Voyage en Inde XIV

Lavanya Ananth au Narada Gana Sabha

2015-09-15 16:25+0200 (Orsay) — Culture — Danse — Danses indiennes — Culture indienne — Voyage en Inde XIV

Narada Gana Sabha, Narada Gana Sabha - Mini Hall, Chennai — 2015-08-15

Lavanya Ananth, bharatanatyam

K. S. Sarasa chorégraphies

Sri. K. Hariprasad, chant

Smt. Nila Sukanya, nattuvangam

Sri. Nellai D. Kannan, mridangam

Sri. Kalaiarasan Ramanathan, violon

Pushpanjali

Alarippu (Misra Chapu Tala)

Jatiswaram (Raga Vasanta, Tishra Ekam), composition du Tanjore Quartet)

Śabdam (Ragamalika, Misra Chapu Tala), composé par Adi Cinnaya Pillai (Tanjore Quartet)

Varnam “Manavi Chekonaradha” (Adi Tala, Raga Shankarabharanam), composé par Ponniah Pillai (Tanjore Quartet)

Padam (Rupaka Tala, Raga Saveri)

Javali (Rupaka Tala, Raga Kamas), composé par Patnam Subramania Iyer

Shloka

Thillana (Adi Tala, Raga Kedaram)

Avant ce récital, j'avais déjà eu l'occasion de voir danser Lavanya Ananth. La première fois avait été au Centre Mandapa en 2011, puis au Musée Guimet en 2012 et enfin au Bharatiya Vidya Bhavan à Chennai en 2013. J'avais été émerveillé les deux premières fois, mais je n'avais pas été complètement convaincu par son récital à Chennai en 2013 : je m'attendais à de l'inoubliable, c'était seulement très bien. Cette fois-ci, je m'attendais à ce que ce soit très bien, et ce fut inoubliable ! Une de mes toutes meilleurs expériences de spectateur de danse bharatanatyam.

Je connaissais la date de ce récital depuis plusieurs mois quand la danseuse était passée à Paris pour un workshop dans lequel elle enseigna le Chidambaram Natesha Kavuthwam. Son récital du 15 août tombait opportunément le dernier soir de mon séjour à Chennai : j'avais déjà prévu de partir le lendemain matin pour Pune. Lors de ce séjour à Chennai pendant les deux premières semaines d'août, j'eus l'occasion de rencontrer diverses personnes liées à la danse bharatanatyam. J'eus notamment le privilège de retravailler avec Lavanya Ananth la chorégraphie qu'elle avait enseignée à Paris. Quand je lui demandai qui seraient les musiciens qui l'accompagneraient, elle me répondit que j'en aurais la surprise le soir du récital...

Quand le rideau s'est levé, je m'attendais évidemment à voir Kalaiarasan Ramanathan (mon violoniste préféré dans le monde du bharatanatyam), mais j'ai été très agréablement surpris de voir le chanteur K. Hariprasad et le percussionniste Nellai D. Kannan. On ne peux guère trouver mieux pour accompagner un récital de bharatanatyam. Nila Sukanya, que je ne connaissais pas, sera au nattuvangam.

Le récital fait partie de la série Poorna Margam organisée par Natyarangam. L'organisatrice Janaki Srinivasan explique que rares sont les récitals respectant le format Margam traditionnel (ce n'est en effet pas possible quand la durée du récital est réduite à moins d'une heure et demie). Cela ne se voit guère que lors des Arangetram (le premier récital public solo d'une danseuse). Pour cette série de récitals, ils ont demandé à des danseuses accomplies de présenter de tels programmes pour que l'expérience de l'interprète permette au public d'éprouver pleinement la beauté de ce chemin dans le répertoire. Je remercie vivement Natyarangam pour cette magnifique expérience !

Avant l'entrée en scène de la danseuse, le chanteur avait interprété deux courtes compositions (en Khanda Chapu puis Rupaka Tala). Le récital proprement dit a commencé par un Pushpanjali, une offrande de fleurs en l'honneur de Ganesh, le texte du Shloka commençant par Mushika..., et plus loin j'ai cru entendre Maheshwara putra.

La danseuse interprète ensuite un Alarippu en Misra Chapu. La chorégraphie est tout à fait traditionnelle. Pourtant, cette version extrêmement élégante présente de nombreux détails exquis. Je retiens notamment la présence de délicats mouvements de tête sur le côté (Attami) en des endroits et à des vitesses inhabituelles, ce qui crée de jolis effets de surprise.

Le répertoire du bharatanatyam comporte me semble-t-il trois types de pièces centrées sur la danse pure : Alarippu, Jatiswaram et Tillana. Après avoir vu de nombreux récitals, je crois que le type de pièce de danse pure que j'affectionne le plus est le Jatiswaram. La chorégraphie de la pièce interprétée par Lavanya Ananth semble constituée d'adavus à 100% ou presque. Les adavus sont de petits enchaînements qui sont les briques de base de la danse pure. J'avais l'impression de les connaître, mais la magnifique interprétation de Lavanya Ananth révèle un nombre invraisemblable de détails insoupçonnés ! Certains enchaînements semblent dérivés d'adavus connus, mais avec des variations. Dans certains d'entre eux, il me semblait que c'était comme si les pas étaient exécutés à une vitesse double par rapport au haut du corps, ce qui permet à la danseuse de maintenir une certaine rapidité rythmique tout en accordant une grande importance à l'élégance des mouvements du haut du corps. Ce Jatiswaram qui utilise l'espace scénique de façon intéressante tout en présentant un harmonieux catalogue d'adavus m'a procuré beaucoup de plaisir !

J'avais déjà eu l'occasion quelques jours plus tôt de voir un Shabdam, mais ce type de pièce est extrêmement rare. Je ne comprends pas pourquoi ces pièces ont pour ainsi dire disparu du répertoire. Rien que pour le plaisir d'entendre K. Hariprasad chanter Dhalang-gutum---tadiginatom-, cela mériterait d'être représenté plus souvent ! Les sections de danse pure (superbes comme dans tout le récital) sont en effet accompagnées d'onomatopées chantées. Les parties expressives font l'éloge de Krishna. C'est un bouvier entouré de gopis (bouvières). Il tue un démon (que je n'ai pas identifié). Il soulève le mont Govardhana avec le petit doigt pour abriter les villageois déstabilisés par les pluies déclenchées par le dieu Indra. Il est semble-t-il également fait référence aux exploits d'autres avatars de Vishnu : la tortue (Kurma) et le sanglier (Varaha). La chorégraphie évoque aussi la parole, la musique et plus généralement les arts. Enfin, la chorégraphie représente celui qui a le visage et les yeux de lotus et qui porte une plume de paon.

La pièce principale du récital est un Varnam dû à Adi Ponniah Pillai (Tanjore Quartet). Il est dédié à Brihadishwarar, la divinité résidant au Grand Temple de Tanjore. Ce Varnam présente une particularité : les passages rytmiques (jatis) se terminent juste avant le deuxième temps et non pas juste avant le premier temps du cycle comme dans la plupart des Varnam. Cette curiosité rythmique mise à part, le Varnam suit une forme très traditionnelle. Il représente une héroïne dans son parcours amoureux et spirituel. L'émotion principale est celle de l'amour (Shringara) de l'héroïne pour Shiva. Dans son interprétation, il m'a semblé que Lavanya Ananth mettait en valeur l'émerveillement (Adbhuta) de l'héroïne. Dès le début du Varnam, après le premier jati, elle est émue en pensant à celui qui porte une antilope et le tambour Damaru. Après un délicieux deuxième jati, la joie s'empare de l'héroïne. Elle ouvre sa fenêtre. Les rayons du Soleil font éclore les fleurs, mais aussi le cœur de l'héroïne. Elle est atteinte par les flèches du Dieu de l'Amour.

