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Mahābhārata, volume 2

2005-10-01 22:47+0200 (Grigny) — Culture — Lectures — Culture indienne

[Couverture du premier tome du Mahabharata]

Je viens d'achever de lire le deuxième tome du Mahābhārata de Madeleine Biardeau.

Comme je le disais en parlant du premier tome, le livre est organisé comme une alternance de récits et de commentaires, le récit est contracté par rapport au poème sanscrit. On trouve à la fin un index des principaux noms propres et un très bel arbre généalogique sur une double page qui est très utile au début de la lecture pour se bien familiariser avec l'ensemble des personnages.

Grâce à un peu de patience, ce fut pour moi une lecture assez agréable ; certains passages de commentaires me sont cependant un peu passés au-dessus de la tête, en particulier ceux qui concernent les relations avec le bouddhisme : l'auteur émet l'hypothèse selon laquelle l'épopée aurait été rédigée 1 par un auteur unique vers le troisième siècle avant Jésus-Christ en réaction au développement du bouddhisme (après d'immenses conquètes meurtrières, le grand « empereur » Aśoka venait de se convertir à cette religion), et tente de décrypter certains passages en suivant cette hypothèse. Si on laisse de côté ces passages très techniques pour un non-spécialiste, les commentaires restent néanmoins compréhensibles et éclairent vraiment bien certains détails symboliques du récit.

En ce qui concerne l'intrigue, ce deuxième tome raconte la guerre proprement dite entre le camp du dharma et le camp de l'adharma. Cette guerre s'étale sur dix-huit jours, et est vraiment terrible : il s'agit d'une véritable boucherie. La plupart des grands guerriers sont des archers se déplaçant sur leur char dirigé par un cocher. Le grand guerrier du camp du dharma est Arjuna, dont le cocher est Kṛṣṇa ; il dispose de l'arc divin Gāṇḍīva et de deux carquois inépuisables (il peut lancer des flèches avec ses deux bras !), il pourrait tuer tous ses ennemis en quelques instants en évoquant des armes divines, mais il est partagé entre sa répugnance à tuer ses adversaires (parmi lesquels des personnages qu'il respecte énormément) et son dharma de guerrier qu'il ne peut honorer qu'en combattant ; Kṛṣṇa use de toutes les ruses pour le faire combattre. À la fin de la guerre, Yudhiṣṭhira retrouve son royaume (perdue lors d'une partie de dés au début de l'épopée), mais seule une poignée de guerriers ont survécu de chaque côté.

Un aspect intéressant de cette épopée, c'est que, bien qu'il y ait deux camps bien définis qui se font la guerre, il n'y a pas de manichéisme (philosophie qui n'existait certes pas encore) : il y a des personnages tout à fait remarquables dans le camp de l'adharma (Bhīṣma en particulier), même le plus mauvais des Kaurava, Duryodhana, n'est pas complètement mauvais, et de l'autre côté, même les meilleurs des Pāṇḍava n'ont pas une conduite irréprochable (mensonges, coups interdits, stratagèmes douteux).

Par ailleurs, il y a toujours autant de paraboles insérées dans le récit, souvent pour donner un exemple de conduite à un personnage qui se demande comment agir à un moment précis, ou pour révéler les circonstances ayant conduit à une malédiction sur tel ou tel protagoniste. Non seulement c'est divertissant, mais c'est aussi très important pour l'intrigue, et cela donne une architecture assez remarquable à l'ensemble de l'œuvre.

[1] Si elle a été rédigée à cette époque, il n'est peut-être pas clair qu'elle ait été écrite au même moment !

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Commentaires

1. 2005-10-02 15:27+0200 (Ruxor)

J'ai le souvenir d'un chiffre (pipoté je ne sais plus comment : peut-être est-ce dans le texte, peut-être non) de milliards de morts pendant la guerre. Le Mahābhārata aime la démesure : chacun des héros est un Torscheur Absolu® qui peut faire appel à des Armes Surpuissantes® (la flèche de Karṇa, le truc avec lequel Kṛṣṇa tue je ne sais plus quel insolent, et bien sûr l'arme ultime Paśupata, etc.), mais, heureusement, ils ne s'en servent pas trop (ils font *seulement* quelques milliards de mort), ou seulement dans des circonstances bien définies. <pipo>Préfiguration de l'ère atomique ? Ça donne tout son sens à cette réflexion de J. Robert Oppenheimer qui, voyant exploser la première bombe atomique, cita ce vers de la Bhagavad-Gītā qui en est maintenant le plus célèbre : « I am become death, the destroyer of worlds. » (En VO : « कालोऽस्मि लोकक्षयकृत्प्रवृद्धो ».)</pipo>

2. 2005-10-02 16:14+0200 (Joël)

Ruxor> J'ai le souvenir d'un chiffre (pipoté je ne sais plus comment : peut-être est-ce dans le texte, peut-être non) de milliards de morts pendant la guerre.

Oui, je viens de retrouver le passage : livre XI (26-27), Dhṛtarāṣṭra demande un bilan à Yudhiṣṭhira et celui-ci répond sans hésiter qu'il y a eu 1660020000 morts et 24165 survivants (après avoir perdu au jeu de dés, un ṛṣi lui a appris à compter de grandes quantités très rapidement). Pendant la guerre, à plusieurs reprises, Arjuna et Bhīma tuent des ennemis par centaines de milliers ; parfois, les combattants se font tellement couvrir de flèches qu'on ne les voit plus.

