2023-07-27 14:18+0530 (சென்னை) — Culture — Musique — Danse — Danses indiennes — Culture indienne — Voyage en Inde XXII
Je ressuscite ce blog après une très longue interruption. Bien sûr, il y a eu le COVID, qui a pour un temps réduit significativement les opportunités d'assister à des spectacles. Toutefois, la raison principale de cette interruption est liée à ma prise de conscience de plus en plus affirmée du caractère extrêmement problématique du style de danse bharatanatyam qui est actuellement le résultat d'un processus d'appropriation culturelle qui s'est fait au cours du dernier siècle au détriment de la caste des praticiens et praticiennes originels de cette forme de danse. Une de mes lectures les plus instructives sur ce processus est le livre Celluloid Classicism de Hari Krishnan à propos duquel j'ai écrit ce compte-rendu mis en ligne sur Narthaki, qui est le portait Internet de référence sur le bharatanatyam (et plus généralement les danses “classiques” indiennes) ; cependant, les articles qui y sont publiés sont généralement complètement vides d'un point de vue esthétique et ne font qu'appuyer le discours dominant.
J'ai acquis la conviction que mes aspirations esthétiques en tant que spectateur étaient parfaitement alignées avec la volonté politique que les artistes héréditaires de bharatanatyam soient mieux représentés. En effet, j'ai souvent observé des récitals de grandes interprètes qui, plutôt que de s'associer à des artistes héréditaires compétents pour composer des séquences techniques de danse, ou ne serait-ce que de puiser dans le répertoire traditionnel de jatis qu'elles ont appris auprès de leurs maîtres héréditaires (nattuvanars), préfèrent commander des compositions rythmiques à des percussionnistes. J'ai plusieurs fois été horrifié par le caractère anti-musical de certaines de ces créations. J'ai eu le sentiment que cela participait d'une entreprise de destruction de la musique et de la danse.
Mes seules satisfactions avec ce style viennent de mon apprentissage avec le maître héréditaire Kuttalam M. Selvam, et des très rares occasions d'assister à des récitals, où, sans que les artistes héréditaires soient forcément physiquement présents, leur apport esthétique est un minimum audible ou visible.
Music Academy, Kasturi Srinivasan Hall, Chennai — 2023-07-26 à 18:00
Bhavya Kumaran
Sowmya Kumaran, nattuvangam
Murali Parthasarathy, chant
Vedakrishnaram, mridangam
B. Muthukumar, flûte
?, violon
Alarippu (Mishra Chapu Tala)
Jatiswaram (Raga Saveri, Rupaka Tala)
Varnam “Nadani azhaithtuva...” (Raga Kambhoji, Adi Tala)
Ashtapadi “Yahi Madhava” (Adi Tala, Raga Sindhu Bhairavi)
Javali (Raga Khamas, Rupaka Tala), composition de Patnam Subramaniam Iyer
Tillana (Raga Hindolam, Adi Tala), composition de Dandayudhapani Pillai
J'avais déjà eu l'occasion de voir danser Bhavya Kumaran en août 2022 lors de sa participation au festival Spirit of Youth de la Music Academy auquel j'assiste très régulièrement depuis 2015. Elle avait alors obtenu le deuxième prix (derrière le très méritant Shabin Bright) et a été réinvitée pour un récital de la HCL Series. J'avais beaucoup apprécié ce récital qui m'avait semblé être comme une capsule temporelle donnant une certaine indication de ce que pouvait être la danse bharatanatyam il y a 30 ou 40 ans. En effet, la mère de la danseuse, Sowmya Kumaran, a appris la danse initiallement auprès de l'artiste héréditaire Jayalakshmi Arunachalam, puis a émigré aux États-Unis, y a enseigné à sa fille Bhavya, en maintenant manifestement un grand soin dans la préservation de la forme traditionnelle du récital Margam, du vocabulaire des adavus et des particularités du style de Thanjavur. Cela reste bien sûr problématique, mais il s'agit manifestement de personnes qui comprennent la valeur de la contribution esthétique des artistes héréditaires.
Le récital de ce soir a été de très grande qualité. J'ai été agréablement surpris que le programme commence par deux types de pièces qui tendent à disparaître des programmes : Alarippu et Jatiswaram. Comme dans tout le reste du récital, la complète maîtrise technique de la danseuse est évidente. Les comptes de la danse restent modérément complexes et plutôt en vitesse moyenne, ce qui permet de bien apprécier les moindres mouvements ornementaux de la danseuse. Une des particularités de certains maîtres originaires de Thanjavur (comme Guru Herambanathan Pillai) apparaît dans le Jatiswaram et sera aussi visible dans le Varnam : chaque korvai est précédé d'une ligne complète de mouvements de tête (attami) qui procurent une respiration bienvenue dans les chorégraphies.
Toutefois, ce récital n'est pas exactement ancré dans la même tradition que celui auquel j'avais pu assister en 2022. En effet, la pièce principale du récital, le Varnam “Nadani azhaithtuva...”, ainsi que les deux pièces de pur abhinaya suivantes ont été enseignées par la danseuse Lavanya Ananth, qui fait partie des rares artistes qui respectent très fidèlement la forme du Margam. Tout en gardant certaines spécificités du style originel de la danseuse, la chorégraphie comporte des jatis très jubilatoires de la tradition Vazhuvoor, dont le magnifique jati off-beat “ta ri tatana ta ri tajono...” composé par Vazhuvoor Ramiah Pillai : le décalage volontaire entre les ononatopées récitées et les pas de danse sont très bien mis en valeur par la danseuse. Les motifs de Tattu Muttu sont relativement complexes, notamment par l'utilisation de triolets (tishra-nadai), mais restent très musicaux. Les sections d'abhinaya de la première partie du Varnam développent selon le schéma traditionnel l'évolution du sentiment amoureux de l'héroïne pour le dieu Muruga. Le Pallavi évoque une jeune héroïne qui s'émerveille de la vue de Muruga, et qui souhaite l'épouser. Elle croit sentir sa présence, mais ce n'est qu'une illusion. L'Anupallavi met en scène le sentiment de séparation amoureuse de l'héroïne, qui entretemps a grandi. Il est très appréciable que la chorégraphie se focalise résolument sur les sentiments de l'héroïne, allant ainsi à contre courant de la tendance actuelle qui consiste à narrer de multiples exploits du dieu concerné sans rapport évident avec le texte chanté.
Les deux pièces d'Abhinaya qui ont suivi ont été enseignées par Lavanya Ananth, et s'inscrivent dans le style de Kalanidhi Narayanan. Chacune des deux pièces commence ainsi par un prélude accompagné par le percussionniste et les instruments mélodiques avant que le texte de la composition musicale ne se fasse entendre. J'ai particulièrement apprécié le caractère espiègle du Javali dans lequel l'héroïne, touchée par les flèches de Kama, ne peut retenir son sentiment amoureux pour Venkateshwar.
Le récital s'est conclu par un très beau Tillana dédié à Shiva (composé par le nattuvanar K. N. Dandayudhapani Pillai).
2019-11-02 16:03+0100 (Paris) — Culture — Musique — Danse — Danses indiennes — Culture indienne
Maison de l'Inde, Cité universitaire — 2019-10-08
Anusha Cherer, danse bharatanatyam
Bhavana Pradyumna, chant carnatique, nattuvangam
Venkat Krishnan, mridangam
Charles Parameshwaralingam, violon
Dr M. Balamuralikrishna, compositions
Sivaselvi Sarkar, Rama Vaidyanathan, Vidhya Subramanian, Anusha Cherer, chorégraphies
Pushpanjali (Adi Tala, Raga Arabhi), chorégraphie de Sivaselvi Sarkar
Varnam “Omkara” (Adi Tala, Raga Shanmukhapriya)
Ashtapadi “Yahi Madhava” (Adi Tala, Raga Sindhu Bhairavi)
Thillana (Adi Tala, Raga Kadana Kuthuhalam)
Mangalam
(Full disclosure: Le spectacle dont je rends compte ici a été organisé par la chanteuse Bhavana Pradyumna avec qui j'ai eu plusieurs fois l'occasion de collaborer sur plusieurs spectacles.)
Depuis qu'elle s'est installée à Paris il y a quelques années, la chanteuse carnatique Bhavana Pradyumna organise tous les ans un événement Nritya Naada où des compositions de danses sont présentées. La première édition en 2016 était consacrée au répertoire de M. S. Subbulakshmi, la deuxième en 2017 (à laquelle je n'ai pas assisté) au compositeur-chorégraphe Madurai Muralidharan, la troisième en 2018 au compositeur et violoniste Lalgudi Jayaraman. L'édition 2019 est consacrée aux compositions de Dr. M. Balamuralikrishna que j'eus le privilège d'entendre lors d'un très bref mais néanmoins inoubliable concert en 2013.
Il faut souligner cette initiative, puisque depuis le désengagement du Théâtre de la Ville et du Musée Guimet des danses classiques indiennes, il est devenu très rare d'assister à des récitals complets de danse bharatanatyam qui soient accompagnés de musiciens. Comme lors de l'édition 2018 de Nritya Naada, c'est un Margam relativement fourni qui est interprété par les musiciens et par la chanteuse.
Certaines des compositions de Dr. M. Balamuralikrishna sont devenues des classiques du répertoire dansé. C'est le cas d'un certain nombre de ses Thillanas ainsi que du Pushpanjali en Raga Arabhi qui fait partie de ce programme. J'avais déjà entendu parler de son Varnam Omkara parce qu'une danseuse que je connais très bien avait envisagé de le danser, mais je ne l'avais jamais vu sur scène.
Pour ce programme avec musiciens, la danseuse est Anusha Cherer dont j'avais déjà apprécié le travail lors de précédents récitals en 2015 et 2018. Le programme commence par le Pushpanjali “jhem jhem tanana” chorégraphié par Sivaselvi Sarkar, le guru de la danseuse, qui l'avait déjà interprété lors de son dernier récital au Centre Mandapa. C'est un réel plaisir d'entendre et de voir cette danse interprétée de façon très musicale.
La pièce principale du récital est le Varnam “Omkara” en Raga Shanmukhapriya et Adi Tala. Le programme ayant été préparé en très peu de temps (deux semaines), la danseuse a utilisé des jatis qu'elle avait déjà dansés lors de son précédent récital au Centre Mandapa. J'ai en particulier reconnu le tri-kala sur le thème “Ta di nutadimi ta di nutadimi ta nutadimi ta takundari kitataka” extrait d'un autre Varnam chorégraphié par Rama Vaidyanathan, la composition rythmique étant probablement due au défunt Karaikudi Sivakumar. Ses jatis sont en général très complexes, et j'avoue n'avoir que très rarement réussi à clapper le tala lors que j'ai entendu ses jatis lors de spectacles... Ici, la récitation et les thalams sont assurés par la chanteuse Bhavana Pradyumna dont la récitation m'a semblé très régulière dans ces jatis. Fait rare en France, les arudis sont bien exécutés ! Le texte du poème fait l'éloge de celui qui représente la musique qui est issue du son primordial Om. La ligne d'Anupallavi fait plus spécifiquement référence à celui qui porte la flûte (Krishna), et le Muktayi évoque sans ambiguité Vishnu sous la forme de Padmanabha. Ces lignes de texte ont été très bien interprétées par la danseuse.
Le temps de répétition très court pour ce récital s'est à mon avis un peu fait sentir dans l'exécution de la deuxième moitié du Varnam. La deuxième moitié d'un Varnam est en général exécutée à un tempo supérieur, ce qui rend plus difficile l'exécution des séquences techniques et rend quasiment impossible la parfaite intelligibilité du sens du texte exprimé par la danse. La deuxième moitié de ce Varnam est particulièrement complexe rythmiquement parlant, puisque les Ettugada Swarams (ainsi que les paroles associées) ne commencent pas au début du cycle, mais off-beat, et se reconnectent avec une ligne de Caranam, qui si, elle, démarre bien sur le premier temps, présente quelques petites difficultés rythmiques. En principe, les phrases chorégraphiques de ces Swarams devraient donc commencer off-beat, ce qui n'est pas facile à danser... Je ne saurais dire qu'elle était exactement l'intention, mais j'ai senti une certaine hésitation de la danseuse au démarrage de ces Swarams. Je sais à quel point c'est difficile ! mais il aurait été souhaitable que la chanteuse aux thalams et le percussionniste donnent des indications rythmiques plus claires pour permettre à la chanteuse de démarrer plus facilement au bon moment. J'ai été néanmoins impressionné par le démarrage parfaitement off-beat de la danseuse lors des très-redoutables Tatti Metti de la dernière phrase d'Abhinaya ! Par ailleurs, dans cette deuxième partie de Varnam dans laquelle des parties du corps de Vishnu sont comparées à un lotus, j'ai particulièrement apprécié la poésie de la description de la Nature dans le troisième Ettugada Sahitya. Malgré les imperfections de cette performance, qui sont très excusables en raison des courts délais de répétition, j'ai apprécié de pouvoir voir en France un Varnam dansé avec des musiciens.