Dans la section suivante, le texte fait référence à la ville de Thanjavur. L'héroïne qui pense à celui qui porte le feu et l'antilope et dont le lingam est orné de trois lignes horizontales s'émerveille devant le beauté et la grandeur du temple. La scène est accompagnée d'un solo du violoniste Kalaiarasan au style inimitable utilisant de nombreuses doubles cordes. L'héroïne cueille des fleurs avant d'aller au temple. La chorégraphie évoque ensuite les arts et la connaissance, peut-être en référence aux activités rituelles du temple. Il est ainsi fait référence aux percussions (mridangam et nattuvangam), ainsi qu'à la vina, un instrument à cordes pincées, un détail qui est souligné par des pizzicati du violoniste. L'héroïne entend-elle la voix des brâhmanes ? Elle entre dans l'enceinte du temple, voit le buffle Nandi qui veille sur le sanctuaire. Elle veut voir le monumental lingam de Shiva, mais c'est fermé. La porte s'entr'ouvre et l'héroïne (et le spectateur que je suis) s'émerveille devant la vision qui s'offre à elle ! Elle se met des cendres sur le front.

Dans la conclusion de la première grande partie du Varnam, l'héroïne souffre de la séparation : Shiva ne répond pas à son amour. Ensuite, dans le Caranam, on trouve notamment une référence aux cinq flèches lancées par Manmatha. Dans un des passages solfiés (Swaram) de cette section, j'ai trouvée la chorégraphie sublime et particulièrement poétique, la mélodie étant génialement chantée par K. Hariprasad. Le Varnam se conclut de façon apaisée dans le silence. Au tout dernier moment, l'héroïne sent la présence du Dieu, comme s'il venait de lui toucher l'épaule.

La pièce suivante est un Padam. Il me semble que c'était Idaivida innum vera vendumo saatchi. L'héroïne prépare des guirlandes de fleurs pendant qu'elle attend son mari. Soudain, que voit-elle ? Qu'entend-elle ? Le violon se met à émettre des sonorités très dissonantes. Quelque chose ne va pas. L'homme rentre. Elle le dispute. (Cette introduction dansée a été interprétée avant que la composition proprement dite ne commence effectivement.) L'héroïne fait des reproches à l'homme qui lui inspire le dégoût. Elle semble lui dire : Tu n'étais pas au temple ! À qui appartient donc ce cheveu ?. Dans la section suivante, la chorégraphie montre l'homme portant un trident, mais le sens ne m'a pas paru évident. L'héroïne poursuit : Je te quitte, je ne veux plus entendre tes paroles. Je ne sais si ce sens ironique est exactement celui que voulait donner la danseuse, mais l'héroïne semble dire, en voyant des griffures sur le corps de l'homme : Aurais-tu réchappé d'une attaque de crocodile ?. Elle le chasse et referme la porte. Quand elle regarde au dehors par une petite ouverture, elle le voit s'en aller chez sa rivale.

La pièce suivante est un délicieux Javali. Pendant l'introduction musicale du violoniste, une jeune femme rencontre un séduisant jeune homme qui s'amuse avec elle, lui tirant la main, etc. Il paraît perdu, alors elle lui indique le chemin. Il semble avoir le don d'ubiquité parce qu'à peine est-il parti d'un côté que l'héroïne sent sa présence de l'autre. Quand la composition musicale commence, la jeune femme semble dire à ses amies : Mes amies, que faire ? Il a un beau collier, une belle démarche. Touchée par les flèches de Kama, je suis submergée d'émotions. Puis-je résister à celui qui est peut-être Venkateshwar ?. Le thème du vertige émotionnel de l'héroïne est traité d'une façon humoristique conforme à l'atmosphère joyeuse des Javali et l'interprétation de la danseuse m'a semblée particulièrement musicale. L'héroïne semble renoncer, ses amies la traînant par la main dans une ronde, mais son regard finit par inviter le jeune homme à la rejoindre.

Le récital se conclut par un Shloka enchaîné à un Thillana. Le Shloka décrit majestueusement Vishnu-Narayana de la tête aux pieds. Il est difficile de rendre compte des moindres détails de cette description. Je crois me souvenir que le texte le présente comme Suryaspati (maître du Soleil ?). Quand ses yeux sont décrits, ceux-ci sont comparés au Soleil (Surya) et à la Lune (Chandra). (Cette comparaison est plus courante pour les yeux de Shiva, mais cette association se trouve aussi dans l'iconographie vishnouïste quand Vishnu apparaît sous sa forme suprême Vishvarupa.)

Ce magnifique Shloka s'enchaîne avec un Thillana évoquant également Vishnu qui apparaît couché sur l'Océan cosmique. Comme toutes les autres pièces du récital, ce Thillana a été chorégraphié par K. J. Sarasa, le guru de Lavanya Ananth (style Vazhuvoor). Précédemment, la danseuse n'avait dansé ce Thillana qu'une seule fois : lors de son Arangetram !

Il n'y a rien dans ce récital que je n'aie adoré. Le raffinement de la danse dans ses moindres détails m'a procuré un grand plaisir. Une part significative de mon contentement est venu des musiciens, et tout particulièrement du chanteur K. Hariprasad et du violoniste Kalaiarasan : quand ils interprétaient les compositions dansées bien sûr, mais aussi quand ils prenaient le temps d'élaborer de longs développements mélodiques entre les différentes pièces. Il y avait là à mon goût davantage d'émotion ou de bhava que dans bien des récitals de musique carnatique...

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Sudharma Vaithiyanathan à la Music Academy

2015-08-24 22:50+0530 (पुणे) — Culture — Danse — Danses indiennes — Culture indienne — Voyage en Inde XIV

The Music Academy, Kasturi Srinivasan Hall, Chennai — 2015-08-10

Sudharma Vaithiyanathan, bharatanatyam

Sri. A. Lakshmanaswamy, nattuvangam, chorégraphies

Sri. K. Hariprasad, chant

Sri. Nellai D. Kannan, mridangam

Sri. Easwar Ramakrishnan, violon

Sri. ?, flûte

Invocation de Ganesh

Alarippu (Tisra Triputa), composé par Muthuswami Pillai

Sangeetha Devathe (Adi Tala, Raga Malavagowla), composé par Ambujam Krishna

Sabdam (Misra Chapu Tala, Raga Kambhoji), Tanjore Quartet

Varnam “Sami Ninnekori” (Rupaka Tala, Ragamalika), composé par Ponniah Pillai (Tanjore Quartet)

Padam “Yedukittanai Modi” (Rupaka Tala, Raga Suruti), composé par Marimutha Pillai

Javali “Itu Sahasamulu” (Adi Tala, Raga Saindhavi), composé par Swathi Tirunal

Thillana (Adi Tala, Raga Kamas), composé par Patnam Subramanya Iyer

Pendant mon séjour à Chennai, j'ai assisté presque tous les soirs à des récitals de bharatanatyam, notamment six représentations du festival Spirit of Youth organisé dans la petite salle de la Music Academy. De jeunes danseuses (20-25 ans environ) s'y sont produites. Les danseuses ont toutes un bon niveau, mais parmi les six que j'ai vues, trois danseuses se sont particulièrement distinguées à mon avis : Sneha Narayan, Radhe Jaggi et Sudharma Vaithiyanathan. Le récital de cette dernière m'a semblé absolument exceptionnel à tous points de vue. On atteint des sommets rarement observés lors de récitals de danseuses plus expérimentées.