<pipo>Ruxor> Préfiguration de l'ère atomique ?

L'écrivain américain avec qui j'ai discuté à Bénarès avait une théorie selon laquelle la mécanique quantique est déjà expliquée dans les Veda.</pipo>

3. 2005-10-03 00:06+0200 (Ruxor)

Wow, 99.9985% de mortalité, c'est effectivement ravageur, comme guerre... À ce propos (désolé pour le hors sujet), j'ai entendu dire que la guerre qui a été la plus meurtrière en rapport nombre de morts sur nombre de personnes “impliquées” dans le conflit (je ne connais pas la définition précise) est la guerre de sécession américaine.

4. 2009-04-12 23:43+0200 (Le Général Tapioca)

Dimanche 12 avril 2009

Bonjour Joël,

Furetant sur la toile à la recherche d'une traduction d'un poème d'une cantate de JS Bach, je tombe sur votre page. Bach se copiant lui-même.

J'aime la fraîcheur de vos remarques. J'admire votre travail répertoriant chaque passage par vous découvert.

Je partage avec vous une très grande admiration pour Jean Sébastien.

Je vous imagine jeune encore, moins de 30 ans sans doute.

On n'en finit jamais d'explorer l'œuvre immense de Bach. Sans doute la plus grande et la plus riche cathédrale musicale qui existe.

J'écoute, je réécoute et je découvre encore de nouvelles beautés dans l'œuvre du maître. Et j'ai 63 ans.

Il me faudrait des journées de 76 heures pour explorer rien que les extraits diffusés sur Youtube (une véritable Caverne d'Ali Baba) et les collections de CD audio et les DVD des médiathèques publiques et réécouter ceux de ma propre discothèque.

Sans compter les nombreux autres compositeurs et les autres musiques que j'aime.

Comment font ces gens qui prétendent avoir écouté attentivement ne serait-ce, disons pour simplifier, que les quelques 224 cantates de Bach ? Les avoir comparé entre elles, entendu les versions de Koopman, d'Harnoncourt, de Herreweghe, de Rilling et j'en passe, pour ne pas citer les enregistrements "historiques", d'aller naturellement au concert pour jouir de la musique de Bach jouée par des musiciens en chair et en os ?

Où trouvent-ils assez de temps ? Ont-ils un travail qui les accapare ? une famille ? des amis avec qui partager les bons moments de la vie ? N'écoutent-ils pas la musique de Chopin ? de Händel ? et les 555 sonates de Domenico Scarlatti ? et les opéras de Verdi ? et ceux de Wagner ?

Je vous engage à poursuivre votre recherche. Vous êtes loin d'être au bout de vos découvertes des similitudes .

Votre liste n'est encore qu'une partie émergée de l'iceberg des reprises des thèmes musicaux chez JS Bach. Votre sujet n'est pas prêt de s'épuiser.

Dans le fond, on peut dire que tous les grands compositeurs se sont copiés eux-même et ont copié les autres. Mais pas seulement copié, transformé, transfiguré. On ne compte plus les "thèmes et variations" chez Beethoven, Brahms entre autres. Berlioz copie le Dies Irae dans sa Symphonie Fantastique, Stravinski copie dans Pétrouchka la chanson à la mode "Elle avair une jambe en bois", etc. En fait, la copie inspirée devient un art créatif.

Les musiciens de jazz font à peu près la même chose en reprenant les standards, voire les thèmes des chansons à succès les plus commerciales au départ.

Je viens de mettre sur Youtube le choral BWV 267, un petit cantique de rien du tout, mais que je trouve magnifique.

http://www.youtube.com/watch?v=EjGdq07Fkbo&feature=channel_page

JS Bach l'a repris en version pour orgue, BWV 653.

http://www.youtube.com/watch?v=8259IoW2RAs&feature=related

Vous pouvez donc les rajouter à votre liste.

Après avoir lu vos listes et références sur les œuvres de Bach : pas de lien vers une plage musicale. Envisagez-vous d'illustrer tout ça par des extraits des musiques que vous citez ? Ça serait sans doute plus attractif pour vos visiteurs de blogue.

Par ailleurs, j'aime bien la présentation de votre blogue.

Personnellement, j'utilise pour l'hébergement de mon blogue le portail de M6, mais j'en suis moyennement satisfait. De plus comme je suis peu doué en informatique, je galère encore pas mal au plan technique.

Quel est votre support technique pour réaliser et héberger votre blogue ?

Cordialement : François B.

legeneraltapioca@gmail.com

mon blogue : (si vous êtes très pressé, allez dans la catégorie musique)

http://lalongue-vue.m6blog.fr

mes vidéos musicales sur Youtube :

http://www.youtube.com/user/legrandchene

5. 2009-04-13 01:02+0200 (Joël)

> Quel est votre support technique pour réaliser et héberger votre blogue ?

Un serveur que j'ai acheté et des logiciels écrits moi-même, imitant la structure de <URL: http://www.madore.org/~david/weblog/ > ; la feuille de style est basée sur <URL: http://www.tuteurs.ens.fr/internet/web/html/themes.html >.

> Après avoir lu vos listes et références sur les œuvres de Bach : pas de lien vers une plage musicale. Envisagez-vous d'illustrer tout ça par des extraits des musiques que vous citez ?

Non, je ne l'envisage pas. Notamment en raison des lois sur le droit d'auteur et aussi parce que cela me prendrait trop de temps de reprendre ces pages.


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