Weblog de Joël Riou

« Sreyashi Dey et ses filles au Centre Mandapa | Valérie Kanti Fernando au Centre Mandapa »

Anusha Cherer au Centre Mandapa

2015-06-12 13:45+0200 (Orsay) — Culture — Danse — Danses indiennes — Culture indienne

Centre Mandapa — 2015-05-19

Anusha Cherer, danse bharatanatyam

Shambhu Natanam (Khandachapu Tala)

Ananda Nadamitan Pada (Adi Tala)

Ardhanarishwara Ashtakam (Raga Megh, Adi Tala)

Jaya Durge (Adi Tala)

Shringara Lahari (Adi Tala)

Tillana (Raga Amritavarshini, Adi Tala)

Ce récital de bharatanatyam d'Anusha Cherer que je voyais danser pour la première fois n'avait pas la forme traditionnelle Margam : cela a été un récital thématique sur le thème de Shiva & Shakti. Toutes les pièces du récital ont été consacrées à ces divinités. Aucune des pièces n'était de danse pure, mais pourtant la technique a joué un rôle très important dans la plupart des pièces du récital ; les gestes signifiants évoquent divers aspects ou attributs des divinités, mais ne racontent pas véritablement d'histoire. On est davantage dans l'évocation que dans la narration. Je n'avais malheureusement pas pu assister à un autre de ses récitals il y a quelques mois qui était centré sur le thème de Krishna, pour lequel le répertoire de pièces d'Abhinaya est vaste : dans la mythologie hindoue, le personnage de Krishna apparaît bien plus terreste ou humain que Shiva... Il existe cependant dans le répertoire quelques pièces élaborées de pur Abhinaya mettant en scène Shiva ; il est par exemple possible de raconter sa rencontre avec Parvati. Il n'y a pas eu de pièce de ce type dans le récital d'Anusha Cherer. C'est a priori dommage, mais au final, cela ne m'a pas tant gêné puisque l'avant-dernière pièce du récital sera émotionnellement aussi passionnante que bien des pièces élaborées d'Abhinaya. La technique de la danseuse mise en valeur dans les pièces les plus vives révèle une exquise association entre un haut du corps élégant et une échelle d'intensité rarement observée dans les frappes de pieds. J'ai déjà eu l'occasion d'être presque horrifié par des frappes de pieds uniformément violentes (cf. le récital d'odissi de Lingaraj Pradhan et Sanjukta Dutta). Dans son récital, Anusha Cherer a fait au contraire un usage intéressant de la dynamique, certaines frappes de pieds étant davantage marquées que d'autres, et ce de façon intéressante dans le contexte de la pièce interprétée. Le fait de centrer un récital sur un thème donné fait courir le risque de présenter un propos qui se répète quelque peu au cours du récital. Malgré le thème commun de Shiva et Shakti pour toutes les pièces, le récital d'Anusha Cherer a été ainsi construit que je n'ai pas éprouvé de sentiment de déjà vu pendant le spectacle.

La première pièce du récital est Shambhu Natanam chorégraphié par Vidhya Subramanian ; celle-ci l'avait d'ailleurs interprétée lors de ses récitals aux Musée Guimet. Le rythme à cinq temps est très marqué dans cette pièce, les pieds répétant souvent les pas correspondant aux syllabes ta-ka-ta-ki-ta. J'ai été étonné par une partie du texte de présentation décrivant Shiva comme destructeur des trois mondes : la chorégraphie et le texte le décrivent semble-t-il davantage en destructeur de la triple ville de Tripura.