Dans la série de représentations à laquelle j'ai assisté à la Music Academy, ce récital est le seul qui ait commencé par la traditionnelle invocation chantée de Ganesh, le fils d'Uma, magnifiquement chanté sous la forme d'un Shloka par K. Hariprasad (qui par la suite n'a malheureusement pas chanté d'Alap comme il l'avait fait en octobre dernier au Musée Guimet). L'accompagnement musical sera d'excellente qualité lors de ce récital.

Après son Namaskar, la danseuse a interprété un Alarippu composé par Muthuswami Pillai. Cette composition est en Tishra Triputa Tala (j'en ai demandé la confirmation à son fils Selvam), mais la façon dont les bols sont prononcés entretiennent une ambiguité. En l'entendant, on a du mal à savoir si c'est Tishra Triputa ou Misra Chapu (les deux talas ayant la même structure en 7=3+2+2, mais à des vitesses différentes), la composition étant ainsi faite que l'on peut clapper l'un ou l'autre des deux talas sans éprouver de sentiment d'instabilité rythmique. Lors de ce récital, les chorégraphies seront toutes du Guru A. Lakshmanaswamy. Je les ai trouvées particulièrement musicales, sans la complexité rythmique excessive que l'on observe parfois. Cet Alarippu reprend essentiellement la chorégraphie traditionnelle des Alarippu, avec quelques petits ajouts, dont un m'a semblé être un emprunt ou une référence au style de Muthuswami Pillai et de son fils Selvam : une façon de découper l'espace en utilisant le mudra Tripataka.

L'Alarippu s'enchaîne avec Sangeetha Devathe, une composition de la défunte Ambujam Krishna à laquelle le festival est dédié : tous les récitals comportent une de ses compositions. La danseuse fait preuve d'une suprême élégance dans son évocation de Sarasvati, qui porte la vîna et dont le son est exquis. La chorégraphie évoque aussi Brahma et Vishnu-Narayana couché sur l'océan cosmique.

La pièce suivante est un Shabdam, ce qui est tout à fait exceptionnel. J'ai assisté à une centaine de récitals de bharatanatyam, mais ce n'est semble-t-il que la deuxième fois que je vois un Shabdam dans ce style. Ce type de pièces a pour ainsi dire disparu du répertoire et c'est bien malheureux... La pièce comporte une alternance entre passages expressifs et passages de danse pure qui sont accompagnées par des onomatopées chantées. La chorégraphie est extrêmement musicale : elle suit fidèlement la structure du cycle rythmique Misra Chapu. Atteinte par les flèches florales de Kama, l'héroïne cherche l'union avec celui qui a des yeux de lotus, mais dès qu'elle a l'impression de s'en approcher, celui dont je n'ai pas deviné l'identité disparaît...

La pièce principale du programme m'a semblée merveilleuse. Ce Varnam est dû à Adi Ponniah Pillai (Thanjavur Quartet). De forme extrêmement traditionnelle, il est quasi-intégralement conçu autour du parcours de l'héroïne jusqu'au sanctuaire de Brihadishwarar (temple de Thanjavur). Il est très rare que je sois ému par ce type de Varnam (cf. cet autre billet), mais l'interprétation de la danseuse m'a paru tout simplement extraordinaire. L'héroïne s'émerveille en pensant au lingam de Shiva, celui qui porte le feu et une antilope. Il porte aussi le tambour Damaru. La Lune et le Soleil sont ses yeux. Elle cherche l'union avec lui. L'attend-elle toute la nuit ? La lumière du Soleil semble faire éclore les fleurs. Plus loin, dans la forêt ou au bord de la rivière, la nature s'épanouit. L'héroïne fait ses prières et se dirige vers Thanjavur, la ville où réside Brihadishwarar. Elle est émue en envoyant le grand temple. Elle entre dans son enceinte, voit le buffle Nandi qui se tient près de la porte. Arrivée devant la porte, elle l'ouvre prudemment et s'émerveille irrésistiblement devant la grandeur du lingam de Shiva auquel elle offre des fleurs. Toute cette scène m'a semblée d'une intensité émotionelle rare. La danseuse n'effectue pas de grands gestes, mais elle semble à 100% dans son rôle qu'elle incarne avec finesse mais sans affectation. On oublie complètement qu'elle est une scène de spectacle. C'est comme si on se trouvait à Thanjavur... L'héroine veut ensuite séduire ce Brihadishwarar, elle semble dire : Toi qui monte Nandi, vient à moi.. Dans cette première grande partie du Varnam, les passages narratifs ont alterné avec des passages de danse pure (jatis) magnifiquement chorégraphiés et superbement interprétés. Avant chaque jati, la danseuse semble tracer un losange au sol, ce que je n'avais vu faire jusqu'à présent que par des disciples de Master Selvam, fils de Muthuswamy Pillai. Le style de danse pure présente des points communs avec le style de ce dernier, notamment l'usage d'adavus n'utilisant qu'une seule main. J'ai aussi apprécié le fait d'exécuter une pirouette à la toute fin des jatis. La danseuse décale sa tête sur les côtés (attamis) de la plus élégante des façons qu'il m'ait été donné de voir (l'exact contraire de ce que j'ai vu à Delhi récemment). La seconde partie Caranam du Varnam comporte une évocation de la musique, mais elle exalte surtout le sentiment amoureux de l'héroïne, très émue. Atteinte par les flèches de Kama, elle brûle d'amour pour lui, elle l'admire, il est entré dans son cœur.

La danseuse interprète ensuite un Padam. L'héroïne semble éprouver des sentiments mitigés pour un homme. Viens me parler ? Non, ne viens pas ; tu parles déjà à tellement d'autres que moi. Elle cherche l'union avec celui qui fait le fier avec son arc (?), puis elle hésite et le rejette. Elle s'en va d'un pas décidé respectant la structure du cycle Misra Chapu à trois temps de durées inégales.

Dès l'entrée en scène de la danseuse dans la pièce suivante, on comprend immédiatement qu'il s'agit d'un Javali. L'atmosphère espiègle de ce type de pièce apparaît en effet dès les premiers mouvements de l'interprète. Krishna tente de séduire l'héroïne. Il l'empêche même de passer, mais elle fait semblant de ne pas l'aimer. Va voir mes amies. Moi, je ne veux pas. Certes, tu as des yeux de lotus et tu es Narayana, couché sur l'Océan cosmique, mais je te ferme la porte au nez. Ah, ah, je t'ai bien eu., semble-t-elle lui dire !

Le récital s'est conclu par un Thillana utilisant de façon très intéressante l'espace scénique. Après la première partie (de danse pure) de la pièce, l'héroïne implore Venkatesh : S'il Te plaît, paraît devant moi !.

Un immense bravo à la danseuse pour ce merveilleux récital !

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Première semaine à Chennai

2015-08-11 14:15+0530 (சென்னை) — Voyage en Inde XIV — Photographies

Je suis parti de Delhi en train le 31 août par le Karnataka Express. Le trajet étant long, j'ai choisi de voyager en First AC. Par rapport à la 2AC, on bénéficie d'une plus grande intimité et d'un meilleur sentiment de sécurité puisque les voyageurs sont regroupés en cabines de quatre (ou coupés de deux) que l'on peut fermer pendant la nuit.

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Cela dit, la First Class de ce train est moins intéressante que dans les trains Rajdhani dans lesquels une nourriture (de bonne qualité) est servie.

