spectaculaire, mais ce n'est rien par rapport aux
combats à l'épée auxquels on assiste à la fin du deuxième acte. On trouve
quelques effets cinématographiques
, comme lorsque le Frère Laurent,
côté cour, explique à Juliette comment elle va feindre la mort : pendant ce
temps, au centre de la scène, on voit l'action qui devra se dérouler
ensuite. On trouve aussi de belles danses pour Juliette (Laëtitia Pujol),
en solo ou avec Roméo (Mathieu Ganio). J'ai également aimé voir Myriam
Ould-Braham dans le rôle de Rosaline (qui subjugue Roméo avant que celui-ci
voie Juliette). Les autres solistes et le corps de ballet ont bien dansé
aussi, mais globalement je n'ai que moyennement aimé la chorégraphie. (À un
moment, il m'a semblé qu'il y avait un passage bizarre entre deux scènes :
la musique dansante continuait alors que la scène était dans l'obscurité
totale. Au climax du ballet, il y a eu (en coulisse ?) un bruit de fin du
monde qui détonnait un peu, on se serait cru dans une Passion de
Bach quand l'évangéliste raconte que le voile du temple se fend en
deux.)
Pour moi, l'intérêt principal de la soirée était d'entendre la musique absolument extraordinaire de Prokofiev ! Je n'avais jamais rien entendu de tel. On nous dit dans le programme qu'il l'a orchestré au rythme de vingt pages par jour. Des orchestrations comme ça, si je pouvais en avoir plus souvent, je dirais pas non !
(Lors d'un entr'acte, ma voisine feuilletait la brochure de l'année prochaine. Et puis elle a regardé les tarifs des abonnements...)
Ailleurs : Blog à petits pas, Danses avec la plume.
2011-04-10 02:57+0200 (Orsay) — Culture — Musique — Opéra
Opéra Comique — 2011-04-09
Sophie Karthäuser, Agathe
Andrew Kennedy, Max
Virginie Pochon, Annette
Gidon Saks, Gaspard
Matthew Brook, Kouno
Samuel Evans, Kilian
Robert Davies, Ottokar
Luc Bertin-Hugault, L'Ermite
Christian Pélissier, Samiel
Charmian Bedford, Katy Hill, Lucy Roberts, Louise Le Boutillier, Kate Symonds Joy, Vanessa Heine, Les demoiselles d'honneur
The Monteverdi Choir
Orchestre Révolutionnaire et Romantique
Sir John Eliot Gardiner, direction musicale
Dan Jemmett, mise en scène
Dick Bird, décors
Sylvie Martin-Hyszka, costumes
Arnaud Jung, lumières
Cécile Bon, chorégraphie
Philipp von Steinaecker, assistant musical
Meriam Korichi, collaboratrice à la mise en scène
Laetitia Mateos, assistante décors
Magali Perrin-Toinin, assistante costumes
Nathalie Steinberg, Martin Surot, chefs de chant
Le Freischütz, Weber (version Berlioz)
Je ne m'étais pas préparé particulièrement à ce Freischütz. J'en avais lu le livret il y a quelques mois. Je n'avais pas voulu écouter la musique pour en avoir l'entière surprise le soir de la représentation.
Je connaissais seulement l'ouverture. En fait, cette ouverture appartient à la catégorie des ouvertures best-of. On réentendra donc assez souvent des développements de passages déjà entendus dans l'ouverture. (Depuis ma place, je n'avais pendant l'ouverture vue que sur le timbalier qui avait tout juste le temps de régler ses timbales entre deux interventions.)
Il y a à peu près un an, j'avais entendu un extrait de cet opéra à la radio et cela m'avait beaucoup donné envie de l'entendre. J'avais donc de grandes attentes du côté musical. Je m'attendais à trouver quelque chose qui serait à tout moment hybride entre Mozart et les compositeurs allemands ultérieurs. En fait, pendant un acte et demi, j'ai un peu eu l'impression d'entendre du Mozart, et du Weber pour l'autre moitié du deuxième acte et le troisième.
