Weblog de Joël Riou

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Mavin Khoo au Musée Guimet

2016-07-14 18:00+0530 (दिल्ली) — Culture — Musique — Danse — Danses indiennes — Culture indienne — Voyage en Inde XV

Auditorium du Musée Guimet — 2016-05-20

Mavin Khoo, bharatanatyam

Bhavana Pradyumna, chant

Prathap Ramachandra, mridangam

Jyotsna Srikant, violon

Songs of the Blue Lord

Fin mai, Mavin Khoo, qui est aussi chorégraphe de danse contemporaine, s'est produit au Musée Guimet pour un programme de bharatanatyam. J'y suis allé par curiosité, n'appréciant guère le style de danse pure de son guru Adyar K. Lakshman (dont les chorégraphies me paraissent excessivement virtuoses). Comme il appartient à une lignée issue de l'école Kalakshetra dont je déteste joyeusement l'Abhinaya (art de l'expression), je me méfiais encore davantage.

J'avoue avoir été agréablement surpris. Mavin Khoo est assurément un grand artiste. Il a tenté beaucoup de choses au cours de son programme ; certaines audaces m'ont semblées un peu folles, certaines tentatives ont à mon avis échoué, mais il est agréable de voir un artiste essayer de se dépasser ainsi. Sa danse pure est euphorisante, son Abhinaya est très bon (un des meilleurs que j'aie eu l'occasion de voir chez des danseurs masculins), mais il ne parvient cependant pas à m'émouvoir.

J'étais également venu au Musée Guimet pour la musique. Après avoir chanté les notes Sa-Pa-Sa, la chanteuse Bhavana Pradyumna a débuté le programme en interprétant magnifiquement trois shlokas : वक्रतुण्ड (Vakratuṇḍa) en hommage à Ganesh, या देवी सर्वभुतेषु (Yā Devī Sarvabhuteṣu) dédié à la Déesse et कस्तूरीतिलकं ललाटपटले (Kastūritilakaṃ Lalāṭapaṭale) à Krishna. L'accompagnement du violon était aussi remarquable.

Le programme de danse proprement dit a commencé ensuite. Il ne suivait pas la forme habituelle. Il s'agissait en gros d'un Varnam (en Adi Tala) dans lequel étaient insérées diverses compositions dédiées à Krishna. Le cycle rythmique s'interrompait au début de chaque séquence pour permettre à la chanteuse de prononcer une traduction du texte poétique qui allait suivre. (Il s'agissait peut-être du Varnam “Vanajalakshi” en Raga Kalyani ?) Le danseur a les mains complètement peintes en rouge. Il commence par le Trikala Jati, le premier passage rythmique qui utilise les trois vitesses (et un passage en triolets), qu'il conclut avec une longue formule rythmique. Dans la première séquence, le texte évoque les yeux de lotus (de Krishna, d'après la présentation). Dès le début, je comprends que Mavin Khoo n'a pas les défauts de beaucoup de danseurs Kalakshetra qui répètent exactement les mêmes gestes à de nombreuses reprises sans même changer de placement. Ici, la première ligne du texte a été montrée trois fois, de face, vers la droite puis vers la gauche, avec des gestes différents à chaque fois. L'héroïne ne peut souffrir la séparation. Coquette, elle se prépare à le recevoir, mais elle s'endort. Dans son rêve, elle l'entend frapper, Krishna l'enlace. Quand elle se réveille, elle comprend sa déception. La séquence se termine par d'assez complexes Tattu Muttu (combinaison de frappes de pieds et d'expression par le haut du corps).

Après un passage rythmique très virtuose, le danseur évoque celui qui est le fils de Vasudeva et de Devaki. Il suscite l'émerveillement en soulevant le mont Govardhana afin de protéger les bouviers des pluies déclenchées par Indra.

La danse pure de Mavin Khoo est particulièrement euphorisante dans le passage technique suivant. La formule conclusive utilise de façon intéressante des séries de tarikitatom (mouvement ressemblant un peu au style de nage crawl...) ; ils étaient en effet interprétés en accelerando, une fois en vitesse lente, une fois en vitesse moyenne et une fois en vitesse rapide.