La pièce suivante n'est pas une composition de Balamuralikrishna : il s'agit de l'Ashtapadi “Yahi Madhava”, extrait du Gita-Govinda de Jayadeva. J'ai eu de nombreuses occasions de le voir représenter. À chaque fois, c'est une expérience différente. Dans le style odissi, j'avais apprécié l'interprétation de Mahina Khanum en 2015 dans une chorégraphie de Kelucharan Mohapatra transmise par Madhavi Mudgal que j'ai eu l'occasion de voir interpréter cette pièce cet été à Delhi. Anusha Cherer a appris cette pièce lors d'un stage avec la danseuse Vidhya Subramanian. De même que dans la version de Kelucharan Mohapatra, la chorégraphie met en scène non seulement les reproches adressés par Radha à Krishna qui sont contenus dans le texte, mais aussi des réponses quelques peu fantaisistes de Krishna qui tente de donner une explication alternative à la présence de marques sur son corps qui trahissent son infidélité. Par exemple, il prétend que les griffures laissées par les ongles de l'autre résultent d'une chute dans les ronces alors qu'il essayait de cueillir des fleurs pour Radha (qui le met en défaut parce qu'il ne les a pas apportées !). Comme dans son précédent récital, j'ai été impressionné par l'Abhinaya d'Anusha Cherer.
Il se trouve que ce n'est pas la première fois que je vois une danseuse
française danser cette pièce transmise par Vidhya Subramanian. Ainsi, j'ai
aussi eu deux fois l'occasion de voir Iran Farkhondeh très bien danser
cette pièce. Je suis donc très étonné par le contraste radical entre les
interprétations de ces deux danseuses. Le scénario
est le même dans
les deux cas, mais l'incarnation est me semble-t-il complètement
différente. Le point de vue d'Iran Farkhondeh était me semble-t-il
d'incarner le personnage de Radha pendant toute la durée de la pièce, ce
qui extrêmement difficile à interpréter puisque lorsque Krishna fait ses
réponses, la danseuse ne peut se transformer en Krishna : elle doit
continuer à incarner Radha et ne peut nous faire comprendre le discours de
Krishna qu'à travers la réaction de Radha à ces paroles. Le seul sentiment
exprimé est celui de la colère froide de Radha. Au contraire, dans
l'interprétation d'Anusha Cherer, si le point de vue principal est
résolument celui de Radha, la danseuse devient
clairement Krishna
quand il répond aux reproches de Radha. J'ai apprécié cette interprétation
qui permet une réconciliation future entre Radha et Krishna : on sait bien
qu'ils vont se réconcilier ! D'ailleurs, dans l'interprétation d'Anusha
Cherer, à la fin de la pièce, quand Radha se détourne de Krishna, on sent
qu'elle hésite quelque peu.
Le récital s'est conclu par un très joyeux Tillana de Balamuralikrishna. Il faut féliciter la personne qui a présenté les pièces pour avoir réussi à prononcer le nom du Raga Kadana Kuthuhalam sans la moindre hésitation ! J'ai particulièrement apprécié la complicité entre la chanteuse et le violoniste dans l'interprétation de cette composition très connue. J'ai pris beaucoup de plaisir en voyant Anusha Cherer interpréter cette pièce. Le moment le plus irrésistible que je retiens est celui, en début de pièce, où elle a interprété de somptueux Mai Adavus avec le mudra Tripataka.
Anusha Cherer dansera avec ses élèves à Paris le 14 décembre.
Venkat Krishnan, Aniruddha & Bhavana Pradyumna, Charles Parameshwaralingam, Anusha Cherer
2019-10-21 09:15+0200 (Orsay) — Culture — Musique — Danse — Danses indiennes — Culture indienne
Centre Mandapa — 2019-09-27
Anuya Rane, bharatanatyam
Mallari (Raga Gambhira Nattai, Mishra Triputa Tala)
Alarippu (Tishra Ekam Tala)
Jatiswaram (Raga Chakravakam, Tishra Ekam Tala, composition du Thanjavur Quartette)
Varnam “Moham aginen inda velaiyil” (Raga Karaharapriya, Adi Tala, composition de Dandayudhapani Pillai)
Nindastuti (Rupaka Tala)
Thillana (Raga Revati, Adi Tala, composition de Madurai N. Krishnan)
J'avais déjà eu l'occasion de voir Anuya Rane danser lors d'un spectacle avec Vaibhav Arekar au Musée Guimet en 2013. Cette fois-ci, elle a interprété en solo un Margam, un récital de format traditionnel, devant un public malheureusement trop peu fourni dans la salle du Centre Mandapa.
Le récital a commencé par un Mallari en Mishra Triputa (11 temps), dans un enregistrement chanté par Preethy Mahesh, incluant diverses vitesses y compris le tishra nadai. La danseuse évoque la procession d'une divinité. La danse technique est musicale, mais dans cette pièce, la danseuse est parfois quasiment debout pour exécuter des mouvements que l'on imaginerait davantage exécutés en demi-plié.
Le récital se poursuit avec l'Alarippu à trois
temps. La chorégraphie de la danseuse utilise des éléments de la
chorégraphie traditionnelle, comme des mouvements d'épaules et des yeux,
exécutés en grand, prenant le contre-pied de l'opinion généralement admise
actuellement visant à les rendre aussi petits que possibles. L'utilisation
de l'espace par la danseuse comporte quelque originalité, comme
lorsqu'elle utilise des mouvements en diagonale ou n'utilisant qu'une seule
main à la fois. La composition rythmique présente aussi une surprise dans
la construction du jati de l'Alarippu qui ne se finit pas ici par
l'habituel motif croissant
tadinginatom-takatadinginatom-takadikutadinginatom
, mais qui
l'inclut dans une triple formule en accordéon
: la formule
croissante habituelle est dite une fois à l'endroit, puis une fois à
l'envers (en décroissant), et une dernière fois à l'endroit de façon
légèrement différente
(tadin-ginatom)(takatadin-ginatom)(takadikutadin-ginatom)
.
Après cette entrée en matière, la première pièce véritablement substantielle est un Jatiswaram traditionnel composé par le Thanjavur Quartette. Je ne connaissais cette composition en Raga Chakravakam que par un opportun effet Zahir, mon professeur m'en ayant parlé quelques jours auparavant. Dans cette pièce, j'apprécie la simplicité des marches de transition effectuées avec épaulement, la beauté des passages techniques, très bien exécutés, et très clairs rythmiquement.
La pièce principale du récital est le Varnam “Moham aginen inda velaiyil” en Raga Karaharapriya et Adi Tala composé par le Nattuvanar Dandayudhapani Pillai. Avant que la composition proprement dite ne commence, pendant l'Alap, la danseuse incarne l'héroïne qui dans un rêve croit apercevoir Shiva. À son réveil, elle comprend que ce n'était qu'une illusion. Comme dans le Jatiswaram, la partie technique de la danse est très maîtrisée par la danseuse, toujours exacte rythmiquement, y compris dans les motifs rapides des arudis ponctuant la fin des Jatis. Dans cette version du Varnam, il y a une double ration de Jatis. En effet, entre la première et la seconde ligne du Pallavi intervient habituellement le deuxième Jati d'un Varnam, mais ici, au lieu d'un jati, il y en a eu deux à la suite, et de même avant chacune des autres lignes de textes de la première partie du Varnam, comme le font certaines écoles de bharatanatyam. Dans le Pallavi, l'héroïne exprime à quel point elle est intoxiquée, alors qu'elle est touchée par les flèches de Kama. La danseuse a été très musicale pendant tout le récital, et son Abhinaya m'a plu, mais j'ai trouvé dommage que les frappes de pieds aient été aussi violentes quand il s'agissait d'exprimer que l'héroïne était atteinte par les flèches florales de Kama. Dans l'Anupallavi, la chorégraphie met en scène la danse de Shiva-Nataraja dans le temple de Chidambaram et l'héroïne demandant à son amie que le dieu vienne l'enlacer. Plus loin, elle se plaint du mal que lui fait la lumière reflétée par la Lune. Dans la deuxième partie du Varnam, l'héroïne souffre de la séparation. De façon intéressante, une des lignes de texte fait écho au rêve qui avait été mis en scène pendant l'Alap. Il n'y avait pas eu de Tattu Muttu dans la première partie du Varnam. Les lignes de textes de la deuxième moitié ont inclus des Tattu Muttu, qui étaient très en place rythmiquement, mais malheureusement pas suffisamment accentués à mon goût, ce qui est étonnant puisque les frappes étaient très bien appuyées dans les beaux passages techniques de ce Varnam.
La composition suivante est un Nindastuti, dans lequel une dévote semble critiquer de façon ironique le dieu Shiva. Elle prétend ne faire que rapporter les commérages que les gens font à propos de lui. La danseuse avait déjà interprété cette pièce lors du récital avec Vaibhav Arekar. Il ne porte qu'un quart de Lune, et même pas la Lune toute entière. C'est un mendiant, qui mange les restes des repas des autres. Il n'a pas d'endroit où poser son deuxième pied. Sa monture (le buffle) lui donne une démarche ridicule. Comme dans le Varnam, l'Abhinaya de la danseuse est très convaincant !
Le récital s'est conclu par le Tillana en Raga Revati et Adi Tala composé par Madurai N. Krishnan. J'ai apprécié de voir cette composition dansée dans un tempo plus raisonnable que dans la chorégraphie différente que je connais.
Il est devenu rare que l'on voie à Paris un Margam aussi complet et bien exécuté. Merci beaucoup à la danseuse pour ce récital !
2019-08-31 17:28+0300 (Helsinki) — Culture — Musique — Danse — Danses indiennes — Culture indienne — Voyage en Inde XIX
(Full disclosure: le jour de ce récital, j'ai eu le plaisir de déjeuner en tête-à-tête avec le guru de la danseuse, Praveen Kumar, qui souhaitait me rencontrer depuis longtemps. Il ne m'a alors pas donné d'informations à propos de ce récital que je ne connusse déjà, comme le choix du Varnam et du Javali. Après le récital, il m'a demandé de lui envoyer mon feedback. Le billet qui suit est essentiellement une adaptation en français des observations que je lui ai envoyées, et qu'il a beaucoup appréciées !)
Depuis 2015, j'essaye de faire en sorte d'être à Chennai au début du mois d'août afin d'assister au festival Spirit of Youth qui se tient dans la petite salle de la Music Academy. Tous les soirs du 1er au 10 août, de jeunes musiciens et danseurs de moins de 25 ans se produisent. Un jury très discret assiste à toutes les représentations et décerne des prix qui sont formellement remis lors de la soirée d'inauguration du Festival de la Music Academy en janvier. Cette fois-ci, j'ai assisté à sept des dix récitals de danse. Je reviens ici sur le récital qui m'a le plus marqué, celui de Shreema Upadhyaya, disciple de Guru P. Praveen Kumar (Bangalore).
The Music Academy, Kasturi Srinivasan Hall, Chennai — 2019-08-03
Shreema Upadhyaya, bharatanatyam
Sri. P. Praveen Kumar, nattuvangam, chorégraphies
Sri. Karthik Hebbar, chant
Sri. Gurubharadwaj, mridangam
Sri. Aniruddha, violon
Shloka, suivi de “Gajamukha...” (Raga Mayamalavagaula, Adi Tala), composition de Vadiraja Swami
Alarippu (Khanda Chapu)
Navarasa Shloka, poème d'Adi Shankaracharya
Varnam “Rupamu Juchi” (Adi Tala, Raga Todi), composition attribuée à Muthuswami Dikshitar
Javali “Sako Ninna Sneha” (Mishra Chapu Tala, Raga Kapi), composé par Venkatagiri Shastri
Kirtana “Ododi Vandhen Kanna” (Adi Tala, Raga Dharmavati), composé par Ambujan Krishna
Thillana (Adi Tala, Raga Thillang), composé par Lalgudi G. Jayaraman
Après une invocation chantée de Ganesh, le récital a commencé par un Alarippu en Khanda Chapu qui m'a semblé superbement dansé. J'ai aussi particulièrement apprécié la récitation par Praveen Kumar qui dans cet Alarippu comme dans les jatis du Varnam utilise différentes types d'intonation, parfois plus douce, parfois plus forte que la normale.
