« Le festival de danses indiennes “Mouvements émouvants” | Jyotika Rao au Centre Mandapa »
2015-04-22 23:25+0200 (Orsay) — Culture — Musique — Danse — Danses indiennes — Culture indienne
J'assiste à des récitals de danses indiennes depuis presque dix ans, et
ce qui m'a toujours intéressé principalement, ce sont les pièces narratives
ou évocatrices d'une divinité : ces pièces-là sont d'un abord difficile
pour les spectateurs (y compris en Inde), mais elles peuvent être
bouleversantes, et c'est cela avant tout que je cherche en tant que
spectateur de danse (ou rasika). Cependant, le travail sur
l'incarnation de personnages et l'expression d'émotions ou de sentiments
(Abhinaya), s'il est le plus important pour moi, n'est qu'un des
aspects des danses indiennes. Une grande partie du répertoire est en effet
constituée de pièces ou de passages dits de danse pure
(nritta), lesquels ne visent essentiellement qu'à une certaine
beauté du geste. Si ces pièces peuvent m'être agréables, elles me
passionnent en général moins...
Cependant, parmi les chorégraphes dont j'ai eu l'occasion de voir le travail, les pièces chorégraphiées par Muthuswamy Pillai et son fils Kuthalam M. Selvam sont pour moi une exception. Ils ont développé un style propre extrêmement original et inventif à l'intérieur du bharatanatyam. J'ai déjà eu l'occasion de m'en émerveiller ici lors que j'ai vu Mallika Thalak ou Nancy Boissel, mais ce n'est que plus récemment, avec le recul permis par la confrontation en tant que spectateur avec des styles très variés, que j'ai pu véritablement mesurer à quel point ce style de danse pure était exceptionnel, lors d'un récital d'Ofra Hoffman, qui tout comme Mallika Thalak et Nancy Boissel est une disciple de Selvam.
La plupart des chorégraphies de danse pure que j'ai pu observer ou pratiquer s'appuyent sur une grammaire donnée par des petits enchaînements (adavus). Découpés, altérés et convenablement agencés, ils forment en quelque sorte la grammaire des pièces de danse pure. Si chaque école de bharatanatyam dispose de sa propre grammaire, une certaine façon d'exécuter tel ou tel type de mouvement, de nombreux points communs peuvent être observés. J'ignore dans quelle mesure leur style s'appuie également sur un système d'adavus, mais Muthuswamy Pillai et son fils Selvam ont intégré à leur style de danse des éléments qui, s'ils font indubitablement partie du bharatanatyam, ne sont pas autant développés dans les autres écoles.
Ainsi, dans leur style, j'apprécie particulèrement la présence de dégagés. En général, la jambe est tendue sur le côté, et contrairement à ce que l'on voit le plus souvent dans le bharatanatyam, ce n'est pas le talon qui touche le sol mais la pointe du pied (comme dans la danse classique européenne). Les dégagés sont exécutés en fondu, c'est-à-dire que la jambe d'appui est fléchie. Le mouvement est élégamment agrémenté d'une courbure du torse, ce qui donne au corps, vu de face, une sorte de forme en spirale. Un autre élément caractéristique est la présence de retirés. Contrairement, à la danse classique où cela est fait debout, l'interprète est ici en demi-plié sur une jambe où l'autre pied vient se poser au niveau du genou.
Dans leur style, certains adavus sont exécutés en mettant l'accent sur le mouvement d'une seule main. J'ai parfois senti une certaine parenté avec des adavus standards qui en principe utilisent les deux mains : les mouvements d'une main sont repris tandis que l'autre main reste immobile, sur le côté. Ceci donne peut-être un côté rustique ou rugueux à ces chorégraphies, mais pour compenser ce fait-là, il y a un remarquable travail chorégraphique pour que les enchaînements se suivent harmonieusement, et surtout, ces chorégraphes n'ont pas peur de la lenteur pour mettre en valeur le caractère gracieux des mouvements de bras, pour entrer dans le mouvement de la même façon que le style de musique dhrupad permet de rentrer dans le son... J'avais été particulièrement ému par cette magnifique lenteur en voyant le Jatiswaram en Ragamallika et Misra Chapu Tala dansé par Revanta Sarabhai dont la professeure avait appris cette chorégraphie auprès de Muthuswamy Pillai. Cette relative lenteur permet aussi de se concentrer sur le mouvement d'une seule main pendant d'assez longues séquences : ceci produit quelques moments de poésie (comme vers 2'15" sur cette vidéo de Mallika Thalak dans un Alarippu à sept temps).