La première partie du Varnam se conclut avec l'émerveillement de l'héroïne et ses prières devant Krishna qui est porté en procession en palanquin, avec tambours, tampura, nagaswaram, lancers de fleurs, danseuses... Si Mavin Khoo n'a globalement pas eu de difficulté particulière à évoquer des personnages féminins au cours du récital, sa représentation des danseuses accompagnant la procession m'a semblé très sommaire, un peu prosaïque.

L'Ashtapadi Sakhi He est inséré ensuite dans le programme. J'ai été content d'y reconnaître le Raga Shuddha Sarang (et Tala Mishra Chapu) dans le chant de Bhavana Pradyumna. Mavin Khoo a choisi de rester assis pendant toute la durée de cette composition. C'est un choix très audacieux, agréable à voir parce que relativement rare, mais je pense que c'était trop audacieux de sa part. Je sais à quel point cette pièce peut être extraordinaire (cf. le récital de Vidhya Subramanian). Je sais aussi l'émotion intense que peuvent susciter certaines interprètes quand elles font de l'Abhinaya assises (je garde un souvenir émerveillé de Yashoda Thakore dans un tel “exercice”). Je dis que c'était bien tenté de la part de Mavin Khoo qui bénéficiait pourtant d'un grand soutien musical dans cet essai, mais il a malheureusement échoué à m'émouvoir.

On revient ensuite semble-t-il au Varnam, avec en tout cas un passage rythmique très compliqué en Adi Tala. La danse évoque la souffrance de l'héroïne. La lumière diffusée par la Lune la brûle comme si elle était directement touchée par les rayons du Soleil. Ses pleurs sont comme une rivière. Les flèches florales de Kamadeva la font souffrir. Mavin Khoo évoque très bien l'archer Kamadeva, qui prépare les fleurs qu'il va lancer. Cependant, l'épisode m'a semblé démesurément long et répétitif. Avec son arc, il fait des dizaines de fois le tour de la scène avec des formules rythmiques diverses (sans doute très largement improvisées : il n'y avait d'ailleurs pas de nattuvanar dans ce programme !). Au bout d'un temps qui m'a semblé interminable (et malheureusement accompagné uniquement par le violon : j'aurais globalement préféré que le chant soit un peu plus présent), comme c'est souvent le cas, Kamadeva ne tire pas de flèche avec son arc, mais il lance tout simplement la fleur sur sa victime. C'est magnifique quand c'est bien fait, mais il m'a semblé que c'était raté (entre autres parce que le danseur était à ce moment-là dans un coin mal éclairé de la scène...).

Ensuite, l'héroïne veut écrire une lettre à Krishna, mais son amie ne veut pas la lui porter.

Bhavana Pradyumna interprète ensuite une composition de son guru Chitravina Ravikiran en Misra Jhampa Tala (7+1+2=10 temps) dédié à celui qui est le maître des trois mondes dont le dévot demande la bénédiction. Cette composition est interprétée par Mavin Khoo qui reste cette fois-ci debout pendant toute son interprétation. Ce choix provoque en moi les mêmes réticences que plus haut : à mon avis, en utilisant tout son corps, l'interprète parviendrait à émouvoir bien davantage.

Deux autres compositions en Adi Tala et en Chatushra Ekam concluent le récital. Que peut-on bien Lui offrir ? Des fleurs, de l'eau, des gâteaux ? Non, ce n'est pas assez bon pour Lui ! La dernière composition représente Krishna comme bouvier, fils de Vasudeva et Devaki. Le récital s'achève par un accelerando, le danseur finissant à plat ventre.

Après avoir été beaucoup applaudi, le danseur explique qu'il a oublié une danse. Il interprète alors un passage rythmique utilisant progressivement les trois vitesses et qui est uniquement composé de Mandi Adavus (dans lesquels on fait des fentes ou pose un genou par terre). C'est impeccablement exécuté, à une vitesse frénétique. À l'image de tout le programme : c'est impressionnant, un tout petit peu show-off, mais cela ne m'émeut absolument pas.

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