J'ai passé deux jours à Jalgaon. J'ai retrouvé la famille Deshpande le soir de mon arrivée. J'aurai aimé passer plus de temps avec eux, mais ils devaient assister à une cérémonie le lendemain. Pour cette raison, j'ai choisi la chambre (ou plutôt suite) la plus luxueuse de l'hôtel Plaza (qui propose des chambres très bien entretenues de 500 à 1500 roupies) :

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Ceci me permettra de pratiquer un peu le bharatanatyam au cours de la journée de dimanche. J'apprécie aussi les stands de lassi, kulfi et l'excellent restaurant de thali Arya Niwas.

J'assiste à une manifestation apparemment liée au grand défenseur de la cause des dalits Babasaheb Ambedkar. Il y avait deux cortèges, d'abord les hommes, puis les femmes :

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Arrivé à Chennai par un nouveau trajet en train de 24 heures environ, je descends à mon hôtel bon marché habituel à Chennai :

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La petite rue où se trouve l'hôtel est régulièrement bloquée par des processions, y compris tard le soir. Les habitants se tiennent devant leurs habitations et font quelques offrandes à la divinité. Lors d'une telle procession, de Ganesh semble-t-il, des joueurs de hautbois (nagaswaram) jouaient un Mallari, en Adi Tala. La complexité rythmique est telle qu'un des deux hautboïstes clappait le tala, tandis que la mélodie et les puissants tambours utilisaient différentes subdivisions des temps du cyclique rythmique, qui suivant les sections de la pièce, étaient subdivisés en quatre, trois ou cinq...

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Pendant ce temps-là, un peu plus loin, on lançait des feux d'artifice. Encore plus loin, un brass band jouait des mélodies aux rythmes plus simples sur lesquels des hommes entraient plus ou moins en transe (je soupçonne l'un d'entre eux de n'avoir pas bu que de l'eau).

Lors d'une autre procession (semble-t-il de la Déesse), des hommes dansent aussi très joyeusement :

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Pour ce qui est du bharatanatyam, cette semaine a été très intense. Je prends des cours quotidiennement avec celui que les disciples françaises appellent Master Selvam (le fils de Muthuswamy Pillai) dont j'avais tant apprécié le style de danse pure (notamment lors de récitals d'Ofra Hoffman et d'élèves de Kalpana). Je voulais avoir un petite expérience de ce style de l'intérieur. Sa série de Natta Adavus ne comporte pas 6 ou 7 adavus comme dans d'autres styles, mais une vingtaine : il m'en a enseigné dix-neuf ! Dans les Marditha Adavus (ta-tai-tai-ta), l'élégance des mouvements de mains se fait encore davantage sentir puisque les mouvements changent suivant la vitesse à laquelle les adavus sont exécutés. Rien qu'en pratiquant ces adavus, on éprouve déjà la sensation de devoir gérer des mouvements de pieds rapides et simultanément des mouvements de mains relativement lents en comparaison, ce qui ne se voit pas tellement dans la danse pure d'autres styles à l'intérieur du bharatanatyam. Ses cours sont très agréables et cordiaux. J'ai eu le plaisir d'assister à un cours d'une de ses élèves qui a répété diverses pièces : Alarippu, Muruga Kauthwam, Mallari, Varnam...

J'ai également pris deux (longs) cours avec Lavanya Ananth afin de retravailler le Chidambaram Natesha Kavuthwam qu'elle avait enseigné lors d'un workshop à Paris il y a quelques mois. À force d'insister (j'aime quand elle dit, en français, Encore...), elle finit par arriver à me faire exécuter à peu près proprement la chorégraphie ; elle a même pris le temps d'ajouter une introduction à la pièce pour remplir l'Alap de flûte d'une minute et demie que l'on entend au début de l'enregistrement sonore, avant que la pièce proprement dite ne commence véritablement.

Jayashree Ramanathan, ma nattuvanar préférée, a eu la gentillesse de me permettre d'aller la rencontrer chez elle. La discussion a été très agréable. J'aurais aimé prendre des cours de nattuvangam avec elle, mais elle ne l'enseigne pas, elle l'a appris par l'expérience : au cours de sa formation de danseuse, d'abord avec Sudharani Raghupaty et puis avec les Dhananjayan dont elle a dirigé certaines productions. Son expérience de danseuse lui permet de diriger de façon particulièrement intéressante les récitals de bharatanatyam. Elle a récemment été au festival de Salzbourg pour jouer du nattuvangam lors des récitals d'Alarmel Valli !

Le 7 août, un événement spécial Svanubhava était organisé à Kalakshetra. Pendant vingt-quatre heures, divers spectacles et manifestations culturelles se sont succédé. Étant arrivé un peu en avance, j'ai vu un peu de kathakali difficilement intelligible dans la grande salle Rukmini Arangam. Je ne venais que pour le workshop dirigé par C. V. Chandrasekar (qui danse encore très bien à plus de quatre-vingt ans). Je l'avais vu danser fin 2013. Lors de plusieurs interventions, notamment lors de l'inauguration du festival de la Music Academy, il m'avait fait l'impression d'avoir des conceptions très rigides de la danse et d'être très fermé aux idées nouvelles. Lors de ce workshop, qui était davantage une lec-dem, il m'a semblé au contraire beaucoup plus ouvert d'esprit.

Le workshop était ouvert à tous (pour la modique somme de 100 roupies), mais tous sauf moi étaient soit des élèves de Kalakshetra soit des personnes apprenant ce style. On devait être entre trente et quarante environ dans le Rukmini Devi Cottage, sans compter les personnes qui regardaient. Quand C.V. Sir nous a demandé de danser le Tishra Ekam Alarippu, je voyais tous les autres exécuter précisément la même chorégraphie tandis que je faisais quelque chose d'un peu différent ; c'était assez perturbant. Il est difficile de résumer ce qu'il a dit, mais j'ai apprécié un certain nombre de points dans son discours, notamment l'insistance sur le chant et le rythme. La plupart des autres personnes présentes étaient infichues de clapper les deux temps principaux Sankirna Chapu (9=4+5 temps) tout en prononçant takadimitakatakita en double vitesse. Alors qu'une cacophonie de claps intempestifs résonnaient, il nous a demandé s'il y avait quelque volontaire pour le montrer à tous les autres. Il n'y a pour ainsi dire eu qu'un jeune malayali et moi-même pour se dévouer. Le maître m'a dit que c'était bon à 99.9%. D'autres moments du workshop ont été moins glorieux pour moi, notamment au tout début quand il m'a mis ses bras sur mes épaules et appuyé vers le bas pour que je m'asseye davantage, tandis qu'il montrait à quel point il pouvait descendre alors que je protestais I cannot sit more....

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À la fin de la semaine, j'ai également eu le plaisir de retrouver la danseuse Srithika Kasturi Rangan dont j'avais tant aimé le travail sur la narration lors d'un récital en 2010 et à qui j'avais déjà rendu visite en décembre 2013. J'ai apprécié de pouvoir voir un cours de ses élèves qui fera bien son Arangetram ; elle a notamment répété le Varnam “Simhavahini” de Madurai R. Muralidharan. J'avais déjà vu une danseuse l'interpréter quelques jours plus tôt lors d'un récital à la Music Academy, mais cela fera l'objet d'un futur billet...

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Nizamuddin

2015-08-03 12:06+0530 (जळगांव) — Culture — Culture indienne — Voyage en Inde XIV — Photographies

Mon séjour à Delhi est maintenant terminé. Pendant la première semaine, j'avais pu prendre des cours de bharatanatyam avec Arupa Lahiry, mais ces cours n'ont pu reprendre que lors de ma troisième et dernière semaine sur place parce qu'elle avait une série de programmes SPIC MACAY dans le Madhya Pradesh. Lors de son retour, j'ai pu continuer à travailler les adavus et le Vishnu Kavuthwam qu'elle m'a appris et apprendre une chorégraphie d'un Alarippu dont les trois sections utilisent trois cycles rythmiques différents : Tishra, Chatushra et Mishra.