La danseuse a poursuivi avec un Shloka “Sharada...” dédié à la Déesse, principalement en tant que Saraswati. Le choix d'interprétation consiste à incarner l'émerveillement (adbhuta) suscité par celle qui porte la vina.
Shreema Upadhyaya
(Les photographies ont été prises lors d'un
précédent programme.)
La pièce princiale du récital a été le Varnam “Rupamu Juchi” qui est, peut-être faussement, attribué à Muthuswamy Dikshitar, qui n'a jamais rien composé pour la danse. En effet, cette composition n'est pas prévue pour la danse puisque la deuxième partie de ce Chauka Varnam ne comportait initialement que des Ettugada Swarams en plus de la ligne de Caranam. Les paroles (Ettugada Sahitya) ont été composées par le musicien Tiger Varadacharya dans les années 1930 à la demande de Rukmini Devi Arundale. Depuis, ce Varnam fait partie du répertoire de Kalakshetra, et au cours de ce festival Spirit of Youth, j'ai eu l'occasion de voir une autre danseuse interpréter ce Varnam de façon probablement rigoureusement conforme à la volonté de Rukmini Devi, cf. plus bas...
La chorégraphie interprétée par Shreema Upadhyaya est celle de son guru Praveen Kumar. J'ai particulièrement apprécié la musicalité des passages techniques : Jatis et Swarams, tous magnifiquement chorégraphiés et dansés. Dans les Tirmanams, Praveen Kumar utilise des intervalles de silence (karvais) plus longs que ne le font la plupart des chorégraphes. Il est facile d'aider la danseuse en remplissant le vide musical avec des frappes des thalams (cymbales), mais Praveen Kumar ne l'a pour ainsi dire pas fait, son élève étant parfaitement capable de tenir les silences en reprenant exactement là où il le faut. Visuellement, les chorégraphies m'ont semblées très belles, notamment par l'utilisation d'adavus relativement peu utilisés, comme les Nattadavus doublés ou les adavus n'utilisant qu'une main (comme ceux introduits par Muthuswamy Pillai). Mon plus grand plaisir est venu du contraste entre les différentes vitesses dans les mouvements. Par exemple, le troisième Jati était essentiellement en vitesse moyenne, mais depuis cette vitesse, la danseuse pouvait accélérer ou au contraire ralentir les mouvements. Au contraire, le deuxième Jati a commencé à une vitesse exquisement lente, et les mouvements se sont accélérés vers la fin. J'ai apprécié la musicalité de la danseuse, capable de produire de beaux contrastes d'intensité sonore pour les différents pas : c'était particulièrement délectable dans le quatrième Jati dans laquelle la danseuse accentuait la deuxième syllabe des ta-TAI-tai-ta (Vishru/Marditha) adavus. L'architecture rythmique de ce dernier Jati de la première moitié du Varnam était particulièrement intéressante puisque le premier bloc conclusif comportait des séries de "tadiginatom" (précédés de karvais), le deuxième bloc était fait de "dikutadiginatom" et le dernier bloc de "takadikutadiginatom". Aussi, dans toute la danse pure, j'ai apprécié la beauté de l'inattendu (visuel ou rythmique), qui pouvait arriver à tout moment, quoique plus particulièrement à la toute fin des Jatis.
J'ai apprécié l'Abhinaya de la danseuse dans ce récital : très claire et expressive, sans maniérisme ni sur-ornementation. Au début du Varnam, l'héroïne admire Shiva. Il porte le croissant de Lune, la peau de tigre, etc. Elle cherche à se rapprocher de lui. Plus loin, elle craint son indifférence ou sa colère, lui qui a réduit en cendres Kama. Dans la première ligne de l'Anupallavi, la danseuse interprète de façon remarquable deux Sancharis, l'un évoquant le jeune Markandeya et l'autre le rôle de Shiva en tant que Nilakantha lors du barattage de la mer de lait. J'ai apprécié que ces Sancharis ne soient pas excessivement dramatisés. Par exemple, pour le premier Sanchari, elle ne joue que le rôle de Markandeya : elle ne montre pas Yama, le dieu de la Mort, venu mettre un terme à la vie du garçon. Elle suggère seulement brièvement la douleur de Markandeya. Ce n'est pas un combat terrible et très long comme je l'ai déjà vu (et cela m'a parfois très impressionné). Je souscris complètement à ce choix esthétique, qui demande certes une attention soutenue des spectateurs, mais qui permet aussi de ne jamais perdre de vue le sens du texte. C'était magnifiquement fait, mais il va sans dire qu'il y a quelques années je n'aurais rien compris à ce qui se jouait là ! (L'investissement du chanteur Karthik Hebbar est à noter, puisqu'il a chanté les Sancharis, ce qui est assez rare à Chennai, le violoniste ou flûtiste prenant habituellement le relais pour ces développements.)
La deuxième ligne de l'Anupallavi nomme Shiva sous le nom de Tyagaraja, sa forme résidant à Tiruvarur, où je ne suis malheureusement pas encore allé. En voyant l'abhinaya de la danseuse, je me suis demandé s'il n'y avait pas quelque ironie dans la frustration de l'héroïne, puisqu'une toute petite partie du corps de Tyagesha y est visible...
Dans la deuxième moitié du Varnam, s'il y a une chose que je retiendrai, c'est le sublime Arudi que la danseuse a exécuté la toute première fois. Cette ponctuation intervient à la fin des Swarams. Rythmiquement, cela devrait ressembler à quelque chose comme ça :
La série de “dit ta -“ rapides était exécutée avec des frappes de pieds en Araimandi, alors que les mains de la danseuse étaient liées au-dessus de sa tête. La conclusion de l'Arudi au milieu du cycle avec les trois dernières syllabes “di di ta” (en vert ci-dessus) se faisait sans mouvements de pieds, uniquement avec un délicat mouvement d'épaule. C'était sublimement exécuté. Pour ponctuer tous les Swarams suivants, la danseuse a refait le même Arudi, mais au lieu de terminer avec uniquement trois mouvements d'épaules, elle a en même temps fait aussi trois frappes de pieds. Cela m'a fait croire que l'intention était de faire à la fois des mouvements d'épaules et de pieds pour conclure l'Arudi de la deuxième moitié du Varnam. J'ai alors cru que la première version dansée (sans les pieds, uniquement les mouvements d'épaule) était une erreur, mais une erreur tellement sublime que cela méritait à mon avis d'être la façon correcte d'exécuter cet Arudi, et Bingo ! quand je m'en suis émerveillé auprès du chorégraphe, il a confirmé que c'était en fait son intention de conclure uniquement avec des mouvements d'épaule...
Dans le Javali dans lequel l'héroïne est en colère avec son amant qu'elle soupçonne d'être infidèle, j'ai apprécié l'aptitude de la danseuse à bien caractériser les différents personnages. Dans toutes les parties d'Abhinaya de ce récital, y compris la composition d'Ambujam Krishna dans laquelle l'héroïne cherche Krishna, qu'elle trouve finalement, j'ai aimé l'aisance avec laquelle la danseuse pouvait suggérer beaucoup sans utiliser le moindre mouvement ou position des mains, mais en utilisant uniquement les yeux ou des micro-mouvements du corps.
Le Thillana a été un pur régal pour moi. J'ai été amusé par le caractère créatif de la seconde série de Mai Adavus dans laquelle la danseuse fait faire un tour et demi à ses bras tenus, comme si une roue tournait. Contrairement à ce que suggère la description, c'était très élégant, comme tout ce qu'a dansé Shreema Upadhyaya. Je me suis particulièrement délecté d'un adavu que j'ai rarement eu l'occasion de voir (auquel je donne le nom de crocodile-mouth-opening ta-tai-tai-ta).
De tous les spectacles que j'ai eu l'occasion de voir cet été en Inde, c'est sans doute celui qui m'a le plus satisfait. Bravo à Shreema Upadhyaya et à son guru Praveen Kumar pour ce merveilleux moment !
⁂
Les résultats du concours Spirit of Youth 2019 sont tombés cette semaine. Mes favories étaient Shreema Upadhyaya et Shruthipriya R, mais le jury a préféré Bristy Rani (disciple de Sheejith Krishna) et n'a accordé que le deuxième prix à Shruthipriya R.
Voici très brièvement mes impressions sur les participants que j'ai vus :
2019-06-22 14:11+0200 (Orsay) — Culture — Musique — Danse — Danses indiennes — Culture indienne
Centre Mandapa — 2019-04-11
Kalpana, bharatanatyam
Emmanuelle Martin, chant carnatique
Venkat Krishnan, mridangam
Offrande de fleurs et Shloka “Mūṣikavāhana” (Raga Natai, chorégraphie de Kalanidhi Narayanan)
Muruga Kautwam (Raga Shanmukhapriya, Chatushra Ekam Tala, chorégraphie de Muthuswamy Pillai)
Jatiswaram (Raga Vasanta, Rupaka Tala, composition du Thanjavur Quartette, chorégraphie de Muthuswamy Pillai)
Kalaitooki (Raga Harikamboji, Adi Tala, composition de Marimuttu Pillai, chorégraphie de Muthuswamy Pillai)
Kṛṣṇakarṇāmṛtam (Shloka) “Rāmo nāma babhūva” (Ragamalika, poème de Bilvamangala, chorégraphie de Kalanidhi Narayanan)
Kriti “Sukhi Evaro” (Raga Kanada, Adi Tala, composition de Tyagaraja)
Tillana (Raga Shankarabharanam, Adi Tala, composition de Pooci Srinivasan Iyengar, chorégraphie de Muthuswamy Pillai)
Annapūrṇāstotram (deux shlokas) (poèmes d'Adi Shankaracharya, chorégraphie de Kalanidhi Narayanan)
J'ai déjà eu plusieurs fois l'occasion de voir danser Kalpana (notamment en 2015, 2017). Je respecte son parcours auprès de ses gurus V. S. Muthuswamy Pillai et Kalanidhi Narayanan, et son travail de professeur qui lors de spectacles de ses élèves m'a permis de voir des chorégraphies de Muthuswamy Pillai et de son fils Kuttalam M. Selvam : j'avais déjà eu l'occasion de voir ce style chez Mallika Thalak, Nancy Boissel, Ofra Hoffman, mais ce fut un récital d'élèves de Kalpana qui en 2015 qui me fit franchir le pas et envisager sérieusement de recevoir l'enseignement de Guru Kuttalam M. Selvam à Chennai, auprès de qui je prends des cours plusieurs semaines par an depuis. Je lui suis donc reconnaissant pour cela ainsi que pour quelques unes de ses initiatives, comme par exemple une Master-class avec Malavika Klein, la doyenne des danseuses et danseurs de bharatanatyam en France, à laquelle j'ai eu le privilège de pouvoir participer.
Je voudrais rappeler que si je suis ici souvent critique sur certains aspects de récitals auxquels j'assiste, il ne s'agit aucunement d'attaques personnelles : je tente de rendre compte de mon expérience esthétique, qui relève de mon ressenti lors d'un spectacle tout en étant indissociable de connaissances progressivement acquises au fil des années sur la forme artistique. Ainsi, certaines de mes remarques sont plutôt objectives puisque l'on peut considérer qu'elles reposent sur des faits (est-ce que les pas de danse sont exécutés de façon musicale ?) et d'autres sont plus subjectives (place d'une pièce comme Eppadi manam dans le répertoire). Sur ce qui est de nature plutôt objective, il peut m'arriver de me tromper (et je revendique le fait d'écrire mes billets avec une clarté suffisante pour qu'il soit au moins possible de pointer une erreur factuelle), et sur ce qui est plus subjectif, il peut exister plusieurs opinions, et je serais ravi de discuter de tels différends esthétiques.
Ce double préambule ayant été fait, venons-en au récital du 11 avril. J'aurais sincèrement aimé apprécier ce récital, mais je n'ai pas pu le regarder sans éprouver un certain malaise.
