Weblog de Joël Riou

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La sixième biennale de quatuors à cordes à la Cité de la Musique

2014-01-29 12:20+0100 (Orsay) — Culture — Musique

Après celles de 2010 et de 2012, j'ai assisté à la sixième biennale des quatuors à cordes à la Cité de la musique. Lors de la précédente édition, j'avais assisté à 5 concerts. Cette fois-ci, 12½ ! Le bilan est globalement très positif.

Amphithéâtre de la Cité de la musique — 2014-01-18 à 15:00

Quatuor Béla

Frédéric Aurier, violon

Julien Dieudegard, violon

Julian Boutin, alto

Luc Dedreuil, violoncelle

Serge Lemouton, réalisation informatique musicale IRCAM

Black Angels (George Crumb)

Spirali (Marco Stroppa)

Quatuor nº1 “Métamorphoses nocturnes” (Ligeti)

Adagio pour glassharmonica, KV 356 (Mozart)

Spirali de Stroppa était interminable. J'ai beaucoup aimé le premier quatuor de Ligeti dans lequel l'influences de Bartók est assez évidente (ne serait-ce que pour les pizz. Bartók qui ont semble-t-il été fatals à une des cordes du violoncelliste...). Le point culminant du concert était néanmoins Black Angels de George Crumb. Quel plaisir de voir et entendre de la musique du XXe siècle interprétée avec un tel engagement ! J'ai particulièrement apprécié les passages où les musiciens faisaient sonner leurs instruments comme des violes en en jouant à l'envers.

Amphithéâtre de la Cité de la musique — 2014-01-18 à 20:30

Quatuor Kuss

Jana Kuss, violon

Oliver Wille, violon

William Coleman, alto

Mikayel Hakhnazaryan, violoncelle

Quatuor op. 3 (Berg)

Introjections, Oliver Schneller (création)

Quatuor à cordes nº21 en ré majeur, KV 575 (Mozart)

Bon concert, sans plus.

Amphithéâtre de la Cité de la musique — 2014-01-21 à 19:00

Cuarteto Casals

Vera Martinez-Mehner, Abel Tomás, violons

Jonathan Brown, alto

Arnau Tomás, violoncelle

Six Bagatelles, op. 9, pour quatuor à cordes (Webern)

Quatuor à cordes nº19 en do majeur KV 465 “Les Dissonances” (Mozart)

Quatuor à cordes nº4 en ré majeur, op. 83 (Chostakovitch)

Ce concert du Casals a été un de mes préférés de toute la biennale. Les quatre minutes de Webern ont été intenses. Le quatuor de Mozart “Les Dissonances” m'a semblé magnifiquement interprété, mieux que la dernière fois que je l'avais entendu. J'ai aussi apprécié le Quatuor nº4 de Chostakovitch. Ma proximité avec l'altiste ne me permet pas d'ignorer la pédale de ré du premier mouvement !

Cité de la musique — 2014-01-21 à 20:30

Quatuor Arditti

Irvine Arditti, violon

Ashot Sarkissjan, violon

Ralf Ehlers, alto

Lucas Fels, violoncelle

Quatuor nº3 Melencolia (Philippe Manoury)

Orchestre philharmonique de Radio France

Pascal Rophé, direction

Khôra, pour orchestre à cordes, Pascal Dusapin

Quatuor VI Hinterland, pour quatuor à cordes et orchestre, Pascal Dusapin

Je m'en doutais avant d'entrer dans la salle — j'avais d'ailleurs failli partir après le concert précédent — mais il est évident que 4' de Webern par le quatuor Casals vallent mieux qu'une demi-heure de Dusapin... Je n'ai pas détesté ce que j'ai entendu lors de ce concert Manoury/Dusapin dans lequel le quatuor Arditti était rejoint par l'Orchestre Philharmonique de Radio France, mais après un concert aussi magnifique que celui qui avait précédé, je n'étais pas très enthousiaste, forcément...

Cité de la musique — 2014-01-23 à 20:30

Quatuor Borodine

Ruben Aharonian, violon

Sergei Lomovsky, violon

Igor Naidin, alto

Vladimir Balshin, violoncelle

Quatuor à cordes nº15 en ré mineur KV 421 (Mozart)

Mouvement de quatuor (Tchaikovski)

Quatuor à cordes nº2 (Borodine)

Un Mozart assez sinistre, mais Borodine par les Borodine, cela vallait le déplacement ! De très beaux thèmes superbement inteprétés par le violoncelliste avant d'être repris par le quatuor.

Amphithéâtre de la Cité de la musique — 2014-01-24 à 19:00

Quatuor Arditti

Irvine Arditti, violon

Ashot Sarkissjan, violon

Ralf Ehlers, alto

Lucas Fels, violoncelle

Quatuor à cordes nº5 (Georg Friedrich Hass)

not forgotten (Roger Reynolds)

Quatuor à cordes nº2 “Cuerdas del destino” (Hilda Paredes)

Quatuor à cordes nº2 (Christophe Bertrand)

Le Quatuor nº5 de Hass est une très belle découverte. La recherche sur le timbre des instruments est impressionnante. Pendant de longues séquences du quatuor, les musiciens qui étaient aussi éloignés que possible sur la scène jouaient chacun une note de façon prolongée, les seules variables étant les nuances et les techniques d'archet (plus ou moins con scratchy ou sul ponticello). Bref, une œuvre typiquement spectrale comme je les aime (cf. Grisey ou Lanza).

Les deux œuvres suivantes m'ont paru moins intéressantes. Le concert s'est terminé avec une œuvre très tourmentée de Christophe Bertrand qui ne laisse aucun répit aux musiciens qui ont été rejoint sur scène par deux tourneurs de pages !

Cité de la musique — 2014-01-24 à 20:30

Quatuor Ysaÿe

Guillaume Sutre, violon

Luc-Marie Aguera, violon

Miguel da Silva, alto

Yovan Markovitch, violoncelle

Quatuor à cordes en sol mineur (Debussy)

Quatuor à cordes nº16 en fa majeur (Beethoven)

Isabel Charisius, alto

Quintette à cordes en ut majeur KV 515 (Mozart)

Jean-Claude Pennetier, piano

Quintette pour piano et cordes nº1 (Fauré)

Valentin Erben, violoncelle

La Nuit transfigurée (Schönberg)

Le concert de musique classique le plus mortellement ennuyeux de ma vie ! S'il n'y avait pas eu La Nuit transfigurée que j'entendais pour la première fois dans la version originale pour sextuor, je me serais enfui bien avant la fin (à minuit passée...). Il s'agissait certes du concert d'adieu des Ysaÿe, mais les vives réactions d'enthousiasme du public m'ont quelque peu surpris.

Amphithéâtre de la Cité de la musique — 2014-01-25 à 14:30

Quatuor Modigliani

Philippe Bernhard, violon

Loïc Rio, violon

Laurent Marfaing, alto

François Kieffer, violoncelle

Adagio et Fugue KV 546 (Mozart)

Quatuor à cordes en sol majeur opus 77 nº1 (Hob. III:81), Haydn

Quatuor à cordes nº7 en fa majeur (Beethoven)

Ces musiciens ont de beaux instruments très anciens, ils jouent de façon très engagée (presque trop) et cela fonctionne très bien !

Cité de la musique — 2014-01-25 à 17:00

Quatuor Pacifica

Simin Ganatra, violon

Sigurbjörn Bernhardsson, violon

Masumi Per Rostard, alto

Brandon Vamos, violoncelle

Quatuor à cordes nº23 en fa majeur KV 590 (Mozart)

Quatuor à cordes nº6, Sz. 114, Bartók

Quatuor à cordes (Ravel)

Un des meilleurs concerts de la Biennale ! Les musiciens du quatuor Pacifica ont interprété trois œuvres très différentes et ont su à chaque fois créer une atmosphère bien particulière, que ce soit pour Mozart, Bartók ou Ravel !

Cité de la musique — 2014-01-25 à 20:30

Quatuor Emerson

Eugene Drucker, violon

Philip Setzer, violon

Lawrence Dutton, alto

Paul Watkins, violoncelle

Quatuor à cordes nº16 en mi bémol majeur KV 428 (Mozart)

Quatuor à cordes nº15 en mi bémol majeur, op. 144 (Chostakovitch)

Quatuor à cordes nº9 “Razumovski” (Beethoven)

Je suis parti à l'entr'acte de ce concert pour gagner une heure de sommeil afin de me préparer au concert du lendemain matin. La couverture du classeur posé sur le pupitre de l'altiste était recouverte d'un drapeau américain... Debout comme les autres musiciens (à part le violoncelliste), le premier violon du quatuor Emerson me donnait l'impression de s'ennuyer à mourir en jouant. Certains détails d'interprétation du Mozart m'ont semblé très étranges, au point que j'ai dû réprimer des envies de glousser. Le Chostakovitch (pas très joyeux) était bien, mais je n'ai pas eu l'impression que le quatuor Emerson s'y mettait particulièrement en valeur.

Cité de la musique — 2014-01-26 à 11:00

Quatuor Arcanto

Antje Weithaas, violon

Daniel Sepec, violon

Tabea Zimmermann, alto

Jean-Guihen Queyras, violoncelle

Quatuor à cordes nº12 “Quartettsatz” (Schubert)

Quatuor à cordes nº18 en la majeur KV 464 (Mozart)

Olivier Marron, violoncelle

Quintette à deux violoncelles (Schubert)

Magnifique concert ! Les musiciens sont tous exceptionnels, mais ils jouent tous très collectif ! C'est particulièrement frappant dans les œuvres de Schubert. Cependant, dans le Mozart, la violoniste Antje Weithaas est bien obligée de se mettre un peu en valeur, ce qu'elle fait de façon très élégante !

Amphithéâtre de la Cité de la musique — 2014-01-26 à 14:30

Quatuor Belcea

Corina Belcea, violon

Axel Schacher, violon

Krzstof Chorzelski, alto

Antoine Lederlin, violoncelle

Quatuor à cordes nº20 en ré majeur “Hoffmeister” KV 499 (Mozart)

Quatuor à cordes nº3, op. 94 (Britten)

La dernière journée de la Biennale se poursuit avec une autre superbe concert dont je retiens surtout l'insoutenablement beau Quatuor nº3 de Britten. Je ne me méfiais pas trop après avoir entendu les 2 premiers mouvements, mais à partir du troisième je n'ai pas pu retenir mes larmes de plaisir à l'écoute du violon de Corina Belcea.

(En bis, la très belle Cavatine du Quatuor nº13 opus 130 de Beethoven.)

Cité de la musique — 2014-01-26 à 14:30

Quatuor Jerusalem

Alexander Pavlovsky, violon

Sergei Bresler, violon

Ori Kam, alto

Kyril Zlotnikov, violoncelle

Quatuor à cordes nº22 en si bémol majeur KV 589 (Mozart)

Quatuor nº1 “Sonate à Kreutzer”, Janáček

Quatuor nº1 en mi mineur ”De ma vie”, Smetana

Mon état de fatigue ne m'a pas permis d'apprécier le Mozart. Le Quatuor nº1 “Sonate à Kreutzer” de Janáček m'a paru très bien joué, vraiment. Il faut remercier le Quatuor Jerusalem de l'avoir interprété, mais cette écoute n'efface pas de ma mémoire l'interprétation que David Grimal et al. en avaient donné aux Bouffes du Nord en 2012.

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Bilan 2013

2014-01-24 14:06+0100 (Orsay) — Culture — Musique — Opéra — Danse — Danses indiennes — Culture indienne

J'ai vu singulièrement plus de spectacles en 2013 qu'en 2012, à savoir plus de deux cents... Un certain nombre d'entre eux m'ont fait passer des moments exceptionnels. Si je ne devais retenir que l'exceptionnel parmi l'exceptionnel, je garderais les spectacles suivants (dans l'ordre chronologique) :

Voici quelques autres spectacles qui m'ont procuré beaucoup de plaisir. La sélection est évidemment très subjective. Je me suis limité à 10, mais beaucoup d'autres spectacles auraient pu figurer dans cette liste !

