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2010-06-15 03:08+0200 (Orsay) — Culture — Musique — Opéra
Opéra Garnier — 2010-06-14
Juan Diego Flórez, Giacomo V (Uberto di Snowdon)
Simon Orfila, Duglas d'Angus
Colin Lee, Rodrigo di Dhu
Joyce DiDonato, Elena
Daniela Barcellona, Malcolm Groeme
Diana Axentii, Albina
Jason Bridges, Serano
Philippe Talbot, Bertram
Orchestre et Chœur de l'Opéra national de Paris
Lluís Pasqual, mise en scène
Ezio Frigerio, décors
Franca Squarciapino, costumes
Vinicio Cheli, lumières
Montse Colomé, chorégraphie
Alessandro Di Stefano, chef du chœur
Roberto Abbado, direction musicale
La donna del lago, Rossini
La Dame du lac était avec La Somnambule un des spectacles d'opéra de la saison que j'attendais le plus. Par chance, je me suis vu attribuer un ticket pour la première, le jour où cet opéra de Rossini entre au répertoire de l'Opéra de Paris. Ma place est cependant excentrée : troisième loge nº6, juste à côté d'un pilier, vue plongeante sur la fosse d'orchestre. Les places sans visibilité de derrière sont occupées par des touristes japonaises, dont les contorsions pour essayer d'y voir quelque chose font un peu de bruit. Puis, plongé dans l'opéra, je n'y fait plus attention. En fait, elles se sont éclipsées au cours du premier acte. Grave erreur, car c'était bien un spectacle d'opéra où les voix étaient tellement belles qu'il n'y aurait pas grand dommage à se contenter d'entendre le spectacle, sa partie visuelle étant par ailleurs assez ringarde...
Le décor principal représente une porte avec une voûte étroite donnant sur des marches descendant sur ce qu'on imagine être le lac Katrine. (La vue d'ensemble ressemble très vaguement à celle de la porte Tilon-ki-Pol à Jaisalmer qui donne sur un lac de bien moindre étendue que celui du poème de Walter Scott.) Le décor en deux parties peut s'ouvrir par le milieu. Il renferme des galeries sur plusieurs étages, des escaliers. Au niveau le plus bas, des portes permettant au chœur d'entrer. Mon point de vue ne me permettait pas de voir le décor du fond de la scène. Les costumes des protagonistes principaux ont l'air recouverts de dorures, on dirait des brocarts.
Voilà pour les côtés positifs du visuel. Le reste fait assez mal à voir.
Des projections vidéo sur l'ovale délimité par les marches figurent les
eaux ondulantes du lac. Une trappe située au centre de la scène permet de
faire monter et descendre des accessoires et des protagonistes. On verra
ainsi ce qui est censé représenter la vue de face d'une barque apparaître.
Pourquoi pas, mais très vite, on comprend que le but n'est pas de créer
l'illusion d'une action réaliste vu qu'un personnage s'éloignera sans
hésitation de la barque pour marcher sur l'eau. Cette trappe sera beaucoup
utilisée, à des fins donc essentiellement symboliques, telle une apparition
mystérieuse d'une harpe vers la fin du deuxième acte. Ce n'était pas un
signe que l'action se passait en Irlande (on est en Écosse), mais cela
annonçeait un numéro musical où la harpe aurait une grande importance (la
place de la harpiste était restée vide jusque là), et était probablement
aussi une référence au premier mot harp
du poème.
