Weblog de Joël Riou

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Dance Odysseys au Festival Theatre à Édimbourg

2013-08-22 21:34+0200 (Orsay) — Culture — Musique — Danse

Le Scottish Ballet a présenté un ensemble de programmes intitulé Dance Odysseys dans le cadre du festival d'Edinburgh. J'ai assisté à quelques uns de ces spectacles (tous ceux programmés le samedi 17 août). Si la compagnie a à son répertoire des ballets classiques, l'accent était résolument mis sur la dance contemporaine et plus particulièrement sur des ballets nécessitant peu de moyens scénographiques et peu de danseurs. Le nouveau directeur artistique de la compagnie Christopher Hampson a été très présent, et ce de façon autant utile qu'agréable.

On Stage Studio, Festival Theatre, Edinburgh — 2013-08-17 à 12:00

“Contemporary Classics”

Scottish Ballet

Christophe Bruce, chorégraphie et costumes

Kenji Bunch, musique (Swing Shift)

Shift

Twyla Tharp, chorégraphie

Gabrielle Malone, Andrew Robinson, mise en scène

Kermit Love, costumes

Jennifer Tipton, lumières

The Fugue

Jiří Kylián, chorégraphie, décor

Natasa Novotna, mise en scène

Dirk Haubrich, musique

Joke Visser, constumes

Kees Tjebbes, lumières

14'20"

James Cousins, chorégraphie

Ben Frost, musique (O God Protect Me)

Jealousy

Luke Ahmet, Daniel Davidson, Constance Devernay, Laura Kinross, Sophie Laplane, Andrew Peasgood, Owen Thorne, Katie Webb

Ce programme, comme presque tous les autres, avait lieu sur le On Stage Studio. Ceci signifie que les spectateurs ont eu l'occasion de visiter les coulisses du théâtre avant de s'asseoir sur les gradins provisoires installés à l'arrière de la grande scène du Festival Theatre. L'espace scénique utilisé par les danseurs s'étend du rideau de scène (baissé) jusqu'à ces gradins. Étant arrivé parmi les premiers, j'ai pu m'installer dans les tout premiers rangs et bénéficier ainsi d'une proximité rare avec des danseurs. Le public édimbourgeois est d'ailleurs tout-à-fait charmant. On se sent immédiatement à l'aise.

Le programme est intitulé Contemporary Classics. Y sont donc présentés des ballets contemporains qui sont devenus des classiques. Le duo de Kylián intitulé 27'52" (déjà vu au TCE) était présenté ici sous une forme réduite 14'20" qui m'a moins enthousiasmé que le film Silent cries qui a été projeté et qui montrait Sabine Kupferberg danser sur le Prélude à l'après-midi d'un faune de Debussy dirigé par Bernard Haitink. Le programme avait commencé par Shift de Christophe Bruce. En le voyant, j'ignorais que ce mot pouvait renvoyer à l'organisation du travail en trois huit, comme cela fut discuté pendant de l'après-midi au cours d'une conversation entre Chistopher Hampson et Jane Pritchard. Le ballet représente trois couples de danseurs que l'on voit exécuter des mouvements assez répétitifs et mécaniques. Sont-ils en train de tourner des poignées, des robinets ou de serrer des boulons ? C'est en tout cas très dynamique, constitue une bonne entrée en matière, et la danseuse Katie Webb s'y distingue particulièrement. (Le programme assez mal fichu du Scottish Ballet présente néanmoins l'intérêt de comporter un trombinoscope des danseurs de la compagnie !)

Au cours de la journée, le ballet qui m'a le plus ému a certainement été The Fugue de Twyla Tharp (une femme, comme 50% des chorégraphes programmés ce jour-là !). Ce ballet est une merveille ! Il est pourtant situé à l'extrême inverse de mes goûts puisqu'il ne raconte absolument pas d'histoire : il s'agit de danse pure. Le ballet met en scène trois danseurs (ici deux femmes et un homme), portant tous le même costume constitué d'un pantalon gris et d'une chemise blanchâtre. Avant de voir ce ballet, je ne connaissais que le titre The Fugue dont j'ignorais qu'il n'avait d'autre sens en anglais que le sens qu'on lui donne en musique. Il m'est pourtant apparu comme évident dès le début du ballet que la chorégraphe faisait jouer aux danseurs le rôle de chacune des voix d'une fugue. Ce ballet se joue sans musique : les seuls sons que l'on entend viennent des frappes de pieds des danseurs et de leurs bruits corporels, la scène étant amplifiée par la présence de quelques micros placés au bord. Les mouvements d'un danseur trouvent ainsi écho dans ceux d'un deuxième puis d'un troisième et certaines variations et transformations s'opèrent, comme par exemple des retards d'une voix sur une autre qui produisent des effets rythmiques assez intéressants. Certains mouvements peuvent également s'inverser. Les danseurs ne se touchent pas, sauf lors d'un contact du bout du doigt entre deux interprètes qui apparaît alors extrêmement intense. Rien que pour ce ballet, je suis très heureux d'avoir assisté cette journée marathon au Festival Theatre !