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Planning/Vite dit de janvier 2014

2014-01-19 14:00+0100 (Orsay) — Culture — Musique — Danse — Danses indiennes — Culture indienne — Planning

Il est un peu tard pour présenter un planning de spectacles de janvier, et un peu tôt pour faire le bilan du mois, mais ce billet tentera de faire les deux.

  • 1er janvier 2014 (Mylapore Fine Arts Club, Sri Krishna Gana Sabha, Chennai) : J'ai vu quatre spectacles lors de cette journée, le plus remarquable étant le récital de Sweta Prachande, disciple de Sucheta Chapekar et Priyadarshini Govind.
  • 2 janvier 2014 (Vidya Bharathi Kalyana Mandapam, Bharatiya Vidya Bhava, Chennai) : Cinq spectacles au cours de cette longue journée. Parmi eux, une remarquable lecture-demonstration sur le chant carnatique par T. S. Sathyavathi, un concert moyen et trois beaux récitals de danse bharatanatyam par M. Thamayanthi, Vaijayanthi Narendran et Janaki Rangarajan.
  • 3 janvier 2014 (Balamandir German Hall, The Music Academy, Chennai) : Pour conclure mon séjour à Chennai, un émouvant mini-concert matinal, un très beau récital de bharatanatyam d'Aishwarya Nityananda et un décevant ballet de danse odissi par la Sutra Dance Company de Ramli Ibrahim.

Opéra Garnier — 2014-01-08

Ballet du Théâtre du Bolchoï

Orchestre Colonne

Igor Dronov, direction musicale

Leonid Desyatnikov, musique

Alexeï Ratmansky, chorégraphie

Jérôme Kaplan, décors et costumes

Vincent Millet, lumières

Guillaume Gallienne, consultant dramaturgique

Lukas Geniusas, piano

Svetlana Shilova, Catherine Trottman, chant

Diana Vishneva, Coralie

Vladislav Lantratov, Lucien

Ekaterina Shipulina, Florine

Artem Ovcharenko, Premier danseur

Yegor Simachev, Camusot

Alexandr Fadeechev, Le Duc

Yan Godovsky, Le Maître de ballet

Illusions perdues, ballet en trois actes d'après le livret de Vladimir Dmitriev inspiré du roman éponyme d'Honoré de Balzac

J'ai apprécié certains aspects de la musique de ce ballet interprété par le Ballet du Théâtre Bolchoï. J'ai toutefois été étonné que la musique soit bien souvent une superposition entre une musique assez sérieuse et une musique moqueuse, comme si une partie de l'orchestre se mettait à caqueter. (Ceci n'est pas une critique de l'orchestre que j'ai trouvé excellent, mais de la curieuse composition de Leonid Desyatnikov.)

J'ai aimé voir les magnifiques danseurs Vladislav Lantratov et Diana Vishneva dans les rôles principaux (et revoir Ekaterina Shipulina exécuter une vingtaine de fouttés), mais je n'ai été aucunement ému par l'histoire.

Maison de l'Inde, Cité universitaire — 2014-01-11

Jérôme Cormier, chant dhrupad

Gérard Hababou, pakhawaj

Joël, chant dhrupad

Raga Gunkali

Le pakhawaj imposait d'accorder le tampura en la, ce qui me permit de chanter bien que ma gorge ne fût pas tout à fait remise de mon utilisation d'un encens anti-moustiques à la fin de mon séjour à Chennai... La dernière fois, nous étions quatre à accompagner notre professeur de chant dhrupad. Cette fois-ci, j'étais tout seul, et cela fait drôle de savoir que c'est sans filet...

Chez Malavika — 2014-01-11

Pauline Reibell, bharatanatyam

Kâmala

J'ai apprécié ce spectacle de danse bharatanatyam de Pauline Reibell (qui est comme ma prof disciple de Sucheta Chapekar). Le spectacle s'intitule Kâmala, qui est le nom de la fleur de lotus, dont l'éclosion sera évoquée de diverses manières au cours du spectacle. Celui-ci commence par le son originel Om, suivi de la note de référence Sa du solfège indien, bientôt rejointe par les autres notes de la gamme que la danseuse chante dos au public. Elle prononce ensuite en joignant le geste à la parole un vers essentiel de l'Abhinaya Darpanam sur les danses indiennes :

यतो हस्तस्ततो दृष्टिर्यतो दृष्टिस्ततो मनः ।
यतो मनस्ततो भावो यतो भावस्ततो रसः ॥

Ce qui se transcrit ainsi :

yato hastastato dṛṣṭiryato dṛṣṭistato manaḥ
yato manastato bhāvo yato bhāvastato rasaḥa

Là où va la main va le regard, etc. Après l'avoir prononcé en sanskrit, la danseuse en a proposé une traduction. La fin du vers est étonnamment traduite par Jaillit la joie. Le geste effectué par la danseuse évoque effectivement la joie, mais il me semble qu'il s'agit plus généralement de l'émotion esthétique (Rasa).

La bande-son alterne entre musique plutôt mélodique, silences, passages rythmiques et bruits urbains dans lesquels s'insèrent des réflexions sur divers sujets. La partie la plus développée du spectacle évoque Ardhanarishwara, la forme androgyne mi-Shiva mi-Parvati. Les deux divinités sont surtout représentées l'une par son attitude féminine et l'autre par l'action du tambour Damaru. Cette représentation se prolongeait peut-être dans deux passages rythmiques dans lesquels une seule de ses mains était animée d'un mouvement, le passage utilisant la main droite étant semble-t-il plus viril que celui utilisant la main gauche.

Dans la séquence suivante, la fleur de lotus semble éclore, attirée par le Soleil. La danseuse représente ensuite trois divinités associées au lotus : Lakshmi, Sarasvati, Govinda. Je suis alors ravi de la voir représenter Padmanabha. Plus loin, adoptant une pose demandant un certain sens de l'équilibre, la danseuse représente semble-t-il un poisson ; l'interprétation de cette pose par la danseuse est plus courbe que ce que j'ai pu voir récemment à Chennai.

Le récital est quelque peu austère, mais j'ai apprécié la beauté de certains mouvements convergeant vers des postures signifiantes et je me suis aussi délecté de la pièce narrative évoquant l'espiègle Krishna qui est intervenue avant le Tillana concluant le récital.

Salle Pleyel — 2014-01-16

Roland Daugareil, violon solo

Orchestre de Paris

Christoph von Dohnányi, direction

Le songe d'une nuit d'été (Ouverture), Mendelssohn

Martin Helmchen, piano

Concerto pour piano nº3 et ut mineur op 37 (Beethoven)

Symphonie nº9 La Grande (Schubert)

Superbe concert de l'Orchestre de Paris ! tout comme la dernière fois que j'avais vu Christoph von Dohnányi diriger cet orchestre, dans Le Château de Barbe-Bleue. Placé cette fois-ci à l'arrière-scène, je le vois diriger des épaules l'Ouverture du Songe d'une nuit d'été. Le grand moment du concert a été pour moi l'interprétation du Troisième concerto pour piano de Beethoven par le pianiste Martin Helmchen que j'avais déjà trouvé formidable comme accompagnateur de Juliane Banse lors d'un récital de Lieder. Comme beaucoup d'autres spectateurs, j'ai été captivé par son interprétation de ce concerto ! Beaucoup de rubato dans son jeu et dans celui de l'orchestre... Certains passages sont très virtuoses, mais je n'ai jamais l'impression d'être noyé dans un déluge de notes. Tout semble très clair !

Après l'entr'acte, j'ai beaucoup aimé l'interprétation de la symphonie “La Grande” de Schubert, notamment le deuxième mouvement, mais à chaque écoute, je trouve toujours cette symphonie un petit peu longue...

  • 18, 21, 23, 24, 25 & 26 janvier 2014 (Cité de la musique) : Voilà la sixième biennale de quatuors à cordes ! Si tout se passe bien, je devrais pouvoir assister à 14 des 16 concerts programmés lors de cet événement. Le compositeur classique mis en valeur est Mozart, et de nombreux autres compositeurs vivants ou morts seront représentés (Bartók, Beethoven, Britten, Haydn, Janáček, etc.).
  • 31 janvier 2014 (Salle Pleyel) : Après avoir joué et dirigé un programme similaire avec le Chamber Orchestra of Europa, Leonidas Kavakos revient avec un programme Mozart/Prokofiev/Schubert avec l'Orchestre philharmonique de Radio France. (J'ai vraiment l'impression d'écouter trop souvent la Symphonie nº9 “La Grande” de Schubert...)

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Bilan de la Saison de Décembre 2013 à Chennai

2014-01-12 17:40+0100 (Orsay) — Culture — Musique — Danse — Danses indiennes — Culture indienne — Voyage en Inde XII

Je reviens ravi de mon court à Chennai pour la Saison de décembre. Je ne saurais trop recommander à quiconque aime la danse bharatanatyam d'y aller (les autres styles indiens n'étant que très modestement représentés). Je n'y retournerai pas tous les ans, d'une part parce qu'un séjour aussi bref en Inde est quelque peu dispendieux et d'autre part parce que l'ensemble des artistes présents ne doit pas beaucoup changer d'une année sur l'autre. Cependant, je retenterai l'expérience dans quelques années, c'est certain.

La plupart de mes journées commençaient très tôt. Pendant les premiers jours, je n'avais aucun mal à m'endormir, mais une fois réveillé sans raison vers 5h du matin, je n'arrivais plus à me rendormir. Les jours suivants, j'ai été réveillé tous les matins vers 5h par le son des nadaswarams du temple jouxtant l'hôtel moins onéreux que j'avais préféré au premier. Je n'avais dès lors plus qu'à attendre 7h que le restaurant Saravana Bhavan le plus proche ouvre afin d'y déguster des Appams servis avec du lait de coco.

Les spectacles de danse n'ayant lieu que l'après-midi, il a bien fallu que j'assiste le matin à quelques concerts de musique carnatique (et à des conférences-démonstrations à la Music Academy ou au Sri Krishna Gana Sabha). Il m'est apparu au cours de ce voyage que je n'aimais pas véritablement la musique carnatique. Les raisons m'ont été révélées lors de l'intéressante conférence-démonstration des violonistes Ganesh & Kumaresh. J'apprécie que le chant soit ornementé, c'est ce qui m'a attiré vers le dhrupad, mais le chant carnatique est beaucoup trop ornementé à mon goût. Les Alap sont trop courts et ne font pas entendre les notes de la gamme de façon progressive, puisqu'au bout d'un quart de seconde, le chanteur aura eu le temps de les jouer toutes avec déjà d'infinies combinaisons d'ornementations. Certains interprètes arrivent néanmoins à donner un caractère méditatif à leur chant. Ce fut le cas de T. M. Krishna et plus encore de Dr M. Balamuralikrishna. Me donner une petite chance d'entendre Dr M. Balamuralikrishna en concert faisait partie des raisons principales de mon séjour. Je suis heureux de l'avoir entendu, même si cela n'a duré que 10 minutes. En dehors de ce moment exceptionnel, je retiendrai surtout le concert matinal de Padmavathy Ananthagopalan & Jayanthi Kumaresh qui ont interprété avec leurs Vînâs un Ragam Thanam Pallavi, la forme musicale la plus élaborée dans la musique carnatique et la plus proche de la forme que prennent les Ragas dans la musique dhrupad.

