Weblog de Joël Riou

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Vite-dit de Chennai (été 2016)

2016-08-25 20:14+0530 (दिल्ली) — Culture — Musique — Danse — Danses indiennes — Culture indienne

Je suis maintenant à la fin de mon quinzième séjour en Inde. Après quelques jours à Delhi, je suis allé à Chennai où j'ai pris des cours de bharatanatyam avec Kuthalam M. Selvam (adavus et nattuvangam) et Arupa Lahiry (avec qui j'avais déjà pris des cours à Delhi et qui se trouvait aussi à Chennai pour répéter un spectacle de son guru Chitra Visweswaran). J'ai ensuite passé dix jours à Pune pour prendre des cours avec Sucheta Chapekar, et je finis mon séjour à Delhi pour pratiquer le chant dhrupad avec Nirmalya Dey.

Pendant les trois semaines passées à Chennai, j'ai vu des spectacles de qualité variable. Je vais commencer par rendre compte brièvement de certains d'entre eux, et reviendrai plus en détails sur quelques autres.

The Music Academy, T.T.K. Auditorium, Chennai — 2016-07-16

Sharmila Biswas, concept, chorégraphie, design, danse odissi

Srijan Chatterjee, composition musicale

Lakshmi Parthasarathy Atreya, danse bharatanatyam

Amrita Lahiri, danse kuchipudi

Shashwati Garai Ghosh, danse odissi

Monami Nandy, Tri Paul, Ankita Kulabhi, Rohini Banerjee, danse odissi

Dhaneswar Swain, Bijaya Kumar Barik, Guru Bharadwaj, composition rythmique

Antra-Yatra

Il s'agissait de la création d'une production Antar-Yatra censée évoquer le monde intérieur des danseuses. La production dirigée par Sharmila Biswas (odissi) met en scène trois danseuses solistes (bharatanatyam, kuchipudi, odissi), un corps de ballet de quatre danseuses, et bien sûr Sharmila Biswas. Le spectacle m'a semblé globalement raté. Les costumes (trois pour chacune des solistes !) et la scénographie sont les points forts de la production. Sinon, aucune émotion particulière ne parvient à s'exprimer.

La seule scène de groupe un peu réussie est interprétée par Sharmila Biswas et le corps de ballet : il s'agit du barratage de la mer de lait. L'avatar de la Tortue, le mont Mandara, ainsi que les dieux et démons y apparaissent. Parmi les fruits de ce barratage, on trouve les danseuses célestes (Apsaras), expertes dans tous les arts. Plus loin, il est fait référence aux auspicieuses devadasis (Nityasumangali...).

Les trois solistes se succèdent ensuite. Parmi elles, les danseuses de kuchipudi et de bharanatyam se distinguent particulièrement à mon goût. Amrita Lahiri (kuchipudi) apparaît dans une scène dans laquelle une jeune femme se prépare (bijoux, etc.) et joue avec Krishna au bord de la Yamuna. La séquence la plus intéressante intervient avec Lakshmi Parthasarathy Atreya (bharatanatyam) qui interprète une version déstructurée d'un Tillana. La musique est d'abord extrêmement dissonnante. Les mouvements de la danseuse sont hésitants, et puis la danse prend progressivement forme, évoquant la nature, tandis que la musique devient de plus en plus harmonieuse pour devenir un des Tillana (Adi Tala) du répertoire. La séquence de la soliste d'odissi et du corps de ballet m'a semblée absolument inintéressante, et surtout trop longue. Elle mettait en scène la poursuite de l'antilope dorée par Rama : absolument rien sur ce qui se passe avant (le caprice de Sita), pendant (Lakshmana laissant Sita toute seule, l'arrivée de Ravana) ou après (la colère de Rama quand il voit que Sita a disparu). Rama tient son arc et court après l'antilope dorée (mudra Mrigashirsha), et c'est tout...

Après un fort bel intermède musical par Srijan Chatterjee (dont j'ignore s'il était en playback, le reste de la musique étant enregistrée...), les trois danseuses reviennent pour massacrer l'ashtapadi “Sakhi He” extrait du Gita-Govinda de Jayadeva. La composition musicale n'était pas dans le tala ni le raga habituel, mais ce qui était le plus gênant était que les danseuses n'ont absolument pas suivi le texte du poème. Le pire a été un contre-sens sur le mot Keshi (un démon ennemi de Krishna) qui a été très-ostensiblement représenté comme s'il signifiait Keshava (le Chevelu, un des noms de Vishnu). Il faut imaginer toutes les danseuses et le corps de ballet tourner sur scène en montrant Krishna avec une énorme tignasse de cheveux...

