Weblog de Joël Riou

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Chennai, Jour 6/12 : Subas Pani, T. V. Sankaranarayanan, Vidhya Dinakanam, Deepika Potarazu, Anita Ratnam

2013-12-30 12:55+0530 (சென்னை) — Culture — Musique — Danse — Danses indiennes — Culture indienne — Voyage en Inde XII

Je commence à avoir mes petites habitudes à Chennai. Des Appams avec lait de coco au petit déjeuner, une Lec-Dem le matin, le programme de danse de 14h au Narada Gana Sabha à l'issue duquel je file pour assister à ceux du Sri Krishna Gana Sabha. J'arrive à ne même plus stresser quand j'ai à peine plus de vingt minutes devant moi pour aller d'une salle à une autre. Pourtant, monter dans un rickshaw ouvre la porte à l'imprévu. Cela peut être sordide : par exemple, je ne sais pas ce qui est le pire entre la vue de ce mendiant ayant une plaie ouverte au pied et la réaction du rickshaw-wallah réagissant par un cinglant Tricks!. Pour contourner les nombreux sens interdits, le chauffeur peut prendre les détours les plus invraisemblables qui soient. Je suis tombé plusieurs fois sur des chauffeurs qui ne connaissaient pas le Sri Krishna Gana Sabha. Ce fut ennuyeux la toute première fois que j'y suis allé... mais comme j'ai appris à connaître le chemin, je peux maintenant l'indiquer au chauffeur.

The Music Academy, Kasturi Srinivasan Hall, Chennai — 2013-12-28 à 08:05

Dr. Subas Pani

Lecture Demonstration: Music and mantras in Gita Govinda

Come les fois précédentes, le chairman de cette lecture-demonstration est Dr. Pappu Venugopalarao, mais cette fois-ci Sudha Ragunathan n'est pas présente. Le visage d'Archana qui chante la prière est resté caché derrière l'ecran de l'ordinateur portable du conférencier posé sur le pupitre. Il aura fallu qu'un spectateur signale le problème pour que l'on puisse enfin voir le visage de Subas Pani. Sa conférence sur le Gita-Govinda et la manière de le chanter est peu intéressante. Ses opinions se font d'ailleurs démolir quand la parole est donnée au public pour des questions et réponses. À ce jeu, le chairman n'est pas en reste... Une personne présente dans la salle a tenté de les réconcilier en disant que le chairman avait un point de vue de scholar tandis que l'orateur adoptait celui du devotee...

The Music Academy, T.T.K. Auditorium, Chennai — 2013-12-28 à 09:15

T.V. Sankaranarayanan, chant

Mysore M. Nagaraj, violon

Mannargudi A. Easwaran, mridangam

B. Shree Sundarkumar, kanjira

Après la conférence, je me dirige immédiatement vers la grande salle de la Music Academy pour le concert de T. V. Sankaranarayanan. Je ne suis pas certain d'avoir d'autre occasion d'assister à un concert à la Music Academy. J'ai choisi celui-ci parce que j'avais un trou dans mon emploi du temps et je pense avoir fait une bonne pioche !

Dans les compositions (utilisant des cycles rythmiques à 6, 7 ou 8 temps), le chant alterne entre T. V. Sankaranayanan et un autre chanteur, plus jeune, qui l'accompagne. Les improvisations en Sargam sont particulièrement enthousiasmantes. Les Alap le sont aussi. Comme Balamuralikrishna, ce chanteur n'utilise pas les syllabes habituellement utilisées par les chanteurs carnatiques, mais des mots ayant un sens. Sans utiliser un vers tout entier, T. V. Sankaranayanana utilise des mots qui trahissent certainement le courant religieux auquel il appartient : Hari, Narayana, Govinda, Rama. Il est impressionnant de voir la salle pleine malgré l'heure matinale se lever d'un seul mouvement pour consacrer au chanteur expérimenté une standing ovation !

En passant dans un quartier musulman, j'ai réussi à mettre la main sur un exemplaire du Musalman, le tout dernier journal au monde à être mis en forme à la main par des calligraphes ! J'ai bien eu peur que ce jounral en ourdou ait fermé puisqu'au 324 de la Triplicane High Road, il n'y avait rien qui ressemblât à un journal. J'ai suivi le sens des numéros décroissants qui correspond à l'ordre croissant de l'ancienne numérotation de la rue. Et là, autour du 324, je vois un marchant de journaux qui me dit que je suis habillé comme un nawab (ayant mis une sorte de sherwani). Il m'offre l'exemplaire du jour. Je passe devant le siège du journal que je prends en photo, mais ne sachant pas très bien ce que j'aurais pu dire si j'étais entré, j'en suis resté là.

Sri Krishna Gana Sabha, Kamakoti Gana Mandir Hall, Chennai — 2013-12-28 à 16:00

Vidhya Dinakanam, danse bharatanatyam

Excellent récital d'une jeune danseuse de bharatanatyam ! Les chorégraphies sont également magnifiques. La première pièce est un kirtana Ganesh Vandanam. Il s'agit d'une offrande de fleurs à Ganesh dont la danseuse met en valeur la trompe, les oreilles et le fait qu'il soit un scribe (selon certaines légendes, il aurait écrit le Mahabharata sous la dictée du sage Vyasa). Cette danse est très rythmée !

La pièce suivante est consacrée à la déesse Shakti, qui symbolise les quatre Vedas, qui est adorée par Brahma, Vishnu et Shiva. La pièce est extrêmement vive ! L'impression procurée par le trident et la peau de tigre n'en est que plus saisissante, et plus que tout, les yeux de la danseuse donnent à son regard une intensité sidérante.

La pièce principale du récital est un Varnam (chorégraphié le nattuvanar Sri Narendra Kumar) en l'honneur de Shiva (Om Namah Shivaya). Son chignon est très stylisé par ses deux mains que la danseuse maintient en hauteur de façon très prolongée ! Elle suggère aussi le serpent, Ganga, ses cheveux puissants, le tambour Damaru. La pièce met ensuite en scène la dévotion à Shiva par des offrande de fleurs, le fait de verser du lait sur le lingam et l'offrande de feu.

Le plus grand moment du Varnam est celui mettant en scène le jeune Markandeya, dévôt de Shiva. Il est attaqué par le dieu de la mort Yama qui est venu sur sa monture (un buffle assez rustique). Alors qu'il est sur le point d'être étranglé, Shiva intervient pour récompenser la dévotion de Markandeya. La divinité résidant à Chidambaram est ensuite montrée (Nataraja), ainsi que la rivière Ganga, et plus étrangement Vishnu sur le serpent Shesha (c'est tellement beau à voir que j'apprécie son apparition même si je ne comprends pas ce qu'il fait là !). Plus loin, Shiva est représenté assis, portant Damaru.

La séquence suivante évoque la nature : poissons, oiseaux, antilopes allant s'abreuver à la rivière. Le Varnam se conclut par une récapitulation de tout ce qui a été montré jusque là.

Intervient ensuit un Padam évoquant une héroïne séparée de Muruga. Si le travail de la danseuse sur les yeux était jusque là exceptionnel, on est passé dans une autre dimension quand je me suis rendu compte que d'authentiques larmes coulaient depuis l'œil droit de la danseuse...

Le récital continue avec une magnifique évocation d'Ardhanarishwara. Il me semble que la composition de Muthuswami Dikshitar est à six temps. Pendant certaines séquences de la pièce, la danseuse utilisait les trois premiers temps du cycle pour évoquer la composante masculine (Shiva) de la divinité androgyne et les trois derniers temps pour évoquer la composante féminine (Parvati).

Le récital s'est terminé par un éloge de Nandi (commençant par de la danse pure avant que n'intervienne le shloka).

Sri Krishna Gana Sabha, Kamakoti Gana Mandir Hall, Chennai — 2013-12-28 à 17:30

Deepika Potarazu, danse kuchipudi

La danseuse de kuchipudi Deepika Potarazu est disciple de Vempati Chinna Satyam et de Vempati Ravishankar (nattuvanar). Il ne m'a pas beaucoup ému, mais j'ai trouvé ce récital délicieux. La position du dos de cette danseuse de kuchipudi me semble plus courbée que dans le bharatanatyam où il est censé rester droit. La première pièce est un éloge de Ganesh. La pièce principale est un Tarangam incluant le traditionnel numéro de danse sur plateau de laiton, très bien exécuté. Cette pièce évoque l'espiègle Krishna qui vole du beurre et fait d'autres bêtises qui suscitent des réprimandes mais aussi de l'admiration de la part de Yashoda et des autres femmes de Vrindavan. La représentation de Krishna en flûtiste inclue des mouvements de doigts sur la flûte (la plupart des danseuses le représentent avec des doigts immobiles). Sa position décontractée est soulignée par de délicats mouvements de hanches.

Le magnifique Padam qui suit est sur un thème voisin : l'héroïne demande à son amie de lui ramener Krishna (sous le nom de Venugopalan).

Le Tillana final m'a semblé un peu long et répétitif, malheureusement.

(Je remarque que toutes les entrées de la danseuse se sont faites par le côté jardin, près de l'orchestre.)

(Dans le maquillage de cette danseuse de kuchipudi et d'autres danseuses de bharatanatyam vues ces derniers jours, je remarque la présence d'un point suggérant un grain de beauté sous la commissure gauche des lèvres.)

Sri Krishna Gana Sabha, Dr. Nalli Gana Vihar, Chennai — 2013-12-28 à 19:30

Anita Ratnam, danse neo-bharatam

Lamentable spectacle ! Comment une danseuse aussi talentueuse qu'Anita Ratnam peut elle se fourvoyer ainsi dans un programme intitulé Neelam et annoncé comme étant du Neo-bharatam. Je dirais plutôt Nullo-bharatam. La pièce (qui utilise de la musique enregistrée provenant de sources diverses) est centrée sur Vishnu et m'a semblé bien déprimante, alors que son avatar Krishna inspire plutôt une dévotion joyeuse, en principe. Je n'ai pas tellement envie de détailler mes impressions, mais le plus grand défaut de cette pièce est qu'il y avait très peu de danse, exécutée de façon très très lente. Je n'ai rien contre la lenteur ou même l'illusion de l'immobilité quand le regard exprime quelque chose, ce qui n'était pas le cas ici... En vitesse normale, il devait y avoir pour dix minutes de danse maximum. L'autre gros défaut résidait dans les atroces interludes de flûte (jouée en direct) entre les quatre parties de la pièce. Toutefois, je retiens une plutôt bonne impression de la dernière partie qui revenait sur des épisodes du Ramayana (arc de Shiva, exil en forêt de Rama et Sita, celle-ci devant enlever ses bijoux, la biche dorée, l'enlèvement, l'intervention de Jatayus, la construction du pont, la flèche lancée par Rama pour tuer Ravana). Cependant, on était davantage dans l'évocation plutôt que dans la narration. Bref, ce spectacle a été une énorme déception pour moi.

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Chennai, Jour 5/12 : Mohan Santhanam, Dr M. Balamuralikrishna, Oystein Badsvik, Rama Vaidyanathan

2013-12-29 13:41+0530 (சென்னை) — Culture — Musique — Danse — Danses indiennes — Culture indienne — Voyage en Inde XII

Cette journée fut exceptionnelle ! Dès que j'ai eu l'idée de faire ce voyage il y a un an et demi, et plus tard quand j'ai réservé mes billets d'avion, j'ignorais qui chanterait ou danserait pendant les 12 jours que j'allais passer à Chennai. Pour ce qui est du chant, j'espérais avoir une chance d'entendre Dr M. Balamuralikrishna et en matière de danse, je rêvais de voir Rama Vaidyanathan. Tout est accompli.

Bharat Kalachar, Y.G.P. Auditorium, Chennai — 2013-12-27 à 10:30

Mohan Santhanam, chant

Mysore V. Srikanth, violon

Srimushnam Raja Rao, mridangam

S.V. Ramani, ghatam

Le matin, je suis allé écouter Mohan Santhanam parce qu'il fut le premier chanteur à me faire véritablement apprécier la musique carnatique (c'était en 2011). Ce concert ne m'a pas émerveillé, mais je l'ai trouvé réjouissant. Mohan Santhanam a chanté sept compositions précédées ou non d'un Alap. Elles utilisaient des cycles rythmiques variés que je reconnaîs et clappe de mieux en mieux : Adi Tala (8 temps, qui en paraît parfois 16 quand le tempo est lent), 5 temps (répartis comme dans le Sultal de la musique du Nord) et 7 temps (découpé en 2+5 contrairement à Tivratal). Un des ragas les plus développés (en Adi Tala) comportait une composition en l'honneur de Rama.

Je suis parti peu avant la fin du concert, après le duo rythmique entre le mridangam et le kanjira. Ceci, avant de me préparer pour le concert suivant pour lequel j'ai passé ma plus belle kurta.

Sri Krishna Gana Sabha, Dr. Nalli Gana Vihar, Chennai — 2013-12-27 à 16:30

Dr. M. Balamuralikrishna, chant

Il n'a chanté que pendant 10 minutes, de 16h39 à 16h49, mais elles furent magiques. Quand j'avais réservé des places pour des spectacles en soirée, on m'avait dit de venir vers 14h pour le concert gratuit de Dr M. Balamuralikrishna, programmé de 16h30 à 17h30. J'étais un des tout premiers à arriver et j'ai ainsi pu m'installer au onzième rang, les dix premiers étant réservés aux invités. À 16h, la salle était pleine à craquer, des dizaines de personnes étant debout sur les côtés et d'autres regardant la retransmission proposée sur un écran en dehors de la salle.

Jusque là, on s'activait beaucoup sur la scène pour préparer cette journée spéciale Classical to Global. En particulier, un ensemble de danseuses faisaient un petit raccord de leur performance un peu plus tard dans l'après-midi.

Vers 16h, quelques discours se sont tenus et la session a été inaugurée par Sa Sainteté Sri Kanchi Kamakoti Peetathipathi Jagadguru Jayendra Saraswathi Swamigal qui a prononcé un discours en tamoul depuis la chaise surélevée qu'occupait cette homme âgé et fatigué.

L'Alap du chanteur de 83 ans a commencé. Je ne saurais le décrire au-delà de la simple observation qu'il a utilisé les syllabes d'un vers dans son improvisation. Je n'ai été nullement frustré que son concert n'ait duré que dix minutes. Les spectateurs avaient été avertis du fait qu'il ne chanterait qu'un Alap. C'est un sentiment de contentement que j'ai ressenti en voyant le vieil homme s'en aller en marchant avec difficulté. Si la voix est intacte, le corps est usé et je mesure le privilège que j'ai d'avoir entendu ce chanteur.

Sri Krishna Gana Sabha, Dr. Nalli Gana Vihar, Chennai — 2013-12-27 à 17:00

Oystein Baadsvik, tuba

Numéro de cirque sans intérêt d'un tubiste norvégien repoussant les limites techniques du tuba. Si on voulait se moquer de la musique occidentale entre deux présentations des arts classiques indiens, on ne s'y prendrait pas autrement.

Bharat Kalachar, Y.G.P. Auditorium, Chennai — 2013-12-27 à 19:00

Rama Vaidyanathan, danse bharatanatyam

J'ai vu beaucoup de danseuses de bharatanatyam, mais rien ne peut préparer le spectateur à la merveille de perfection dans tous les aspects de la danse qu'atteint la danseuse Rama Vaidyanathan ! Elle est extraordinaire !

Le récital a commencé par un Ragam du violon suivi d'une prière en l'honneur de Ganesh.

La première pièce est originale pour plusieurs raisons. La musique est celle d'un Alarippu. C'est la précision du rythme qui est mis en valeur, et au lieu de mettre en mouvement progressivement son corps comme on le fait habituellement dans les pièces ainsi nommées, la danseuse utilise cette musique pour évoquer la très précise géométrie de l'architecture des temples hindous. Ses mouvements sont très géométriques, très carrés. Sur les vidéos que j'avais vus d'elle, la qualité première de la danseuse me semblait être son expression et sa gestuelle souple et élégante. Ici, elle fait preuve de qualités opposées ! Dans la suite de la pièce, la danseuse évoque la déesse qui se trouve dans le sanctuaire, la représentant en Mahishasuramardini avec le trident, en cavalière, sous la forme de Kali ou de Sarasvati. Les mouvements se font progressivement de plus en plus gracieux alors que la musique s'est fait mélodieuse avec le shloka. Le sentiment de Paix domine la fin de la pièce alors qu'une dévôte offre des fleurs à la divinité dans une position d'adoration qui me semble proche de l'arabesque (tout comme dans le récital de Narthaki Nataraj). L'équilibre de la danseuse dans cette position est magnifique et la lenteur avec laquelle elle a interprété ce mouvement était très émouvant. Vers la fin de la pièce, la danseuse exécute une sorte de récapitulation des mouvements évocateurs présentés jusque là.

Dans son Varnam, Rama Vaidyanathan incarne une jeune femme éprise de Srinivasa (Vishnu). Le premier jati (passage rythmique) utilise une agréable combinaison de postures féminines et de mouvements habituels et j'ai particulièrement apprécié la façon de la danseuse de se transformer pour passer d'une posture à une autre. Ensuite, à une certaine heure de la journée (je reconnais les mouvements qui précise l'heure qu'il est, mais je ne sais pas encore lire l'heure...), la jeune femme se prépare. Elle se pare de colliers, bagues, bracelets, fleurs. Ensuite, alors que les abeilles butinent et qu'elle pense aux yeux de lotus de Srinivasa magnifiquement montrés par la danseuse, le feu brûle dans le cœur de l'héroïne. Le jati suivant est extrêmement gracieux. Un personnage féminin (l'amie de l'héroïne sans doute) semble parler au beau jeune homme qu'est Srinivasa. Elle lui dit qu'elle l'aime, mais lui ne veut pas. Il l'embête ensuite en lui lançant de l'eau (semble-t-il), mais elle ne veut pas jouer à ça, et puis elle se ravise, peut-être que si, en fait. Touchée par les flèches florales de Kama magnifiquement stylisées par la danseuse, les mains de la danseuse suggèrent l'union des deux personnages. Plus tard, pensive alors qu'elle observe un couple d'oiseaux délicieusement évoqué par Rama Vaidyanathan, elle pleure du fait de la séparation. Assise dans une position lascive, elle dort, mais elle ne le sait pas. Elle pense que Srinivasa lui prend la main, mais ce n'est qu'un rêve. La dernière séquence comporte de nombreux jatis accompagnés de swaras (notes solfiées) et une récapitulation des épisodes précédents.