La raison principale de mon séjour à Chennai était bien sûr la danse. En tout, j'aurai assisté à plus d'une trentaine de spectacles de danse (sur 52 spectacles vus en 12 jours). Cela commençait souvent par un récital au Narada Gana Sabha à 14h après lequel je filais au Sri Krishna Gana Sabha pour les récitals de 16h et 17h30 dans la petite salle, après lesquels j'enchaînais avec le spectacle du soir dans la grande salle du Sri Krishna Gana Sabha, ou dans une autre salle. À l'issue du festival du Sri Krishna Gana Sabha, je me suis tourné vers le Bharatiya Vidya Bhavan.

Pour ce qui est de la danse, j'ai été heureux de prendre un cours avec Srithika Kasturirangan qui porte une lourde responsabilité dans mon intérêt pour le bharatanatyam. En assistant à des récitals, j'ai découvert des styles de bharatanatyam extrêmement variés, du plus austère (C. V. Chandrashekhar) au plus exubérant (Nivedita Gopinath) en passant par l'art de la narration la plus lisible qui soit de Bhavya Balasubramanian, la grâce de Meenakshi Srinivasan, le style tout à fait unique de Padma Subramanyam (dont le travail sur les karanas peut néanmoins être admiré chez Janaki Rangarajan). Parmi les expériences allant vers la danse contemporaine, si j'ai été sensible aux tentatives de Rukmini Vijayakumar, j'ai un peu moins accroché à celles de Leela Samson et je suis resté complètement réfractaire à la démarche d'Anita Ratnam. Ce spectacle d'Anita Ratnam est la seule véritable déconvenue subie au cours de ce séjour, et ce d'autant plus qu'en assistant à ce mauvais spectacle, j'ai perdu une occasion de revoir Alarmel Valli. Mon grand autre regret est de n'avoir pas vu Bragha Bessel dont tout le monde loue les qualités exceptionnelles en Abhinaya, mais ce n'est, je l'espère, que partie remise.

La trentaine de récitals de danse auxquels j'ai assisté m'ont donc à peu près tous apporté des satisfactions ; je ne peux pas toutes les citer ici. Les plus grandes émotions ne sont pas toujours venues des danseuses les plus connues : la qualité d'un spectacle ne se mesure pas au prix des places (qui est souvent de zéro roupie !). Cependant, s'il y avait un seul spectacle en lequel je fondais de grandes espérances, c'était bien celui de Rama Vaidyanathan. Jusque là, je ne l'avais vue qu'en vidéo. Je m'attendais à ce que soit extraordinaire et assister à son récital au Bharat Kalachar m'a comblé au delà de toutes mes espérances !

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Chennai, Jour 12/12 : Amirtha Vahini, M. V. Narasimhachari, Aishwarya Nityananda, Sutra Dance Company

2014-01-10 17:08+0100 (Orsay) — Culture — Musique — Danse — Danses indiennes — Culture indienne — Voyage en Inde XII

The Indian Fine Arts Society, Balamandir German Hall, Chennai — 2014-01-03 à 08:30

Ensemble Amirtha Vahini, chant

Il n'y avait pas beaucoup de spectacles programmés pendant cette matinée. La seule possibilité que j'aie trouvée était d'aller au Balamandir German Hall à 8h30. On était moins nombreux dans le public que sur scène où avaient pris place sept femmes et un homme qui chantaient sans accompagnement instrumental. Elles chantaient déjà avant que je fusse arrivé. Leurs chants sont semble-t-il en l'honneur de Krishna et sont pour la plupart en Adi Tala (les chanteuses ne le clappant pas toutes de façon synchronisées avec la leader). J'apprécie que les chants soient ornementés de façon beaucoup plus raisonnable que ne l'est le chant carnatique. Quelques délicieux glissandis exécutés entre certaines notes interprétées sur un tempo plutôt lent, cela me plaît davantage que les ornementations fractales de certains chanteurs ! Malgré leurs imperfections et leur absence totale de prétention, ces chants interprétés par un chœur m'ont beaucoup ému.

The Indian Fine Arts Society, Balamandir German Hall, Chennai — 2014-01-03 à 09:00

M.V. Narasimhachari, chant

Jayanthi Keshav, violon

Thiruvidaimarudur Radhakrishnan, mridangam

Quelques minutes après la fin du premier concert, le public n'est pas beaucoup plus nombreux pour le concert de M. V. Narasimhachari. La voix du chanteur âgé ne s'est pas tout à fait enfuie, lui permettant tout juste d'assurer le concert, ce qui me met assez mal à l'aise. La brièveté ou l'absence totale d'Alap dans l'interprétation des premières compositions m'a décidé à partir après un petit quart d'heure.

Pour la soirée, j'avais deux possibilités. La première était d'assister à un dance drama de Kalakshetra au Narada Gana Sabha. Après avoir vu une autre chorégraphie de Rukmini Devi dans le récital de C. V. Chandrashekhar, je me suis dit que je risquais de m'y ennuyer et ce d'autant plus que je ne connais pas bien le thème mythologique du dance drama Rukmini Kalyanam qui était programmé (pour cette raison, j'aurais bien aimé voir Sabari Moksham, mais c'était complet).

L'autre possibilité, c'était d'aller à l'ouverture du festival de danse de la Music Academy. Après avoir fui le concert mentionné ci-dessus, je suis passé vers 9h30 à la Music Academy pour acheter une bonne place. La vente commençait à 10h. J'étais le premier dans la file, bientôt rejoint par une japonaise, Naoko. Un agent de sécurité nous a dit de passer outre et d'aller sans attendre au bureau de la Music Academy où on nous a dit de rebrousser chemin parce qu'ils étaient débordés. J'ai finalement acheté mon billet et Naoko son abonnement (season ticket), comme quoi, c'est possible.

Le soir venu, je suis arrivé bien en avance à la Music Academy. Ayant payé ma place 850 roupies, je suis passé par l'entrée VIP et ai découvert que tout le petit monde ou presque du bharatanatyam à Chennai était déjà là ou en train d'arriver : Padma Subramanyam, Sudharani Raghupathy, les Dhananjayan, Shobana, les critiques Sunil Kothari et Leela Venkataraman, et bien d'autres non identifiés. J'aperçois aussi des membres de la Chidambaram Dance Company de Chitra Visweswaran. Si le public était invité à venir plus tôt, c'est parce que la Music Academy avait attribué à cette danseuse le prix Natya Kala Acharya qu'allait lui remettre C. V. Chandrashekhar après la cérémonie de l'allumage de la lampe. Parmi les discours faits à cette occasions, trois ont été remarqués. Tout d'abord, l'entrepreneur Sreedhar Potarazu, époux et père de danseuses, a expliqué qu'il finançait le festival de la Music Academy non pas par mécénat, mais par dévotion aux Arts. C. V. Chandrashekhar a de son côté exprimé son inquiétude sur la forme du récital de bharatanatyam Margam (structuré en Alarippu, Varnam, Padam, etc). Selon lui, de trop nombreuses danseuses utilisent leurs récitals pour raconter des histoires. Il veut bien que l'on raconte des histoires, mais il faudrait laisser cela aux chorégraphies de groupes (Dance Dramas). Si je me fie aux spectacles vus pendant la saison, ses inquiétudes me semblent assez largement infondées ; et ce n'est de toute façon pas moi qui reprocherait à une danseuse de raconter une histoire dans son récital... Les arguments qu'il a produits incluaient la défense de la poésie tamoule qui est utilisée dans certains types de pièces et il a aussi défendu l'importance de l'expression des sentiments de la nayika dans les Varnam alors que celle-ci suit un chemin spirituel vers la divinité.

Le discours d'acceptation de Chitra Visweswaran a été très émouvant. Elle a rendu hommage aux personnes grâce auxquelles elle est devenue ce qu'elle est. Elle a aussi exhorté à une prise de conscience des difficultés auxquelles sont confrontés les danseurs (pas de protection sociale, pas de retraite). Elle a appelé à une réflexion sur le rôle que l'État, les entreprises et la Music Academy pourraient jouer pour améliorer la situation.

La cérémonie s'est éternisée et la demi-heure prévue a été très vite dépassée. Le récital prévu ensuite a commencé avec 40 minutes de retard !

Ailleurs : The Hindu.

The Music Academy, T.T.K. Auditorium, Chennai — 2014-01-03 à 18:00

Aishwarya Nityananda, danse bharatanatyam

Pushpanjali

Varnam

Devanama

Padam

Tillana

Le récital d'Aishwarya Nityananda donné en ouverture du festival m'a semblé remarquable. Après une prière à Ganesh dont la danseuse a mis en valeur le gros ventre, elle a interprété un Varnam (Rupaka Tala) du Tanjore Quartet en l'honneur de Brihadeshwarar, la forme de Shiva qui réside à Tanjore.

La danse d'Aishwarya Nityananda semble appartenir à la plus pure tradition. Le thème de son Varnam (Rupaka Tala) a certainement fait plaisir à C. V. Chandrashekhar. Si les qualités expressives de la danseuse sont indéniables, son interprétation me paraît exceptionnelle pour une autre raison. Dans le bharatanatyam, il faut bien admettre que certains éléments de narration très courants finissent par devenir des lieux communs, mais dans ce Varnam la danseuse a repris certains de ces éléments pour les développer davantage que cela se fait habituellement, et élaborant des gestes nouveaux pour ces situations connues, elle renforce l'esthétisme et la poésie de ces scènes. Par exemple, après un premier jati ressemblant fortement à un Alarippu, l'héroïne adresse une prière à Shiva-Nataraja qui se laisse entrevoir et puis elle décide de confectionner une guirlande de fleurs. Au lieu de gestes vus et revus, la danseuse élabore sur ce thème. On la voit ainsi aller remplir des seaux d'eau au puits, puis arroser des fleurs et enfin seulement préparer les guirlandes de fleurs. Plus loin, entrant dans le temple, elle entend le son des tambours et des nadaswarams. Après son offrande de fleurs, Shiva lui apparaît sous une forme qui lui fait peur : certes Ganga coule de son chignon et il arbore le croissant de Lune, mais elle est effrayée par sa chevelure, les cendres et la peau de tigre. Quand il semble qu'il veuille lui prendre la main, elle s'enfuit. On retrouve ensuite l'héroïne dans une scène bucolique. Allongée au bord de l'eau, elle regarde une abeille butiner un lotus. Cette scène est extrêmement stylisée et la musique se fait presqu'impressionniste grâce au son de la flûte. L'héroïne voit aussi des couples d'oiseaux et d'antilopes. Elle refuse de continuer à voir ce qui la dégoûte. Elle cherche ensuite à s'unir à celui qui porte le tambour Damaru et dont la virilité quelque peu hautaine semble comporter une part de vantardise. L'héroïne est montrée en train de se faire belle. La scène est extrêmement riche en détails. Elle se regarde dans le miroir, se met un collier, des boucles d'oreilles, des bracelets. La danseuse portait évidemment des bracelets depuis le début de son récital, mais c'est tout comme s'ils n'avaient paru qu'au moment où l'héroïne qu'elle incarne les a mis ! L'héroïne enfile ensuite très soigneusement un sari, mais elle ne semble pas satisfaite. Elle jette tous ses ornements et supplie la divinité. Dans le dernier chapitre joyeux du Varnam, on voit l'héroïne s'émerveiller devant la vision de Shiva ascète réduisant Kama en cendres et semble-t-il aussi devant celle de l'épisode mythologique qui vaut à Shiva le nom de Nilakantha. Il me semble ainsi voir la danseuse évoquer le barattage de la Mer de Lait et montrer Shiva en train de boire le poison qui en a résulté, mais je n'en suis pas tout à fait certain, la chorégraphie n'incluant pas de geste spécifique pour signifier que Shiva en a conservé une marque à la gorge.