La scénographie, la scène du barratage de la mer de lait et le Tillana mis à part, le seul attrait de la soirée a été son côté mondain, avec quelques remarques et questions très polies posées aux artistes par Anita Ratnam, C. V. Chandrashekhar ou Leela Venkataraman.

Ailleurs : Leela Venkataraman.

Narada Gana Sabha - Mini Hall, Chennai — 2016-07-17

Vidwan T. G. Murugavel, nagaswaram

Mallari

Magnifique lecture-demonstration sur le Mallari, la forme musicale utilisée lors les processions dans les temples ou ailleurs par des joueurs de nagaswarams (hautbois indien). Une impressionnante collection d'anches pendouille de l'instrument. Un des accompagnateurs a le rôle de marquer le tala avec ses talams (cymbales). Les rythmes étaient en effet très complexes. Certains Mallari étaient en Adi Tala (8 temps), mais d'autres étaient en Mishra Chapu (7 temps rapides), Sankirna Triputa (9+4=13 temps), Khanda Triputa (5+4=9 temps). À la demande du public (peu nombreux) de cette démonstration (prononcée en tamoul...), le musicien a interprété avec son instrument une célèbre composition : Bho Shambho (Adi Tala) ; cela avait de la gueule...

Brahma Gana Sabha, Sivagami Petachi Auditorium, Chennai — 2016-07-18 à 19:30

Prarthana Subhalakshmi, danse bharatanatyam

Padmini Krishnamurthy, nattuvangam

Easwar Ramakrishnan, violon

Radha Badri, chant

Devraj, flûte

Rammohan, mridangam

Ce récital par une très jeune danseuse a magnifiquement commencé par un sublime Alap du violoniste Easwar Ramakrishnan (et par le flûtiste). Le guru et la danseuse (style Pandanallur) viennent de Muscut (Oman). La danseuse s'embrouille un peu dans les pas de son Pushpanjali en Hansadhwani Raga et Misra Chapu ; elle a cependant le bon réflexe : elle met ses mains en Anjali devant elle en attendant que la mémoire lui revienne. Après un Shloka Gajanam, elle interprète un Varnam sur Ganesh (“Varanamukhava”, Raga Nattakurunji, composé par Golapakrishna), cela doit être la première fois que j'en vois un. Après un magnifique Alap du violoniste, la danseuse a dansé son Trikala Tirmanam qu'elle a conclu, comme les autres jatis, par une formule rythmique des pieds pendant laquelle, procédé rare, elle illustre le sens du poème évoquant notamment la tête de Ganesh. Parmi les passages narratifs développés dans ce Varnam, la danseuse a fort bien interprété l'épisode qui vaut à Ganesh d'avoir une tête d'éléphant : défendant à quiconque d'entrer chez sa mère Parvati, il a refusé le passage à Shiva, qui lui a coupé la tête, etc. Elle a aussi représenté l'amour maternel d'Uma (Parvati) pour Ganesh en évoquant la conception par la seule Parvati de son enfant. Le Javali (Adi Tala) évoque les espiégleries de Krishna, qui veut aller s'occuper des vaches, mais qui va aussi faire des misères aux gopis... Le récital s'est conclu par un Tillana en Raga Chandrakauns ayant une complexité rythmique inhabituelle puisqu'il utilisait un cycle rythmique en Adi Tala dont les huit temps étaient subdivisés en cinq (Khanda-nadai) ; le poème évoquait Ganesh et Shiva. La jeune danseuse sourit peut-être un peu trop dans les passages expressifs, mais, compte tenu de son âge, son Abhinaya m'a semblé assez bon.