Après les cours et un certain temps passé à regarder Arupa répéter des pièces, je suis parfois allé à Nehru Place où se trouvent de nombreux restaurants. Le café gourmand de la chaîne L'Opéra est un peu trop copieux et étonnamment salé :

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Café Gourmand, L'Opéra

Leurs macarons sont assez moyens... La veille de mon départ, j'ai fait un tout petit peu de tourisme. Le quartier de Nizamuddin étant tout proche de Jangpura. Sur Mathura Road, deux hommes insistent pour que je prenne leur portrait :

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Je suis d'abord allé visiter खान-ए-खानां का मकबरा, une tombe du début du dix-septième siècle qui est pas mal amochée.

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Khan-E-Khanan Ka Maqbara, Delhi

Cette tombe islamique comporte des motifs floraux et géométriques. Fait intéressant et rare, on y discerne même des motifs en forme de svastika :

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Khan-E-Khanan Ka Maqbara, Delhi

La ligne orangée sur la photo ci-dessus est une barre d'un échafaudage. Le monument est en pleine restauration. Le grand projet serait de refaire la tombe comme elle était à l'origine, avant que le dôme en marbre ne soit pillé. La restauration de l'intérieur du monument a commencé par le haut. Les motifs en noir sur fond blanc qui ont commencé a être dessinés sont peu convaincants...

De l'autre côté de Mathura Road se dresse un quartier musulman comme j'en ai rarement vu en Inde. La proportion de personnes manifestement musulmanes est très élevée.

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Nizamuddin West

Photo 034
Nizamuddin West

À côté du Chausath Khamba et de la tombe de Mirza Ghalib, des jeunes jouent au cricket. Les traces d'impact montrent que le fait n'est pas rare :

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Je passe ensuite par un dédale de ruelles entourées de marchands de bondieuseries pour arriver enfin au Dargah Nizamuddin. À l'approche des minuscules tombes, c'est un peu moins le bazar qu'à Ajmer. Des chants en l'honneur du saint Nizamuddin se font entendre à proximité de sa tombe.

Je m'en vais ensuite à ma dernière leçon de dhrupad avec Pandit Nirmalya Dey qui m'a fait pratiquer un magnifique Alap et la deuxième partie d'une nouvelle et assez difficile composition en Raga Todi...

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Nehha Bhatnagar au India Habitat Centre

2015-08-03 08:20+0530 (जळगांव) — Culture — Danse — Danses indiennes — Culture indienne — Voyage en Inde XIV

India Habitat Centre, Delhi — 2015-07-24

Nehha Bhatnagar, bharatanatyam

Amrit Sinha, Himanshu Srivastava, bharatanatyam

Saroja Vaidyanathan, nattuvangam, chorégraphies

Rama Vaidyanathan, chorégraphies

Satish Venkatesh, chant

Rajat Prasanna, flûte

Thanjavur R. Kesavan, mridangam

Devi Stuti (Adi Tala)

Pannagendra Shayana (Rupaka Tala)

Ta Tai En Aadvar (Adi Tala)

Mira Bhajan (Adi Tala)

Thillana (Adi Tala)

Vande Mataram

Après le récital calamiteux de Bala Devi Chandrashekar, celui de Nehha Bhatnagar ne pouvait être que meilleur. Si la jeune danseuse a indiscutablement une certaine présence scénique, je ne suis pas sorti très enthousiaste de son récital.

Le programme a commencé par un Alap à la flûte, immédiatement suivi de la projection d'un message publicitaire de Hindustan Computers Limited (HCL) qui sponsorise la série de spectacles dont fait partie le récital de Nehha Bhatnagar. Vient ensuite la cérémonie d'allumage de la lampe à laquelle est conviée quelque haut dignitaire du BJP, le parti au pouvoir ; peut-être s'agissait-il de Muralidhar Rao ?

La danseuse est une disciple de Saroja Vaidyanathan et de sa belle-fille Rama Vaidyanathan (qui est une des personnes que j'estime le plus dans la danse bharatanatyam). La musique ne sera pas de qualité exceptionnelle au cours de ce récital. La faute la plus lourde en revient au joueur de mridangam Thanjavur R. Kesavan, qui faisait son truc dans son coin sans tenir aucun compte de ce que faisait la danseuse, qu'il ne regardait pour ainsi dire jamais. La sonorisation de son instrument était de surcroît atroce. Les cymbales de Saroja Vaidyanathan étaient inaudibles, ce qui rendait les passages rythmiques de la danse particulièrement étranges. Un autre problème est venu des difficultés de Saroja Vaidyanathan à fixer clairement un tempo. Le tempo a été changé plusieurs fois et de façon très brutale au cours de certaines pièces. Dans une des pièces, je l'ai vue donner un tempo au début et puis quelques dizaines de secondes plus tard, elle a changé d'avis et fait adopter un tempo beaucoup plus rapide au chanteur : la transition a été affreuse, comme une piste audio sur laquelle on ferait une avance rapide... Ce récital a-t-il fait l'objet d'un minimum de répétitions ? Il y a vraiment de quoi se poser la question...

Quelques aspects de la technique de la danseuse me posent problème. Le plus gênant pour moi réside dans le fait qu'elle utilise très peu son torse et son cou. En particulier, elle ne regarde pas suffisamment ses mains. Seuls ses yeux se déplacent (et son cou dans les mouvements sur le côté : Attami) : le haut du corps est comme figé. Cela crée en moi un sentiment d'étrangeté, un manque de naturel. En tournant le cou, elle pourrait donner un bien meilleur impact à sa danse. Ces observations se révèlent particulièrement perturbantes quand la danseuse exécute des ginatom. Sa main ne va pas chercher derrière : elle va juste en diagonale sur le côté. En l'absence de mouvement du torse et du cou pour accompagner le mouvement, l'impression visuelle est désastreuse, surtout si l'observateur que j'étais est assis parfaitement de face. Une autre étrangeté technique dans le style de la danseuse réside dans sa façon de faire des pas sur le côté, comme si la force venait de la jambe opposée à la direction du mouvement.

Venons-en maintenant au détail du programme intitulé Passionate devotees. La première pièce est intitulée Devi Stuti. Cette pièce est très impressionnante, mais j'ai eu le sentiment que la danseuse en faisait un peu trop pour imposer la terrifiante présence de la Déesse dont la monture est le tigre. Sa danse est à mon avis un peu trop carrée, ses mouvements de cou Attami manquent de subtilité dans l'exécution. D'après ce que j'ai cru comprendre du texte, il est question de l'épisode de la Déesse tuant les démons Shumbha et Nishumbha. Quand l'interprète a représenté la Déesse jouant de la vînâ et l'exaltation du plaisir acoustique, cela ne me faisait pas vraiment envie. Plus loin, elle montre Kali avec son trident. La fin de la pièce est plus réussie : il s'agit d'une très vive et développée chevauchée.

