Weblog de Joël Riou

Cette page ne contient que les entrées du mois de février 2012. Les entrées les plus récentes se trouvent . Vous pouvez aussi naviguer vers janvier 2012 ou mars 2012.

Winterreise (Goerne/Eschenbach) à Pleyel

2012-02-29 02:17+0100 (Orsay) — Culture — Musique

Salle Pleyel — 2012-02-28

Matthias Goerne, baryton

Christoph Eschenbach, piano

Winterreise (Schubert)

Le concert a bizarremment commencé avec plus de quinze minutes de retard. Même dans une gare indienne, on aurait le droit à un petit message Gāṛī number 12345 ā rahī hai. Non, le seul indice que cela allait finalement commencer a été la voix enregistrée annonçant la défense de photographier et lors des saluts, quelques contrevenants se feront effectivement réprimander.

Les préventions que j'avais envers le pianiste Christoph Eschenbach se sont provisoirement envolées pendant le premier Lied Gute Nacht. J'ai cependant retrouvé la voix quelque peu essoufflée de Matthias Goerne et ses grosses respirations sonores qui m'avaient déjà gêné lorsque les mêmes avaient interprété La Belle Meunière en novembre dernier.

Mon impression s'est par la suite inversée. J'ai ainsi véritablement apprécié la voix de Goerne que j'ai préférée lorsqu'elle s'évanouissait dans le dernier Lied plutôt que dans les moments où elle se faisait très forte. Il a été très à l'aise lors de certaines longues phrases, et aussi, quels beaux graves !

Je n'ai pourtant toujours pas aimé écouter le piano tel que joué par Eschenbach, souvent brutal, souvent trop lent au point que la mélodie semblait parfois disparaître. Surtout, sa façon d'utiliser la pédale m'a énervé. Je ne sais si c'est parce qu'il relâcherait celle-ci trop doucement, mais trop souvent, à la fin d'une note tenue, c'est comme si les étouffoirs avant de venir accomplir leur fonction venaient titiller la corde en dénaturant le son émis jusque là. Klari me suggère que c'est peut-être la faute du piano, mais le problème ayant déjà été manifeste la dernière fois, il eût sans doute été possible d'y remédier entretemps.

Ailleurs : Klari, Paris Broadway, Palpatine.

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Natalie Dessay et Philippe Cassard à Pleyel

2012-02-26 20:22+0100 (Orsay) — Culture — Musique

Salle Pleyel — 2012-02-26

Natalie Dessay, soprano

Philippe Cassard, piano

Romance, inédit (Debussy)

Romance (L'âme évaporée) (Debussy)

Les Cloches (Debussy)

L'Archet, inédit (Debussy)

Rondel chinois (Debussy)

Clair de lune, pour piano (Debussy)

Clair de lune (Debussy)

En sourdine (Debussy)

Fête galante (Debussy)

Pierrot (Debussy)

Apparition (Debussy)

Chanson pour Jeanne (Chabrier)

Le temps des lilas (Chausson)

Invitation au voyage (Duparc)

Nocturne nº4, op. 33 en mi bémol pour piano (Fauré)

Coquetterie posthume (Debussy)

Regret (Debussy)

La Romance d'Ariel (Debussy)

Les Elfes, inédit, Debussy (création ?)

Nuit d'étoiles (Debussy)

Le matelot qui tombe à l'eau, inédit (Debussy)

Tu m'as donné le plus doux rêve, extrait de Lakmé (Delibes)

Concertant Natalie Dessay, je vais arrêter les frais pour le moment. Depuis quelques années, à chaque fois que je vais l'écouter, elle est dans un mauvais jour, qu'elle décide d'annuler ou de chanter malgré tout. Avec ce récital essentiellement consacré à Debussy, la souffrance de l'auditeur éprouvant une certaine empathie pour l'interprète a été poussée trop loin. J'en ai assez d'entendre cette voix qui en dehors des aigus est en permanence à la limite du craquage (et trop souvent du mauvais côté) ; je n'envisage pas de retourner l'écouter tant que je n'aurai pas eu suffisamment d'indications concordantes sur le fait que l'expérience sera plaisante aussi bien pour le public que pour l'interprète. Le seul morceau qui m'ait en quelque sorte ému a été le troisième bis extrait de Lakmé. Un autre problème avec ce récital est que les textes chantés étaient pratiquement inintelligibles. Je pensais avoir mis les chances de mon côté en achetant le programme, mais l'obscurité quasi-totale faite dans la salle m'a empêché de lire le texte en même temps. Si la déconvenue est totale du côté de la voix, cela a été au contraire un très grand plaisir pour moi d'écouter le pianiste Philippe Cassard !

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agastya.jriou.org

2012-02-21 17:40+0100 (Orsay)

Depuis quelques semaines, c'est le serveur arjuna.jriou.org qui héberge ce blog (et mon mail). Il a pris la succession d'agastya.jriou.org qui fonctionnait sans pépin notable depuis environ six ans (cf. les statistiques d'uptime). J'avais à l'époque acheté ce serveur. Je me le suis donc fait expédier à l'expiration de la période d'hébergement que j'avais payée. Ayant raté la livraison UPS (très bêtement), je suis allé le récupérer au dépôt. Le poids annoncé de 3 kg était erronné, c'est un colis de 9 kg que j'ai ramené (si j'avais su, j'aurais pris le diable).

Un serveur, cela ressemble à ça :

agastya

agastya

agastya

Voici l'intérieur :

agastya

Ma curiosité de geek étant assouvie, je constate que le ventilateur de la bête fait un bruit infernal.

J'ai donc l'intention de m'en défaire. Parmi les caractéristiques techniques, c'est un Pentium 4 Celeron (2.666Ghz) avec 256M de mémoire et deux disques durs (80G et 500G). Le clavier est configuré en Azerty (ce qui est une infamie). Le BIOS se croit en 2003, donc prévoir de changer la pile.

Si cela intéresses quelqu'un, je le donne gratuitement à qui viendra m'en débarasser à Orsay (me contacter avant...). Sinon, pour 50€, je veux bien le livrer en région parisienne (si c'est raisonnablement bien accessible en RER/métro).