La pièce suivante est sur musique composée par Balamuralikrishna ! La gopika est très sarcastique. Elle se barricade chez elle, refusant les fleurs que le flûtiste Krishna voudrait lui donner. Elle lui dit non. Elle sait bien qu'il en offre à toutes les filles. Va chez elles, pas chez moi !

La pièce suivante est ravissante de poésie. Elle développe la comparaison entre les sentiments amoureux et les couples d'oiseaux, un thème classique de la poésie indienne ancienne qui apparaîssait déjà dans le Varnam. L'héroïne dit au coucou de ne pas chanter coucou trop près d'elle parce que cela lui rappelle qu'elle est séparée de son amoureux. Pour représenter le couple de coucous, la danseuse utilise le mudra approprié et montre aussi de façon très poétique leurs délicats mouvements de becs quand elle leur donne à manger. Cela pourrait paraître kitsch exécuté par d'autres danseuses, mais par elle, c'était merveilleux. La pièce se termine par un signe d'espoir. Comme la monture de son amoureux est l'aigle Garuda (que la danseuse a montré de façon majestueuse !), l'héroïne peut voir cet oiseau comme un intermédiaire pour aller vers Lui.

La dernière pièce Shivoham est une superbe évocation de Shiva composé par le nattuvanar Karaikuddi Sivakumar (qui a aussi composé les jatis du Varnam). Elle évoque Ganga, Nataraja, la danse très Tandava de Shiva avec le tambour Damaru. Elle montre aussi le feu, le tigre, l'antilope qu'il porte, etc. Après une récapitulation de ces attributs, la pièce se finit de façon apaisée.

Parmi les qualités de la danseuse que je ne soupçonnais pas et dont elle a fait preuve pendant tout le récital, je retiens la beauté des courbes dans sa façon de passer d'une position à une autre, souvent en équilibre sur un pied.

J'étais sur un petit nuage en sortant de l'auditorium alors que je venais d'entendre la douce voix de Rama Vaidyanathan que j'étais venu féliciter. Elle m'a demandé si j'étais un danseur !?

Vite, il est déjà temps de filer vers une autre salle de spectacle !

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Chennai, Jour 4/12 : Srikumar Karaikudi Subramanian, Srithika Kasturi Rangan, Narthaki Nataraj, Hyderabad Brothers, C. V. Chandrashekhar

2013-12-28 15:20+0530 (சென்னை) — Culture — Musique — Danse — Danses indiennes — Culture indienne — Voyage en Inde XII

The Music Academy, Kasturi Srinivasan Hall, Chennai — 2013-12-26 à 08:05

Srikumar Karaikudi Subramanian

Lecture Demonstration: The structure and logic of gamakas - A computer synthesis approach

Jeudi matin, comme la veille, je suis allé assister à une Lec.-Dem. à la Music Academy. Le but de la conférence était d'expliquer comment synthétiser par ordinateur de la musique carnatique en respectant le système complexe d'ornementations (gamakas) qu'elle comporte. Plusieurs problèmes se présentent. Le premier est de savoir comment représenter conceptuellement ce qui se passe dans une ornementation. L'idée de l'orateur a été d'additionner deux composantes : une appelée Stage décrivant un mouvement mélodique global d'une note à une autre et une autre composante appelée Dance décrivant des oscillations de faible amplitude. L'autre problème est celui de déterminer une façon raisonnable d'ornementer une mélodie en s'appuyant sur un catalogue d'exemples pour un Raga donné. La réponse doit d'ailleurs dépendre de la vitesse à laquelle la musique est jouée.

Le public a été impressionné par les exemples de musique synthétique fournis (imitant le son de la vînâ). T. M. Krishna (entendu la veille) était impressionné pointait également les limites actuelles qu'il faudrait dépasser. Il y a eu une controverse amusante pour savoir si une mélodie particulière devait être notée Pa-ma-Ga-ma ou Pa-ma-Ga-Ga : le chant est tellement ornementé que l'on ne sait plus quelles notes on joue au juste !

Cela aurait peut-être pu arriver avec une autre danseuse, mais le fait est que mon intérêt pour la danse bharatanatyam a pris une autre dimension depuis le récital de Srithika Kasturi Rangan en février 2010. Je l'ai donc contactée il y a quelques jours afin de lui demander de me donner un cours, ce qu'elle a gentîment accepté. J'ai eu un peu de mal à trouver l'endroit parce que j'ai eu le malheur d'y aller en rickshaw. J'avais pourtant bien pensé à lui dire de ne pas prendre le flyover, mais je n'avais pas pensé aux sens interdits qui allaient nous bloquer. Si j'ai pu suivre jusqu'à un certain point où nous étions sur le plan que j'avais téléchargé sur mon portable, subitement à force de tourner dans tous les sens ni moi ni le chauffeur ne savions où aller... Arrivé sur place, les deux heures passées avec elle furent passionnantes.

Narada Gana Sabha, Sadguru Gnanananda Hall, Chennai — 2013-12-26 à 14:00

Narthaki Nataraj, danse bharatanatyam

Comme les jours précédents, j'ai assisté au programme de danse bharatanatyam du Narada Gana Sabha de 14h. Ce récital de Narthaki Nataraj a été superbe !

L'orchestre est composé du nattuvangam, du mridangam, du violon et de la flûte. Le chanteur ouvre le programme avec une prière chantée en l'honneur de Ganesh que j'entends pour la troisième fois de puis mon arrivée.

La première pièce dansée Suladhi est en trois parties. La première ressemble à une offrande de fleurs à Narayana (Vishnu) qui est superbement mis en valeur couché sur le serpent Shesha dans une longue pose qui est exécutée par la danseuse avec une souplesse que je n'ai ancore jamais vue et que pourraient lui envier des danseuses plus jeunes... La deuxième partie évoque Krishna-Keshava montré avec sa flûte, sa plume de paon dans les cheveux et jouant avec les gopis portant des jarres d'eau sur leur tête. La dernière partie narre de façon très fine le mariage de Sita et Rama après que ce dernier a brisé l'arc de Shiva.

Vient ensuite le Varnam. La structure de ces pièces élaborées m'apparaît de plus en plus claire à force d'assister à des récitals. En particulier, le chapitrage m'apparaît maintenant évident, chaque chapitre commençant par des grappes de pieds et des mouvements d'yeux exécutés au fond de la scène. Vient ensuite un jati (danse pure rythmique) qui est annoncé par l'invariable même suite d'onomatopées rythmiques (qui dépend sans doute du Tala cependant). Au cours du développement narratif qui suit, un deuxième jati est inséré, mais il est souvent exécuté sur des notes solfiées (Sargam) plutôt que sur des onomatopées rythmiques.

Ce Varnam évoquant Shiva sous sa forme résidant à Tanjore (Brihadeeswarar) est ainsi divisé en sept parties. La première évoque Shiva avec ses attributs habituels (chignon, peau de tigre, Ganga) et la danseuse prend aussi la pose du Seigneur de la danse. La deuxième montre semble-t-il Parvati tentant de séduire Shiva alors que celui-ci est en ascèse. Elle évoque aussi les Arts : l'écriture, la musique, le rythme, le tambour. La troisième est consacrée à la forme guerrière de la Déesse qui lui vaut le nom de Mahishasuramardini. Peut-être était-il question aussi du jeune Markandeya, mais ce fut trop furtif pour que j'en sois certain. La quatrième comporte un jati en 12/8, chacun des temps d'une suite de 4 étant subdivisé en trois. La partie narrative évoque la nature, des couples d'oiseaux, des poissons, ce qui donne lui à un magnifique équilibre prolongé de la danseuse dans une position qui n'est pas trop éloignée d'une arabesque, le haut du corps et une jambe tendue étant alignées pour former une ligne horizontale. La cinquième est centrée sur le plaisir esthétique procuré par la danse (Nataraja) et la musique (Sarasvati). La sixième évoque une femme désespérée par la séparation. La septième montre le butinement des abeilles, une dévôte du Shiva (la position des mains correspondant au lingam apparaît souvent) et curieusement il me semble aussi que Krishna fait quelques apparitions en joueur de flûte...

J'ai beaucoup apprécié ce Varnam, mais j'aurais aimé le comprendre davantage et surtout en mieux saisir la cohérence globale... Précédées l'une d'un solo de flûte et l'autre d'un solo de violon, deux pièces de pur Abhinaya ont ensuite été présentés par la danseuse. La première montre une héroïne en train de décrire les qualités de son amoureux et en particulier ses yeux en forme de lotus. On la voit aussi se parer pour lui. J'ai particulièrement aimé la façon de représenter la jeune femme se mirant dans un miroir. Dans l'autre Padam, une jeune femme est abandonnée par sa famille, celui qu'elle aime, Muruga, est devenu tout pour elle. La chorégraphie met particulièrement en valeur la monture de Muruga : le paon. Après l'avoir refusée, Muruga finit par l'accepter.

Le récital s'est terminé par un Tillana évoquant Krishna dansant avec les gopis à Vrindavan, ainsi que Vishnu-Padmanabha couché sur le serpent Shesha.

Narada Gana Sabha, Sadguru Gnanananda Hall, Chennai — 2013-12-26 à 16:00

Hyderabad Brothers, chant

H.N. Bhaskar, violon

Tanjore Murugabhoopathy, mridangam

S.V. Ramani, ghatam

Je suis parti après avoir écouté les Hyderabad Brothers pendant une demi-heure. Ils sont très avares en Alap, et le chant n'étant pas très enthousiasmant (à part à la rigueur dans les sections de Sargam), j'ai fui. Avant de fuir, je m'étais éloigné d'une spectatrice qui clappant le tala faisait aussi tinter ses bracelets...

Brahma Gana Sabha, Sivagami Petachi Auditorium, Chennai — 2013-12-26 à 19:00

C.V. Chandrashekhar, danse bharatanatyam

Dans la soirée, je me dirige vers le Brahma Gana Sabha pour le récital de C. V. Chandrashekhar. Depuis ma place au balcon, je remarque la présence de Chitra Visweswaram dans le public. Peu avant, à la cantine (fameuse) de cette salle, je me retrouve par hasard nez à nez avec Jaishri que j'ai vue jouer admirablement bien du nattuvangam deux fois ces derniers jours et je m'empresse de la féliciter.

Après une prière, la première pièce dansée est une offrande de fleurs à Sri Ganapati (kriti de Thyagaraja) dont le danseur évoque du bras gauche la trompe et du droit les oreilles. Il met aussi très bien en valeur sa démarche de pachyderme. Il évoque ensuite les arts avec la vînâ et le tambour. (Je ne suis pas fan du violoniste portant des lunettes de soleil dont le violon sonne comme un hautbois indien !)

La pièce principale du récital est un Varnam chorégraphié par Rukmini Devi, fondatrice de l'institution Kalakshetra. Comme ce style est austère ! L'ensemble me semble très aride, et donc difficilement intelligible. Le Varnam est centré sur Shiva. Au début, on voit une femme portant un plateau préparer des rituels en l'honneur de Shiva (dont le chignon est suggéré). Plus loin, on verra semble-t-il Rati l'épouse de Kama supplier Shiva de ressusciter son époux que Shiva avait réduit en cendres. Le texte chanté semble rarement en rapport avec ce qui est montré, puis que le chanteur chante en boucle pendant de longues minutes Thyagaraja Swami alors que la danse de Shiva est évoquée. Après un retour à la prière initiale, il me semble que la prière de Rati est exaucée puisque l'on voit un beau jeune homme portant un arc... (Si cela se trouve, ce Varnam n'avait aucun rapport avec Kama et Rati, mais ce que j'ai vu me semble cohérent avec cette histoire.)

Si la chorégraphie est austère, l'expression du visage du danseur était très convaincante. Je n'ai pas parlé des jatis, mais ils étaient parfaitement exécutés, ce qui est impressionnant compte tenu de l'âge du danseur (78 ans !).

Deux Padam ont suivi. Le premier évoquait (sur un rythme à cinq temps) l'amour filial pour Muruga qui commence à marcher et faire des bêtises (comme voler le croissant de Lune de son père, etc). Le deuxième était sur un kriti de Purandaradasa : Yashoda demandait à Krishna de ne pas aller au-delà du seuil de la maison.

Le Tillana conclusif évoquait la déesse Annapurna de Varanasi. Lors de la salutation finale, le danseur s'est couché à plat ventre sur la scène !

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Chennai, Jour 3/12 : Ganesh & Kumaresh, T. M. Krishna, Vyshnavie Sainath, Begum Parveen Sultana, Shobana

2013-12-26 18:16+0530 (சென்னை) — Culture — Musique — Danse — Danses indiennes — Culture indienne — Voyage en Inde XII

Étant sorti au milieu d'un concert ennuyeux au possible, je trouve le temps de finir ce billet sur les spectacles vus hier :

The Music Academy, Kasturi Srinivasan Hall, Chennai — 2013-12-25 à 08:05

Ganesh & Kumaresh, violon

Lecture Demonstration: Creative possibilities in ragas with special focus on instruments

Après des appams en guise de petit-déjeuner, ma journée a commencé avec une Lec.-Dem. à la Music Academy. Tous les matins y ont lieu des conférences-démonstrations. À mon grand étonnement, la salle était pleine et les enfants ont même été invités à monter sur scène autour du duo de violonistes formé par Ganesh et Kumaresh. Le chairman qui dirige la session est accompagné de la chanteuse Sudha Ragunathan (qui n'a pas pu chanter la veille...). Après une prière chantée par une apprentie chanteuse carnatique, la conférence a commencé. La langue utilisée est un curieux mélange d'anglais et de tamoul. Une des conclusions des conférenciers est que la musique indienne a cette particularité d'être non visuelle : elle n'est que pur son et se transmet par voie orale. Une de leurs opinions a déclenché une vive controverse. Ils affirment que la musique pure a sa place en musique carnatique et qu'on peut composer de la musique sans que ce soit la mise en musique d'un poème. Ils s'opposent à l'idée que l'auditeur qui entend la musique instrumentale éprouverait les sentiments exprimés dans le texte (même s'il n'est pas chanté !). Ils donnent des exemples de mélodies sur lesquelles des poèmes différents sont chantés et expliquent qu'ils ont eux-mêmes écrit des compositions volontairement semblables à des compositions chantées préexistantes, mais néanmoins différentes. Pour eux si une émotion est transmise par la musique instrumentale, c'est seulement la vertu du Raga (mode musical), pas celle du texte. Ayant l'honneur de conclure ces sessions, Sudha Ragunathan s'opposera à eux, expliquant qu'il y aurait bien un jour un poète pour mettre en texte sur leur musique. Ils réclament de leur côté une plus grande considération de la part des chanteurs qui concentrent sur eux 99.99% de l'attention en matière de musique carnatique. Le sage chairman leur a gentîment suggéré d'agree to disagree...

Une partie de leur conférence était dédiée à la façon d'innover en musique carnatique en utilisant les possibilités spécifiques de chaque instrument. Ils en ont fait la démonstration avec leurs violons et dans leur explications ils suggéraient de façon amusante Pourquoi ne pas jouer (à deux) simultanément des notes différentes sur un rythme identique ?. Ils ne vont pas jusqu'à suggérer de la polyphonie ou de l'harmonie à l'occidentale, mais tout en restant dans le raga, une note et un de ses harmoniques seront ressentis comme une seule note par les auditeurs.

Je sais beaucoup de gré aux conférenciers d'avoir expliqué très clairement un point qui me confirme dans ma préférence pour la musique hindustani (et dhrupad en particulier) plutôt que pour la musique carnatique. Les instruments utilisés dans le Nord (sarod, sitar, sarangi, etc.) permettent de maintenir les cordes en vibration de façon prolongée, alors que les instruments du Sud (vînâ, flûte, etc) émettent des sons très brefs (comme le clavecin par rapport au piano). Ils pensent que cela a influencé la musique vocale du Nord et du Sud. (Ainsi, dans un Alap de musique carnatique, les notes défilent à toute vitesse alors que dans le chant dhrupad, on prend davantage son temps...)

Narada Gana Sabha, Sadguru Gnanananda Hall, Chennai — 2013-12-25 à 10:15

T.M. Krishna, chant

H.N. Bhaskar, violon

Karaikudi Mani, mridangam

Bangalore N. Amrit, kanjira

Alors que j'allais réserver un billet au Narada Gana Sabha, je me suis rendu compte du fait qu'allait y avoir lieu un concert du chanteur T. M. Krishna, un des plus connus. J'avais a priori prévu autre chose, mais j'ai préféré tenter ma chance dans la file d'attente des derniers minutards pour ce concert gratuit (comme le sont tous ceux de ce chanteur). Les spectateurs ayant retiré un passe gratuit sont entrés et à l'heure du début du concert, les autres ont pu s'installer aux rares places vacantes. Des spectateurs étaient même assis sur le tapis de scène autour de l'estrade.

J'ai apprécié ce concert de T. M. Krishna qui n'a pas chanté de courtes compositions (l'exact contraire du saxophoniste Kadri Gopalnath...). Les (cinq) ragas ont été assez développés et le Ragam (équivalent de l'Alap) avait toujours un caractère méditatif. Pas de course à la virtuosité gratuite. On a le temps d'entendre les ornementations (gamakas). Le chanteur utilise le silence de façon pertinente et il laisse régulièrement le violoniste tenir une note évanescente, ce qui est du meilleur effet. Le chanteur a la particularité de s'exclamer très souvent comme quelques spectateurs indiens le font parfois pour marquer leur appréciation. Il gratifie ainsi parfois le violoniste ou les percussionnistes de Shabash! mais aussi et surtout de Ah-Ah!, qu'il s'accorde souvent à lui même, ou peut-être simplement à la beauté de la musique...

Concernant la forme prise par ses ragas, il commençait par un Ragam (complété par un Ragam du violon dans le quatrième raga). Les chanteurs carnatiques utilisent habituellement des syllabes spécifiques pour leurs improvisations (comme dans le dhrupad), mais dans certains ragas, T. M. Krishna a systématiquement utilisé le texte d'un poème. Il a en revanche omis la partie Thanam qui s'insère parfois entre le Ragam et la composition (Pallavi).

La troisième composition était semble-t-il dédiée à Shiva qui était nommé Chandrashekaran. Les notes solfiées (Sargam) interprétées dans ce raga ont donné lieu à un des points culminants de ce concert, le chanteur créant puis libérant une certaine tension musicale par un vertigineux crescendo étendu sur plusieurs cycles rythmiques.