Brahma Gana Sabha, Sivagami Petachi Auditorium, Chennai — 2016-07-20 à 19:30

Varshini Murali, danse bharatanatyam

Padmini Krishnamurthy, nattuvangam

Nandini Anand, chant

Easwar Ramakrishnan, violon

Deux jours plus tard, c'est encore une disciple de Padmini Krishnamurthy (elle-même disciple de Ranganayi Jayaraman). La danseuse est à peine plus âgée que la précédente. Elle semble un peu plus tendue. Après un Shloka dédié à Ganesh, elle commence son récital par un Pushpanjali en Adi Tala : la chorégraphie est magnifique et très inventive. Elle interprète ensuite un peu maladroitement le Vishnu Kavuthwam (Raga Nattai, Chatushra Ekam Tala). Dans cette version, chaque ligne de texte est d'abord récitée une première fois et pour la reprise, le texte est chanté et la danseuse exécute des mouvements rythmiques des pieds (Tattu-Muttu). Le Varnam est Sakhiye Indha Jalam (Adi Tala, Raga Shankarabharanam) de Dandayudhapani Pillai. L'héroïne offre des cadeaux à son amie pour la convaincre d'aller chercher Vishnu ; elle souffre, elle ne peut plus manger, etc. Dans la deuxième grande partie, la danseuse développe l'épisode dans lequel Vishnu vient sauver l'éléphant Gajendra qui était attaqué par un crocodile. La danseuse interprète ensuite un poème de Swati Tirunal (Adi Tala) Chaliye Kunjana mettant en scène Krishna et les gopis au bord de la Yamuna. Le récital s'est conclu par un Tillana dédié à Rama en Raga Desh et Adi Tala.

Brahma Gana Sabha, Sivagami Petachi Auditorium, Chennai — 2016-07-21 à 19:30

Gayathri Rajaji, bharatanatyam

Sri. K. Hariprasad, chant

Sri. R. Narayanan, nattuvangam

Sri. Nellai D. Kannan, mridangam

Easwar Ramakrishnan, violon

J'avais déjà eu l'occasion de voir danser Gayathri Rajaji quand elle avait participé à la tournée de la Chidambaram Dance Company de Chitra Visweswaran au Musée Guimet en 2013. Pour compléter l'effectif constitué par ses disciples, la chorégraphe avait alors fait appel à des danseurs formés dans un autre style. Gayathri Rajaji est en effet une disciple d'Adyar K. Lakshman (style Kalakshetra). Après le décès de celui-ci, elle se forme actuellement auprès de Leela Samson, qui était présente lors de ce récital, tout comme le maître C. V. Chandrasekar.

Le programme commence par une invocation de Ganesh “Bhajamanasa Vighneshwara” (Adi Tala) dans laquelle le chanteur a inséré de nombreux passages en Swaram. Le thème du récital est Krishna. La danseuse commence par le Shloka “Kasturitillakam”. Malgré un accompagnement musical superbe (chant de Hariprasad et Easwar Ramakrishnan au violon), le frissonomètre reste proche du zéro absolu. Le haut du corps de la danseuse est plus expressif que chez le plupart des danseurs Kalakshetra, mais elle se semble pas tout à fait à l'aise dans son corps. Sa position en demi-plié araimandi n'est pas très bien tenue ; lors de certaines frappes, le corps devient un peu instable, presqu'asymétrique. Dans le Jatiswaram du Thanjavur Quartet (Raga Kalyani, Sankirna Chapu), les mouvements de pieds semblent un peu mous ; il y a un manque de netteté.

Le Varnam Sakhiye Inda Velayil (Raga Anandabhairavi, Adi Tala) du Thanjavur Quartet est dédié à Krishna, celui qui porte la conque et le disque. La danseuse a manifestement des possibilités en Abhinaya, qui vont plus loin que ce que font habituellement les danseurs Kalakshetra, mais j'aimerais qu'elle s'y abandonne encore un peu plus. Les passages rythmiques sont correctement exécutés, mais le Varnam suit une structure étrange. Le premier long jati (à trois vitesses) mis à part, les jatis viennent par paires dans cette chorégraphie : le troisième jati vient immédiatement après le deuxième, le cinquième juste après le quatrième, etc. Je n'ai vu cette structure que chez quelques danseurs Kalakshetra. Une particularité de cette composition du Thanjavur Quartet est que le texte de la composition ne commence pas sur le premier temps ; ainsi, les jatis ne se finissent pas juste avant le premier temps comme c'est en général le cas, mais juste avant le deuxième temps du cycle rythmique. Le manque de développement dans l'Abhinaya est contrebalancé par une exégération du temps consacré à la danse pure, ce qui rend l'ensemble du Varnam complètement déséquilibré à mon goût. L'héroïne est impressionnée par la ville et le temple de Krishna, qui est représenté comme Vishnu-Padmanabha, en bouvier, ou avec la conque et le disque. La danseuse développe l'épisode dans lequel Vishnu sauve l'éléphant Gajendra d'un crocodile. Elle évoque aussi celui dans lequel Krishna soulève le mont Govardhana, mais c'est beaucoup trop bref pour être intéressant.