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Jonas Kaufmann au TCE

2012-02-21 00:19+0100 (Orsay) — Culture — Musique

Théâtre des Champs-Élysées — 2012-02-20

Jonas Kaufmann, ténor

Helmut Deutsch, piano

Vergiftet sind meine Lieder (Liszt)

Im Rhein, um schönen Strome (Liszt)

Freudvoll und leidvoll (Liszt)

Der König in Thule (Liszt)

Ich Glocken von Marling (Liszt)

Die drei Zigeuner (Liszt)

Ich atmet' einen linden Duft (Mahler)

Liebst du um Schönheit (Mahler)

Blicke mir micht in die Lieder (Mahler)

Ich bin der Welt abhanden gekommen (Mahler)

Um Mitternacht (Mahler)

L'Invitation au voyage (Duparc)

Phidylé (Duparc)

Le Manoir de Rosamonde (Duparc)

Chanson triste (Duparc)

La Vie antérieure (Duparc)

Schlectes Wetter (Strauss)

Schön sind, doch kalt die Himmelssterne (Strauss)

Befreit (Strauss)

Heimliche Aufforderung (Strauss)

Morgen! (Strauss)

Cäcilie (Strauss)

Pas vraiment envie de développer mes impressions sur ce concert : pour la première fois, après 500 spectacles, j'ai véritablement eu l'impression de m'être fait escroquer par des organisateurs de concerts, ici, Les Grandes Voix et le Théâtre des Champs-Élysées. Je n'ai aucune répugnance à me lever pour voir la scène lors de ballets à Garnier, s'agissant de places achetées à 9€. Quand je paye 37€ comme c'était le cas ce soir, je m'attends à voir quelque chose de ce qui se passe sur scène. En m'asseyant à ma place, j'ai immédiatement compris que je ne verrais absolument rien. Pas un petit peu, non ! rien, absolument rien.

En me levant, ce qui n'aurais pas été possible à quelqu'un mesurant 5-10 centimètres de plus, je voyais quelque chose. Cela a été un bon concert, très différent de La Belle Meunière par les mêmes en 2010. Le chanteur a chanté les Lieder pratiquement comme des airs d'opéras. Pendant les Liszt, j'avais l'impression d'entendre du chant wagnérien. Pourquoi pas pour Liszt, mais cela m'étonne pour les autres compositeurs. La voix est presque toujours très puissante, ce qui limite les subtilités et l'émotion. Cependant, certains crescendos opérés sur une note tenue ont été du plus bel effet (notamment dans Befreit de Strauss, un compositeur dont on a entendu quelques espiègleries). Une chose est sûre, le chanteur ne s'est pas économisé !

Public en délire. Au bout d'un moment, je n'ai plus compté les bis : il y en a eu au moins 5...

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La symphonie nº1 “Titan” de Mahler par l'Orchestre de l'Opéra à Pleyel

2012-02-19 12:45+0100 (Orsay) — Culture — Musique

Salle Pleyel — 2012-02-18

Philippe Jordan, direction musicale

Renaud Capuçon, violon

Orchestre de l'Opéra national de Paris

Jeux d'eau pour violon et orchestre, Bruno Mantovani (création)

Symphonie nº1 en ré majeur Titan (Gustav Mahler)

Les musiciens de l'opéra sont sur la scène, et non dans la fosse de Garnier ou de Bastille comme ils en ont l'habitude. Ils ont sorti leurs habits pour l'occasion. Le programme de leur concert commence par la création de Jeux d'eau de Bruno Mantovani. La bonne nouvelle, c'est qu'en vingt minutes, il ne parvient pas véritablement à m'ennuyer. Cependant, j'ai un peu trop l'impression de réentendre la musique de Siddharta et d'Akhmatova. J'ai vaguement vu Renaud Capuçon depuis mon avant-dernier rang de deuxième balcon, mais je ne l'ai guère entendu puisque le compositeur le fait lutter avec l'orchestre et les percussions tout comme il a pu le faire avec les voix dans son dernier opéra. Le violoniste joue cependant une sorte de vol du bourdon tout seul ou presque dans une section lente au milieu de l'œuvre (pour l'anecdote, à un moment, il ne sera pas loin de faire tomber son archet, le rattrapant de justesse). La musique va alors partir dans un crescendo qui éclatera plus loin en tempête. On réentendra sans déplaisir ni surprise les clarinettes jouer la même sorte de vol du bourdon. Parfois, j'ai plus ou moins l'impression d'entendre une imitation du bruit des insectes. Si le but du compositeur était d'imiter la nature, en scientifique (le mot est employé par le compositeur dans le programme...), je trouve que c'est un peu raté. Je préfère très nettement Albert Roussel (Le festin de l'araignée) ou Jean-Michel Damase (Piège de lumière).

Même si le public a fait un très bon accueil à cette création, la deuxième partie du programme est beaucoup plus enthousiasmante. J'ai découvert avec un grand plaisir la première symphonie “Titan” de Mahler (jouée par 100 musiciens). Les seconds violons qui étaient 13 avant l'entr'acte sont maintenant 14, l'effectif standard quand il y a 8 contrebasses. Ces mêmes deuxièmes violons jouent souvent le rôle de pédale de dominante pendant le premier mouvement. En fait, ils ne sont pas les seuls à tenir longtemps des notes pendant ce mouvement (celui que j'ai préféré) comme on peut le voir sur la partition... Si la symphonie est censée être inspirée par un roman relatant une histoire bien humaine, Titan me fait plutôt penser à un satellite de Saturne. C'est ainsi davantage à une majestueuse atmosphère cosmique que me fait penser ce début de symphonie, le son originel étant perturbé par les trompettes placées initialement en coulisses. Je me surprends à m'imaginer parfois dans Star Wars. L'atmosphère se fera ensuite plus terrestre, joyeusement foisonnante, irrésistible. Quel beau son soyeux des cordes ! Il contraste avec les phrasés rugueux du hautbois que j'ai aimé tout comme les clarinettes. Les cuivres ont également été superbes. Le troisième mouvement commence étonnamment par un duo timbale/premier contrebassiste. Il s'enchaîne avec le violent début du quatrième mouvement. Je retrouve un peu plus loin mon vaisseau spatial que j'imagine en train d'atterrir paisiblement au milieu d'une clairière, les voyageurs galactiques s'arrêtant pour contempler l'immensité du ciel. Je pensais que la symphonie allait alors s'arrêter en douceur, mais il restait un gros module à faire alunir sur Titan. Une seule tentative d'alunissage est permise, mais qu'est-ce qu'elle a fait du boucan !