La première double pièce du récital était accompagnée par la chanteuse
Emmanuelle Martin pour qui j'ai la plus grande admiration. Cependant, j'ai
peu goûté la première chorégraphie intitulée Offrande de fleurs
qui
m'a semblé très austère, quasiment funèbre, à l'exact opposé de
l'atmosphère pleine de vie habituellement créée par un
Pushpanjali. Cette offrande était accompagnée d'un Alap,
donc sans pulsation rythmique régulière, et la chorégraphie consistait
principalement en une salutation aux points cardinaux entrecoupée de longs
moments d'immobilité. La danseuse a ensuite interprété le Shloka
Mūṣikavāhana dédié à Ganesh, celui dont le véhicule est une
souris.
Les trois pièces suivantes utilisaient des musiques enregistrées dans lesquelles on pouvait entendre le magnifique chanteur Madurai T. Sethuraman. Dans le Muruga Kautwam et encore plus particulièrement dans le Jatiswaram, j'ai été très gêné par le manque de musicalité dans l'interprétation des passages techniques. Pour moi, le bruit des pas fait partie intégrante de la composante musicale de la danse bharatanatyam, et il ne s'agit pas là de frapper tous les pas comme une brute. Au minimum, les mouvements doivent être exécutés en rythme, mais je pense qu'idéalement, on devrait pouvoir entendre la composition rythmique des enchaînements rien qu'en écoutant les pas. Le génie du chorégraphe Muthuswamy Pillai réside à mon avis autant dans sa façon particulière de créer des adavus et d'utiliser l'espace que dans la complexité de ses compositions rythmiques. Je ne peux apprécier ce dernier aspect quand les mouvements de pieds “diditai” sont escamotés ou à peine esquissés, et toujours inaudibles. La plupart du temps, les pas ne sont pas du tout frappés, et pour certains adavus, certains pas qui devraient être accentués sont silencieux et d'autres bizaremment plus frappés. Cela m'aurait peut-être moins perturbé si mon placement m'avait permis de voir les pieds de la danseuse à tout moment, mais cela m'a procuré une sensation vraiment très étrange de dissonance cognitive entre les motifs rythmiques que je percevais dans la musique enregistrée, les mouvements de bras que je voyais et les pas que j'entendais ou non. Pour moi, c'est une frustration énorme : le génie du chorégraphe n'est pas avec nous pendant la représentation. Cela dit, c'est un aspect du bharatanatyam qui pose problème avec beaucoup de praticiens de cette danse en France...
La pièce Kalaitooki a certainement été la pièce la mieux réussie dans ce début de ce récital. La pièce évoque Shiva, qui a le pied levé, lorsqu'il danse au temple de Chidambaram. Il est le père de Muruga. C'est aussi Ardhanarishwara ; il porte la Ganga et la Lune. Sa danse est accompagnée par le tambour de Nandi, Narada, les thalams de Brahma, etc. Le texte et la chorégraphie évoquent aussi l'apparition de Shiva sous la forme d'une colonne de lumière infinie dont Vishnu et Brahma furent mis au défi d'atteindre une extrémité. La chorégraphie représente Vishnu tentant de rejoindre le bas, mais semble-t-il pas la tentative de Brahma d'atteindre le haut.
J'avais déjà eu l'occasion de voir Kalpana danser la pièce suivante
“Rāmo nāma babhūva” deux fois à la suite. Il
était agréable ici d'entendre Emmanuelle Martin plutôt qu'une musique
enregistrée : c'est ce qui m'a procuré le plus de plaisir dans ce
récital. Néanmoins, l'accompagnement au mridangam par Venkat Krishnan
m'a semblé assez étrange dans cette pièce, puisqu'à certains moments il
a introduit une pulsation régulière alors que cela ne servait à mon avis
ni le discours musical ni la chorégraphie. Le musicien, très bon
rythmicien, a peu d'expérience avec la danse, et le rôle du mridangam
dans un Shloka n'a rien à voir avec le rôle habituel d'un
percussionniste lors d'un récital de chant, puisqu'il s'agit plus ou
moins de créer des effets qui soulignent de façon relativement discrète
certains points-clefs de la chorégraphie. L'interprétation de Kalpana
m'a paru très convaincante dans ce poème dont la chorégraphie évoque
l'histoire de Rama jusqu'à l'enlèvement de Sita. Il y a bien eu quelques
maladresses, comme des transitions parfois un peu floues entre les
différents chapitres
. Aussi, alors que Yashoda raconte l'histoire
de Rama à son fils adoptif, j'ai trouvé assez peu claire l'intervention du
jeune Krishna qui semble tenter de venir au secours de Rama : je ne vois
pas comment on est censé comprendre que c'est Krishna qui intervient.
Pour le reste, la pièce m'a semblé très bien interprétée.
La récital s'est poursuivi par l'interprétation d'une composition de Tyagaraja par Emmanuelle Martin, s'enchaînant avec un solo élaboré de Venkat Krishnan au mridangam.
Jusqu'ici, en termes de pièces de danse accompagnées par de la musique
interprétée en direct, le récital avait comporté deux Shlokas
comme “Mūṣikavāhana” et “Rāmo nāma babhūva”. Les pièces de ce type ne
nécessitent pas un travail énorme de mise en place dans la relation entre
la danse et la musique : il s'agit surtout pour la chanteuse d'être
attentive à préserver le flot de la danse sans le brusquer ni le ralentir.
C'est une tâche tout autre de mettre en place une pièce combinant la danse
et la musique dans un cadre rythmique précis comme dans un
Thillana, ce qui a été le cas ici. Par rapport aux autres pièces
de danse pure, Kalpana frappe souvent ses pas de façon beaucoup plus forte
et plus nette. Néanmoins, dans les parties conclusives des enchaînements,
là où le rythme est le plus intéressant, ses pas se font malheureusement
beaucoup plus hésitants, et tombent parfois manifestement à côté. La
composition qui est semble-t-il de Pooci Srinivasan Iyengar a un
Pallavi qui commence par (nadr) dim dim tana dhirana...
,
avec les syllabes nadr
qui sont prononcées en anacrouse (avant le
premier temps). Le manque de clarté des phrases conclusives a fait que je
n'ai pas réussi à savoir si l'intention était de finir les enchaînements
juste avant le premier temps, ou bien juste avant l'anacrouse. La partie
d'Abhinaya du Thillana dédiée à Padmanabha a été omise. À la
place, des séquences accompagnées d'onomatopées rythmiques récitées ont été
interprétées. Il est très dommage que le percussionniste n'ait pas été en
mesure de jouer et réciter ces parties tout en regardant la danseuse : il
avait constamment le nez dans ses notes. Bref, le travail de répétition n'a
pas été optimal pour cette pièce ; si l'orchestre avait également comporté
une personne jouant des thalams (nattuvangam artist
), le
résultat aurait sans doute été plus convaincant, parce que le rôle de cette
personne est entre autres de faire le lien entre la danse et les autres
musiciens...
Le récital s'est conclu par deux Shlokas dédiés à la Déesse extraits de l'Annapūrṇāstotram, semble-t-il “Nityānandakarī...” et “Urvī sarvajaneśvarī bhagavatī...” dont j'avais déjà eu le plaisir d'apprécier les interprétations de Shakuntala (en 2011 et à d'autres reprises entretemps).
2019-05-15 12:05+0200 (Orsay) — Culture — Musique — Danse — Danses indiennes — Culture indienne
Centre Mandapa — 2019-05-14
Mythili Zatakia, danse bharatanatyam
Sandhya Pureccha, chorégraphies
J'ai assisté au récital de bharatanatyam de Mythili Zatakia (24 ans) un peu par hasard. N'ayant aucune information particulière sur la danseuse, ce qui m'a décidé à venir est sans doute que son Guru Sandhya Pureccha est une disciple d'Acharya Parvati Kumar (1921-2012) de Mumbai qui fut aussi le premier guru de Sucheta Chapekar qui est le guru de mon professeur Jyotika Rao et avec qui j'ai eu la chance d'apprendre aussi directement à Pune. Acharya Parvati Kumar est notamment connu pour avoir réintroduit dans le répertoire du bharatanatyam des compositions en marathi attribuées au roi Serfoji II qui régna à Thanjavur de 1798 à 1832 et qui est contemporain des célèbres membres du Thanjavur Quartette dont les compositions constituent le socle du répertoire de la danse bharatanatyam.
J'allais assister à ce récital en me disant que peut-être Sandhya
Pureccha aurait transmis à son élève des compositions extraites des
Nirupanas attribués à ce roi Serfoji. Quand la danseuse s'est avancée pour
faire son Namaskar, la salutation traditionnelle, j'ai apprécié la
force de sa frappe, mais dès l'instant où la première musique enregistrée a
retenti, j'ai été affligé par l'esthétique musicale sirupeuse, qui sera
constante pendant tout le récital : harmonies saturées des synthétiseurs,
kitchissime extrême des chants qui étaient semble-t-il en sanskrit pour la
plupart, tendance à une bhajanisation
de pacotille de textes
d'inspiration dévotionnelle (Vakratunda..., Ekadanta...,
Panchakshara stotra sur le mantra Om Namah Shivaya,
etc.).
S'il y a de quoi être consterné par l'esthétique musicale de ce récital,
je l'ai été encore davantage par l'absence complète d'idée chorégraphique
en termes de danse pure. Certains passages expressifs ou narratifs, en
particulier dans le Panchakshara stotra “Nagendra Haraya”, étaient
tout à fait raisonnables. Pour le reste, je n'ai vu qu'une danseuse
pratiquer quelques adavus (enchaînement de base) en première
vitesse, sur des multiples de quatre temps. C'était d'un ennui total.
Aucune des règles esthétiques que les maîtres de danse se doivent de
respecter n'ont été appliquées... Les phrases chorégraphiques doivent
suivre une certaine grammaire et comporter certaines ponctuations. Il n'y
avait rien de tout cela : aucun polyrythme, aucune séquence conclusive
(Tirmanam) digne de ce nom, des Tattu Muttu qui ne sont pas
chorégraphiés de façon correcte par rapport à la musique, etc. Toutes les
pièces étaient sur le même modèle. Malgré le caractère simpliste des
chorégraphies
et la faible vitesse d'exécution, la danseuse m'a
semblé très peu musicale, de nombreuses frappes de pieds tombant très à
côté. Néanmoins, il y avait quelques petits détails intéressants dans la
façon d'exécuter certains adavus, comme par exemple une accentuation très
particulière de la deuxième frappe dans les Ta-tai-tai-ta (aussi
appelés Marditha ou encore Vishru adavus). Cependant,
j'ai peu apprécié le port de tête très narcissique et hautain de la
danseuse dans l'exécution de ses pas.
Il m'est souvent arrivé d'assister à des récitals de bharatanatyam et de
ne pas être satisfait pour diverses raisons plus ou moins subjectives qui
pourraient néanmoins faire l'objet d'un débat esthétique, mais jamais je
n'ai été à ce point consterné par une telle absence d'idée chorégraphique.
La personne qui a mis en espace ce spectacle n'est pas un chorégraphe de
bharatanatyam. Il a été annoncé que les chorégraphies avaient été faites
par Sandhya Pureccha avec la participation de la danseuse. Si c'est le cas,
cela disqualifie complètement ce guru à mes yeux, et la danseuse n'est
alors pas vraiment responsable de ces choix esthétiques
. Si les
chorégraphies sont principalement dues à la danseuse, il faudrait qu'elle
prenne conseil auprès de personnes qualifiées... (Après avoir posé la
question à la danseuse, celle-ci prend l'entière responsabilité de ces
chorégraphies.)
2019-01-09 09:22+0100 (Orsay) — Culture — Musique — Danse — Danses indiennes — Culture indienne — Voyage en Inde XVIII
Music Academy, T.T.K. Auditorium, Chennai — 2019-01-05 à 10:00
Medha Hari, danse bharatanatyam
Jayashree Ramanathan, nattuvangam
K. Hariprasad, chant
Ramshankar Babu, mridangam
Easwar Ramakrishnan, violon
J. B. Sruthi Sagar, flûte
Ardanari Stotram (Ragamalika, Adi Tala), mis en musique par K. Hariprasad
Varnam “Intha Kopamelara” (Raga Thodi, Adi Tala), composition de Pandanallur Meenakshisundaram Pillai
Kirtanam “Eppaddi Manam Thunindhadho” (Raga Huseini, Mishra Chapu), composition d'Arunachala Kavirayar
Javali “Merakadu Lechi ra ra” (Raga Thodi, Adi Tala)
Thillana (Raga Purvi, Rupaka Tala), composition de T. Vaidyanatha Bhagavathar
La danseuse Medha Hari a pour l'essentiel présenté des pièces de
compétition
. Le but semble être de faire un maximum de pas en un
minimum de temps. C'est assez impressionnant, mais cela me laisse de
marbre. Il me semble que dans le première pièce sur
Ardhanarishwara qui s'enchaînait à un Pushpanjali, la
danseuse a utilisé une alternance entre Chatushra- et Khanda-nadai Adi
Tala. Dans certains mouvements et positions de la danseuse, disciple
d'Anita Guha, il me semble reconnaître une influence du kuchipudi.
