Weblog de Joël Riou

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Une composition de dhrupad : “Bhajamana”

2012-06-08 21:00+0200 (Orsay) — Culture — Musique — Culture indienne — Dhrupad

J'ai commencé à prendre des cours de chant dhrupad en février. J'ai déjà décrit mes impressions à chaud après un premier cours et une journée de stage.

Pour le moment, en cours, nous faisons essentiellement trois types d'exercices. Le premier type d'exercice, que nous faisons toujours en début de séance consiste à bien assimiler les notes de la gamme, en montant, en descendant ou en faisant quelques détours, toujours en prononçant le nom des notes : Sa, Re, Ga, Ma, Pa, Dha, Ni, Sa. Cela peut être dans le mode majeur standard, la seule différence étant que les notes ne sont plus appelées do, ré, mi, fa, sol, la, si, do ; cela peut aussi être dans un raga spécifique (depuis quelques semaines, c'est Bhairav, cf. le billet de Klari sur le concert de Nirmalya Dey). Un autre type d'exercice consiste à reproduire des phrases musicales qui pourraient faire partie d'un Alap. Pour le moment, ces phrases font rarement intervenir plus de trois ou quatre notes, mais il faut faire particulièrement attention au phrasé et dans la phase d'écoute, il faut aussi s'entraîner à reconnaître les notes. Je suis loin d'être au point de ce côté-là, mais il y a du progrès : cela me fait un peu moins paniquer maintenant qu'au tout début.

Le troisième type d'exercice consiste en le fait de travailler une composition de dhrupad, sans chercher à improviser, pour le moment... La première que nous avons étudiée est dans le Raga Yaman. Le Ma est un Tivra Ma (noté ma). Autrement dit, le fa est remplacé par un fa# et c'est la seule altération. Pour autant, il ne faut pas croire que c'est un morceau en sol majeur, pas plus qu'en mi mineur (consultez votre musicien-musicologue préféré pour plus de détails sur les modes).

Voici une retranscription (approximative) en devanagari d'une transcription latine du texte en Braj Bhasha (une langue proche du hindi) :

भज मन करुणा निधान
सुखसँ पद एकदम
शरण गत वत्सल प्रभु
पूराता सब मन सुखाम

Vu les quelques mots que je puis trouver dans mon dictionnaire de hindi, il est manifestement question d'une divinité importante (Krishna ?), qui n'est toutefois pas explicitement nommée.

Quand je travaille cette composition tout seul, j'aime bien savoir si les notes que je chante sont en quelque sorte corrélées avec les notes prévues... En faisant l'acquisition de mon piano électrique, j'avais acheté un métronome (électrique aussi). Je désespère d'arriver à faire honneur à la vocation première de ce gadget. J'utilise en effet bien davantage son autre fonction Tuner, qui est en fait double. L'engin peut d'une part jouer un son pur à une certaine hauteur et d'autre part reconnaître la note que quelque quidam jouerait à proximité ; c'est cette dernière fonction que j'utilise. Une belle lumière verte s'allume quand la note est juste ; sinon, des flèches indiquent dans quel sens on joue faux. Cela ne fonctionne pas trop mal avec ma voix. Cependant, quand je tiens une note un certain temps, l'appareil détecte la bonne note au début, puis tend à afficher la note située une quinte au-dessus. Autrement dit, l'appareil entend un peu trop les harmoniques...

Même si je ne suis pas expert en traitement du signal, je sais ce qu'est une transformée de Fourier, donc je me suis décidé à faire un petit programme affichant non seulement la note jouée, mais la courbe parcourue dans le temps ! puisque comme je l'avais remarqué lors du stage de début février, en chant dhrupad, la courbe est tout sauf anguleuse. Voici ce que cela donne quand je chante :

Bhajamana karuna nidhana

(Stricto sensu, je n'ai pas représenté la courbe mais une suite de points...)

Le temps s'écoule vers la droite, les notes les plus hautes sont en haut. Les lignes horizontales correspondent aux notes du raga (dont j'ai indiqué à gauche les noms). La fondamentale (Sa) est en rouge. Une quinte au-dessus, le Pa est en bleu. Les autres notes sont en pointillés (entre deux notes consécutives, les intervalles font ici soit un demi-ton soit un ton, mais cela peut être différent dans d'autres ragas, et dans ce Raga Yaman, on peut signaler que la gamme ascendante commence par le Ni et passe directement au Re en omettant le Sa, ce qui fait un intervalle d'un ton et demi...). Le Sa de base est pour moi à peu près une octave en dessous du do du milieu du clavier (là, il se trouve que c'était un si, peu importe, ça doit être mon côté baroqueux). Sous le graphique, j'ai mis une transcription approximative de ce que j'essaie de chanter (le Sa étant représenté par un do). La portée et le graphique sont vaguement alignés. Le tala est ici Chautal. C'est un cycle à 12 temps dont j'ai représenté en pointillés sur la portée les subdivisions en trois parties représentant chacune quatre temps. (Chaque temps doit faire environ 1 seconde et demie.)

Au début des cours, en première approximation, dans le karuna du milieu, on ne chantait que les notes ma-ma-pa. Plus d'une fois sur deux, la proximité entre les deux notes faisait que je tombais directement sur le pa. Progressivement, j'ai pu faire la petite glissade du ma vers le ga. La note suivante sur la syllabe ru est très ornementée aussi, je ne saurais même pas comment la noter sur la partition. La hauteur monte un peu jusque vers le pa, puis on est censé se poser sur le ma. On peut voir ici que je me suis posé un peu trop haut. (Presque tous les ma que vous verrez plus bas seront un peu faux aussi, chacun différemment.)

Dans le dernier tiers du cycle, on a un petit glissando du ma vers le ga. Au début, je le faisais un peu vite, maintenant je peux le faire durer un temps comme ci-dessus comme le fait la prof sur l'enregistrement qu'elle nous a envoyé.

Sukhasam pada ekadama

Dans le premier tiers de ce deuxième cycle, la syllabe sam est nasalisée et il faut glisser en faisant attention à s'arrêter sur le ma avant de se reposer tranquillement sur la rassurante note pa. Il faut en effet attaquer une phrase rigolote sur le mot ekadama où l'on ne s'arrête pour ainsi dire pas de glisser d'une note à une autre...

Sharana gata vatsala prabhu

Ici aussi, la notation est imparfaite. La double glissade ga-re-ga ne concerne semble-t-il que la voyelle a de la syllabe na, le n devant être à une hauteur que je ne suis pas sûr de bien saisir (ni, ou sa ?).

Purata saba mana sukama

Encore un ma un peu faux avant de jouer aux montagnes russes sur les notes aiguës.

(Si vous voulez voir la courbe toute entière, cliquez-ici. Ceci vaut aussi pour les quatre portées de la partition.)

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