Pendant toute la symphonie, le chef Philippe Jordan semblait parfaitement maîtriser le gros instrument qui était à sa disposition. Les nombreux accelerando que comporte l'œuvre étaient négotiés avec une grande précision ! Il faut ajouter qu'il n'était pas distrait par la lecture de la partition, puisqu'aucun pupitre ne se tenait devant lui pendant cette deuxième partie. Le public (assez différent du public habituel de Pleyel, beaucoup de spectateurs tenant à la main un billet imprimé par l'Opéra) a réagi de façon très chaleureuse à la fin du concert.

Ailleurs : Bladsurb.

Sauf erreur de comptage, ce concert était le cinq-centième spectacle auquel j'aie assisté. Voici le décompte salle par salle :

Salle de spectacleNombre de spectaclesPourcentage
Opéra Garnier7915.8%
Opéra Bastille7615.2%
Salle Pleyel7515%
Théâtre des Champs-Élysées6813.6%
Théâtre de la Ville — Les Abbesses173.4%
Église des Billettes142.8%
Église Saint-Roch132.6%
Théâtre du Châtelet132.6%
Opéra Comique132.6%
Cité de la musique132.6%
Théâtre de la Ville — Place du Châtelet122.4%
R. K. Swamy Auditorium, Mylapore, Chennai122.4%
Théâtre des Bouffes du Nord102%
Autres8517%

Je fréquente donc quatre salles nettement plus que les autres : les deux grandes salles de l'Opéra de Paris, la Salle Pleyel et le Théâtre des Champs-Élysées. Ensuite viennent un certain nombre de salles auxquelles je vais de temps en temps (il est à noter qu'il y en a une située en Inde...). Plus bas dans le classement : d'autres salles où je suis allé moins de dix fois. Je suis ainsi allé par exemple 7 fois à Gaveau, mais je n'y suis plus retourné depuis 2008. J'ai assisté pareillement à 7 spectacles au Centre Mandapa, mais tous ces spectacles ont eu lieu en 2011 ! Dans les profondeurs du classement, on trouve trente six salles que je n'ai fréquentées qu'une seule fois (par exemple l'Église Notre Dame de Toute Joie à Grigny, où il est peu probable que je retourne, mais aussi le Weavers Studio Centre for the Arts à Kolkata où auront lieu je l'espère quelques concerts en juillet prochain...).

[Statistiques TCE/Pleyel/Opéra]

Il y a clairement eu un tournant vers 2008. D'une part, je suis devenu balletomane, ce qui fait que je suis allé bien plus souvent à l'Opéra Garnier et d'autre part j'ai voulu aller écouter davantage de musique symphonique, ce pour quoi j'ai préféré la Salle Pleyel au Théâtre des Champs-Élysées (le rapport confort/prix ayant eu une certaine importance dans ce choix). Il est probable que les courbes des deux salles de l'Opéra (et tout particulièrement Bastille) stagnent (cf. mon billet sur les tarifs). Le nombre de spectacles à Pleyel en 2012 sera plus grand que celui de 2011 (ne serait-ce que parce qu'il me reste plus de billets à utiliser d'ici juin 2012 que de billets utilisés pendant toute l'année 2011 !). Il va falloir être un peu plus raisonnable au moment de remplir mes formulaires d'abonnement 2012/2013...

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Programme Beethoven/Mendelssohn pour l'Orchestre de Paris

2012-02-17 09:51+0100 (Orsay) — Culture — Musique

Salle Pleyel — 2012-02-16

Nicholas Angelich, piano

Roland Daugareil, violon solo

Orchestre de Paris

Juraj Valčuha, direction

Le Roi Étienne, ouverture, op. 117, Ludwig van Beethoven

Concerto pour piano et orchestre nº5 en mi bémol majeur L'Empereur, Ludwig van Beethoven.

Von fremden Ländern und Menschen, extrait des Kinderszenen (Schumann)

Mazurka en fa mineur, op. 63 nº2 (Chopin)

Symphonie nº3 Écossaise (Mendelssohn)

Encore un superbe concert de l'Orchestre de Paris... Si d'autres concerts récents de cet orchestre ont contenu des moments d'apogée plus hauts encore, comme pour La Vie de héros (dirigée par Herbert Blomstedt), le concert de ce jeudi a été un égal régal.

Le programme commence par l'ouverture du Roi Étienne. À l'écoute des premières notes, aucun doute stylistique n'est permis, cela ne peut avoir été composé que par Beethoven. Cela ne commence pas par des gros accords, mais par une suite de quatre notes, chacune jouées par de plus en plus d'instruments, en descendant d'une quarte à chaque fois comme il est indiqué dans le programme et on peut le constater sur la partition. Petit couac de non synchronisation entre les pupitres lors du démarrage de la troisième note. Après cette entrée en matière, une joyeuse musique flûtée se fait entendre. Le jeune chef Juraj Valčuha se fait très souriant. On rembobine depuis le départ. Cette fois-ci, les démarrages seront parfaitement synchros. On repart sur la musique flûtée, et puis on se lance dans une grande chevauchée beethovenienne qui va s'étendre pendant environ huit minutes, avec quelques rappels des éléments du début et l'introduction de nouveaux thèmes.

J'avais déjà entendu en concert le concerto nº5 “L'Empereur” de Beethoven : c'était en 2007, Hélène Grimaud accompagnait la Staatskapelle de Dresde. Mis à part la tenue de la pianiste découvrant ses épaules, je n'ai aucun souvenir de ce concert. Ce soir, j'ai l'occasion d'entendre pour la première fois Nicholas Angelich. J'ai beaucoup aimé son interprétation, très contrastée, de la caresse des touches à leur martèlement. J'ai été étonné de percevoir le rythme de la musique même lors des séries de doubles croches du soliste, alors que les pianistes me donnent souvent l'impression d'émettre un flux continu de notes sans structure audible. J'ai apprécié aussi la façon dont certaines phrases passent du piano à l'orchestre puis d'un pupitre à un autre. Superbe premier bis avec le premier numéro des Kinderszenen joué d'une façon plus lente que samedi dernier à Dijon par Andreas Staier, et avec quelques discrètes ornementations aussi. Le deuxième bis était sans doute de Chopin.