Au premier acte, on apprend qu'Agathe, la fille de Kouno épousera le gagnant du concours de tir qui aura lieu le lendemain, le gagnant obtenant aussi la fonction héréditaire de Kouno auprès d'Ottokar. Max, l'amoureux d'Agathe, vient de subir sa première défaite contre le villageois Kilian. S'il commettait une aussi grande erreur le lendemain, il ne pourrait s'unir à Agathe. Pour augmenter ses chances, il se laisse influencer par Gaspard qui lui promet de lui fournir des balles enchantées. C'est en fait un agent du démon Samiel qui vient réclamer à Gaspard quelqu'offrande. La septième et dernière balle atteindra Agathe, sacrifiée pour lui. Au début du deuxième acte, Agathe discute avec son amie Annette qui essaie, sans bien convaincre, de lui remonter le moral suite aux mauvais présages qui se produisent. Contre l'avis d'Agathe, Max s'en va nuitamment à la Gorge-aux-Loups où Gaspard va fondre les sept balles enchantées. Elles seront gaspillées au début du troisième acte de sorte qu'il n'en restera plus qu'une à Max au moment où il devra faire preuve de son habileté. Au moment de tirer sur la colombe indiquée par Ottokar, Agathe viendra crier que la colombe, c'est elle (comme elle l'aura vu en rêve). Finalement, la balle atteint Gaspard. Tout le monde apprend que Max a pactisé avec le Diable. Suite à l'intervention d'un pieux ermite, Ottokar accepte que Max et Agathe se marient quand même, mais un an plus tard.
Il y a donc un certain contraste entre les situations mélodramatiques du
début et l'atmosphère fantastique qui apparaît lors de la scène de la
Gorge-aux-Loups. Cette scène m'a semblé très réussie. Gidon Saks (Gaspard)
qui paraissait un peu brouillon dans le premier acte y était beaucoup plus
convaincant, y compris dans les passages parlés, presque chuchotés de cette
scène. Le démonique Samiel apparaît sur scène, joué par Christian
Pélissier, le plus souvent silencieux lors des invocations de Gaspard, mais
quand il répète en écho Une
, Deux
, etc, à chaque fois qu'une
nouvelle balle est fondue, on peut entendre son impressionnante voix
caverneuse. J'ai bien aimé tous les autres chanteurs. La chanteuse qui m'a
fait la plus forte impression est Virgine Pochon (Annette) qui a
véritablement incarné son rôle (quelle présence scénique ! quel jeu !) et
sa partie vocale n'a pas l'air d'être des plus faciles ! Dans le rôle
d'Agathe, j'ai retrouvé Sophie Karthäuser qui avait été pour moi une des
rares consolations d'un Fidelio de sinistre
mémoire. La mise en scène a apparemment accentué le côté très sage de
ce personnage, ce qui ne donne pas à la chanteuse l'occasion de
briller
.
Pour décrire brièvement cette production, il suffit de dire qu'elle a été transposée dans le monde de la fête foraine. Kouno est à la tête d'un stand de tir. Agathe et Annette discutent devant leur roulotte ou à l'intérieur de celle-ci. Cela fait un tout petit peu peur au début de l'opéra, très vif, mais cela me semble une bonne idée. Mis à part l'affadissement du personnage d'Agathe, la mise en scène m'a semblé réussie. Il y a quelques passages étonnants, comme lorsque dans la scène de la Gorge-aux-Loups Max voit des apparitions de sa mère et d'Agathe, il est face au public et ces deux personnages traversent le fond de la scène, dans son dos ! Quand Max tire de son fusil au troisième acte, à sa droite Agathe et à sa gauche Gaspard tombent tous les deux alors que Max visait dans d'autres directions ! Sur le coup, on ne comprend pas bien l'influence de l'ermite qui est censé avoir protégé Agathe. Ce que j'ai trouvé assez frappant, c'est la façon dont on laisse mourir Gaspard sans se préoccuper le moins du monde de son sort. On se réjouit joyeusement qu'Agathe n'ait pas été touchée par le coup de fusil tandis que l'autre est en train de mourir ; on se réjouit même de ce que le diabolique soit puni.
