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Marathon wagnérien : Le Ring Saga à la Cité de la Musique

2011-10-10 01:17+0200 (Orsay) — Culture — Musique — Opéra

Cité de la musique — 2011-10-07 — 2011-10-09

Ivan Ludlow, Wotan, Wanderer

Fabrice Dalis, Loge, Mime

Nora Petročenko, Fricka, Helmwige

Donatienne Michel-Dansac, Freia, Gutrune

Alexander Knop, Donner, Gunther

Lionel Peintre, Alberich

Johannes Schmidt, Fafner, Hagen

Martin Blasius, Fasolt, Hunding

Mélody Louledjian, Woglinde, Gerhilde, Waldvogel

Jihye Son, Wellgunde, Sieglinde

Louise Callinan, Flosshilde, Erda, Waltraute

Marc Haffner, Siegmund

Cécile De Boever, Brünnhilde

Jeff Martin, Siegfried

Peter Rundel, direction musicale

Antoine Gindt, mise en scène

Remix Ensemble Casa da Música

Élodie Brémaud, collaboration à la mise en scène

Janick Moisan, assistanat à la mise en scène

Aleksi Barrière, Laurent Prost, dramaturgie, traduction, surtitres

Élise Capdenat, assistée de Piia de Compiègne, scénographie

Daniel Levy, lumière

Tomek Jarolim, création numérique

Fanny Brouste, assistée de Peggy Sturm, costumes

Véronique Nguyen, assistée d'Alexandre Bacquet, maquillage et coiffure

Martin Gautron, accessoires

Léo Warynski, conseiller musical et assistant du directeur musical

Fabrice Goubin, copie, corrections et adaptation

Nicolas Chesneau, Christophe Manien, Nicolas Fehrenbach, pianistes répétiteurs

Ring Saga : Das Rheingold, Die Walküre, Siegfried, Götterdämmerung, Wagner (version de Jonathan Dove et Graham Vick, 1990)

Outre les conférences de la Citéscopie “La Tétralogie de Wagner”, j'ai assisté entre vendredi et dimanche à une représentation des quatre opéras dans une version contractée et réduite pour 19 musiciens et 14 chanteurs. J'en sors globalement content, peut-être parce que contrairement à d'autres, je n'avais pas formé de trop hautes espérances. Peut-être aussi parce que j'ai préféré voir les verres à moitié pleins qu'à moitié vides. N'allant voir des opéras que depuis environ huit ans, il faut dire aussi que ce n'est que mon deuxième Ring après celui de l'Opéra Bastille de 2010 et de 2011, très décevant du point de vue scénique (mais fort appréciable musicalement parlant).

La mise en scène n'est pas désagréable à regarder. Les chanteurs jouent raisonnablement bien la comédie. Il n'y a ni trop de chahut ni trop de sur-place. Un placement au septième rang (donc au dernier rang du parterre de la Salle des Concerts dans cette configuration) me permet d'apprécier le jeu et l'expression faciale des uns et des autres, un plaisir qui me demande d'ordinaire de sortir mes jumelles. La scénographie est basée sur l'utilisation d'un plan légèrement incliné percé d'une ouverture transversale (au centre de la scène). Pour passer de gauche à droite et réciproquement, les chanteurs doivent enjamber le fossé. J'espère qu'aucun accident ne sera à déplorer lors les prochaines représentations. Les costumes et accessoires renvoient volontiers aux bandes dessinées de superhéros (notamment pour le costume des Géants). Dans l'ensemble, c'est assez lisible. Cependant, je ne comprends pas pourquoi on a inutilement rendu obscures certaines scènes. Ainsi, plusieurs combats de Siegfried se font à mains nues plutôt qu'avec l'épée. Dans la scène de l'enlèvement dans Le Crépuscule des dieux, Brünnhilde et Siegfried sont assis l'un et l'autre sur des sortes de sièges de bar placés de part et d'autre de l'espace scénique. Dans la scène finale, si on utilise de façon très jolie visuellement un grand drap animé de mouvements pour représenter les flots du Rhin est très esthétique (procédé similaire pour la représentation du géant Fafner dans Siegfried), la tentative ratée de s'emparer de l'anneau par Hagen et sa noyade dans le Rhin sont tout-à-fait illisibles. L'ambiance de chaque scène est rehaussée par l'utilisation d'un grand écran en fond de scène. Pendant l'essentiel du Ring Saga, cela m'a semblé complètement inutile. Cela ne trouve véritablement son utilité que lors de la Marche funèbre en l'honneur de Siegfried pendant laquelle des images tirées de tout ce qui précède sont passées en flashback.