J'avais déjà eu l'occasion d'entendre la symphonie “Écossaise” de Mendelssohn. C'était par le Cleveland Orchestra. J'avais plutôt aimé ; Klari avait joyeusement détesté, tout comme Djac Baweur. Comme je les comprends ! Je plaide la candeur : je ne savais pas à quoi, bien exécutée, cette symphonie pouvait ressembler... Cette interprétation est plus poétique, bien plus évocatrice que celle du Cleveland, qu'il s'agisse d'orages ou de chants d'oiseaux. Les musiciens se défonçent. C'est un grand plaisir de regarder le chef Juraj Valčuha diriger l'orchestre. Parfois, il bat la mesure avec précision, parfois il sembler s'exercer à la magie : il tend son bras vers un musicien, puis un autre, etc, et immédiatement ceux-ci se mettent à jouer. Dans les passages plus lents, il pose sa baguette, et sans se forcer à marteler le battement de la mesure, avec ses bras il donne forme à la matière sonore comme s'il s'agissait de pâte à modeler. Il paraît beaucoup moins autoritaire que ne l'était Franz Welser-Möst, il semble également plus à l'écoute de ce que font les musiciens, sinon son visage ne trahirait pas aussi souvent le plaisir manifeste qu'il prend à diriger cet orchestre. Du début à la fin, j'ai adoré cette interprétation. Mention spéciale au duo basson-clarinette dans le quatrième mouvement !

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Deux concerts à Dijon

2012-02-13 21:05+0100 (Orsay) — Culture — Musique

Théâtre de Dijon — 2012-02-11

Andreas Staier, pianoforte

Kinderszenen op. 15 (Schumann)

Qu'il est triste de voir des salles de concert vides ! Ce samedi, à Dijon, le premier concert de la journée avait lieu au Théâtre. Le concert est le goûter Scènes d'enfants. Il n'a manifestement pas fait recette. Il faut dire qu'un tarif plein de 20€ pour environ 20 minutes de musique, c'est cher, trop cher pour attirer un public pour lequel cette somme est un plus grand sacrifice de pouvoir d'achat qu'elle ne le représente à Paris (ce serait d'ailleurs une bonne idée de partager pour de vrai une monnaie unique avec la province...). Bref, le parterre est à moitié vide. Je fais partie des quelques spectateurs qui se sont installés au balcon. De ma place, je vois parfaitement le clavier du piano Érard de 1839 (postérieur d'un an à la composition des Kinderszenen). Dans la discussion qui a précédé avec le compositeur Brice Pauset (dont L'opéra de la Lune sera créé à Dijon en mai), le pianofortiste Andreas Staier a expliqué qu'il respecterait les indications métronomiques du compositeur. Le premier numéro Von fremden Ländern und Menschen a ainsi été très rapide. D'autres ont été plus lents. Le plaisir d'écouter cette musique est modéré par le fait que le moindre chuchotis à l'autre bout du théâtre se fait entendre de partout. Il m'est ainsi impossible de me concentrer pendant le Träumerei, par exemple.

La discussion qui a suivi avec Brice Pauset n'a pas été inintéressante, mais je pense que le discours était complètement inadapté au public (essentiellement des enfants accompagnés de parents). C'est une bonne idée d'essayer d'intéresser des jeunes à la musique, mais je pense qu'il y aurait un certain effort à faire sur la manière de s'y prendre.

Auditorium de Dijon — 2012-02-11

Britten Sinfonia

Thomas Adès, direction musicale et piano

Pekka Kuusisto, violon

Les Baricades Mistérieuses pour piano (François Couperin)

Les Baricades Mistérieuses pour deux clarinettes, alto, violoncelle et contrebasse (François Couperin, arrangement par Thomas Adès)

Trois Études d'après Couperin (Thomas Adès)

Le Tombeau de Couperin pour petit orchestre symphonique (Ravel)

Extraits du Rossignol (Airs du Rossignol et Marche Chinoise) pour violon et piano (Stravinski, arrangement par Samuel Dushkin)

Deux suites pour petit orchestre (Stravinski)

Concerto pour violon Concentric Paths (Thomas Adès)

Humoresque 4 (Sibelius)

L'autre concert du jour est à l'Auditorium. Il est précédé par une rencontre avec le violoniste Pekka Kuusisto et Thomas Gould, premier violon du Britten Sinfonia. L'animateur de la rencontre, mort de trac, s'est un peu loupé, mais les deux jeunes musiciens ont bien fait le show !

En attendant le début de cette rencontre (dont j'ai un moment cru que je serais l'unique spectateur), j'ai lu le programme et ai été étonné par son intelligence et sa cohérence. L'ensemble, qui n'a pas de chef attitré, élabore ainsi parfois des programmes autour d'un chef, d'un soliste ou d'un compositeur, en l'occurrence ici le britannique Thomas Adès, qui cumule les casquettes de compositeur, de chef et de pianiste. Malhreusement, ce programme sera joué devant une salle vide comme je n'en avais jamais vue. Je ne sais pas s'il y avait du monde aux balcons ; en tout cas, il devait y avoir à tout casser une cinquantaine de spectateurs au parterre.

Le concert commence par deux versions des Baricades Mistérieuses de Couperin. L'original est d'abord joué au piano par Thomas Adès. Cinq musiciens (une clarinette-basse, une clarinette, un alto, un violoncelle et une contrebasse) entrent ensuite pour en interpréter un arrangement de Thomas Adès. Aussi bien l'original que la transcription m'ont plu. On continue ensuite avoir Couperin, cette fois-ci adapté plus en profondeur par Thomas Adès. Dans ces Trois études d'après Couperin, l'orchestre se fait double (la moitié gauche ne joue pas la même chose que celle de droite), ce qui fournit une configuration inédite (voir le billet de Klari pour les configurations plus standard d'un orchestre) :

[Britten Sinfonia]

Les deux premières études (adaptées de Les amusements et Les tours de passe-passe) me plaisent beaucoup. La deuxième tout particulièrement. La troisième L'Âme en peine, à l'orchestration plus tournée vers les cordes, imite peut-être un peu trop le style baroque pour m'éviter tout ennui.