Espace Jemmapes — 2015-04-15
Kalpana Métayer et ses élèves Alessandra, Fanny, Iran, Morgane, bharatanatyam
Mallari (Raga Gambheera Natai, Tala Tisra Triputa)
Shloka “Guru Brahma”
Natesha Kautwam (Raga Hamsadwani, Eka Talam)
Jatiswaram (Raga Vasanta, Rupaka Talam)
Natanam Adinar (Raga Vasanta, Ata Talam)
Padam “Sogasu” (Raga Sahana, Misra Chapu Talam)
Kirtana (Raga Karaharapriya, Adi Talam)
Javali “Marubari” (Raga Kamas, Adi Talam)
Padam “Eppadi manam” (Raga Huseni, Misra Chapu Talam/Raga Ananda Bhairavi et Sahana)
Tillana ‟Dhrupad” (Raga Purvi, Rupaka Talam)
Venons-en au spectacle de Kalpana (disciple de Muthuswamy Pillai) et de
ses élèves les plus avancées (certaines ont aussi pratiqué directement
auprès de Kuthalam M. Selvam). J'ai déjà fait ci-dessus l'éloge des
chorégraphes. Les interprètes méritent aussi quelqu'éloge, puisque comme
je le détaillerai ci-dessous, certaines pièces ont été exceptionnellement
bien dansées. L'ensemble du spectacle a été à mon avis d'un niveau que l'on
ne voit pas toujours dans certains récitals de danseuses très connues, y
compris parmi celles qui sont réputées pour leur Abhinaya. Il faut
bien sûr également louer le travail de leur professeur Kalpana qui a su les
porter à ce niveau et qui, il faut le signaler aussi, a réalisé un
important travail de mise en espace. Beaucoup des pièces présentées au
cours du programme mettaient ainsi en scène plusieurs danseuses. Plutôt que
les interprètes fassent de la danse synchronisée
en rang d'Oignon
comme on le voit malheureusement parfois, il est plus intéressant de
travailler sur le placement, insérer des silences
: une danseuse
reste immobile pendant que l'autre se déplace. Par rapport à la quantité de
travail fournie pour apprendre une chorégraphie, le surcoût est
relativement marginal, et au-delà de la beauté esthétique des
configurations qui en peuvent résulter pour les spectateurs, il y a plein
de bonnes raisons de procéder ainsi. D'une part, c'est amusant à faire et
crée une complicité entre les interprètes ; d'autre part, cela permet
de développer le travail sur le rythme (si on doit rester immobile pendant
un cycle rythmique et demi, il faut savoir être attentif à la musique et
aux autres, comme dans un orchestre).
Le programme très étoffé a commencé par Mallari (chorégraphie de Kalpana). Elle avait déjà utilisé cette introduction (ou au moins une introduction semblable) au début de son programme lors du Festival “Mouvements émouvants”. Je retrouve d'étonnants ronds de jambes associés à une offrande de fleurs tandis que dans une délicieuse lenteur, la danseuse évoque Shiva en tant que danseur cosmique. Il porte une peau nouée à la taille, le tambour Damaru et se tient sur le buffle Nandi. De façon intéressante, la musique comporte des passages dans lesquels les temps ne sont plus subdivisés en deux ou quatre, mais en trois.
Iran, Morgane, Kalpana, Fanny et Alessandra dans Guru Brahma ©Pierre Fabris
Kalpana et ses quatre élèves interprètent ensuite Guru Brahma, un shloka très connu qui compare le guru aux trois dieux de la trinité hindoue (Brahma, Vishnu, Shiva) et même au Brahman (l'absolu). La présence de plusieurs danseuses permet d'évoquer simultanément plusieurs aspects des divinités. Ainsi, ci-dessus, il est représenté au premier plan, de gauche à droite, comme le danseur cosmique Nataraja, en Yogi et en guerrier. La pièce se conclut par la représentation de rites dévotionnels, comme l'offrande de fleurs.
La pièce suivante Natesha Kautwam est une pièce vive interprétée par Morgane et Fanny qui exécutent les mouvements de deux chorégraphies différentes dues respectivement à Muthuswamy Pillai et Selvam, et réorchestrées par Kalpana. Cette pièce contient un certain nombre d'éléments stylistiques parmi ceux décrits ci-dessus. Dans la chorégraphie interprétée par Fanny, on voit aussi d'impressionnants grands battements comme je n'en avais vu jusqu'à présent que dans la danse classique européenne, le pied se levant parfois jusqu'à la hauteur des épaules. Sur le fond, la pièce évoque Shiva armé du trident qui détruit les démons. Sa monture est Nandi, il porte le croissant de Lune, le tambour Damaru, le cordon sacré. C'est aussi un yogi au regard foudroyant...