Du côté de l'orchestre (qui d'après plusieurs comptages de spectateurs indépendants, moi y compris, comptait 19 musiciens et non 18 comme on le lit çà et là), il y a de quoi être charmé par les cuivres et les vents. La réduction qui tient la route du côté des cuivres (3 cors au lieu de 8 dans le prélude de l'Or du Rhin) passe moins bien chez les violons (1+1=2 au lieu de 16+16=32). Après avoir passé les trois premiers opéras en ne voyant que la tête du chef, j'ai pu voir l'orchestre lors de la dernière journée, ce qui m'a permis d'avoir un peu plus de bienveillance pour ces musiciens transformés en solistes dont chaque microcouac s'entend. Si la texture orchestrale n'est pas nouvelle dans les passages utilisant surtout les cuivres, les vents et les instruments à cordes les plus graves (violoncelles, contrebasse), il n'en va donc pas de même avec les autres (violons, alto). Le son des cordes devient plus rèche. Cependant, pour certains passages, les sonorités m'ont semblées tout-à-fait plaisantes. Ainsi furent les frémissements des cordes autour de l'apparition de l'Oiseau dans Siegfried. Dans le Salut au monde, cela aurait aussi été le cas si la harpe n'avait émis dans l'ensemble des représentations et cette séquence en particulier des sons particulièrement disgracieux. Je ne sais pas si c'est un problème de sonorisation de la harpe, mais j'avais l'impression que la harpiste devait en permanence forcer pour faire entendre son instrument, dont le son manquait donc beaucoup de délicatesse.

Il faut bien aussi parler des coupes. Si on est reconnaissant aux concepteurs de permettre au public de voir l'ensemble du Ring sur un week-end et qu'il n'est pas déraisonnable de passer sous silence certaines scènes (comme celle des Nornes dans le Prologue du Crépuscule des dieux qui raconte une histoire en dehors du temps principal de l'action, même si on ne peut pas forcément ne retenir d'une épopée que son action principale), certaines coupes engendrent des frustrations. Une d'entre elles est la coupe de certains passages dans la scène lors de laquelle Siegfried reforge Notung. Ainsi disparut le sympathique motif de la Fonte de l'acier qui procède du contraste entre les notes détachées de la deuxième mesure et les notes liées ensuite, comme soudées :

Motif de la fonte de l'acier

Ceci est bien sûr très anecdotique. Beaucoup moins le sont les coupes intervenues dans le Crépuscule des Dieux. Le plus frustant est la coupe de tout le très beau passage où avant d'être transpercé la lance de Hagen, Siegfried raconte sa vie et ses exploits à ceux qui sont encore ses compagnons de chasse. Ceci permet normalement de réentendre de nombreux motifs et d'apprécier de délicieux moments comme lorsque Siegfried reprend les phrases musicales de l'oiseau... Il ne reste plus que l'évocation de Brünnhilde (rappel du Salut au monde).

Avant cette scène, la rencontre entre Siegfried et les Filles du Rhin avait aussi été considérablement réduite (ce qui n'est pas forcément un mal). Juste après, on entend la Marche funèbre qui, sacrilège, est raccourcie. Heureusement, les cinq dernières minutes de l'ouvrage n'ont pas subi pareil triturage.

Si la mise en scène, l'orchestre et les coupes m'ont causé quelques contrariétés, je suis globalement plutôt content d'avoir assisté à ces représentations. En effet, une grande satisfaction est venue des chanteurs. Comme on peut le voir ci-dessus dans la distribution, certains chanteurs ont assurés deux voire trois rôles différents dans un ou plusieurs des opéras de ce Ring Saga.

Il est intéressant de voir comment une impression sur un chanteur peut évoluer d'un jour sur l'autre. Ainsi, pendant Das Rheingold, entre les deux géants Fasolt et Fafner interprétés respectivement par Martin Blasius et Johannes Schmidt, j'avais une nette préférence pour le premier. Quand il jouèrent séparément les rôles de Hunding, Fafner ou Hagen, je les ai trouvé tous les deux également convaincants. Dans l'ensemble de la distribution, mon coup de cœur va à Ivan Ludlow (Wotan) dont les récits étaient passionnants. La Fricka de Nora Petročenko était merveilleuse aussi, tout comme la Sieglinde de Jihye Son. Sans Cécile De Boever qui a été une formidable Brünnhilde tout du long des trois journées, la représentation du Crépuscule des Dieux eut perdu beaucoup de son intérêt. Dans une des scènes de Die Walküre, elle chantait comme si elle pleurait en même temps. L'effet était saisissant.

Certains chanteurs ont eu souvent du mal à passer l'orchestre. Le problème s'est surtout posé dans les scènes tirées des premier et troisième actes de Siegfried, et marginalement avec certains interprètes dans Götterdämmerung. Ceci a fait que l'opéra qui m'a semblé le mieux réussi et m'a procuré le plus d'émotions a été Die Walküre.

Les représentations de Strasbourg d'il y a une semaine ont été filmées. Elles peuvent être visionnées sur ArteLiveWeb.

Ailleurs : Musica Sola, Paris-Broadway, Palpatine, Bladsurb, Klariscope.

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