Dans le quatrième raga, le cycle rythmique était un Adi Tala lent qui paraissent donc avoir 16 temps plutôt que 8. C'est dans ce raga que les deux percussionnistes, mridangam et kanjira (tambourin) se sont livrés à un duo rythmique. Ce très beau concert s'est conclu par un raga commençant par un Alap utilisant quelques syllabes du Gayatrimantra suivi d'une composition commençant par Vaishnabhajan.

Narada Gana Sabha, Sadguru Gnanananda Hall, Chennai — 2013-12-25 à 14:00

Vyshnavie Sainath, danse bharatanatyam

En début d'après-midi, je suis allé au Narada Gana Sabha pour assister à un récital de bharatanatyam de Vyshnavie Sainath, fille et disciple de Rajeswari Sainath. Ce programme est très original dans sa structure : il est entièrement consacré à la dévotion envers Vittala (un des noms de Vishnu répandu dans le Maharashtra) et la musique est composée de six Abhhangs, des chants dévotionnels spécifiques à la culture marathi (et que des chanteurs carnatiques comme Aruna Sairam ont introduit dans les concerts de musique carnatique). Outre un chanteur, l'orchestre comporte nattuvangam, mridangam, tabla, flûte et violon (Kalaiarasan !).

Je ne possède pas les repères culturels propres à la culture marathi pour apprécier tous les détails et la poésie de ce programme qui évoque le parcours spirituel d'une dévôte jusqu'au Moksha. La première partie était dansée sur une estrade au fond de la scène et était très lente, ce qui permettait d'apprécier le détail des mouvements. Dans la seconde partie, la dévôte pense au dieu résidant à Pandharippur. Non loin du temple passe une rivière. (Un magnifique karana exigeant une certaine souplesse a accompagné la fin de cette partie.) Dans une autre séquence, pensive au clair de lune, elle brûle de son absence. Plus loin, dans la forêt, alors que des oiseaux passent, elle guette des signes pouvant l'encourager dans son chemin vers Vittala. Arrivée à Vrindavan, elle entend la flûte de Krishna, mais elle ne le voit pas et pour l'atteindre, il lui faut traverser la rivière Yamuna. Après avoir traversé la rivière, Vittala apparaît enfin (la danseuse étant sortie un instant de la scène pour se parer d'un signe distinctif sans ambiguïté au niveau du front).

Si je ne suis pas resté concentré pendant tout le récital à cause de la fatigue, j'ai trouvé magnifique la toute dernière séquence (même si elle a été carrément hors style). Cette sixième partie évoque l'adoration (bhakti) vishnouïste de façon très impressionnante ! Cela commence par une offrande de fleurs (authentiques) sur toute la surface de la scène dans des mouvements joyeux faisant penser à ceux que l'on trouve dans les Tillana. De façon tout-à-fait exceptionnelle, des mouvements de hanches étaient incorporés à cette danse. Dans la partie centrale de cette partie, il y avait même une séquence qui étant ni plus ni moins de la danse kathak ! Les mouvements de hanches et la dévotion reprenaient ensuite de plus belle et progressivement la danse s'abandonnait complètement dans le rythme de plus en plus entraînant de la musique ! Épatant !

Chennaiyil Thiruvaiyaru, Kamaraj Memorial Hall, Chennai — 2013-12-25 à 16:45

Begum Parveen Sultana, chant hindustani

Begum Parveen Sultana, chanteuse originaire de l'Assam, chantait au Kamaraj Memorial Hall, accompagnée d'un tabla et d'un harmonium. Plutôt que de laisser cette tâche à la jeune femme assise près d'elle, elle a joué elle-même du tampura. Le premier raga interprété a été Madhuvanti. Elle a commencé par un Alap, puis une sorte de continuation d'Alap accompagnée par le tabla (mais cela ne correspondait pas vraiment à l'idée que je me fais des sections Jor ou Jhala). J'ai été très content de reconnaître les notes du raga, en particulier le Ga Komal (très oscillant) et le Tivra Ma. Vinrent ensuite Raga Puriya Dhanashree, un Mira Bhajan, Raga Rajeshwari et un Bhajan sur le Raga Mishra Bhairavi. Je n'ai pas détesté ce concert, mais il ne m'a pas non plus passionné. Par exemple, dans le Raga Rajeshwari, j'ai aimé le bel Alap, tout comme la composition, mais celle-ci étant vraiment très courte, la litanie de l'harmonium qui la répétait sans cesse m'a passablement ennuyé et dans son improvisation sous la forme de Sargam, la chanteuse faisait à mon avis preuve d'une virtuosité excessive. Si on n'entend plus le nom des notes et si mon oreille ne me donne même pas une vague idée d'où elles sont situées, c'est que cela va peut-être un peu trop vite pour moi... (Il faut aussi souligner que la sonorisation mal réglée ne mettait pas vraiment en valeur le timbre de la voix de la chanteuse.)

Chennaiyil Thiruvaiyaru, Kamaraj Memorial Hall, Chennai — 2013-12-25 à 19:30

Shobana, danse bharatanatyam

Spectacle consternant ! Tout d'abord, les spectateurs qui faisaient pourtant la queue bien avant l'ouverture des portes n'ont pas tous pu entrer avant le début du spectacle, non seulement dans la prière chantée mais aussi dans le premier numéro dansé. Si de mon côté j'ai pu rejoindre ma place rapidement, le passage incessant d'autres spectateurs dans mon champ de vision était très gênant. La première partie de ce spectacle ressemblait à un numéro de cirque, l'entrée en scène de l'actrice-danseuse Shobana déclenchant des applaudissements hystériques (bon, ok, à Paris, on fait pareil lors de l'entrée en scène des étoiles dans les grands ballets classiques). Elle interprète un numéro de danse pure. Une autre danseuse plus jeune et plus convaincante à mes yeux représente la danse de Krishna sur le serpent Kaliya et le jeu de sa flûte qui ensorcelle les gopis. Le Varnam interprété par Shobana ensuite est consternant. Je ne sais dans quelle friperie elle a dégoté son sari négligé ! Pour ce qui est de la danse, les mouvements expressifs étaient exagérés et la danseuse apparaissait trop souvent en lieu et place du personnage qu'elle devait interpréter, et ce pas uniquement quand elle s'arrêtait complètement de danser pour faire signe à des spectateurs de ne pas la filmer... Les jatis (mouvements rythmiques rapides) étaient beaucoup trop compliqués (et pas du tout musicaux, à se demander si le son et l'image étaient synchronisés). La sonorisation était affreuse. Le son des percussions couvrait complètement la voix de la chanteuse, ce qui m'empêchait de saisir quelques mots au passage pour essayer de comprendre l'histoire que ce fichu Varnam était censé raconter... Le pire était lors des fins systématiquement en crescendo des jatis. Ce mridangam me cassait littéralement les oreilles. Affreux...

Vînt ensuite Ashtapadi, une danse de groupe de six danseuses. Cinq d'entre d'elles figuraient les gopis qui entouraient la dernière, kitchissimement déguisée en Krishna avec une authentique plume de paon dans les cheveux... La première partie de cette pièce représentait la Rasa-danse, dans laquelle Krishna danse avec les gopis, chacune ayant l'impression de danser seule avec lui, toutes étant rendues amoureuses par l'intervention de l'archer Kama. La deuxième partie évoquait joliment la rivière Yamuna.

Après un intermède musical, Shobana est revenue interpréter un nouveau Varnam, nettement plus convaincant que le premier. Le costume bleu était plus chic que le premier (qui était plus ou moins beige), mais il n'était pas mis tout à fait correctement... Dans cette pièce, la danseuse a raconté plusieurs épisodes du Ramayana, mais comme je le disais ce matin à Srithika Kasturi Rangan, Shobana danse beaucoup moins bien qu'elle ! Parmi les épisodes, il y avait celui où Rama casse l'arc de Shiva pour épouser Sita (après que d'autres ont lamentalement échoué). Dans un autre, Lakshmana se moque de la démone Shurpanakha. On voit ensuite Sita réclamer qu'on lui rapporte l'antilope dorée qu'elle a aperçu ; il s'agissait d'une ruse de Ravana pour qu'il puisse enlever Sita alors que Rama et Lakshmana se sont éloignés d'elle. Captive, Sita donne son anneau à Hanuman pour que celui-ci puisse prouver à Rama qu'il a bien vu Sita. Enfin, Rama tue Ravana. C'était bien beau, cela a manifestement dû demander beaucoup de travail à la danseuse, mais après quelques minutes, j'ai compris pourquoi je ressentais un malaise en voyant Shobana rendre grotesques tous les personnages par son expression : cela peut paraître incroyable, mais c'est vraiment tout comme si les personnages étaient interprétés par Mr. Bean !

Le récital s'est conclu par un Tillana exécuté par Shobana et quelques autres danseuses.

Bref, amis rasikas, évitez à tout prix d'assister à des spectacles organisés par Chennaiyil Thiruvaiyaru ! (Je me rends compte que j'ai oublié de préciser que le fond de la scène comportait des écrans géants sur lesquels défilaient des signes publicitaires !)

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Chennai, Jour 2/12 : Namasankirthanam, Priya Venkatraman, Disciples de Smt. Anita Guha

2013-12-25 13:37+0530 (சென்னை) — Culture — Musique — Danse — Danses indiennes — Culture indienne — Voyage en Inde XII

Hier, je crois avoir faire l'expérience autant du meilleur que du pire de la Saison de Décembre...

Sri Krishna Gana Sabha, Dr. Nalli Gana Vihar, Chennai — 2013-12-24 à 07:00

Sengalipuram Brahmasri Vittaldas Jayakrishna Dikshithar Maharaj, Namasankirthanam

La journée commence plutôt bin avec du Namasankirthanam. Quelques brâhmanes torses nus ont pris place sur la scène de la grande et confortable salle du Sri Krishna Gana Sabha qui est très bien remplie malgré l'heure matinale. Les musiciens incluent cinq percussionnistes (un tabla, quatre mridangam, un ghatam), deux harmoniums, une vingtaine de chanteurs dont le rôle sera d'accompagner le meilleur d'entre eux dans cette cérémonie vishnouïste. Le maître est enguirlandé de fleurs plusieurs fois et un ventilateur est placé juste derrière lui ! Des effigies grandeur nature de quelques maîtres spirituels ont été placées sur le côté de la scène. La première partie de ce programme qui durera environ deux heures est chantée. Les vers évoquant quelques divinités sont prononcés par le maître, puis repris par le chœur tandis que le public bat des mains en rythme. Le chant est plutôt beau, et carrément sublime à un moment particulier ayant suivi une prière à Ganesh : tous prononçaient le nom Ram de façon continue.

La deuxième partie avait l'air d'être une sorte de conférence illustrée de chant ou de chant commenté. Les commentaires étant en tamoul uniquement, j'ai trouvé le temps un peu long...

Je me suis ensuite dirigé vers la station de trains de Mylapore pour descendre à Thiruvanmiyur afin d'acheter un billet pour un dance-drama à Kalakshetra. Je voulais voir Sabari Moksham qui raconte le troisième livre du Ramayana, mais tous les billets avaient déjà été vendus. En me promenant dans l'enclave de cette école de danse, j'aurai au moins pu apercevoir quelques classes de danse bharatanatyam. Je me demande comment les professeurs et élèves font pour s'y retrouver dans la mesure où la vigoureuse battue rythmique des professeurs frappant un morceau de bois s'entend depuis une distance plus grande que celle qui sépare les différents bungalows.

Narada Gana Sabha, Sadguru Gnanananda Hall, Chennai — 2013-12-24 à 14:00

Priya Venkatraman, danse bharatanatyam

J'avais déjà vu Priya Venkataraman à Paris dans le cadre d'un récital de danse bharatanatyam synchronisée. Dans la grande salle peu remplie du Narada Gana Sabha, elle donnait en début d'après-midi un récital solo. Le chanteur Sri K. Hariprasad est le même que lors du récital de Meenakshi Srinivasan de la veille (et le percussionniste est le même que lors du récital de Sanjana Prasad, le monde des musiciens de Chennai est petit !). La sonorisation étant mieux réglée, j'apprécie bien davantage son chant. Il a commencé par la même prière à Ganesh, puis a interprété un Pushpanjali qu'il a composé lui-même en l'honneur de Ganesh. La danseuse ne m'enthousiasme pas. Tout est exécuté très proprement, mais il y a quelque chose qui manque pour que je sois complètement séduit. Le regard de la danseuse et son sourire manquent de concentration. Je m'ennuie beaucoup pendant le Varnam qui évoque le jeune Krishna. Dans l'évocation de jeux d'eau, j'ai toutefois aimé la façon de représenter une jeune femme en train de se baigner dans la Yamuna (pendant que Krishna lui chippe ses vêtements...).

Le chanteur interprète maqgnifiquement Ashtapadi (je présume qu'il s'agit du texte de Jayadeva). Radha souffre de la séparation et ne peut s'empêcher de penser à Lui : tout ce qu'elle voit lui rappelle Krishna.

Le récital s'est conclu par un Tillana dans lequel la danseuse évoquait un personnage féminin puis Shiva et Parvati.

Sri Krishna Gana Sabha, Kamakoti Gana Mandir Hall, Chennai — 2013-12-24 à 16:00

Janane Sethunarayanan, danse bharatanatyam

Sinitha Purushothaman, danse bharatanatyam

Smrithi Krishnamurthy, danse bharatanatyam

Le grand frisson de la journée est venu d'un récital de trois disciples d'Anita Guha. Le nattuvanar est la même Jaishri (Ramanathan) que lors du récital de Meenakshi Srinivasan. Outre une chanteuse, l'orchestre comporte aussi un violon, une flûte et un mridangam.

Le récital commence par un Alarippu mettant en scène les trois danseuses. Leurs mouvements s'accélèrent progressivement alors qu'elles vont évoquer des thèmes shivaïtes. La belle image de fin pourrait être celle de Muruga accompagné de ses deux épouses, mais il ne s'agit que d'une conjecture de ma part.

Les trois danseuses ont ensuite interprété un magnifique Varnam. La première partie évoquait le jeu de séduction entre Shiva et Parvati, cette dernière obtenant les faveurs de Shiva par l'ascèse. Le dieu Kama est curieusement absent de cette chorégraphie. La deuxième partie évoquait la Déesse. Shakti a ainsi été représentée de façon très picturale par les trois danseuses alignées (chacune montrant des attributs particuliers), et fait original, elles se déplaçaient latéralement en formation ! L'aspect guerrier de la Déesse (Mahishasuramardini) était mis en valeur, mais la partie la plus magique du Varnam est venue de l'évocation de Sarasvati et surtout des Arts en général, via l'évocation de la beauté du son, la vînâ, le tambour, etc. Le plus beau moment a été l'évocation du Tala, que les danseuses suggéraient par des claps et surtout un magnifique Jati qui n'était accompagné que par le mridangam (et occasionnellement par les cymbales). Ni onomatopées rythmiques, ni chant ni violon ni flûte ! C'est un des jati les plus délicieux que j'aie vus ! Enfin, toujours dans l'évocation des Arts, les danseuses montraient les Navarasa, les neuf saveurs ou émotions classifiées. Au lieu de mettre en valeur chacune d'entre elles dans des épisodes successifs d'un Varnam comme cela se fait usuellement, les Rasa étaient montrés par les différentes danseuses dans une succession rapide. Par exemple, une danseuse prenait la forme de Shiva pour suggérer la Colère.

(Il est à noter que des bijoux ornant les cheveux d'une danseuse sont tombés sur la scène, la rendant quelque peu dangereuse à cause des parties pointues de ces bijoux. Les danseuses ont néanmoins réussi à éviter de se faire mal.)

Une autre merveilleuse pièce a suivi. La texte chanté était un Bhajan de Tulsidas. Les trois danseuses jouaient le rôle des trois épouses Kaushalya, Sumitra et Kaikeyi de Dasharata, père de Rama. S'il est relativement courant en bharatanatyam de représenter l'amour maternel de Yashoda pour Krishna, j'ai trouvé intéressant que l'objet de cet amour soit Rama.

Le récital s'est conclu par un Tillana évoquant un peu sommairement Vishnu sous le nom de Padmanabha.

Chennaiyil Thiruvaiyaru, Kamaraj Memorial Hall, Chennai — 2013-12-24 à 19:30

Sudha Ragunathan, chant

Lakshman Shruti Orchestra

Imaginez que vous allez voir Parsifal et qu'une fois installé à votre siège on vous dit que le Parsifal est malade et qu'on jouera des chansons d'Annie Cordy en remplacement. C'est à peu près ce qui m'est arrivé avec les dangereux escrocs de Chennaiyil Thiruvaiyaru. Avant d'arriver, je me méfiais déjà de ce Sabha qui laisse à penser que c'est tout comme si on avait confié la programmation d'une salle de musique classique occidentale à TF1. Quand le rideau de scène s'est levé (très en retard), des chaises étaient disposées pour un orchestre et pas vraiment pour un concert de musique carnatique. Certes, Sudha Ragunathan, malade, ne pouvait pas chanter, mais le minimum aurait été de rembourser les spectateurs (surtout que l'entrée était à 500 roupies minimum). On a enguirlandé la chanteuse qui s'excusait de ne pas chanter et le réalisateur K. Balachander dont je me demande bien ce qu'il faisait là, et puis des chanteuses sont venus interpréter des chansons insipides. Je suis parti après un peu plus de vingt minutes de supplice.

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Chennai, Jour 1/12 : Sanjana Prasad, Meenakshi Srinivasan

2013-12-24 13:07+0530 (சென்னை) — Culture — Musique — Danse — Danses indiennes — Culture indienne — Voyage en Inde XII

Je suis arrivé à Chennai lundi midi après un long trajet en avion via Riyadh en Arabie Saoudite. Bien qu'ayant eu plus de 7 heures de correspondance, j'ai failli rater le deuxième avion puisque la porte d'embarquement ne s'est jamais affichée sur les écrans et qu'elle ne correspondait pas à celle donnée lors de la correspondance. À bord, la nourriture est indienne et singulièrement plus épicée au départ de Riyadh que de Paris.