La pièce suivante, tout comme la première, a été chorégraphiée par Rama Vaidyanathan. Il n'est pas faire injure à l'interprète de ce récital d'écrire qu'il m'est plusieurs fois arrivé de penser à quel point ces chorégraphies seraient merveilleuses si c'était Rama elle-même qui les dansait. La pièce principale du récital est attribuée au Maharaja Swathi Thirunal. Elle est donc bien évidemment consacrée à Padmanabha (Vishnu). Je n'ai pas eu l'impression que la pièce avait formellement la structure d'un Varnam, mais elle était aussi développée, les passages narratifs et évocateurs alternant avec des passages de danse pure (dont plusieurs incorporent les redoutables Sharakkau Adavus). La plupart de ces passages de danse pure, y compris au début, étaient accompagnés de Swaram (notes solfiées) plutôt que d'onomatopées, ce qui constitue une différence structurelle par rapport aux Varnam tels qu'ils sont habituellement représentés dans la danse.

Nehha Bhatnagar
Nehha Bhatnagar ©Inni Singh

La pièce est dédiée à Vishnu sous le nom de Padmanabha. Vishnu est couché sur le serpent Shesha et un lotus (Padma) émerge de son nombril (Nabha) ; c'est sur ce lotus qu'est assis Brahma. La chorégraphie présente d'intéressantes variations sur la façon de représenter Vishnu sous cette forme. Cependant, la façon qu'a parfois eu la danseuse d'adopter ces poses m'a semblé parfois quelque peu brutale, comme si elle voulait absolument s'y trouver sur le premier temps du cycle rythmique ; cette impatience me semble incompatible avec l'idée de représenter Padmanabha dans son immuable immensité. L'héroïne de la pièce souffre de la séparation avec la divinité. Il ne semble pas la regarder. Elle brûle de sa passion que lui rappellent tous ses sens. Elle est tourmentée par le parfum des fleurs. Elle se désespère quand elle observe la nature et ses couples d'oiseaux, de paons, de perruches, de perroquets, tandis que les abeilles butinent les fleurs. La danse met en scène ensuite des discussions entre les amies de l'héroïne. Après l'intervention de Kama, l'héroïne s'émerveille de Padmanabha dont elle admire la beauté, le collier, les vêtements et la démarche (qui sera plus loin comparée à celle d'un éléphant). Ses lèvres sont comparées à un fruit. L'héroïne cherche l'union avec la divinité à laquelle elle offre des fleurs et à qui elle adresse des prières.

Les trois chorégraphies qui vont suivre sont de Saroja Vaidyanathan, qui me semblera plus à son aise au nattuvangam. La première de ces trois pièces est interprétée par deux condisciples de Nehha Bhatnagar : les deux danseurs Amrit Sinha et Himanshu Srivastava. Ta Tai En Aadvar est une pièce très vigoureuse en l'honneur de Nataraja, le Seigneur de la Danse, qui fait trembler l'univers au point que même le serpent Adi Shesha est bousculé. Les danseurs interprètent certaines sections en duo de façon synchronisée (en miroir). D'autres sont interprétées par l'un ou l'autre. L'évocation met en valeur certains attributs de Shiva comme le tambour Damaru, les cheveux en chignon, la rivière Ganga ou le buffle Nandi qu'il chevauche. La chorégraphie inclut quelques sauts et de façon intéressante des ronds de jambe comportant des mouvements de hanches. Étrangement, ce dont je me souviens le mieux dans cette pièce est la clarté avec laquelle la chorégraphie exprime que le compositeur s'appelle Gopalakrishna. Beaucoup de compositions de musique carnatique se terminent par une ligne qui constitue la signature du compositeur. Quand j'ai entendu les mots Gopala et Krishna dans le texte chanté, et que j'ai vu les danseurs montrer un bouvier, j'ai eu un instant de doute parce que cela ne correspondant pas au contexte shivaïte, mais ma perplexité s'est immédiatement dissipée quand un des danseurs a représenté un joueur de tampura (et lors de la répétition de la ligne, quand l'autre danseur a montré un écrivain). C'est que le compositeur de la pièce devait s'appeler Gopalakrishna, ce que j'ai pu vérifier ensuite dans le programme qui avait été distribué.

La pièce suivante est interprétée par Nehha Bhatnagar. Il s'agit d'un Bhajan composé par Mirabaï. J'avais déjà vu une autre chorégraphie sur ce poème. Mon regard sur cette interprétation souffre donc quelque peu de la comparaison avec celle de Meenakshi Srinivasan. L'héroïne (dont il n'est pas particulièrement mis en valeur à ce stade qu'il s'agit de Mirabaï) cherche Krishna partout. Fait intéressant, la danseuse tourne beaucoup le dos au public à ce moment-là. Elle s'approche d'un étang de lotus. Dans la plus belle scène de la pièce (et de tout le récital), elle imagine qu'elle est un poisson et que Krishna va prendre son bain. Elle pourrait alors venir lui toucher les pieds. Les deux autres comparaisons m'ont semblées beaucoup moins claires. Ainsi, quand la chorégraphie représente Krishna conduisant son troupeau de bovins, il ne m'a pas du tout paru clair que Mirabaï imagine qu'elle est un coucou qui peut chanter pour Lui. Dans la dernière comparaison, elle est censée être une perle qui pourrait faire partie d'un collier. J'ai bien vu une dévôte offrir un collier à Krishna, qui apprécie le cadeau, mais je n'ai pas saisi dans l'Abhinaya de la danseuse que Mirabaï rêvait qu'elle était transformée en perle. Dans la fin de la pièce, l'héroïne cherche l'union mystique avec la divinité (qui porte une très longue flûte) et entame une danse d'extase digne des derviches tourneurs.

Le récital s'est conclu par un très beau Thillana composé par Saroja Vaidyanathan elle-même (ce qui n'a pourtant pas empêché qu'adviennent des changements de tempo intempestifs). La pièce est interprétée par la danseuse et les deux danseurs. Une section de la pièce évoque la musique. La vînâ est représentée par Amrit, la flûte par Himanshu et le mridangam par Nehha. À la fin de la pièce, les onomatopées laissent la place à un texte en l'honneur de Shanmukha, c'est-à-dire Muruga. Les trois interprètes s'organisent délicieusement pour représenter cette divinité. Amrit représente Muruga, tandis que Nehha se tient à ses côtés, figurant son épouse (ou plutôt une de ses épouses). Pour sa part, l'excellent Himanshu interprète le rôle du paon qui est la monture de Muruga. (N'en connaissant pas assez bien le texte, je ne commenterai pas la chorégraphie de l'hymne Vande Mataram qui s'est enchaîné à ce Thillana.)

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Praveen Kumar, Renjith Babu, Bala Devi Chandrashekar

2015-07-23 12:00+0530 (दिल्ली) — Culture — Danse — Danses indiennes — Culture indienne — Voyage en Inde XIV

La danse est très présente sur les scènes à Delhi, mais je ne suis pas allé voir beaucoup de spectacles. J'ai vu le meilleur avec Praveen Kumar et le pire avec Bala Devi Chandrashekar.

India International Centre, Delhi — 2015-07-16

Praveen Kumar, bharatanatyam

Je n'ai malheureusement pas pu assister à l'intégralité de ce récital. Arupa Lahiry, avec qui je prends des cours ici à Delhi, m'avait dit qu'il fallait absolument que je voie ce danseur. Le cours que nous avions en fin d'après-midi ne nous a permis que d'assister à la fin de son récital. Nous sommes arrivés à la fin de son Varnam, apparemment centré sur la Déesse ; je n'ai pu véritablement apprécier que son travail sur la danse pure dans la fin de cette pièce principale.