Après que la configuration de l'orchestre est redevenue plus standard, la première moitié du programme se poursuit sur la thématique Couperin, cette fois-ci avec Le Tombeau de Couperin de Ravel. Je l'avais entendu en 2007 lors de mon troisième concert Pleyel. Je n'en avais plus aucun souvenir ! J'ai ainsi été agréablement surpris par le côté vivifiant de cette œuvre. L'utilisation des instruments à vents est absolument adorable. L'acoustique de la salle et mon placement font que j'ai l'impression que le son de ces instruments vient de toutes les directions simultanément. C'est cette œuvre qui m'a procuré le plus grand plaisir d'écoute. Les musiciens semblent prendre réellement plaisir à entendre leurs collègues jouer et à jouer eux-mêmes. Ces attitudes propres à chaque musicien, les vêtements sobres mais qui ne sont en rien des uniformes me rendent cet orchestre très sympathique.

Après l'entr'acte, Thomas Adès au piano et Pekka Kuusisto interprètent deux extraits du Rossignol. Comme dans le concerto pour violon d'Adès qui sera joué plus tard, on voit ce dernier passer d'un pied d'appui à un autre, changer d'attitude, pour ainsi dire danser, non pour faire le clown, mais parce que ces mouvements semblent lui être nécessaires pour bien interpréter ces extraits.

L'orchestre revient pour deux suites de Stravinski (et le violoniste Pekka Kuusisto revient aussi pour jouer la partie de piano). La première est trop néoclassique pour m'intéresser véritablement, mais la deuxième plus venteuse est délicieuse. Les quatre numéros de ces suites sont trop courts pour que l'ensemble n'ait pas le goût du trop peu.

Le plat de résistance de la soirée est le concerto pour violon Concentric Paths de Thomas Adès. Par rapport aux œuvres d'Adès entendues dans la première partie, on change assez radicalement de style. Certains effets du premier mouvement Rings me font penser à John Adams. Dans le deuxième Paths, le violon avance assez tranquillement sur son chemin tandis que l'orchestre effectue des variations sur des phrases dont la tension éclate brutalement dans des explosions de fin du monde. Le troisième mouvement Rounds est très entraînant, le violon partant dans les aigus tandis que diverses sections de l'orchestre reprennent un thème initialement introduit par la flûte.

En bis, un très beau Humoresque 4 de Sibelius !

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Meenakshi Srinivasan au Musée Guimet

2012-02-12 16:22+0100 (Orsay) — Culture — Musique — Danse — Danses indiennes — Culture indienne

Auditorium du Musée Guimet — 2012-02-10

Meenakshi Srinivasan, bharatanatyam

Jayashree Ramanathan, nattuvangam

Vasudha Ravi, chant

V. Vedakrishnaram, mridangam

Kalaiarasan Ramanathan, violon

Invocation de Krishna

Varnam (Raga Mallika)

Meera Bhajan (Raga Yaman)

Ashtapadi (Raga Bihag)

Tillana (Raga Sindhu Bhairavi)

Si j'avais été déçu par les précédents récitals de bharatanatyam auxquels j'avais assisté au musée Guimet (et davantage par celui de Priyadarshini Govind que par celui d'Urmila Sathyanarayanan), celui qu'a donné Meenakshi Srinivasan vendredi m'a véritablement enthousiasmé. C'est d'autant plus remarquable à mes yeux que les pièces les plus développées qu'elle a dansées appartiennent à un genre qui n'a en général pas ma préférence.

Le récital en cinq parties, intitulé Madhuram Madhavan, est entièrement consacré à Krishna qui ensorcelle les cœurs de bergères dans l'Invocation qui intervient après un prélude musical. Je ne connais pas le terme technique correspondant, mais la danse a commencé comme un adage, ce qui permet à la danseuse de mettre en valeur ses qualités d'expression (un aspect de la danse que je privilégie par rapport à la virtuosité de frénétiques suites de pas). La fluidité et la beauté de la chorégraphie est étonnante. Une comparaison littéraire de Krishna avec un lotus se traduit ainsi par un mouvement continu qui fait éclore un lotus qui se métamorphose en Krishna.

Déplaçant un micro vers le centre de la scène, la danseuse vient ensuite présenter le Varnam, la pièce principale du récital. Elle le fait dans un français presqu'impeccable. En résumé, la saveur (Rasa) de ce récital est l'Amôr. Effet tragi-comique involontaire, il ne s'agit bien sûr pas de La Mort mais de l'Amour. C'est bien dans cette ambiance d'adoration joyeuse de la divinité que, par sa danse rafraîchissante, Meenakshi Srinivasan avait plongé le spectateur dans la pièce introductive. Elle va s'incarner ici dans le personnage d'Andal. Au cours de cette pièce très développée, on verra la danseuse exprimer dans son jeu les émotions successivement éprouvrées par le personnage. Elle appelle Krishna. Ardente, elle souffre d'être séparée de lui, elle perd goût à tout. Les tintements de ses bracelets lui font mal. On croit apercevoir une apparition de Krishna observant la jeune femme. Elle semble reprendre vie. Ayant comme une vision elle lui fait une déclaration d'amour : elle veut s'unir à lui. Le personnage redevient triste. Elle se sent seule. Elle reprend espoir ! Où dont est-il ? C'est grâce à la prière qu'elle s'unit à lui, l'archer Kama ayant décoché quelques flèches ! (Pendant ces dernières scènes, la style de la musique a quelque peu changé, devenant plus vive à la manière d'un Tillana). La pièce se termine comme elle avait commencé : la jeune femme retrouve son miroir et enlève la guirlande ou le collier qui symbolisait son union avec Krishna.

Au cours de ce Varnam, pas moins de cinq ou six passages rythmiques se sont insérés dans la danse narrative. S'ils ont souvent été très virtuoses (quels bras !), c'est d'abord la variété et l'intelligence de l'ensemble qui me frappe. Une fois même, le mouvement rythmique s'insérait tellement bien au reste de la pièce (et à la musique dont la partie mélodique ne s'éclipsait pas derrière le son des nattuvangam) qu'il en résultait une impression de continuité. Parmi les éléments qui m'ont beaucoup plu, il y a eu la façon de la danseuse de présenter des figures très asymétriques.