La pièce suivante évoque joyeusement Shiva. Comme dans la pièce précédente, les mouvements du haut du corps sont très souvent accompagnées de frappes de pieds Tattu Muttu utilisant cette fois-ci quatre subdivisions plutôt que cinq. Shiva est représenté en yogi, avec sa chevelure et sa peau de tigre. On le voit aussi écraser le démon de l'ignorance Apasmara. Le chant de son épouse Parvati est comparé à celui d'un oiseau. Dans le détail de la chorégraphie, j'ai particulièrement apprécié un très élégant rond de jambe à terre se terminant en pirouette. La pièce s'est terminée sur une pose exigeant une certaine souplesse. Dans une des pièces du récital, je ne sais plus si c'est celle-ci ou une autre, la danseuse a adopté une autre pose caractéristique de Shiva qui est rarement représentée : la danseuse se tient droite, la jambe gauche est tendue vers le côté (opposé) et elle attrape son pied avec sa main. Je n'avais vu cette prouesse que deux fois avant ce récital. (Les circonstances ont fait que j'ai eu dans les jours qui suivirent ce récital d'autres occasions d'observer, voir de tenter d'adopter cette position...)

Anusha Cherer
Anusha Cherer ©Gaëlle Devulder

La pièce suivante Ardhanarishwara Ashtakam a été chorégraphiée par Rama Vaidyanathan. L'introduction de l'enregistrement musical de cette pièce est une des plus belles musiques qu'il m'ait été donné d'entendre lors d'un récital de danse. Il s'agit d'un duo de flûtes. La pièce dansée met ensuite en scène un duo de personnages, Shiva et Parvati, et la danseuse passe élégamment d'un personnage à l'autre. La danse de Shiva est accompagnées d'onomatopées tandis que les sons les plus mélodieux accompagnent celle de Parvati. Ils sont unis, mais différents. Parvati porte de la poudre rouge sur le front tandis que celui de Shiva est recouvert de cendres. Le sourire de Parvati contraste avec le regard foudroyant de Shiva. L'un est le lingam, l'autre est le yoni. La pièce comporte des moments de danse extrêmement vifs !

Vient ensuite Jaya Durge (chorégraphie de Vidhya Subramanian), une pièce en Adi Tala (8 temps) mais ayant comporté une introduction rythmique en Khanda Chapu (5 temps). La pièce représente Durga comme victorieuse de Mahishasura et de Shumbha. Elle identifiée à la connaissance symbolisée par les quatre Veda. La chorégraphie évoque les armes qu'elle porte à ses huit bras. Le caractère dévotionnel de cette composition est représenté par de joyeux rites d'adoration. La pièce se termine sur une pose caractéristique de la Déesse portant le trident, un des pieds montant à la hauteur de l'autre genou (retiré).

Dans les pièces précédentes, la danseuse a fait preuve de très belles qualités d'interprétation dans des chorégraphies aux rythmes très vifs. Cependant, en général, ce ne sont pas ces pièces-là qui m'impressionnent le plus. La pièce qui va suivre et chorégraphiée par U. S. Krishna Rao n'est pas exactement une pièce de pur Abhinaya comme le sont la plupart des Padam et les Ashtapadi. Le rythme est en effet très important dans cette pièce Shringara Lahari (Adi Tala). Néanmoins, le tempo est lent et la musique méditative créée une atmosphère propice à l'exaltation des sentiments qui lient Parvati à Shiva. Cette magnifique pièce a été à mon goût la plus émouvante du récital. Parmi les détails de la chorégraphie, je retiens le chant de Parvati qui a séduit Shiva, son visage en forme de Lune et la comparaison entre ses cheveux et un essaim d'abeilles.

Le récital s'est conclut par un Tillana en Adi Tala et Raga Amritavarshini, celui-là même qu'avait interprété Vidhya Subramanian au Musée Guimet. Le texte et la chorégraphie évoquent Muruga, le fils au beau visage de Shiva et Shakti. En me relisant, je constate que je ne l'avais déjà pas trop mal compris au premier visionnage :-) mais cette fois-ci cela m'a semblé absolument limpide. La monture de Muruga est le paon, et ainsi la danse d'Anusha Cherer se métamorphose en celle d'un paon dans la fin de la pièce. Ce passage-là était absolument irrésistible !

Anusha Cherer
Anusha Cherer ©Gaëlle Devulder

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