La danseuse a fait preuve d'une grande musicalité dans son interprétation et ses jatis étaient souvent assez complexes. Le Varnam a même comporté une scène assez vive dansée sur les genoux. La pièce suivante Devanama (composée par Purandara Dasa) évoquait Vishnu. La divinité est apparue plusieurs fois sous le nom de Rama dans le texte, et dans la chorégraphie, mais la pièce est surtout centrée sur l'avatar Krishna, et plus particulièrement sur l'épisode que constitue la Bhagavadgita. On voit ainsi Krishna en cocher. L'archer Arjuna refuse de combattre ceux avec qui il partage des liens familiaux. Krishna se montre à lui dans sa forme universelle. L'Univers tout entier apparaît. Arjuna en est émerveillé et repart au combat. La fin de la pièce comporte une très belle pose de Vishnu-Padmanabha sur le serpent Shesha.

Les deux dernières pièces m'ont paru bien moins passionnantes que les précédentes. L'avant-dernière était un Padam sur le même thème que celui présenté la veille par Janaki Rangarajan. L'interprétation d'Aishwarya Nityananda souffre beaucoup de la comparaison. Si elle n'avait pas annoncé préalablement le thème du Padam, je n'aurais sans doute rien compris à la pièce. Le Tillana n'était pas très enthousiasmant non plus. Il se réduisait à de la danse pure. Fait étonnant, le récital ne s'est pas terminé par la salutation traditionnelle.

The Music Academy, T.T.K. Auditorium, Chennai — 2014-01-03 à 19:45

Sutra Dance Company de Ramli Ibrahim, danse odissi

Krishna: Love Re-invented

À la lecture du programme du festival de danse de la Music Academy, il apparaît que les spectacles programmés en soirée sont des ensembles plutôt que des récitals solos. Le premier de ces spectacles est Krishna: Love re-invented dansé par la Sutra Dance Company de Ramli Ibrahim (Malaysie). Si les cinq premières minutes du spectacle m'ont paru réellement enthousiasmantes, l'ensemble me paraît consternant et je suis étonné qu'un aussi prestigieux festival programme un tel spectacle certes bien dansé mais dénué de substance. (Cela dit, j'ai déjà vu pire à l'Opéra de Paris !) La troupe est composée de quatre danseurs solistes : Ramli Ibrahim, un jeune homme interprétant Krishna et deux danseuses que les costumes ne distinguent pas des cinq autres danseuses du corps de ballet.

Le costume des danseuses comporte moins de tissu que le costume traditionnel de la danse odissi : elles n'ont que le corsage et le pantalon. Le sujet du ballet est on ne peut plus érotique. Pendant plus d'une heure, on nous montre Krishna en train de danser avec les gopis. Ce serait superbe si le ballet s'arrêtait à la fin du premier des cinq ou six tableaux, mais à force de revoir toujours la même chose tableau après tableau mon émerveillement a laissé la place à la lassitude.

Le premier tableau mettait en scène deux dévôts de Krishna : un homme (Ramli Ibrahim) et une femme (la prima ballerina). Les danseurs et danseuses de la compagnie dansent un style que l'on ne peut pas confondre avec un autre style que l'odissi. La cambrure des corps est tout à fait caractéristique. La lascivité des poses et des mouvements de transition met résolument en valeur l'aspect Lasya de la danse. Ce qui me plaît le plus, c'est le travail sur le placement du corps de ballet, très homogène : en danses indiennes, c'est la première fois que je vois ça (les danseuses de la Chidambaram Dance Company vues récemment développant davantage leur singularité).

Si le premier tableau était superbement travaillé, les suivants étaient très décevants, le sujet ayant été épuisé dès le premier tableau. Pour rendre le ballet plus substantiel, il aurait fallu par exemple explorer le Gita-Govinda ou narrer des exploits du jeune Krishna... Il faut néanmoins reconnaître une certaine audace dans les portés intégrés à la chorégraphie, sans doute à l'extrême limite de ce qui doit être acceptable en termes de pudeur sur une scène indienne.

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Chennai, Jour 11/12 : T. S. Sathyavathi, Kunnakudy M. Balamuralikrishna, M. Thamayanthi, Vaijayanthi Narendran, Janaki Rangarajan

2014-01-06 22:26+0100 (Orsay) — Culture — Musique — Danse — Danses indiennes — Culture indienne — Voyage en Inde XII

Sri Parthasarathy Swami Sabha, Vidya Bharathi Kalyana Mandapam, Chennai — 2014-01-02 à 08:30

Dr. T.S. Sathyavathi

Lecture Demonstration: An aesthetic approach to pallavi and its facets

Mon avant-dernière journée à Chennai a commencé par une remarquable lecture-demonstration au Vidya Bharati Kalyana Mandapam que les rickshaws qui le connaissent appellent simplement Vidya Bharatai et qu'il ne faut donc pas confondre avec Bharatiya Vidya Bhavan qui se trouve aussi à Mylapore. La conférence est intitulée An aesthetic approach to pallavi and its facets. Après avoir chanté une courte et intense prière à Bhagavata, T. S. Sathyavathi a illustré ce qu'il fallait faire (ou ne pas faire) selon elle dans la partie Pallavi d'un Ragam Thanam Pallavi. Parmi ses idées, celle d'apporter du plaisir (pleasure) à l'auditeur plutôt que de créer une tension (pressure). Tous les efforts de l'interprète doivent aller dans cette direction, mais il ne faut pas que ces efforts soient apparents. Elle a présenté de nombreux exemples d'une grande difficulté technique, mais a insisté pour que l'interprète ne soit pas trop démonstratif et que le battements du tala et de ses subdivisions ne soient pas trop forcés : allier souplesse et précision. Par exemple, la chanteuse est passée tout naturellement de temps divisés en quatre doubles croches à des quintolets et puis plus loin, elle rendra très naturel un redoutable Talamalika, une guirlande de talas dans lequel chaque cycle rythmique était obtenu en mettant bout à bout plusieurs talas (en l'occurrence quatre : 3+???+4+5).

Sri Parthasarathy Swami Sabha, Vidya Bharathi Kalyana Mandapam, Chennai — 2014-01-02 à 10:00

Kunnakudy M. Balamuralikrishna, chant

M.A. Sundareswaran, violon

Thiruvarur Bakthavathsalam, mridangam

K.V. Gopalakrishnan, kanjira

La matinée se poursuit dans la même salle avec un concert de Kunnakudy M. Balamuralikrishna. Alors que j'arrivais à clapper immédiatement des talas pas tout à fait évidents avec l'oratrice de la lecture-demonstration précédente, je suis perdu quand je regarde Kunnakudy M. Balamuralikrishna, même quand il chante une composition dans le tala le plus courant (Adi). Le chanteur ne suit manifestement pas la même recherche esthétique que T. S. Sathyavathi. C'est très divertissant, je ne regrette pas d'être resté jusqu'au Tillana conclusif, mais je n'ai pas trouvé très transcendant ce concert.

Le temps est venu de parler d'un sujet important : la nourriture. J'ai pris la plupart de mes repas dans des restaurants comme Saravana Bhavan et d'autres du même type. Je ne suis allé qu'une fois dans un restaurant de luxe (Benjarong, un restaurant thaïlandais qui me permet de me remémorer à chaque passage à Chennai ce que signifie véritablement l'adjectif piquant appliqué à la cuisine). En cas de petit creux, je prenais des petits cakes nature vendus à tous les coins de rue pour 5 roupies.

La plupart des salles de spectacle disposent d'une cafétéria. Il ne m'a pas semblé qu'il y en ait une à la Music Academy et celle du Narada Gana Sabha n'étant ouverte qu'en soirée, je ne l'ai pas testée. J'ai souvent pris des cafés au Sri Krishna Gana Sabha, mais leurs plats ne sont pas terribles. Parmi les meilleurs cuisines que j'ai testées, celle du Brahma Gana Sabha (Sivagami Petachi Auditorium) est très bonne, tout comme celle du Mylapore Fine Arts Club, dont je n'ai malheureusement pas eu le temps de goûter au thali. La meilleure cantine a été pour moi indiscutablement celle du Vidya Bharati Kalyana Mandapam. La salle est grande et les murs sont recouverts de portraits de chanteurs de musique carnatique comme M. S. Subbulakshmi, Dr. M. Balamuralikrishna ou Aruna Sairam. J'y ai pris des vadas en arrivant le matin et je n'ai eu alors aucune hésitation sur l'endroit où je prendrais mon déjeuner. Après le concert de Kunnakudy M. Balamuralikrishna, je me suis installé dans cette cantine où des feuilles bananier étaient alignées pour servir le thali à volonté (un peu plus de 200 roupies). Un des meilleurs que j'aie goûtés !

Kartik Fine Arts, Bharatiya Vidya Bhavan - Main Hall, Chennai — 2014-01-02 à 16:30

M. Thamayanthi, danse bharatanatyam

À 16h30, je suis allé au Bharatiya Vidya Bhavan. L'entrée étant gratuité ce jour-là, j'ai assisté aux trois récitals de danse qui y étaient programmés afin d'être sûr d'avoir une très bonne place pour le dernier récital (de Janaki Rangarajan). La première danseuse est M. Thamayanthi, disciple d'Urmila Satyanarayanan. J'ai aimé son style très esthétique comportant des équilibres et une gracieuse utilisation de positions assises ou allongées.

Les deux premières pièces (un Pushpanjali en l'honneur de Shiva et un Alarippu rythmiquement compliqué dont la musique utilisait un tala à sept temps). S'ensuit un Varnam en Adi Tala dont je n'ai pas saisi la cohérence globale. Le premier jati ressemble à un Alarippu. Les mouvements semblent complexes, les bras et les jambes allant souvent dans des directions opposées. La jeune femme brûle d'amour. Elle va à la rivière se laver les cheveux et les arranger en chignon. Elle brûle toujours et cherche l'union. Des épisodes mythologiques sont ensuite évoqués. Il me semble discerner que quelqu'un est réduit en cendres (Kama par Shiva ?) et plus loin j'ai l'impression de voir une évocation de certains ou peut-être de tous les avatars de Vishnu, ce qui me paraît étrange, mais les apparitions de Krishna en flûtiste et du mot Gopala dans le texte lèvent mes doutes. Après un jati très rapide, on voit les abeilles butiner des fleurs et alors que l'héroïne se réveille après son sommeil, le Varnam se termine de façon joyeuse.

Le récital se conclut par deux délicieuses pièces en Adi Tala. La première décrit l'émerveillement d'une mère en voyant son enfant ; elle ne peut faire aucune tâche ménagère, puisqu'elle revient toujours auprès de l'enfant, pour lui donner des fruits, par exemple. Le récital se conclut sur un Tillana composé par Dr M. Balamuralikrishna, pas celui en Behag entendu déjà plusieurs fois, mais plutôt semble-t-il celui en Kadanakuthoohalam. La pièce évoquait Krishna et comportait un très bel équilibre.

En allant me dégourdir les jambes, je salue une dernière fois le violoniste Kalaiarasan qui filait jouer dans une autre salle et qui m'a demandé mon numéro de téléphone !

Kartik Fine Arts, Bharatiya Vidya Bhavan - Main Hall, Chennai — 2014-01-02 à 18:00

Vaijayanthi Narendran, danse bharatanatyam

Comme l'avant-veille, j'ai assisté à un récital d'une disciple de Krishnakumari Narendran. Le récital de Nivedita Gopinath était centré sur Vishnu (via son avatar Rama). Celui de Vaijayanthi Narendran est consacré à Shiva. Les discours en tamoul de Krishnakumari Narendran sont toujours aussi interminables. Les chorégraphies présentées par Vaijayanthi Narendran sont un peu moins hors normes que celles dansées par Nivedita Narendran. La première pièce commence par un jati très long mettant en scène le tambour Damaru de Shiva. Après une évocation du tambour, de la vînâ, de la flûte et de l'écriture, la suite de la pièce montre de nombreux attributs de Shiva (chignon, troisième œil, trident, Ganga, Nataraja, Damaru).

