« La symphonie nº4 de Bruckner par l'Orchestre des Concerts gais | Programme Ligeti/Manoury/Mahler pour l'Orchestre de Paris »
2012-05-27 12:05+0200 (Orsay) — Culture — Musique
Salle Pleyel — 2012-05-24
Roland Daugareil, violon solo
Orchestre de Paris
Paavo Järvi, direction
Maskarade, ouverture (Carl Nielsen)
Alexander Toradze, piano
Concerto pour piano nº2 en fa majeur, op. 102 (Chostakovitch)
Mari Eriksmoen, soprano (Solveig)
Ann Hallenberg, mezzo-soprano (Anitra)
Arnaud Denis, récitant, Peer Gynt
Aurore Bucher, Laure Holm, Cécile Achille, sopranos (Les Bergères)
Chœur de l'Orchestre de Paris
Lionel Sow, chef de chœur
Peer Gynt, musique de scène, pour récitant, solistes et chœur, op. 23 (Edvard Grieg)
Ce concert de l'Orchestre de Paris est sans doute un des meilleurs de la saison. Il avait pourtant commencé par un gros truc informe, l'ouverture Maskarade de Carl Nielsen, heureusement assez courte. Les choses sérieuses commencent avec le deuxième concerto pour piano de Chostakovitch interprété par Alexander Toradze, que l'on voit battre violemment la mesure avec son pied droite pendant les mouvements rapides. Bien qu'assez brève (vingt minutes environ), l'œuvre est très contrastée. Mon mouvement préféré a été le mouvement lent. Très envoûtant, il met en valeur les cordes graves de l'orchestre. J'aime aussi les rythmes ternaires qu'on y entend et la façon dont le temps semble se suspendre avant que le pianiste attaque une nouvelle note. Je suis presque jaloux des spectateurs du mercredi qui ont pu entendre à nouveau ce mouvement en bis. Jeudi, c'est le troisième mouvement qui a été bissé. Comme le premier mouvement, ce troisième mouvement qui s'enchaîne au deuxième est très spectaculaire ! La musique ne s'était pas encore arrêtée que le pianiste était déjà debout pour aller embrasser le chef Paavo Järvi.
Après l'entr'acte, on joue Peer Gynt (prononcer pair
gunt
) de Grieg. Cela me renvoie à un de mes premiers souvenirs de
musique classique. Je me rappelle un cours de musique au collège dans
lequel la professeure nous fit écouter le fameux extrait Atmosphère
matinale de la première suite pour orchestre extraite de Peer
Gynt. Au disque, je ne connaissais cette musique que via ces
deux suites pour orchestre. Dans ce concert, c'est la quasi-intégralité de
la musique de scène qui est jouée, dans une version mise au point par le
chef d'orchestre Paavo Järvi et le directeur artistique de l'orchestre
Didier de Cottignies. Les parties chantées le sont dans la langue d'origine,
le norvégien 1. Entre les différents numéros musicaux, le texte interprété
par le comédien-récitant Arnaud Denis est en français, de même que les
parties parlées intervenant à des endroits précis de la musique
(mélodrame).
Cette version faisant environ 75 minutes alors que les deux suites n'en
font que 35, je découvre une bonne partie de la musique. Le premier numéro
fait déjà entendre des thèmes que l'on réentendra plus loin, en particulier
la mélodie de la chanson de Solveig. C'est aussi l'occasion d'entendre un
magnifique solo de l'altiste Ana Bela Chavez. Le premier violon Roland
Daugareil se distinguera aussi dans deux solos. Ce qui était déjà évident
depuis le début du concert et qui me frappe encore dès les premières
minutes de cette deuxième partie du concert, c'est l'énergie et la
conviction de tous les musiciens. En particulier, au deuxième rang des
violoncelles, je crois deviner la très investie Delphine Biron. Au début du
numéro 4 Peer Gynt et les bergères, j'ai l'impression d'entendre
un extrait du Vaisseau fantôme de Wagner. Peer Gynt rencontre
trois bergères qui parlent assez vertement des trolls, lesquels sont
évoqués dans la musique par un rapide motif ascendant des flûtes. Plus
loin, ces drôles de créatures seront illustrées par les bassons au début du
morceau Dans l'antre du roi de la montagne. Vient ensuite un
crescendo et une accélération de malades. Du coup, quand le chœur chante
Slagt ham! (Tuez-le !)
