« Gati Summer Dance Residency : six créations de danse contemporaine au Max Muller Bhavan | Patan, Modhera »
2014-08-09 17:10+0530 (વડોદરા) — Culture — Culture indienne — Dhrupad — Voyage en Inde XIII — Photographies
Je viens de passer trois semaines à Delhi, ou plus exactement à Greater Noida, une ville nouvelle en lointaine banlieue de Delhi : elle se trouve en fait dans l'état voisin d'Uttar Pradesh. Ceci explique que sur la longue route auprès de laquelle fourmillent les immeubles en construction, à l'approche de Delhi, on passe à côté d'un grand parc construit à l'instigation de Mayawati, ancienne Chief Minister d'Uttar Pradesh. Je ne suis pas sûr que ces longs alignements de sculptures d'éléphants furent une très bonne initiative pour la cause des dalits...
Le jour de mon arrivée à Delhi, je suis allé à Akashvani Bhavan, le bâtiment de l'All India Radio où travaille Pandit Nirmalya Dey. Dans la salle d'attente VIP, alors que j'étais habillé d'un kurta Lucknow-style, je me fais saluer très respectueusement par un musicien musulman. Plus tard, dans le local où il travaille, la situation est souvent à pleurer de rire, mais ce n'est pas vraiment racontable... Panditji m'a ensuite conduit jusqu'à Greater Noida.
À Greater Noida, j'ai séjourné dans un très bel appartement d'environ 100 m². Deux étudiants afghans du conservatoire de Rotterdam, Ilyas et Samim avaient loué cet appartement pour leur séjour de deux mois afin de se perfectionner avec Pandit Nirmalya Dey. Samim est plus débutant que moi et Ilyas est plus avancé (il jouait d'ailleurs du tampura lors du festival d'Utrecht).
Un jour sur deux environ, Panditji venait le matin vers 6h pour le Kharaj, un entraînement vocal explorant les graves (jusqu'au Sa d'en bas, voire jusqu'au Ni encore en-dessous !). Les deux autres élèves sortaient tout juste du lit à cette heure-là, mais je devais souvent me lever dès 5h pour me préparer à partir après le Kharaj avec Panditji qui pouvait me déposer près d'une station de métro pour que je puisse enchaîner avec un cours de bharatanatyam avec Arupa Lahiry. Cela dit, il m'est aussi arrivé d'aller me recoucher juste après le Kharaj...
Les autres jours Panditji venait l'après-midi pour nous donner un cours. Si nous étions assis tous ensemble et si nous avons parfois chanté la composition en groupe, l'enseignement était individuel, chacun recevant sa leçon l'un après l'autre. Même pendant les passages collectifs, si l'un d'entre nous produisait la moindre fausse note, celle-ci était quasi-systématiquement corrigée...
Je suis arrivé à Greater Noida alors qu'Ilyas et Samim pratiquaient Raga
Todi depuis déjà deux semaines. Le premier jour, Panditji m'a demandé si ce
raga me convenait ; je n'allais évidemment pas dire non, puisque c'est
un raga très difficile, le seul de ceux que j'avais déjà pratiqué dont
j'étais jusque là incapable de chanter une composition en raison de sa
difficulté. La première chose que j'aie eu à essayer de chanter a été la
gamme de ce raga... Celle-ci comporte de nombreuses altérations, assez
subtiles : on est loin du tempérament égal
. Ainsi, si la
tonique (Sa) est le do, par rapport aux touches du piano les plus proches,
les Re komal, Ga komal, Tivra Ma et Ni komal sont respectivement un peu
plus bas que les Ré bémol, Mi bémol, Fa# et Si bémol. Le Dha komal est au
contraire un peu plus haut que le La bémol. Même le Pa (sol) ne fait pas
une quinte juste : il est un peu en-dessous ! C'est donc avec un
certain soulagement que vers la fin de mon séjour j'ai pu chanter la gamme
et quelques exercices de Sargam sans que Panditji ait besoin de me corriger
trop souvent...
J'ai aussi appris la composition Kaun Bharama Bhule Ho Mana Gyani,
Pujata Raga Akshara Budha Bani
en Chautal de Vilas Khan, fils de
Tansen, la plus longue que j'aie apprise ! Les enregistrements
répertoriés ne contiennent que les deux premières strophes de la
composition (Stayi et Antara) alors que nous avons appris les quatre
strophes. De toute façon le style personnel de Panditji est assez
inégalable par son raffinement (autant que dans ses Alap) et aussi par sa
façon de chanter avec de subtils retards sur le cycle rythmique :
c'est superbe, mais difficile à reproduire à l'identique ! Les deux
autres élèves avaient déjà appris les deux premières strophes quand je suis
arrivé. J'ai donc pu les apprendre en me laisant entraîner par l'effet de
groupe, mais pour les deux dernières strophes, j'ai été en première ligne
quand Panditji s'est décidé à nous les apprendre : comme on commençait
par ma leçon, j'ai été le premier à devoir reproduire ce que Panditji
chantait... J'ai aussi fait un tout petit peu d'Alap, mais de même que les
autres il m'a fallu attendre deux semaines avant de pouvoir me lancer du
fait de la difficulté de Raga Todi. Heureusement que j'avais rapidement
décidé de prolonger d'une semaine mon séjour à Greater Noida parce que
sinon cela m'aurait sans doute frustré.
Dans ma chambre, j'avais un tampura :
L'engin est assez lourd : je ne sentais plus ma jambe droite après un quart d'heure de pratique...
⁂
La cuisine de l'appartement n'était pas trop mal équipée. J'ai fait des Kulfis (à partir d'amandes, mangues ou pistaches entières, et ce sans mixeur ni véritable pilon...), Parathas, Puris, Chapatis, Paneer Butter Masala, Alu Masala, etc. Pour les Chapatis, j'ai d'abord observé comment procédait Mamta, une autre élève de Panditji qui est venue deux ou trois fois.
J'ai aussi bu presque continûment du thé chinois préparé en utilisant deux tasses pour émuler un zhong (une technique que j'avais découverte l'année dernière à Édimbourg). Les autres ont notamment préparé du riz, du Dal. Panditji nous a même fait plusieurs fois la cuisine tout en nous enseignant. Le jour où je suis arrivé il a préparé un succulent ragoût de mouton. Il nous a aussi invité chez lui déguster un korma de poulet.
Ilyas est parti une dizaine de jours au Surinam (!) pour une tournée d'un groupe de musique auquel il appartient. Comment a-t-il pu survivre sans le kilo de mangues qu'il mangeait quotidiennement ! Pendant ce temps, j'ai fait faire un peu de tourisme à Samim : Gurdwara Bangla Sahib, Sri Gowri Shankar Mandir, Lal Qila.
Pour aller à Delhi depuis Greater Noida, il fallait prendre un rickshaw, un bus et enfin le métro, ce qui prenait presque deux heures... J'ai profité de ces quelques allers-retours pour manger au Saravana Bhavan de Janpath :
J'ai également eu l'occasion de rendre une courte visite à Ustad F. Wasifuddin Dagar pour lui remettre une copie sur CD (dans la plus belle boîte que j'aie trouvée) de l' enregistrement que j'avais fait lors de son dernier concert à Paris.
Ragas Bihag, Bageshri et Sohini par Wasifuddin Dagar
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