À un moment, j'ai un peu buggé parce que j'ai eu l'impression d'entendre une musique que je connaissais déjà, ce qui était bizarre vu que je n'ai que l'ouverture dans ma discographie... En fait, très vite, j'ai reconnu L'Invitation à la valse du même Weber que je connaissais parce que c'est la musique du ballet Le spectre de la rose présenté à Garnier dans le programme Ballets russes en décembre 2009. Le programme explique que la tradition française voulant que les opéras inclussent des scènes de ballets, Berlioz avait inséré cette pièce de Weber (originellement pour piano et qu'il avait donc dû orchestrer). En dehors des applaudissements accompagnant la fin de quelques airs, du fait de la transformation (et réduction) des parties parlées en récitatifs par Berlioz, la musique se déroule presque sans interruption dans chacun des trois actes. Dans cette version française de l'opéra, on arrive à comprendre ce que chantent la plupart des chanteurs !
2011-04-08 01:26+0200 (Orsay) — Culture — Musique — Danse
Opéra Garnier — 2011-04-07
Élèves de l'école de danse de l'Opéra
Orchestre de l'Opéra national de Paris
Marius Stieghorst, direction musicale
Piotr Ilyitch Tchaikovski, musique (1882) (Trio pour piano, violon et violoncelle en la mineur, op. 50 : deuxième mouvement, Thème et variations)
John Taras, chorégraphie (1948)
Jean-Yves Sébillotte, piano
Éric Lacrouts, violon
Matthieu Rogué, violoncelle
Alice Catonnet, Caroline Osmont, Clotilde Tran Phat, Roxane Stojanov
Mathieu Contat, Hugo Marchand
Dessins pour six
Léo Delibes, musique (1870)
Pierre Lacotte, chorégraphie et adaptation (1973) d'après la version d'Arthur Saint-Léon
Charles Nuitter, livret (d'après le conte d'E.T.A. Hoffmann, L'Homme au sable (1816)
Décors d'après les maquettes de Jean-Émile Daran (1875), inspirées de celles de Charles-Antoine Cambon (Actes I et III, 1870) et celles d'Edouard-Désiré Desplechin et Jean-Baptiste Lavastre (Acte II, 1870)
Costumes d'après les maquettes d'Alfred Albert (1870)
Marie Varlet, Swanilda
Germain Louvet, Frantz
Natan Bouzy, Coppélius
Raphaël Bouttier, Le Bourgmestre
Éléonore Thomas, La Paysanne
Cyprien Bouvier, Le Persan
Pascal Bayart, Le Chinois
Isaac Lopes-Gomez, Le Cymbalier
Marie Le Révérend, La Poupée
Coppélia ou la fille aux yeux d'émail, ballet en trois actes
Comme l'année dernière, je suis allé voir le spectacle de l'école de danse de l'Opéra. Cela a commencé par une court ballet de John Taras dont j'avais tant aimé Piège de lumière programmé l'année dernière dans le spectacle. Ce ballet pour six danseurs (quatre filles et deux garçons) ne m'a pas beaucoup intéressé. La musique de Tchaikovski est pour une formation de chambre : piano, violon, violoncelle. Le piano commence par énoncer un thème et de nombreuses variations suivent. Cette pièce ne m'a pas enthousiasmé outre mesure, mais ayant un petit faible pour la configuration piano-violoncelle, je ne me suis pas ennuyé pour autant. Sur la scène vide (fond bleu), les six danseurs évoluent, par trois, par deux, par six, etc. Cela ne raconte pas d'histoire et il n'y a pas non plus un déluge d'émotions (il y en a quand même un tout petit peu). Une belle variation pour un couple se termine par une sortie sur un porté acrobatique. Beaucoup de moments où les danseuses font presque du sur place sur pointes en tournant autour de leurs camarades. C'est au mieux mignon, mais dans un genre voisin, je préfère encore Apollon de Balanchine, qui ne m'avait pourtant pas beaucoup plu.
L'essentiel de la soirée est consacré à l'autre ballet au programme, Coppélia ou la fille aux yeux d'émail de Pierre Lacotte, d'après Arthur Saint-Léon (livret de Nuitter d'après Hoffmann). Il s'agit en fait d'une reconstitution du ballet d'origine, où on a cependant confié le rôle de Frantz à un danseur plutôt qu'à une danseuse travestie comme lors de la création de 1870.
La comparaison entre ce spectacle de l'école de danse et la Coppélia de Patrice Bart par le ballet de l'Opéra est cruelle... mais elle est nettement à l'avantage de l'école de danse !