Iran et Fanny dans Jatiswaram ©Pierre Fabris
Un des deux très grands moments de la soirée (et plus généralement de mon expérience de spectateur de bharatanatyam) est intervenu lorsque Fanny et Iran ont interprété un Jatiswaram, une pièce de danse pure dans laquelle le texte de la musique est constitué du nom des notes chantées. Les chorégraphies de Muthuswamy Pillai et Selvam sont génialissimes pour toutes les raisons que j'ai esquissées en préambule et elles sont magnifiquement interprétées par les deux superbes danseuses ! Dans la partie de Fanny, j'ai parfois remarqué une posture très proche de la position Tribhang du style odissi : le fait qu'un des pieds soit sur en demi-pointe sur le cou-de-pied crée une dissymétrie qui se propage vers le haut du corps, ainsi les hanches se penchent d'un côté, tandis que le torse se courbe dans l'autre sens.
La pièce suivante Natanam Adinar (chorégraphiée par
Muthuswamy Pillai) fait quelque peu double emploi avec le Natesha
Kautwam dansé précédemment. Il s'agit aussi d'une pièce sur Shiva
comportant des passages de danse extrêmement vive accompagnée
d'onomatopées qui me font penser à la forme du Kautwam. Cette
pièce dansée par Morgane est précédée d'un Shloka (ou plutôt
d'un Viruttam puisqu'il était semble-t-il chanté en tamoul et
non pas en sanskrit). Il m'a semblé distinguer ce qui aurait pu être une
élaboration autour du thème du regard de Shiva qui réduit en cendres un
archer (Kama), mais en lisant après coup le texte du poème, il
m'apparaît que cela illustrait plutôt la phrase Tes sourcils sont
dessinés comme des arcs...
. (C'était bien une histoire entre un œil
et un arc, mais pas tout à fait la même...) D'autres détails sont
évoquées dans la chorégraphie, comme sa bouche, sa chevelure ou les
cendres qu'il s'est appliqué sur le corps et le front. Quand la musique
s'est faite rythmique et que la composition Natanam Adinar
proprement dire a commencé, la danseuse a évoqué des prières adressées à
Shiva. Son tambour Damaru est représenté, mais l'image la plus marquante
est celle de Shiva dans sa pose de danseur cosmique qui revenait comme
un refrain. Cette pose apparaît très fréquemment dans la danse
bharatanatyam, mais il est beaucoup plus rare que soient représentées en
même temps quelques frappes du pied droit qui font trembler l'Univers
(et qui écrasent la tête d'Apasmara, le démon de l'ignorance). Rien que
pour cela, je suis content d'être venu. Le reste de la pièce évoquait le
temple de Chidambaram (ou réside précisément Shiva dans cette forme
appelée Nataraja). Je n'ai pas (encore) visité ce temple, mais il m'a
semblé que la danse faisait référence à des sculptures d'Apsaras, des
danseuses célestes. Plus loin, Shiva est représenté avec sa chevelure
d'où s'écoule la rivière Ganga et il est aussi associé à des
serpents.
La pièce suivante a été des deux grands points culminants de ce
récital. Le superbe Jatiswaram était un sommet de danse pure ;
le Padam Sogasu (chorégraphié par Sangeeta Isvaran) dansé par
Fanny Wiard m'a semblé une merveille dans l'art de l'Abhinaya.
L'héroïne est mariée. Son mari l'appelle, mais elle veut s'unir avec
Krishna, le bouvier à la flûte (Venugopala
comme il est dit dans
le texte du poème), celui avec lequel, malgré son mariage avec un autre,
elle se considère comme unie depuis son enfance (laquelle est évoquée
par le nombre des années qu'elle avait à l'époque et aussi par un jeu de
balle avec ses amies). Peut-être avait-elle secrètement noué ce lien
alors qu'elle regardait fixement une image de Krishna ? Cet amour peut
être assimilé à une forme de dévotion et comme souvent dans la danse
bharatanatyam, les amants sont séparés. L'héroïne compare la situation à
celle du Soleil et d'une fleur de lotus. Ils sont très distants l'un de
l'autre, mais ils sont inséparables : bien que lointaine, c'est la
lumière du Soleil qui permet à la fleur de s'épanouir. Elle le cherche.