Dans le Varnam, ce sont aussi des jatis de compétition, commis
par le percussionniste. Il y a beaucoup trop de changements de “nadai”.
Malgré la présence de la géniale Jayashree Ramanathan au nattuvangam, je
n'ai pas réussi à apprécier ces jatis. Dans le Varnam en télugu,
je n'ai pas réussi à comprendre qui était l'objet de l'amour de l'héroïne.
Il est semble-t-il nommé dans l'Anupallavi :
Ṣaṇmukharājeśvara
. Il ne s'agissait pourtant pas de Muruga (qui a
six têtes). J'ai été rassuré quand la personne qui a enseigné le sens du
texte à la danseuse (Jitendra Hirschfeld) m'a expliqué qu'il s'agissait
d'un zamindar qui avait commandé ce Varnam au Nattuvanar
Pandanallur Meenakshisundaram Pillai pour un spectacle de musique de
chambre. J'ai davantage apprécié la deuxième partie du Varnam dans
laquelle la danseuse a inséré entre chaque Swaram/Sahitya non pas seulement
une ou deux répétitions de la ligne de Caranam pour faire des marches lui
permettant de se replacer, mais un nombre plus important de répétitions qui
lui donnaient le temps d'élaborer de différentes manières autout des
flèches florales lancées par Kamadeva. À chaque fois, c'était une
délicieuse respiration avant d'attaquer la section suivante.
La danseuse a ensuite interprété le Padam “(Y)eppaddi manam...” transmis par Bragha Bessell et typique de la tradition de Kalanidhi Narayanan (j'ai vu au moins deux autres de ses disciples l'interpréter : Lavanya Ananth, Kalpana Métayer). Je persiste dans mes réticences à propos de cette pièce dans laquelle Sita reproche à Rama de l'abandonner pour accomplir son exil en forêt. La danseuse l'a montrée en train de pleurer toutes les larmes de son corps. Elle montre aussi Sita en train de rappeler à Rama le serment fait pendant leur mariage. À part les pleurs vraiment excessifs, la danseuse a me semble-t-il bien interprété la chorégraphie en accord avec l'intention du poète, mais pour moi, cette vision est une fiction, puisque la Sita du Ramayana de Valmiki (ou de Tulsidas) est beaucoup plus forte : elle dit immédiatement à Rama qu'elle va le suivre dans la forêt et il n'a pas son mot à dire, ce sera ainsi et puis c'est tout. Il s'agit d'un des rares moments du Ramayana où véritablement Sita exerce sa volonté de façon autonome, je trouve dommage de l'effacer quasi-complètement. Dans la chorégraphie, Sita supplie pour ainsi dire Rama d'accepter qu'elle le suive. Elle retire ses bijoux, salue les aînés et s'en va avec Rama.
La ligne de Pallavi du Thillana conclusif utilise des Swaras au lieu d'onomatopées. L'interprétation musicale et la chorégraphie peut peut-être s'analyser comme une sorte de rubato : le rythme de certaines répétitions est modifié, quelque passage de la phrase étant ralenti et d'autres accélérés. Dans le Caranam, les noms des sept notes de la gamme sont chantés. La danseuse se montre alors très convaincante dans la représentation des dieux et animaux associés à ces notes.
⁂
Music Academy, T.T.K. Auditorium, Chennai — 2019-01-05 à 18:00
Rama Vaidyanathan, danse bharatanatyam
S. Vasudevan, nattuvangam
K. Venkateshwaran, chant
Sumod Sreedharan, mridangam
Viju Sivanand, violon
Kirtana “Perum Kovil Konda” (Raga Sri, Mishra Chapu Tala), composition du Thanjavur Quartette
Kirtana “Pannagendra Sayanam” (Ashtaragamalika, Rupaka Tala), composition de Swati Thirunal
Padam “Emakko Chiguruta Dharampal” (Raga Thilang, Mishra Chapu Tala), composition d'Annamacharya
Javali “Ne nethu sahichu ne” (Raga Paras, Adi Tala), composition de Pattabhiramayya
Shloka “Vāgarthāviva saṃpṛktau vāgarthapratipattaye । jagataḥ pitarau vande pārvatīparameśvarau ॥” (Kalidasa) suivi de l'Ardhanarishwara Ashtakam (Adi Shankaracharya, mis en musique par O.S. Arun en Raga Megh et Adi Tala)
En soirée, je suis retourné à la Music Academy pour le rétical de Rama Vaidyanathan, que j'avais déjà vue il y a cinq ans. La voir en 2013 avait été pour moi une expérience très intense. Cinq ans plus tard, j'ai beaucoup évolué en tant que spectateur. Il est évident que Rama-akka a présence scénique hors du commun, et sa technique de danse pure est assez superlative (par exemple, quel araimandi !). Elle fait un certain nombre de choses qui pour des raisons esthétiques évidentes devraient être considérées comme excessives en termes de répétition ou dans l'intensité des mouvements ; et pourtant, cela fonctionne, et uniquement parce que c'est Rama Vaidyanathan.
La première pièce doit être une de ses chorégraphies récentes. Elle présente quelques points communs avec la première pièce qu'elle avait dansée il y a cinq ans. Sur des onomatopées très simples comme Tom-tatom-takita, elle décrit la géométrie très carrée de l'enceinte du temple de Brhadishwara à Thanjavur. Puis, alors que la composition musicale du Thanjavur se faire entendre, la description du temple se poursuit, avec toutes les références artistiques qu'il peut comporter et qui procurent l'émerveillement du personnage féminin. L'interprète s'incarne en danseuse qui effectue une prière pour bénir ses grelots. Elle admire les sculptures sur les piliers, celle de Nandi. En prenant l'atmosphère musicale du temple pour inspiration, elle souhaite aussi acquérir des connaissances musicales lui permettant de maîtriser le rythme et la mélodie : le chanteur (magnifique) chante alors un Swaram ou un Thanam. Si la technique de la danseuse est impressionnante, les passages rythmiques sont un véritable supplice pour moi, parce qu'il y avait vraiment trop de “dissonance rythmique” entre le cycle rythmique Mishra Chapu utilisé par la composition mélodie et la rythmique des pas de danse composée par Dr. Sridhar Vasudevan. Je me suis d'abord demandé s'il y avait une intension de faire quelque chose de rythmiquement affreux et qui deviendrait esthétique à la fin de la pièce, l'héroïne devenant réellement inspirée par le temple, mais le rythme est resté discordant jusqu'à la fin.
J'ai beaucoup aimé la pièce suivante, qui a été la pièce principale du récital : “Pannagendra Sayanam”. Cette pièce fait partie du répertoire de Rama Vaidyanathan depuis un certain temps déjà (j'ai d'ailleurs déjà vu Nehha Bhatnagar la danser en 2015). Il s'agit d'une composition de Swati Tirunal (dont on peut lire une traduction). Les huit parties sont séparées par un Jati ou des Swarams dont j'ai apprécié la construction rythmique relativement musicale (si l'on excepte les pas très off-beat exécutés au début de chacun d'entre eux) : certaines séquences conclusives avaient une construction traditionnelle et une régularité telles que je pouvais anticiper la structure des phrases chorégraphiques et donc apprécier encore davantage leur réalisation. L'héroïne fait l'éloge de Padmanabha et hésite entre l'amour et la dévotion. Parmi les très beaux moments, je retiendrais l'idée chorégraphique utilisée pour suggérer la comparaison entre la beauté de Vishnu et celle de Kama : en faisant face au public dans une position typique de Vishnu (mains en Tripataka), elle fait un lent demi-tour (à moins que ce ne soit un tour complet) et se métamorphose en Kama, puis rembobine le film à l'envers pour redevenir Vishnu. Il s'agit d'un des quelques trésors d'idées chorégraphiques intéressantes que j'ai remarquées dans ce récital.
J'ai trouvé intéressante la pièce suivante. Dans ce Padam “Emakko Chiguruta...”, un groupe de femmes médisent à propos d'une autre. Il y a peut-être une ambiguité sur le sens précis du texte. Le leitmotiv chorégraphique de la pièce consiste à représenter une de ces femmes écrire ostensiblement une lettre en regardant la coupable. Celle-ci a-t-elle écrit une lettre d'amour ? La chorégraphie suggère astucieusement que sa relation charnelle laisse sur elle des traces, comme si une lettre d'amour était écrite sur son propre corps. Les traces de poudre rouge sur son corps suggèrent qu'elle a pris entre ses bras la statue de l'Être aimé. Ou bien la statue était-elle en hauteur et de la poudre est retombée sur elle alors qu'elle essayait de l'atteindre pour lui appliquer la poudre. La rougeur de ses yeux est expliquée par l'action de déraciner ses yeux qu'elle avait plantée sur Lui. La comparaison poétique est magnifiquement faite avec l'action de planter un arbre, puis de le déraciner en le faisant trembler, ce qui tend à en faire tomber les juteux fruits.
Dans le Javali “Ne nethu sahichu ne”, la danseuse représente une héroïne trahie par son amoureux. Son sentiment de jalousie est insurmontable. La rupture semble définitive.
La danseuse a magnifiquement conclu son récital avec une de ses pièces à succès : Ardhanarishwara. L'Ashtakam d'Adi Shankaracharya est précédé d'un Shloka de Kalidasa sur l'union entre Shiva et Parvati. Une séquence de danse pure est insérée dans laquelle la danseuse utilise alternativement uniquement sa main droite pour représenter Shiva sur un accompagnement rythmique d'onomatopées ou uniquement sa main gauche pour représenter Parvati avec un Swaram comme accompagnement mélodique. Sur chaque des lignes du poème, le contraste est très bien mis en valeur entre Shiva et Parvati.
Dans ce récital, j'ai particulièrement aimé les pièces “Pannagendra Sayanam” et “Ardhanarishwara”, qui ne sont pas des chorégraphies récentes de Rama Vaidyanathan. C'est évidemment une très grande artiste, mais j'aurais aimé que les chorégraphies élababorent davantage autour des émotions de personnages humains, ce qui pour moi la condition pour être véritablement touché par cette danse.
2019-01-05 08:58+0530 (சென்னை) — Culture — Musique — Danse — Danses indiennes — Culture indienne — Voyage en Inde XVIII
Music Academy, T.T.K. Auditorium, Chennai — 2019-01-04 à 10:00
Meera Sreenarayanan, danse bharatanatyam
Indira Kadambi, nattuvangam
Bijeesh Krishna, chant
Charudutt, mridangam
Easwar Ramakrishnan, violon
Sujith Naik, flûte
Jitendra Hirschfeld, conseiller artistique pour “Dānikē”
Shloka (d'Adi Shankara) & Narasimha Kavuttuam (Khanda Chapu)
Padavarnam “Dānikē...” (Raga Todi, Rupaka Tala), composition de Sivanandam (Thanjavur Quartette), chorégraphie de la danseuse
Padam “Choodare” (Mishra Chapu Tala, Raha Sahana), composition du Kshetrayya, chorégraphie de Kalanidhi Narayanan
Ashtapadi “Yahi Madhava” (Adi Tala, Ragamalika), chorégraphie d'Indira Kadambi
Thillana (Raga Tillang, Adi Tala), composition de Lalgudi Jayaraman, chorégraphie de Smt. Narmada
Les matinées du festival de la Music Academy sont réservées aux interprètes de la jeune génération. La première à se lancer a été Meera Sreenarayanan, qui avait obtenu le prix Spirit of Youth 2015 ex-aequo avec Sudharma Vaithiyanathan. Après un Shloka et un Kavuttuam consacré à Narasimha dans lequel la danseuse a pour ainsi dire tout le temps gardé les yeux grand ouverts, on est entré dans le vif du sujet...
Dans mon billet précédent à propos du Varnam en Anandabhairavi dansé par Shweta Prachande hier, j'avais mentionné que l'objet du désir de l'héroïne pouvait être un roi et non pas un dieu. C'est ce qui a été très explicitement fait dans l'interprétation de ce Varnam.