Tout d'abord, dans la fosse, c'est l'Orchestre de l'Opéra de Paris dirigé par Marius Stieghorst qui avait déjà fait des merveilles l'année dernière pour la musique de Piège de lumière (Damase). Par rapport au résultat obtenu par Koen Kessels, il y a une grande différence ! Et pourtant, j'avais été satisfait par l'orchestre Colonne, notamment dans les passages extraits de Lakmé. Ici, à un numéro près, on entend que la musique d'origine de Delibes pour Coppélia. Elle est jouée de façon beaucoup plus vivifiante, enjouée. Le tempo est plus rapide (privilège de la jeunesse ! La chorégraphie est aussi moins tortueuse). Du côté de la dynamique, le chef met apparemment plus volontiers en valeur les p que les f. Quelques instruments à percussion insolites (dans le prélude du début du deuxième acte, je n'ai fait que regarder les deux percussionnistes, qui ne faisaient rien ! mais regardaient beaucoup autour d'eux). Les musiciens ont donné l'impression de prendre un certain plaisir à jouer pour les élèves de l'école de danse, comme le harpiste, qui était apparemment Emmanuel Ceysson ce soir.
Cette version de Coppélia a une histoire beaucoup plus claire que celle de Patrice Bart. Coppélius est bien un vieux pervers. Il veut transférer l'âme de Frantz qu'il a drogué dans Coppélia, la fille aux yeux d'émail dont Frantz s'était amouraché pour l'avoir vue depuis la rue. En fait, quand Swanilda et ses amies avaient été surprises par Coppélius après qu'elles étaient entrées chez lui et avaient vu ses divers automates, elles avaient toutes fui, sauf Swanilda qui avait pris la place de Coppélia. Coppélius croit insufler un souffle vital dans Coppélia, mais c'est Swanilda qui fait semblant de se mouvoir comme un automate, puis progressivement, au fur et à mesure que les doses d'âme successives arrivent, elle se met à se déplacer comme une véritable jeune fille.
Dans la version de Bart, en plus du corps de ballet, la danse reposait sur trois individualités : Swanilda, Frantz, Coppélius. Dans cette version, tout ou presque repose sur les épaules de la seule Swanilda ! au moins dans les deux premiers actes. Le personnage de Frantz n'y a en effet pas beaucoup à danser, et il est heureux que Pierre Lacotte ait ajouté une variation au personnage. Coppélius n'a que de la pantomime, mais elle est très réussie, ce qui rend d'autant plus convaincant le spectacle dans son ensemble. Bien sûr, on trouve aussi de très beaux ensembles au premier acte.
Ce soir, c'était Marie Varlet qui dansait le rôle de Swanilda. Elle a été absolument fantastique. La métamorphose de Coppélia au deuxième acte a été merveilleuse, passant d'un automate désarticulé à une vraie jeune fille, et rapassant sans cesse de ce rôle en métamorphose à son rôle de Swanilda inquiète du sort de Frantz endormi à la table de Coppélius dès que celui-là a le dos tourné.
Le troisième acte s'achève sur les noces de Frantz et de Swanilda. Il permet de mettre en scène une succession d'ensembles. Le rôle de Frantz devient alors résolument dansant et on apprécie l'aisance avec laquelle il porte sa partenaire. Certes, tout n'a pas été absolument parfait, mais quel beau spectacle cela a été !
Pierre Lacotte est venu saluer, et Elisabeth Platel, la directrice de l'école de danse, a eu le temps de quitter son strapontin du dernier rang de l'orchestre pour venir saluer aussi avant de s'écarter pour laisser aux élèves le mérite qui leur revient.
2011-04-05 01:04+0200 (Orsay) — Culture — Musique — Culture indienne
Théâtre de la Ville — Place du Châtelet — 2011-04-04
Shashank, flûte murali
Parupally Phalgun, mridangam
Satyajit Talwalkar, tabla
Je n'étais pas retourné au Théâtre de la Ville (Place du Châtelet)
depuis presque un an (c'est comme y aller pour la première fois, d'ailleurs
je ne m'étais même pas rendu compte que sur la façade on pouvait encore
lire Sarah Bernhardt
; je croyais que ce nom avait été abandonné
depuis longtemps !). La dernière fois, c'était pour un concert Tambours sacrés de
l'Inde assez inintéressant.
