Weblog de Joël Riou

« Prise de fonctions | Une longue journée »

Gandhi

2007-09-18 13:07+0200 (Orsay) — Culture — Lectures — Culture indienne

Je viens de finir ma lecture de l'autobiographie de Gandhi, dont j'avais acheté une traduction anglaise lors de ma visite au Gandhi Memorial Museum à Delhi.

En 1925, à Ahmedabad, dans son ashram situé au bord de la rivière Sabarmati, Gandhi entreprend d'écrire son autobiographie, qu'il considère tout au long du livre comme l'histoire de ses expériences avec la Vérité. Il s'efforce de vivre en ne compromettant pas son allégeance à la Vérité, et observe les fruits de cette attitude. Par exemple, dans son enfance, un ami l'a poussé à manger de la viande ; il prétend qu'il y a renoncé alors définitivement non pas parce que c'était mal, mais parce qu'il ne pouvait continuer à agir ainsi sans mentir à ses parents.

La période d'une vingtaine d'années où il a vécu en Afrique du Sud couvre l'essentiel du livre. De son combat pour la défense des colons de deuxième classe que sont alors les Indiens résidant dans cette colonie britannique, seules les grandes lignes sont exposées ; pour les détails, il renvoie à son ouvrage Satyagraha in South Africa. Quelques anecdotes liées au thème des expériences avec la Vérité sont néanmoins racontées. En dehors de son métier d'avocat et de son action publique, il évoque diverses rencontres avec des personnes (Chrétiens, théosophes, etc.) qui auront une influence sur sa pensée religieuse, dont il trouvera finalement la matière dans la Bhagavad-Gita.

Trois autres thèmes entremêlés occupent une part importante : la nourriture, la médecine et l'entretien des toilettes. Au cours de sa vie, son alimentation est devenue de plus en plus ascétique. Il explique dans quelles conditions et pour quelles raisons, parfois morales, parfois futiles, il a renoncé à la viande, au lait, au thé, aux condiments (sel compris), etc, pour ne plus se nourrir pratiquement que de fruits et de légumineuses. Il s'est souvent montré inflexible avec les médecins qui voulaient l'écarter de ce régime pour le soigner, mais parfois il préféré la vie à la vérité (considérant en se mentant à lui-même que son vœu visant à ne plus consommer de lait n'excluait pas le lait de chèvre). En outre, il a développé un charlatanisme alternatif à la médecine (quelle soit occidentale ou ayurvédique) et fait de nombreuses expériences en ma matière : traitements à base de terre ou de glace, etc. Dans le Grand Roman Indien de Shashi Tharoor, l'auteur fait du comique de répétition en faisant allusion à la passion de Gandhi pour la question de la propreté des toilettes ; elle trouve dans cette autobiographie une place de choix.

Progressivement, et plus encore quand il évoque son action à son retour en Inde vers la fin de la Première Guerre Mondiale, il expose le principe du Satyāgraha, néologisme désignant la tactique de résistance non-violente qu'il utilise pour obtenir l'abrogation de lois mauvaises en Afrique du Sud, puis en Inde.

Concernant les liens avec l'Empire britannique, Gandhi considérait que le fait d'être un citoyen de cette Empire devait non seulement lui donner des droits mais aussi des devoirs. Ce sentiment de devoir l'a conduit à agir d'une manière qui m'a beaucoup surpris. Ainsi, lorsque les Anglais ont mené la guerre des Boer, dû mater la rébellion zouloue ou plus tard participer à la Première Guerre Mondiale, il a considéré qu'il était de son devoir se soutenir l'Empire britannique en constituant des groupes de brancardiers Indiens, et ce en dépit de ses principes de non-violence (Ahiṃsā) et de sa sympathie éventuelle pour la partie adverse.

À part ça, saviez-vous que Gandhi avait appris le latin et le français et qu'il était monté de nombreuses fois en haut de la Tour Eiffel lors de l'exposition universelle de 1889 ?

Dans ce livre, Gandhi semble faire preuve d'une très grande honnêteté intellectuelle, n'hésitant pas à être critique envers lui-même. De nombreuses épisodes que j'ai vu illustrés dans divers musées lui étant consacrés sont exposés ici dans ses propres mots (enfin, ceux de son traducteur). Il est intéressant de voir comment un jeune homme qui était absolument incapable de prendre la parole en public a finalement eu une aussi grande influence sur son peuple.

Lors de cette lecture, mon petit dictionnaire Larousse anglais-français s'est avéré insuffisant ; il faudra que je pense à en prendre un plus complet. J'ai été surpris par l'abondance d'expressions latines et françaises insérées dans cette traduction du gujarati vers l'anglais réalisée par Mahadev Desai (qui fut secrétaire de Gandhi, et dont les cendres se trouvent au Gandhi National Memorial à Pune). Bien que Gandhi connût le français et le latin, j'ai peine à croire qu'il eût la fantaisie de mettre ces expressions dans l'original gujarati. Il serait également étonnant qu'il eût été nécessaire de recourir au latin et au français pour traduire ce texte gujarati en anglais. La traduction anglaise ayant été approuvée par Gandhi, cette fantaisie sa manifesta peut-être lors de cette révision.

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