Weblog de Joël Riou

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Passions – Le sang du Christ à la Cité de la musique et à Pleyel

2012-04-09 01:00+0200 (Orsay) — Culture — Musique

Cette semaine, la Cité de la musique et la Salle Pleyel avaient concocté un programme Passions – Le sang du Christ. J'ai assisté à trois concerts de cette série :

Cité de la musique — 2012-04-05

Stile Antico

Helen Ashby, Kate Ashby, Rebecca Hickey, sopranos

Emma Ashby, Cara Curran, Eleanor Harries, altos

Jim Clements, Andrez Griffiths, Benedict Hymas, ténors

Will Dawes, Oliver Hunt, Matthew O'Donovan, basses

Woefully arrayed (William Cornysh)

Hosanna to the son of David (Orlando Gibbons)

O sacrum convivium (Thomas Tallis)

In monte Oliveti (Roland de Lassus)

I give you a new commandment (John Sheppard)

Salvator mundi (Thomas Tallis)

O vos omnes (Tomás Luis de Victoria)

O Crux, ave (Cristóbal de Morales)

Vide homo (Roland de Lassus)

Dum transisset Sabbatum (John Taverner)

Tulerunt Dominum meum (Nicolas Gombert)

Maria Magdalene (Francisco Guerrero)

I am the resurrection (Orlando Gibbons)

Congratulamini mihi (Thomas Crecquillon)

Surrexit pastor bonus (Jean Lhéritier)

In resurrectione tua (William Byrd)

Cela commence jeudi avec l'ensemble vocal Stile Antico constitué de douze chanteurs spécialisés dans la musique de la Renaissance. Les textes sont en latin et en anglais. Dans la première partie, ils évoquent la Passion et dans la deuxième ce sera la Résurrection. La pure beauté de cette musique est sidérante. Tout est très polyphonique. Le cas le plus extrême sera apparemment celui d'une pièce à 8 voix, chacune étant chantée par un seul interprète.

J'ai souvent l'impression d'entendre plusieurs chanteurs de dhrupad jouant simultanément. Au lieu qu'une voix entre en résonance avec le bourdon du tampura, les voix interagissent les unes avec les autres.

Entre chaque pièce, les chanteurs changent de place dans le demi-cercle qu'ils forment. La relative jeunesse des chanteurs, le silence respectueux du public qui se déchaînera à la fin ont fait de ce concert un très beau moment. (Merci à Klari d'avoir attiré mon attention sur ce concert.)

Ailleurs : Zvezdo, Klari.

Salle Pleyel — 2012-04-06

Orchestre philharmonique de Radio France

Académie de l'Orchestrer Philharmonique de Radio France et du Conservatoire de Paris

Amaury Coeytaux, violon solo

Christophe Henry, orgue

Ton Koopman, direction musicale

Michael Lonsdale, récitant

Les sept dernières paroles du Christ en croix, version originale pour orchestre (Hob. XX:1), Haydn

Je ne suis pas du tout rentré dans ce concert du Vendredi saint, notamment en raison d'une fatigue accumulée au cours de la semaine et tout particulièrement en ce vendredi. À mon avis, les Sept dernières paroles du Christ en croix ne sont pas le chef-d'œuvre de Haydn, ne serait-ce que parce qu'il a aussi composé Les Saisons. Je dois même avouer que je me suis souvent ennuyé. La musique est certes adorablement belle, mais à l'intérieur d'un mouvement, elle me paraît très répétitive.

Je savais que cette œuvre admettait plusieurs versions, mais je n'avais pas étudié le cas en détail. Après avoir écouté une version chez moi, je m'attendais notamment à entendre juste avant le tremblement de terre du dernier mouvement un mi bémol grave de basse prononçant Meinem Geist (note que je me suis amusé à atteindre et dépasser en travaillant mes graves pour le dhrupad...), mais il n'y eut rien de tout cela puisque c'est la version originale pour orchestre qui était jouée. Chacune des sept paroles est chantée par le chœur, puis dite par le récitant Michael Lonsdale (quelle voix !) à l'issue de la lecture de textes de Jean-Pierre Nortel. L'orchestre intervient alors sans aucun accompagnement vocal.

