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2009-10-09 03:55+0200 (Orsay) — Culture — Lectures — Culture indienne — Voyage en Inde VI
J'ai commencé il y a quelques jours ma lecture du Bhāgavata Mahāpurāṇa dans l'édition Gita Press achetée à Tirumala lors de mon avant-dernier voyage en Inde 1.
Dans l'introduction à sa traduction de 1840, Eugène Burnouf situait l'écriture de cette œuvre autour du XIIIe siècle (estimation soumise à des hypothèses). Le texte est peut-être plus ancien que cela, mais il est certainement plus récent que le Mahābhārata. Ceci relativise le terme de Purāṇa (ancien, antique).
La traduction de mon édition bilingue sanskrit-anglais est manifestement
digne d'être qualifiée de médiocre
. Je ne sais pas dans quelle
mesure elle est fidèle à l'original. En tout cas, si l'essentiel se lit
sans grand déplaisir (c'est d'ailleurs écrit dans un anglais poussiéreux),
un certain nombre de vers restent obscurs. En comparaison, la traduction de
Burnouf est très limpide ; je la consulte quand j'en éprouve le besoin (ce
qui permet souvent de voir que les deux traducteurs n'ont pas compris le
texte sanskrit de la même façon).
J'ai en effet pu trouver les trois premiers volumes sur Google Books (ils ont fait leur
apparition sur ce site l'un après l'autre 2), mais il n'est pas raisonnable de lire un
aussi long ouvrage sur un écran d'ordinateur ; et j'ai l'intention de lire
les livres que j'ai achetés, eussent-ils été acquis pour un modique
prix.
J'ai lu 6% de mon édition en deux volumes. Au rythme actuel, il me faudrait une dizaine de mois pour en venir à bout. Il va falloir que je lise strictement plus de un chapitre par jour pour y arriver dans un délai plus raisonnable. Ce qui est amusant, c'est que mon édition commence par un extrait du Padma-Purāṇa qui explique notamment l'avantage que l'on peut tirer d'une lecture du Bhāgavata Mahāpurāṇa, plus efficace à procurer la libération de l'âme du cycle des renaissances que de nombreux sacrifices de cheval (un sacrifice très rarement réalisé par les rois épiques, c'est dire si c'est exceptionnel). La procédure pour une lecture en sept jours, particulièrement propitiatoire, est minutieusement décrite. (Pour la Bible, les lectures-marathons organisées place de la Bastille ne prennent que quatre jours. Cela dit, la Bonne Nouvelle y est prononcée 24h/24 tandis que des pauses sont prévues pour la lecture en sept jours du Bhāgavata Mahāpurāṇa.)
Ma première impression est que ce Purāṇa est un panégyrique à la gloire de Kṛṣṇa. Le premier des douze livres raconte essentiellement la fin du Mahābhārata. L'accent est bien sûr mis sur Kṛṣṇa ; son caractère divin, qui transpire dans l'épopée, est ici amplifié :
Dharmarâdja (Yudhichṭhira) occupait le trône, exauçant, comme un père, les vœux de ses sujets ; le culte qu'il adressait aux pieds de Krĭchṇa l'avait affranchi de tous les désirs.
(BhP I 12.4)
Cela dit, ce n'est pas qu'un texte narratif ! L'ouvrage fait très souvent référence à la bonne manière d'obtenir le salut dans la période troubliée du Kaliyuga qui serait la nôtre. Les mérites que l'on pourraient acquérir par une bonne conduite, voire l'ascèse sont considérés comme peu de choses s'ils ne sont pas alliés à une dévotion à Kṛṣṇa. Dans le ver ci-dessus, Yudhiṣṭhira se fait un exemple à suivre. C'est seulement par cette dévotion, la bhakti que l'on pourrait voir au-delà du voile de la Māyā, cette illusion dont se joue Kṛṣṇa pour nous faire éprouver la dualité, alors que véritablement, Kṛṣṇa, l'Univers tout entier, soi, est un. Le but ultime de cette dévotion serait de réaliser cette unité. Contrairement au brahmanisme plus ancien qui ne faisait guère de cas des classes les moins hautes de la société, la bhakti semble être une voie ouverte à toutes les classes. D'ailleurs, les Purāṇa auraient été diffusés par des hérauts n'appartenant pas à la classe des brâhmanes et viseraient à permettre à un public non versé dans les Veda (mais néanmoins sanskritiste...) d'accéder à la connaissance.
[1] En sept mois, ma PAL est passée de 104 à 108 livres. Sachant que j'ai lu 61 livres dans le même intervalle, je pense que je ne dois plus être très loin du point d'équilibre.
[2] Ils ont été publiés en 1840, 1844 et 1847 par l'Imprimerie Royale. L'auteur étant mort en 1852 avant d'achever sa traduction, ces volumes sont dans le domaine public. N'ayant pu trouver les dates d'Eugène Louis Hauvette-Besnault, un de ses deux continuateurs, je ne sais pas quel est le statut des quatre- et cinquième volumes.
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