La deuxième pièce commence par le mantra Om Namah Shivaya dans laquelle la danseuse évoque la danse de Shiva en montrant plus ou moins les mêmes attributs que dans la pièce précédente. La vélocité de la danseuse est impressionnante. Presque trop, on n'en a pour ainsi plus le temps de distinguer les éléments évocateurs ou narratifs de la chorégraphie... Comme dans le récital de Nivedita Gopinath, les conventions du bharatanatyam semblent exploser avec l'insertion d'un passage de divertissement champêtre sans paroles dans lequel le son de la vînâ prend le dessus.

La pièce suivante utilise une musique de Papanasam Sivan et évoque semble-t-il l'amour filial de Yashoda pour Krishna.

La dernière pièce avait un titre ressemblant à Pandheri-yatra et m'a semblé évoquer un voyage en bateau et exprimer une dévotion (bhakti) vishnouïste.

Malgré la vitesse extrême des mouvements qu'elle a exécutés, la danseuse n'a trahi aucun signe de fatigue.

Kartik Fine Arts, Bharatiya Vidya Bhavan - Main Hall, Chennai — 2014-01-02 à 19:30

Janaki Rangarajan, danse bharatanatyam

Margam

Un des récitals que j'attendais le plus en venant à Chennai était celui de Janaki Rangarajan, que j'avais déjà eu l'occasion de voir au Musée Guimet il y a quelques mois. Le chanteur est K. Hariprasad et le nattuvangam sera joué par Jaishri, ce qui à tout pour me plaire. L'orchestre ne comporte pas de violon, seulement une flûte (et bien sûr aussi un mridangam).

Après une prière au Tout Puissant, la danseuse qui porte un élégant costume associant blanc, vert et rose a interprété un Alarippu suivi d'une prière et d'une offrande de fleurs à Shiva. Le dieu était représenté avec son chignon, des cendres et la peau de tigre. Étrangement, pour représenter Shiva-Nataraja, après avoir fait prendre à ses deux mains leur position habituelle, elle a dirigé vers le côté opposé non pas sa jambe gauche mais sa jambe droite. La pièce de cette disciple de Padma Subramanyam s'est terminée par une superbe pose, qui est probablement un karana (le centième ?), qui ressemble un peu à la représentation iconographique d'un des pas du nain Vamana (incarnation de Vishnu). La danseuse se tient sur la jambe droite qui est tendue, tandis que la jambe gauche est parfaitement horizontale, pointée vers le côté et tenue par la main gauche, la main droite restant décontractée.

La pièce principale du récital est un Varnam. L'héroïne est éprise de Padmanabha (Vishnu). Les jatis comportent quelques mouvements très courbes et incorporent peut-être quelque(s) karanas. Au cours des trente-deux spectacles de danse que j'ai vus à Chennai, j'ai eu de très nombreuses occasions de voir Kama lancer ses flèches florales. La représentation qu'en a fait Janaki Rangarajan est sans doute la plus belle que j'aie vue. L'héroïne exécute des rites d'adoration d'une statue. Elle brûle de la séparation avec son bien-aimé. Par ses magnifiques mouvements d'yeux, la danseuse exprime la détresse de l'héroïne. Celle-ci se pare. Elle se coiffe les cheveux, se maquille, souligne le contour de ses paupières. Des couples d'oiseaux paraissent, des abeilles butinent, l'héroïne pense à celui aux yeux de lotus (Krishna flûtiste), ce qui donne à la danseuse l'opportunité d'exécuter des délicats mouvements de sourcils. Elle brûle toujours de cette détresse et puis Padmanabha apparaît enfin. L'héroïne le supplie, mais elle ne pourra semble-t-il adorer que son image.

Plus que par sa structure classique assez peu narrative, si j'ai trouvé remarquable ce Varnam (en Rupaka Tala), c'est par le travail exceptionnel de la danseuse dans l'expression de son visage et dans la beauté de sa gestuelle, que ce soit dans les passages rythmiques (jatis) ou dans les parties exprimant les sentiments de l'héroïne.

La pièce suivante est un Padam. Si je verrai par hasard une autre danseuse interpréter une pièce sur le même thème le lendemain, je pense que Janaki Rangarajan est la première danseuse que je voie à présenter le thème d'une héroïne (nayika) trahie par son amie (sakhi). L'amie sert d'intermédiaire entre l'héroïne et son amoureux (une divinité, qui était ici Muruga). On voit l'héroïne rédiger une lettre que la sakhi est censée transmettre à l'amoureux. Dans ce Padam, quand l'amie revient, l'héroïne remarque que son maquillage est ruiné, son rouge à lèvres dégouline de partout. Alors que la sakhi avait toujours été pour moi un personnage assez abstrait que je n'arrivais jamais à distinguer dans la chorégraphie, je l'ai vu pour la première fois dans ce Padam. Elle fallait voir la sakhi ayant perdu toute contenance, pleine de honte, peu fière d'avoir trahi la nayika. Cela n'a duré que deux ou trois secondes, mais c'était magnifique. La pièce se termine avec l'expression des regrets de la sakhi.

Le récital s'est terminé par un Tillana composé par Padma Subramanyam louant la beauté des créatures de Dieu. Les mouvements d'yeux de la danseuse sont encore éblouissants dans cette pièce qui se termine par un bel équilibre.

Alors que je m'apprête à aller féliciter la danseuse, je suis ravi de me retrouver nez à nez avec Jaishri à qui j'ai déjà eu l'occasion quelques jours plus tôt d'exprimer toute mon estime pour sa façon de jouer du nattuvangam. Arrivé à la loge, je suis accueilli par un Are you Joël?. Je ne suis pas sûr de m'en être complètement remis...

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Chennai, Jour 10/12 : Lalgudi G. J. R. Krishnan & Lalgudi Vijayalakshmi, M. S. Ananthashree, Sweta Prachande, Zakir Hussain

2014-01-03 16:10+0530 (சென்னை) — Culture — Musique — Danse — Danses indiennes — Culture indienne — Voyage en Inde XII

The Mylapore Fine Arts Club, Chennai — 2014-01-01 à 09:30

Lalgudi G.J.R. Krishnan, violon

Lalgudi Vijayalakshmi, violon

Trichy B. Harikumar, mridangam

V. Suresh, ghatam

Pour ce premier concert de l'année, j'ai probablement entendu ce qui se fait de mieux en violon carnatique : les frère et sœur Lalgudi G. J. R. Krishnan et Lalgudi Vijayalakshmi, disciples de leur père Lalgudi Jayaraman. Le concert a été agréable, mais n'a pas atteint les sommets de celui des joueuses de vînâ Padmavathy Ananthagopalan & Jayanthi Kumaresh. Ils ont interprété de nombreuses compositions en Adi Tala (et Rupaka Tala) de grands compositeurs (Tyagaraja, Muthuswami Dikshitar et leur père). Leur concert a aussi comporté un Ragam Thanam Pallavi en Raga Desh sur un cycle rythmique à neuf temps (XxxxxXoXo). La première ligne du Pallavi a été chantée par Vijayalakshmi avant que les deux musiciens l'interprètent avec leurs violons. J'ai nettement préféré ses improvisations à celles de son frère, moins émouvantes. Le concert s'est conclu par un Tillana composé par leur guru.

Sri Krishna Gana Sabha, Kamakoti Gana Mandir Hall, Chennai — 2014-01-01 à 16:00

M.S. Ananthashree, danse bharatanatyam

J'ai passé l'après-midi et la soirée au Sri Krishna Gana Sabha. J'y ai d'abord vu M. S. Ananthashree qui si elle n'est pas la plus élégante des danseuses que j'aie vues a cependant une très bonne technique. Après une prière chantée à Ganesh, elle a interprété Sabai Anjali/Tirupavai (?) avec son costume qui ressemble davantage à une robe qu'aux costumes les plus courants qui comportent un pantalon. Elle y fait une offrande de fleurs à la sculpture de Nataraja présente sur scène puis en tant que jeune femme éprise de Krishna, elle adresse une prière à Narayana.

Son Varnam est en Rupaka Tala. Il met en scène l'héroïne et Thyagaraja Swamy (la forme de Shiva résidant à Tiruvottiyur, près de Chennai). Frappée par les flèches de Kama, elle brûle de la séparation alors qu'autour de la rivière, elle voit des couples d'oiseaux et d'antilopes, ainsi que des abeilles butinant des fleurs. Elle prépare soigneusement un collier de fleurs pour son bien aimé. La danseuse évoque ensuite les Arts en mentionnant le Dieu aux quatre visages, les quatre Vedas, le tambour, la parole, la beauté du son, le rythme (qu'elle bat avec les doigts). Les jatis de ce Varnam sont très complexes d'un point de vue rythmique.

La pièce suivante est un Padam (Rupaka tala) dans lequel une mère tente de détourner sa fille de Shiva dont elle est éprise. La raison est semble-t-il qu'elle veuille garder Shiva pour elle-même... Le récital s'est conclu avec un Tillana (Adi tala).

Sri Krishna Gana Sabha, Kamakoti Gana Mandir Hall, Chennai — 2014-01-01 à 17:30

Sweta Prachande, danse bharatanatyam

Le récital suivant a été merveilleux. La jeune danseuse Sweta Prachande a d'abord appris le bharatanatyam auprès de Sucheta Chapekar (la guru de ma prof) et comme elle me l'a dit après le spectacle elle s'est installée depuis plusieurs années à Chennai où elle continue sa formation avec Priyadarshini Govind.

Le chanteur souffre quelque peu de la comparaison avec la Dream Team de musiciens qui l'entourent. Au violon, mon ami Kalaiarasan, au mridangam, le maître G. Vijayaraghavan et K. S. Balakrishnan au nattuvangam. La première pièce est une magnifique évocation de Shiva. La souplesse et le petit gabarit de la danseuse lui permettent de rendre particulièrement impressionnante la pose de Shiva-Nataraja. Cette pièce a été une des toutes meilleurs pièces de bharatanatyam que j'aie vues au cours de ce séjour.

Le Varnam n'a pas été proportionnellement aussi riche en émotions que la première pièce, mais la danseuse y a très bien évoqué Shiva et la Déesse (dans son aspect guerrier), tandis que l'héroïne dévôte de Shiva cherchait à s'unir à lui. Pour accompagner cette danse, la musique était d'une rare beauté. Les jatis composés par G. Vijayaraghavan et dansés par Sweta Prachande étaient un régal autant pour les yeux que pour les oreilles. Dans les parties narratives, les frappes du mridangam étaient d'une rare pertinence. Une pause dans le Varnam a été rendue nécessaire pour que la danseuse puisse remettre un bijou d'oreille qui était tombé, ce qui a donné lieu à un délicieux petit solo rythmique. Après que l'on a vu l'héroïne se laver les cheveux à la rivière, le Varnam s'est conclu par une célébration joyeuse de la nature accompagnée de plusieurs jathis utilisant des notes solfiées (sargam).

Après un superbe solo du violoniste, la danseuse a interprété un Javali (Rupaka tala) dans laquelle l'héroïne est en colère contre un jeune homme au visage de lotus qui n'a pas été nommé. Le voit-elle aller avec une autre ? Plus loin, elle s'endort et rêve de s'unir avec lui dans un lieu rempli de fleurs, mais le rêve se transforme semble-t-il en cauchemar quand elle voit un serpent...

La danseuse interprète ensuite une pièce Tirakadi (?) sur une chanson tamoule en Adi Tala. Elle évoque l'amour maternel dans une atmosphère bucolique, alors que les abeilles butinent et que les oiseaux volent. Elle cueille des fruits pour son enfant, mais il pleure quand même. Il finit par s'endormir bercé par elle et la musique s'évanouit dans un superbe decrescendo.