Elle entend le son de sa flûte. Elle croit le voir dans les pluies de la
mousson. Elle veut s'unir à Lui, mais il n'est pas là. Rappelée à son
triste sort par son mari, elle ne sait quel parti choisir, mais elle se
tourne espièglement vers Krishna dont elle dérobe la plume de paon !
Bravo et merci à la danseuse pour toutes ces émotions !
La chorégraphie suivante (de Muthuswamy Pillai) dansée par Iran et
Morgane est un Kirtana évoquant délicieusement Murugan.
Choréographiquement, il s'agit d'une forme intermédiaire entre la danse
pure (du Jatiswaram par exemple) et le pur Abhinaya du
Padam précédent. Des pas complexes sont associés à des mouvements
expressifs du haut du corps. Dans sa conférence lors du Festival “Mouvements émouvants”, Tiziana Leucci évoquait la
notion de danseuse orchestre
, le côté rythmique étant assuré par la
moitié basse du corps tandis que la moitié haute est associée à la mélodie.
Certaines pièces mettent en valeur l'un ou l'autre de ces aspects, ou les
deux alternativement dans des sections bien délimitées, mais dans cette
pièce-ci, si ces deux aspects ont parfois été présentés séparément, ils ont
souvent paru simultanément. C'est particulièrement difficile à faire, mais
les deux interprètes étaient très convaincantes, y compris dans la
situation la plus extrême des Tattu Muttu dans lesquels les pieds
répètent inlassablement la même suite de frappes très rapides tandis que le
haut du corps exprime le sens du poème, souvent en forme de récapitulation
avant d'enchaîner sur une autre section. Il était donc question de Murugan,
de sa naissance extraordinaire à sa vieillesse. La tonalité de la pièce est
résolument la dérision. Le poème moque joyeusement le folâtre Murugan ainsi
que d'autres divinités. Murugan est le fils de la coquette Parvati qui l'a
conçu en serrant dans ses bras six lotus. Le résultat est qu'il a six
têtes. Je ne sais plus très bien quel sens cela avait dans le contexte,
mais la chorégraphie a fait référence à Vishnu (portant la conque et le
disque, et reconnaissable au mudra Tripataka) ; sous la forme de Krishna,
il est représenté en bouvier qui conduit le troupeau. Le poème se moque
aussi de Shiva, le père de Murugan, qui apparaissait en mendiant. La
chorégraphie fait référence également à Ganesh, le frère de Murugan qui est
non seulement le dieu de la guerre, mais aussi un sage dans sa vieillesse
(délicieusement représentée par Iran). Après une très belle section de danse
pure dont le texte est constituée du nom des notes (Swaram), cette
pièce de danse se conclut dans la joie.
La pièce suivante est le Javali Marubari chorégraphié par
Kalanidhi Narayanan et dansé par Iran. J'avais déjà vu cette magnifique
danseuse interpréter cette pièce un an auparavant, et c'est un réel de la
plaisir de la (re)voir dans une aussi belle pièce d'Abhinaya.
L'interprétation est peut-être un peu moins polissonne qu'il y a un an,
mais le ton reste résolument espiègle. C'est le printemps, suggéré par le
butinement des abeilles, qui invite aux amours toutes les créatures, les
oiseaux notamment. Une jeune femme est frappée par les cinq flèches de
l'archer Kama, le dieu de l'Amour qui attaque ses sens. Elle ne peut boire
le lait qui lui brûle les lèvres. Sa peau est ardente. Elle est prise d'une
joyeuse ivresse. Elle dit en substance à son amoureux : Cesse de te
jouer de moi. Viens, beau jeune homme. Faut-il que je te supplie ?
. La
pièce se conclut par un échange de regards passionné.
Kalpana a ensuite interprété le Padam Eppadi manam qu'elle avait déjà dansé lors du Festival “Mouvements émouvants”. Certains détails d'interprétation qui m'avaient semblé légèrement confus m'ont paru cette fois-ci plus clairs, cependant, bien qu'il s'agisse d'une pièce chorégraphiée par la très respectée Kalanidhi Narayanan, je n'aime pas la façon dont cette scène du Ramayana est évoquée dans ce poème et dans la danse. Même si l'interprétation était très convaincante dans l'esprit de ce poème, je n'y reconnais pas le personnage de Sita. Pour moi, ce n'est pas une pleurnicharde : elle réagit de façon bien plus forte à l'annonce de l'exil de Rama en forêt. Je ne l'ai reconnue qu'à la toute fin de la pièce quand on comprend qu'elle décide de suivre Rama dans la forêt. Ce détail apparaissant dans les toutes dernières secondes m'avait échappé la première fois ; j'y ai été très sensible cette fois-ci.
