« Quelques jours au Festival de Radio France à Montpellier | Planning d'août 2013 »
2013-08-04 12:43+0200 (Orsay) — Culture — Musique — Opéra — Danse
Contrairement à ce que l'on pourrait imaginer, la ville de Salzburg n'est pas hors de prix. Il est vrai que lorsque l'on pénètre dans le Großes Festspielhaus ou le Haus für Mozart, on a l'impression de faire la montée des marches au festival de Cannes, les hommes ayant presque tous veste et nœud papillon ou cravate et les dames des robes de soirée, qui en comparaison font d'une soirée de gala à l'Opéra de Paris une petite fête paysanne. Ce qui est vrai en revanche, c'est que la ville est obsédée par le jeune prodige Mozart qui y est né ; le physicien Christian Doppler aussi, mais cela se voit moins quand on parcourt les ruelles de la vieille ville. Il serait intéressant de connaître la proportion des visiteurs estivaux de Salzburg qui fréquentent le festival. La veille ville est en effet infestée de touristes, et à supposer que le commerce y soit prospère, ceux-ci semblent plus intéressés par les chocolats Mozart et autres produits dérivés que par la musique de Mozart. Cela dit, j'ai aussi mangé ma dose de ces chocolats et pus opportunément acheter juste avant qu'il pleuve un parapluie décoré de partitions.
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Haus für Mozart, Salzburg — 2013-07-27
Rolando Villazón, Lucio Silla
Olga Peretyatko, Giunia
Marianne Crebassa, Cecilio
Inga Kalna, Lucio Cinna
Eva Liebau, Celia
Francesco Corti, clavecin
Marie McDunnough, Julia Sedwick, Cynthia Smithers, Magdalena Vasko, Jones Henry, Kevin Kong, Jeremy Nasmith, Jack Rennie, Edward Tracz, danseurs
Marc Minkowski, direction musicale
Marshall Pynkoski, mise en scène
Antoine Fontaine, décors et costumes
Jeannette Zingg, chorégraphie
Hervé Gary, lumières
Aloïs Glaßner, chef de chœur
Les Musiciens du Louvre-Grenoble
Salzburger Bachchor
Lucio Silla, KV 135 (Mozart)
La plus grande satisfaction de ce festival, aussi haute qu'inattendue a été pour moi cette représentation de Lucio Silla, la première de la reprise de cette production déjà jouée lors de la Mozartwoche en février 2013.
La production est traditionnelle. Le décor unique représente une sorte d'atrium me semble être un décor générique qui pourrait servir à représenter n'importe quel opéra. Les costumes sont d'époque, ce qui ne signifie pas que les chanteurs portent des costumes plaçant l'action à Rome au premier siècle avant Jésus-Christ (comme le fait timidement le décor), mais plutôt en Europe il y a quelques siècles de cela (peut-être du temps de Mozart ?). La dizaine de danseurs apporte une décoration supplémentaire à ce tableau. Au milieu de l'avant-scène est disposée une petite rallonge de scène souvent utilisée par les chanteurs ; ils peuvent ainsi être certains d'être bien au milieu de la scène pour chanter leurs airs. Malgré tous les aspects traditionnels de cette production, je trouve qu'elle est réussie. En effet, les sonorités produites par l'orchestre sont merveilleuses. Le caractère très engagé des Musiciens du Louvre-Grenoble dirigés par Marc Minkowski assorti à la bonne acoustique de la salle rend tellement vivante cette musique. Je n'imaginais pas prendre autant de plaisir à l'écoute d'un opéra de jeunesse de Mozart (disons avant Idomeneo), et ce d'autant plus que l'histoire se finit par un happy ending invraisemblable comme souvent chez le jeune Mozart : pour laisser une trace heureuse dans l'Histoire, Lucio Silla fait volte-face en décidant de rendre tout le monde heureux. Par ailleurs, j'ignore si le livret y fait référence, mais la mise en scène suggère une relation incestueuse entre Lucio Silla et sa sœur Celia.
La distribution vocale est sans faille ! Des quatre chanteuses (dont deux travesties), celle qui remporte le plus de suffrage est évidemment Marianne Crebassa dans le rôle de Cecilio. Elle fait d'ailleurs une forte impression dans la scène d'escrime magnifiquement chorégraphiée, et j'ai particulièrement aimé l'air qu'elle a chanté accompagnée de seulement quatre musiciens constituant un quatuor à cordes. Si Rollando Villazón ne m'a semblé qu'à moitié convaincant dans les deux premiers actes, il a fait des merveilles dans le troisième !
Ailleurs : il tenero momento.
