Weblog de Joël Riou

« Wasifuddin Dagar à l'Institut des Cultures d'Islam | “Rencontres avec le Gange” »

Götterdämmerung à Bastille

2011-06-13 00:16+0200 (Orsay) — Culture — Musique — Opéra

Opéra Bastille — 2011-06-12

Torsten Kerl, Siegfried

Iain Paterson, Gunther

Peter Sidhom, Alberich

Hans-Peter König, Hagen

Brigitte Pinter, Brünnhilde

Christiane Libor, Gutrune, Dritte Norn

Sophie Koch, Waltraute

Nicole Piccolomini, Erste Norn, Flosshilde

Caroline Stein, Woglinde

Daniela Sindram, Zweite Norn, Wellgunde

Philippe Jordan, direction musicale

Günter Krämer, mise en scène

Jürgen Bäckmann, décors

Falk Bauer, costumes

Diego Leetz, lumières

Otto Pichler, chorégraphie

Stefan Bischoff, création images vidéo

Patrick Marie Aubert, chef du chœur

Orchestre et Chœur de l'Opéra national de Paris

Götterdämmerung, Wagner

Épisodes précédents :

Comme je l'avais fait pour le prologue et les deux premières journées du festival scénique du Ring, voici un résumé de la dernière. Dans le prologue du Crépuscule des Dieux, trois nornes se lamentent sur les fautes commises par Wotan : il a bu à une source, il a fait tomber le frêne du monde, il a dompté le feu Loge. Elles annoncent l'incendie du Walhalla. On retrouve ensuite Siegfried et Brünnhilde là où on les avait laissés à la fin de Siegfried. On assiste à une scène d'adieux, Siegfried s'en allant pour de nouveaux exploits. Il laisse à Brünnhilde le soin de conserver l'anneau.

Au début du premier acte, de nouveaux personnages (Gibichungen, vivant au bord du Rhin) préparent un mauvais tour à Siegfried. Hagen, fils d'Alberich, voudrait que Gutrune et Gunther se marient. À Gunther, il vante les mérites de Brünnhilde, mais il dit aussi qu'elle réside dans un lieu inaccessible pour lui. La seule solution est que Siegfried aille l'y prendre pour lui. En échange, on lui donnera la main de Gutrune. (Ce qui intéresse Hagen, c'est bien sûr l'anneau !) Comme par hasard, Siegfried passe par là, on lui sert quelque breuvage enchanté, et il tombe immédiatement sous le charme de Gutrune. Il a complètement oublié Brünnhilde. Il accepte d'aller la chercher en prenant les traits de Gunther grâce au pouvoir du Tarnhelm. De leurs sangs mêlés, Gunther et Siegfried scellent un pacte. Mort à celui qui viendrait à le rompre. Nous sommes de retour au rocher de Brünnhilde, où celle-ci reçoit la visite de Waltraute, une autre Walkyrie. Les deux femmes ne peuvent se comprendre. Waltraute voudrait qu'elle rende l'anneau aux filles du Rhin, mais pour Brünnhilde, ce serait trahir Siegfried. C'est celui-là-même qui vient la trahir, comme il a été manigencé plus haut. Il lui arrache l'anneau des mains. Ils passent la nuit ensemble, mais l'honneur selon Siegfried est sauf puisqu'ils sont séparés l'un de l'autre par l'épée Notung.

Au début du deuxième acte, Alberich vient attiser les désirs de Hagen, l'incitant à tuer Siegfried. Plus tard, Siegfried, précédant Gunther et Brünnhilde revient chez les Gibichungen. Il explique à Hagen et Gutrune ce qui vient de se passer. On s'apprête à célébrer l'union de Gunther et Brünnhilde et de Gutrune et Siegfried. Quand le nom de Siegfried est prononcé, Brünnhilde comprend qu'elle a été trahie (pour l'enlever, Siegfried avait pris la forme de Gunther, elle ne pouvait donc pas le reconnaître, mais d'un autre côté, elle avait la promesse de Wotan que seul un vaillant héros pourrait traverser les flammes pour la rejoindre...). Brünnhilde décide de provoquer la zizanie. Elle s'étonne que ce soit Siegfried qui porte l'anneau à son doigt, vu que c'est Gunther qui est censé l'avoir enlevée. Siegfried est persuadé d'être tout ce qu'il y a de plus honorable, il ne comprend pas ce que dit la femme de Gunther. Ces paroles déclenchent la colère de Gunther, qui est attisée encore davantage par Hagen. Avec Brünnhilde, ils décident de tuer Siegfried. Elle leur indique que la seule manière est de l'atteindre dans le dos. Par égard pour Gutrune, on décide de faire passer le meurtre pour un accident de chasse.