Avant d'aller plus loin, un bref aperçu de l'histoire. Le roi James V d'Écosse se perd lors d'une partie de chasse. Enfin, c'est ce qu'il feint lorsqu'il aperçoit Elena, la fille de Douglas, dont il est immédiatement épris. Incognito, il prend le nom d'Uberto. Il ignore qu'il a deux rivaux : Roderick, qui mène une rébellion contre le roi et qui s'est fait promettre la main d'Elena par son père, et Malcolm qui a l'avantage d'être aimé d'Elena en retour. À la fin du premier acte, Elena ne semble pas très enthousiaste à l'idée de se marier avec Roderick, alors qu'une bataille se prépare contre les troupes royale. Au deuxième acte, alors qu'Elena est réfugiée dans un lieu isolé pendant les combats, le roi, toujours déguisé, vient déclarer son amour. Elle lui répond qu'elle en aime un autre. Alors, Roderick débarque et se montre très jaloux. Un duel entre Roderick et Uberto aura lieu ; Roderick sera tué. Pendant ce temps, Douglas a été vaincu. Elena vient retrouver Uberto pour lui demander de l'introduire auprès du roi pourqu'elle obtienne la grâce de son père. Elle est évidemment très surprise quand elle comprend qu'Uberto est le roi et très heureuse quand il pardonne tout le monde pour la rébellion et accorde à Malcolm d'épouser Elena.
Si aucun des chanteurs n'a démérité, trois d'entre eux ont été absolument magnifiques : Joyce DiDonato (Elena), Juan Diego Flórez (Giacomo V/Uberto), Daniela Barcellona (Malcolm). Dans tous les opéras que j'ai vus avec Joyce DiDonato, il y a toujours un rôle travesti (Romeo, Idamante). Pour une fois, elle avait un rôle féminin, et quel rôle ! Elle a de nombreux passages très virtuoses tout au long de l'opéra, et le final est absolument incroyable, effervescent. Pendant une bonne partie du premier acte, il y a des échanges de virtuosités avec Juan Diego Flórez que j'entendais pour la première fois et dont j'ai aimé la voix chaleureuse. Dans le rôle travesti, Daniela Barcellona montre un timbre de voix vraiment agréable. J'ai cru que les applaudissements après son air au premier acte ne s'arrêteraient jamais !
Enfin, quelques mots sur la mise en scène de Lluís Pasqual. J'ai trouvé
que c'était principalement de l'opéra à l'ancienne, avec des chanteurs
faisant face au parterre, également répartis sur la largeur de la scène.
Cela ressemble un peu trop à un opéra en version de concert. D'ailleurs,
les membres masculins du chœur étaient en smoking... alors
qu'a priori, ce sont des guerriers. Il y avait bien une poignée de
figurants muets en habits de guerre au premier plan, mais c'était
essentiellement décoratif. De même, on verra quelques danseurs mettre un
peu d'animation là-dedans, mais on se demande bien pourquoi. Autre
curiosité, en regardant le spectacle d'un œil distrait, on pourrait penser
que Joyce DiDonato a des dons d'ubiquité ou de téléportation. On voit en
effet à plusieurs reprises apparaître sur scène, en particulier dans les
galeries, une femme portant un costume très-semblable au sien et ce, un
instant après que la chanteuse a descendu par la trappe, ou alors même
qu'elle est aussi sur scène. Il me semble qu'Uberto avait aussi un double,
mais je ne suis pas très sûr. La façon dont se termine le duo entre
Roderick et Uberto (arbitré par Elena qui défaille) n'est pas non plus
convaincante. Ils se défient en duel. On donne une épée à Uberto pour qu'il
puisse se défendre, et à la fin de l'air, ils courent tous les deux vers le
fond de la scène pour se mettre à l'abri de nos regards, peut-être par
souci de bienséance ? Je n'ai pas très bien vu ce qui se passait ensuite au
fond de la scène quand les guerriers de Douglas est mise en déroute. Une
dernière source d'amusement : quand les bardes chantent à la fin du premier
acte Un rayon annonciateur d'une immense splendeur montre déjà le
chemin...
, on voit un lustre descendre des cintres. Ce lustre, et
d'autres, reparaîtront dans la scène finale dans le palais du roi.
Bref, je ne suis pas du tout convaincu par cette mise en scène, qui s'est fait huer lors des saluts. Néanmoins, à part les quelques curiosités susceptibles d'engendrer quelque distraction, rien n'empêche vraiment de ce concentrer sur le chant et la musique, et de les apprécier. C'est déjà ça.
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