Ce Varnam “Dānikē...” a été créé par la danseuse courtisane Mannargudi Meenakshi à la cour du roi marathe Sivaji II de Thanjavur (qui régna entre 1832 et 1855). La grande salle de la Music Academy remplace en quelque sorte la cour du roi Sivaji II et la danseuse Meera Sreenarayanan joue en quelque sorte le rôle de Mannargudi Meenakshi qui jouait plus ou moins son propre rôle en intercédant auprès du roi pour le convaincre de l'amour d'une autre femme. (Note ajoutée le 2019-02-10 suite à un échange avec Nrithya Pillai : les experts ne sont pas tous d'accord sur le fait que la créatrice du Varnam soit Mannargudi Meenakshi. Ceci importe néanmoins peu pour la lecture du reste de ce billet.)
La chorégraphie de ce Varnam tente de reconstruire l'atmosphère détendue qui pouvait régner dans ces récitals de cour. La danseuse gardera pendant toute la pièce une attitude extrêmement séductrice envers le roi (qui n'est autre le public de 2019). Néanmoins elle obéit à l'étiquette de la cour. Ainsi, la danse a commencé par un Salaam. Les interactions de la danseuse avec les musiciens sont très convaincantes, puisque même quand elle semble leur donner des ordres (en indiquant le tempo qu'elle souhaite), on a vraiment l'impression qu'elle est aux commandes. (J'ignore quelle part de liberté la danseuse s'est gardée pour improviser dans certains passages, en particulier, les Arudis étaient absolument délicieuses en termes d'interactions entre la danseuse et les musiciens, comme si ces derniers découvraient en direct son intention.) Dans le Pallavi, Meera/Mannargudi essaye de convaincre le roi de rejoindre l'autre femme, qui cherche à s'unir à lui ; on retrouve l'imagerie habituelle avec des fleurs et des abeilles, mais c'est beaucoup plus intense ici. Dans l'Anupallavi, le roi est décrit comme dévot de Shiva. Un certain nombre de rituel shivaïtes sont exécutés et on reconnaît l'apparition du roi, qui en bon guerrier, vient semble-t-il faire bénir son épée. Et au cours de cette cérémonie, son regard semble attiré par une femme... Il est suggéré que le roi est aussi une adorateur des arts, qui récompense les artistes qui lui plaisent : à un moment donné de la chorégraphie, c'est tout comme si le public avait offert une bague très précieuse à Meera Sreenarayanan. Le sentiment amoureux se développe encore davantage dans la deuxième partie du Varnam.
Cette pièce était un véritable délice en matière d'Abhinaya. La danse pure m'a moins convaincu. Une des raisons est que c'est la danseuse elle-même qui a composé et chorégraphié les jatis. J'ai beaucoup aimé le premier, mais les autres ne m'ont pas semblé très musicaux (beaucoup d'allers-retours en Tishra-nadai et de longs intervalles de silences) ; suivre le tala me semblait quasiment impossible. La danseuse a une très grande netteté dans ses marches rapides debout qui m'ont semblé de nature à impressionner le roi. En araimandi, il y a moins de contraste entre les frappes de pieds : on n'entend pas vraiment la musique de ses pas. Je n'ai pas non plus aimé le style de récitation d'Indira Kadambi dont la voix n'était de toute façon pas suffisamment amplifiée.
L'impression générale est d'avoir assisté à une grande matinée. La standing ovation qu'a reçu la danseuse à la fin du spectacle suggère que le public est peut-être prêt à accepter ce type de danse qui met l'accent sur la séduction et le sentiment amoureux. Espérons que cette danseuse continuera et donnera à d'autres l'idée d'explorer cette magnifique tradition des danseuses de cour (qui connaissaient la musique, la poésie, les langues, la danse...). Si j'avais déjà eu l'occasion d'avoir un aperçu sur cette tradition lors de la journée Temple, Court, Salon, Stage. Crafting Dance Repertoire in South India à Paris en 2015, je suis très heureux d'avoir vu ce Varnam. Pour monter cette pièce, la danseuse a été aidée par Jitendra Hirschfeld avec qui j'ai souvent eu l'occasion de discuter de la danse et de son histoire. Je suis très content du succès de cette performance. Pour en savoir plus sur “Dānikē...”, lisez son blog, et en particulier A Love Affair with Dānikē.
Le récital s'est poursuivi avec un magnifique Padam de Kshetrayya. La danseuse n'a souvent eu besoin que de ses yeux pour exprimer les paroles déplaisantes qu'un groupe de femmes échangent au détriment d'une autre femme qui aurait perdu tout sens de la respectabilité en tombant amoureuse de Krishna.
J'ai joyeusement détesté l'interprétation de la danseuse dans l'Ashtapadi “Yahi Madhava”. Tout m'a semblé terriblement surjoué...
Si la chorégraphie des séquences de danse pure m'a semblé manquer de musicalité dans le Varnam, je me suis réconcilié sur ce point avec la danseuse dans le Thillana qui a été chorégraphié par Smt. Narmada, guru d'Indira Kadambi.
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Music Academy, T.T.K. Auditorium, Chennai — 2019-01-04 à 11:30
Bilva Raman, danse bharatanatyam
KP Rakesh, nattuvangam
Vedakrishnaram, mridangam
G. Srikanth, chant
Easwar Ramakrishnan, violon
J. B. Sruthi Sagar, flûte
Alarippu (Tishra Ekam Tala)
Swarajati (Rupaka Tala, Raga Huseini), composition de Merattur Venkatarama Shastri
Viruttam (Ragamalika), chorégraphie de Bragha Bessell
Javali “Marubari” (Raga Kamas, Adi Talam), chorégraphie de Bragha Bessell
Tillana (Raga Dhanashri, Adi Tala, composition de Swati Tirunal et Lalgudi Jayaraman), chorégraphie de Leela Samson
Après un petit café à la cantine de la Music Academy, le spectacle
suivant était donné par une disciple de Leela Samson, Bilwa Raman, dont la
silhouette longiligne portait un costume rose et vert fluo de très
kalakshetrienne facture. Elle a commencé son récital par
l'Alarippu traditionnel en trois temps, très bien exécuté. Dans la
pièce principale (Swarajati en Huseini), j'ai pris beaucoup de
plaisir à écouter les musiciens, en particulier le chanteur G. Srikanth que
je n'avais pas entendu depuis longtemps. Pour le reste, c'est de la danse
typiquement Kalakshetra, complètement fossilisée, mais néanmoins très bien
exécutée. (Le thème du Trikala-jati était Ta - jam - - - ta ka jam - - -
ta ka di mi ta kun da ri ki ta ta ka
.)
La pièce suivante dans laquelle une mère montrait semble-t-il sa dévotion à la Déesse m'a semblé d'un ennui total. Dans le Javali “Marubari”, la danseuse a montré plus d'émotions que ne le font d'habitude les danseurs Kalakshetra, mais le sentiment amoureux n'était pas assez présent à mon goût. La danseuse a conclu son récital avec le classiquissime Thillana en Dhanashri. La danse pure en était assez agréable, mais les gestes manquaient de finition dans le Caranam, en particulier quand la danseuse représentait Padmanabha.
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Music Academy, T.T.K. Auditorium, Chennai — 2019-01-04 à 18:00
A. Lakshmanaswamy, danse bharatanatyam
Sudharma Vaithiyanathan, nattuvangam
K. Hariprasad, chant
Nellai D. Kannan, mridangam
Easwar Ramakrishnan, violon
T. Sashidhar, flûte
Jatiswaram (Ragamalika, Mishra Chapu Tala), composition du Thanjavur Quartette
Varnam “Intha Chala Melane” (Adi Tala, Raga Nalinakanthi), composition de Meera Seshadri
Yaro Ivar Yaro (Raga Bhairavi, Adi Tala), composition d'Arunachala Kavi Iyer
Ashtapadi “Kuru Yadu Nandana” (Raga Behag, Mishra Chapu Tala, poème de Jayadeva mis en musique par K. Hariprasad)
Thillana (Raga Mandari, Adi Tala), composition du Thanjavur Quartette
J'ai adoré ce récital de A. Lakshmanaswamy. Il a magnifiquement bien interprété une chorégraphie très traditionnelle du Jatiswaram en Mishra Chapu et Ragamalika du Thanjavur Quartette. Dans cette chorégraphie très musicale, sa danse pure semble magnifique. Les adavus très classiques sont magnifiquement ornementés. Il y à la fois une netteté dans les mouvements de mains et une délicate douceur dans le regard et les petits mouvements latéraux de la tête. (Au mridangam, Nellai D. Kannan a eu un jeu beaucoup plus extraverti que lors du récital de Sudharma dans lequel il avait été sublimement introspectif. L'accompagnement qu'il a fait ce soir me semble moins correspondre à l'esthétique de la danse.)
La pièce principale du récital a été un Varnam dans lequel ce n'est pas une héroïne qui cherche à s'unir à un homme (que ce soit un dieu ou un roi...), mais c'est un homme (Shiva lui-même) qui cherche à reconquérir Parvati qui s'est détournée de lui. C'est donc le sakha (ami de Shiva) qui va servir d'intermédiaire avec Parvati. Mais celle-ci reste indifférente. Il avait été annoncé que Shiva serait représenté dans sa forme résidant au temple de Mylapore (Kapalishvarar). La légende locale est connue de tous les spectateurs (y compris moi), donc je me suis délecté du magnifique Sanchari de l'Anupallavi dans lequel pour justement s'être détournée de Shiva en regardant des paons, Parvati reçoit une malédiction : elle est transformée en paonne. J'ai aussi beaucoup aimé le dernier Ettugada Sahitya qui raconte l'épisode dans lequel Ravana tente de casser l'arc de Shiva pour pouvoir épouser Sita. Comme elle est effrayée à l'idée de l'épouser s'il réussit l'épreuve, Shiva semble la rassurer en lui faisant comprendre que Ravana ne peut pas réussir. Plutôt que de la jouer en mode comique en tournant le moustachu Ravana en ridicule, le danseur a mis l'accent sur l'interaction en pensée entre Sita et Shiva. (Cette épisode qui est souvent représenté dans la danse n'est en fait pas dans le Ramayana, mais cette épisode a été intégré dans la tradition ultérieure.)
Il est à noter que dans le Varnam, les jatis étaient de
Muthuswamy Pillai. J'ai particulièrement aimé le Trikala avec quatre
vitesses (y compris une vitesse en Tishra-nadai), sur le thème Ta - dit
- ta ka na ka jum - dit - ta ka na ka jum - ta ka na ka jum - ta kun da ri
ki ta ta ka
.
Les deux pièces de pur Abhinaya qui ont suivi ont été d'une beauté rare. Sans utiliser le moindre artifice, en toute simplicité, il a donné vie à ses personnages. Dans Yaro Ivar Yaro, le poète imagine le premier regard échangé entre Rama et Sita, dans un épisode qui n'est au passage ni dans le Ramayana ni dans le Ramcaritmanas. La balle lancée par Sita ou une de ses amies tombe d'une plate-forme et s'arrête près de Rama, qui relève la tête et tombe immédiatement amoureux de Sita. Le danseur a véritablement su créer une atmosphère dans laquelle plus rien ne semble exister si ce n'est ses personnages, et plus particulièrement Rama.
Le vrai point culminant du récital a en fait été Ashtapadi “Kuru Yadu Nandana” (déjà magnifiquement interprété par Neena Prasad il y a quelques jours de cela). Il l'a dansé en étant assis (ou avec au moins un genou à terre) pendant toute la pièce. Magnifique interprétation !
Le récital s'est conclu par un délicieux Thillana en Raga Mandari du Thanjavur Quartette.
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Music Academy, T.T.K. Auditorium, Chennai — 2019-01-04 à 19:45
Methil Devika, mohiniattam
Gayatri, nattuvangam
Jamaneesh Bhagavatar Kottayam, chant
Kallekulangara Unnikrishnan, mridangam
Surya Narayanan, flûte
Baiju Rajeeth, vina
Sajith Pappan, edakka
Cholkettu “Tam Tam Tat Tomga” (Raga Anandabhairavi, Adi Tala), composition de Surya Narayanan
Desi Padam “Ullili Unnikkoru” (Ragamalika, Talamalika), composition de Kavalam Shrikumar
Après un aussi magnifique récital de bharatanatyam, j'ai hésité à rester pour le récital de mohiniattam de Methil Devika. Par rapport aux merveilleux Thomas Vo Van Tao et Neena Prasad vus précédemment dans ce style, toute la danse de Dr. Methil Devika m'a paru anecdotique. Sa danse pure n'a pas la suprême élégance habituelle du style mohiniattam et sa technique d'Abhinaya m'a semblée manquer de subtilité. Je m'en sentais presque mal physiquement, et je me suis enfui le plus discrètement que j'ai pu entre deux pièces.