La pièce suivante est également cyclique. Mirabai est assise. Peut-être joue-t-elle d'un tampura ou d'un autre instrument à cordes de sa main droite comme elle est représentée dans l'iconographie. Elle retrouvera cette position après la parenthèse qu'a constituée son chant d'amour-dévotion à Krishna. Cette adoration est particulièrement exaltée. La danseuse effectue parfois des pirouettes en laissant tourner ses bras horizontalement dans une attitude d'abandon de soi typique de la bhakti dans sa forme la plus joyeuse. On voit par ailleurs la danseuse esquisser des comparaisons bucoliques, associant Krishna-Govinda aux oiseaux, aux poissons ou au lotus.

La suite du programme est très audacieuse puisque la danseuse reste couchée ou assise pendant toute la durée (ou presque) de la pièce suivante. Il s'agit de la représentation du réveil de Radha après une nuit d'amour avec Krishna. Leur jeu amoureux continue alors que Radha s'étire, demande à être ointe par Krishna de divers onguents. J'avais sorti mes jumelles pour bien apprécier le jeu et l'expression du visage de la danseuse pendant cette pièce aucunement ennuyeuse alors même que la musique prolongeait admirablement bien le peu d'énergie et les bâillements du personnage à son réveil.

Le programme s'est terminé par un Tillana. Ce type de musique avait déjà été entendue pendant le Varnam. La composition musicale utilisée dans de Tillana est de toute beauté. Les phrases musicales sont interprétées par la chanteuse et reproduites par le violoniste, tous les deux excellents. La pièce est inspirée du Rasa-Lila, la danse des gopis avec Krishna. Si c'est effectivement le point de départ de cette pièce, Krishna n'est progressivement plus uniquement le charmant flûtiste dont la position des pieds typique évoque la décontraction. C'est plus généralement de Hari-Vishnu qu'il s'agit et certains de ses multiples noms sont prononcés ! Presque furtivement, je crois voir un Vishnu tel que le représente l'iconographie. Il porte le disque dans la main droite et ce disque est animé d'un mouvement rotatif (tout comme dans le temple Shri Bhagavad-Gita de Vrindavan par exemple). Ce Tillana est semble-t-il très développé et pourtant je ne me suis ennuyé à aucun instant tant la danseuse évite de réduire ce type de pièces aux lieux communs auxquels il se réduit parfois (grands tours en ronds et danse pure stéréotypée sur une musique rythmée).

Le public en redemandant avec enthousiasme, la danseuse et les musiciens ont interprété une pièce supplémentaire. La musique est de Muthuswami Dikshitar. On s'écarte des thèmes krishnaïtes des pièces qui ont précédé. Il est ici question de l'abandon de la conscience de la danseuse alors que Shiva dans sa forme Nataraja du Seigneur de la danse effectue sa danse cosmique sur l'immanquable rythme du tambour, élément iconographique particulièrement mis en valeur par l'interprète. Les diverses positions (dont la position standard Shiva-Nataraja) ainsi que la façon de passer d'une position à une autre sont superbes. On retrouve aussi parfois le mouvement de rotation de la danseuse sur elle-même signifiant son abandon. Par ailleurs, la chorégraphie de cette pièce évoque différents aspects de Shiva. Je n'ai aucune certitude, mais il m'a bien semblé reconnaître l'évocation de sa puissance, de sa forme androgyne Ardhanarishwara, de Nilakantha (celui qui a la gorge bleue, référence au poison avalé par Shiva lors du barattage de la Mer de lait) ou encore de la descente de la Ganga perdue dans le chignon tressée de Shiva. Malgré l'effort que doit constituer un récital de danse de deux heures, l'interprète n'a aucunement paru faiblir dans l'exécution des passages rythmiques insérés dans ce bis.

Bref, cette danseuse entre directement dans mon Top 4 en compagnie de Srithika Kasturi Rangam, Lavanya Ananth et Mallika Thalak.

Ailleurs : Mille et une nuits à Paris.

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Orphée et Eurydice, de Gluck !

2012-02-10 00:48+0100 (Orsay) — Culture — Musique — Opéra — Danse

Opéra Garnier — 2012-02-09

Maria Riccarda Wesseling, Nicolas Paul, Orphée

Yun Jung Choi, Alice Renavand, Eurydice

Zoe Nicolaidou, Charlotte Ranson, Amour

Balthasar-Neumann Ensemble & Chor

Ballet de l'Opéra

Pina Bausch, chorégraphie, mise en scène (1975)

Rolf Borzik, décors, costumes, lumières

Detlef Bratschke, chef des chœurs

Manlio Benzi, direction musicale

Orphée et Eurydice, Gluck

Il est scandaleux que sur les affiches de la reprise d'Orphée et Eurydice à l'Opéra Garnier, on ne lise en sous-titre que opéra dansé de Pina Bausch. Un opéra, fût-il opéra-ballet, reste avant tout l'œuvre de son compositeur : Christoph Willibald Gluck.

C'est de la fabuleuse interprétation de cette musique qu'est venu l'essentiel de mon plaisir lors de cette représentation. J'étais pourtant quelque peu dubitatif pendant la première partie deuil (une atmosphère dans laquelle le spectateur est immédiatement plongé du fait de l'omission de l'ouverture). J'avais alors l'impression d'entendre des effets un peu exagérés et parfois mal dégrossis ; le petit nombre de cordes (une seule contrebasse) fait que parfois certaines aspérités dépassent. En tout cas, il est évident que l'on est dans une interprétation überbaroque complètement assumée (bref, on ne joue pas uniquement ce qui est écrit !). Mon état d'esprit a changé à partir de la deuxième partie violence. L'entrée en matière ne ressemblait aucunement à mes souvenirs et références (la même production il y a trois ans, la version Berlioz à la MC93 Bobigny, et au disque René Jacobs et le Freiburger Barockorchester). L'entrée aux enfers se faisait ainsi au son vertigineusement ébouriffant des trombones à coulisses qui ne se contentent pas de tenir la note, mais qui en augmentent progressivement le volume de façon saisissante (je soupçonne les instrumentistes d'avoir aussi glissandé un peu). Pendant ce temps, le chœur alterne les postures. Pris dans l'action, il repousse Orphée de violents Nein!. Parfois, il commente comme un chœur grec : la musique ressemble alors davantage à un choral.