Pour conclure son récital, Praveen Kumar a interprété ensuite deux pièces d'Abhinaya. Ces deux Padam m'ont semblé très intéressants dans la mesure où les thèmes narratifs ont été abordé du point de vue d'un héros, et non pas d'une héroïne. Dans le premier des deux Padam, il incarnait un homme marié qui était amoureux d'une autre femme, laquelle le rejetait. Il lui disait qu'elle avait un cœur de pierre et qu'il allait se rendre à Kashi (Varanasi) pour expier ses péchés. Dans le deuxième, le thème classique de l'amour maternel de Yashoda pour le jeune Krishna est traité de façon alternative : c'est son père adoptif (Nanda) qui lui dit : Ne va pas jouer en dehors de la maison.... Le talent de Praveen Kumar pour l'expression des sentiments des personnages qu'il incarne est exceptionnel. Ses mouvements ont une certaine lenteur, mais qu'est-ce qu'ils sont habités !

India International Centre, Delhi — 2015-07-16

Renjith Babu, bharatanatyam

Les 16 et 17 juillet se tenait au India International Centre un festival consacré à des danseurs masculins. Après Praveen Kumar, c'est Renjith Babu qui est entré en scène (accompagné d'une bande-son, contrairement à Praveen Kumar qui disposait d'un orchestre comportant notamment Subbulakshmi au nattuvangam). Il se produira en octobre au Musée Guimet en duo avec son épouse Vijna. Son programme est entièrement consacré à Shiva. Bien sûr, c'est un grand athlète, plus exactement un yogi (il enseigne le yoga). En vrai, je n'ai pas eu l'impression de voir un robot danser comme j'avais pu en avoir le sentiment sur certaines vidéos. Le haut du corps n'est pas aussi raide que sa formation dans le style Kalakshetra pouvait le laisser augurer. Cependant, les lignes du corps sont loin d'être idéales. Dans ses Tirmanam (mouvements ressemblant un peu à ceux de la nage crawl), la main suit un chemin étrange, comme s'il attrapait une balle sur le côté avant d'aller droit devant. Ce mouvement sur le côté, vraiment choquant vu de face quand le danseur le faisait en vitesse lente, disparaissait heureusement quand la vitesse accélérait.

Ce qui me gêne dans ce spectacle qui a comporté plusieurs pièces, c'est que j'ai eu l'impression de voir toujours la même chose du début à la fin. Il est possible de représenter de très diverses manières Shiva, mais tout m'a semblé monotone. N'ayant pas pris de notes, il m'est absolument impossible d'isoler après coup quelque passage qui se distingue. Les passages de danse pure m'ont certes semblé bien exécutés (le danseur intégrant les redoutables Sharakkau Adavus, ce qui est relativement rare) ; les rythmes m'ont semblés très compliqués, mais je n'ai pas trouvé très passionnant l'agencement des mouvements. Dans la deuxième partie (rapide) du Varnam, la vitesse des mouvements faisait que j'avais davantage l'impression d'assister à une démonstration sportive qu'à de la danse. Ce qui m'a le plus gêné, c'est que je n'ai nullement été ému par les aspects expressifs de sa danse. Que ce soit dans la danse pure ou dans l'expression, j'ai eu le sentiment de voir une juxtaposition un peu forcée d'éléments peu susceptible de m'émouvoir. Ce spectacle n'a pas été particulièrement désagréable à regarder, mais le frissonomètre est désespérément resté à zéro.

Ailleurs : Leela Venkataraman

India Habitat Centre, Delhi — 2015-07-22

Bala Devi Chandrashekar, bharatanrityam

Tripura: The Divine Feminine

Ce récital est sans doute le plus mauvais récital de danse bharatanatyam auquel j'aie assisté. Je n'y serai pas allé si une autre passionnée de danse indienne de passage à Delhi ne m'y avait invité ; je retiendrai davantage les personnes rencontrées ce soir-là et le restaurant parsi qui suivit plutôt que le récital de Bala Devi Chandrashekar...

Son récital est annoncé comme étant un récital de bharatanrityam. Il s'agit en effet du style introduit par Padma Subramanyam dont elle est une disciple. Le texte des compositions est tiré du Tripura Rahasya. Le thème du programme est celui de Balatripurasundari, la forme suprême de la Déesse. De trop longs discours ont précédé les différentes pièces du programme. Ces annonces étaient assez prétentieuses, l'oratrice ayant dit plusieurs fois que le travail pour chacune des pièces présentées correspondait à celui d'une thèse... La Déesse est sans doute un des thèmes les plus subtils de toute la mythologie hindoue, mais si l'on se fie au résultat observé, affirmer cela revient à déconsidérer très fortement les diplômes de doctorat ou de master.

La musique enregistrée de récitation d'un Shloka qui a retenti était beaucoup trop forte. Le son a heureusement été un peu baissé.

La danseuse a interprété une premièce pièce qui comportait semble-t-il trois parties, une sur Tripura dont elle a représenté le bindu en forme de Om, le trident (de façon peu convaincante). Plus loin, elle a représenté Amba en tant que mère. Après un Swaram (section accompagnée de notes solfiées), quelques autres noms de la Déesse ont été prononcés, comme Kali, Bhubaneshwari, etc. La Déesse a été représentée portant la conque et le disque.

Dans la pièce suivante Todaya Mangalam accompagnée du son des hautbois indiens et entrecoupée de passages de danse pure, elle continue à évoquer la Déesse qui apporte la connaissance, qui porte le trident et dont la monture est le tigre. S'ensuit un Shloka et un Alarippu hétéroclite en Tala Mallika (j'ai identifié des sections à 3, 5 et 7 temps).

Est intervenu ensuite un Javali en Adi Tala censé représenter les neuf rasas ou émotions classifiées dans l'esthétique indienne.

Une pièce essentiellement de danse pure étrangement présentée comme un dhrupad a suivi. De même que j'ai déjà eu l'occasion de le signaler, je trouve très déplorable que l'on utilise le nom dhrupad pour un type de composition qui n'a rien à voir avec la façon dont le chant dhrupad est représenté sur scène. Le récital s'est conclu avec un Mangalam un peu long...

Ce récital a bien comporté quelques moments plutôt agréables. Les seuls que je retiens sont ceux qui mettent en valeur les mouvements de hanches spécifiques du style de Padma Subramanyam. Pour le reste, cela me semble être le summum de tout ce qu'il ne faut pas faire :

  • Du point de vue conceptuel, je suis tout-à-fait pour que l'on présente les pièces au public avant de les interpréter, mais il faut trouver un juste milieu. Les explications étaient beaucoup trop longues et complètement incompréhensibles ! (Par exemple, dans le drôle d'Alarippu qui a été présenté, je n'ai pas bien vu le lien annoncé avec les signes du zodiaque et quelques autres éléments, notamment les chakras, qui avaient été péniblement énumérés avant.)
  • Les positions des mains dans les passages signifiants m'ont semblé extrêmement disgracieuses, soit qu'elles furent trop flottantes soit qu'elles furent au contraire trop forcées. La posture caractéristique de la Déesse avec deux mains en Pataka (la droite tournée vers le haut et la gauche vers le bas) semblait contrainte. Quand elle représentait semble-t-il le tigre comme sa monture, son bras était complètement tendu vers l'avant à la hauteur des épaules, ce qui est très étrange. La danseuse a souvent utilisé une pose dans laquelle une des mains était en Alapadma au-dessus de la tête. Le placement de cette main était manifestement très approximatif, puisque lorsque cette pose revenait, la main était loin de revenir à la même place. Il en allait de même pour de nombreuses autres poses...
  • La danse m'a semblé très paresseuse. Dans ses Ginatom, la main ne fait même pas semblant d'aller chercher derrière. Quand elle parvient à esquisser le mouvement, au mieux, elle va dans une des diagonales. Ce n'est pas le plus vilain reproche que l'on puisse faire (je fais largement pire !), mais toute la danse était ainsi molle. De même que dans les aspects évocateurs, il n'y a dans la danse pure aucune précision dans le placement des mains. Si ses Khuditta Metti sont plutôt gracieux au niveau des mains, ils manquent complètement de vigueur au niveau des pieds. Ce qui m'a semblé le plus choquant dans ce récital, c'est l'absence totale de tenue dans les pas marchés. Ses pas manquent totalement d'articulation : elle lève à peine les talons pour marcher. Elle ne marche pas du tout comme une danseuse...
  • Son visage est toujours souriant, le regard quelque peu crispé. Aucune émotion ne vient troubler son visage (ni le spectateur que je suis). Le seul bref moment d'Abhinaya dans ce récital n'a duré que quelques secondes lorsqu'elle a évoqué la Déesse comme une mère. Je n'ai rien contre les programmes thématiques, mais pour rendre un récital de bharatanatyam intéressant, il faut condescendre à laisser s'exprimer davantage des sentiments humains par les personnages que l'on montre. Il ne fait nul doute à mes yeux que le thème de la Déesse le permettait. Il est dommage qu'il n'y en ait pas eu davantage, et que le peu qu'il y a eu ait manqué de subtilité.