Ce magnifique récital s'est conclu par un Tillana que Kalpana a chorégraphié et fait répéter à ses élèves les plus avancées au cours des derniers mois. La structure musicale est tout à fait inhabituelle pour un Tillana. La pièce commence en effet par des notes solfiées, c'est-à-dire que la chanteuse prononce le nom des notes de la mélodie (que l'on peut entendre sur cette vidéo). Cette mélodie est très sommaire, puisqu'elle est quasiment entièrement basée sur les gammes ascendantes et descendantes du Raga Purvi : sur le moment, cela m'a fait penser à des exercices de Sargam que je pratique dans le style dhrupad, qui servent à se familiariser avec un Raga et qui comme les enchaînements ou adavus de la danse bharatanatyam peuvent être pratiqués à diverses vitesses. On entendra plus loin un texte ayant un sens, et me semble-t-il aussi des onomatopées. Le titre Dhrupad n'était pas présent sur la feuille de programme et il n'a pas été non plus prononcé lors des annonces. Cependant, Kalpana l'a indiqué en légende lorsqu'elle en a partagé une photographie, ce qui m'a intrigué. Elle aurait sans doute produit ce texte même si je n'avais pas posé la question, mais il est intéressant de lire sa réponse qui donne par ailleurs des indications sur le processus de création. Si je souscris pleinement à l'idée que le style de musique dhrupad est une recherche du son (dans la pratique matinale du Kharaj ou dans l'introduction mélodique improvisée appelée Alap) et si les exercices de Sargam basés sur la gamme font partie de l'apprentissage du chant ou de l'instrument, ils n'ont absolument pas vocation à être présentés en concert ! Les auditeurs qui auraient apprécié cette musique doivent savoir que ce n'est pas cela du tout ce qu'ils entendront s'ils vont assister à un concert de dhrupad...
Le Tillana de la musique carnatique a des cousins dans la
musique hindustani sous le nom de Tarana. Ces derniers ont
d'ailleurs été utilisés par Sucheta Chapekar dans le style bharatanatyam.
J'ignore de quelle tradition musicale vient la composition utilisée dans le
Tillana de Kalpana, mais comme elle le souligne dans son texte, il
est effectivement intéressant qu'il ne soit pas dédié à une divinité, mais
tout simplement à la musique. (Dans le style dhrupad, outre des
compositions en l'honneur de divinités, je connais au moins deux
compositions qui sont dédiées à la musique, un Tivratal en Raga Jog et un
Chautal en Raga Todi ; j'en connais aussi une faisant l'éloge du vin...)
Cela dit, ce n'est pas non plus unique, puisque j'ai déjà eu l'occasion
d'apprécier un Tillana dansé dans le style bharatanatyam qui était
dédié à la musique (cf. mon billet sur la Chidambaram Dance
Company et cette
vidéo dans laquelle on entend le chanteur prononcer le nom complet des
notes de la gamme indienne : Shadja, Rishabh, Gandhar, Madhyam, Pancham,
Dhaivat, Nishad
).
Je n'ai pas grand'chose de plus à dire sur ce Tillana si ce n'est qu'il était réussi et comportait un important travail sur le placement des cinq danseuses qui partagaient une complicité évidente. Des animaux étaient évoqués dans la chorégraphie, j'ai au moins reconnu un éléphant, un buffle et des oiseaux. La chorégraphe s'est aussi inspirée des magnifiques sculptures du temple Hoysaleshwara de Halebid que j'ai eu l'occasion de visiter en 2011 et qui, s'il est consacré à Shiva, comporte des sculptures sur des thèmes mythologiques et épiques très variés, ainsi que des représentations de scènes de danse...
Shiva, Temple Hoysaleswara, Halebid
(Pour ma série complète de photos de ce temple à Halebid, suivez ce lien.)
Dans le texte de Kalpana signalé plus haut, elle fait aussi référence au contrepoint. Ce n'est sans doute pas un hasard si la pièce de danse contemporaine la plus bouleversante à laquelle j'aie assisté est The Fugue de Twyla Tharp...
Je ne pourrai malheureusement pas assister au spectacle de fin d'année de Kalpana et de ses élèves le 29 mai, mais n'hésitez pas à y aller. Les détails pratiques devraient apparaître sur le site de l'association Hamsasya.
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