Malgré ma fatigue et mon relatif déplaisir, ce concert restera un bon souvenir puisqu'outre que l'œuvre se termine par un énergique tremblement de terre, j'ai eu l'honneur, avec la petite proportion des spectateurs ayant un peu joué le jeu, d'être dirigé par Ton Koopman ! Vers 20h, il est en effet entré en scène seul avec l'organiste Christophe Henry pour faire répéter au public les sept courts chorals constituant la partie vocale de cette œuvre, comme originellement l'assemblée des fidèles pouvait accompagner l'orchestre. J'ai donc essayé de chantonner la partie T. de la partition fournie avec le programme. Étant trop fatigué, je m'en suis abstenu pendant le concert. Les choristes de Radio France étaient censément dispersés incognito au cœur du public.

Salle Pleyel — 2012-04-08

Marita Sølberg, soprano

Nathalie Stutzmann, alto

Markus Brutscher, ténor, l'Évangéliste

Christian Immler, basse, Jésus

Eugénie Warnier, soprano

Owen Willetts, alto

Magnus Staveland, ténor

Benoît Arnould, basse

Jolanta Kowalska, soprano

Mélodie Ruvio, alto

Svetli Chaumien, ténor

Charles Dekeyser, basse

Les Musiciens du Louvre-Grenoble

Marc Minkowski, direction musicale

Matthäus-Passion, BWV 244.

Dimanche à la Salle Pleyel se jouait la Passion selon Saint Matthieu de Bach. J'ai entendu un certain nombre de fois les deux Passions de Bach. Il y a deux ans, j'avais été particulièrement impressionné par la version donnée au même endroit par Marc Minkowski. J'avais été notamment frappé par la tension dramatique incarnée par le fabuleux évangéliste Markus Brutscher. Comme c'était la même équipe qui remettait le couvert pour cette Saint Matthieu, j'attendais évidemment beaucoup de ce concert. Mes vœux ont été exaucés !

Ce n'est peut-être pas la concert de ma vie (voir ici et ), mais cela s'en rapproche d'assez près ! Comme il y a deux ans dans la Saint Jean, l'effectif vocal est réduit. Il est constitué de 3 chœurs de 4 chanteurs solistes. C'est la première fois que j'entends en concert cette œuvre dans cette configuration, dont j'ai un enregistrement par Paul McCreesh (avec encore moins de chanteurs !). L'orchestre est également divisé en deux. Depuis ma place centrée au fond du premier balcon, l'effet visuel est saisissant. Au fond, une sorte de mur de basses avec les deux contrebasses (une pour chaque orchestre), deux violoncelles et un seul gambiste. C'est la première fois que j'entends aussi bien les cordes graves dans ce répertoire. Peut-être est-ce un stade du développement mélomaniaque : au début, on n'entendrait que les voix aiguës, puis on se mettrait à entendre ce que font les graves et le stade ultime, ce serait quand on arriverait à se figurer simultanément ce qui se passe chez les altos ?

Bref, dans le chœur introductif que j'ai pourtant écouté un certain nombre de fois (en concert, la dernière fois remonte à quatre ans), j'ai ainsi une sensation d'inouï en entendant les violoncelles. Dans tout l'orchestre, je finis par ne pour ainsi dire plus entendre que le violoncelliste Niels Wiebolt, absolument magnifique, que ce soit dans l'accompagnement des récitatifs ou dans les Ploum-ploum pizz. de l'air Erbarme dich. (En relisant ma chroniquette d'il y a deux ans, je me rends compte que je l'avais déjà remarqué ! J'essaierai de retenir ce nom, au cas où il ferait des concerts de musique de chambre...)