Sorti de l'aéroport, je n'ai vu aucun panneau indiquant la station de trains locaux Tirusulam. Après avoir marché un peu, j'ai demandé mon chemin. J'ai craint un moment que l'homme à qui je l'ai demandé ne m'aiguille vers un taxi, mais il allait aussi prendre un train pour rentrer chez lui et a été très sympathique, merci Kartik. Pour 5 roupies, je me suis donc retrouvé au centre-ville de Chennai en à peine un quart d'heure. Il m'a fallu davantage de temps pour m'extraire de la station Mambalam et me diriger vers mon hôtel en rickshaw. Cela peut sembler extravagant, mais il semble qu'il ne soit plus nécessaire de négocier le prix des courses : sans qu'on le leur demande, les chauffeurs mettent le compteur (numérique) en route !

Après être passé rapidement à la Music Academy et au Narada Gana Sabha pour prendre des renseignements, je me suis dirigé vers Bharat Kalachar pour acheter des billets. Cela a été un peu compliqué, le guichet qui devait ouvrir à 14 heures était fermé parce que la pause déjeuner n'etait pas encore finie. Je suis revenu une demi-heure plus tard, et toujours personne. Chaque personne que je voyais me disait que ce n'était pas possible, et, me voyant insister, elle me disait d'aller vers le portail bleu, où en insistant encore, on m'a dit de monter au troisième étage, etc, pour enfin revenir au point de départ, où après quelques minutes supplémentaires d'attente j'ai pu obtenir mes billets pour voir Meenakshi Srinivasan le soir-même ainsi que Rama Vaidyanathan (ouf, s'il y avait une raison pour mon voyage, la voir en faisait partie !).

Sri Krishna Gana Sabha, Kamakoti Gana Mandir Hall, Chennai — 2013-12-23 à 16:00

Sanjana Prasad, danse bharatanatyam

Après être tombé sur un rickshaw-wallah qui ne connaissait pas le Sri Krishna Gana Sabha, j'arrive enfin à cette salle. Même si le guichet n'était pas censé être ouvert (on m'avait dit au téléphone qu'il ouvrait à 16h30), j'arrive à obtenir des billets pour voir Padma Subramanyam (!) et Anita Ratnam. Le concert de Dr. M. Balamuralikrishna prévu quelques jours plus tard est Free (comme j'aime la manière de cet homme de prononcer ce mot), mais il faudra venir tôt...

Pas de problème en revanche pour entrer au Kamakoti Gana Mandir Hall du Krishna Gana Sabha où va danser Sanjana Prasad, disciple de Padmapriya Prakash (Dubaï). Le guru est au nattuvangam et l'orchestre composé d'une chanteuse (excellente), d'un mridangam et du meilleur violoniste accompagnateur de danse que le bharatanatyam connaisse : Kalaiarasan Ramanathan. Si je ne l'avais pas reconnu à son visage, j'aurais certainement reconnu son jeu singulier, comportant de nombreuses doubles cordes (comme je l'avais remarqué quand il accompagnait Lavanya Ananth). Le fait de l'avoir reconnu montre mon niveau d'addiction au bharatanatyam, mais ce qui est encore plus étonnant, c'est que le violoniste assurait avoir l'impression de m'avoir déjà vu quelque part quand nous avons échangé quelques mots à l'issue du récital !

Le récital a commencé par une introduction chantée. Les pièces de danse seront ensuite introduites en tamoul. Le première pièce peut être considérée comme un Pushpanjali. Elle commence par de la danse pure accompagnée d'onomatopées rythmiques. Même si au cours du récital, la très jeune danseuse (pas plus de 15 ans à mon avis) n'exécutera pas parfaitement les mouvements de danse pure (les bras ne sont pas toujours bien tendus, par exemple), j'apprécie la vivacité de ces jatis et elle s'avère étonnamment douée pour son âge pour l'Abhinaya. Elle évoque ainsi une offrande de fleurs à Ganesh (aux grandes oreilles), fils d'Uma. Des rituels de dévotion sont montrés, comme l'offrande de prasad et l'aarti. Elle a aussi comme il se doit salué son guru et la salle (qui était plutôt bien remplie).

La pièce principale du récital d'une heure était un Varnam en l'honneur de la Déesse. Elle est présentée sous la forme de la déesse guerrière Meenakshi, compagne de Shiva au regard foudroyant. Elle la représente en train de tuer le démon Mahishasura. Les jatis (passages rythmiques) insérés dans la pièce sont applaudis par le public. La danseuse à également rendu hommage à la déesse des arts en évoquant l'écriture, la pensée, le chant, la flûte et la vina. J'extrapole peut-être, mais il m'a semblé qu'elle évoquait également la syllabe Om vers la fin du Varnam qui prenait l'apparence d'un Tillana.

Après un Ragam du violon, la danseuse a interprété une adorable pièce d'hommage à Shiva, le texte chanté commençant par Karunarasa Kamakoti... Chandrashekara.

Shivastuti, une autre pièce dédiée à Shiva a suivi, évoquant Ganga, son chignon, la lune, le serpent (très impressionnant), le tigre. Les jatis prenaient une intéressante forme de jeu de questions et réponses entre le nattuvangam et la danseuse.

Le récital se terminait par un Tillana en l'honneur de Krishna (et Bhubaneshvari ?).

Bharat Kalachar, Y.G.P. Auditorium, Chennai — 2013-12-23 à 19:00

Meenakshi Srinivasan, danse bharatanatyam

Après avoir dîné rapidement, je me suis dirigé vers Bharat Kalachar pour assister à la fin d'un récital de chant de Gayathri Venkatraghavan qui se concluait par le même Tillana (pas vraiment mieux chanté). J'étais là bien sûr plutôt pour assister au récital de danse bharatanatyam de Meenakshi Srinivasan (déjà appréciée lors de son passage au Musée Guimet). Elle était accompagnée d'un chanteur nommé Hariprasad, d'une violoniste (Shrilakshmi ?), de Jaishri (nattuvangam) et de Vedakrishnaran (mridangam).

La première pièce dansée après la prière à Ganesh est une magnifique évocation de Shiva. Est-il possible de danser le bharatanatyam plus gracieusement que ne le fait Meenakshi Srinivasan ? Une certaine dureté n'aurait pas nui dans l'évocation de la peau de tigre ou la virilité de la danse de Shiva, mais je ne vais pas bouder mon plaisir de la voir aller chercher sa main très loin derrière avec autant de grâce. La danseuse évoque merveilleusement bien le tambour Damaru ou encore la descente de la rivière Ganga. Il m'a semblé qu'elle a pris pendant quelques instants la forme androgyne d'Ardhanarishwara, ou encore celle du dévôt Markandeya attaqué par Yama. Elle a enfin évoqué les arts en suggérant le chant et le jeu du tambour.

J'aurais aimé adorer le Varnam féministe qu'elle a dansé, puisqu'il était centré sur le personnage de Sita, épouse modèle et pourtant rejetée par Rama à cause de l'influence de la rumeur publique (Sita ayant été captive du démon Ravana). Enceinte de jumeaux, elle se réfugie dans la forêt et se souvient des bons moments passés avec Rama. Il l'avait conquise en brisant larc de Shiva. S'il était très beau à regarder, je n'ai pas trouvé ce passage très convaincant. Ensuite, un jeu de balle était semble-t-il suggéré entre Sita et Rama (j'aimerais la référence au texte de Valmiki parce que je n'en ai aucun souvenir...). Mon manque de sommeil a eu raison de ma concentration pendant le reste de la pièce qui ne m'a pas donné l'impression de progresser d'un point de vue narratif. Les jatis étaient beaux, cependant.

La pièce suivante, chorégraphiée par Bragha Bessel, était semble-t-il un Padam. Deux jeunes femmes voient passer une procession au loin. Elles ne reconnaissent pas la divinité. Ce n'est pas Indra couvert de mille yeux, ni la Lune (Chandran), ni Shiva au troisième œil, ni Surya, ni le difforme Kubera. (L'énumération vient de la présentation, je ne les ai pas tous identifiés en observant la danse, et sans la présentation, je n'aurais reconnu que Shiva.) Sans préciser de qui il s'agissait, la présentation se concluait en disant qu'à la fin, elles reconnaissaient la divinité. En fait, à sa démarche de pachyderme et à ses grandes oreilles, il était évident pour moi dès le début que c'était Ganesh ! ce qui était confirmé à la fin. (En fait, pas du tout, cf. cette autre entrée.)

Le récital s'est conclu par un merveilleux Tillana en Raga Sindhu Bhairavi, et il s'agit semble-t-il du même que celui qui avait conclu son récital à Paris, cf. mon billet. Je ne vais pas répéter les louanges que j'avais faites alors. L'image que je regarde est celle de la façon qu'a eu la danseuse de se métamorphoser pour évoquer successivement Krishna et son amante : magnifique !

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Le vite dit de décembre 2013

2013-12-22 05:19+0100 (Orsay) — Culture — Musique — Danse — Culture indienne — Voyage en Inde XII

Avant de filer à l'aéroport pour partir en Inde, voici le vite dit de décembre 2013 !

Théâtre du Châtelet — 2013-12-01

Orchestre national d'Île de France

Kaspar Zehnder, direction

L'Enlèvement au sérail, ouverture, KV 384 (Mozart)

Symphonie nº100 en sol majeur (Haydn)

Amjad Ali Khan, sarod

Anubrata Chatterjee, tabla

Raga Zila Kafi

Alexis Cardenas, violon supersoliste

Bernard Le Monnier, violon solo

Renaud Stahl, alto solo

Bernard Vandenbroucque, violoncelle

Hélène Giraud, flûte solo

Myriam Carrier, clarinette co-soliste

Frédéric Bouteille, basson co-soliste

Samaagam, concerto pour sarod et orchestre (Amjad Ali Khan)

Très beau concert de l'Orchestre national d'Île-de-France ! La réjouissante première partie Mozart/Haydn aurait été pleinement satisfaisante pour moi si je n'avais pas eu à supporter une famille de tousseurs placée à côté de moi. Pour la deuxième partie, je me suis replacé au siège le plus excentré de la corbeille du côté où allait prendre place Ustad Amjad Ali Khan. Il a d'abord interprété avec le percussionniste une composition sur le Raga Zila Kafi. Accompagné de l'orchestre, il a ensuite interprété son concerto Samaagam. Le titre ne renvoie pas aux notes Sa-Ma-Ga, mais au mot sanskrit समागम qui a semble-t-il à peu près le même sens que संगम, à savoir confluence (ce titre a aussi été utilisé par Shantala Shivalingappa). Au début, j'ai trouvé l'œuvre un peu artificielle dans la mesure où elle utilise plusieurs ragas et qu'on passe de l'un à l'autre sans transition. (Je dis ça, mais parmi les ragas apparaissant dans ce concerto je n'ai pas reconnu ceux que j'ai pourtant pratiqués comme Bhupali.) Ustad Amjad Ali Khan (qui n'a pas seulement utilisé son sarod mais aussi un peu chanté) n'est pas le seul soliste de ce concerto. Quelques musiciens de l'orchestre ont également un rôle soliste et ils ont même eu la possibilité d'improviser. Le violoncelliste m'a semblé particulièrement inspiré dans cet exercice. La fin en apothéose du concerto m'a beaucoup plu !

Ce concert est disponible à la réécoute sur Arte Live Web.

Temple des Batignolles — 2013-12-06

Orchestre des Concerts Gais

Marc Korovitch, direction

Pierre Hamel, violon

Symphonie espagnole en ré mineur (Lalo)

Symphonie nº3 Rhénane (Schumann)

Magnifique concert de l'ensemble des Concerts gais. La Symphonie espagnole (en fait concerto pour violon) de Lalo a été une très belle découverte pour moi. J'en ai tout particulièrement apprécié le quatrième mouvement (lent). En deuxième partie, l'orchestre a interprété la Symphonie nº3 “Rhénane” de Schumann. Le deuxième mouvement Scherzo : Sehr mässig m'a semblé tout particulièrement délicieux.

Salle Pleyel — 2013-12-07 à 16:00

Quatuor Hagen

Lukas Hagen, Rainer Schmidt, violons

Veronika Hagen, alto

Clemens Hagen, violoncelle

Quatuor à cordes nº1 (Beethoven)

Quatuor à cordes nº16 (Beethoven)

Quatuor à cordes nº7 “Razumovski” (Beethoven)

Salle Pleyel — 2013-12-07 à 20:00

Quatuor Hagen

Lukas Hagen, Rainer Schmidt, violons

Veronika Hagen, alto

Clemens Hagen, violoncelle

Quatuor à cordes nº3 (Beethoven)

Quatuor à cordes nº5 (Beethoven)

Quatuor à cordes nº12 (Beethoven)

Salle Pleyel — 2013-12-08 à 16:00

Quatuor Hagen

Lukas Hagen, Rainer Schmidt, violons

Veronika Hagen, alto

Clemens Hagen, violoncelle

Quatuor à cordes nº2 (Beethoven)

Quatuor à cordes nº4 (Beethoven)

Quatuor à cordes nº14 (Beethoven)

Ces trois concerts concluaient l'intégrale des quatuors à cordes de Beethoven par le quatuor Hagen (cf. le vite dit d'avril). L'ensemble est très engagé et la musique manifestement toujours très bien jouée. Parfois, on atteint une autre dimension, un miracle semble se produire ; c'est en tout cas le sentiment que j'ai eu en écoutant le Quatuor nº2 au début du dernier concert.

Salle Pleyel — 2013-12-10

Orchestre Colonne

Laurent Petitgirard, direction

4... ou les saisons d'une vie (Dominique Probst)

Claire Désert, piano

Concerto pour piano en ut mineur, nº24, KV 491

Symphonie nº3 en mi bémol majeur Héroïque (Beethoven)

J'ai aimé la pièce contemporaine de Dominique Probst évoquant les saisons et dédiée à sa mère âgée de 99 ans. J'ai apprécié le jeu de la pianiste Claire Désert (surtout dans son bis), mais le concerto mettait à mon avis surtout en valeur l'orchestre. (Un des thèmes du troisième mouvement me rappelait curieusement un des airs de La Flûte enchantée.) Après l'entr'acte, l'orchestre a donné une très belle interprétation de la Symphonie nº3 “Héroïque” de Beethoven. J'ai néanmoins eu une réserve sur le choix d'un tempo dangereusement lent peu avant la fin du quatrième mouvement.

Opéra Garnier — 2013-12-11

Angelin Preljocaj, chorégraphie

Wolfgang Amadeus Mozart, musique (KV. 425, 546, 571, 449, 525, 251, 522, 425, 137, 250, 488)

Goran Vejvoda, création sonore

Thierry Leproust, décors

Hervé Pierre, costumes

Jacques Chatelet, lumières

Noémie Perloy, assistante du chorégraphe

Koen Kessels, direction musicale

Nicolas Le Riche, Aurélie Dupont

Simon Valastro, Adrien Bodet, Mallory Gaudion, Adrien Couvez, Jardiniers

Caroline Bance, Christelle Granier, Myriam Kamionka, Caroline Robert, Séverine Westermann, Laurène Levy, Charlotte Ranson, Miho Fuji

Guillaume Charlot, Alexis Renaud, Yann Saïz, Sébastien Berthaud, Yvon Demol, Alexandre Gasse, Erwan Leroux

Ballet de l'Opéra

Orchestre de chambre de Paris

Vessela Pelovska, piano

Le Parc

Je ne me suis pas enthousiasmé pour ce ballet de Preljocaj. Il s'agit néanmoins de la meilleure production de lui que j'aie vue. J'ai aimé le pastiche de manières françaises anciennes qui s'insinue dans la chorégaphie et plus encore l'adorable jeu de chaises musicales qui se déroule dans la première partie du ballet. Cette œuvre met aussi en valeur des danseurs qui sont habituellement cachés dans le corps de ballet. Toutefois, l'ensemble manque à mon goût de narration, de liant, de continuité. Heureusement, le pas de deux (quasi-)final entre Nicolas Le Riche et Aurélie Dupont procure le seul moment quelque peu émouvant du ballet, et ce notamment grâce au fameux porté tout en abandon qu'il contient. Globalement, ce ballet n'est pas très exaltant, malgré la bonne prestation de l'Orchestre de chambre de Paris dans la fosse.

La bonne nouvelle néanmoins, c'est que lors de sa prise de rôle quelques jours plus tard Alice Renavand a été nommée danseuse étoile, ce qui me semble tout-à-fait mérité.

Salle Pleyel — 2013-12-12

Orchestre de Paris

Eiichi Chijiwa, violon solo

Philippe Aïche, direction

Alexander Toradze, piano

Concerto pour piano nº3 en ut majeur, op. 26 (Prokofiev)

Philippe Aïche, violon solo

Andris Poga, direction

Symphonie nº7 “Leningrad” en ut majeur, op. 60 (Chostakovitch)

Magnifique concert de l'Orchestre de Paris. Le chef Mikko Franck a été remplacé en première partie par le violon solo Philippe Aïche que j'ai aimé regarder depuis ma place à l'arrière-scène. Le chef assistant Andris Poga a dirigé avec enthousiasme la symphonie nº7 “Leningrad” de Chostakovitch. Cette symphonie, moins dépressive que d'autres symphonies du même compositeur, comporte un premier mouvement assez extravagant en termes d'orchestration. Dans sa partie centrale, un motif à cinq notes échangé initialement entre le basson (Giorgio Mandolesi !) et le hautbois se propage progressivement à tout l'orchestre comme dans le Boléro de Ravel tandis que la pulsation est maintenue par la caisse claire. J'ai été un peu moins passionné par la suite, et en particulier par le dernier mouvement, qui n'est pas sans quelques longueurs...

Studio Sacha Guitry, Maison de Radio France — 2013-12-14

Maîtrise de Radio France

Daniel Hill, David Alexander, piano

Sofi Jeannin, direction

Three Carols pour voix élevées (Britten)

Chansons de bord — Tome I (extraits), Dutilleux

Three two-part songs (extrait) : The Ship of Rio (Britten)

A Dream of Snow (Peter Maxwell Davies)

Four Sea Interludes, op. 33a (Britten, arrangement d'Edwin Stein)

The Golden Vanity, op. 78 (Britten)

Très réjouissant concert de la maîtrise de Radio France à la salle Sacha Guitry de la maison ronde, autour des thèmes de Noël et de la mer. J'y ai découvert avec un grand plaisir The Golden Vanity, une histoire cruelle de marins anglais confronté à des pirates turcs (interprétée dans une traduction française). Que j'aime la façon de Britten de composer pour la voix humaine et d'ornementer le chant ! J'ai particulièrement aimé les glissandis du capitaine du Golden Vanity.

