« Musique de chambre de Mozart pour les musiciens de l'Orchestre de Paris et Menahem Pressler | Roméo et Juliette à Bastille »
2012-05-14 00:15+0200 (Orsay) — Culture — Musique — Opéra
Théâtre de Dijon — 2012-05-12
Jacques Prévert, livret
Brice Pauset, direction musicale
Damien Caille-Perret, mise en scène
Céline Perrigon, scénographie, costumes
Jérémie Papin, lumières
Adrien Béal, assistant du metteur en scène
Denis Comtet, chef assistant et chef de chœur
Angéline Pondepeyre, chef de chant
Joël Soichez, préparateur du chœur
Maurizio Prosperi, pianiste accompagnateur
Ateliers de l'Opéra de Dijon, réalisation des décors et costumes
Peggy Sturm, réalisation des costumes
Thomas and Neel, création des surtitres
Éditions musicales Henry Lemoine, édition de la partition
Luanda Siqueira, La Femme (soprano)
Jérôme Billy, L'Enfant (ténor)
Vincent Deliau, L'Homme (baryton)
Gilles Ostrowsky, L'Enfant/récitant
Jérémie Leymarie, L'Enfant (figurant)
Orchestre Dijon Bourgogne
Chœur de l'Opéra de Dijon
L'Opéra de la lune, Brice Pauset (création)
J'ai assisté samedi après-midi à la création de L'Opéra de la lune, le nouvel opéra de Brice Pauset, compositeur en résidence à Dijon. Cette première représentation ne s'est pas passée pour moi dans des conditions idéales. D'une part, il est difficile de rester éveillé alors qu'il fait une chaleur insupportable au fond du premier balcon. D'autre part, comment rester concentré quand on laisse entrer des retardataires et que de nombreux enfants et leurs accompagnateurs chuchotent un peu trop bruyamment. Je vois bien, mais l'acoustique n'est pas idéale ; elle me semblera meilleure au troisième balcon lors de la représentation du soir.
La musique de Brice Pauset me déplaît très franchement. Dans les parties orchestrales, aucune mélodie ou continuité ne se détache du bruit des instruments. J'éprouve de la sympathie pour le percussionniste qui par un mouvement de va et vient du poignet ininterrompu pendant environ trois minutes devra en quelque sorte évoquer le travail des habitants de la Lune pour l'embellir. Après son quasi-solo pour un instrument tout droit sorti du monde des Shadoks, le percussionniste semblait visiblement soulagé, mais sa main mettra un certain temps avant de retrouver une circulation sanguine normale... J'espère qu'aucune tendinite ne fera obstacle au bon déroulement des représentations suivantes.
Quand il faut bien faire chanter le ténor qui interprète le rôle de l'enfant qui rêve de la Lune, en plus de bruits divers, l'orchestre joue de longues notes continues, un sur-place auquel va se superposer un chant atonal d'un ennui profond (plus intéressant quand le rôle est interprété par Jérôme Billy que par Anthony Lo Papa, ce dernier étant plus convaincant dans son jeu scénique). Le seul intervalle autorisé entre deux notes successives semble être le demi-ton. Pendant la prononciation des voyelles d'à peu près toutes les syllabes, la ligne vocale oscille de façon très carrée entre deux notes consécutives. C'est très peu plaisant. Le seul avantage que je puisse voir à cette manière de faire est qu'elle préserve l'intelligibilité du texte. On ne peut pas en dire autant des parties chorales dont le texte est souvent rendu incompréhensible à dessein. La façon qu'ont le ténor et le chœur de rouler les r de façon exagérée est assez hoôoôoôrrrrrriîiîîpiîiîiîlaãaãaãnte.
Voilà pour la musique originale de Brice Pauset dans cet opéra pour un
unique personnage, l'enfant imaginé par Jacques Prévert. Ce personnage est
représenté triplement sur scène par le ténor, par un comédien qui est à la
fois l'enfant et un récitant, et par un enfant-figurant. Trois personnes
sur scène pour incarner un seul personnage, je pense que c'est au moins une
de trop... Les membres du chœur constituent un autre personnage, les
gens
qui interrogent l'enfant sur son rêve lunaire.
Dans cet opéra, toute la musique n'est pas de Brice Pauset. Des Lieder
évoquant la Lune ont en effet été insérés. Ils sont chantés par la Femme et
l'Homme, deux personnages qui ne semblent pas avoir de lien avec le reste
de l'histoire... Si certains programmes de concerts donnent l'occasion
d'entendre deux versions d'une œuvre (comme l'intelligent
programme du Britten Sinfonia en février à Dijon), je trouve ridicule
de faire chanter cinq fois le même texte de Goethe “An den Mond” par les
solistes, quand bien même il s'agirait de compositions différentes par
quatre compositeurs (Schubert, Himmel, Reichardt, Zelter). On voit ainsi
cinq fois Tu emplis à nouveau buissons et vallons
paraître dans les
surtitres... Un lied de Schubert sur un texte de Hölty fait exception. Ces
interludes rompent le déroulement de l'opéra, mais ce seront les seuls
moments qui me seront un peu agréables à l'oreille. Malheureusement,
l'orchestration est de Brice Pauset et si on entend parfois quelques
décorations intéressantes, j'ai globalement le sentiment qu'il a pourri le
matériau musical d'origine. Comment peut-on écrire une musique d'une telle
laideur ? Je n'apprécie guère sa façon d'utiliser systématiquement les
cuivres (en sourdine) et le registre grave des cordes (aux déplaisants
coups d'archets). Chez les vents, le basson est curieusement
sous-utilisé.
Je ne suis pas un grand admirateur de Schumann, mais Brice Pauset a
pareillement maltraité les Kinderszenen dont on reconnaît des
citations tout au long de l'opéra. Ce sont les numéros de ce cycle pour
lesquels Brice Pauset a préservé l'essentiel de la partition pour piano qui
m'ont le plus plu. D'ailleurs, le piano était en quelque sorte un piano
préparé
puisque la pianiste passait une partie de son temps à déplacer
devant elle des petits objets (que je ne distinguais pas depuis ma
place).
Malgré la musique, le spectacle se laisse regarder. La Lune et les astres sont représentés par des cubes qui sont aussi ceux avec lesquels pourrait jouer l'enfant. Un assemblage de cubes beaucoup plus gros constitue un décor mobile au milieu de la profondeur de la scène. Quand la vision de la lune de l'enfant sera dévoilée, une représentation abstraite apparaîtra à l'arrière-plan et d'autres éléments plus concrets pourront surgir.
Globalement, je ne suis pas enthousiaste. Cependant, quand on sait que l'avant-dernière commande de l'Opéra de Paris était Akhmatova de Bruno Mantovani, qui y maltraitait encore plus la voix que ne le fait Brice Pauset dans L'Opéra de la lune, je me dis qu'avec les moyens qui sont les siens, l'Opéra de Dijon n'a vraiment pas à rougir de la comparaison...
(Des photographies du spectacle sur infos-Dijon.)
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