2019-01-04 07:56+0530 (சென்னை) — Culture — Musique — Danse — Danses indiennes — Culture indienne — Voyage en Inde XVIII
The indian fine arts society, Ethiraja Kalyana Nilayam, Chennai — 2019-01-03 à 09:00
Smt. Padma Srirangan, danse bharatanatyam
R. Vijay Madhavan, nattuvangam
Murali Parthasarathy, chant
N. Sriram, mridangam
Ganesan, violon
Mallari (Raga Gambhira Nattai, Rupaka Tala)
Varnam “Manavi...” (Raga Shankarabharanam, Adi Tala)
Padam (Rupaka Tala)
Tillana (Adi Tala)
La indian fine arts society présente de jeunes interprètes en matinée. Il s'agit aussi d'un concours, le jury de trois personnes étant placé sur trois chaises séparées des autres au premier rang. Je suis venu ce jour-ci puisque je connais un tout petit peu le guru, Vijay Madhavan, qui développe sa propre méthode de notation de la danse bharatanatyam (Natyagraphy). Dans la danse de sa disciple, je reconnais certains aspects caractéristiques du style de Chitra Visweswaran et je reconnais même certains phrases chorégraphiques que j'ai apprises avec Arupa Lahiry lors de mon dernier séjour à Delhi. Parmi les adavus typiques, je reconnais le Salute adavu (dans la série des Ta-tai-ta-ha).La danseuse est extrêmement souriante (peut-être un peu trop), mais il y a un certain manque de netteté, en particulier dans les mouvements du haut du corps. (Il est possible qu'avec le temps le style de Chitra Visweswaran ait évolué vers une géométrie plus stricte du corps : comme il est un de ses plus anciens disciples, le style qu'il enseigne ne correspond peut-être plus avec le style de Chitra-akka telle qu'il est représenté par les membres actuels de la Chidambaram Dance Company.) J'apprécie néanmoins le style de récitation de Vijay Madhavan (qui cependant ne regarde pas la danseuse pendant les jatis...). Le premier jati du Varnam était très étonnant parce qu'il y avait très très peu de syllabes et donc de longs silences entre chacune d'entre d'elles. L'Abhinaya de Padma Srirangan m'a paru relativement bien habité dans le Varnam dédié à Shiva. Elle m'a semblé très convaincante dans son premier Sanchari dans lequel en bougeant l'index de la main en Tāmracūḍa, l'héroïne nourissait un oiseau qui pourrait lui servir de messager.
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The indian fine arts society, Ethiraja Kalyana Nilayam, Chennai — 2019-01-03 à 10:10
Samyuktha R., danse bharatanatyam
Priya Karthikeyan, nattuvangam
Pushpanjali (Adi Tala, Raga Arabhi), composition de Dr. M. Balamuralikrishna
Varnam “Innam en manam” (Raga Charukeshi, Adi Tala, composition de Lalgudi Jayaraman)
Padam (Raga Bihag, Adi Tala)
Thillana (Raga Khamas, Adi Tala), composition de Patnam Subramanya Iyer
Mangalam
Juste après, j'ai assisté au récital d'une danseuse encore plus jeune et très athlétique. Elle est capable d'une très grande vitesse, mais sa technique de pieds est vraiment défectueuse : beaucoup de pas sont à peine esquissés, elle fléchit beaucoup trop les genoux quand elle fait des marches ; c'est un véritable massacre technique quand elle exécute les marches à reculons en préparation des passages techniques du Varnam. Dans les jatis, elle semble retenir sa respiration. Je n'aime ni les chorégraphies techniques ni le style de récitation de Priya Karthikeyan. L'Abhinaya est très scolaire : c'est particulièrement flagrant quand la danseuse prend des poses. C'était néanmoins un vrai plaisir pour moi d'entendre le Varnam en Raga Charukeshi composé par Lalgudi Jayaraman. (Du coup, comme le Pallavi et l'Anupallavi sont présentés chacun en entier plutôt que découpés en deux comme dans la plupart des autres Padavarnams, la chorégraphie contenait une double ration de Jatis : à peine le premier était terminé qu'elle enchaînait le deuxième après un ou deux cycles d'une transition quelque peu incongrue.)
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Kartik fine arts, Bharatiya Vidya Bhavan, Chennai — 2019-01-03 à 16:30
Shweta Prachande, danse bharatanatyam
KP Rakesh, nattuvangam
Sakthivel Murugananthan Subramaniam, mridangam
Preeti Mahesh, chant
M. Srikamani, violon
“Om Sharavanabhava” (Raga Shanmukhapriya, Adi Tala), composition de Ghatam Dr. S. Karthick
Varnam “Sakiye Inda Velaiyil...” (Raga Anandabhairavi, Adi Tala), composition du Thanjavur Quartette
Ashtapadi #19 “Priye Cāruśīle” (Raga Mukhari, Khanda Chapu Tala)
Thillana (Adi Tala, Raga Behag), composition de Dr. M. Balamuralikrishna
Kirtana “Ksheerabdi Kanyakaku Sree Maha Lakshmikini” (Raga Kurinji, Khanda Chapu Tala), composition d'Annamacharya (?)
Dans l'après-midi, j'ai assisté à un très beau récital de Shweta Prachande, que j'avais déjà vue il y a cinq ans (et il y a quelques jours pour une lec-dem).
La première pièce est une composition du percussionniste Ghatam Dr. S. Karthick qui était présent pendant la performance de cette pièce. Dédiée à Muruga, elle alterne chant et passages poétiques récités. La pièce est extrêmement complexe d'un point de vue rythmique (on entend et on voit en particulier beaucoup de pas basés sur le nombre 5). Le texte fait entendre un certain nombre de noms de Muruga, comme Guha ou Kartikeya.
La pièce principale, qui est aussi celle qui m'a procuré le plus grand
plaisir a été le Varnam traditionnel “Sakiye Inda
Velaiyil...” en Raga Anandabhairavi composé par le Thanjavur
Quartette. La chorégraphie est aussi très traditionnelle, puisqu'elle est
due à A. Lakshmanaswamy (avec qui travaillait autrefois Priyadarshini
Govind, guru de Shweta Prachande). Dans sa danse technique, la danseuse a
appliqué les principes dont elle avait fait la démonstration avec Apoova
Jayaramana lors de leur lec-dem à la Natya Kala
Conference. La chorégraphie de A. Lakshmanaswamy étant fixée, il est
néanmoins possible de l'interpréter d'une façon personnelle : un même adavu
peut être exécuté avec différentes intentions. Il est possible d'utiliser
plus ou moins l'espace, de faire des mouvements staccato ou au
contraire avec un phrasé très étendu (comme dans le troisième Jati). Le
premier Jati (Trikala) est une variation sur un Tirmanam traditionnel de la
Vazhuvoor bani dont le thème est Kun - ta ri ta - - - ku kun ta ri tai
- - - ku kun ta ta kun ta ta ka ta kun ta ri ki ta ta ka
. La première
vitesse a été magnifiquement bien exécutée, avec un sens esthétique certain
combinant force et douceur. Dans la composition rythmique de ce
Tirmanam, la fin a été légèrement modifiée pour que le Tirmanam se
conclue avant que le texte de la première ligne du Pallavi ne
démarre. (Dans cette version, le texte reprend sur le et
entre le deuxième et le troisième temps.) Dans le deuxième Jati, j'ai aimé
une séquence de Khudita Metti Adavus dans lesquels la danseuse explorait
les différentes directions de l'espace. Dans les Tattu Muttu, je
reconnais les motifs rythmiques qu'utilisent Chitra Visweswaran et
A. Lakshmanaswamy (une série de takadimi, puis une série de takadimi
off-beat).
Dans ce Varnam chorégraphié par A. Lakshmanaswamy, j'ai retrouvé la même qualité dans la construction du discours chorégraphique que dans le récital de Sudharma Vaidyanathan qui est sa disciple. Il serait vain de chercher à résumer ce discours. Je retiens particulièrement les Sancharis des deux lignes de l'Anupallavi. Dans la première ligne, la danseuse décrit une magnifique ville (qui n'est semble-t-il pas nommée explicitement) où se trouve un temple et où la divinité est portée en procession. La danseuse a montré de façon assez spectaculaire les roues du chariot et s'est montré très convaincante en montrant les hommes qui tirent sur les cordes pour le mettre ne mouvement. Dans la deuxième de l'Anupallavi, le texte évoque la conque et le disque de Rajagopalan (Vishnu) devant lequel l'héroïne s'émerveille. De façon très pertinente, la danseuse développe un Sanchari relatant un épisode dans lequel Vishnu utilise ce disque. Il s'agit de l'histoire de de l'éléphant Gajendra attaqué pendant son bain par un crocodile. J'ai déjà vu des danseurs développer le bain de l'éléphant et l'attaque du crocodile dans des productions déraisonnables, le rôle protecteur de Vishnu devenant anecdotique. L'interprétation de Shweta Prachande m'a semblé très pertinente, efficace et émouvante puisque l'élément important en a été l'intervention de Vishnu. Après avoir montré de façon relativement brève l'attaque du crocodile, elle a représenté Vishnu qui entend l'appel à l'aide de Gajendra, et qui intervient pour le sauver. Grâce à son expression faciale, j'ai beaucoup apprécié la sérénité intérieure qui se dégageait dans sa représentation de Vishnu. La danseuse a représenté de façon intéressante le nom Rajagopalan en montrant un gardien de troupeau de la main gauche et en représentant une couronne avec la main droite. (Ceci me rappelle que lors d'une conférence à Paris, Tiziana Leucci avait expliqué que le nom de Rajagopalan était à double sens, puisqu'à l'époque de la composition de ce Varnam, ce nom pouvait désigner soit Krishna (Vishnu) soit le roi de Mysore ?). Dans la deuxième moitié du Varnam, la ligne de Caranam est représenté à la fois sous forme de Swaram et sous forme de texte “Pangana mayile...” (ce qui n'est pas le cas dans toutes les versions). L'héroïne est touchée par les flèches de Kama...
La danseuse a magnifiquement interprété le dix-neuvième Ashtapadi “Priye Charu”. Radha s'est montrée indifférente, voire hostile envers Krishna, et le poème nous fait entendre les paroles de Krishna pour reconquérir Radha. La danseuse avait indiqué dans sa présentation de la pièce que le poème (et aussi la chorégraphie) se plaçait du point de Krishna. La seule critique que je pourrais faire est que la danseuse n'a pas à mon avis assez caractérisé le personnage de Krishna. Sans forcément le représenter avec ses attributs habituels (flûte, plume de paon, etc.), je pense qu'il aurait été souhaitable d'adopter des postures un peu plus masculines pour bien faire comprendre que c'est un homme qui s'exprime, et qu'ainsi c'est bien Krishna qui souhaite que le doux pied de Radha se pose sur sa tête.
Après avoir interprété un Thillana composé par Dr. M. Balamuralikrishna et dont la chorégraphie était très exigeante, plutôt qu'un traditionnel Mangalam, la danseuse a choisi me semble-t-il une très apaisante composition d'Annamacharya consacrée à la Déesse sous le nom de Mahalakshmi. Un des détails remarquables de la chorégraphie réside dans la façon dont la danseuse a représenté sans la montrer la poitrine de la Déesse évoquée par le texte : elle s'est tout simplement mise de dos, sans doute pour éviter toute référence érotique qui ne siérait point à la représentation de ce Kirtana.
J'espère de pas avoir à attendre cinq ans supplémentaires pour assister à nouveau à un récital de cette danseuse dont le travail me semble admirable.
2019-01-03 13:53+0530 (சென்னை) — Culture — Musique — Danse — Danses indiennes — Culture indienne — Voyage en Inde XVIII
The indian fine arts society, Ethiraja Kalyana Nilayam, Chennai — 2019-01-02 à 16:30
Kum. Sruthi Natanakumar, danse bharatanatyam
K. Kalyanasundaram, nattuvangam
Smt Vidya Harikrishna, chant
Vedakrishnaram, mridangam
Kannan, violon
?, flûte
Thorayamangalam “Jaya janaki ramana...”