Le concert de ce soir est un récital du flûtiste Shashank, que j'avais
déjà entendu lors des vingt-quatre heures du raga. Je
n'ai pas été excessivement enthousiasmé par ce concert. Le flûtiste, qui
lors des silences insérés s'éponge le visage, change de flûte ou boit de
l'eau, est accompagné de deux percussionnistes, l'un du Sud (mridangam),
l'autre du Nord (tablas) (ah oui, j'ai peut-être oublié de le préciser,
mais ils viennent bien sûr tous d'Inde !), ce qui donne un côté un peu
hybride à la formation. Je me serais bien contenté d'un seul des deux, avec
une préférence pour Parupally Phalgun qui avait l'air davantage dans son
élément. Chose inhabituelle pour un musicien du Sud, la première partie est
un Alap annoncé sur une gamme pentatonique. J'entends quelque
spectatrice murmurer Qu'est-ce que c'est que ce truc ?!
. J'aurais
bien eu envie de lui répondre d'attendre un peu... C'est qu'il a plutôt
pris son temps, tenant des notes assez longtemps, insérant des silences,
avant de laisser se développer librement la mélodie, bientôt suivie de
l'entrée des percussionnistes. Après, il a interprété la composition
principale sur le mode Purvi Kalyani. Une deuxième composition est venue
ensuite ; il en a d'abord chanté le śloka en l'honneur de Krishna
(sous le nom de Gopala). Au cours de de cette pièce comme dans la
précédente, on assiste à quelques questions/réponses entre les musiciens,
chose qui semblerait plus courante dans la musique du Sud par rapport à
celle du Nord (en tout cas, dans les récitals de danse bharatanatyam, c'est
systématique !). On assiste à un déluge de virtuosité du flûtiste, mais
c'est carrément trop démonstratif, au point de me faire oublier d'apprécier
la musique... La fin des morceaux est systématiquement atteinte du syndrome
de l'hydravion (il a beaucoup de mal à atterrir le pauvre aéronef, tous
les effets et manœuvres sont essayés, on touche l'eau, mais non, on est
obligé de remettre les gaz et cinq minutes plus loin, on a bien fini
par y arriver, mais complètement épuisé).
Deux dévotionnels sont ensuite joués. Le premier est un duo rythmique
(avec un tout petit peu de flûte à la toute fin) sans intérêt si ce n'est
le petit jeu de questions/réponses entre les percussionnistes, jusqu'à en
arriver à frapper leurs peaux respectives un temps sur deux à tour de rôle.
Le deuxième est intitulé quelque chose comme Indu Bharavi
. Le public
en redemandant, un dernier morceau non prévu est joué pour conclure ces
presque deux heures de musique.
2011-04-03 02:05+0200 (Orsay) — Culture — Musique
Athénée Théâtre Louis-Jouvet — 2011-04-02
Quatuor Thymos
Eiichi Chijiiwa, Gabriel Richard, violons
Nicolas Carles, alto
Marie Leclercq, violoncelle
Michel Fau, lecteur
Textes d'Olivier Py, Aristote, Copi
Trois pièces pour quatuor à cordes, Stravinski
Quatuor à cordes nº2, opus 33 (Hob. III:38), Haydn
Quatuor à cordes nº2, Charles Ives
Ouverture sur Le Vaisseau Fantôme comme joué à vue par un orchestre de seconde zone à 10h du matin sur la place du village, Hindemith
Quel beau concert que celui de ce quatuor à cordes (Thymos) formé de musiciens de l'Orchestre de Paris au théâtre de l'Athénée — Louis Jouvet. C'est la première fois que j'y mets les pieds, à deux pas de l'Opéra (ne pas confondre avec l'hôtel Plaza Athénée situé tout près du TCE...). J'en avais entendu parler par Klari à propos d'un précédent concert de la série.
Le lieu est tout ce qu'il y a de plus charmant, accueillant et sympathique. Malheureusement, la salle est remplie à peine aux deux tiers (seuls l'orchestre et la corbeille de face sont bien garnis). Un ouvreur m'a fait signe au moment où je commençais à envisager une migration depuis le dernier rang du balcon. Je ne me suis pas fait prier pour saisir l'opportunité qui m'était faite de m'installer au premier rang de corbeille sur l'extrême côté, tout près de la scène.
