« La donna del lago à Garnier (suite) | Semele au TCE »
2010-06-28 11:32+0200 (Orsay) — Culture — Musique — Opéra
Opéra Comique — 2010-06-27
Phillip Addis, Pelléas
Karen Vourc'h, Mélisande
Marc Barrard, Golaud
Markus Hollop, Arkel
Nathalie Stutzmann, Geneviève
Dima Bawab, Yniold
Luc Bertin-Hugault, Un médecin
Pierrick Boisseau, Un berger
Max Delor, Agnès Aubé, Martine Demaret, Sophie Dumont, Figurants
Chœur accentus
Orchestre Révolutionnaire et Romantique
Sir John Eliot Gardiner, direction musicale
Stéphane Braunschweig, mise en scène et scénographie
Thibault Vancraenenbroeck, costumes
Marion Hewlett, lumières
Pieter Jelle de Boer, chef du chœur
Pelléas et Mélisande, Claude Debussy
Dernier passage à l'Opéra Comique de la saison et avant longtemps. Il fait horriblement chaud à l'intérieur de la salle. Des éventails en plastique sont cependant gracieusement mis à la disposition du public par le cabinat d'avocats Orrick Rambaud Martel.
Les sur-titres ne sont pas visibles de ma place en loge de face ; regarder les écrans latéraux impose de détourner le regard de la scène. Ce n'est sans doute pas seulement que j'aie visionné un Pelléas et Mélisande en DVD au cours de la semaine si je n'éprouve aucun besoin de lire le texte au fur et à mesure qu'il est prononcé par les chanteurs. Quel choc ! Il s'agit du premier opéra à l'écoute duquel on n'a aucun effort à faire pour entendre ce que disent les interprètes (auquel le compositeur, Debussy, demandait lors de la création d'oublier qu'ils étaient chanteurs). C'est en effet véritablement à du théâtre mis en musique que l'on assiste.
En très court, Golaud (Marc Barrard) épouse Mélisande (Karen Vourc'h) après l'avoir rencontrée dans une forêt où ils se sont tous les deux perdus. Quand ils sont arrivés chez Arkel (Markus Hollop), le grand-père de Golaud, un amour naît entre Mélisande et Pelléas (Phillip Addis), le demi-frère de Golaud. Mais, ils mourront tous les deux : Pelléas au quatrième acte quand Golaud les aura surpris, Mélisande au cinquième après qu'elle aura mis au monde une fille dont la paternité est douteuse.
Les décors existent en deux versions : en grand format, et en petit
format, façon jouet pour le petit Yniold. Ils sont constitués de sortes
d'anneaux de Saturne en pente et excentrés. Au centre est inséré soit un
phare soit rien. C'est très cohérent avec le livret qui évoque la lampe
au sommet de la tour qui regarde la mer
que Golaud demande dans une
lettre, lue par Geneviève (Nathalie Stutzmann), qu'on allume pour lui afin
qu'il sache s'il est bienvenu ou non (il a désobéi en épousant Mélisande).
La tour
apparaît ensuite plusieurs fois dans le livret. C'est aussi
à travers une fenêtre de ce phare qu'à la fin du troisième acte, Yniold
(Dima Bawab), installé(e) sur les épaules de Golaud, espionnera à sa
demande ce que font Pelléas et Mélisande à l'intérieur de la chambre. C'est
avec une grande surprise qu'on découvre au deuxième acte, dans la scène de
la fontaine (où en jouant avec Pelléas, Mélisande égare son anneau de
mariage), que cette fontaine est un trou au milieu de ce même dispositif
scénique en pente. Golaud, qui s'est blessé à la chasse pendant ce temps,
se retrouve impuissant, les bras bandés au torse, quand il remarque que
Mélisande a perdu son anneau. Quelques accessoires (fauteuil roulant,
perfusion, couveuse) conformes à l'environnement hospitalier contemporain
sont utilisés pour représenter cette blessure de Golaud, mais aussi
l'infirmité d'Arkel et plus tard la maternité de Mélisande. Par ailleurs,
le fond et les côtés de la scène sont constitués de grands volets, dont une
des rares ouvertures possibles est très en hauteur. Cela appuie le
sentiment de claustration et de manque de lumière qu'éprouve Mélisande. Les
lumières de ce spectacle (Marion Hewlett) sont d'ailleurs excellentes
(alors même que l'univers est sombre, on a trouvé le moyen de varier
l'éclairage avec cette contrainte tout en faisant en sorte que je distingue
toujours très bien les chanteurs, alors même que j'ai oublié de prendre mes
jumelles).
Tout est fait dans cette mise en scène de Stéphane Braunschweig pour
rendre l'histoire intelligible ; c'est très réussi. Le seul aspect qui
m'ait un peu déplu est l'utilisation peut-être excessive du procédé
théâtral consistant à faire regarder les personnages vers des objets
fictifs qui ne sont pas dans le décor (il doit y avoir un mot grec savant
pour dire ça, mais je ne m'en souviens plus). C'est d'ailleurs ainsi que
commence l'opéra, alors que Mélisande et Golaud se rencontrent devant le
rideau de scène baissé. Golaud remarque un objet qui brille ainsi au
fond de l'eau
. Il s'agit de la couronne de Mélisande. On n'en saura pas
plus. Les deux personnages regardent alors vers la fosse d'orchestre. C'est
à la limite de me faire un peu peur pour la suite dans le sens d'une mise
en image conceptuelle
, mais pour ce passage-là, c'est une idée très
bien trouvée. À d'autres moments, je serai un peu moins convaincu. Cela
dit, alors même que cette production respecte presqu'autant que possible le
texte, il est raisonnable de considérer que l'on peut se passer de quelques
éléments de décor que le texte ne mentionne qu'une seule fois.
Cet opéra est tellement différent de tous les autres qu'il est difficile d'avoir une opinion sur les voix. Le fait que les sur-titres m'aient semblé tout à fait superflus et que je ne me sois pas du tout ennuyé est le signe que cela devait être plus que bien. Je dirai juste que Philip Addis (Pelléas) était étincelant et que Karen Vourc'h rendait bien la fragilité juvénile de Mélisande.
D'après le programme, cela devait durer 2h50 entr'acte comprise. Compter
plutôt 3h30. Si la musique ne s'arrête jamais à l'intérieur d'un acte, les
coupures entre les cinq actes étaient un peu interminables. Peut-être que
les instruments de l'Orchestre Révolutionnaire et Romantique de John Eliot
Gardiner devaient absolument être réaccordés toutes les demi-heures ? En
tout cas, je n'ai pas été frappé par la continuité scénique
qui
était annoncée. Si le découpage des trois premiers actes correspond sans
doute à celui de la pièce de Maurice Maeterlinck, les nombreux changements
de décors à l'intérieur de chaque acte font que s'il n'y avait pas de pause
à la fin du premier et du deuxième acte, on ne se rendrait pas compte de ce
découpage interne et la continuité serait plus frappante.
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