, les choristes ont beau être plus de
cent, on n'entend à peu près rien... Globalement, je suis assez déçu par
les parties chorales. Du point de vue mélodique, ce n'est pas très
exaltant. Harmoniquement non plus, puisqu'à très peu d'exceptions près, le
chœur est semble-t-il toujours à l'unisson... (En tout cas, c'est ce qui
est marqué dans la partition.)
Après avoir été poursuivi par les trolls, avoir rencontré le Courbe (un
étrange personnage interprété par une voix invisible), vu sa mère Åse
mourir, au début de l'acte IV, Peer Gynt se retrouve sans transition au
Maroc. On entend le fameux Au matin (nommé Atmosphère
matinale plus haut). La mezzo-soprano Ann Hallenberg (Anitra) et le
chœur interprètent ensuite la danse arabe. Alors que Peer Gynt se fait
passer pour un prophète, Anitra le délaisse. Peer Gynt la traite de
salope
, ce qui déclenche quelques réactions dans la salle. Et puis
la ravissante soprano Mari Eriksmoen entre en scène pour interpréter
magnifiquement la chanson de Solveig...
L'acte V commence de façon très spectaculaire. C'est une scène de tempête et de naufrage. Outre certains motifs rythmiques, je remarque de jolis chromatismes. Celui que j'ai préféré apparaît ci-dessous. Il était joué d'abord par les flûtes et les cordes. Que ce soit en montant ou en descendant, deux notes consécutives ne sont séparées que d'un demi-ton :
La tempo a été invraisemblablement rapide dans ce numéro ! En effet, je me rends compte à la réécoute qu'il m'est difficile de clapper ce rythme, même avec un seul clap par mesure... Sachant que chaque mesure est divisée en 6 croches, la tâche des musiciens me paraît presque surhumaine...
Après un rappel de la chanson de Solveig intervient une longue Scène
nocturne au cours de laquelle Peer Gynt rencontre les pensées qu'il
n'a pas eues, les mots d'ordre qu'il n'a pas dictés, les chansons qu'il n'a
pas chantées, les pleurs jamais versés, les actes qu'il n'a pas fait. On
entend encore de jolis chromatismes dans cette scène. À un moment j'ai
l'impression d'halluciner, mais alors que Peer Gynt dit Ce sont des voix
d'enfants qui pleurent
, on entend une citation du motif du cygne de
Lohengrin (et de Parsifal), qui n'est qu'une suite de
deux accords, mais ils sont comme par hasard dans la même tonalité que chez
Wagner ! Peer Gynt finit par mourir, bercé par la voix de Solveig. L'œuvre
se finit de façon apaisée et Paavo Järvi parvient à faire observer un
silence respectueux au public.
Ailleurs : Paris — Broadway, Andante con anima, Palpatine, Grignotages.
Ce concert est disponible à la réécoute sur Cité de la musique Live jusqu'au 23 septembre 2012.
[1] Quelques jours plus tard, lisant Palpatine, je me souviens qu'effectivement, comme il le dit, certaines phrases chantées, celles des bergères au moins, étaient en français.
Pour moi aussi, c'est une oeuvre que j'ai beaucoup entendue dans ma jeunesse ! mais quelle belle façon d'aborder la musique ! il reste maintenant à voir la pièce jouée par les Comédiens Français au Grand Palais, qui paraît-il est sublime !
Vous pouvez poster un commentaire grâce au formulaire ci-dessous.
Date de génération : 2023-07-27 14:18+0530 ― Mentions légales.