Le point culminant du récital a été l'interprétation du très classique Padam “Indendu” (Raga Suruti, Mishra Chapu) que la danseuse a travaillé avec Bragha Bessel. L'interprète m'y a semblé beaucoup à l'aise et convaincante. L'héroïne demande à Krishna de s'en aller : “Aurais-tu des yeux de poisson ? Tu ne vois pas que ma rue est bien plus étroite que celle de ma rivale ?”. Elle referme sa porte et se retire, en hésitant un peu, se retenant de changer d'avis. Si seulement Bragha Bessel pouvait étendre son influence pour que les danseurs Kalakshetra développent davantage l'Abhinaya tout au long du récital, et pas seulement dans les Padam...

Le récital s'est terminé par un Tillana en Adi Tala chorégraphié par Adyar K. Lakshman et se concluant par une évocation de Krishna et des gopis.

Dharma Paripalana Sabha, Sri Kanchi Mahaswamy Anantha Mandapam, Adyar — 2016-07-22 à 19:15

Gopika Varma, mohiniattam

Il y a quelques semaines à Paris, j'avais été émerveillé par les récitals de mohiniattam de Deepa Chakravarthy. J'ai eu le privilège de déjeuner chez elle lors de mon séjour à Chennai ; je lui disais que si je pouvais sans problème assister à un récital de bharatanatyam tous les jours, ce ne serait pas possible pour le mohiniattam : certains interprètes de ce style parviennent à atteindre une telle excellence et à procurer de telles émotions, qu'il me paraissait absolument nécessaire que les expériences de spectateur soient plus espacées dans le temps, d'une part pour pouvoir prendre à chaque fois pleinement conscience de ce caractère exceptionnel, et d'autre part pour que ne pas être totalement blasé en regardant après des spectacles d'autres styles...

Sachant que Gopika Varma a été un des gourous de Deepa Chakravarthy, je me suis rendu à Adyar pour assister à son récital dans une salle voisine d'un fort beau temple de Padmanabha. La salle était assez peu remplie ; pour expliquer cela, la danseuse a invoqué le Kabali effect, du nom du film tamoul qui envahissait alors les écrans de Chennai. L'orchestre est composé d'un chanteur, d'un flûtiste et de trois percussions : nattuvangam (cymbales), mridangam et un tambour joué par un homme debout et qui donnait une teinte particulière à la musique.

Je n'ai pas grand'chose à dire sur le récital, si ce n'est que le style mohiniattam, par sa lenteur, explore le mouvement comme aucune autre danse classique indienne ne le fait. La première pièce était en Rupaka Tala, une invocation de Ganesh dont la monture est la souris. Elle a interprété ensuite un Kirtana de Swati Tirunal (probablement Shri Kumara Nagaralaye en Adi Tala et Raga Atana) en relation avec l'histoire du temple de Kumaranaloor, qui devait être initialement un temple de Kumara, mais qui est un temple de la Déesse (cf. cette page Wikipedia). Le Dasa Varnam est dédié à Vishnu et évoque différents épisodes épiques dans lesquels le Bienheureux est devenu un serviteur (Dasa). Je ne les ai pas tous compris (et si je les ai compris, je n'ai pas forcément vu le lien avec le thème). Un épisode évoquait Shabari, qui avant de donner des baies à Rama, les avaient goûtées... Un autre évoquait l'avatar du Nain. Dans un autre, Krishna portait Radha et ainsi les marques de pieds qu'il laissait étaient plus profondes, attirant la suspicion des autres gopis... Le récital s'est terminé par un prière en Rupaka Tala.