Revenons à l'orchestre divisé en deux. Jamais l'aspect stéréophonique ne m'a autant frappé que lors de cette cinquième écoute en concert. Alors que d'autres adouciraient les contrastes et chercheraient un beau son rassurant et soyeux, l'interprétation de l'orchestre a juste ce qu'il faut de rêche pour qu'à l'audition, on n'ait pas l'impression de goûter un plat aseptisé, mais un plat qui ait du goût (et sans poudre de perlimpinpin ajoutée : je veux parler du vibrato). Dans certains numéros musicaux, l'opposition entre la moitié gauche et la moitié droite de l'orchestre n'en est que plus frappante. Ceci accentue encore la tension dramatique de l'œuvre.

Venons-en aux chanteurs. L'interprétation du rôle de l'évangéliste par Markus Brutscher est conforme à ce à quoi on pouvait s'attendre après sa Saint Jean. Ce n'est pas du tout un évangéliste terne-palot ! C'est très très incarné, parfois un peu trop, mais je préfère qu'il y en ait trop que pas assez ! La basse Christian Immler fait également un très bon Jésus. Ce sont ces deux chanteurs qui se distinguent le plus sur la durée de l'œuvre, et tout particulièrement dans la première partie, très dramatique. Les autres chanteurs ne semblent aucunement chercher à briller. Sans pourtant être ternes, ils chantent leurs airs et récitatifs sans forcer leur voix (que j'entends très bien). Les personnages ne m'en paraissent que plus humains. Peu avant la fin de la première partie intervient le duo So ist mein Jesus nun gefangen entre la soprano Marita Sølberg et l'alto Nathalie Stutzmann. Leurs deux voix se sont merveilleusement bien mariées. Leur duo est suivi par une très belle fugue, et après un récitatif, la première partie s'achève par le choral O Mensch, bewein' dein' Sünde groß pour lequel les chanteurs qui étaient jusque-là regroupés quatre par quatre (deux groupes à l'avant et un à l'arrière), la plupart des solistes donc se sont rassemblés à l'arrière tandis que quatre voix de femmes se regroupaient au milieu. L'attitude, la proximité entre les chanteurs, les gestes échangés donnaient une formidable impression de communion dans l'épreuve entre les disciples de Jésus (qui viennent pourtant de prendre la fuite alors qu'il vient d'être arrêté). À l'issue de cette première partie, j'étais bouleversé...

La deuxième partie est plus contemplative que narrative. Le début m'a fait légèrement redescendre après les sommets de la première partie. L'ensemble est moins incarné, plus éthéré. Il y a plus de commentaire que d'action. Cependant, quelle belle suite de tubes n'entend-on pas ! notamment dans les airs accompagnés par la viole de gambe (ou encore le fanthautboisbuleux Sehet, Jesus hat die Hand, en passant par le Aus Liebe will mein Heiland sterben! accompagné par la flûte et joué cet après-midi sur un tempo dangereusement lent). On entendra aussi un fort beau solo du premier violon de l'orchestre I (et un autre moins au point pour l'orchestre II). Pendant toute la durée de l'œuvre, Marc Minkowski aura ménagé de longs points d'orgue et quelques silences à la fin de certains numéros. La mort de Jésus sera suivi de plusieurs secondes d'absolu silence. Malheureusement, une partie du public ne respectera pas la volonté évidente du chef de faire succéder au chœur final Wir setzen uns mit Tränen nieder un silence.

Il y a très exactement un an selon le calendrier liturgique, j'avais l'impression de finir un cycle. Je venais alors d'entendre une Passion selon Saint Jean qui m'avait beaucoup déçu. Étais-je à ce point blasé-exigeant que j'en perdais le goût pour cette musique ? J'ai l'impression qu'un nouveau cycle a commencé avec cette Saint Matthieu !

Ailleurs : Bladsurb, Palpatine.

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Commentaires

1. 2012-04-09 10:38+0200 (Philippe[s]+de+l'escalier)

Christian Immler !!!

<URL: http://www.youtube.com/watch?v=Ni3_a8o8vks >

2. 2012-04-09 13:29+0200 (Joël)

Il a grandi depuis !


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