Weblog de Joël Riou

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Chennai, Jour 6/12 : Subas Pani, T. V. Sankaranarayanan, Vidhya Dinakanam, Deepika Potarazu, Anita Ratnam

2013-12-30 12:55+0530 (சென்னை) — Culture — Musique — Danse — Danses indiennes — Culture indienne — Voyage en Inde XII

Je commence à avoir mes petites habitudes à Chennai. Des Appams avec lait de coco au petit déjeuner, une Lec-Dem le matin, le programme de danse de 14h au Narada Gana Sabha à l'issue duquel je file pour assister à ceux du Sri Krishna Gana Sabha. J'arrive à ne même plus stresser quand j'ai à peine plus de vingt minutes devant moi pour aller d'une salle à une autre. Pourtant, monter dans un rickshaw ouvre la porte à l'imprévu. Cela peut être sordide : par exemple, je ne sais pas ce qui est le pire entre la vue de ce mendiant ayant une plaie ouverte au pied et la réaction du rickshaw-wallah réagissant par un cinglant Tricks!. Pour contourner les nombreux sens interdits, le chauffeur peut prendre les détours les plus invraisemblables qui soient. Je suis tombé plusieurs fois sur des chauffeurs qui ne connaissaient pas le Sri Krishna Gana Sabha. Ce fut ennuyeux la toute première fois que j'y suis allé... mais comme j'ai appris à connaître le chemin, je peux maintenant l'indiquer au chauffeur.

The Music Academy, Kasturi Srinivasan Hall, Chennai — 2013-12-28 à 08:05

Dr. Subas Pani

Lecture Demonstration: Music and mantras in Gita Govinda

Come les fois précédentes, le chairman de cette lecture-demonstration est Dr. Pappu Venugopalarao, mais cette fois-ci Sudha Ragunathan n'est pas présente. Le visage d'Archana qui chante la prière est resté caché derrière l'ecran de l'ordinateur portable du conférencier posé sur le pupitre. Il aura fallu qu'un spectateur signale le problème pour que l'on puisse enfin voir le visage de Subas Pani. Sa conférence sur le Gita-Govinda et la manière de le chanter est peu intéressante. Ses opinions se font d'ailleurs démolir quand la parole est donnée au public pour des questions et réponses. À ce jeu, le chairman n'est pas en reste... Une personne présente dans la salle a tenté de les réconcilier en disant que le chairman avait un point de vue de scholar tandis que l'orateur adoptait celui du devotee...

The Music Academy, T.T.K. Auditorium, Chennai — 2013-12-28 à 09:15

T.V. Sankaranarayanan, chant

Mysore M. Nagaraj, violon

Mannargudi A. Easwaran, mridangam

B. Shree Sundarkumar, kanjira

Après la conférence, je me dirige immédiatement vers la grande salle de la Music Academy pour le concert de T. V. Sankaranarayanan. Je ne suis pas certain d'avoir d'autre occasion d'assister à un concert à la Music Academy. J'ai choisi celui-ci parce que j'avais un trou dans mon emploi du temps et je pense avoir fait une bonne pioche !

Dans les compositions (utilisant des cycles rythmiques à 6, 7 ou 8 temps), le chant alterne entre T. V. Sankaranayanan et un autre chanteur, plus jeune, qui l'accompagne. Les improvisations en Sargam sont particulièrement enthousiasmantes. Les Alap le sont aussi. Comme Balamuralikrishna, ce chanteur n'utilise pas les syllabes habituellement utilisées par les chanteurs carnatiques, mais des mots ayant un sens. Sans utiliser un vers tout entier, T. V. Sankaranayanana utilise des mots qui trahissent certainement le courant religieux auquel il appartient : Hari, Narayana, Govinda, Rama. Il est impressionnant de voir la salle pleine malgré l'heure matinale se lever d'un seul mouvement pour consacrer au chanteur expérimenté une standing ovation !

En passant dans un quartier musulman, j'ai réussi à mettre la main sur un exemplaire du Musalman, le tout dernier journal au monde à être mis en forme à la main par des calligraphes ! J'ai bien eu peur que ce jounral en ourdou ait fermé puisqu'au 324 de la Triplicane High Road, il n'y avait rien qui ressemblât à un journal. J'ai suivi le sens des numéros décroissants qui correspond à l'ordre croissant de l'ancienne numérotation de la rue. Et là, autour du 324, je vois un marchant de journaux qui me dit que je suis habillé comme un nawab (ayant mis une sorte de sherwani). Il m'offre l'exemplaire du jour. Je passe devant le siège du journal que je prends en photo, mais ne sachant pas très bien ce que j'aurais pu dire si j'étais entré, j'en suis resté là.

Sri Krishna Gana Sabha, Kamakoti Gana Mandir Hall, Chennai — 2013-12-28 à 16:00

Vidhya Dinakanam, danse bharatanatyam

Excellent récital d'une jeune danseuse de bharatanatyam ! Les chorégraphies sont également magnifiques. La première pièce est un kirtana Ganesh Vandanam. Il s'agit d'une offrande de fleurs à Ganesh dont la danseuse met en valeur la trompe, les oreilles et le fait qu'il soit un scribe (selon certaines légendes, il aurait écrit le Mahabharata sous la dictée du sage Vyasa). Cette danse est très rythmée !

La pièce suivante est consacrée à la déesse Shakti, qui symbolise les quatre Vedas, qui est adorée par Brahma, Vishnu et Shiva. La pièce est extrêmement vive ! L'impression procurée par le trident et la peau de tigre n'en est que plus saisissante, et plus que tout, les yeux de la danseuse donnent à son regard une intensité sidérante.