Théâtre de l'Hôpital Bretonneau — 2013-12-14

Jyotika Rao, nattuvangam, chant

Matthias Labbe, mridangam, tabla

Sucheta Chapekar, chorégraphies

Anjeli, bharatanatyam

Pushpanjali (en l'honneur de Ganesh)

Camille, Anjeli, Christine, bharatanatyam

Alarippu

Christine, bharatanatyam (Sarasvati)

Anjeli, bharatanatyam (Lakshmi)

Camille, bharatanatyam (Durga)

Prastar (hommage à la Déesse)

Christine, Anjeli, bharatanatyam

Dashavatar

Solo de tabla

Camille, bharatanatyam

Mate Sarasvati

Marjorie, bharatanatyam (shloka)

Anjeli, Camille, bharatanatyam (jati)

Kasturitillakam

Christine, bharatanatyam

Abhinaya

Anjali, ?, Camille, Christine, bharatanatyam

Tillana

Jyotika, bharatanatyam

Abhinaya (adoration de Krishna)

Ma prof de danse bharatanatyam et ses élèves les plus avancées ont donné ce récital. Je ne vais pas revenir en détail sur chacune des pièces. J'en connaissais déjà certaines ; quelques unes prévues pour une seule danseuse ont été retravaillées pour plusieurs. J'ai ainsi aimé le placement des trois danseuses dans l'Alarippu ou encore l'attribution d'un aspect de la Déesse à chaque d'entre elles dans la pièce suivante.

J'avais déjà vu la pièce Dashavatar. En la revoyant, j'en ai beaucoup mieux compris les détails. Les incarnations de Vishnu étaient évoquées alternativement par une des deux danseuses. Chaque évocation était très brève, centrée sur une caractéristique propre à chacun des avatars. L'avatar le plus mis en valeur était Krishna. Il était en effet omis dans l'énumération et célébré en conclusion de la pièce de façon plus approfondie.

J'ai été extrêmement convaincu par la pièce d'Abhinaya interprétée avant le Tillana. L'héroïne jalouse a chassé son amoureux. Reviendra-t-il ? Il m'a semblé que la chorégraphie suggérait que cet amoureux pouvait être Krishna.

Dans le Tillana, j'ai été saisi d'émotion quand une des danseuses a représenté Vishnu sur le serpent Shesha, une des images que je préfère dans toute l'iconographie hindoue.

Le récital s'est terminé par une pièce de pure Abhinaya par Jyotika. Il était question de l'adoration de Krishna, Celui en lequel on aspire à se fondre. Le passage le plus émouvant à mon goût a été celui évoquant le rôle de Krishna dans la terrible scène du Mahābhārata dans laquelle Dushasana tente d'enlever le sari de Draupadi. Celle-ci ayant pris refuge en Krishna, son sari se rallonge miraculeusement au fur et à mesure que Dushasana tire dessus...

Cité de la musique — 2013-12-19

Les Dissonances

Anna Göckel, violon

Julia Gallego, flûte

David Gaillard, alto

Louis Rodde, violoncelle

Vincent Alberola, clarinette

Florent Boffard, piano

Vortex Temporum, pour piano et cinq instruments (Grisey)

David Grimal, direction artistique, violon solo

Symphonie nº8 “Inachevée” (Schubert)

Allegretto de la Symphonie nº7 en la majeur (Beethoven)

J'avais manqué le concert Espaces acoustiques de l'Intercontemporain quelques jours plus tôt afin de me rendre au récital de bharatanatyam mentionné ci-dessus. Je savais alors qu'une autre opportunité d'entendre la musique de Grisey allait se présenter. J'ai saisi cette dernière et je ne l'ai pas regretté. J'avais en effet adoré Modulations en février dernier. Lors de ce concert des Dissonances, j'ai découvert Vortex Temporum. J'ai aimé le rythme joyeux instauré par les vents au début de l'œuvre. Ce qui m'a le plus exalté, ce fut le deuxième mouvement (censé évoquer les baleines ?). J'adore Haydn, mais pour ce qui est de les évoquer, je crois que je préfère Grisey !

Ah oui, après l'entr'acte, il y avait un deuxième demi-concert. J'entendais pour la première fois en concert la Symphonie nº8 “Inachevée” de Schubert dont je ne connaissais que le premier mouvement. Ce fut magnifique ! J'ai toutefois eu du mal à me concentrer au début du premier mouvement ; il m'a fallu attendre qu'une spectatrice ayant fait un malaise soit évacuée (c'est la troisième fois que cela m'arrive en quelques semaines...). Mention spéciale aux vents (et en particulier au clarinettiste), particulièrement beaux dans le deuxième mouvement. Après avoir interprété les premières mesures du troisième mouvement inachevé, l'orchestre a joué en bis l'Allegretto de la Septième symphonie de Beethoven ! (Ce que j'ai trouvé incongru, notamment parce qu'après mon équipée édimbourgeoise, j'ai du mal à entendre ce mouvement autrement qu'enchaîné au premier mouvement sans même un instant pour respirer...)

Ailleurs : Zvezdo.

Concert à réécouter sur Cité de la musique live.

Opéra Bastille — 2013-12-20

Orchestre de l'Opéra national de Paris

Ballet de l'Opéra

Fayçal Karoui, direction musicale

Piotr Ilyitch Tchaikovski, musique

Rudolf Noureev, chorégraphie et mise en scène d'après Marius Petipa

Ezio Frigerio, décors

Franca Squarciapino, costumes

Vinicio Cheli, lumières

Myriam Ould-Braham, La Princess Aurore

Mathias Heymann, Le Prince Désiré

Nicolas Paul, Le Roi Florestan XIV

Christine Peltzer, La Reine

Marie-Solène Boulet, Le Fée des Lilas

Nolwenn Daniel, Carabosse

Pascal Aubin, Catalabutte

Fanny Gorse, Première variation

Sae Eun Park, Lydie Vareilhes, Deuxième variation

Laura Hecquet, Troisième variation

Charline Giezendanner, Quatrième variation

Sabrina Mallem, Cinquième variation

Pascal Aubin, Sixième variation

Héloïse Bourdon, Pierre-Arthur Raveau, Marie-Solène Boulet, Laura Hecquet, Hannah O'Neill, Pas de cinq des “Pierres précieuses”

Valentine Colasante, François Alu, Pas de deux de “L'Oiseau bleu”

Aubane Philbert, Daniel Stokes, Pas de deux du “Chat botté et de la Chatte blanche”

La Belle au bois dormant, ballet en un prologue et trois actes d'après le conte de Charles Perrault

Une très grande soirée de ballet ! Quelle merveille que cette Belle au bois dormant ! Le premier acte est absolument génial ! Je ne regrette pas d'avoir payé le prix fort pour pouvoir voir Myriam Ould-Braham dans le rôle d'Aurore. Elle était superbe dans cet acte, mettant en valeur la juvénilité de son personnage. Cet acte aussi narratif que divertissant donnait aussi à voir un réjouissant corps de ballet. Dans la série de six variations, je fus ravi de voir Charline Giezendanner dans une version réduite en temps de l'espièglerie qu'elle exprimait si bien à l'école de danse dans la captation de Coppélia de Pierre Lacotte.

Globalement, le deuxième acte est moins exaltant, mais il me renforce dans mon impression que ce ballet est comme un condensé de tout ce qui s'est fait de mieux dans le ballet classique puisqu'on y retrouve les dryades. Le moment le plus marquant de ce deuxième acte est la très longue variation du Prince Désiré interprété par Mathias Heymann. C'est très beau à regarder, mais il manque un petit quelque chose pour que le temps ne semble pas un peu long et que l'on reste tout-à-fait captivé.

Le troisième acte est un pur divertissement, mettant en valeur divers ensembles. Tous ont été magnifiques, que ce soit Héloïse Bourdon et Pierre-Arthur Raveau, ou encore Valentine Colasante et François Alu (ce dernier déclenchant de très vifs applaudissements), ou encore l'espiègle couple de chats (Aubane Philbert, Daniel Stokes). Pour moi, les plus grandes émotions sont toutefois venues de l'adage, des variations et la coda du couple principal !

Il faut aussi signaler l'excellentissime prestation de l'Orchestre de l'Opéra dirigé par Fayçal Karoui (qui avait déjà été superbe dans La Bayadère). Les solos du premier violon (s'agissait-il de Karin Ato ?) étaient tout simplement merveilleux !

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Le vite dit de novembre 2013

2013-12-20 12:17+0200 (Orsay) — Culture — Musique — Danse — Danses indiennes — Culture indienne — Dhrupad

J'ai déjà eu l'occasion de revenir sur le spectacle Sangama de Shantala Shivalingappa ainsi que sur le passage à Paris de la Chidambaram Dance Company. Voici un bref récapitulatif des autres spectacles vus au cours du mois de novembre :

Cité de la musique — 2013-11-08

Ensemble Intercontemporain

Matthias Pintscher, direction musicale

Hidéki Nagano, piano

L'Asie d'après Tiepolo pour ensemble (Hugues Dufourt)

L'Origine du monde pour piano et ensemble (Hugues Dufourt)

Le Palais du silence, drammaturgia d'après Claude Debussy, Lucia Ronchetti (création)

Grégoire Simon, alto

Les Chardons d'après van Gogh pour alto et orchestre de chambre (Hugues Dufourt)

La musique de Hugues Dufourt m'a bien plu, mais je me serai bien contenté d'entendre une seule de ses œuvres, ce qui aurait évité que son style déclenche en moi une certaine lassitude. Sans m'émerveiller, la création de Lucia Ronchetti m'a semblé plutôt plaisante à écouter et si en musique contemporaine mon regard tend à prendre parfois le dessus sur mes oreilles, ce qu'il était donné à voir était plutôt esthétique, comme quand les musiciens à cordes ont recouvert leurs instruments d'un voile et ont frotté les cordes avec leur archet à travers ce voile. Les vents ont aussi soufflé dans des bouteilles. Trois percussionnistes s'activaient autour du piano. Un d'entre eux était même allongé sous l'instrument qu'il tapotait avec des baguettes. À la fin de l'œuvre, de façon tout à fait inattendue, le chef d'orchestre a utilisé les touches du piano !

Si la musique ne m'a pas déplu, je dois avouer que ce qui m'a le plus ému dans ce concert, ce fut le ballet des machinistes chargés des changements de configuration de chaises, pupitres, instruments, etc.

Auditorium du Musée d'Orsay — 2013-11-14

Quatuor Takács

Edward Dusinberre, Károly Schranz, violons

Geraldine Walther, alto

András Fejér, violoncelle

Quatuor à cordes nº3, Sz. 85, Bartók

Quatuor nº2 “Lettres intimes”, Janáček

Quatuor nº1 en mi mineur ”De ma vie”, Smetana

Concert plutôt décevant. J'ai aimé le troisième quatuor de Bartók et au cours du concert j'ai particulièrement aimé le jeu du second violon, mais si l'interprétation du Quatuor “Lettres intimes” de Janáček a comporté quelques très beaux moments, je n'ai pas eu le même sentiment de miracle musical permanent que lorsque j'avais découvert cette œuvre avec David Grimal et quelques autres au Théâtre des Bouffes du Nord.

Salle Pleyel — 2013-11-15

Anne Sofie von Otter, mezzo-soprano

Robert Getchell, ténor

David Lefort, ténor

Jean-Christophe Jacques, baryton

Geoffroy Buffière, basse

Orchestre philharmonique de Radio France

HK Gruber, direction

Les sept péchés capitaux (Weill)

Petite musique de Quat'sous (Weill)

Surabaya Johnny (Weill)

I am a stranger here myself (Weill)

Speak low (Weill)

The Saga of Jenny (Weill)

Très beau concert 100% Weill du Philharmonique de Radio France ! Je retiens surtout de ce concert l'irrésistible chant d'Anne-Sophie von Otter dans la partie la plus légère du programme. Alors que je m'étais replacé au tout premier rang après l'entr'acte, je ne m'attendais pas à ressentir un tel émerveillement quand la chanteuse est venue interpréter Surabaya Johnny et d'autres chansons. Son attitude scénique est en phase avec les personnages qu'elle joue, mais elle me convainc surtout par la beauté de son chant, magnifiquement ornementé.

Ailleurs : Bladsurb, Paris — Broadway, Palpatine.

Mairie du vingtième arrondissement — 2013-11-17

Camille, élève de Jyotika Rao, bharatanatyam

Prestar (hommage à la Déesse)

Kasturitillakam

Au cours du festival du livre de l'Inde, quelques animations étaient proposées. Cela m'a permis de découvrir le style de Sucheta Chapekar, la guru de ma prof de bharatanatyam. Une de ses élèves les plus avancées présentait une pièce dans son style propre, Prestar, un hommage à la Déesse (sous trois formes : Sarasvati, Lakshmi, Durga). D'un point de vue musical, la particularité de ce style est d'utiliser non pas la musique carnatique mais la musique hindustani. Le tala utilisé était assez original (9 temps). Je retiens surtout la beauté des mouvements dans les shlokas.

Mairie du vingtième arrondissement — 2013-11-17

Jérôme Cormier, chant dhrupad

Gérard Hababou, pakhawaj

Anne-Marie, Joël, Leïla, Michèle, chant dhrupad

Raga Bhupali

Un peu plus tard, j'ai participé avec d'autres élèves du cours de dhrupad de Jérôme Cormier à une présentation de ce style de chant, ou plutôt de la façon dont nous le pratiquons en cours. Nous avons chanté un Alap dans le Raga Bhupali, puis du Sargam ; nous essayions de reproduire les phrases qu'il chantait. Enfin, nous avons chanté une composition en Chautal (dont le premier des trois vers est Tane Talevare Tare), Jérôme Cormier improvisant seul pendant certains cycles rythmiques. (Sur la vidéo ci-dessous, on entend Ustad H. Sayeeduddin Dagar chanter le premier vers de cette composition.)

Chez Malavika — 2013-11-22

Bithika Mistry, odissi

Mangalacharan (en l'honneur de Ganesh)

Mangalacharan (en l'honneur de Sarasvati)

Pallavi (Shringararasa)

Abhinaya (Gita-Govinda)

Megh-Pallavi

Dashavatar

Salutation à Ganesh

Récital de danse odissi en petit comité. La musique enregistrée sur CD a posé problème. D'une part, j'en ai trouvé l'orchestration un peu surchargée. D'autre part, au début du récital, au lieu de la musique d'un Mangalacharan en l'honneur de Sarasvati, c'est un Mangalacharan en l'honneur de Ganesh qui a retenti. La configuration des lieux ne permettant pas vraiment à la danseuse de couper court à la confusion, elle n'a pas eu d'autre choix que d'interpréter une pièce qu'elle n'avait pas prévu de danser ! De même, la piste Moksham n'était pas disponible ; le récital ne s'est donc pas conclu comme l'usage le veut. Mon impression sur ce récital est globalement assez mitigée. Si la jeune danseuse a d'indéniables qualités, je n'ai pas été très ému par ce récital, qui n'a pas laissé beaucoup de place au travail sur l'expression du visage. J'ai néanmoins apprécié la pièce Dashavatar qui évoque les incarnations de Vishnu.

Salle Pleyel — 2013-11-24

Gidon Kremer, violon

Martha Argerich, piano

Sonate pour violon et piano nº5 (Mieczysław Weinberg)

Sonate pour violon et piano nº10 (Beethoven)

Sonate pour violon nº3 (Mieczysław Weinberg)

Sonate pour violon et piano nº8 (Beethoven)

J'ai beaucoup aimé le jeu de la pianiste Martha Argerich, que je voyais pour la première fois sur scène. J'ai un peu moins apprécié la prestation du violoniste Gidon Kremer dans la première partie du concert, mais la seconde a été magnifique. La sonate pour violon nº3 de Weinberg a été pour moi une très belle découverte.

Salle Gaveau — 2013-11-26

Orchestre Colonne

Krystof Maratka, direction

Drupopisy, atelier d'instruments de musique populaire des pays Tchèques, Krystof Maratka (création)

Laurent Petitgirard, direction

Daniel Vagner, alto

Concerto pour alto (Bartók)

Récitatif de la Fantaisie chromatique (Bach, arrangement de Kodály)

Symphonie nº4 (Beethoven)

La création de Drupopisy de Maratka a beaucoup plu. Cette œuvre évoquant les pays tchèques de façons aussi variées qu'amusantes grâce à des mélodies d'apparences paysannes et de combinaisons inattendues d'instruments et de techniques non standard. Les musiciens des sections de cordes ont presqu'autant tapé du pied et des mains qu'utilisé leur archet !

Le concert pour alto de Bartók a été merveilleusement bien interprété par l'alto solo de l'orchestre, Daniel Vagner. Le deuxième mouvement était particulièrement émouvant. Tous mes efforts pour sécher mes larmes ont été ruiné par son interprétation en bis d'un arrangement de Bach par Kodály.

Si le périlleux troisième mouvement ne m'a pas tout à fait convaincu, j'ai toutefois été enthousiasmé par l'interprétation de la Quatrième symphonie de Beethoven par l'orchestre après l'entr'acte.

Conservatoire de Paris, Salle d'art lyrique — 2013-11-27

Peter Lanckweerdt, Roméo

Jeanne Baudrier, Juliette

Pierre-Emmanuel Lauwers, Mercutio

François Aulibé, Tybalt

Fanny Alton, Audrey Boccara, Alice Cocagne, Hélène Davière, Marie Jolly, Dan Kim, Fatoumata Niang, Soa Ratsifandrihana, Julia Sanz, Nicole Stroh, Mathieu Durand, Sungyeop Kim, Gaëtan Lhirondelle, Damien Sengulen, danseurs comédiens

Naruko Tsuji, piano

Raphaël Pagnon, Julie Le Gac, altos

Junior Ballet

Musiciens du Conservatoire

Sergueï Prokofiev, musique

Vadim Borisovsky, arrangement pour piano et deux altos

Paul Chalmer, chorégraphie

Roméo et Juliette

J'ai été séduit par cette version de Roméo et Juliette réduite pour durer un peu plus d'une heure. Certains spectateurs semblaient déçus de n'avoir pas vu plus de danse. Il est vrai que la musique de Prokofiev (redoutablement réduite pour alto(s) et piano) a souvent servi d'interludes. Cela ne m'a pas gêné puisque j'étais venu en grande partie pour entendre cette musique. En dehors des solistes, les comédiens-danseurs du CNSMDP ne dansent pas (ou très très peu). Ils étaient néanmoins très convaincants dans leur expression et leur interprétation du texte. Si ce Roméo et Juliette est réduit en durée, l'histoire est présentée de façon cohérente. La danse est essentiellement réservée aux quatre solistes. J'ai particulièrement apprécié les interprètes des rôles de Juliette et de Mercutio. Les moments les plus remarquables à mon goûts sont intervenus lors des très beaux adages mettant en scène Roméo et Juliette.