Narada Gana Sabha - Mini Hall, Chennai — 2016-07-23

Namrata Venkatesan, bharatanatyam

Parvathi Ravi Ghantasala, nattuvangam

Smt. Nandini, chant

Sri. Hari Babu, mridangam

Sri. Srinivasan, flûte

Sri. Dorai, violon

Ce récital interprété par une danseuse au costume rose flashy est dédié à Vishnu. Il commence par une invocation chantée Balakrishna Padamala. Après un mini-Pushpanjali, la danseuse interprète une composition de Swati Tirunal “Gopala pahima” dédié au Maître des sept collines (Venkateshwar). La pièce comporte des passages de danse pure rythmiquement complexes. La danseuse évoque très brièvemenet l'épisode dans lequel Yashoda demande à Krishna d'ouvrir la bouche, parce qu'elle le soupçonne d'avoir mangé de la boue : l'Univers entier lui apparaît. Le programme se poursuit avec le même Varnam que celui que j'ai vu trois jours plus tôt : Sakhiye Indha Jalam (Adi Tala, Raga Shankarabharanam). Un des jatis utilise l'espace d'une façon qui me rappelle le style de M. Selvam. Vers la fin du Varnam, la danseuse développe magnifiquement bien l'épisode de l'éléphant Gajendra sauvé par Vishnu. Le texte mentionne l'intervention de Krishna pour protéger Draupadi et la défaite de Ravana par Rama, aidé de Hanuman, mais l'évocation dansée, bien réalisée, est malheureusement trop courte. La danseuse interprète ensuite une pièce sur le jeune Krishna Bhavayami Gopalabulam (Raga Yamuna Kalyani, Khanda Chapu). La pièce la plus intéressante du programme est peut-être “Kandai kandai Sitai” (Raga Bageshri, Tisra-nadai Adi Tala). Elle raconte le voyage en éclaireur de Hanuman à Lanka. Sita déprime dans le bois d'aśoka, elle pense même à se suicider. Hanuman l'en dissuade et lui montre l'anneau que Rama lui a donné. L'interprétation pose à mon avis quelques problèmes : les personnages ne sont pas suffisamment caractérisés, par exemple, quand la danseuse joue le rôle de Hanuman, seules ses mains indiquent qu'elle joue un singe ; si on se fiait uniquement à son expression, on pourrait penser qu'elle est toujours en train d'interpréter Sita. Le récit en flash-back a une structure un peu étrange ; on ne sait pas très bien à quel niveau du récit on se situe. Hanuman est-il en train de raconter son voyage à Rama ? Le climax est atteint quand Hanuman se grandit avant de s'élancer au-dessus de l'Océan (le chant se transforme alors en une répétition du nom Rām). Le programme se conclut avec “Bhaja Govinda” composé par Adi Shankara.

Sri Krishna Gana Sabha, Kamakoti Gana Mandir Hall, Chennai — 2016-07-27 à 19:00

Smrithi Chanjeevaram, danse bharatanatyam

Ce récital est sans doute le moins intéressant de ceux que j'ai vus pendant mon séjour à Chennai, la technique de la danseuse étant assez moyenne. Les musiques étaient enregistrées. Après un Pushpanjali en Adi Tala dans laquelle la danseuse explore les quatre directions (elle est parfois de dos), elle évoque l'histoire de Ganesh, le fils de la Déesse Gauri, dont Shiva coupera la tête, etc. Vient ensuite un poème sur la Déesse Lalita Bhubaneshwari..., dont la monture est le tigre. Le Varnam en Adi Tala et Raga Nilambari est dédié à Muruga, dont le paon est la monture. L'héroïne lui dit en substance : Viens, je suis comme une fleur sans soleil.. Le Javali en Adi Tala qui suit met en scène les espiègleries du jeune Krishna et le récital se conclut par un Tillana (Adi Tala, Raga Madhuvanti) qui est dédié à Krishna.

The Music Academy, Kasturi Srinivasan Hall, Chennai — 2016-08-02

Subashri Sashidharan, danse bharatanatyam

Smt. S. Divyasena, nattuvangam

Smt. K. P. Nandini Sai Giridhar, chant

Sri. G. Ram Shankar Babu, mridangam

Sri. K. Ganeshan, violon

Sri. J. B. Sruthi Sagar, flûte

Mallari (Raga Gambhira Nattai, Khanda Triputa, composé par B. P. Hari Babu)

Virutham (Ragamalika, texte de Kumaraguru Swami)

Pada Varnam “Mohamana” (Raga Bhairavi, Rupaka Tala), composé par Ponniah Pillai (Thanjavur Quartet)

Javali “Indendu” (Raga Suruti, Mishra Chapu)

Ododi Vanden (Raga Dharmavati, Adi Tala, composé par AMbujam Krishna)

Shankara Shrigiri Nathaprabhu (Raga Hamsanandi, Adi Tala, composé par Swati Tirunal)

Thillana (Raga Behag, Adi Tala, composé par Dr. Balamurali Krishna)

Entre le 1er et le 10 août se tenait à la Music Academy de Chennai le festival-concours Spirit of Youth (réservé à des interprètes de moins de 25 ans). L'an dernier, j'y avais vu l'extraordinaire Sudharma Vaithiyanathan. Cette année, je n'ai vu que trois récitals, qui sans être absolument époustouflants étaient tous de très bonne qualité.