Au troisième acte, lors de la chasse, Siegfried s'est détaché du groupe. Il se retrouve au bord du Rhin et rencontre les trois filles du fleuve. Celles-ci chantaient, espérant voir arriver celui qui leur rendrait l'anneau. Elles lui expliquent que l'anneau est maudit et que la seule manière de lever cette malédiction est qu'il leur donne l'anneau. Lui explique qu'il n'a pas appris la peur. Elles lui annoncent qu'il va mourir le jour-même. À un moment de la discussion, il offrirait bien l'anneau contre l'amour d'une des filles du Rhin, quoique ce soit inconvenant vis-à-vis de Gutrune. Après quelques hésitations, Siegfried garde finalement l'anneau. Hagen, Gunther et les autres chasseurs le rejoignent. On discute, on discute. Siegfried se retrouve à raconter son enfance... Il en vient à expliquer qu'il a obtenu la faculté de comprendre le langage des oiseaux en tuant le dragon Fafner. Il raconte ce que l'oiseau lui avait chanté dans Siegfried. Pour lui faire retrouver encore un peu mieux la mémoire, on lui faire boire un nouveau breuvage. Il prononce avec ardeur le nom fatidique de Brünnhilde. Hagen le tue d'un coup de lance dans le dos. Dans la dernière scène, on rentre de la chasse. Gutrune est inquiète. Serait-il arrivé quelque chose à Siegfried. On n'arrive pas à lui cacher longtemps la vérité. Elle se lamente du malheur apporté par Brünnhilde. Celle-ci demande qu'on dresse un bûcher funéraire. Avant de s'y jeter, elle lance un trait enflammé en direction du Walhalla... Le Rhin envahit les lieux. Les filles du Rhin s'emparent de l'anneau. Devenu fou, Hagen se précipite désespérémment dans le Rhin pour tenter de récupérer l'anneau, en vain.

Du côté de la mise en scène de Günter Krämer, si celles de Das Rheingold et de Die Walküre m'avaient déplu et si celle de Siegfried m'avai semblée assez satisfaisante, il y avait dans tous les cas de la matière (avec laquelle on pouvait ou non être en accord). Dans Götterdämmerung, il n'y a strictement rien et tout est extraordinairement statique. On n'observe aucune cohérence d'ensemble entre les quatre volets de la tétralogie, ou si on avait pu croire qu'il y en avait une, le metteur en scène montre que ce n'était qu'une vaste plaisanterie. Le fameux grand escalier qui reliait la terre au Walhalla reparait ici il me semble deux fois. Une fois quand Waltraute descend pour rencontrer Brünnhilde. C'est normal. Plus loin, le même escalier fait office de gradins pour le chœur en rang d'Oignon qui accueille l'arrivée de Gunther et Brünnhilde. Un troisième lieu de villégiature a été donné à Brünnhilde. Alors qu'on l'avait quittée sous une simple table dans Die Walküre, elle avait reparu couchée sur le grand escalier, légèrement en hauteur. Dans ce dernier volet, on la retrouve dans un nouveau lieu avec néanmoins toujours ladite table. Quand Waltraute viendra la voir, il y aura encore eu des changements, des meubles ayant été ajoutés faisant de Brünnhilde une parfaite bourgeoise.

Les Nornes sont habillées de sobres robes noires. Dans la deuxième partie du prologue, elles restent immobiles au fond de la scène. Vers la fin, elles passent par dessus leur robe le costume hideux des Filles du Rhin vu dans Das Rheingold. Quelques secondes plus tard, elles retrouvent leur costume précédent et font cependant quelques mouvements ondulatoires avec les mains derrière un grand écran vertical transparent où s'animent des images fluviales. Pourquoi pas. Mais pourquoi donc s'en vont-elles à peu près précisément au moment où les motifs présents dans la musique se mettent justement à évoquer le Rhin (Siegfrieds Rheinfahrt). À ce moment-là, un ballet ridicule est exécuté par des hommes habillés en femmes qui disposent des tables et des bancs (dont on ne fera aucun usage plus tard).