Auditorium du Musée d'Orsay — 2013-11-28

Quatuor Pražák

Pavel Hůla, violon, direction

Vlastimil Holek, violon

Josef Klusoň, alto

Michal Kaňka, violoncelle

Sérénade pour trio à cordes en do majeur, op. 10 (Ernö Dohnányi)

Quatuor à cordes nº6, Sz. 114, Bartók

Quatuor à cordes nº3 en si bémol majeur, op. 67 (Brahms)

Valse en ré majeur, op. 54 (Dvořák)

Je crois me souvenir que j'ai beaucoup apprécié ce concert. Parmi les musiciensi du quatuor Pražák j'ai particulièrement aimé le jeu de l'altiste Josef Klusoň. L'engagement des musiciens, notamment dans le Sixième quatuor de Bartók m'a plu. Cependant, l'image que je retiens de ce concert est l'atmosphère joyeuse du bis qu'ils ont donné : la Valse en ré majeur op. 54 de Dvořák. À cause du thème très envahissant de cette valse, comment peut-on se souvenir de ce qui a précédé ?

Cité de la musique — 2013-11-30

Orchestre de chambre de Paris

Accentus

Toby Spence, ténor

Thomas Zehetmair, direction

Offertorium “Intende voci” (Schubert)

Julia Bauer, soprano

Alain Buet, basse

Le Christ au mont des Oliviers (Beethoven)

Si je suis content d'avoir découvert l'oratorio de Beethoven, je n'ai pas pris beaucoup de plaisir en assistant à ce concert. En particulier, je me suis longtemps demandé dans quelle langue chantait le ténor Toby Spence...

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Le vite dit d'octobre 2013

2013-12-18 10:30+0100 (Orsay) — Culture — Musique — Opéra — Danse — Culture indienne — Dhrupad

À propos des spectacles d'octobre 2013, j'ai déjà eu l'occasion de revenir sur Orfeo à la Cité de la musique et le récital de Vaibhav Arekar et Anuya Rane au Musée Guimet. Pour les autres spectacles, voici mon vite dit :

Salle Pleyel — 2013-10-01

Orchestre Colonne

Laurent Petitgirard, direction

Philippe Graffin, violon

Concerto pour violon et orchestre Le Violon rouge, John Corigliano

Marie-Claude Bantigny, violoncelle

Daniel Vagner, alto

Don Quichotte, variations fantastiques sur un thème à caractère chevaleresque (Strauss)

J'étais venu à ce concert pour entendre la violoncelliste Marie-Claude Bantigny dans Don Quichotte de Strauss. Elle a été magnifique, mais à l'alto, un certain Daniel Vagner, que j'entendais pour la première fois, tenait le rôle de Sancho Panza, et c'était tout simplement incroyable !

Les 3 arts — 2013-10-02

Céline Wadier, chant dhrupad

Gérard Hababou, pakhawaj

Raga Todi

Raga Bhinna Shadja

J'assiste pour la première fois à un récital de chant dhrupad de ma prof, qui a interprété le Raga Todi en finissant par la composition Samhara Chalate (Dhamar) que j'ai déjà pratiquée avec elle et quelques autres. Les difficultés de ce raga font qu'il m'est pour le moment beaucoup plus plaisant de l'écouter en concert que d'essayer de le pratiquer ! Si j'ai apprécié la première partie de ce concert, la deuxième était a été merveilleusement belle. Trop pour que mes glandes lacrymales puissent le supporter... Quel plaisir de l'entendre dans ce très lumineux Raga Bhinna Shadja et deux compositions en Chautal puis en Sultal !

Salle Colonne — 2013-10-06

Michel Bernier, clarinette

Marie-Claude Bantigny, violoncelle

Carole Villiaumey, piano

Trio pour clarinette, violoncelle et piano en la mineur, op. 114 (Brahms)

Pierre Hamel, violon

Nachtgesang pour piano clarinette, violon et violoncelle (Hersant)

Ching Yun Tu, violon

Mathieu Rolland, alto

Quintette pour clarinette et cordes en si mineur, op. 115 (Brahms)

Magnifique interprétation du Quintette pour clarinette et cordes de Brahms !

Opéra Garnier — 2013-10-10

Frédéric Chopin, musique

John Neumeier, chorégraphie et mise en scène (1978)

Jürgen Rose, décors et costumes

Rolf Warter, lumières

Victor Hughes, assistant du chorégraphe

Claude de Vulpian, répétitions

James Tuggle, direction musicale

Emmanuel Strosser, piano

Frédéric Vaysse-Knitter, piano

Agnès Letestu, Marguerite Gautier

Stéphane Bullion, Armand Duval

Michaël Denard, Monsieur Duval

Nolwenn Daniel, Prudence Duverney

Laurent Novis, Le Duc

Christine Peltzer, Nanine, la servante de Marguerite

Simon Valastro, Le Comte de N

Frédéric Vaysse-Knitter, Un pianiste

Eve Grinsztajn, Manon Lescaut

Christophe Duquenne, Des Grieux

Léonore Baulac, Olympia

Nicolas Paul, Gaston Rieux

Ballet de l'Opéra

Orchestre de l'Opéra national de Paris

La dame aux camélias, ballet en un prologue et trois actes d'après le roman d'Alexandre Dumas fils

J'ai vu trois représentation de cette série de représentations de La Dame aux camélias de Neumeier (déjà vu en 2010). La scénographie est plus classique que dans mon souvenir et la musique de Chopin, à force d'être répétée, me paraît presqu'insupportable. Dans les rôles principaux, le couple Eleonora Abbagnato/Benjamin Pech n'était vraiment pas exaltant. Celui formé par Hervé Moreau et Aurélie Dupont au regard captivant d'autorité était au contraire bouleversant ! S'il m'a un peu moins touché, j'ai aussi apprécié celui formé par Agnès Letestu et Stéphane Bullion. Ce dernier était absolument déchaîné. Le temps d'un solo, j'ai eu l'impression que c'était Ivan Vasiliev qui virevoltait sur scène. J'ai eu malheureusement trop peu d'occasions de voir Agnès Letestu dans de grands ballets pour retenir d'elle de grands souvenirs et de grandes émotions alors qu'elle faisait ses adieux. Les saluts furent néanmoins émouvants, notamment du fait de la présence de José Martinez.

Salle Pleyel — 2013-10-15

Russian National Orchestra

Mikhaïl Pletnev, direction

Le Retour de Lemminkäinen (Sibelius)

Gidon Kremer, violon

Concerto pour violon en ré mineur, op. 47 (Sibelius)

Symphonie nº2, Rachmaninov

Vocalise, Rachmaninov

Je ne suis vraiment pas fan du violoniste Gidon Kremer. Par contre, j'ai beaucoup aimé le Russian National Orchestra et dans le concerto pour violon de Sibelius, j'avoue avoir souvent préféré concentrer mon attention sur l'arrière-plan orchestral que sur le jeu du soliste.

Salle Pleyel — 2013-10-26

Gewandhausorchester Leipzig

Riccardo Chailly, direction

Julian Rachlin, violon

Enrico Dindo, violoncelle

Double concerto pour violon et violoncelle, Brahms

Symphonie nº1, Brahms

Le programme de la Salle Pleyel de ce mois d'octobre permettait d'entendre de grands orchestres étrangers. Quelques jours plus tôt, j'ai entendu le Russian National Orchestra et plus tard j'entendrai le Budapest Festival Orchestra. Intercalé entre les deux, j'ai découvert le Gewandhausorchester Leipzig, dirigé par Riccardo Chailly. Je n'ai pas très bien compris les quelques huées qui furent semble-t-il destinées au violoniste Julian Rachlin, qui remplaçait Leonidas Kavakos, souffrant. J'ai pour ma part bien aimé le double concerto pour violon et violoncelle (Enrico Dindo), mais la partie la plus mémorable du concert est intervenue après l'entr'acte, avec une interprétation de la Première symphonie de Brahms qui m'a mis d'un rare état d'exaltation...

Salle Pleyel — 2013-10-29

Budapest Festival Orchestra

Iván Fischer, direction

Threnos in memoriam Béla Bartók (Sándor Veress)

Maria João Pires, piano

Concerto pour piano nº4 (Beethoven)

Impromptu op. 142 nº2 (Schubert)

Symphonie nº8 (Dvořák)

Valse (Takemitsu)

Danse hongroise nº1 (Brahms)

Magnifique concert du Budapest Festival Orchestra. Le plus grand frisson de la soirée est venu avec l'interprétation de la Symphonie nº8 de Dvořák !

Cité de la musique — 2013-10-30

Chamber Orchestra of Europe

Jaap van Zweden, direction

La Nuit transfigurée, op. 4, version pour orchestre à cordes (Schönberg)

Hilary Hahn, violon

Concerto pour violon, op. 14 (Barber)

Symphonie nº9 en mi bémol majeur, op. 70 (Chostakovitch)

Avec le Chamber Orchestra of Europe, on s'attend à de l'inoubliable (cf. ici ou ). Ce soir-là, ce ne fut que bon. Je n'ai pas aimé la direction de Jaap van Zweden dans La Nuit transfigurée. Aucun frisson autour de la mesure 100. Des nuances parfois excessivement piano. En effet, comme malheureusement presque toutes les salles de concert parisiennes, la Cité de la musique présente le défaut d'émettre un petit bruit de fond, même en l'absence de son émis par les musiciens ou les spectateurs. À partir du jour où je l'ai remarqué, j'ai commencé à le trouver insupportable pendant les silences orchestraux. C'est une chose que l'on entende un bruit de fond pendant les silences, mais c'en est une autre que ce bruit de fond couvre la musique des instruments à cordes comme ce fut le cas par moments.

Après avoir entendu récemment une autre interprétation de La Nuit transfigurée par les Berliner Philharmoniker dirigés par Simon Rattle, je mesure rétrospectivement le privilège que j'ai eu d'avoir découvert cette œuvre avec Pierre Boulez.

Le concerto pour violon de Barber interprété par l'orchestre et Hilary Hahn m'a paru plus convaincant et après l'entr'acte, la Symphonie nº9 de Chostakovitch le fut plus encore !

Opéra Garnier — 2013-10-31

Saburo Teshigawara, chorégraphie, musique, scénographie, costumes et lumières

Tim Wright, Akira Oishi, éléments sonores

Daniel Burke / Illusion of Safety, musique additionnelle (Dissenting Voices, extrait de Water Seeks Its Own Level, Finite Material Context / Silent Record, 1994)

Rihoko Sato, assistante du chorégraphe

Sergio Pessanha, assistant lumières

Kazuomi Kurosawa, assistant technique

Aurélie Dupont, Jérémie Bélingard, Nicolas Le Riche

Darkness is hiding black horses (création)

Trisha Brown, chorégraphie (1979)

Robert Rauschenberg, photographies, scénographie et costumes

Beverly Emmons, lumières

Lisa Kraus, Carolyn Lucas, assistantes de la chorégraphe

Laurence Laffon, Caroline Robert

Letizia Galloni, Juliette Hilaire, Miho Fuji

Glacial Decoy

Chant traditionnel géorgien et madrigaux de Carlo Gesualdo (IV et XVII du livre VI), Claudio Monteverdi (extraits du IIe et IIIe livres)

Jiří Kylián, chorégraphie

Michael Simon, scénographie et lumières

Joke Visser, costumes

Patrick Delcroix, assistant du chorégraphe

Kees Tjebbes, assistant technique et réalisation lmières

Images en direct réalisées par le Service vidéo de l'Opéra

Maud Gnidzaz, soprano

Hannah Morrison, soprano

Lucile Richardot, contralto

Sean Clayton, ténor

Lisandro Abadie, baryton basse

Stéphanie Leclerq, contralto (chant grégorien)

Marcio Soares Holanda, ténor (chant grégorien)

Julien Neyer, baryton basse (chant grégorien)

Les Arts Florissants

Paul Agnew, direction musicale

Eleonora Abbagnato, Vincent Chaillet

Alice Renavand, Stéphane Bullion

Doux mensonges

Je me suis beaucoup ennuyé en regardant les deux premiers ballets. Certes, Nicolas Le Riche a dansé dans le ballet de Teshigawara, mais ce n'est pas en soi suffisant pour rendre une chorégraphie intéressante. La création de ce ballet a été très froidement accueillie par le public. Je n'ai pas du tout accroché à Glacial Decoy de Trisha Brown, mais pour sauver ce programme de ballet, il y avait heureusement Doux mensonges de Jiří Kylián dans lequel deux couples évoluent entre la scène et les sous-sols de Garnier, tandis que des chanteurs des Arts Florissants interprètent de magnifiques madrigaux.

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La Chidambaram Dance Company à Paris

2013-12-12 10:30+0100 (Orsay) — Culture — Musique — Danse — Danses indiennes — Culture indienne

La compagnie de danse “Chidambaram”, basée à Chennai, a passé quelques jours à Paris au mois de novembre. Cela m'a donné l'occasion de voir un programme pour un ensemble de six danseurs au musée Guimet et deux récitals au Centre Mandapa par une des danseuses de la compagnie (Arupa Lahiry) et sa directrice (Chitra Visweswaram).

Auditorium du Musée Guimet — 2013-11-16

Chidambaram Dance Company

Arupa Lahiry, Sai Santosh Radhakrishnan, Sharma Viswanath, Jai Quehaeni Reddy, Gayathri Rajaji, Divya Shruti, bharatanatyam

Chitra Visweswaram, chorégraphies

R. Visweswaram, G. N. Balasubramaniam, musique

Sukanya Ravindhar, nattuvangam

B. Srikanth, chant

Venkatasubramaniam, mridangam

R. Thiagarajan, flûte

Anubhuti

Trimurti — anjali

Keertanam — Saama Gaana Lole

Navarasa varnam

Abhinaya — Dasar Kreeti

Thillana

Ce programme intitulé Anubhuti était pour moi une première, parce que je n'avais jamais vu de pièces de bharatanatyam véritablement conçues pour un ensemble de danseurs. Après une introduction musicale mettant en valeur le flûtiste et le chanteur, la première pièce Anjali a commencé par un Ragam interprété par le flûtiste. Les danseurs (cinq danseuses et un danseur) sont ensuite entrés en scène. Ils ont commencé par un passage de danse pure synchronisée. L'originalité de la chorégraphie m'a semblé plus flagrante dans les passages évoquant les divinités de la Trimurti. Je n'ai pas reconnu celui consacré à Brahma, mais j'ai bien reconnu Vishnu couché sur le serpent Shesha et ai particulièrement apprécié le passage consacré à Shiva. Il apparaissait sous sa forme de Seigneur de la danse (Nataraja). Le danseur de la compagnie jouait son rôle tandis que les autres danseuses s'organisaient autour de lui de façon à créer une image saisissante. Une des danseuses était ainsi au sol et jouait le rôle du démon de l'ignorance Apasmara qui est écrasé par le pied droit de Nataraja. Une autre danseuse était située à la gauche de Shiva et représentait vraisemblablement Parvati.

La deuxième pièce était consacrée à la forme androgyne Ardhanarishwara (mi-Shiva mi-Parvati). Elle était conçue de façon cyclique, s'ouvrant et se refermant sur l'image de Sarasvati jouant de sa vînâ. La chorégraphie rend hommage à la musique en louant la beauté du son et en évoquant plusieurs instruments de musique comme la vînâ, la flûte et aussi semble-t-il le violon. Le cœur de la pièce évoque les aspects féminins et masculins d'Ardhanarishwara, évoqués respectivement par une danseuse et un danseur. Les attributs usuels de Shiva sont évoqués comme le serpent, le tambour Damaru et surtout la chevelure que la chorégraphe Chitra Visweswaram a une façon bien particulière de représenter par de vifs mouvements dyssymétriques.

La pièce principale du programme est un Navarasa varnam dont le thème principal est celui de la Déesse. Le titre Navarasa renvoie aux neuf saveurs ou sentiments mis en valeur dans les différents épisodes constituant ce Varnam : courage, amour, émerveillement, rire, dégoût, colère, peur, compassion, paix. Je suis particulièrement saisi pendant le premier passage de danse pure par la vigueur des frappes de pieds synchronisées des cinq danseurs présents sur scène à ce moment. La première partie narrative représente la courageuse déesse Meenakshi sous la forme d'une guerrière qui sait monter à cheval et décocher des flèches avec son arc. La deuxième évoque une femme (Parvati) brûlant d'amour pour Shiva dont la chorégraphie évoque son chignon tressé, les cendres dont il est couvert, ses marques horizontales sur le front ainsi que son tambour Damaru. Plus loin, alors que Parvati se comporte comme une servante auprès de lui, l'ascèse de Shiva est perturbée par une flèche d'amour lancée par Kama et il le réduit en cendres. Plus loin, le dieu de la mort tente d'étouffer le jeune Markandeya, lequel est sauvé par Shiva en récompense de sa dévotion (un épisode que j'avais déjà vu dans le récital de Janaki Rangarajan). Ces passages étaient particulièrement saisissants et l'utilisation de plusieurs danseurs pour représenter chacun des rôles était très convaincante. Je n'ai pas identifié tous les épisodes narratifs suivants, mais dans la suite j'ai particulièrement aimé l'évocation de Shiva sous le nom de Nilakantha (qui boit du poison pendant le barattage de la mer de lait), la représentation de l'adoration de la déesse et la fin apaisée de cette pièce.