Alors que la représentation était en principe terminée, une voix a annoncé que nous pourrions suivre les indications du personnel du théâtre pour nous rendre à l'endroit où le spectacle allait continuer. J'aime bien ce genre de surprise ! Après un détour par les coulisses, les spectateurs peuvent s'asseoir sur la moquette du Foyer du thêatre pour voir une représentation du duo Jealousy de James Cousins. J'y reviendrai plus bas parce que ce ballet a aussi été représenté dans le programme Duets.

En début d'après-midi, j'ai assisté au même endroit à une projection du ballet The Green Table créé en 1932. Le film (noir et blanc) tourné dans les années 1960 montre le Folkwang Ballet interpréter cette œuvre de Kurt Jooss. Dans la première scène, des hommes sont autour d'une table. Ils portent des masques qui suggèrent qu'ils appartiennent à des pays différents. Leurs relations d'abord obséquieusement cordiales se tendent très sérieusement. Les scènes suivantes représentent diverses étapes d'une guerre. Un danseur y représente l'allégorie de la Mort. (Et parmi les danseuses, on peut reconnaître la jeune Pina Bausch.)

Si j'ai été content de voir cette Table verte, j'ai dû lutter pour rester éveillé pendant la projection du Portrait of Mary Wigman, étourdi que j'étais par la mauvaise qualité des images et l'absence de commentaire pertinent sur l'apport de Mary Wigman.

On Stage Studio, Festival Theatre, Edinburgh — 2013-08-17 à 17:00

“Duets”

Scottish Ballet

Peter Darrell, chorégraphie

Cheri & David Earl, musique (Brian Prentice, piano)

Philip Prowse, costumes

Cheri

James Cousins, chorégraphie

Ben Frost, musique (O God Protect Me)

Jealousy

Peter Darrell, chorégraphie, costumes

Gustav Mahler, musique (Fünf Rückert-Lieder)

Fünf Rückert-Lieder (Ich atmet'einen linden Duft, Ich bin der Welt abhanden gekommen)

Sophie Laplane, chorégraphie

Susumu Yokota, musique (Circular, extrait de Magic Thread)

Oxymore

Helen Pickett, chorégraphie

Rachmaninov, musique (Prélude, op. 23 nº4)

Trace

James Cousins, chorégraphie

Ben Frost, musique (O God Protect Me)

Kristen McNally, chorégraphie

Jonny Greenwood, musique (Split Sabre, Sweetness of Freddy, extraits de The Master)

Ennio Morricone, musique (March of the Beggars extrait de Film Music)

Nick Cave, musique (Martha's Dream extrait de The Proposition)

Foibles

Daniel Davidson, Bethany Kingsley-Garner, Brenda Lee Grech, Sophie Martin, Luciana Ravizzi, Nicholas Shoesmith, Owen Thorne, Katie Webb, Victor Zarallo

Après un bon café, j'étais prêt pour les duos programmés au On Stage Studio. Si Peter Darrell a été à l'origine de la création de la compagnie de danse qu'est le Scottish Ballet, je ne sais pas si c'était une bonne idée de programmer ses ballets, surtout à l'état de courts extraits présentés en dehors de tout contexte narratif. Certes, ces extraits se distinguent de la plupart des autres ballets de la journée puisque la technique est classique (danseuses sur pointes ou demi-pointes), mais je n'ai absolument pas été ému pendant le court pas de deux Cheri (dans lequel les danseurs ont frôlé l'accident), et ce d'autant plus que la musique enregistrée était jouée sur un piano manifestement désaccordé. Les deux extraits des Five Rückert Songs m'ont paru très ennuyeux. Le deuxième (nº4), qui n'était d'ailleurs pas un duo, tenait à la rigueur la route grâce à la conviction de la danseuse.