Le grand écran électrique transparent devient le principal ingrédient scénographique de cette production. Cela fait d'ailleurs un peu peur dans la première partie quand on voit ce haut échafaudage tourner avec tout le décor autour d'un axe tandis que les nornes s'avancent. À la fin de l'opéra, avant la réapparition des filles du Rhin, il n'y a en scène que Brünnhilde, le grand écran et le corps de Siegfried. La scène m'a paru bien ennuyeuse... Elle se termine en pied de nez : sur l'écran apparaissent des images d'un jeu vidéo style Doom où il faut dégommer le maximum de dieux.

L'autre trouvaille a été de faire de Hagen un personnage en fauteuil roulant, plus ou moins manipulé par Alberich, qui, scandâââle, prononce les dernières paroles de l'opéra : Zurück vom Ring!, alors que ce sont les derniers mots de Hagen dans le livret.

Il y a peut-être une scène qui est à peu près réussie : celle où Siegfried prend la forme de Gunther grâce au Tarnhelm pour enlever Brünnhilde. Les interprètes de Siegfried et Gunther sont tous les deux en scène, Siegfried posté derrière Gunther en tenant le Tarnhelm devant lui pour dissimuler son visage à la vue de Brünnhilde. On pourrait penser que pour le metteur en scène, seul Siegfried est présent et Gunther n'est qu'une marionnette (incapable de faire du lip synch) apparue par le pouvoir du Tarnhelm, mézalor il est étrange que les interprètes de Brünnhilde et Gunther se retrouvent couchés collés l'un contre l'autre tandis que de l'autre côté de la scène Siegfried jure devant Notung qu'il reste à l'écart de l'épouse de Gunther. Ou bien il faut penser que Gunther est aussi présent avec Siegfried, mézalor on contredit la suite du livret puisque Gunther n'est censée rencontrer Brünnhilde que le lendemain.

Parmi les autres bizarreries, dans les moments qui précèdent le meurtre de Siegfried, celui-ci refuse de prendre le breuvage (du whiski probablement) que lui tend Hagen. Comment retrouve-t-il la mémoire sans ça ?

Pour moi, des quatre mise en scène que l'on a vu dans ce cycle, c'est indiscutablement celle qui est la plus ratée.

Du côté de la musique, alors que j'avais été véritablement enchanté par la prestation de l'orchestre dans Siegfried, je sors de cette représentation relativement déçu. Il s'est trouvé un certain nombre de passages où j'avais l'impression qu'il y avait des hésitations au démarrage et d'autres où des phrases musicales m'ont paru méconnaissables (exemples : motifs des Gibichungen, du meurtre, de la rédemption par l'amour), en tout cas moins claires que ce à quoi je suis habitué. Cette impression générale est peut-être liée au fait qu'il soit beaucoup fait usage des cuivres dans cet opéra. Parmi les bonnes choses, il y a eu les fabuleuses interventions des clarinettes puis des hautbois reprenant le motif de Brünnhilde, repris par l'orchestre et culminant en un rappel du Salut au monde avant l'entrevue de Brünnhilde avec Waltraute. Dans la marche funèbre de Siegfried, on a entendu un fort beau déploiement de décibels. (À noter aussi, cela dure une demi-heure de plus que la version Boulez/Chéreau !)

Du côté des voix, presque tous les rôles me semblent fort bien interprétés. Hans-Peter König est superbe en Hagen, comme Iain Paterson en Gunther. J'ai aussi aimé les Filles du Rhin, les Nornes, Gutrune, Waltraute. Même Torsten Kerl (Siegfried) que j'avais eu du mal à entendre dans Siegfried passe sans souci la rampe.

Mon principal problème avec cette représentation vient de l'interprète de Brünnhilde, Brigitte Pinter, qui a dû remplacer Katarina Dalayman (souffrante). Conditions peu idéales pour une prise de rôle ! J'ai été gêné par la voix un peu fatiguée qui ne tient pas toujours jusqu'au bout des phrases et qui est parfois recouverte par l'orchestre. Cela n'admet pas vraiment d'explication rationnelle et cela ne se commande pas, mais je suis très étonné de n'avoir absolument pas été ému par la scène finale.

PS : Mon avis sur l'orchestre s'est bonifié lors de la dernière représentation.

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Commentaires

1. 2011-06-15 19:03+0200 (Genoveva)

C'est vrai, ce dernier volet est très décevant pour moi aussi ! j'ai trouvé plusieurs scènes tellement ridicules, que même si c'est pour dénoncer certains points de vue, je n'ai pas aimé du tout ! J'ai entendu Katarina Dalayman : c'est une voix très puissante !


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