La pièce principale de ce récital Navarasa varnam m'a semblé particulièrement réussie dans la mesure où l'impression produite par l'ensemble des danseurs était sans doute supérieure à celle qu'aurait pu produire chaque danseur individuellement. La pièce suivante mettait davantage en valeur les qualités individuelles de quatre danseuses. Des danseuses qui pouvaient paraître assez discrètes dans les ensembles précédents m'ont paru étonnamment à l'aise dans les solos narratifs constituant cette pièce. Le thème de cette pièce est Krishna. La musique de Purandara Dasa est connue, je suis certain d'avoir déjà entendu le refrain qui se transcrit plus ou moins en Shikavane Ivanu. Chacune des danseuses incarnait une femme confrontée à la nature divine de Krishna rendue malicieusement innocente dans la personne d'un enfant espiègle. La première le grondait parce qu'il lui demandait comment naissent les enfants. La deuxième se fait enlacer par lui alors qu'elle portait des jarres pleines d'eau. Une troisième se fait chiper du beurre qu'elle vient de baratter. La quatrième (interprétée par Arupa Lahiry) couche l'enfant, s'endort, rêve qu'elle passe la nuit avec lui et comprend à son réveil que son rêve a été influencé par Krishna dont elle tenait la main. À la fin de son solo, chaque danseuse venait se joindre aux précédentes sur la droite de la scène dans des postures suggérant la dévotion et l'émerveillement devant les qualités du jeune enfant Krishna.

Le récital s'est conclu par un Thillana interprété par les six danseurs de la compagnie. La délicieuse musique de cette pièce a été composée par le chanteur R. Visweswaram dont Chitra Visweswaram est la veuve. La présentation de la pièce évoque une fusion de la musique et de la danse. J'ai particulièrement apprécié le moment où il est fait hommage aux notes (Swaras) de la gamme, qui m'ont semblé comme incarnées par les différents danseurs.

Lors des saluts, Chitra Visweswaram qui avait assisté au spectacle depuis le premier rang est montée sur scène. Il fallait vraiment la voir lancer des fleurs à ses danseurs pour les féliciter. Les fleurs n'étaient pas réelles, elle utilisait le mudra Alapadma, mais d'une façon tellement énergique que l'illusion était parfaite.

Centre Mandapa — 2013-11-18

Arupa Lahiry, bharatanatyam

Chitra Visweswaram, chorégraphies

Descente de Ganga

Varnam (Raga Charukesi) (composé par Lalgudi Jayaraman)

Padam

Tillana (Raga Rasikapriya) (composé par R. Visweswaram)

Une des danseuses qui m'avaient particulièrement impressionné lors du programme de la Chidambaram Dance Company dansait deux jours plus tard au Centre Mandapa. J'avais bien envie d'y aller, mais j'avais déjà prévu d'aller écouter Written on Skin à l'Opéra Comique. Quand je suis arrivé dans la salle, à une place aveugle sans l'opportunité de replacement qui s'était fait habituelle dans cette salle, j'ai passé un coup de fil au Centre Mandapa pour me réserver une place et j'ai filé.

Après une introduction musicale, la danseuse est venue interpréter une première pièce. C'est celle qui m'a le plus marqué. Je l'avais d'ailleurs déjà vue sur cette vidéo :

Grâce au texte chanté et à la chorégraphie, j'avais reconnu qu'il était question des trois dieux de la Trimurti (à partir de 4') : Brahma (Pitamaha : l'Aïeul, dont la chorégraphie dit qu'il a quatre têtes), Vishnu (sur le serpent Shesha) et Shiva. La chorégraphie évoque ensuite la rivière Ganga, mais j'ignorais la raison pour laquelle ces trois dieux lui étaient associés ici. C'est devenu plus clair quand la danseuse a introduit la pièce avant de l'interpréter. Brahma est celui qui verse l'eau de la Ganga, laquelle tombe sur le pied de Vishnu avant de se perdre dans la chevelure de Shiva. Elle paraît alors sous la forme d'une jeune femme qui prend le nom de Bhagirathi suite à l'ascèse de Bhagiratha (qui réclamait que les cendres des 60000 fils de Sagara soient purifiées). J'ignorais que parmi les légendes liées à la descente de Ganga sur terre, ils s'en trouvaient qui fissent intervenir non seulement Shiva, mais aussi Brahma et Vishnu. Cela fut pour moi une belle découverte.

La pièce principale du récital était un Varnam évoquant une jeune femme se languissant de Krishna aux yeux de lotus. Elle lui est dévouée, exécutant des rites d'adoration d'une statue le représentant qu'elle orne d'une guirlande de fleurs. Cependant, elle lui reproche de ne pas venir la voir. Elle brûle d'amour pour lui. Elle aime le son de sa flûte. La pièce semble se terminer par une évocation de la danse Rasalila dans laquelle les bouvières (gopis) dansent avec Krishna.

La pièce suivante a été un magnifique Padam, un des types de pièces de bharatanatyam que j'affectionne le plus. Comme le sentiment d'amour (Shringara rasa) a été magnifiquement mis en valeur dans cette pièce par la danseuse ! La jeune femme se souvient du moment où, autrefois, le jeune Muruga (Kartikeya) l'avait enlacée. Ayant épousé Valli et Deivayani, l'aurait-il oubliée ? La pièce de forme cyclique se termine comme elle avait commencée par l'image de la jeune femme rêvassant.

Ce très beau récital s'est terminé par le même Tillana que deux jours plus tôt, interprété par la seule Arupa Lahiry. La musique étant enregistrée, je soupçonne que la voix était celle du défunt R. Visweswaram, ce qui n'était pas pour me déplaire.

Centre Mandapa — 2013-11-19

Chitra Visweswaram, bharatanatyam

Sukanya Ravindhar, nattuvangam

B. Srikanth, chant

Venkatasubramaniam, mridangam

R. Thiagarajan, flûte

Prière chantée

Ardhanarishwara

Theruvil Varanu

Ashtapati

(Scène de jalousie)

Jagadotarana

Le lendemain, un colis suspect bloque la station de RER B Orsay-Ville. Je me dirige à pieds vers la station suivante (Le Guichet) où j'entends que le trafic est coupé jusqu'à Lozère. Je continue jusqu'à cette station où je dois encore attendre assez longtemps avant de pouvoir monter dans un RER. Un collègue arrivera juste à temps pour le coup d'envoi du match France-Ukraine au Stade de France et de mon côté, grâce à la bonne heure de marge que j'avais prévu, je suis arrivé tout juste à 20h30 au Centre Mandapa après avoir couru depuis le métro, et le temps de saluer une de mes danseuses préférées dans le hall, puis Arupa Lahiry (qui avait dansé la veille), j'entrai dans la salle bien pleine. Je choisis donc de me déchausser et de m'asseoir sur le dernier coussin disponible tout devant.

Le spectacle commence par une prière chantée (à Ganesh ?). Malgré l'exiguïté de la scène, les musiciens de la Chidambaram Dance Company ont pris place sur la gauche de la scène. Je n'ai pas vu de micro, cela devait donc être une des premières fois que j'aie entendu de la musique carnatique non amplifiée.

Le programme de danse est entièrement constitué de pièces de pur Abhinaya : les pièces sont narratives et ne laissent aucune place à la danse pure ou à la virtuosité. Le costume de Chitra Visweswaram est un peu négligé (pas très bien repassé). Peu importe, ce qui compte, ce sont les émotions qu'elle va exprimer dans son programme.

La première pièce est centrée sur Ardhanarishwara, la forme androgyne mi-Shiva mi-Parvati. La danseuse évoque le tambour Damaru, le serpent, etc, pour la moitié Shiva et pour l'autre moitié, elle met surtout en valeur la féminité en utilisant l'attitude typique correspondante. La pièce met aussi en scène la déesse Sarasvati et des rites d'adoration des divinités.

Dans la deuxième pièce Theruvil varanu, une jeune femme est amoureuse de Shiva. Elle attend, elle pense qu'il va venir...

Pour moi, le moment le plus intense du récital est intervenu avec la troisième pièce intitulée Ashtapadi. Elle mettait en scène différentes phases que peut prendre l'amour d'une jeune femme (pour Krishna). La chorégraphie évoque le printemps, les abeilles qui butinent, des offrances de fleurs, l'ivresse procurée par le sentiment amoureux, mais aussi le désespoir de la séparation, le dégoût qu'elle engendre, et enfin d'heureuses retrouvailles avec Krishna, représenté en flûtiste. Cela a été une des pièces de bharatanatyam les plus émouvantes que j'aie eu l'occasion de voir.

La pièce suivante évoquait le sentiment de jalousie d'une femme qui observe avec mépris sa rivale qui aurait reçu de beaux vêtements de son amant.

Le récital s'est conclu avec Jagadotarana que Chitra Visweswaram a dansé assise sur un tabouret. Il m'est difficile de résumer cette pièce exaltant les sentiments maternels de Yashoda pour l'espiègle Krishna. Elle commençait par le sommeil de Krishna bercé par Yashoda. Divers épisodes de la vie du jeune garçon étaient ensuite évoqués, mais j'y ai été globalement moins réceptif, la narration n'étant pas assez lisible pour que je puisse la bien comprendre.

Le public n'a pas réussi à obtenir un bis de la danseuse, celle-ci expliquant qu'on ne pouvait plus rien danser après Jagadotarana...

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Le vite dit de septembre 2013

2013-12-09 09:57+0100 (Orsay) — Culture — Musique — Opéra — Danse — Culture indienne — Dhrupad

Il n'arrive pas vraiment en avance, mais voici le vite dit de septembre, un mois au cours duquel outre les spectacles mentionnés ci-dessous j'ai aussi eu l'occasion de voir la magnifique danseuse Janaki Rangarajan :

Salle Pleyel — 2013-09-01

Berliner Philharmoniker

Sir Simon Rattle, direction

La Nuit transfigurée, op 4, version pour orchestre à cordes de 1943 (Schönberg)

Barbara Hannigan, soprano

Trois Fragments de Wozzeck, pour voix et orchestre (Berg)

Le Sacre du Printemps, édition révisée de 1947 (Stravinski)

Formidable concert ! Grâce à un ami, j'ai pu assister à ce concert de l'Orchestre Philharmonique de Berlin. Les solos des musiciens de l'orchestre étaient magnifiques, mais collectivement, l'ensemble n'était qu'excellent, alors qu'avec un orchestre de cette réputation, je m'attendais à ce que ce soit inoubliable. Je n'ai pas autant vibré pendant La Nuit transfigurée que lorsque j'avais vu Pierre Boulez la diriger. Tel moment palpitant (autour de la mesure 100) sous la direction de Boulez me paraissait tout plat avec Simon Rattle, comme s'il n'avait pas lu le Molto rit.. En revanche, quel plaisir d'entendre Barbara Hannigan interpréter Berg avec une telle beauté de chant, une aussi remarquable technique et une si grande conviction !

Salle Pleyel — 2013-09-12

Philippe Aïche, violon solo

Orchestre de Paris

Paavo Järvi, direction

Orages, ouverture de concert pour orchestre, op. 93, Bechara El-Khoury

Janine Jansen, violon

Concerto pour violon nº2 (Prokofiev)

Mélodie (Tchaikovski)

Mari Eriksmoen, soprano

Max Emanuel Cencic, contre-ténor

Ludovic Tézier, baryton

Chœur de l'Orchestre de Paris

Lionel Sow, chef de chœur

Maîtrise de Paris

Patrick Marco, chef de chœur

Carmina Burana, “Cantiones profanae” pour soprano, ténor, baryton, chœur mixte, chœur d'enfants et orchestre, Carl Orff.

Comme je m'étais rendu compte du fait que je n'aurais sans doute pas d'autre occasion d'entendre Janine Jansen cette année, j'avais réservé une place pour ce concert un peu au dernier moment, et une opportunité d'assister à ce concert depuis le tout premier rang s'est présentée. Je n'ai pas été déçu ! Je ne saurais dire si je l'ai préférée à Lisa Batiashvili. Elles ont toutes les deux été magnifiques dans ce concerto nº2 de Prokofiev ! A priori, je me serais bien dispensé d'écouter Carmina Burana, mais j'ai bien fait de ne pas partir à l'entr'acte. L'orchestre et le chœur étaient en très bonne forme, mais mon plus grand plaisir est venu des solistes, Max Emanuel Cencic, Ludovic Tézier et surtout Mari Eriksmoen dont le chant d'extase, cette redoutable acrobatie vocale, m'a paru superbe.

Opéra Garnier — 2013-09-19

Yann Beuron, Admète

Sophie Koch, Alceste

Jean-François Lapointe, Le Grand Prêtre d'Apollon

Franck Ferrari, Hercule

Stanislas de Barbeyrac, Evandre/Coryphée ténor

Marie-Adeline Henry, Coryphée soprano

Florian Sempey, Apollon/Un Héraut/Coryphée basse

François Lis, Une Divinité Infernale/L'Oracle

Manuel Nunez-Camelino, Coryphée Alto

Marc Minkowski, direction musicale

Olivier Py, mise en scène

Pierre-André Weitz, décors et costumes

Bertrand Killy, lumières

Pierre Dumoussaud, chef de chœur

Chœur et Orchestre des Musiciens du Louvre-Grenoble

Alceste, Gluck

Mise en scène sobre d'Olivier Py avec décors et costumes en noir et blanc. Les décors sont dessinés en direct à la craie par des artistes dont les noms ne sont scandaleusement pas mentionnés dans la feuille de distribution. Quelques très beaux moments choraux. Des musiciens du Louvre-Grenoble plutôt inspirés. De très bons chanteurs (notamment les quatre coryphées). Alors que ma place ne me permet pas d'apercevoir les surtitres, je m'étonne de comprendre presque tout le texte (racontant le mythe assez peu exaltant d'Alceste). Le point noir de la distribution est Sophie Koch, dont le français chanté est incompréhensible. (Même en me contorsionnant pour voir les surtitres, ce que je lis ne semble pas correspondre à ce que j'entends.)

Cité de la musique — 2013-09-20

Alexandre Astier, écriture et interprétation

Jean-Christophe Hembert, mise en scène

Seymour Laval, scénographie, lumières

Anne-Gaëlle Daval, costumes

François Vatin, création son

Jean-Charles Simon, voix

Rémi Vander-Heym, régie lumières

François Vatin, régie son

Yannick Bourdelle, régie plateau

Thierry Cabecas, régie

Que Ma Joie Demeure !

J'ai été content d'assister à ce charmant spectacle musical d'Alexandre Astier autour de la vie de Bach. Malheureusement, j'avais eu l'occasion de visionner quelques extraits du spectacle et connaissais donc déjà pas mal de gags, ce qui gâche un peu le plaisir...

Cité de la musique — 2013-09-27

Ensemble Intercontemporain

Matthias Pintscher, direction musicale

Fuga (ricercata) a 6 voci, extrait de L'Offrande musicale, BWV 1079, Johann Sebastian Bach/Anton Webern

Claire Booth, soprano

Gordon Gietz, ténor

Gilbert Nouno, Carl Faia, réalisation informatique musicale IRCAM

Franck Rossi, ingénieur du son IRCAM

Two Interludes and a Scene for an Opera (Jonathan Harvey)

Pierre Strauch, violoncelle

Sonate pour violoncelle seul (Bernd Alois Zimmermann)

Bereshit (Matthias Pintscher)

Je garde deux souvenirs de ce concert. Le premier concerne les extraits d'un opéra de Jonathan Harvey intitulé Wagner Dream et inspiré par le projet de Wagner de composer un opéra Vainqueurs sur un thème bouddhiste. À la scène peu exaltante faisant intervenir Prakriti et Ananda j'ai nettement préféré les interludes orchestraux qui l'entouraient. L'autre souvenir est celle de la Sonate pour violoncelle seul de B. A. Zimmermann. J'y ai rencontré une des limites de mes possibilités d'écoute de la musique contemporaine. En la voyant, j'ai eu l'impression d'assister à une séance de torture de violoncelle par Pierre Strauch (qui n'utilisait pas son instrument design habituel). Mon écoute était complètement perturbée par cette vision. Quand j'ai écouté l'enregistrement sonore lors d'une diffusion sur France Musique, l'œuvre et l'interprétation m'ont paru bien plus agréable à écouter...

Ailleurs : Bladsurb.

Théâtre des Champs-Élysées — 2013-09-29

Emmanuel Pahud, flûte

Maja Avramovic, violon

Joaquín Riquelme García, alto

Stefan Koncz, violoncelle

Quatuor avec flûte en ut majeur, KV 285B, Mozart

Sonata a quattro nº2 en la majeur, Rossini

Quatuor avec flûte en sol majeur, KV 285A, Mozart

Sonata a quattro nº1 en sol majeur, Rossini

Quatuor avec flûte en ré majeur, KV 285, Mozart

Ravissant concert de musiciens berlinois autour du flûtiste Emmanuel Pahud ! La grande découverte de ce concert a été pour moi celle du violoncelliste Stefan Koncz (qui a fait l'objet d'une chouchouscopie du Klariscope). Avec ses merveilleux et variés pizz. et son entente avec les autres musiciens, il a contribué à faire de la Sonata a quattro nº2 de Rossini le point culminant de ce concert.

Chez Véronique — 2013-09-29

Nirmalya Dey, chant dhrupad

Céline Wadier, tampura, chant dhrupad

Gérard Hababou, pakhawaj

Raga Multani

Raga Malkauns

Nirmalya Dey, un des tout meilleurs chanteurs de dhrupad était présent à Paris pour un concert donné dans un appartement où une foule de spectateurs s'étaient rassemblés (soit une petite cinquantaine). Quelques jours avant, j'ai eu la chance de pouvoir prendre un cours particulier avec lui sur le Raga Puriya (et ce ne sera sans doute pas le dernier...). J'ai tout particulièrement aimé ses Alap. Quand j'écoute de la musique classique occidentale, même sans avoir une connaissance préalable de l'œuvre jouée, il m'arrive très souvent de m'attendre à ce qui se passe quelque chose d'assez précis, comme la reprise d'une phrase, une montée ou une baisse de tension ou plus simplement la fin d'un morceau ; dans les secondes qui suivent, je suis soit flatté quand la prédiction s'avère juste soit surpris quand le compositeur avait prévu autre chose. Je commence à avoir entendu et pratiqué assez le chant dhrupad pour commencer à avoir de telles attentes, même dans les sections improvisées qui constituent un Alap. J'ai ainsi eu le sentiment que Nirmalya Dey cherchait parfois à créer une attente chez l'auditeur, notamment dans sa façon de jouer les notes proches des notes très stables comme Sa (tonique) ou Pa (dominante). Le premier Raga (Multani) comportait un Tivra Ma et un Shuddh Ni (respectivement un demi-ton en dessous du Pa et du Sa). Dans son exploration du Raga, le chanteur est resté plusieurs fois de façon prolongée sur ces notes qui ne sont pas les plus consonnantes, créant une tension qu'il pouvait libérer en finissant sa phrase avec la note très consonnante voisine ou au contraire prolonger en redescendant sur des notes plus basses avant de prochains assauts. J'ai pris un certain plaisir à voir mes attentes surprises ou au contraire contrariées.