Dans la troisième partie paix, la musique s'adouçit. Paisiblement, les cordes ou le chœur se lancent dans des gammes ascendantes puis descendantes. Dans la quatrième partie mort, je retiens la très subtile interprétation de l'air J'ai perdu mon Eurydice, rien n'égale mon malheur (traduit en allemand en Ach, ich habe sie verloren, all mein Glück ist nun dahin !). Si l'interprète de ce rôle ne m'avait pas complètement convaincu jusque là (sa voix était par moments couverte par l'orchestre), elle a été superbe dans cet air-là. Dans la fosse, les pupitres ne cordes exploraient diverses techniques pour passer d'une note à une autre : parfois avec souplesse, parfois avec raideur, l'ensemble étant du meilleur effet. La conclusion reprenant la musique du début de la deuxième partie n'a évidemment pas été pour me déplaire !

Du côté des deux autres rôles principaux (Eurydice et Amour), j'ai aimé la façon de chanter assez mozartienne des deux chanteuses, et tout particulièrement Zoe Nicolaidou (Amour) qui est issue de l'Atelier Lyrique.

Si le ravissement a été presque total du côté de la musique, j'ai seulement aimé ce que j'ai vu, sans être enthousiasmé. Mon mauvais placement y est sans doute aussi pour quelque chose. Certes, c'est très esthétique (surtout dans la partie paix), mais cela manque de rugosité, certains gestes paraissant un peu trop lisses par rapport à ce que j'ai été habitué avec d'autres chorégraphies de Pina Bausch. À vrai dire, je trouve que cela manque un peu de danse, et surtout cela manque de solos et pas de deux... Cela dit, les ensemble m'ont plutôt convaincu, tout comme la brève apparition en Amour de Charlotte Ranson (qui danse ensuite dans le corps de ballet). Après avoir vu Le Sacre du printemps, il m'est difficile de revoir une autre pièce de Pina Bausch...

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Gauri Guha au Centre Mandapa

2012-02-07 21:54+0100 (Orsay) — Culture — Musique — Culture indienne

La dernière fois que j'étais allé au centre Mandapa, c'était pour un concert de dhrupad (inachevé, puisqu'il n'y avait eu qu'un Alap) et le nombre de spectateurs n'était pas très élevé, mais apparemment un groupe d'adeptes du yoga avait fait le nombre. Ce soir, pour le récital de chant khyal de Gauri Guha accompagnée du tabliste Matthias Labbé (un concert a priori plus mainstream que le concert de dhrupad !), nous n'étions que trois à avoir bravé le froid pour venir. Étant arrivé le premier, quand j'ai vu la salle d'attente vide, je me suis immédiatement dit qu'une issue possible serait l'annulation. Après un conciliabule téléphonique entre responsables du centre, c'est cette voie qui a été retenue. Du coup, pas de chroniquette de concert...

Tout n'est pas perdu puisque j'ai gagné une invitation pour un prochain spectacle, et j'ai profité de l'attente pour repérer quelques dates d'événements futurs sur les nombreuses affichettes disposées au Centre et acheter un kitchissime carnet où marquer des trajectoires de notes pour mes cours de dhrupad...

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Le dhrupad contre l'hydravion

2012-02-05 13:38+0100 (Orsay) — Culture — Musique — Culture indienne — Dhrupad

Klari est formidable. Je me souviens que lorsque je l'ai rencontrée à l'occasion d'un concert Colonne, alors que nous nous installions à nos places, elle me disait qu'elle avait commencé à faire du chant dhrupad. Je ne sais plus très bien ce que je dis alors, mais à l'époque, ma seule expérience du dhrupad était le concert des Gundecha en clôture des vingt-quatre heures du râga et j'en avais plutôt un mauvais souvenir. Peut-être avais-je dit que j'avais cependant eu un gros déclic avec la musique de l'Inde du Nord : le récital de chant Gaayatri Kaundinya à Kolkata quelques mois auparavant m'avait fait apprécier ce type de musique. Il ne s'agissait pas de dhrupad, mais de khyal, qui est une forme de musique vocale plus répandue que le dhrupad.

Et puis, en juin 2011, elle m'a suggéré d'aller écouter Wasifuddin Dagar (cf. nos billets respectifs). Dans la foulée, il y eût le concert de Sayeeduddin Dagar. Après ces deux concerts, il était clair que le dhrupad me plaisait...

Le temps passe. Parfois, lors d'une discussion d'avant ou d'après concert, Klari me raconte à quel point le dhrupad lui plaît. Je laisse passer une ou deux occasions d'assister à des concerts. Et puis, elle m'annonce une conjonction favorable : sa prof va commencer un nouveau cours et organiser un stage d'initiation avec sa propre prof le week-end qui suit. Hop, je téléphone et je m'inscris. Quelques semaines se passent...

Mercredi dernier, pendant le premier cours (où nous sommes deux élèves), nous commençons à étudier le Raga Yaman. Rien qu'à écouter la prof prononcer des phrases musicales pour nous les faire répéter, j'ai l'impression d'être comme à un concert... et je suis au premier rang pour entendre le subtil raffinement de ce chant ! Quand il s'agit de reproduire, la légère tension d'avoir à chanter (jamais fait ça de ma vie) ajoutée à la froidure subie fait que je dois souvent reprendre ma respiration très prématurément. Quand les notes sortent, ce ne sont pas les bonnes, mais ce n'est pour autant pas complètement faux puisque d'après la prof, je chante des harmoniques. Elle essaie de me guider vers la note juste en reproduisant ma note puis en faisant du glissando vers la note Sa continuellement répétée par son tampura. Quelques exercices suivent. Certaines ornementations apparaissent. Tiens, une phrase commencée bouche ouverte se termine progressivement bouche fermée. Tiens, on répète trois fois la même note mais elle est chantée différemment. Bref, dès la première heure de cours, on commence déjà à entrevoir certaines directions qui peuvent être explorées par les chanteurs de dhrupad.