Le récital se conclut par le Tillana évoquant Krishna en flûtiste composé en Raga Behag (Adi Tala) par Dr M. Balamuralikrishna. Ç'aurait été parfait si le chanteur ne s'était emmêlé les pinceaux dans les subtilités rythmiques de la composition et n'avait être recadré à plusieurs reprises par le nattuvanar.

(J'aurais bien aimé que la danseuse interprète une pièce chorégraphiée par Sucheta Chapekar...)

Sri Krishna Gana Sabha, Dr. Nalli Gana Vihar, Chennai — 2014-01-01 à 19:30

Zakir Hussain, danse bharatanatyam

Madhuram

Autant l'accompagnement musical du récital précédent était beau et pertinent, autant celui du récital du danseur Zakir Hussain a manqué de subtilité. Tous les détails narratifs étaient accompagnés de bruitages divers produits par le percussionniste. Par l'expression de son visage, le danseur avait un petit air de Charlie Chaplin. La scène était décorée d'élément vishnouïstes. La conque et le disque étaient figurés au fond de la scène où était aussi suspendue une flûte ornée d'une plume de paon. Des jarres (contenant du beurre) étaient suspendues côté jardin.

Une femme a annoncé ce programme Madhuram dans un discours en tamoul apparemment plein d'humour. Entre deux pièces, le danseur fera aussi un très long mais néanmoins éloquent discours en tamoul.

Après une offrande de fleurs, le danseur a développé des thèmes liés à l'enfrance de Krishna. On le voit soulever le mont Govardhana, manger du beurre en cachette, dompter le serpent Kaliya. On le voit aussi semble-t-il tuer Kamsa. Après une évocation de son rôle de cocher dans le Mahabharata, le programme se termine par une scène d'adoration joyeuse.

Une scène particulièrement comique peut-être comparée à un épisode de l'opéra Siegfried dans lequel Siegfried joue de la musique avec son cor après avoir lamentablement échoué à produire du beau son avec un roseau. De même, les premières tentatives de Krishna avec sa flûte n'étaient pas très concluantes, mais une fois qu'il est parvenu à en tirer de la musique, les créatures (oiseaux et antilopes) en sont tout émoustillés.

Agréable retour en rickshaw avec un chauffeur qui maîtrise mieux le hindi que l'anglais...

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Chennai, Jour 9/12 : G. Vijayaraghavan, Uma B. Ramesh, Nivedita Gopinath, A. Lakshman, Leela Samson & Spanda

2014-01-02 14:40+0530 (சென்னை) — Culture — Musique — Danse — Danses indiennes — Culture indienne — Voyage en Inde XII

Sri Krishna Gana Sabha, Dr. Nalli Gana Vihar, Chennai — 2013-12-31 à 09:30

G. Vijayaraghavan, mridangam

K. S. Balakrishnan, nattuvangam

Lecture Demonstration: Rythms & vibrations in jathis

Comme l'avant-veille, je suis allé au Sri Krishna Gana Sabha pour assister à une lecture-demonstration. Celle-ci a été précédée du lancement d'un livre de Dr Kanak Rele sur le Mohiniyattam. C. V. Chandrashekhar a fait à cette occasion un discours d'éloge de la danseuse qu'il connaît depuis de nombreuses années.

La conférence a été magnifique. Le titre en était Rythms & vibrations in jathis. L'orateur est le maître du mridangam G. Vijayaraghavan, accompagné de K. S. Balakrishnan au nattuvangam. Après un discours en anglais qu'il avait fait l'effort de préparer, il a continué sa démonstration en tamoul. Il expliquait quelques notions, ce à quoi je ne comprenais rien, mais la démonstration qui suivait était suffisamment éloquente. Il commençait par faire une présentation orale d'un jathi (suite d'onomatopées rythmiques qui accompagnent des passages de danse pure dans un récital de bharatanatyam). Ensuite entraient en scène le danseur A. Lakshman et ses disciples (dans diverses configurations) qui exécutaient des pas de danse, le musicien utilisant son mridangam et les onomatopées rythmiques étant alors prononcées par son acolyte K. S. Balakrishnan qui utisaient aussi le nattuvangam. Concernant les syllabes utilisées, il a expliqué que l'on pouvait mélanger aux onomatopoées rythmiques le texte d'un vers, ou même n'utiliser que du texte, en particulier des mantras. De nombreux grands maîtres de danse ou danseurs étaient présents, il y avait notamment C. V. Chandrashekhar, Dr. Padma Subramanyam ou encore Anita Ratnam. Il y a eu quelques objections suivies d'un débat sur l'utilisation de mots ou de mantras dans les jathis. Les exemples qui ont suivi ont grandement mis en valeur la souplesse rythmique que s'autorise ce mridangiste. Les jathis qu'il interprète comportent des changements de tempos qui peuvent intervenir à divers endroits du cycle rythmique (les exemples donnés étant en Adi Tala ou sur un cycle voisin ne comportant que 7 temps, 3+4 au lieu de 4+4). Beaucoup d'accelerandos et de ritardandos ! Le temps paraît élastique quand il dirige ! Il est de l'avis que le mridangam doit avoir un rôle dans les émotions (bhava) que vont éprouver les spectateurs. Je crois bien qu'il y parvienne !

Priyadarshini Govind posera la question de la différence entre les anciens jathis et les nouveaux. Si j'ai bien compris le point-clef (dans les rares mots anglais qui surgissaient dans le flot de texte tamoul), la différence serait qu'autrefois on n'utilisait que des rythmes utilisant des nombres binaires. De nos jours, on s'autorise des découpages utilisant des nombres impairs. Le musicien reçoit un vibrant hommage de Padma Subramanyam qui explique aussi semble-t-il qu'elle a trouvé des inscriptions anciennes qui mentionnaient l'utilisation de nombres impairs et elle se félicitait que par sa recherche indépendante le musicien soit arrivé à la même conclusion !

Le programme ayant pris du retard à cause des embouteillages, je ne suis pas resté pour les démonstrations suivantes. Je me suis enfui en prenant bien garde à ne pas marcher sur les pieds des maîtres de danse...

Narada Gana Sabha, Sadguru Gnanananda Hall, Chennai — 2013-12-31 à 14:00

Uma B. Ramesh, danse bharatanatyam

J'aurais bien voulu revoir Radhica Giri que j'avais vue en 2009, mais quand le spectacle du Narada Gana Sabha a commencé, j'ai compris qu'il y avait eu un changement de programme puisque c'était Uma B. Ramesh qui dansait. Ce changement de programme était annoncé dans le journal The Hindu, mais je n'avais pas vérifié ce fait, et il ne faut pas se fier uniquement à ce journal pour se renseigner sur les spectacles, puisque certains des spectacles que j'ai vus n'y étaient pas référencés...

Le programme a comporté une prière chantée à Ganesh, suivi d'un Toreyamangalam évoquant Rama (reconnaissable à son arc) et Sita, Padmanabha (dans une pose étrangement pas fléchie du tout) et Krishna avec flûte et plume de paon. Les jathis sont superbes, puisque le mridangam et le nattuvangam sont joués par les conférenciers de la démonstration ci-dessus ! Cependant, je me lasse de l'expression de la danseuse, toujours identique.

Dans le Varnam, l'héroïne se languit de (Maha)Vishnu. S'il n'y avaient les merveilleux jathis, je me serais vraiment ennuyé. L'attitude de dévotion/admiration de l'héroïne est quasiment constante pendant tout le Varnam (probablement transmis par son guru C. V. Chandrashekhar). Je respecte la démarche, tout est exécuté de façon très propre, mais ce n'est vraiment pas le style de bharatanatyam que je cherche. Plutôt que de la danse, mon plaisir de spectateur vient bien davantage du magistral accompagnement musical non seulement du mridangam mais aussi du violon.

La pièce suivante en Khanda Chapu Talam (équivalent de Sultal) est un Padam évoquant les exploits du jeune Krishna (qui soulève le mont Govardhana et qui danse sur le serpent Kaliya) et ses bêtises (voler du beurre). Je retrouve cependant la même attitude qui me lasse dans ces chorégraphies, la danseuse ayant très souvent les bras dirigés vers l'avant.

La pièce suivante est un Kirtana (Rupakatala) de Bragha Bessell qu'a déjà dansé Meenakshi Srinivasan quelques jours plus tôt. La divinité qui était en procession était en fait Padmanabha (Vishnu). Je comprends les faux indices qui m'avaient fait penser qu'il s'agissait de Ganesh (une attitude particulière au début de la pièce et un bout de texte qui semble être Ganapati), mais je ne comprends comment j'aurai vu manquer de la voir la posture typique de Padmanabha que l'on voit à fin, c'est dire si je devais être fatigué à mon arrivée depuis l'Arabie Saoudite...

Le récital s'est conclu par deux pièces en l'honneur de Vishnu (le thème de ce récital, visiblement) : Javali (à 7 temps) évoquant une héroïne amoureuse de celui qui a des yeux de lotus et Tillana évoquant Mahalakshmi et Mahavishnu.

Kartik Fine Arts, Bharatiya Vidya Bhavan - Main Hall, Chennai — 2013-12-31 à 16:30

Nivedita Gopinath, danse bharatanatyam

Je me rends ensuite au Bharatiya Vidya Bhavan pour y assister à trois spectacles à la suite. Les annonces se font en tamoul uniquement et sont extrêmement longues. La guru s'excusera auprès de moi d'avoir utilisé le tamoul quand je la féliciterai dans le hall à l'issue du spectacle, mais je suis davantage surpris par l'usage quasi-généralisé de l'anglais dans les annonces. La guru (Krishnakumari Narendran) raconte donc en tamoul l'histoire du Ramayana que sa disciple Nivedita Gopinath va interpréter. (Je ne connais pas le tamoul, mais je reconnais les noms propres...) La première pièce évoque la naissance de Rama et de ses frères, l'épreuve de l'arc de Shiva réussie par Rama. S'ensuit un hommage aux arts (4 Vedas, parole, vîna, tambour) et la pièce se conclut semble-t-il par le mariage de Rama et Sita.

Le style de cette danseuse est tout simplement extraordinaire, et il est remarquable également qu'une personnalité comme Padma Subramanyam y ait assisté ! La pièce est très vive, très contrastée et interprétée avec une joie de danser assez incomparable ; une forme de rusticité tout à l'opposé de ce que j'ai vu dans le récital précédent s'y fait remarquer également.

S'ensuit une pièce sur un thème dans le prolongement du prédécent puisqu'il y sera question du Sundarakhanda, le livre des merveilles du Ramayana racontant la visite du singe Hanuman à Lanka, où il rencontre Sita et lui explique qu'il a sauté par dessus l'océan. Sita lui donne un anneau avec lequel elle s'était attaché les cheveux (je ne me souvenais plus de ce dernier détail).

Je n'ai en revanche rien compris à la dernière pièce dansée, elle aussi précédée d'un éloquent discours en tamoul.

Kartik Fine Arts, Bharatiya Vidya Bhavan - Main Hall, Chennai — 2013-12-31 à 18:00

A. Lakshman & disciples, danse bharatanatyam

Le récital d'une danseuse a été remplacé par ce programme Swati Maalika par le danseur A. Lakshman et huit danseuses au nombre de ses disciples. Le première pièce était un Pushpanjali suivi d'un shloka sur Padmanabha. La pose finale montrait le guru en Vishnu-Padmabha entouré de disciples dont deux figuraient les têtes du serpent et une autre Lakshmi lui massant les pieds. Les danseuses ont eu l'occasion de se mettre davantage en valeur dans les pièces suivantes, notamment le kriti Bhave Gopala très développé évoquant l'enfance de Krishna : les conditions complexes de sa naissance, son goût pour le beurre, ses talents de bouvier (et de dompteur de buffles ?), la danse sur le serpent Kaliya (à cinq têtes, représentées chacune par une danseuse). On le voit aussi voler les vêtements de jeunes filles se baignant à la rivière. Après une évocation du Rasalila, la pièce se termine avec Padmanabha accompagné de Lakshmi. La pièce suivante évoque la désse guerrière, puis A. Lakshman interprète un Javali dans lequel une fille demande à Krishna d'attendre qu'elle soit plus grande. Cet agréable programme se termine par un Tillana.