Entre ces deux pièces était présenté Jealousy de James Cousins. Dans ce duo, un homme est obsédé par une femme qu'il porte littéralement pendant toute la durée du ballet. La danseuse ne touche absolument jamais le sol ! Quand elle se tient sur ses pieds, ceux-ci sont posés d'une manière ou d'une autre sur le corps du danseur. La musique ou plutôt l'accompagnement sonore de la pièce peut suggérer que le danseur est en train d'être soumis à des appareils d'imagerie médicale en trois dimensions qui révèlent la présence féminine dans son esprit. Ce ballet a été une très bonne surprise pour moi, et ce d'autant plus que je l'ai vu deux fois. J'ai été légèrement plus convaincu par les interprètes vus en bonus à la fin du programme Contemporary Classics. Le rôle féminin était alors me semble-t-il interprété par Brenda Lee Grech.

C'est cette même danseuse qui fait des étincelles dans Oxymore de Sophie Laplane ; elle éclipse complètement son partenaire qui exécute des mouvements semblables. L'atmosphère me fait penser à celle de In the middle, somewhat elevated de William Forsythe et les mouvements me rappellent Signes de Carolyn Carlson. Cependant, contrairement à Signes, Oxymore est suffisamment court et drôle pour que je ne m'ennuie pas.

La chorégraphie de Trace de Helen Pickett m'a plutôt plu. Le bas du corps des danseurs adopte des mouvements et positions classiques, mais le haut du corps est animé de mouvements plus contemporains. Cependant, le costume ridicule de la très convaincante danseuse Katie Webb gâche un peu tout...

La représentation se termine par le ballet Foibles de Kristen McNally interprété par quelques danseurs dans le foyer du théâtre. Le ballet a semble-t-il été commandé tout spécialement pour le festival. Si le voir n'a en rien été désagréable, et ce d'autant plus que la formidable danseuse Brenda Lee Grech avait le rôle le plus important, l'ensemble incohérent ne m'a semblé être qu'un délire surréaliste.

Festival Theatre, Edinburgh — 2013-08-17 à 20:00

Scottish Ballet

Glen Tetley, chorégraphie

Bronwen Curry, mise en scène

Arnold Schönberg, musique

Rouben Ter-Arutunian, décors et costumes

John B. Read, lumières

Allison Bell, soprano

RCS MusicLab

Mieko Kanno, violon, alto

David Sloan, violoncelle

Isabelle Hübener, flûte, piccolo

Calum Robertson, clarinette basse

Kristi Kapten, piano

Gordon Bragg, direction musicale

Luke Ahmet, Pierrot

Bethany Kingsley-Garner, Columbine

Owen Thorne, Brighella

Pierrot Lunaire

Cela s'est joué à peu de choses, mais mon placement m'a permis de voir les pieds des danseurs :

Photo 27

Je connais trop mal Pierrot lunaire pour apprécier l'adéquation entre le texte et la chorégraphie de ce ballet de Glen Tetley qui était remonté pour cette unique soirée. Le décor est constitué d'un échafaudage blanc qui est placé au centre de la scène et sur lequel les trois personnages (Pierrot, Columbine, Brighella) peuvent grimper (à leurs risques et périls : j'espère qu'aucun danseur n'a été blessé en interprétant ou en répétant ce ballet...). Drôle par moments, la chorégraphie ne m'a pas ennuyé, mais elle ne m'a pas excessivement passionné non plus. Ce qui m'a semblé magnifique en revanche, c'est l'interprétation musicale de l'œuvre de Schönberg par le RCS MusicLab. C'est assurément le plus beau Pierrot lunaire que j'aie entendu ! (J'ai d'ailleurs saisi une opportunité de le dire aux jeunes musiciens qui étaient rassemblé dans le hall un peu plus tard dans la soirée.) La pianiste était fantastique, tout comme la flûtiste. Je n'imaginais pas qu'il était possible de faire sonner un piccolo comme elle le faisait ! Le violoncelliste était merveilleux aussi... Bref, ils étaient tous excellents et défendaient cette musique avec une très grande conviction. La soprano Allison Bell a aussi beaucoup contribué à cette réussite. Son Sprechtgesang était résolument plus chanté que parlé, et je crois que c'est ainsi que je préfère entendre ce cycle ! Quelle beauté !