La technique de la danseuse Subashri Sashidharan au costume rouge et blanc est assez impressionnante : son demi-plié est très bas, ses ginatoms sont magnifiques dans le Mallari, son travail sur le regard aussi. Son Abhinaya n'est pas tout-à-fait aussi convaincant ; ses gestes sont parfois un peu brusques. Le Viruttam (forme musique du Shloka, mais en langue tamoule) évoque diverses idées sans que je comprenne le sens global : Padmanabha, le protecteur de l'Univers, Brahma, les quatre Veda, le son, Saraswati à la vîna, etc. Au cours du récital, l'accompagnement musical est quelque peu déséquilibré. La chanteuse Nandini est magnifique, mais le mridanguiste attire beaucoup trop l'attention à lui. Le bien-nommé flûtiste Sruthi Sagar produit des sons qui parfois me paraissent sublimes et parfois me semblent affreux ; c'est vraiment étonnant. La progression thématique du Varnam composé par le Thanjavur Quartet et dédié à Brihadishwara est on ne peut plus traditionnelle. Un jati accompagné du seul mridangam (sans onomatopées rythmiques) développe un peu trop longuement l'intervention de Kama. Dans le Padam composé par Ambujam Krishna, l'héroïne est tout à son adoration de Krishna, mais le Shrinraga (Amour) est malheureusement complètement absent de l'interprétation de la danseuse. Le programme se poursuit avec le classique Indendu et une vive évocation de Shiva comme dieu dansant dans un poème de Swati Tirunal : chose rare, pour évoquer sa danse, l'interprète utilise des sauts avec réception en cinquième position (pieds croisés). Le récital s'est conclu par un Tillana composé par Balamurali Krishna magnifiquement introduit par un Alap du flûtiste.

The Music Academy, Kasturi Srinivasan Hall, Chennai — 2016-08-03

Sivasri Skandaprasad, danse bharatanatyam

Smt. Roja Kannan, nattuvangam

Sri. K. Hariprasad, chant

Sri. Nellai D. Kannan, mridangam

Easwar Ramakrishnan, violon

Bhajamanasa Vighneshwara Manisham (Adi Tala)

Shloka “Gajanam”

Alarippu (Tishra Dhruvam, composé par Adyar K. Lakshman)

Jatiswaram (Raga Hemavati, Misra Chapu, composition du Thanjavur Quartet)

Varnam “Manavi” (Raga Shankarabharanam, Adi Tala), composé par Ponniah Pillai (Thanjavur Quartet)

Azhaga Azhaga (Raga Suddha Dhanyasi, Khanda Chapu, composé par Ambujam Krishna)

Sogasu (Misra Chapu)

Thillana (Raga Behag, Tisra-nadai Adi Tala, composé par Lalgudi G. Jayaraman)

La guru de la danseuse a eu pour maîtres Adyar K. Lakshman et Kalanidhi Narayanan. Sivasri Skandaprasad avait 10 ans quand elle a fait son arangetram en 2007. Je n'ai pour ainsi dire pas pris de notes pendant ce récital. La danseuse a un Abhinaya plus mûr que celui de la danseuse du récital de la veille. L'accompagnement musical est parmi ce qui se fait de mieux (chant, violon, mridangam). Le chanteur K. Hariprasad est dans un bon jour (magnifiques Alap avant le Varnam et le premier Padam). L'accompagnement du mridangam est merveilleux de délicatesse. Il est heureux que je me sois souvenu de la structure du Tala Dhruvam pour comprendre que Tishra Dhruvam était le nom d'un cycle en 3+2+3+3=11 temps ; sinon, j'aurais moins apprécié l'Alarippu ! Le chorégraphie du Jatiswaram m'a semblé peu musicale. Dans le Varnam (le même que Lavanya Ananth avait dansé en août 2015), l'héroïne est tout à son émerveillement (adbhuta). Un épisode est particulièrement développé : alors qu'il était en route pour les noces de sa sœur Meenakshi à Madurai, Vishnu sauve l'éléphant Gajendra de la morsure d'un crocodile. Les Tattu Muttu de la danseuse sont particulièrement intéressants et virtuoses.