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Mozarteum, Salzburg — 2013-07-28
Gereon Kleiner, orgue
Mozarteumorchester Salzburg
Ádám Fischer, direction
Sonate d'église pour orchestre et orgue en do majeur, KV 278 (Mozart)
Jörg Widmann, clarinette
Concerto pour clarinette en la majeur, KV 622 (Mozart)
Sonate d'église pour orgue et orchestre en do majeur, KV 329 (Mozart)
Symphonie nº6 Pastorale (Beethoven)
Le dimanche matin avait lieu une Mozart-Matinee au Mozarteum. En première partie, entre deux sonates d'église anecdotiques de Mozart (avec un orgue inaudible dans la première), le programme comportait le concerto pour clarinette en la majeur. Si l'orchestre m'a paru très convaincant et très engagé, le clarinettiste Jörg Widmann ne m'a pas autant plu que Romain Guyot dont l'interprétation à Dijon m'avait semblée plus incarnée. Le musicien a fait le choix de jouer peu d'ornementations (voire pas du tout) et ses notes aiguës passaient souvent difficilement. Bref, si l'écoute de cette œuvre ne m'a pas paru désagréable, elle ne m'a pas mis en transe.
Après l'entr'acte, l'orchestre a joué tout autre chose : la Symphonie Pastorale de Beethoven. On n'a à mon avis pas atteint les sommets de l'interprétation du Chamber Orchestra of Europe dirigé par Bernard Haitink, pourtant quelle belle interprétation que celle qu'ont donné ces musiciens déchaînés sous la direction d'Ádám Fischer (qui dirige cette œuvre de mémoire) ! Mon placement dans la salle ne me permettait de voir que la moitié droite de l'orchestre, mais fort heureusement le timbalier était en plein milieu de mon champ de vision. Dans le quatrième mouvement, je n'ai regardé que lui. Après avoir mis ses lunettes précautionneusement, il a paisiblement attendu le moment de son entrée pour déclencher un orage inouï !
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Großes Festspielhaus, Salzburg — 2013-07-28
Dorothea Röschmann, soprano
Michael Schade, soprano
Florian Boesch, basse
Wiener Philharmoniker
Konzertvereinigung Wiener Staatsopernchor
Nikolaus Harnoncourt, direction
Ernst Raffelsberger, chef de chœur
Die Jahreszeiten, Joseph Haydn
La raison de ma venue à Salzburg était ce concert dans lequel Nikolaus Harnoncourt allait diriger les Wiener Philharmoniker dans Les Saisons de Haydn. Je m'attendais à ce que de concert salzbourgeois fût très bon, voire extraordinaire, mais je n'imaginais pas un seul instant en ressortir avec un sentiment d'amère déception. Heureusement, j'aimais déjà Haydn avant d'entrer dans le Großes Festspielhaus, et tout particulièrement Les Saisons dont je garde un souvenir émerveillé de l'interprétation de John Elliot Gardiner à Pleyel il y a quatre ans. En effet, sinon, ce concert m'aurait dégoûté de Haydn...
Les problèmes sont apparus dès la toute première mesure de l'œuvre. Les musiciens ne jouaient tout simplement pas ensemble. Les violents coups de timbales étaient un bon gros quart de seconde en avance sur les cordes. Ensuite, le volume sonore des Wiener Philharmoniker a pratiquement toujours été très faible. Dans ces conditions, les si délicieux passages dans lesquels Haydn fait imiter les sons des animaux par l'orchestre ne pouvaient guère se distinguer. Le seul passage de ce genre dont je me souvienne est celui évoquant le son des abeilles. Quand le volume sonore augmentait, comme dans l'orage intervenant dans l'Été, c'était avec une brusquerie assez déplaisante. Dans l'accompagnement des récitatifs, si j'ai apprécié le musicien jouant du pianoforte, celui qui officiait au violoncelle m'a paru produire des sons insipides, alors que j'ai souvent eu l'occasion de m'extasier devant le talent des violoncellistes ou gambistes accompagnant des récitatifs (Nils Wiebolt et Atsushi Sakaï sont les premiers noms qui me viennent à l'esprit). Ce n'était pas du tout, mais alors pas du tout baroquisant. Si les chanteurs n'ont globalement pas démérité, comme les musiciens des Wiener Philharmoniker, ils ont exécuté l'œuvre de façon très austère, complètement désincarnée, sans vie. Les trois rôles ont pourtant des noms ! Ils s'appellent Hanne, Lukas et Simon...