On Stage Studio, Festival Theatre, Edinburgh — 2013-08-17 à 21:45

Scottish Dance Theatre

Fleur Darkin, chorégraphie

Plastikman, musique (In Side, Locomotion)

Moritz von Oswald Trio, musique (Pattern 3)

Four Tet, musique (Wing Body Wing)

Ricardo Villalobos, musique (Easy Lee)

Hayley Scanlan, costumes

Lucy Carter, lumières

Glyn Perrin, conception sonore

Eve Ganneau, Fhunyue Gao, Manon Greiner, Jori Kerremans, Frank Koenen, Matthew Robinson, Audrey Rogero, Natalie Trewinnard, Quang Kien Van, Lewis Wilkins

SisGO

Pour ce dernier programme de la soirée, les danseurs ne sont pas du Scottish Ballet mais du Scottish Dance Theater, une compagnie spécialisée dans la danse contemporaine. Comme pour les autres spectacles programmés au On Stage Studio, avant de se diriger en file indienne vers les coulisses pour monter sur la scène, les spectateurs doivent se rassembler près d'une porte dans un coin de la salle. Avant le début de ce spectacle de Fleur Darkin intitulé SisGo (et qui ressemble étrangement à un précédent intitulé DisGo), on nous a demandé d'y laisser nos affaires et d'enlever nos chaussettes pour en mettre d'autre de couleur blanche.

Après le passage par les coulisses, nous ne sommes pas dirigés vers les gradins, mais vers la scène qui est délimitée par des néons. Les danseurs se mettent en mouvement entre les spectateurs, qui étaient parfois invités à réagir. Un peu sceptique au début, j'ai progressivement apprécié cette expérience. Cela dit, l'interaction danseurs-spectateurs a ses limites qu'un spectateur louche n'a pas vraiment saisi : il s'est fait vider assez rapidement... Ce spectacle est aussi un exercice de manipulation de foule. À certains moments, la chorégraphie prévoit que les spectateurs initialement placés sans ordre s'organisent dans des configurations particulières. Pour cela, quelques indications implicites venant des danseurs et de l'utilisation de quelques accessoires comme du scotch ou des cordes aidaient, mais auraient été insuffisantes sans l'aide d'un certain nombre de spectateurs complices qui participaient aussi à quelques chorégraphies d'ensemble. Bref, il ne suffisait pas de regarder qui portait des chaussettes blanches pour distinguer les spectateurs des autres. Au début, j'ai eu le sentiment que le ratio spectateurs/danseurs était un peu trop grand, mais quand la pièce s'est développée, j'ai eu l'impression qu'il se passait toujours quelque chose où qu'on soit. En tout cas, je ne me suis pour ma part pas du tout ennuyé. L'expérience était amusante et parfois exaltante tant il est impressionnant de voir des danseurs exécuter certaines figures à quelques centimètres de distance !

Quand ce spectacle participatif s'est terminé, le rideau de scène s'est relevé, ce qui a donné aux spectateurs une très belle vue sur la salle depuis la scène. J'ai découvert plus tard que cela ne faisait pas partie du spectacle : c'était une intervention des pompiers suite à une fausse-alerte incendie...

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Commentaires

1. 2013-09-11 13:14+0200 (Audrey)

Bonjour,

Je suis tombée par hasard sur ton blog.

Je suis Audrey et je faisais partie du casting de Sisgo. Heureuse de voir que tu as apprécié l'expérience malgré les réticences du début. Je voulais tout de même démentir quelque chose... Le lever de rideau qui accompagne le salut des danseurs fait bien partie de la pièce. L'alarme à incendie s'est effectivement déclenchée ce soir là à cause de la fumée utilisée sur scène. Le festival est une grosse machine et il faut savoir que nous n'avons eu accès à la scène pour la première fois que 15 minutes avant l'ouverture des portes. Pas de répétition générale et forcément des problèmes techniques qui surgissent au moment où on s'y attend le moins.

Nous avons eu beaucoup de chance de pouvoir finir le spectacle ce soir-là!

Au plaisir.

Bien à toi.


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