Je crois que je n'ai jamais été dans d'aussi bonnes conditions autant visuelles qu'acoustiques pour un concert de musique de chambre. Le thème est l'humour noir. En prélude au concert et entre les pièces, le comédien Michel Fau lit remarquablement bien quelques textes très drôles (je me disais bien que sa tête me disait quelque chose : d'après mes archives, je l'avais déjà vu dans L'Orestie à l'Odéon en 2008). On entendra ainsi un sermon du Diable extrait de L'Apocalypse joyeuse d'Olivier Py, un texte attribué à Aristote évoquant six systèmes politiques (royauté, aristocratie, timocratie, tyrannie, oligarchie, démocratie), les trois derniers étant les versions corrompues respectives des trois premiers. Le dernier sera un texte de Copi extrait du Bal des folles où un inverti raconte son histoire d'amour avec un Pierre amouraché à un(e) Marilyn ayant un serpent pour animal de compagnie. Nombreux fous-rires dans la salle.
Venons-en maintenant à la musique. Cela commence par trois courtes pièces de Stravinski utilisant des sonorités très variées. La violoncelliste et le violon II échangent leurs places. Vient ensuite l'œuvre qui m'a le plus enthousiasmé : le quatuor à cordes nº2, opus 33 (Hob. III:38) de Haydn. J'apprécie de voir les musiciens se faire de petits signes, sourires et grimaces. Les deux premiers mouvements sont assez espiègles. Le troisième, lent, est plus sage. Lors du quatrième, je me dis d'abord qu'on est à côté du thème, mais la toute fin me fait comprendre la raison de son insertion au programme : après plusieurs répétitions du thème de ce mouvement, il faut bien terminer le quatuor et c'est fait en introduisant quelques silences à divers endroits des derniers développements de façon à ce qu'à plusieurs reprises on puisse avoir l'impression que le quatuor est terminé. Et cela recommence... encore... une dernière fois... allez, encore une autre... C'est bon, maintenant, vous pouvez applaudir. Si j'ai aimé cette œuvre, je crois que ce n'est pas seulement parce que c'était de Haydn... mais peut-être aussi parce que c'était merveilleusement bien interprété.
La troisième œuvre au programme est un quatuor en trois mouvements de
Charles Ives (dont je ne connaissais le nom que parce qu'il apparaît dans
le titre d'une œuvre de John Adams, jouxtant dans la discographie son
remarquable concerto pour violon électrique The Dharma at Big
Sur). Elle est précédée d'une petite introduction du violoniste
Gabriel Richard qui était jusque là violon II et qui passe violon I, les
musiciens ayant repris la configuration standard du quatuor (de gauche à
droite : violon I & II, alto, violoncelle). Il nous explique que
l'œuvre met en jeu quatre hommes (sic) qui lors du premier mouvement
(Andante emasculata !) vont parler chacun dans leur coin, lors du
deuxième mouvement se disputer ouvertement, et lors du troisième joindre
leurs efforts pour aller à l'assaut d'une montagne jusques auprès du
firmament. (Il indique aussi beaucoup d'emprunts, mais je ne les ai pas
reconnus.) C'est annoncé comme atonal
, mais cela s'écoute finalement
très bien, en tout cas beaucoup plus que l'atonal qui se joue
ces jours-ci à Bastille.
Le concert se termine par l'ouverture du Vaisseau fantôme (Wagner) revisitée par Hindemith (cf. plus haut pour le titre complet...), ce qui donne lieu à un grand n'importe quoi où l'on reconnaît parfois un peu l'œuvre d'origine mais aussi des délires qui semblent singer d'autres genres musicaux. Au début, les musiciens étaient affalés dans des fauteuils et un lit (du décor de la pièce qui se joue ces jours-ci dans ce théâtre). Il faudra toute la persuasion de Michel Fau pour que, apparemment sans conviction, les musiciens voulussent bien se lever, se mettre devant leurs pupitres, mettre la bonne partition devant leurs yeux fatigués et jouer tout en essayant de donner l'impression qu'ils déchiffrent l'œuvre. Dans ce numéro, Gabriel Richard et Nicolas Carles sont plus joueurs que leurs deux collègues.
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