Kartik Fine Arts, Bharatiya Vidya Bhavan - Main Hall, Chennai — 2013-12-31 à 19:30

Leela Samson & Spanda, danse bharatanatyam

Disha

Si le programme de neo-bharatham d'Anita Ratnam m'avait profondément déplu, celui conçu par Leela Samson avec huit jeunes danseurs (autant d'hommes que de femmes) de son ensemble Spanda était plus convaincant. S'ils venaient danser ce programme au Théâtre de la Ville, ils y auraient certainement un certain succès. Les mouvements des danseurs font tous partie du vocabulaire de base du bharatanatyam. L'ancienne directrice de Kalakshetra les a utilisés pour présenter une recherche du mouvement originel développée sur trois pièces. Je crois que le seul élément non abstrait a été une courte évocation de Shiva-Nataraja. Tout le reste est de la danse pure utilisant la géométrie des diagonales de la scène du Bharatiya Vidya Bhavan. Les danseurs tournent lentement sur eux-mêmes sans changer de placement. Dans une autre pièce, ils utilisent beaucoup de suites de mouvements (adavus). Dans la dernière, j'ai l'impression de voir un serpent constitué par les danseurs se déplacer comme dans l'archéo jeu vidéo où on joue un serpent qui ne doit pas se mordre la queue. (Il est à noter que la musique n'utilisait pas de tala, comme s'il n'y avait qu'un seul temps, subdivisé en quatre doubles croches.)

S'ensuivent deux pièces d'Abhinaya, la première étant un solo de Leela Samson en hommage aux musiciens indiens morts au cours de la année 2013 finissante. La musique était un Thumri de Vasundhara Komkali. La deuxième était un Padam évoquant une jeune femme se languissant de Krishna.

Le programme s'est terminé par une vive pièce très rythmique de danse pure que j'ai trouvée un peu longue.

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Chennai, Jour 8/12 : Padmavathy Ananthagopalan & Jayanthi Kumaresh, Rasika Kumar, Hema Nandhini Raguraman, Lavanya Ananth

2014-01-01 14:25+0530 (சென்னை) — Culture — Musique — Danse — Danses indiennes — Culture indienne — Voyage en Inde XII

Narada Gana Sabha, Narada Gana Sabha - Mini Hall, Chennai — 2013-12-30 à 08:30

Padmavathy Ananthagopalan, vînâ

Jayanthi Kumaresh, vînâ

R. Ramesh, mridangam

Trichy Krishnaswamy, ghatam

J'ai passé toute la nuit à combattre des moustiques. Presque tous ceux que j'ai massacrés étaient déjà imbibés de sang... Je me suis rendu très tôt à la petite salle du Narada Gana Sabha. Une cérémonie religieuse était en train de se terminer. Tout le monde s'en allait ; j'étais donc le premier arrivé pour le concert de 8h30 de Jayanthi Kumaresh (déjà appréciée deux fois à Paris en 2009 et en 2012) et de son octogénaire guru Padmavathy Ananthagopalan qui est aussi sa tante.

Elles ont commencé par interpréter deux compositions assez courtes en Adi Tala. Les derniers cycles rythmiques des compositions sont utilisées pour des improvisations des percussionnistes. La partie principale du concert a été consacrée à un Ragam Thanam Pallavi (un vrai raga on ne peut plus développé), le premier que j'entends en musique instrumentale et un des tout premiers que j'entends (le premier était d'Aruna Sairam, et j'en ai entendu un, enregistré, dans le programme de danse d'Anita Ratnam). Ce type de pièce en trois parties est assez semblable à ce qui se fait dans la musique hindoustanie et dhrupad en particulier. Il ne s'agit pas de Rudravina comme dans le dhrupad, mais de Saraswativina. Sinon, la structure est la même. Elles ont commencé par un Alap. Les configurations évoluent. L'une peut développer son Alap tandis que l'autre (la disciple) reproduit les fins de phrases. Elles peuvent aussi laisser entendre le silence entre les phrases ou encore jouer à un jeu de questions et réponses. Le même type de combinaisons se reproduisent dans le Thanam, l'équivalent de Jor/Jhala en dhrupad. La pulsation entre en scène, mais les percussionnistes n'ont pas encore commencé à jouer. Enfin, la composition (Pallavi) intervient. Celle-ci est d'abord chantée par Jayanthi Kumaresh avant que les deux musiciennes l'interprètent, puis développent des improvisations. Parmi ces improvisations, on a pu entendre un jeu de questions de réponses entre Jayanthi Kumaresh et les percussionnistes (ceux-ci tentant de reproduire autant que possible le phrasé), et les deux percussionnistes se sont également livrés à un duo avant le retour de la composition en conclusion.

À part peut-être la brève apparition de Balamuralikrishna il y a quelques jours, aucun concert de musique carnatique ne m'a autant ému que celui-ci et c'est très certainement le meilleur concert de musique indienne instrumentale auquel j'aie assisté ! Le reste du public a manifestement beaucoup apprécié le concert aussi, une bonne moitié de spectateurs clappant le tala de façon énergique !

Narada Gana Sabha, Sadguru Gnanananda Hall, Chennai — 2013-12-30 à 14:00

Rasika Kumar, danse bharatanatyam

Venant des États-Unis, disciple de Maithili Kumar et de C. V. Chandrashekhar, Rasika Kumar est une danseuse très grande par la taille. Après une prière, la danseuse a dansé une pièce intitulée Mallavi (?) suivie de Devistuti évoquant la Déesse sous plusieurs aspects : la connaissance via les 4 Vedas ou l'aspect guerrier (Mahishasuramardini). La pièce principale est un Varnam évoquant une femme qui est séparée de celui qu'elle a aimé dans le passé, Sundareshwara (la forme de Shiva résidant à Madurai). Les jatis sont très propres, très bien exécutés, la grande taille de la danseuse ne nuisant pas à la vitesse. Pourtant, je ne suis vraiment enthousiasmé par ce Varnam dont je crois pouvoir dire qu'il est dans le style Kalakshetra (comme celui interprété par C. V. Chandrashekhar). Les passages narratifs sont plutôt délicieux, comme lorsqu'elle repense aux moments où elle jouait de la musique avec son bien-aimé. La visite du temple de Madurai donne l'occasion à la danseuse de suggérer le hautbois indien (Nadaswaram), ce que je n'avais encore jamais vu faire. Ceci étant, les sentiments éprouvés par l'héroïne n'évoluent pas vraiment.

J'ai préféré le Padam chorégraphié par Bragha Bessell. Une jeune femme se pare pour accueillir Krishna, elle brûle d'amour, mais alors qu'elle l'invite chez elle, le chant du coq annonce le jour. Elle essaie bien de dire au coq de chanter un peu plus loin pour qu'on ne l'entende pas, mais il est trop tard.

Je garde du Tillana le souvenir de mouvements d'yeux très géométriques, assez semblables à ceux que l'on trouve dans les Alarippu.

Kartik Fine Arts, Bharatiya Vidya Bhavan - Main Hall, Chennai — 2013-12-30 à 16:30

Hema Nandhini Raguraman, danse bharatanatyam

Je me rends pour la première fois au Bharatiya Vidya Bhavan, près du temple de Mylapore. La salle a paraît-il été rénovée récemment, mais au parterre, personne n'a pensé à mettre les fauteuils en pente. Même au deuxième rang, la tête d'une personne assise devant peut perturber la vue des pieds de la danseuse. La danseuse Hema Nandhini Raguraman vivant Malaysie est très talenteuse, mais ses pièces ont été introduits de commentaires beaucoup trop brefs pour que des spectateurs même un peu habitués puissent vraiment comprendre où elle voulait en venir. Ce n'est que vers la fin de son Varnam centré sur Shiva et Meenakshi, quand le texte disait Adbhuta que j'ai compris que c'était un Navarasavarnam évoquant les neufs émotions classifiées. Après ce qui m'a semblé être une évocation de Nilakantha (Celui qui a la gorge bleue), il ne me restait plus qu'à apprécier le sentiment de Paix émanant de la Déesse. (Le violoniste Kalaiarasan, qui jouait déjà dans le spectacle mentionné précedemment, a été excellent !)

Après avoir interprété un Shringarapadam, la danseuse a dansé un Kirtana lui aussi consacré aux Navarasa (m'a-t-il semblé). Le placement de la danseuse sur scène était très géométrique comme si elle délimitait neuf cases. C'était très furtif, et sans une certaine habitude, vu l'absence d'annonce, je n'aurais vraiment rien compris. Le récital s'est conclu par un Tillana très technique et comportant quelques sauts (la longue tresse de cheveux de la danseuse vole dans toutes les directions...).

Kartik Fine Arts, Bharatiya Vidya Bhavan - Main Hall, Chennai — 2013-12-30 à 18:00

Lavanya Ananth, danse bharatanatyam

J'avais été émerveillé les deux premières fois que j'ai vu Lavanya Ananth (en 2011 et en 2012. Si l'artiste a indiscutablement une personnalité, une très grande musicalité, un engagement et une présence scéniques, je n'ai trouvé ce récital que bon, alors que je m'attendais à de l'inoubliable. La faute en revient à la pièce principale du récital évoquant la forme de Shiva séjournant à Tanjore (Brihadeshwara). Les jatis étaient tous très élégants, mais les sentiments exprimés par l'héroïne ne m'ont pas semblé évoluer beaucoup au cours de la pièce, la jeune femme regarde au loin dans une attitude toujours identique qui m'a malheureusement un peu lassé.

La pièce suivante est Jagadotarana. Elle montre de façon délicieusement convaicante Yashoda en train de s'occuper du très jeune Krishna. Celui-ci ouvre la bouche et elle y voit l'univers tout entier. Il est aussi celui qui porte le mont Govardhana et ce sera un cocher dans le Mahabharata.

Je n'ai pas saisi tous les détails annoncés dans la pièce suivante (Abhinaya) dans laquelle une femme demande à Krishna de l'épouser comme il le lui avait promis quand ils étaient enfants.

La dernière pièce est en l'honneur de Surya (le Soleil). Aux différentes heures du jours sont successivement associées les divinités Brahma, Vishnu et Shiva. (Je n'ai pas bien reconnu Shiva, mais Vishnu et Shiva se distinguaient très bien.)

Un des grands points forts de ce spectacle était la présence du violoniste Kalaiarasan qui en était comme moi à son troisième spectacle de danse du jour ! S'il avait été excellent dans les deux spectacles précédents, il a été tout simplement génial dans le récital de Lavanya Ananth !!!