Je trouve très étonnant d'avoir eu à constater dans ce programme des défauts qui seraient immédiatement signalés à des danseurs débutants par tout professeur de bharatanatyam qui se respecte.

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Première semaine à Delhi

2015-07-21 14:00+0530 (दिल्ली) — Culture — Musique — Danse — Danses indiennes — Culture indienne — Dhrupad — Voyage en Inde XIV — Photographies

Je suis arrivé à Delhi il y a un peu plus d'une semaine. Pendant le vol Air India 142, j'ai regardé le film Chennai Express, qui n'est pas trop mauvais. L'aventure commence au moment de monter dans un taxi prépayé pour rejoindre l'appartement où je vais résider dans le quartier de Jangpura. Le chauffeur de taxi ne sait manifestement pas du tout où cela se trouve. Il n'a pas de GPS, mais il passe un certain nombre de coups de fils pour se diriger. Je suis le trajet sur mon téléphone grâce à la carte OpenStreetMap de l'Inde que j'ai téléchargée. Une fois arrivé dans le quartier de Jangpura (qui n'est pas couvert de façon détaillée par OpenStreetMap), j'ai dû utiliser une carte Google Maps que j'avais préalablement téléchargée pour jouer au co-pilote :

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Même quand on est arrivé, il n'est pas forcément évident pour tout le monde de savoir qu'on y est :

Photo 002

Quelqu'édile du quartier, Madame Darshana Jatav a en effet fait installer des panneaux indicateurs qui ne sont rédigés qu'en hindi. Dans d'autres rues, la fonction utilitaire a été délaissée au profit de la seule fonction promotionnelle de ces panneaux :

Photo 005

En bas de la partie bleue du panneau, à côté de रोड का नाम (c'est-à-dire : Nom de la rue), il n'y a rien écrit du tout...

Voici la vue depuis le balcon de l'appartement où je loue une chambre et dont je peux aussi profiter du grand salon :

Photo 003

Les deux premières journées ont été très pluvieuses. La rue était inondée. L'année dernière, j'avais dû acheter en urgence des chaussures au retour de Champaner où les précédentes avaient été englouties par la boue. Les lanières de ces sandales que j'avais alors achetées n'ont pas tenu à cause d'une sorte d'effet ventouse qui s'est produit alors que je marchais dans les 10 centimètres d'eau qui recouvraient la rue.

Le lendemain de mon arrivée, je suis retourné à C.R. Park, non loin du temple du Lotus, pour prendre un premier cours avec Arupa Lahiry, une disciple de Chitra Visweswaran que j'avais eu l'occasion de voir à Paris et avec qui j'avais déjà pris des cours il y a un an. Elle me donne cours dans une petite salle à l'étage de l'association des femmes de l'Est (il s'agit d'un quartier bengali : la zone entière de C. R. Park a été donnée après la Partition de l'Inde à des réfugiés venant du Bengale oriental).

Chaque cours dure environ deux heures. Le cours commence par la pratique des adavus, les mouvements de base de la danse bharatanatyam. Ils sont classés par familles. J'avais déjà appris quatre séries complètes l'année dernière (Tatta, Natta, Marditha, Khudita Metti). Je peux maintenant les exécuter à peu près correctement à une plus grande vitesse. Comme je peux prendre un cours quotidiennement avec elle, j'ai déjà pu voir quelques autres séries entières : Ta tai ta ha (aussi appelés Tatta Kudicchi Metta), Tat tai tam (Shikhara), Tirmanam, Sharakau (à ne pas confondre avec les Sharakal que j'ai vus aussi), Panch Nadai (Tatti Metti), etc. Il y a des différences plus ou moins subtiles avec le style de Sucheta Chapekar que j'apprends. La plus confusogène réside dans l'orientation des mains dans les Tatta Kudicchi Metta : il n'est déjà pas évident de savoir comment les tourner quand on n'en pratique qu'une seule version, mais c'est encore plus perturbant quand il faut en apprendre une deuxième. Parmi les éléments subtilement originaux dans le style de Chitra Visweswaran, j'apprécie les petits mouvements courbes du haut du corps parfois couplés à des accents très marqués sur certaines frappes de pieds.

Je continue à noter ces exercices dans le système de notation du mouvement Benesh que je continue à apprendre (à distance) au Benesh Institute (je me suis inscrit dans le premier module du Certificate in Benesh Movement Notation).

Photo 004

Je souhaitais apprendre une pièce de danse pure, mais Arupa m'a proposé d'apprendre Vishnu Kavuthwam, une pièce qui ne contient que très peu de danse pure. La pose initiale est celle de Vishnu couché sur l'Océan cosmique et s'ensuit une évocation des dix avatars de Vishnu (ou plutôt neuf : Matsya, Kurma, Varaha, Narasimha, Vamana, Parashurama, Rama, Balarama, Krishna). Quelques exploits sont évoqués de façon un tout petit peu plus détaillée dans cette pièce de 4-5 minutes.

La fin du cours est agrémentée de la présence de Ganesh, un percussionniste (mridangam) qui accompagne très régulièrement Arupa. Après la pause-thé suivant mon cours, ils répètent des pièces ou en élaborent d'autres selon l'envie du moment. Je suis parfois resté plusieurs heures pour assister à ce travail et cela m'a procuré beaucoup de plaisir.

Un jour sur deux environ, je me rends à Mayur Vihar pour prendre un cours de dhrupad avec Pandit Nirmalya Dey. Je continue à travailler le raga qu'il m'avait enseigné l'année dernière (Todi), mais il s'agit maintenant de rentrer plus profondément dans l'Alap, la première partie d'un râga dans laquelle on présente progressivement les notes de la gamme. Il ne me demande pas seulement d'essayer de répéter les phrases qu'il fait (et dans lesquels je perçois davantage de détails qu'il y a un an), mais aussi d'essayer de faire mes propres phrases...

Dans l'appartement, il arrive qu'il y ait des coupures d'eau à certaines heures, ce qui peut être problématique si cela tombe quand la femme de ménage passe...

La plus grande rue du quartier (Central Road) est celle où la circulation est la moins fluide. Un grand marché y a lieu le mardi. On y trouve les choses les plus inattendues. Parmi les autres visions étonnantes, en rentrant en rickshaw de la station de métro alors qu'il faisait nuit, je me suis rendu compte que l'homme portait un polo sur lequel était inscrit Dracula...

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Date de génération : 2023-07-27 14:18+0530 ― Mentions légales.