Cela a continué samedi avec le stage d'initiation dirigé la prof de ma prof. Avant de venir, j'étais loin de m'imaginer à quel point les quelques heures de ce stage seraient enrichissantes. La prof du jour remarque immédiatement que je ne chante pas la bonne note et me fait me rapprocher du tampura de ma prof du mercredi pour que je l'entende mieux. Les exercices se suivent. On explore la gamme de différentes manières, puis on commence à travailler quelques phrases d'Alap (Raga Bhimpalasi). En écoutant les phrases que nous devons répéter, il semble évident que s'il est possible de faire plein de choses rien qu'avec une ou deux notes. Après des essais collectifs, chacun des 7 ou 8 élèves répète la phrase seul et la prof apporte des corrections. De mon côté, j'essaie de faire ce que je peux. Il faut en effet préciser que je suis le plus béotien des présents, tous les autres, s'ils sont certes de niveaux très variables, ont suivi des cours depuis un an minimum... Je prends les remarques et compliments de la prof pour la part de vérité qu'ils contiennent et surtout pour des encouragements. Good technique, but wrong notes!. Chez les autres, elle va un peu plus loin en soulignant des détails dans les phrasés, et ce toujours avec bienveillance, expliquant que toutes les variations involontaires apportées par les élèves sont belles et pourraient être utilisées, mais il faudrait pour cela qu'elles correspondent à une intention.

Ces ornementations, donc, de quoi s'agit-il ? Prenez une suite de notes parfaitement justes :

Autotune

En abscisse, le temps, en ordonnée la hauteur du son. C'est carré, mais c'est affreux. Typique de certaines horreurs entendues depuis quelques années (la première fois que j'ai entendu ça, c'était dans Believe de Cher). Voyez ce que ça donne sur la voix du Président américain.

En vrai, j'imagine que la courbe d'un chanteur normal serait pas mal plus arrondie. Dans le chant dhrupad, j'ai l'impression que non seulement on arrondit mais on réfléchit à la manière d'arrondir :

Dhrupad

(PS: pour de vraies courbes tirées d'une composition, voir ce billet.)

De temps en temps, il doit bien y avoir des lignes droites, m'enfin en général tout est courbe et les possibilités sont énormes... et il ne s'agit là que d'un seul des paramètres !

Revenons au déroulé du stage. Nous avons travaillé une composition où ce type de techniques intervenaient. Comme le texte était écrit dans une langue proche du hindi, j'ai pu reconnaître que c'étaient des vers en l'honneur de Krishna. J'en ai eu la confirmation quand la prof a pris le temps d'expliquer le sens de ces vers, un égard que j'ai beaucoup apprécié ! Enfin, le cours s'est achevé paisiblement sur la syllabe .

À vrai dire, à la fin, j'ai eu un mini-cours particulier, la prof me faisant travailler toutes les notes de la gamme jusqu'à ce que je les chante à l'unisson avec elle, et concluant en s'exclamant auprès de la prof du mercredi : See, the problem is fixed!. J'ai comme l'impression qu'il y aura un avant ce samedi 4 février et un après !

Salle Pleyel — 2012-02-04

Eva-Marie Westbroek, soprano

Orchestre National de Lille

Evelino Pidò, direction

Ouverture des Vêpres siciliennes (Verdi)

Air Tu che le vanità de Don Carlo (Verdi)

Air Ritorna vincitor de Aïda (Verdi)

Ouverture de La Force du destin (Verdi)

Air Pace, pace mio Dio! de La Force du destin (Verdi)

Air Io son l'umile ancella de Adrienne Lecouvreur (Francesco Cilea)

Air Poveri fiori de Adrienne Lecouvreur (Francesco Cilea)

Intermezzo de Manon Lescaut (Puccini)

Air Sola, perduta, abbandonata de Manon Lescaut (Puccini)

Ballet de La Gioconda (Amilcare Ponchielli)

Suicidio! de La Gioconda (Amilcare Ponchielli)

Chanson de Vilja (Lehar)

Air Vissi d'arte de Tosca (Puccini)

J'avais prévu de longue date d'aller ce samedi à la Salle Pleyel pour écouter Eva-Maria Westbroek que j'avais eu l'occasion d'entendre dans Lady Macbeth de Mzensk de Chostakovitch (à l'époque où les classes moyennes pouvaient entrer à l'Opéra Bastille au lieu d'avoir à se contenter de retransmissions au cinéma ; rendez-nous Mortier !). Rarement un concert de musique classique m'aura autant indifféré. C'est probablement dû en partie au fait que je ne connaissais pas ou très mal les airs d'opéra interprétés. J'avais également l'impression que le chef était comme un pantin désarticulé. Pas que les musiciens aient démérités, non, simplement je n'étais pas remis des folles émotions musicales de la journée de dhrupad. J'avais une impression de trop. Trop d'effets sans cause. En particulier, la plupart des œuvres jouées pendant la premières partie étaient fortement atteintes du syndrome de l'hydravion... Et surtout, il n'y avait aucune ornementation comme celles entendues tout au long de la journée. Bref, je me sens tout à coup complètement étranger à cet univers de la musique classique. Heureusement, ce n'est qu'un état transitoire puisque la première partie du récital s'est achevée en m'enthousiasmant grâce à l'air Pace, pace mio Dio! de La Force du destin.

En deuxième partie, j'ai une impression très étrange avec les airs joués. Pas d'hydravion, mais c'est du sucré-émouvant à la sauce Puccini (que je ne déteste pas). Par ailleurs, j'ai l'impression d'entendre des fragments d'opéras découpés à la hache : tous les morceaux joués se terminent au moment précis où la chanteuse finit une phrase.

Dans ce concert, mes plus grandes satisfactions viendront de l'orchestre lors des deux extraits instrumentaux. L'Intermezzo de Manon Lescaut me séduit, notamment grâce au début qui met en valeur des solistes chez les violoncelles, altos et violons. L'œuvre qui me procure un effet tout à fait inattendu est le Ballet de La Gioconda (Ponchielli). Quelle délicieuse musique de ballet ! C'est mignon comme tout, très espiègle, mais cette musique est surtout superbement jouée par l'Orchestre National de Lille !

La chanteuse a interprété deux bis. Le premier était en allemand. Le deuxième était l'air Vissi d'arte de Tosca. Si mes sensations lors de ce concert pâtissent de ma méconnaissance de toute une partie du répertoire opératique et de la juxtaposition avec le dhrupad, au moins, les deux parties de concert se sont achevées sur des airs qui m'ont laissé une très bonne impression !

Ce matin, il me faut écouter par hasard le duo Wir eilen mit schwachen de la cantate BWV 78 de Bach pour me dire que, quand même, la musique classique europénne, ça peut parfois être presque aussi fin et subtil que le dhrupad !

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