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Chennai, Jour 7/12 : Sadanam Harikumar, Prashant Shah, Rukmini Vijayakumar, Bhavya Balasubramanian, Manasa Harini, Purushothaman, Jayalalitha, Padma Subramanyam

2014-01-01 13:04+0530 (சென்னை) — Culture — Musique — Danse — Danses indiennes — Culture indienne — Voyage en Inde XII

Sri Krishna Gana Sabha, Dr. Nalli Gana Vihar, Chennai — 2013-12-29 à 09:30

Sadanam Harikumar

Lecture Demonstration: Melapadam

Je ne l'ai pas reconnue tout de suite, mais la session de conférences tenue au Sri Krishna Gana Sabha est dirigée par Priyadarshini Govind. Je suis allé à cette lecture-demonstration parce que Sadanam Harikumar était annoncé comme étant un danseur et que le titre Melapadam contenait Padam (un type de pièces de pur Abhinaya). J'ai eu tout faux puisque l'orateur accompagné de deux percussionnistes (mridangam et tambour frappé par des baguettes) a expliqué que dans la kathakali (Kerala), après les pièces principales, on peut interpréter un Melapadam dans lequel le chanteur chante sur le raga de son choix le vingt-troisième Ashtapadi du Gita-Govinda. Ce chant est un intermède purement musical (comme j'en ai demandé la confirmation lors du temps réservé aux questions). Personne ne sait au juste comment cette tradition s'est installée. L'orateur tente d'innover en utilisant d'autres Ashtapadis. Le chant étant très beau, mais je n'ai pas réussi à me repérer dans le cycle rythmique à 10 temps très particulier utilisé et ce malgré le schéma descriptif tracé à la craie sur un tableau.

Sri Krishna Gana Sabha, Dr. Nalli Gana Vihar, Chennai — 2013-12-29 à 10:25

Prashant Shah, danse kathak

Rukmini Vijayakumar, danse bharatanatyam et danse contemporaine

Lecture Demonstration

La deuxième lecture-demonstration était dansée. La danseuse Rukmini Vijayakumar a commencé par présenter un extrait d'une pièce de bharatanatyam dans le but de démontrer qu'il était possible d'inclure de l'Abhinaya dans les passages rythmiques (jatis) qui sont des intermèdes de danse pure dans les pièces narratives. J'ai troujours trouvé assez saugrenue l'interruption du flot narratif que constituent les jatis. Dans cette pièce dédiée à Shiva, la danseuse a présenté un bharatanatyam assez spectaculaire, comportant des sauts, des pas rotatifs exécutés sur les genoux, des karanas et dans deux de ses jatis, elle a fait la démonstration attendue, le premier montrant Shiva muni de ses attributs (trident, peau de tigre, etc) et sous la forme de Nataraja (écrasant le démon Apasmara avec son talon). Le deuxième jati évoquait l'aigle Garuda. La pièce montrait aussi la forme androgyne Ardhanarishwara, Parvati séduisant Shiva, ainsi que l'archer Kama lançant des flèches florales. L'intégration d'Abhinaya dans les jatis a évidemment tout pour me plaire (comme je l'ai apprécié chez Shantala Shivalingappa), mais les maîtres de danse présents dans la salle ont paru dubitatifs... La lecture-demonstration se poursuivait avec une interventon du danseur de kathak Prashant Shah qui a parlé de ses collaborations à l'étranger et il les a illustrées d'extraits vidéo. Le plus convaincant le montrait en train d'éxécuter des pas très rythmiques avec une danseuse de flamenco. Pendant que les problèmes techniques du vidéoprojecteur étaint résolus, le danseur a essayé de nous faire des dictées rythmiques avec des frappes de pieds. Tout le monde a été très vite largué...

Rukmini et Prashant ont ensuite interprété un duo mêlant kathak et danse contemporaine (la danseuse ayant appris plusieurs styles de danse). Les danseurs n'ayant répété que la veille, la pièce a été largement improvisée, mais elle m'a semblée extrêmement convaincante (davantage que certaines créations de l'Opéra de Paris, par exemple). Là encore, certains maîtres de danse sont perplexes, expriment la déception de n'avoir pas vu un duo kathak/bharatanatyam. Une question plus constructive sur la musique a été posée par C. V. Chandrashekhar. La musique était une piste d'un album d'Anoushka Shankar. La danseuse expliquait qu'il était très important de très bien connaître la musique pour avoir des repères et ainsi mener à bien le travail de préparation.

Narada Gana Sabha, Sadguru Gnanananda Hall, Chennai — 2013-12-29 à 14:00

Bhavya Balasubramanian, danse bharatanatyam

À défaut d'être bouleversant d'un point de vue émotionnel, ce récital de la danseuse Bhavya Balasubramanian Ramachandan (résidant au Botswana) est une merveille dans l'art de la narration. Est-il possible de raconter une histoire par des gestes de façon plus lisible qu'elle ne l'a fait ? Le style de la danseuse inclut aussi des poses assez prolongées très esthétiques.

La danseuse est très gracieuse et sa danse inclut souvent une sorte d'ondulation allant des épaules jusqu'aux hanches qui me fait penser à Padma Subramanyan (une de ses gurus). Après un Pushpanjali, elle a dansé un Varnam (Adi Tala) dans lequel l'héroïne est amoureuse de Shiva. Il a trois yeux, le croissant de Lune, le serpent, un collier de rudraksha, des cendres, la peau de tigre, le feu et il est aussi Nataraja, le Seigneur de la danse. Frappée par les flèches de Kama, l'héroïne brûle de la souffrance de la séparation. Rien n'y fait, même après s'être aspergée d'eau, elle brûle toujours. Elle ne peut manger. S'ensuit une évocation du printemps : des gouttes de rosée issues de la lune, des abeilles qui butinent, des couples d'oiseaux, d'antilopes et même des serpents (ce qui ne manque pas d'effrayer l'héroïne). De son côté, elle est seule, et demande à son amie d'aller chercher Shiva. Celui-ci apparaît et on le voit réduire en cendres Kama qui avait perturbé son ascèse. Dans tout ce qu'elle fait, l'héroïne est déconcentrée par l'attente, l'espoir de voir Shiva. Ceci se produit pendant ses rituels religieux ou ses tâches ménagères. Ainsi, par exemple, en rêvassant un peu trop longtemps, elle fait brûler la nourriture qu'elle faisait cuire dans une marmite. On assiste ensuite à une adoration du lingam de Shiva, puis homme et femme sont réunis dans la divinité androgyne Ardhanarishwara. S'ensuit une célébration joyeuse qui culmine en la récapitulation de ce qui a précédé et en une évocation des Arts (musique et écriture).

La pièce d'Abhinaya suivante évoque la Déesse sous le nom de Tripurasundari. Au cours de cette pièce, la danseuse a inséré une magnifique narration de la naissance de Ganesh. Il est né de la seule volonté de Parvati, qui lui demande de garder sa maison et de ne laisser entrer quiconque sous aucun prétexte. Obéissant, Ganesh refuse l'entrée à Shiva qui lui tranche la tête. Voyant la détresse de Parvati, Shiva prend conscience de son erreur et s'en va. La première créature qu'il voit est un éléphant. Il lui coupe la tête qu'il emporte avec lui afin de réaliser une greffe d'organe. Le jeune homme ressuscite et prend l'apparence bienveillante de Ganesh. La pièce se conclut par l'évocation de la Déesse de la parole à laquelle sont associés les quatre Vedas.

Dans la pièce suivante Om Namo Narayana, la danseuse évoque des incarnations de Vishnu. Outre Narayana sur le serpent Shesha, il m'a semblé distinguer le sanglier Varaha et Krishna est apparu à la fin en flûtiste. En fait, la pièce développe surtout le destin de Narasimha, et ce de façon élaborée. Il est descendu sur terre en créature mi-homme mi-lion pour tuer un arrogant démon. Enfin, la pièce célèbre Vishnu dans une joyeuse adoration (bhakti).

Le récital s'est conclu par un magnifique Tillana dans lequel le style de la chorégraphe Padma Subramanyam transparait. Cette pièce illustre un vers énonçant en substance qu'un peu de Lasya suffit à rendre Devi heureuse et qu'un peu de Tandava contente Shiva. Les aspects féminins et masculins de la danse étaient ainsi harmonieusement confrontés dans cette pièce.

Sri Krishna Gana Sabha, Kamakoti Gana Mandir Hall, Chennai — 2013-12-29 à 16:00

Manasa Harini, danse bharatanatyam

La danseuse Manasa Harini est très jeune et talentueuse. La première pièce est un Pushpanjali en l'honneur de Ganesh, suivie d'un Shiva Kautwam chorégraphié semble-t-il par Chitra Visweswaram (je ne garantis rien, les annonces ayant été faites en tamoul). Le Varnam est centré sur la Déesse sous le nom de Meenakshi. Son aspect guerrier est mis en valeur. Shiva fait aussi quelques apparitions en Nataraja ou pour réduite Kama en cendres. Après quelques épisodes narratifs que je n'ai pas tous bien compris, la pièce se termine sur le sentiment de paix. La pièce suivante est un Kirtana de Purandaradasa évoquant l'espiègle enfant Krishna. Il mange de la cendre et quand il ouvre la bouche, Yashoda voit Narayana sur le serpent Shesha et est presque horrifiée par cette vision. La dernière pièce est très bien dansée. Elle comporte des sauts et évoque très joyeusement les Arts avec les thèmes de l'écriture, du tambour, du tala, de la vînâ et du sargam, mais d'un point de vue musical, il m'a semblé que flûtiste et violoniste ont massacré le Tillana de Balamuralikrishna (en Raga Behag me semble-t-il).

Sri Krishna Gana Sabha, Kamakoti Gana Mandir Hall, Chennai — 2013-12-29 à 17:30

Purushothaman, Jayalalitha, danse bharatanatyam

Le jeune homme Purushothaman et la jeune femme Jayalalitha exécutent de pièces de leur guru. Les chorégraphies sont assez peu intéressantes. En particulier, dans le Varnam j'ai l'impression de voir et revoir toujours la même séquence, le personnage féminin dévoué à Shiva ne semblant nullement évoluer d'un point de vue émotionnel au cours de la pièce...

Sri Krishna Gana Sabha, Dr. Nalli Gana Vihar, Chennai — 2013-12-29 à 19:30

Dr. Padma Subramanyam, danse bharatanrityam

Padma Subramanyam a développé un style qui lui est propre appelé Bharatanrityam. Grâce à ce spectacle programmé en soirée par le Sri Krishna Gana Sabha, j'ai eu le privilège de la voir dans son style inimitable. Elle était accompagnée de six danseuses. La musique est on ne peut plus joyeuse, je n'imagine pas d'autre orchestration que la vînâ et surtout la flûte pour l'accompagner comme c'était le cas ce soir-là. La première pièce Sathgurudarshakham était semble-t-il un hommage au Sathguru (Gnanananda ?) qui donne son nom à la grande salle du Narada Gana Sabha. Le texte et la chorégraphie évoque la connaissance (Shruti, Smrithi, Purano), la démarche d'un renonçant, le bain, puis Shiva et semble-t-il Ganesh. Le style de Padma Subramanyam utilise peu de pas, l'essentiel se passe dans le haut du corps et surtout au niveau du visage, plein de bienveillance ou d'ironie.

La pièce suivante Gopalkumara évoque le jeune Krishna. Elle est dansée par trois jeunes disciples. La plus délicieuse image est celle de la représentantion de Krishna en bouvier, deux danseuses figurant les bœufs aux côtés de la troisième qui incarne Krishna...

La pièce principale, la plus d'eveloppée, évoquait Vishnu sous le nom de Padmanabha. Padma Subramanyam prend parfois cette position de Vishnu couché sur le serpent Shesha, mais ses jambes sont très peu fléchies. La conclusion de la pièce offre une superbe image représentant Padmanabha, une danseuse prenant la posture de Vishnu couché, une autre figurant Lakshmi tandis que quatre autres représentent différentes têtes du serpent Shesha.

La pièce suivante est un Ashtapadi dansé par Padma Subramanyam. Elle évoque l'amour de Radha pour Krishna.

La dernière pièce (dansée par toutes si je me souviens bien) utilise une traduction en tamoul du Bhaja Govindam d'Adi Shankara. La composition et la chorégraphie rendent la pièce bien plus joyeuse que les interprétations classiques de la version sanskrite. L'ironie est également plus apparente dans l'affirmation selon laquelle la connaissance est bien inutile en l'absence de l'amour pour Krishna.

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