Padavarnam (Raga Shankarabharanam, Adi Tala)
“Sabaapathikku” (Rupaka Tala, Raga Abogi ?), composition de Gopalakrishna Bharati
Thillana (Raga Atana, Adi Tala), composition de Ponniah Pillai
Click here to read an English translation of this review.
Le frissonomètre a atteint d'irrésistibles sommets aujourd'hui lors du récital de Kum. Sruthi Natanakumar, disciple et petite-fille du Nattuvanar Guru K. Kalyanasundaram dont la famille est installée à Mumbai depuis les années 1940. (Sa famille et celle de K. P. Kittappa Pillai sont les représentants les plus éminents du style dit de Thanjavur, mais je ne sais pas très bien ce que cela veut dire puisque les styles de Kittappa et de Kalyanasundaram sont me semble-t-il aussi différents l'un de l'autre qu'ils ne le sont des autres styles..)
Le maître est un personnage très attachant. Juste avant que le récital commence, un (autre) homme très âgé est entré. Je n'ai pas entendu son nom, mais il fait semble-t-il comme lui partie d'une famille traditionnelle. Guruji (Kalyanasundaram) s'est approché de lui, avec ses jambes de 86 ans. Guruji s'était exprimé jusque là en tamoul, et quand il m'a vu au deuxième rang, il m'a demandé sans formalité en anglais “Does my tamil bother you?” et dans quelle mesure je comprenais le tamoul, j'ai répondu en hindi “Thora thora”, dont il a délicieusement donné une traduction tamoule.
La première pièce est Thodayamangalam, un ensemble de cinq compositions dédiées à Vishnu (sous la forme de Rama ou de Krishna) qui sont dans différents talas (Khanda Chapu, Mishra Chapu, Rupaka, Adi, m'a-t-il semblé) et qui sont séparées par des Tirmanams. C'est un plaisir immense pour moi d'entendre la voix de Kalyanasundaram récitant les onomatopées des passages rythmiques. La danseuse est précise rythmiquement et j'apprécie la douceur qu'il y a chez elle dans le haut du corps : ses positions de bras et de mains sont très précises, mais elle les exécute de façon gracieuse, pas du tout militaire.
La pièce principale a été un Padavarnam en Raga Shankarabharanam et Adi Tala. Guruji a pas mal parlé (en tamoul et un tout petit peu en anglais par égard pour moi !) pour présenter les pièces. Pour celle-ci, il a dit dans le langage de la musique plus qu'en tamoul que le texte commençait après “Ta ki ta”, autrement dit que dans la première moitié du Varnam les paroles commencent sur le et après le deuxième des huit temps d'Adi Tala. Il a aussi expliqué qu'il utilisait des combinaisons de syllabes traditionnelles, comme “ta-dit-dit-ta”. En entendant et en voyant ses Tirmanams, il apparaît évident que cet homme est un génie, tout simplement... Bien d'autres mridangistes et chorégraphes utilisent le même type d'ingrédients pour construire leur tirmanams, mais K. Kalyanasundaram est un des très rares à savoir faire de la bonne cuisine... Le troisième Tirmanam a été entièrement en usi (à contretemps). Assez souvent, certaines courtes formules conclusives ont été jouées en tishra-nadai (à l'échelle d'un temps du cycle ou de la moitié d'un temps). La plupart des Nattuvangam artists ralentissent quand ils basculent en tishra-nadai, mais Guruji a une maîtrise absolue de la régularité de la pulsation (Kalapramanam). Bien que la danse soit rythmiquement très complexe, je n'ai eu aucune difficulté à suivre le tala pendant l'ensemble du récital.
L'étroitesse du créneau horaire ne permettait pas de très longs développements dans l'Abhinaya : les lignes d'Ettugada Sahitya n'ont été interprétées qu'une seule fois (en Tattu Muttu). Il y a néanmoins eu un délicieux Sanchari pour la deuxième ligne du Pallavi dans lequel l'amour de l'héroïne pour la divinité lui fait perdre le goût pour la musique, etc. Les chorégraphies ne montrent le plus souvent que l'héroïne. Ici, c'était comme un dialogue entre l'héroïne et son amie (sakhi), qui tente tout pour lui faire retrouver le goût des choses. Celle-ci prépare un verre de lait, mais l'héroïne le refuse. Dans le lit de fleurs, elle tombe sur une épine. Plus loin, dans son sommeil, elle voudrait rêver, mais c'est un cauchemar qu'elle fait.
Pendant l'ensemble du récital, la sonorisation de la chanteuse n'était sans doute pas bien réglée, contrairement à celle du Nattuvanar : je n'arrivais pas à distinguer les consonnes dans le chant de Vidya Harikrishna, ce qui m'a rendu quasiment impossible d'entendre les mots chantés. En particulier, je n'ai pas réussi à bien rentrer dans la pièce suivante sur Shiva, dans sa forme résidant à Chidambaram. Bref, je n'ai pas toujours réussi à bien distinguer l'intention dans certains passages expressifs. La danseuse semblait très convaincante dans son interprétation, mais je n'arrivais pas à distinguer le sens. Cela dit, je préfère me perdre parfois et me sentir subjugué par le spectacle comme cela a été le cas lors de ce récital, plutôt que d'assister un spectacle en ayant le sentiment de voir toutes les ficelles...
(Guruji a fait à un moment une remarque sur sa façon de chorégraphier les Tattu Muttu, ces passages dans lequels la danseuse interprète le texte tout en effectuant des motifs rythmiques précis avec les pieds. Pendant tout le récital, les motifs rythmiques des Tattu Muttu ont été beaucoup plus complexes que ce que l'on voit d'habitude (beaucoup de takadimi, parfois un peu de takita à la fin des phrases, ces motifs étant construits en général indépendamment de la prosodie du texte). Dans le style de Kittappa Pillai (qui était aussi de la Thanjavur bani), la prosodie du texte prime sur le tala : les contours rythmiques des Tattu Muttu épousent les contours des mots, et comme les mots ont des durées musicales différentes, les motifs rythmiques peuvent sembler très complexes, mais comme ils sont extrêmement musicaux, ils sont d'autant plus agréables à danser. Dans la mesure où la sonorisation imparfaite m'empêchait de bien distinguer les consonnes dans le chant, je ne saurais dire si Guruji suit le même principe associant de façon harmonieuse poésie, musique et danse.)
Le récital s'est poursuivi avec un sublime Thillana. Je me suis particulièrement délecté lors des Mai adavus dans lesquels la danseuse a montré une maîtrise complète des contretemps, la plupart des séquences commençant usi (off-beat). Un véritable festin rythmique !
Je me perds un peu dans mes notes, mais la danseuse a dû conclure son récital par une courte pièce dédiée à Muruga.
Pendant ce récital d'après-midi, plusieurs fois j'ai cru mourir de plaisir ! Avec la programmation folle à Chennai, j'aurais bien pu aller à un ou deux autres récitals dans la foulée, mais j'ai préféré rester sur le sentiment de plénitude apporté par Sruthi & K. Kalyanasundaram.
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This is a translation of the above review in French.
Today, my goosebumps-meter has reached irresistible heights during the recital by Kum. Sruthi Natanakumar, disciple and grand-daughter of Nattuvanar Guru K. Kalyanasundaram, the family of whom settled in Mumbai in the 1940s. (His family and the family of K. P. Kittappa Pillai are the most eminent representatives of the Thanjavur style (or bani), but I am not sure what it means exactly as I feel that Kittappa's and Kalyanasundaram's styles are as different from each other than they are from the other styles.)
The maestro is a very engaging and charming person. Just before the recital started, another older man entered. I did not understand his name, but it seems he also belongs to a traditional family of artists. Guruji (Kalyanasundaram) approached him, with his 86-year old legs. Guruji had spoken only in tamil until then, but when he saw me sitting in the second row, he casually asked me in English “Does my tamil bother you?” and to what extent I would understand tamil, I answered in hindi “Thora thora”, which he deliciously translated into tamil.
The first item was Thodayamangalam, which is a set of five compositions dedicated to Vishnu (under the form of Rama or Krishna). They are in differents talas (Khanda Chapu, Mishra Chapu, Rupaka, Adi, as it seemed to me) and they are interspersed with Tirmanams. It has been an immense delight for me to listen to Kalyasundaram when he was reciting the shollukattus. The dancer is rhythmically very precise and I like very much the softness in her upper body movements: her positions of arms and hands are very precise, but she performs them in a very gracious manner, not at all in a military style.
The main item was a Padavarnam in Raga Shankarabharanam and Adi Tala. In order to introduce the items, Guruji spoke a lot (in tamil and a little bit in English out of regard for me!). For this item, he said not exactly in tamil but in the language of music that the sahitya would start after “Ta ki ta”, which means that in the first half of the Varnam, the lyrics would start on the "and" after the second of the eight beats of Adi Tala. He also explained that he would use combinations of traditional syllabes like “ta-dit-dit-ta”. By watching and listening to his Tirmanams, it seems obvious to me that this man is a genius. Many other mridangists or choreographers are using the same sort of ingredients in order to construct their tirmanams, but K. Kalyanasundaram is one of the very few who know how to cook good cuisine... The third Tirmanam was entirely in usi (i.e. offbeat). Quite often, it seemed to me that some concluding rhythmic formulas were done in Tishra-nadai (at the small scale of only one beat, or even half a beat!). Many nattuvangam artists slow down a little bit the tempo when they switch to Tishna-nadai, but Guruji has an absolute mastery over the regularity of the pulse (Kalapramanam). Although the dance was rhythmically very complex, I did not feel any difficulty to follow the tala during all the recital.
Unfortunately, the shortness of the dance slot did not allow long elaboration in the Abhinaya: the Ettugada Sahitya lines have been performed only once (in Tattu Muttu). However, the dancer exquisitely performed a Sanchari for the second line of the Pallavi. Because of her love for the God, the Nayika loses her taste for music, etc. Most choreographies would show only the Nayika. Here, it was interestingly staged as a dialogue between the Nayika and the Sakhi who is trying all her best to make the Nayika recover her taste for all the beauty in life. The sakhi would prepare a glass of milk, but the heroin would refuse it. In a bed of flowers, she would find only a thorn. Later, in her sleep, she would like to dream, but she is only doing a nightmare.
During the recital, the tuning of the microphone was good for the Nattuvanar, but not for the singer; then, I was not able to distinguish the consonants in the beautiful singing of Vidya Harikrishna. This prevented me from understanding some words in the sahitya. In particular, I could not enter properly into the following item on Shiva, in his form residing in Chidambaram. In short, I could not fully get the intention in the expressive sections. The dancers seemed very convincing in her interpretation, but I could not follow the meaning. However, I prefer being sometimes lost and overwhelmed by the dance as it has been the case in this item, rather than attending programmes where I would feel I understand everything and that I could pull all the narrative strings myself.
(At some point, Guruji made a remark about his way of choreographying the Tattu Muttu, these segments where the dancer interprets the sahitya while executing specific precise rhythmic footwork.) During all the programme, I have felt that the Tattu Muttu patterns have been much more complex than what we usually see (which is lots of takadimi, sometimes some takita in second half of sahitya lines, i.e. patterns that are usually constructed independently of the prosody of the text). As I have been taught by Sucheta Chapekar (guru of my teacher in Paris), in the style of Kittappa Pillai (also from the Thanjavur bani), the prosody of the text is more important than the tala: the rhythmic contours of the Tattu Muttu follows the contours of the words, and as the words have longer or shorter musical lenghts, the rhythmic patterns of the Tattu Muttu may seem very comlpex, but as they are extremely musical, they are a real pleasure to perform. Because the microphone of the vocalist was not properly tuned, I could not properly distinguish the consonants in the singing. Then, I am not able to say whether the principles following by Guruji are the same as Kittappa's in their way of bringing together in a harmonious manner the poetry, the music and the dance.)
The recital continued with a sublime Thillana. I have particularly enjoyed the Mai adavus during which the dancer proved a full mastery over off-beats: most of these sequences started usi. An authentic rhythmic delight!
I am a little bit lost in my notes, but it seems the dancer ended her recital with a short item on Muruga.
During this afternoon recital, several times it was as if I was about to faint or die from the intense aesthetic pleasure I was feeling! Due the crazy schedule of performances in Chennai, I could have attended one or two other recitals just after this one, but I preferred staying with this sentiment of fullness brought by Sruthi & K. Kalyanasundaram.
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