The Music Academy, Kasturi Srinivasan Hall, Chennai — 2016-08-04

Vidhun Kumar, danse bharatanatyam

Smt. V. Mythili, nattuvangam

Sri. K. Hariprasad, chant

Sri. Nellai D. Kannan, mridangam

Sri. T. Sasidhar, flûte

Shri Maha Ganapathe Surapathe (Raga Nattai, Adi Tala, composé par Mayooram Vishwanatha Shastri)

Alarippu avec Thiruppugazh (Misra)

Varnam “Konchum Sadangai” (Raga Latangi, Adi Tala, composé par Madurai R. Muralidharan)

Dhyaname Taruve (Raga Amritavarshini, Adi Tala, composé par Ambujam Krishna)

Kana Vendamo (Raga Sriranjani, Rupaka Tala, composé par Papanasam Sivan)

Thillana (Raga Valaji, Adi Tala, composé par Madurai R. Muralidharan)

Le danseur porte un dhoti jaune, et un affreux collier (je ne remercie pas ma voisine d'avoir attiré mon attention sur ce fait !). Dans sa pièce introductive, il impressionne par son regard porté au loin (peut-être un peu trop haut) et par les fentes qu'il exécute. Ce danseur ne cherche pas à imiter les danseuses ! Sa technique de pied est parfois un peu brouillone : certains pas rapides passent à la trappe. Son corps est quelque peu asymétrique : dans les positions qui devraient être symétriques, son bras gauche est souvent un peu plus bas que le bras droit. J'apprécie néanmoins beaucoup son Alarippu. Au cours de ce séjour, je me suis rendu compte qu'il y avait en réalité souvent bien plus de différences entre danseurs d'un même style (ou bani) qu'entre danseurs de styles différents. Ce danseur a été formé dans le style Thanjavur, et pourtant, j'ai eu l'impression de distinguer des détails caractéristiques du style Vazhuvoor, comme le fait de sauter avant le dernier tarikitatom d'une série.

La danse pure de ce danseur est très agréable à regarder, mais son Abhinaya ne parvient pas à me convaincre. Le danseur illustre très littéralement le sens du texte du Varnam dédié à la forme de Shiva résidant à Chidambaram. La seule émotion qu'il utilise est celle de l'émerveillement. Il évoque assez clairement certains des cinq éléments (Panchabhuta) associés à Shiva : l'air, l'eau, le feu... Rythmiquement parlant, la chorégraphie est étrange parce que l'arudi, la formule conclusive suivant les jatis qui se termine usuellement sur le cinquième ou le premier temps (dans le cas d'Adi Tala) se finisait ici sur le septième temps !? La fin du Varnam est quelque peu répétitive et je me surprends à remarquer des détails stylistiques, comme les marches en arrière à la Kalakshetra (sans épaulement, en laissant traîner le talon devant).

La composition d'Ambujam Krishna qui est jouée est Rama Stuti “Dhyaname Taruve”. Tous les sages et musiciens méditent sur Rama. La chorégraphie évoque brièvement le voyage de Hanuman à Lanka. Tout d'abord, il saute par dessus l'Océan. Fait prisonnier de Ravana, sa très longue queue s'enroule pour former un siège depuis lequel il est plus haut que Ravana. Plus loin, il met le feu à Lanka avec sa queue enflammée. Un autre épisode en rapport à Rama est évoqué, peut-être s'agit-il d'une référence au batelier Guha, considéré comme le premier dévot de Rama.

Le Padam “Kana Vendamo” est la seule pièce dans laquelle le danseur a tenté d'exprimer d'autres émotions que la dévotion et l'émerveillement. On comprend qu'il veut exprimer des choses, mais le sens global reste tout à fait mystérieux.

Le récital se conclut par un Tillana dédié à la Déesse sous le nom de Matangi.

Le spectacle était en partie gâché par l'attitude de la guru V. Mythili qui semblait se fichtre royalement de ce que faisait le danseur. Elle était complètement en mode automatique : à aucun moment elle ne le regardait, elle paraissait ne s'intéresser qu'aux onomatopées rythmiques qu'il fallait bien qu'elle récite.

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