Je crois me souvenir que la composition sur la Raga Multani était en Chautal (12 temps). Ce même Tala était utilisé dans la première composition sur le Raga Malkauns, que je n'ai pas reconnu avant que le chanteur ne commence une deuxième composition Shankara Girija Pati (Sultal, 5 ou 10 temps suivant comment on compte...) que je connaissais pour l'avoir un tout petit peu pratiquée.

Opéra Bastille — 2013-09-30

Ricarda Merbeth, Emilia Marty

Atilla Kiss-B, Albert Gregor

Vincent Le Texier, Jaroslav Prus

Jochen Schmeckenbecher, Dr Kolenaty

Andreas Conrad, Vitek

Andrea Hill, Krista

Ladislav Elgr, Janek

Ryland Davies, Hauk-Sendorf

Susanna Mälkki, direction musicale

Krzyzstof Warlikowski, mise en scène

Małgorzata Szczęśniak, décors et costumes

Denis Guéguin, vidéo

Felice Ross, lumières

Miron Hakenbeck, dramaturgie

Alessandro Di Stefano, chef du chœur

Orchestre et Chœur de l'Opéra national de Paris

Věc Makropoulos, Janáček

Le livret de cette Affaire Makropoulos m'a paru assez confus. La belle mise en scène de Krzyzstof Warlikowski qui transpose ce cas dans le monde du cinéma n'aide pas vraiment à caractériser les différents personnages secondaires. Je m'attendais à apprécier la musique puisqu'il s'agit d'un opéra de Janáček, mais je ne pensais pas prendre un tel plaisir à l'écoute de l'Orchestre de l'Opéra. Mille mercis à Susanna Mälkki pour son exaltante direction musicale !

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Sangama de Shantala Shivalingappa à l'Onyx

2013-12-02 11:39+0100 (Orsay) — Culture — Danse — Danses indiennes — Culture indienne

Onyx, Saint-Herblain — 2013-11-09

Shantala Shivalingappa, interprétation, chorégraphie, direction artistique

Savitry Naïr, conseillère artistique

Ezra Belotte-Cousineau, création film

Nicolas Boudier, lumières et direction technique

Shantala Shivalingappa, Nicolas Boudier, espace scénique

Denis Chapellon, régie générale et lumières

Baptiste Klein, régie vidéo et son

B. P. Haribabu, natuvangam (cymbales) et pakhawaj (percussions)

J. Ramesh, chant

N. Ramakrishnan, mridangam (percussions)

K. S. Jayaram, flûte

Sangama (kuchipudi)

  • Prière chantée à Vani, déesse des arts
  • Ganapati Vandana
  • Tarangam (dédié à Shiva)
  • Tani-Dvayam (duo rythmique)

Shantala Shivalingappa, chorégraphie

“De Bois”, Felix-Antoine Coutu et Jean-Michel Coutu, musique

Medley

Sidi Larbi Cherkaoui, chorégraphie

Olga Wojciechovska, musique (Olga Wojciechovska (violon), Tsubasa Hori (piano), Gabriele Miracle (percussions))

Flare (extrait de Play)

Pina Bausch, chorégraphie

Ferran Savall, voix et guitare

Pedro Estevan, percussions

Marion Cito, costume

Solo

Shantala Shivalingappa, chorégraphie

Shift

Il m'est déjà arrivé de prendre des TGV ou des avions pour assister à des opéras ou des concerts, mais la danse n'avait jamais constitué à elle seule le motif d'un de mes voyages avant le week-end du 11 novembre au début duquel j'ai fait un aller-retour à Nantes pour assister au programme Sangama de Shantala Shivalingappa.

Au cours de mes voyages en Inde, j'ai eu l'occasion de visiter le village de Devprayag et la ville d'Allahabad. Il s'agit de deux sites remarquables pour la confluence que l'on peut y observer entre deux rivières. Chacune de ces confluences est appelée Sangam. L'Alaknanda et la Bhagirathi se rejoignent à Devprayag pour former une rivière que l'on appelle Ganga à partir de cette confluence :

Photo 0147
Devprayag, confluence entre la Bhagirathi et l'Alaknanda donnant naissance à la Ganga

La Yamuna se jette dans la Ganga à Allahabad. Lors de l'Ardh Kumbh Mela de janvier 2007, des dizaines de millions de pélerins venaient se baigner à Allahabad. Sur la phographie ci-dessous, la Yamuna vient de la droite et la Ganga de la gauche :

Photo 206
Ardh Kumbh Mela, Allahabad

Si le titre du spectacle de danse de Shantala Shivalingappa s'appelle Sangama, c'est sans doute parce qu'y confluent la danse indienne kuchipudi dont Shantala Shivalingappa est spécialiste et la danse contemporaine qu'elle connaît aussi pour avoir travaillé avec plusieurs grands chorégraphes.

La salle de spectacle Onyx est située en périphérie de Nantes, à Saint-Herblain, entre un Ikea et un Decathlon. Cela reste accessible en tramway. Quand il fait déjà nuit et qu'il pleut, la salle de spectacle en forme de Kaaba imaginée par Jean Nouvel n'est pas très engageante :

Photo onyx
Onyx

Une fois passé le hall et les escaliers sombres et austères, les sièges de la salle paraissent très confortables, et mon placement idéal : la pente des gradins commençait au rang où je me trouvais, je pouvais ainsi voir les pieds de la danseuse qui resteraient cachés aux spectateurs de la poignée de rangs situés devant moi.

Venons-en au spectacle lui-même. Posé sur un petit socle suspendus depuis les cintres, une statue de Shiva-Nataraja est présente sur le côté droit de la scène. Les musiciens s'installent du côté gauche et interprètent une Prière chantée à Vani, déesse des Arts. Vani est un des noms de la déesse Sarasvati (cf. ce précédent billet). Les musiciens en charge de la partie mélodique sont un chanteur et un flûtiste. Pendant l'Alap du flûtiste, je m'émerveille des possibilités inattendues de cet instrument en terme de glissando.

La première pièce dansée est intitulée Ganapati Vandana. Cette pièce, comme les autres pièces de kuchipudi interprétées dans ce récital par Shantala Shivalingappa était déjà au programme de de son spectacle Svayambhu (que j'ai vu en 2010). J'ignore si les chorégraphies sont exactement les mêmes ou s'il s'agit de pièces nouvelles du même nom, en tout cas je n'ai pas eu d'impression de déjà-vu. Si la danse n'a peut-être pas changé, mon regard, lui, a indiscutablement évolué depuis trois ans ! Je suis immédiatement conquis par la gestuelle de la danseuse au sari violet qui a une délicieuse et inimitable façon de tourner sur elle-même. Elle évoque notamment les oreilles et la trompe de Ganesh, ainsi que sa démarche de pachyderme. La musique alterne entre poème et onomatopées rythmiques. Le sens de la pièce n'est jamais perdu de vue, même dans les passages qui s'approchent de la danse pure. Dans ces passages très rythmiques (appelés jati dans le bharatanatyam, j'ignore s'ils ont le même nom dans le kuchipudi), la musique est souvent composée par des vers du poème prononcés à une certaine vitesse par le chanteur et ce de façon synchronisée avec les mouvements rapides de la danseuse, lesquels ne sont pas dénués de signification, mais au contraire illustrent le sens du poème. Cela va un peu vite pour que je puisse tout suivre, mais en voyant cette pièce j'ai été plus d'une fois émerveillé par ce remarquable procédé. J'ai aussi été agréablement surpris de voir par moment la danseuse bouger ses lèvres pour prononcer silencieusement le texte du poème.

Comme dans Svayambhu, la pièce principale de ce récital est Tarangam, en l'honneur de celui qui est né de lui-même, ici Shiva. La pièce commence par un mantra sanskrit en l'honneur de Shiva sous le nom de Mahadeva. Dans la première pose qu'elle a présentée, la danseuse utilise ses deux mains pour évoquer le lingam de Shiva. De nombreux autres attributs seront évoqués, comme son chignon, son tambour Damaru, sa forme terrible Bhairava, sa forme ascétique, la descente de Ganga qui après être passée par le chignon de Shiva prend l'apparence d'une jeune femme. J'ai aussi aimé la façon de la danseuse de représenter le serpent qu'il porte avec cinq têtes (je ne connaissais pas cette représentation polycéphale sans doute liée au fait que cinq soit le nombre caractéristique de Shiva). La danseuse a aussi pris la forme de Shiva-Nataraja, et ce sans se limiter à la pose caractéristique associée puisqu'elle a développé sa danse très virile. Cette pièce a comporté une section de danse sur un plateau en laiton, une spécificité du style kuchipudi dans laquelle s'élabore un jeu de questions et réponses élaboré entre les cymbales et les mouvements de la danseuse. Les dernières minutes de la pièce m'ont particulièrement plu. Elles représentaient l'adoration joyeuse (bhakti) de Shiva, une forme du culte plus souvent associée à Krishna et que j'étais très content de voir ici associée à Shiva.

Après ces pièces de danse kuchipudi, les deux percussionnistes se sont livrés à un duo rythmique de toute beauté, sur le Tala Adi (à 8 temps) si je me souviens bien. Est projeté ensuite un film d'Ezra Belotte-Cousineau montrant des extraits de répétitions ou de représentations mettant en scène Shantala Shivalingappa seule ou avec d'autres danseurs et chorégraphes, notamment Sidi Larbi Cherkaoui. J'ai beaucoup de mal à m'émouvoir en visionnant de si courts extraits hors contexte. Ce n'est pas toutefois pas désagréable à regarder et ce d'autant plus qu'avant la fin de la projection la danseuse a paru derrière le rideau pour traverser la scène et commencer la partie danse contemporaine de son programme dont je ne suis pas tout à fait certain d'avoir parfaitement compris le découpage. D'après mes archives, il semblerait que j'aie déjà vu certaines de ces pièces en 2008 dans son programme Namasya, mais cela remonte à trop loin pour que j'en aie gardé un souvenir précis.

La première pièce (Medley ?) commence par un passage accompagné de deux percussionnistes et d'onomatopées rythmiques dans lequel les lumières ne laissent paraître que la silhouette de la danseuse. Ensuite, la musique se fait hispanisante et la chorégraphie me fait beaucoup penser à Pina Bausch, quoique les mains de la danseuse utilisent des codes indiens (comme le mudra Alapadma) ; la danseuse m'a paru extrêmement investie dans ce passage très convaincant.

À partir du moment où la danseuse passe résolument au sol et utilise des mouvements pouvant faire penser au hip hop (sans le côté acrobatique), je crois pouvoir penser que l'on est passé à Flare de Sidi Larbi Cherkaoui, la pièce qui m'a le moins convaincu. Cela dit, il m'est toujours difficile d'accrocher à des pièces aussi courtes extraites de programmes plus élaborés (en l'occurrence Play, cf. ce billet de Bladsurb qui l'a vu en entier), puisque j'ignore le sens qu'elle avait (ou non) dans l'ensemble.

La pièce qui suit ne peut semble-t-il pas être attribuée à 100% à Pina Bausch, mais plus vraisemblablement à travail commun de la danseuse et de la chorégraphe. Ce Solo est en effet très indo-bauschien, des mouvements de mains très indiens étant incorporés au style de la chorégraphe allemande. À cette très belle pièce s'enchaîne une autre, Shift, chorégraphiée par la danseuse elle-même. La danseuse abandonne la robe noire qu'elle portait pendant le Solo de Pina Bausch pour interpréter sa pièce dans le silence, puis en musique. La danseuse y évoque notamment une femme qui se regarde dans un miroir. Cette chorégraphie est la plus influencée par le kuchipudi.

Si j'aurais peut-être préféré voir un peu plus de kuchipudi, j'ai été néanmoins content de voir ces pièces de danse contemporaine, toutes exécutées avec engagement par la danseuse.

J'ai déjà dit plus haut que la salle n'est pas très accueillante extérieurement. Le hall est sombre et les escaliers conduisant à la salle un peu branlants, mais l'accueil y est néanmoins très chaleureux. Un petit buffet était même prévu pour les spectateurs à la fin du spectacle ! Comme le programme distribué mentionnait une rencontre avec les artistes à l'issue de la représentation, je suis resté dans le hall, qui s'est vidé progressivement. Quand j'ai posé la question, une employée de la salle m'a dit que la rencontre étant semble-t-il annulée, mais elle m'a très gentiment permis de descendre avec quelques autres personnes au sous-sol pour voir la danseuse et son adorable mère Savitry Nair. J'ai ainsi eu le privilège de discuter avec elle et de la complimenter sur quelques aspects qui m'avaient particulièrement plu dans sa danse kuchipudi. J'ai été heureux de voir qu'elle y était très sensible.

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Planning de décembre 2013 (Paris et Chennai...)

2013-12-01 11:18+0100 (Orsay) — Culture — Musique — Danse — Danses indiennes — Culture indienne — Voyage en Inde XII — Planning

  • 1er décembre 2013 (Théâtre du Châtelet) : Je n'ai encore jamais entendu Amjad Ali Khan en concert. Il jouera ce dimanche son concerto pour sarod avec l'Orchestre National d'Île-de-France dans un programme retransmis en direct sur ArteLiveWeb et qui incluera aussi notamment la Symphonie nº100 “Militaire” de Haydn.
  • 6 décembre 2013 (Temple des Batignolles) : L'Orchestre des concerts gais sera dirigé par Marc Korovitch pour ce programme Lalo/Schumann.
  • 7 et 8 décembre 2013 (Salle Pleyel) : Suite et fin de l'intégrale des quatuors à cordes de Beethoven par le quatuor Hagen.
  • 10 décembre 2013 (Salle Pleyel) : Les derniers concerts de l'Orchestre Colonne ont été excellents, je retournerai donc avec plaisir les écouter dans un programme comportant notamment la Symphonie nº3 “Héroïque” de Beethoven.
  • 11 décembre 2013 (Opéra Garnier) : Tout le monde a vu cette publicité Air France, mais je n'ai pas encore jamais vu le ballet Le Parc de Preljocaj qui est programmé à l'Opéra Garnier.
  • 12 décembre 2013 (Salle Pleyel) : Prokofiev, Mikko Franck, Alexander Toradze, voilà déjà trois raisons d'assister à ce concert de l'Orchestre de Paris.
  • 14 décembre 2013 (Cité de la musique) : S'il existe un seul genre de musique contemporaine que j'apprécie, c'est la musique spectrale. Au cours de ce concert, l'Ensemble Intercontemporain interprétera le cycle complet Espaces acoustiques de Gérard Grisey dont je n'ai pour le moment entendu que Modulations qui est une des six pièces de ce cycle.Bien que j'aurai beaucoup aimé assister à ce concert, je vais sans doute lui préférer un récital de bharatanatyam...
  • 17 décembre 2013 (Musée d'Orsay) : Autour de l'exposition Allegro Barbaro, le Musée d'Orsay organise une série de concerts comportant notamment une intégrale des quatuors de Bartók. Ce soir-là, j'entendrai le Philharmonique de Radio France dans Le Prince de bois de Bartók.
  • 19 décembre 2013 (Cité de la musique) : Je reprendrai volontiers un peu de Grisey (cf. le concert de l'Ensemble Intercontemporain mentionné ci-dessus), interprété cette-fois ci par des musiciens de l'ensemble Les Dissonances.
  • 20 décembre 2013 (Opéra Bastille) : J'ai cassé ma tire-lire pour voir Myriam Ould-Braham dans La Belle au bois dormant...

Et puis, le 22 décembre, j'embarque sur un avion pour Riyadh (Arabie saoudite) puis un autre qui devrait arriver à Chennai (Inde) au cours de la matinée du lundi 23. Ce n'est pas pour faire du tourisme que j'entreprend ce douzième voyage en Inde, mais pour assister à des spectacles ayant lieu dans le cadre de la December Season.

La December Season est un des deux plus grands festivals artistiques au monde. Avant d'aller à Edinburgh cet été, je pensais que c'était le plus grand. À mon avis, il y a débat parce que le festival “Fringe” d'Edinburgh aurait abrité 2695 spectacles en 2012, alors que sur le site Kutcheris, au moment où j'écris ce message, plus de 2800 spectacles sont recensés !

La Saison de Chennai est un festival de musique et de danse consacré quasi-exclusivement aux styles du Sud de l'Inde : danse bharatanatyam et musique carnatique (chant principalement). Quand j'ai réservé mes billets d'avion et mon hôtel près de la stratégique T.T.K. Road (entre T. Nagar et Mylapore), je n'avais aucune idée des artistes qui chanteraient ou danseraient pendant mon séjour. J'avais néanmoins deux grands espoirs. Le premier et le plus urgent est d'entendre Dr M. Balamuralikrishna (83 ans), un des plus importants chanteurs carnatiques ; il est l'inventeur de nouveaux ragas, comme on peut le voir sur cette vidéo dans laquelle il chante un raga à trois notes (Sa-Ga-Pa) !

Parmi les danseuses de bharatanatyam que je n'ai pas encore vues, s'il n'y en a qu'une seule dont je rêve de voir un récital, c'est Rama Vaidyanathan :

Les principaux organisateurs de spectacles (sabhas) ont annoncé leurs programmes ces derniers jours. Je me retrouve ainsi avec une liste de 1138 spectacles devant se tenir pendant les 12 jours de mon séjour à Chennai ; en effet, plusieurs sabhas, comme Bharat Kalachar, Krishna Gana Sabha, Narada Gana Sabha, Music Academy ou Chennaiyil Thiruvaiyaru, proposent des programmes de musique et de danse s'étendant souvent du matin au soir ! Je n'ai pas encore fini de me perdre dans l'exploration de ces programmes, mais je sais par avance que je vais me régaler, puisque si je me débrouille bien, je devrais pouvoir entendre Dr M. Balamuralikrishna, Mohan Santhanam, Sudha Raghunathan, Jayanthi Kumaresh, etc, et voir danser Rama Vaidyanathan, Meenakshi Srinivasan, C. V. Chandrashekhar, Alarmel Valli, Padma Subramanyam, etc. Peut-être ferai-je une expédition à Thiruvanmiyur au Sud de Chennai pour voir un Dance Drama par les danseurs de la fondation Kalakshetra ?

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