La pièce principale du récital est un Varnam (chorégraphié le nattuvanar Sri Narendra Kumar) en l'honneur de Shiva (Om Namah Shivaya). Son chignon est très stylisé par ses deux mains que la danseuse maintient en hauteur de façon très prolongée ! Elle suggère aussi le serpent, Ganga, ses cheveux puissants, le tambour Damaru. La pièce met ensuite en scène la dévotion à Shiva par des offrande de fleurs, le fait de verser du lait sur le lingam et l'offrande de feu.

Le plus grand moment du Varnam est celui mettant en scène le jeune Markandeya, dévôt de Shiva. Il est attaqué par le dieu de la mort Yama qui est venu sur sa monture (un buffle assez rustique). Alors qu'il est sur le point d'être étranglé, Shiva intervient pour récompenser la dévotion de Markandeya. La divinité résidant à Chidambaram est ensuite montrée (Nataraja), ainsi que la rivière Ganga, et plus étrangement Vishnu sur le serpent Shesha (c'est tellement beau à voir que j'apprécie son apparition même si je ne comprends pas ce qu'il fait là !). Plus loin, Shiva est représenté assis, portant Damaru.

La séquence suivante évoque la nature : poissons, oiseaux, antilopes allant s'abreuver à la rivière. Le Varnam se conclut par une récapitulation de tout ce qui a été montré jusque là.

Intervient ensuit un Padam évoquant une héroïne séparée de Muruga. Si le travail de la danseuse sur les yeux était jusque là exceptionnel, on est passé dans une autre dimension quand je me suis rendu compte que d'authentiques larmes coulaient depuis l'œil droit de la danseuse...

Le récital continue avec une magnifique évocation d'Ardhanarishwara. Il me semble que la composition de Muthuswami Dikshitar est à six temps. Pendant certaines séquences de la pièce, la danseuse utilisait les trois premiers temps du cycle pour évoquer la composante masculine (Shiva) de la divinité androgyne et les trois derniers temps pour évoquer la composante féminine (Parvati).

Le récital s'est terminé par un éloge de Nandi (commençant par de la danse pure avant que n'intervienne le shloka).

Sri Krishna Gana Sabha, Kamakoti Gana Mandir Hall, Chennai — 2013-12-28 à 17:30

Deepika Potarazu, danse kuchipudi

La danseuse de kuchipudi Deepika Potarazu est disciple de Vempati Chinna Satyam et de Vempati Ravishankar (nattuvanar). Il ne m'a pas beaucoup ému, mais j'ai trouvé ce récital délicieux. La position du dos de cette danseuse de kuchipudi me semble plus courbée que dans le bharatanatyam où il est censé rester droit. La première pièce est un éloge de Ganesh. La pièce principale est un Tarangam incluant le traditionnel numéro de danse sur plateau de laiton, très bien exécuté. Cette pièce évoque l'espiègle Krishna qui vole du beurre et fait d'autres bêtises qui suscitent des réprimandes mais aussi de l'admiration de la part de Yashoda et des autres femmes de Vrindavan. La représentation de Krishna en flûtiste inclue des mouvements de doigts sur la flûte (la plupart des danseuses le représentent avec des doigts immobiles). Sa position décontractée est soulignée par de délicats mouvements de hanches.

Le magnifique Padam qui suit est sur un thème voisin : l'héroïne demande à son amie de lui ramener Krishna (sous le nom de Venugopalan).

Le Tillana final m'a semblé un peu long et répétitif, malheureusement.

(Je remarque que toutes les entrées de la danseuse se sont faites par le côté jardin, près de l'orchestre.)

(Dans le maquillage de cette danseuse de kuchipudi et d'autres danseuses de bharatanatyam vues ces derniers jours, je remarque la présence d'un point suggérant un grain de beauté sous la commissure gauche des lèvres.)

Sri Krishna Gana Sabha, Dr. Nalli Gana Vihar, Chennai — 2013-12-28 à 19:30

Anita Ratnam, danse neo-bharatam

Lamentable spectacle ! Comment une danseuse aussi talentueuse qu'Anita Ratnam peut elle se fourvoyer ainsi dans un programme intitulé Neelam et annoncé comme étant du Neo-bharatam. Je dirais plutôt Nullo-bharatam. La pièce (qui utilise de la musique enregistrée provenant de sources diverses) est centrée sur Vishnu et m'a semblé bien déprimante, alors que son avatar Krishna inspire plutôt une dévotion joyeuse, en principe. Je n'ai pas tellement envie de détailler mes impressions, mais le plus grand défaut de cette pièce est qu'il y avait très peu de danse, exécutée de façon très très lente. Je n'ai rien contre la lenteur ou même l'illusion de l'immobilité quand le regard exprime quelque chose, ce qui n'était pas le cas ici... En vitesse normale, il devait y avoir pour dix minutes de danse maximum. L'autre gros défaut résidait dans les atroces interludes de flûte (jouée en direct) entre les quatre parties de la pièce. Toutefois, je retiens une plutôt bonne impression de la dernière partie qui revenait sur des épisodes du Ramayana (arc de Shiva, exil en forêt de Rama et Sita, celle-ci devant enlever ses bijoux, la biche dorée, l'enlèvement, l'intervention de Jatayus, la construction du pont, la flèche lancée par Rama pour tuer Ravana). Cependant, on était davantage dans l'évocation plutôt que dans la narration. Bref, ce spectacle a été une énorme déception pour moi.

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