Si certains musiciens de l'orchestre se sont parfois brillamment distingués (les cornistes semblent appartenir à un autre monde !), mon unique satisfaction est venue du chœur de l'Opéra d'État de Vienne. La seule des quatre parties de l'œuvre qui m'aient un peu plu a en effet été l'Automne, et cela tient surtout au chœur qui a égaillé l'ambiance par son interprétation de la chanson à boire à la fin de cette partie.
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Haus für Mozart, Salzburg — 2013-07-29
Ambrogio Maestri, Sir John Falstaff
Fiorenza Cedolins, Mrs. Alice Ford
Massimo Cavalletti, Ford
Eleonora Buratto, Nannetta
Elisabeth Kulman, Mrs. Quickly
Stephanie Houtzeel, Mrs. Meg Page
Javier Camarena, Fenton
Luca Casalin, Dott. Cajus
Gianluca Sorrentino, Bardolfo
Davide Fersini, Pistola
Zubin Mehta, direction musicale
Damiano Michieletto, mise en scène
Paolo Fantin, décors
Carla Teti, costumes
Alessandro Carletti, lumières
rocafilm, vidéo
Christian Arseni, chef de chœur
Walter Zeh, chef de chœur
Wiener Philharmoniker
Philharmonia Chor Wien
Falstaff (Verdi)
Cette représentation de Falstaff m'a paru fort agréable. Sans être éblouissants collectivement, les Wiener Philharmoniker sonnent bien mieux que la veille ! Les solos des musiciens de l'orchestre sont très souvent délicieux. Dans les ensembles, les qualités individuelles des musiciens ont toutefois tendance à se perdre, notamment quand à la fin de certains passages le chef Zubin Mehta lâche les décibels...
La production, sans être géniale, est tout à fait plaisante. Le concept est semble-t-il de représenter le compositeur Verdi vieillissant, écrivant son dernier opéra comme si c'était pour lui un cauchemar dans lequel il est identifié au personnage de Shakespeare. Ce personnage prenant le temps de ce rêve la place de Falstaff pourrait aussi bien être plus simplement un musicien retraité anonyme hanté par Verdi, ce n'est pas tout à fait clair pour moi.
Tandis que les spectateurs prennent place dans la salle, des images de la Casa Verdi contemporaine sont montrées en plan fixe comme pour en souligner la monotonie. Au lever du rideau, on entre dans l'institution, qui est une maison de retraite pour musiciens. Alors qu'en principe cet opéra de Verdi commence sans préambule, on voit ici un pianiste jouer pour les pensionnaires des morceaux de musique dans lesquels on peut reconnaître des extraits d'opéra de Verdi. Cette musique va en quelque sorte infuser dans l'esprit du personnage, qui va, selon l'interprétation, revivre l'histoire de Falstaff ou composer l'opéra que l'on est en train de voir. Le côté onirique de cette vision permet de ne pas traiter de façon littérale certaines scènes, en particulier dans la fameuse scène où le panier dans lequel Falstaff s'est caché est en principe jeté dans la Tamise.
Sans être éblouissants, les chanteurs m'ont paru plutôt bons. Toutefois, je garde un meilleur souvenir des interprètes des rôles féminins de la seule autre représentation de Falstaff à laquelle j'aie assisté (au TCE en 2008). J'ai beaucoup aimé le ténor Javier Camarena dans le rôle de Fenton, et dans celui de Falstaff, Ambrogio Maestri m'a paru meilleur chanteur qu'Alessandro Corbelli que j'avais vu dans ce rôle en 2008.
Ailleurs : Paris — Broadway.
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Les autres photographies que j'ai faites à Salzburg et à Munich sont ici.
Je crois que je vais jalouser ton parapluie avec partitions de musique Joël !!! quant aux tenues, j'ai entendu hier sur France Musique que le Festival de Salzburg avait largement détrôné Bayreuth pour les smokings et les robes longues ! C'est d'un chic !
Dans les années 70, à Bayreuth, le smok était presque négligé, il paraît qu'à l'orchestre l'habit était encore de mise. Quand Chéreau venait saluer un blue jean, il y avait une rumeur... et des sifflets.
J'espère que tu avais quand même retrouvé tes pompes à une roupie et demie que tu as perdues dans je ne sais quel lieu sacré de l'Inde brûlante et éternelle.
A part ça, c'est le programme que je jalouse, le parapluie, un peu moins :) enfin à la retraite j'espère pouvoir m'adonner à mon goût pour les concerts avec un stakhanovisme voluptueux.
Seulement ce n'est pas pour tout de suite (en théorie 19 ans, mais en pratique..;)
Ah, c'est donc pour ça que Chéreau avait été sifflé...
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