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2005-11-20 00:22+0100 (Grigny) — Culture — Lectures
Je viens tout juste de terminer ma lecture du dernier tome des Mille et Une Nuits d'Antoine Galland où l'on voit se refermer le conte-cadre mettant en scène la sultane Scheherazade et le sultan Schahriar.
Ces contes mêlant fantastique, fastes et morale sont très agréables à lire ; on sait toujours que le conte va se bien terminer, mais on reste néanmoins avide de savoir comment les situations vont se démêler providentiellement.
Le style de Galland me semble extrêment délicieux : en très peu de lignes, il peut faire basculer très harmonieusement le récit, nous déplacer dans un tout autre contexte ; les dialogues sont très bien écrits, les personnages utilisant des formes élevées de courtoisie et ne manquant pas d'exercer leur art de la litote et de l'imparfait du subjonctif. Cette traduction (et adaptation) des contes arabo-persans ayant été rédigée au début du xviiie siècle, je ne laisse pas d'apprécier certaines tournures qui ont presqu'entièrement disparu aujourd'hui ; par exemple, saviez-vous qu'autrefois, le verbe « rester » pouvait s'accommoder de l'auxiliaire « avoir » ?
Cette « traduction » est amusante parce qu'on ne sait plus trop dire si c'est une œuvre arabe ou bien une œuvre d'Antoine Galland inspirée des contes arabes. Un peu comme la « traduction » par FitzGerald des Rubáiyát d'Omar Khayyám en anglais — qui est une grande œuvre de littérature anglaise. Ou, de façon plus contemporaine, la « traduction » du Mahābhārata par Jean-Claude Carrière. Mais c'est malheureusement quelque chose qui se perd, à une époque, comme la nôtre, si férue d'authenticité et de précision, que de se réapproprier un texte ancien et le redire différemment, en essayant d'en faire une œuvre personnelle. En tout cas, la traduction de Galland a vraiment façonné la vision de l'orient par l'occident pour des générations.
Il y a un très intéressant essai de Borgès sur les traducteurs des Mille et Une Nuits, ça pourrait t'amuser de le lire.
À l'opposé, l'art de la paraphrase tend aussi à se perdre, je pense aux librettistes reprenant des passages de la Bible.
Ruxor> Il y a un très intéressant essai de Borgès sur les traducteurs des Mille et Une Nuits, ça pourrait t'amuser de le lire.
Oui, le dossier venant avec mon édition parle de cet essai de Borgès ; une occasion de me faire au passage une carte (gratuitement j'espère) de lecteur à la Bibliothèque François Mitterrand...
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